Les eaux des sources thermales en Bourgogne
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Les eaux des sources thermales en Bourgogne
Colloque International OH2 « Origines et Histoire de l’Hydrologie », Dijon, 9-11 mai 2001 International Symposium OH2 ‘Origins and History of Hydrology’, Dijon, May, 9-11, 2001 Les eaux des sources thermales en Bourgogne Michel Pauty Président de l’Académie des Sciences, Arts et Belles Lettres de Dijon De quelques sources thermales d’ici et d’ailleurs Depuis les temps les plus reculés, les hommes ont plus ou moins fréquenté les sources, comme le montrent les résultats de fouilles archéologiques. Le caractère était peut-être religieux, car on ne possède pas, a priori, de renseignements sur les propriétés curatives des eaux. Le thermalisme sera cependant l’une des thérapeutiques des plus anciennes, même si les actions sont controversées encore de nos jours. Dans les plus anciennes dynasties égyptiennes, on se baignait, les Grecs se rapprochèrent des sources sulfurées avec un double objectif : médical, comme le conseillait Hippocrate, divinatoire avec les pythies qui humaient les émanations des sources, notamment à Delphes. L’extension de l’Empire romain a permis à ce dernier d’assimiler les pratiques des populations conquises avec les ablutions rituelles. Selon Pline, les Romains regardaient les thermes comme leur médecine favorite. Ils y trouvaient de nombreuses vertus médicales et de nombreuses ressources contre leurs maux. Ils utilisaient des bains de vapeur, des étuves, des bains chauds, tempérés, publics, particuliers. Les invasions barbares, les inondations, les cataclysmes détruisirent les stations balnéaires qui ne reprennent vie qu’au retour des Croisés. Le mal de Judée contracté en Palestine était guéri par les eaux. Des stations se recréèrent sous l’influence des ordres monastiques : Templiers, Célestins, Cordeliers et Capucins. Les guerres d’Italie et de Religions donneront un nouvel essor au thermalisme ; les soldats vinrent aux thermes pour panser leur blessures. En 1580, Louise de Lorraine, épouse d’Henri III, fait exécuter des réparations au puits « de la Reine », de Bourbon-Lancy. Richelieu veut rendre utile (en parlant de Bourbon-Lancy) de « si merveilleuses curiosités ensevelies dans les entrailles de la terre ». En 1672, Jean II Casimir, après son abdication comme roi de Pologne, prend les eaux à Alise durant un mois. Au XVIIIe siècle, l’Hydrothérapie revient à la mode. Louis XV va fonder à Bourbonne un hôpital militaire, et Stanislas Leczinski va développer Plombières. Les Parisiens fréquentent les eaux de Passy, Auteuil, Belleville, des Batignoles. 1 © Université de Bourgogne Colloque International OH2 « Origines et Histoire de l’Hydrologie », Dijon, 9-11 mai 2001 International Symposium OH2 ‘Origins and History of Hydrology’, Dijon, May, 9-11, 2001 Après la Révolution, les blessés se pressent aux sources patriotiques de Barèges « de la Montagne » et « des Sans-Culottes ». Napoléon fréquente Aix-lesBains avec sa famille et sa cour. Sous le Second Empire, avec l’avènement du chemin de fer, les villes d’eau se multiplient et se modernisent. On s’éloigne de Paris, et l’Impératrice Eugénie donne son nom à une station des Landes. Au cours de la IIIe République, les spécialisations s’affirment, les techniques se précisent. La Première Guerre Mondiale draine à nouveau les soldats aux eaux. L’entre deux-guerres voit se développer le thermalisme parmi les classes moyennes. La Seconde Guerre Mondiale met le thermalisme en sommeil, puis on assiste à une reprise des grandes stations thermales. 