Traitement des maladies allergiques

Transcription

Traitement des maladies allergiques
252
Chapitre 12
Traitement des maladies allergiques
Dr. Michèle RAFFARD
Allergologue
Centre Médical de l’Institut Pasteur, 75 rue de l’Eglise Ŕ 75015, Paris
[email protected]
AFVP
Monographie – Maladies allergiques
253
Chapitre 12-a
Traitement des maladies allergiques
(Michèle RAFFARD)
Le traitement des maladies allergiques quelque soit l’organe atteint repose sur la
pharmacothérapie, l’éducation dont l’éviction de l’allergène et l’immunothérapie
spécifique. Les propositions de traitement reposent sur des publications fondées sur des
preuves, c’est-à-dire des études contrôlées avec placebo sur un nombre suffisant de
patients. Elles ont permis d’édicter des recommandations sous forme de « guide lines »
telles pour l’asthme le GINA (www.ginasthma.com), pour la rhinite l’ARIA qui sont des
consensus internationaux. Pour l’eczéma atopique sévère de l’enfant et l’urticaire chronique
la Haute Autorité de Santé française à émis des recommandations spécifique qui sont
également en cours pour la prise en charge de la conjonctivite.
Chaque organe à sa spécificité et sa pharmacothérapie adaptée mais l’éviction des
allergènes dépend de l’environnement allergénique de même que l’immunothérapie qui a
des indications particulière selon les organes. Ces deux versants primordiaux pour le
traitement des maladies allergiques sont traités à part (voir chapitre « Éviction » et « ITS »).
Les traitements par organes sont décrits dans les chapitres correspondants à consulter.
Une thérapeutique particulière des maladies atopiques, l’Omalizumab, a été mise sur le
marché ces dernières années, il s’agit d’un anticorps monoclonal humanisé issu de souris
qui forme de petits complexes avec toutes les IgE circulantes et diminue la réactivité
nasale, bronchique et générale dans certains cas d’anaphylaxie alimentaire. Ce pendant cet
Anti IgE issu du génie génétique est très couteux et réservé aux asthmes allergiques
sévères non contrôlés par toutes les thérapeutiques usuelles.
Les médicaments des maladies allergiques
L’administration de la plupart des molécules se fait soit par voie générale, soit par voie locale
cette dernière permet une administration à plus faible dose et diminue nettement les effets
secondaires, en particulier pour les corticoïdes mais cette dernière administration n’est pas
toujours bien perçue par le patient.
Médicaments
AFVP
Voie locale
Voie générale
Bronchodilatateurs
Asthme
Asthme grave
Antihistaminiques
Nez
Nez
Œil
Urticaire
Monographie – Maladies allergiques
254
Adrénaline
0
Anaphylaxie
Corticoïdes
Nez
Asthme
Anaphylaxie
Bronches
Peau
Tableau I - Médicaments en allergologie.
Antihistaminiques
Présentation : comprimés, sirop, solution nasale, collyre
Voie générale
- 1ère Génération, courte durée d’action, somnolence fréquente : Chlorphéniramine,
Clemastine, Hydroxizine, Ketotifène, Oxatomide
- 2ème Génération, une prise par jour, peu d’effets secondaires : Azélastine, Cétirizine,
Desloratadine, Ebastine, Fexofenadine, Lévocétirizine, Loratadine, Mequitazine, Mizolastine,
Rupatadine.
Voie locale oculaire et nasale, pas de voie cutanée car risque de sensibilisation
Mécanismes : Bloquent les récepteurs à l’histamine
Effets secondaires : somnolence pour la 1ère génération
Indications : Rhinite, conjonctivite, urticaire associé ou non à l’angiœdème, pas d’activité dans
l’angiœdème non histaminique (voir ce chapitre) ni dans l’eczéma ni dans l’asthme où de
nombreux autres médiateurs plus puissants sont libérés lors de la réaction allergique.
Cromones : cromoglicate de sodium
Présentation Voie locale uniquement : nasale et oculaire
Mécanismes : Bloque la réaction allergique en inhibant l’entrée du calcium dans le mastocyte
Effets secondaires : aucun
Indications : rhinite et conjonctivite allergiques à IgE (acariens), activité préventive.
Corticoïdes
Présentation
- Voie générale Prednisone, Prednisolone
- Voie locale nasale et bronchique (CSI corticostéroïdes inhalés) Beclométhasone, budésonide,
fluticasone

AFVP
Les CSI pour l’asthme existent sous plusieurs formes :
o En poudre
o En suspension en flacons pressurisés
o En suspension pour nébulisation : budésonide chez l’enfant
o Seuls ou associés aux béta2-mimétiques
Monographie – Maladies allergiques
255
- Voie cutanée : lotion (liquide), crème contenant plus d’eau que la pommade qui est plus
grasse (voir tableau ).
Mécanismes : diminution de l’inflammation (voir chapitre Inflammation)
Effets secondaires : en cas d’utilisation prolongée par voie systémique, risque d’atteinte
d’atrophie de la surrénale, ostéoporose, HTA, diabète
Indications : - asthme, quelque soit son mécanisme, rhinite (voir ce chapitre) plus actifs que les
AH1surtout sur l’obstruction nasale.
- Traitement de choix des eczémas atopique et de contact, à utiliser avec précaution car
pénétration à travers la peau et donc risque systémique en cas d’utilisation prolongée ainsi
qu’atrophie cutanée.
- Associés à l’adrénaline pour éviter une réaction anaphylactique tardive
- Indispensables dans les réactions allergiques médicamenteuses cutanées graves.
Mais contre-indiqués dans l’urticaire chronique à part en cures courtes en cas de forte poussée
Bronchodilatateurs
Présentation
- Voie locale inhalée bronchique Βéta2 mimétiques (même présentation que les corticoïdes,
seuls ou en association)
- Voie locale inhalée bronchique et nasale : anticholinergiques, bromure d’ipratropium
- Voie sous-cutanée pour les Βéta2 mimétiques et anticholinergiques
Mécanismes : Broncho dilatation
Effets secondaires : tramblements
Indications : asthme


Action immédiate pour la crise, à la demande : Salbutamol, Terbutaline,
Action prolongée : en traitement de fond : Salmeterol, Formoterol
Antileucotriènes
Présentation comprimés adulte et enfants
Mécanismes diminution de l’inflammation par blocage de la voie de la lipoxygénase



Inhibition de la 5 lipoxygénase
Inhibition de la FLAP (Five Lipo Activating Protein), qui permet l’ancrage dans le
récepteur de tous les leucotriènes
Inhibition des récepteurs Cyst LT 1 (exemples : Pranlukast, Zafirlukast, Montelukast)
ou Cyst LT 2.
Effets secondaires : faibles
Indications : Protège en cas d’asthme à l’exercice, épargne l’utilisation des corticoïdes, traite la
rhinite, mais il existe des bons et mauvais répondeurs, non prévisibles.
Epinéphrine
Présentation injectable : voie sous-cutanée profonde en ampoule ou en stylo auto-injectable
pour le patient (Anapen)
AFVP
Monographie – Maladies allergiques
256
Mécanismes : sympathomimétique direct des voies α et β (vaso-constricteur)
Effets secondaires : tremblements, tachycardie, troubles du rythme
Indications : réaction anaphylactique avec chute de TA d’origine médicamenteuse, alimentaire
ou après piqure de guêpe ou d’abeille.
Trousse d’urgence du patient
1- Adrénaline = ANAPEN (auto-injectable)
+ Apprentissage de la manipulation
Jaune enfant 0,15mg < 20 kg
Vert Adulte >20 kg 0,30 mg X 1 ou 2
2 - Corticoïdes
Voie orale Solupred Oro 20mg : sur la langue
Injectable : IM
3 - Antihistaminique comprimés ou sirop
Voie orale (Kestin lyo)
4 - Broncho-dilatateur Inhalé
Antibiotiques en cas d’infection microbienne avérée.
A noter : suppression de la Néomycine dans les produits à usage cutané car risque de
sensibilisation.
Puissance anti-inflammatoire des corticoïdes
Classe IV - activité très forte


AFVP
Dermoval clobétasol
Diprolène diproponiate de
bétaméthasone
Monographie – Maladies allergiques
257
Classe III - activité forte

Betnéval et Celestoderm valérate de
bétaméthasone, Nerisone valérate de
diflucortolone