50 720 curistes en 1948, 80 190 en 1951, plus de 600 000 en 1984. Les eaux minérales de Bourgogne Sur les dix-huit sources thermales ou ensembles de sources de Bourgogne, en 1675, Du Cros en donnait six ; en 1818, Patissier sept. Deux figurent dans tous les inventaires : Bourbon-Lancy et Pougues-les-Eaux. Viennent ensuite SaintHonoré-les-Bains et Saint-Parize-le-Châtel. La liste des stations utilisées à l’heure actuelle est très courte, et en 1983, d’après les dossiers parvenus à la Sécurité Sociale, on a recensé : • Saint-Honoré-les-Bains : 5 253 curistes • Bourbon-Lancy : 2 489 curistes • Maizières : 109 curistes • Santenay : 59 curistes Aucune station d’embouteillage ne fonctionne. NIÈVRE Pougues-les-Eaux Les eaux sont froides (12,5°C à 13°C), hydrogéno-carbonatées, calcomagnésiennes et sodiques, avec une teneur de 2 ou 3 mg/l. Les débits mesurés en 1980 étaient, pour la source Alice, de 4,78 m3/j ; 6,34 m3/j pour Saint-Léger ; 17,28 m3/j pour Élisabeth. La station a connu son maximum de fréquentation du XVIe au XVIIIe siècle avec comme curiste Catherine de Médicis, les rois de France, d’Henri II à Louis XIV, la marquise de Montespan, les filles de Louis XV et Jean-Jacques Rousseau. La cure se faisait, soit sur place, soit avec des eaux expédiées. La station est fermée depuis 1971. Les eaux de Pougues soignaient les gastralgies, les insuffisances hépatiques, le diabète et l’anémie. 2 © Université de Bourgogne Colloque International OH2 « Origines et Histoire de l’Hydrologie », Dijon, 9-11 mai 2001 International Symposium OH2 ‘Origins and History of Hydrology’, Dijon, May, 9-11, 2001 Bourgeois M. : Pougues-les-Eaux. Étude des sources minérales en vue d’une reprise éventuelle de leur exploitation. Rapp. BRGM 80 SGN 266 AUV, 26 p., 8 fig., 2 cartes. Saint-Honoré-les-Bains et Saint-Parize-le-Châtel Saint-Parize-le-Châtel a trois sources : les Fonds-Bouillants, Élysée et Gelin, ou des Vertus. Les eaux sont froides (12°C à 12,8°C), carbogazeuses (1,3 g/l de gaz carbonique libre aux Fonds-Bouillants), calco-magnésiennes et sulfatées sodiques, avec une teneur en fer de 7,9 à 10 mg/l. Elles étaient appréciées par Curnonsky, mais aujourd’hui les sources ne sont plus exploitées. On soignait la diathèse arthritique, la lithiase rénale, la goutte et l’eczéma. SAÔNE-ET-LOIRE Bourbon-Lancy Cette station est située sur une cassure jalonnée sur 10 km par des venues chaudes, les « crots chauds », souvent utilisés comme lavoirs. La station comportait cinq sources : la plus ancienne, la Lymbe, date de l’époque romaine, et quatre autres, la Reine, Descures, Valois et Saint-Léger, seules les deux premières débitaient en 1950. Le débit était de 400 à 5 000 m3 par jour. Trois sondages effectués en 1959 et dénommés la Reine, la Marquise et Piatot sont venus les remplacer. La température est élevée puisqu’on enregistre pour la Reine 59,7°C. Les eaux sont peu minéralisées (1,74 mg/l), elles sont légèrement radioactives. On a noté la présence de développements biologiques qui sont appelés dans la littérature des « conferves ». Ils sont dus à des Cyanobactériacées. Les origines de Bourbon-Lancy sont très anciennes. Son nom est d’origine celtique et la station figure sur la carte de Peutinger parmi les thermes médicaux de l’Empire Romain. Catherine de Médicis y vint soigner une stérilité. Et Jan Farnel, le maître sire Qui faisi que d’Hanri secon Lai fanne faisi cin garçon, Po dessu une pucelle Aimable, charmante et si belle Qu’el en fu poyé grasseman An dôble hanri d’or et pezan. Aimé Piron. L’évaireman de la peste. 3 © Université de Bourgogne Colloque International OH2 « Origines et Histoire de l’Hydrologie », Dijon, 9-11 mai 2001 International Symposium OH2 ‘Origins and History of Hydrology’, Dijon, May, 9-11, 2001 Les eaux de Bourbon-Lancy, conseillées par Jean Farnel, ou Fernel (Clermont–en-Beauvaisis, 1497 – Paris, 1558), arrivèrent à donner un héritier au couple royal. Jean Farnel, astronome, mathématicien et aussi médecin, qui avait déjà guéri Diane de Poitiers, devint le médecin d’Henri II. Il reçut, neuf mois après la cure, mille écus pour l’heureuse délivrance, ce que rapporte Aimé Piron. Après le passage de Jean Fernel, qui pensait comme Aristote et parlait comme Cicéron, Catherine de Médicis enfanta donc, au bout de dix ans de mariage ; avec Henri le Second, elle n’eut pas, comme l’écrivit Aimé Piron, six enfants, mais neuf, à savoir quatre princes et cinq princesses. Quant au pezan, il s’agit du besan d’or qui valait 50 sols au temps de SaintLouis. Le géographe Nicolas de Nicolay, Sieur d’Arfeuille, signale en 1569 que l’eau : « endurcit les tétins aux femmes qui s’y baignent après leur gésine, et leur ventre et resserre la nature ». Henri III, Henri