Diprosone dipropionate de
bétaméthasone

Efficort OHcortisone acéponade

Epitopic 0,05 difluprednate

Flixovate propionate de fluticasone

Locoïd OHcortisone 17-butyrate
Locatop désonide
Classe II - activité modérée

Celestodrm valérate de bétamathasone

Epitopic 0,02 difluoroprednate

Locapred, Tridésonit désonide

Topicorte désoxymétasone

Ultralan fluocortolone

Synalar acétonide de fluocinolone
Classe I - activité faible

Dermaspray, Hydracort, Kerapharm :
Hydrocortisone
Tableau I - Classification pour la voie cutanée.
AFVP
Monographie – Maladies allergiques
258
Chapitre 12-b
Prévention et éviction en allergie
(Michèle RAFFARD)
L’éviction des allergènes fait partie intégrante du traitement proposé au patient allergique (1), il
faut donc que les allergènes soient bien identifiés. Cette éviction sera d’autant plus efficace
quelle sera faite précocement. La prise en charge de l’allergie commence par un diagnostic
précoce comme l’a proposé l’Académie Européenne d’Allergie (2) pour que la prévention de
l’asthme et de l’allergie soit possible.
Cette prévention se décompose en 3 étapes :
- Prévention primaire : avant l’apparition des manifestations allergiques
- Prévention secondaire : éviction des allergènes identifiés
- Prévention tertiaire : toute thérapeutique visant à modifier le cours naturelle de la maladie,
éviction, médicaments et immunothérapie spécifique.
Prévention primaire
Avant l’apparition des manifestations allergiques, la prévention primaire s’adresse aux
nourrissons présentant un risque de développer une allergie (dermatite atopique ou asthme),
faisant partie d’une fratrie allergique avec un ou deux parents allergiques. Il a été proposé de
contrôler l’environnement pour diminuer la charge allergénique en acariens, mais l’allergène
n’ayant pas été identifié cela est utopique.
Des études de cohortes occidentales sur l’allaitement maternel jusqu’au moins au 5 ème mois
sont discordantes : pour certaines l’alimentation au lait de vache (lait en poudre maternisé) induit
un terrain atopique pour d’autres non. Ce pendant une fois l’allergie au lait de vache déclarée il
faut modifier l’alimentation (laits hypoallergéniques).
L’accord existe sur la diversification alimentaire plus tardive : à 6 mois (viande, fruits, légumes)
et après un an pour l’œuf et le poisson.
Le tabagisme passif est proscrit comme lors de la grossesse.
Prévention secondaire
Elle repose sur l’éviction des allergènes identifiés en modifiant l’environnement à l’intérieur de
la maison ou le régime alimentaire.
Eviction des acariens : Dermatophagoides pteronyssinus et Dermatophagoides
farinae (acariens domestiques) et Blomia tropicalis
La sensibilisation aux acariens est dépendante de la quantité d’allergènes ou charge
allergénique. L’augmentation de la concentration en acariens est associée à des sensibilisations
plus fréquentes, en particulier dans l’asthme
AFVP
Monographie – Maladies allergiques
259
La distribution géographique des acariens est à peu près la même sur tous les continents
compte tenu de la température, de l’humidité, de la latitude et de l’altitude. Au niveau de
l’équateur on trouve en particulier Blomia tropicalis. Quelques variations existent pour les
acariens appelés de stockage car ils peuvent infester des réserves de grains.
Il faut modifier le milieu où vivent les acariens en tenant compte de leur écologie
- Sensibilité à l’humidité > 60% et à la température : 25°C (de -18° à + 45°)
- Niche écologique : tous textiles en particulier la literie, (oreillers, matelas) et la moquette
- Nourriture
o Acariens domestiques : squames humaines
o Blomia tropicalis : végétaux, débris alimentaires
On réduira, dans la mesure du possible la température et l’humidité des chambres (aération ou
climatisation). La literie sera également aérée tous les jours et exposée au soleil, les draps
seront souvent changés et lavés à l’eau chaude, le matelas sera si possible aspiré chaque
semaine comme le sol : mesures qui contribuent à la diminution de la charge allergénique. Ne
pas utiliser de balais qui fait voler la poussière qui contient les acariens mais utiliser une toile
humide. Pour les enfants les peluches, réduites au minimum seront fréquemment lavées.
Des acaricides produits chimiques à base de Benzoate de benzyle pour certains associé à de
l’acide tannique sont proposés en occident, à appliquer sur la literie et la moquette sous forme
de poudre, en pulvérisation liquide ou en aérosols mais l’application est irritante pour le patient.