IV, Louis XIV y firent des travaux, et Henri III, Charles IX, François II, le Cardinal de Richelieu, Madame de Sévigné prirent les eaux de Bourbon. En 1671, un examen de l’Académie des Sciences de Paris crut reconnaître que celles-ci étaient meilleures et plus utiles pour la santé qu’aucune des eaux minérales de France… Jean-Marie Pinot, médecin à Bourbon, écrivit une lettre imprimée in 12 à Dijon en 1743 et 1752, et Philippe Mouteau écrivit : « Les Miracles de la nature » en la guérison des maladies par l’usage des eaux de Bourbon-Lancy, imprimé à Autun en 1655 et Chalon en 1660. Au XVIIIe siècle, La Framboisière conseillera d’alterner les cures de Pougues pour boire les eaux acides avec celles de Bourbon-Lancy : « Pour rafraîchir le foye et les reins, eschauffez outre mesure par le long usage des bains ». Lors de la période révolutionnaire, le district de « Bellevue-les-Bains », cidevant Bourbon-Lancy, fut supprimé car la cité avait laissé les aristocrates prendre les eaux. Plus près de nous, nous pouvons citer les travaux suivants : Louis (J.), Mitry (Y.) et Louis (R.) : La station thermale de Bourbon-Lancy. Caractéristiques hydroclimatiques. Techniques de cure. La presse thermale et climatique, 1973, n°2, pp. 72-76. Marion (M.), Toubin (J.), Brette (G.) et Gremille (L.) : Études des ressources hydrauliques des sources thermales de Bourbon-Lancy en vue de leur utilisation pour le chauffage de l’hôpital. Rapport BRGM, 79, SGN, BOU, 25 p., 1979. On y soigne les séquelles du rhumatisme articulaire aigu, le rhumatisme chronique, la goutte et l’athérosclérose. Les eaux ont été embouteillées. Source de la Crôte Sur la marge nord du bassin de Blanzy - Montceau-les-Mines, on peut citer comme source thermale celle de la Crôte, sur la commune de Saint-Symphorien 4 © Université de Bourgogne Colloque International OH2 « Origines et Histoire de l’Hydrologie », Dijon, 9-11 mai 2001 International Symposium OH2 ‘Origins and History of Hydrology’, Dijon, May, 9-11, 2001 de Marmagne. Les eaux sont chaudes (24°C), riches en hélium, et sulfureuses, peut-être radioactives. Saint-Christophe-en-Brionnais Station délaissée aujourd’hui, elle a des eaux hydrogéno-carbonatées et sulfatées calciques, chlorurées sodiques et légèrement gazeuses. Le fer est présent à raison de 70 mg/l de carbonate de fer. On soignait à Saint-Christophe les dyspepsis gastro-intestinales et l’anémie. Bachelet (H.) : Les eaux minérales ferrugineuses gazéifiées de Saint-Christophe-enBrionnais. La Gazette médicale de Lyon, juin 1859, 12 p. CÔTE-D’OR Maizières (commune de Magnien) Les eaux étaient utilisées depuis la période gallo-romaine. Elles sont hydrogéno-carbonatées et sulfatées, calco-magnésiennes et chlorurées sodiques et riches en lithium. Elles sont radioactives et riches en gaz rares, dont l’argon et l’hélium. Le débit est faible, de l’ordre de 7,5 m3/j. On y soigne les calculs rénaux et hépatiques, les rhumatismes et le foie. Moquet : La source romaine de Maizières en Côte-d’Or. Mém. Acd. Sc. Arts et Belles Lettres de Dijon, 1927-1931, p. LXI-LXXI. Santenay-les-Bains La station possédait quatre sources : Fontaine Salée et sources Carnot, Lithium et Fontana. Les eaux sont très fortement minéralisées : 9,37 mg/l pour la source Lithium. Les eaux sont chlorurées sodiques et potassiques, sulfatées sodiques et calciques, et hydrogéno-carbonatées calco-magnésiennes. Le débit total est de 180 m3/j. Il existe toujours un casino. On soigne à Santenay les dyspepsies gastro-intestinales, les calculs rénaux, la goutte, l’arthritisme, les rhumatismes, le foie et le pancréas. Thomas-Caraman : Coup d’œil sur la source Lithium de Santenay en Côte-d’Or, 64 p., Doin éd., Paris, 1893. Longuy (H.) et Sauvageot (C.) : Notice sur Santenay, 86 p., Autun. Premeaux La minéralisation est assez faible, les eaux sont hydrogéna-carbonatées et sulfatées calco-magnésiennes et légèrement chlorurées sodiques. L’eau est riche 5 © Université de Bourgogne Colloque International OH2 « Origines et Histoire de l’Hydrologie », Dijon, 9-11 mai 2001 International Symposium OH2 ‘Origins and History of Hydrology’, Dijon, May, 9-11, 2001 en Hélium et sort à 18°C. Autrefois, la « Fontaine Galeuse » était embouteillée. La source de la Courtavaux formait un petit étang transformé en piscine. Gabriel Julbain fit imprimet, en 1661, un rapport fidèle des « vertus merveilleuses des eaux de Premeaux », et le docteur Cl. Pitois fit une réponse sur l’abus pernicieux de ces eaux faussement appelées minérales. Le Père Ange de Saulieu, capucin, publia aussi un « Traité sur ces eaux » en 1661. On peut rapprocher la recette de l’eau de frère Ange, capucin : Eau végétale de frère Ange, capucin Prendre deux onces de crème de tartre en poudre et les placer dans une terrine, verses dessus deux pintes d’eau bouillante, remuer avec une spatule de bois l’espace d’un Pater, puis verser doucement de l’eau de tartre calciné, il se forme une ébullition, arrêter lorsqu’elle ne se forme plus. Laisser refroidir et passer. Cette eau est bonne pour le soulagement des maladies qui dépendent des obstructions du foie et de la rate, et elle corrige l’intempérie des entrailles. Dose : en prendre tous les matins cinq ou six verres. Tous les cinq jours, on peut aussi dans le premier verre mettre une drachme ou deux de séné. La cure dure trois semaines. Le docteur Durande fit, en 1772, un Mémoire lu à l’Académie de Dijon, prétendant, comme Pitois, que ces eaux n’avaient aucune vertu. Comme le site est abandonné à l’exploitation depuis 1970… seules restent les études anciennes montrant un abondant dégagement de bulles de gaz (hélium, azote, gaz rares), et une richesse radioactive. Langevin (M.) : La fontaine Courtavaux à Premeaux, in Muscinées de la Côte-d’Or, 1898, pp. 165-172, Darantière éd., Dijon. Alise-Sainte-Reine La source de Sainte-Reine est ferrugineuse, hydrogéna-carbonatée et sulfatée calcique. Peu minéralisée, on peut douter de ses propriétés curatives, mais elle passait pour miraculeuse. Elle était embouteillée à raison de 2 000 bouteilles par an et il s’en vendait, d’après Courtépée, 40 000. Anne d’Autriche, la princesse de Conti, Madame de Scudéry, Stanislas Leczinsky, Marie Leczinska, le Maréchal de Saxe, Madame de Grignon, Madame de Sévigné et Racine en consommaient. Nous donnons la recette de l’eau minérale artificielle de M. du Blé, qui produisait les mêmes effets que l’eau de Sainte-Reine… Alors, de là à dire que l’écart de 38 000 bouteilles provenait de l’eau minérale artificielle de M. du Blé, il n’y a qu’un pas à franchir et que nous dédions au musée de la contrefaçon. Eau minérale artificielle de M. du Blé Prendre une demi-once de nitre bien épuré fondu dans dix pintes d’eau de fontaine ou de rivière. 6 © Université de Bourgogne Colloque International OH2 « Origines et Histoire de l’Hydrologie », Dijon, 9-11 mai 2001 International Symposium OH2 ‘Origins and History of Hydrology’, Dijon, May, 9-11, 2001 Trois verres de cette eau pris à jeun chaque matin lève les obstructions du ventre inférieur, ouvre les abcès du mésentère, des reins, de la vessie, de la rate. On a les mêmes effets qu’avec l’eau de Sainte-Reine. On peut aussi nettoyer les gales et grattelles, dartres et ulcères et les infections de peau. Il faut tremper alors un linge dans ladite eau. En 1760, une bouteille d’eau de Sainte-Reine se vendait à Paris 15 sols, et la bouteille d’eau de Forges « à l’ordinaire » coûtait aussi 15 sols, mais 1 livre et 15 sols si elle était livrée par relais. Les eaux étaient bonnes pour les maladies de la peau, la gale, les ulcères, les chancres, la syphilis, les maladies du foie et les calculs rénaux. Bolotte (M.) : Alise-Sainte-Reine aux XVIIe et XVIIIe siècles. Le pèlerinage. La station thermale. Histoire de l’hôpital, 203 p., 9 fig., 11 pl., 1970. YONNE Saint-Père-sous-Vézelay : les Fontaines Salées Elles sont situées au point de convergence de deux failles. Les eaux sont chlorurées sodiques et sulfatées calco-magnésiennes, fortement minéralisées, avec un résidu sec de 10 900 mg/l. La température est comprise entre 14,6° C et 15,3°C. Horon (O.), Megnien (Cl.), Soyer (R.) : Note sur les Fontaines Salées de Saint-Pèresous-Vézelay (Yonne), Bull. Soc. Géol. France, n°5, 1959, pp. 461-466. Appoigny, Toucy Elles avaient aussi des eaux riches en fer. 7 © Université de Bourgogne