Elle doit être renouvelée tous les 3 mois et pourrait être également toxique pour les usagers à la
longue.
Les housses antiallergiques, hermétique aux acariens et à leurs débris, est une autre méthode,
probablement plus efficace mais couteuse. Elle enveloppe entièrement le matelas et l’oreiller, de
façon occlusive grâce à une fermeture à glissière. Elle est en coton enduit de et laisse passer la
vapeur d’eau, ce qui évite la transpiration. Plusieurs études contrôlées mettent en évidence des
résultats contradictoires en rapport avec des imperfections dans les travaux (3-5)
En France de Blaye (7) a créé un nouveau métier le conseiller médical en environnement
intérieur qui effectue des visites à domicile pour recherches de niches d’acariens dans les
logements des asthmatiques allergiques aux acariens. Il fait des dosages semi-quantitatifs des
acariens dans la poussière de matelas et donne des conseils d’éviction personnalisé pour de
mesures adaptées à l’infestation et aux moyens socio-économiques. Cette intervention
amélioration l’observance de l’asthmatique
Pour Blomia tropicalis (6) c’est le nettoyage minutieux de la pièce principale pour éliminer les
débris alimentaires qui est utile.
Voir Tableau I.
Au total
La mise en œuvre de l’éviction des acariens est difficile
- Mesures globales à prendre
- Coût de certaines méthodes
- Motivation du patient
Le pouvoir de conviction du médecin est primordial
AFVP
Monographie – Maladies allergiques
260
Eviction des blattes (8)
Ces insectes sont attirés par la cuisine à la recherche d’eau et de nourriture.
Des mesures d’hygiène peuvent diminuer leur quantité :
- Nettoyer la cuisine et ses recoins.
- Enfermer les aliments dans des boites hermétiques.
Des insecticides en pulvérisations pourraient être toxiques pour l’homme à la longue. Des
pièges ou une substance solide en application sur leur passage diminue leur nombre
Eviction des animaux
Tous les animaux à l’intérieur du domicile et pour lesquels une certitude de leur rôle allergisant à
été établi doivent être évacués définitivement (chat, chien, oiseaux, coq, cochon d’inde, lapin…)
L’éviction des animaux du domicile du patient allergique permet la disparition des symptômes ou
leur atténuation si le contact est ancien ; en effet dans certains cas l’hyperréactivité bronchique
persiste toujours mais l’éviction est utile pour diminuer la charge allergénique et le risque
d’aggravation.
L’éviction de certains animaux peut parfois être psychologiquement difficile à mettre en œuvre.
Le portage des poils de chat est ubiquitaire, les nordiques ont trouvé des poils dans des
crèches, transportés par les vêtements des enfants (9-10). Ils sont en suspension dans l’air et
retenus par les tapis et moquettes.
L’exposition massive aux poils (11) associée aux endotoxines du bétail dans des fermes
européennes diminuerait le risque de devenir allergique (théorie hygiéniste)
Éviction des moisissures intérieures
Le nettoyage des matériaux contaminés nécessite de l’Eau de Javel en particulier pour les
climatiseurs mais le diagnostic d’allergie aux moisissures doit être auparavant prouvé. Il faudrait
pouvoir contrôler l’humidité intérieure (inondation, fuite d’eau, aération, ventilation).
Éviction des plantes d’intérieur (12-13)
Si la preuve d’une allergie à une plante au domicile du patient a pu être faite lors de
l’enquête allergologique (tests cutanés avec une feuille ou le pollen) elle sera supprimée
Prévention tertiaire
Ce sont toutes les thérapeutiques visant à la réduction des symptômes
o Médicaments réajustés en fonction des données nouvelles (voir ce chapitre).
o Immunothérapie Spécifique (ITS) associée à l’éviction de l’allergène (voir ce chapitre).
o Education pour améliorer la compliance au traitement et éviter les hospitalisations.
AFVP
Monographie – Maladies allergiques
261
Bibliographie
1.
Les allergies, les comprendre et les prévenir F de Blaye, A Grimfeld, J Just. Expansion
Scientifique Française 2004
2.
Europeen Academy of Allergy and Clinical Immunolgy Allergy testing in children:
why,who,when and how Allergy 2003;58:559-69
3.
Woodcock NEJM 2003;349:225-36
4.
Terrehorst Méta-analyse (23 études) NEJM 2003;349:237-46
5.
Platts-Mills TAE The role of intervention in established allergy: Avoidance of indoor
allergens in the treatment of chronic allergic diseases. JACI 2000;106:787-804
6.
Blomia tropicalis, a mite whose time has come. Fernandez-Caldas. Allergy 2004
7.
de Blaye F et al. Allergy 2003;58:27-33
8.
Arbes SJ et al. Abatement of coackroach allergens (Bla g 1 and Bla g 2) in low-income,
urban housing. JACI 2003;10
9.
Munir AKM, Einarson R, Dreborg KG Mite (Der p 1, Der f 1), cat ( Fel d 1) and dog (Can f
1) allergens in dust from Swedish day-care centers. Allergy 1995;25:119-26
10.
Van der Brempt X, Vervloet D. Cat removal and Fel d1 levels in mattresses. J Allergy Clin
Immunol 1991;87:595-6
11.
Waser M, von Mutius E et al. Exposure to pets and the association hay fever, asthma, and
atopic sensitization in rural children. Allergy 2005;60:177-84
12.
Päivi Piirilä et al Non occupational sensitization to indoor plants ACII JWAO 2006;18:106
13.
Mahillon V. High incidence of sensitization to ornamental plants in allergic rhinitis Allergy
2006
AFVP
Monographie – Maladies allergiques
262
Chapitre 12-c
La désensibilisation ou immunothérapie spécifique
(Michèle RAFFARD)
L’immunothérapie spécifique est le seul traitement qui modifie l’histoire naturelle de la maladie
allergique IgE dépendante : rhinoconjonctivite et asthme.
L’OMS (1) définit l’immunothérapie spécifique comme l’administration de doses croissantes
d’un allergène, à un sujet allergique, à une dose donnant une amélioration des symptômes
provoqués lors d’une exposition ultérieure à l’antigène responsable.
Les premiers essais datent de 1911 par voie injectable (ITS). Depuis une nouvelle méthode a
été progressivement mise au point : la voie sublinguale (ITSL), les premières publications datent
de 1986. Elle a été reconnue par l’AEAIC (Académie Européenne d’Allergie et d’Immunologie
Clinique) en 1993, l’OMS en 1998 (1) et l’ARIA (Allergic Rhinitis and its Impact on Asthma) en
2001, enfin elle est autorisée chez l’enfant de moins de 5 ans depuis 2005.
Mécanismes
De nombreuses études contrôlées ont mis en évidence l’efficacité des 2 méthodes dont les
mécanismes d’action sont de mieux en mieux connus.
L’ITS améliore les symptômes et la consommation médicamenteuse en abaissant la réactivité
oculaire, nasale et bronchique, par diminution du recrutement des éosinophiles et des
mastocytes dans les muqueuses allergiques. On observe une immuno modulation (Fig. 1)
pour laquelle diverses interleukines sont mobilisées (IL-12, IL-10 et TGF-β (Transforming
Growth Factor) par l’intermédiaire des lymphocytes T helper tolérogènes tels que les Th Reg,
Th 17 et les Th1. On peut mesurer l’augmentation des IgG4 spécifiques et des IgA qui diminuent
l’activité des IgE.
Les études mettent en évidence pour l’ITSL (2) une même immuno déviation que pour ITS
sous-cutanée avec une activité des lymphocytes T régulateurs (Th Reg et Th17) et une
augmentation des anticorps bloquants (IgG4).
Indications
La désensibilisation se pratique pour la rhinoconjonctivite et l’asthme allergiques aux
pneumallergènes (allergènes aéroportés)
Les recommandations du GINA (Global Initiative on Asthma) spécifient les indications dans la
prise en charge de l’asthme : persistant léger et modéré. Celles de l’ARIA pour la rhinite
intermittente sévère et la rhinite persistante légère et modérée à sévère.
Comme le précise Tonnel (3) la relation causale entre les tests cutanés ou les taux d’IgE
spécifiques doit être bien établie avec l’histoire clinique, avant d’entreprendre une
immunothérapie spécifique. De plus il rappelle, comme le GINA, que la désensibilisation pour
les acariens n’est prescrite qu’après une éviction bien conduite et lorsqu’elle est insuffisante.
AFVP
Monographie – Maladies allergiques
263
Enfin il spécifie que l’ITS doit être sans astreinte supérieure à la maladie et recommande de
vérifier la bonne observance du patient.
Contre-indications
Les maladies générales sévères sont une contre-indication définitive : maladies autoimmunes, déficits immunitaires, infections par le VIH, cancers et néphropathie chronique,
de même l’asthme persistant sévère ou instable.
Certains traitements médicamenteux sont également contre-indiqués : les -bloquants y
compris les collyres, car ils bloquent la voix béta2 adrénergique et peuvent augmenter les effets
indésirables de l’ITS. Les Inhibiteur de l’Enzyme de conversion (IEC), qui peuvent déclencher
des réactions d’angiœdème, ne sont pas autorisés.
Pour l’ITSL les lésions persistantes de la muqueuse buccale comme l’aphtose, le lichen érosif
et les parodontopathies persistantes sont une contre-indication définitive car elles pourraient
modifier l’absorption de l’allergène, avec passage directement dans la voie sanguine. Par contre
les pathologies buccales aigue sont simplement une contre-indication temporaire, qu’il s’agisse
d’une simple plaie, de suites d’extraction dentaire, de soins dentaires approfondis ou d’une
gingivite passagère.
D’autres contre-indications obligent à reporter ou suspendre l’ITSL : asthme non stabilisé, état
fébrile aigue, grossesse et enfant de moins de 3 ans ainsi que les autres pathologies
allergiques associée non stabilisées.
Méthodes
Les allergènes utilisés doivent être standardisées, il n’est pas possible d’utiliser un mélange de
différentes familles d’allergènes comme acariens et animaux. Des risques d’incompatibilité et
d’instabilité des allergènes, qui ont souvent une activité enzymatique peuvent modifier les
mélanges, par exemple l’allergène majeur d’acarien est une protéase qui dégrade les autres
protéines.
Il existe 2 méthodes dont les voies d’administration diffèrent :
- ITS : injection sous-cutanée profonde, pour cette voie les allergènes sont en solution
aqueuse ou bien adsorbés sur phosphate de calcium ou hydroxyde d’aluminium, pour diminuer
les réactions locales immédiates.
- ITSL : gouttes sous la langue, à garder pendant 2 minutes puis à avaler ou à recracher en
cas de survenue de troubles digestifs. Les allergènes sont en solution glycérinées ou en
comprimé.
On distingue toujours 2 phases de traitement :
- la phase d’induction avec augmentation progressive des doses s’étend le plus souvent sur 3
mois pour la voie injectable (1/semaine) mais est plus brève pour la voie sublinguale (30, 11 ou
même 3 jours) (Tableau I et II).
- puis la phase d’entretien qui dure 3 à 5 ans pour éviter une rechute après un arrêt trop
précoce.
Une méta-analyse de O’Hehir (4) en 2007 démontre que l’ITSL
cliniquement efficace et mieux tolérée que l’ITS injectable.
pour les acariens est
L’immunothérapie injectable est un acte médical, (Tableau III) pratiqué par l’allergologue ou le
médecin traitant qui ont à leur disposition une trousse d’urgence (tableau IV) en cas de
AFVP
Monographie – Maladies allergiques
264
réaction anaphylactique ou d’asthme. Il est recommandé de ne pas pratiquer de sport dans les
heures qui suivent. En effet cette méthode induit fréquemment des effets secondaires qui sont
parfois graves, contrairement à la voie sublinguale qui n’a que des effets locaux mineurs.
Le suivi du patient dépend de la méthode, il doit être régulier et rapproché pour rendre
observant le patient qui, laissé à lui-même ne poursuit pas toujours correctement le traitement.
- pour la voie injectable à chaque nouveau flacon puis tous les 6 mois.
- pour la voie sublinguale tous les 15 jours pendant les 3ers mois environ puis tous 3 mois.
L’évaluation sera faite après 6 mois de traitement pour l’immunothérapie aux acariens.
Résultats
Wilson (5) a effectué une méta-analyse sur l’ITSL avec 22 essais randomisés en double
aveugle contre placebo, pour 979 patients : 6 essais pour les acariens, 5 pour l’allergie aux
graminées, 5 pour la pariétaire, 2 pour le pollen d’olivier et un de chaque pour ambrosia, le
pollen d’arbre, cyprès et poils de chat. Les scores cliniques et médicamenteux ont été améliorés
exceptés dans les études sur les enfants mais il y avait un petit nombre d’enfants.
Dans la rhinite allergique chez les enfants, une autre méta-analyse (6) montre que l’ITSL avec
des extraits standardisés est efficace : 70 articles sont analysés, 10 publiés entre 1990 and
2004, 577 patients inclus (245 avec le traitement actif, 239 le placebo).
Dans les études prolongée (plus de 18 mois) et effectuées avec des extraits polliniques les
résultats sont meilleurs que pour des études plus courtes et avec des acariens
Figure 1 Ŕ Mécanismes d’action de l’ITS.
AFVP
Monographie – Maladies allergiques
265
•
•
Phase d’induction : injection hebdomadaire
Ŕ
concentration à 0,1 IR : 0,1 - 0,2 - 0,4 - 0,6 ml
Ŕ
concentration à 1 IR : 0,1 - 0,2 - 0,4 - 0,6 ml
Ŕ
concentration à 10 IR : 0,1 - 0,2 - 0,4 - 0,6 - 0,8 ml
Phase d’entretien
Ŕ
Ŕ
injection bimensuelle puis mensuelle
Flacon à 10 IR : Volume variable entre 0,1 et 1 ml
selon la tolérance locale
Tableau I Ŕ Schéma pour ITS injectable.
FLACONS D’ALLERGENES POUR L’ITSL
AFVP
Monographie – Maladies allergiques
266
Tableau II Ŕ SCHEMA POUR L’ITSL AVEC PHASE D’INDUCTION EN 11 JOURS.
Tableau III - Bonnes pratiques de l’immunothérapie injectable.
1.
2.
3.
AFVP
Avant l’injection
Ŕ
Examen clinique
Ŕ
Mesure du DEP en cas d’asthme
Ŕ
Prise de la Tension Artérielle
Ŕ
Bilan de tolérance des injections précédentes
Pendant l’injection
Ŕ
Injection face externe du deltoïde
Ŕ
Vérifier l’absence d’infraction veineuse
Après l’injection
Ŕ
Surveillance systématique du patient pendant 30 min
Ŕ
Vérification de la tolérance locale
Ŕ
Contrôle du DEP en cas d’asthme
Ŕ
Prise de la Tension Artérielle
Monographie – Maladies allergiques
267
Tableau IV Ŕ Trousse d’urgence médicale
AFVP
•
Adrénaline injectable
•
Antihistaminique injectable
•
Corticoïdes injectables
•
Broncho-dilatateurs spray et injectables
•
Matériel pour oxygénothérapie
•
Cathéters pour abord veineux périphérique
Monographie – Maladies allergiques
268
Bibliographie
1
Bousquet J, Lockey RF, Malling HJ. Position paper. Allergen immunotherapy: therapeutic
vaccines for allergic diseases. Allergy 1998;53:1-42.
2
Moinjeon P, Batard D, Fadel R. Immun mechanisms of allergen-specific sublingual
immunotherapy. Allergy 2006 ;61 :151-65.
3
Tonnel AB. Désensibilisation et nouvelles thérapeutiques. Quelles avancées ? Indications
de l’immunothérapie spécifique Bull Acad Natle Méd 2005;189:1475-89.
4
O'Hehir et al. RE. Sublingual allergen immunotherapy: immunological mechanisms and
prospects for refined vaccine preparation. Curr Med Chem. 2007;14(21):2235-44.
5
Wilson DR. Sublingual immunotherapy for allergic rhinitis: systematic review and metaanalysis. Allergy 2005;60:1-3.
6
Penagos M. Efficacy of sublingual immunotherapy in the treatment of allergic rhinitis in
pediatric patients 3 to 18 years of age: a meta-analysis of randomized, placebo controlled,
double-blind trials. Ann Allergy Asthma Immunol 2006.
AFVP
Monographie – Maladies allergiques
269
Glossaire
Affinité : détermine la force de liaison entre un déterminant antigénique et le site de
fixation d’un anticorps
Allergie : réaction d’hypersensibilité initiée par des mécanismes immunologiques
Anaphylaxie : Réaction
menaçant la vie.
d’hypersensibilité
systémique
ou
généralisée,
sévère,
Antigène : toute substance reconnue par le système immunitaire. Un antigène est
formé d’une mosaïque d’épitopes.
Apoptose : mort cellulaire programmée.
Apprêtement : petits peptides correspondant aux épitopes antigéniques, présentés au
Lymphocytes T grâce au Complexe Majeur d’Histocompatibilité de classe II.
Atopie : tendance personnelle ou familiale à produire des IgE en réponse à de faibles
doses d’antigènes habituellement protidiques et à développer des symptômes typiques
tels que l’asthme, la rhinoconjonctivite.
Caryotype : ensemble de 23 chromosomes chez l’homme
CD Cell Determinant : déterminant cellulaire des lymphocyte T, ex lymphocytes T CD4
Chimiokines : acronyme pour cytokines chimiotactiques, attraction et activation des
leucocytes (granulocytes, monocytes, lymphocytes T…).
Chimiotactisme : migration directionnelle cellulaire
Chromosome : élément du noyau d’une cellule formé d’une longue molécule d’ADN
associée à des protéines
Complexe Majeur d’histocompatibilité (CMH) : arrangement de structures
moléculaires des cellules présentatrices d’antigènes pour les présenter aux lymphocytes
T.
CPA Cellules Présentatrice d’Allergènes : groupe hétérogène de cellules présentant
les peptides étrangers aux lymphocytes, comme les cellules dendritiques (CD), les
cellules de Langerhans, les macrophages.
Cytokines : terme générique désignant des molécules solubles, responsables des
interactions cellulaires.
Eotaxine : chimiokine produite lors de l’inflammation allergique (bronchique épithéliale),
recrutant les éosinophiles.
Epitope : déterminant antigénique individuel de la surface moléculaire interagissant
spécifiquement avec un anticorps (épitope B) ou avec les récepteurs T des lymphocytes
T (épitope T) (site allergénique spécifique)
Gène : segment d’ADN transmis héréditairement et participant à la synthèse d’une
protéine correspondant à un caractère déterminé
AFVP
Monographie – Maladies allergiques
270
Hypersensibilité : induction de signes ou de symptômes objectifs et reproductibles,
provoquée par l’exposition à un stimulus précis, à une dose tolérée par des sujets
normaux
Immunoglobulines : anticorps produits par les lymphocytes B, se composant d’une
chaîne lourde et d’une chaîne légère.
Immunoglobuline IgA : dans les sécrétions
Immunoglobuline IgE : dans les maladies atopiques
Immunoglobuline IgG : la plus grande partie des anticorps
Interféron : protéines dont la capacité d’interférer dans la réplication virale à été mise
en évidence dès 1957 et plus tard celle de réguler la réponse immunitaire et ayant des
propriétés antiprolifératives.
Interleukines (IL-): groupes de molécules transmettant des signaux entre des cellules
du système immunitaire. (numérotation par ordre chronologique de découverte).
Ligand : molécule capable d’interaction d’une liaison avec une autre molécule.
Locus : emplacement exact d’un gène sur un chromosome (de 1 à 23) + 2chiffres qui
suivent la lettre p (bras court en haut) q (bras long en bas) Exemple = 1p31-34
Lymphocytes : cellules mémoires du système immunitaire spécifique qui reconnaissent
un antigène
Lymphocytes T : cellules mémoire du système immunitaire à médiation cellulaire
d’origine Thymique
Lymphocyte B : cellule du système immunitaire productrice d’anticorps, originaire de la
moelle osseuse
Lymphokines : groupes de molécules transmettant des signaux entre les
lymphocytes
Molécules d’adhésion ou d’adhérence : groupe de molécules hétérogènes par leur
structure mais ayant une fonction commune d’interface entre les cellules
Plasmocyte : forme de différenciation des lymphocytes B qui produit et libère des
immunoglobulines
Paratope : site de liaison de l’antigène avec le récepteur cellulaire
RANTES : Regulated upon Activation Normal T cell Expressed and presumably
Secreted, chimiokines
Récepteur Fc εRI : récepteur pour l’IgE de forte affinité, présent sur les mastocytes
Récepteur Fc εRII : récepteur pour l’IgE de faible affinité
Toll-Like Receptors (TLR) : récepteurs cellulaires de l’immunité innée contre des
pathogènes
Toxine : Poison sécrété par des micro-organismes (bactéries, plantes, champignons).
AFVP
Monographie – Maladies allergiques
271
Les grandes découvertes en allergie
1863 - Von Recklinghausen (1833-1910) décrit le mastocyte
1872 - Ehrlich P (1854 -1915) étudie les inclusions métachromatiques, en 1977 les
récepteurs cellulaires pour les d’anticorps puis décrit le basophile en 1879 ; en 1882
colore le BK avec la fuscine. Nobel en 1908 avec Metchnikov
1873 - Blackley C H (1820-1900) publie « Le rhume des Foins », qui lui value une
lettre élogieuse de Darwin
1890 - Koch R (1843-1910) : observation d’une réaction d’hypersensibilité retardée à
partir du BK, découvert en 1882. Prix Nobel en 1905
1894 YERSIN A (1863-1943) découvre le bacille de la peste à Hong Kong
1902 - Portier P (1866-1962) et Richet C (1850-1935, prix Nobel 1913) : décrivent
l’anaphylaxie, à partir d’une expérience sur la méduse le 12/02/1902, dans leur
laboratoire de la rue de l’Ecole de Médecine à Paris
1903 - Arthus M (1862-1945) décrit une réaction d’hypersensibilité locale, appelé
depuis le Phénomène d’Arthus
1906 - Von Pirquet C (1874-1929), constatant qu’un sujet peut devenir résistant et
hypersensible, crée le mot d’allergie (allos : déviation)
1907 - Besredka A (1874-1920) induit une tolérance au cobaye sensibilisé, par des
injections répétées à doses croissantes
1910 - Dale H et Laidlaw : l’histamine induit un choc anaphylactique
1911 - Noon 1ère désensibilisation spécifique du rhume des foins
1914 - Widal F (1862-1929) : asthme et urticaire résulte d’une sensibilisation à une
substance. Polypose nasale et allergie à l’aspirine : Maladie de Widal
1921 - Prausnitz C (1876-1963) et Küstner H (1897-1963) démontrent l’existence
d’anticorps réaginiques dans le sérum (transfert passif : réaction de PrausnitzKüstner)
1923 Coca AF (1875-1959) et Cooke RA (1880-1960) : proposent le terme atopie
1942 - Halpern B (1904-1977) met au point le 1er antihistaminique de synthèse.
1957 Ŕ Bovet D (1907-1992), prix Nobel pour sa découverte de molécules bloquant des
récepteurs vasculaires et musculaires dont l’histamine, à l’IP de Paris
1964 - Pepys J (1914-1996) Aspergillose broncho-pulmonaire allergique et précipitines
AFVP
Monographie – Maladies allergiques
272
1967 - Altounyan R E C découvre le cromoglycate de sodium (Laboratoire Fisons)
1967 - Ishizaka K et T aux USA et Johanson SGO en Suède caractérisent les IgE
1968 Ŕ Gell PG (1914-2001) et Coombs R (1921-2006) proposent la classification
(aujourd’hui révisée), en 4 catégories, des maladies allergiques
1982 - Samuelson B, Bergström S et Vane J : Nobel pour les prostaglandines
1992 - Valenta R (1963) identifie la profiline, panallergène constituant une nouvelle
famille d’allergènes végétaux et expliquant des réactions croisées (<20%)
2001 Ŕ European Academia Allergy Clinical Immunology. Nouvelle nomenclature en
allergie
AFVP
Monographie – Maladies allergiques