la symbolique du rouge au cinéma, en littérature, en chansons

Transcription

la symbolique du rouge au cinéma, en littérature, en chansons
LA SYMBOLIQUE DU ROUGE
Le rouge est une couleur qui a existé quasiment de tout temps (il suffit de voir les dessins des
hommes préhistoriques peints en rouge-ocre sur les parois des grottes). Ainsi, au Moyen-Âge,
les couleurs de base sont le blanc (l’incolore), le noir (la saleté) et le rouge(la couleur).
Très tôt le rouge s’affuble d’une double symbolique :
• Le mal en le représentant sous la forme du feu (de satan) et du sang.
• Le bien lorsqu’il représente l’amour.
Peu à peu le rouge prend aussi la symbolique de la puissance et de la gloire, il devient LA
couleur des puissants (le pape et ses cardinaux, les seigneurs et le roi…) au point que les
teinturiers doivent avoir une licence spécifique pour l’utiliser.
Par la suite le rouge perd de sa superbe et devient la couleur du danger, de l’interdiction et de
la révolution; en effet il suffit de se référer au drapeau soviétique ou à la signalétique routière
pour l’observer encore de nos jours.
De manière générale le rouge garde une ambivalence dans sa symbolique entre l’amour et le
mal mais son côté négatif (sous forme de feu, de sang, d’interdits, de passion) est tout de
même fortement présent dans notre quotidien. C’est pourquoi les expressions “voir rouge” ou
“se fâcher tout rouge” trouvent tout leur sens si on se réfère à la symbolique de destruction de
cette couleur. Lorsque quelqu’un voit rouge ou qu’il se fâche tout rouge il est sous l’emprise
de la colère, le sang lui monte au visage et son instinct de destruction s’anime il peut alors
être très violent verbalement voire physiquement.
Notons que l’adjectif rouge est issu du latin rubéus : roux, roussâtre.
L'affiche rouge
Le 21 février 1944, les murs de Paris se couvrent de grandes
affiches rouges à des milliers d'exemplaires. Elles font état de
l'exécution au mont Valérien le jour-même de 23
«terroristes» membres d'un groupe de FTP (francs-tireurs
partisans). Cette affiche montre le visage de dix d'entre eux.
C'est une campagne du gouvernement de Vichy et de
l'occupant nazi cherchant à assimiler ces résistants à des
terroristes étrangers d'origine juive, commandés par
l'étranger comme l'explique le verso de l'affiche.
En réalité, ces hommes sont des résistants. Leur chef s'appelle Missak
(Michel) Manouchian. Il est né en Arménie 36 ans plus tôt et a été
marqué par le génocide arménien. Quand il arrive en France, en
1924, il apprend le métier de menuisier et adhère au syndicat
communiste, la CGTU. Au Parti communiste, il fait partie du groupe
MOI (Main-d'Oeuvre Immigrée). Pendant l'occupation allemande, en 1942, il rejoint un petit réseau de résistants communistes, les
FTP-MOI (Francs-Tireurs et Partisans-Main-d'Oeuvre Immigrée) qui a été créé quelques mois plus tôt avec des équipes de
Roumains, de juifs polonais et d'Italiens sans compter un détachement spécialisé dans les déraillements et des services de
renseignement, de liaison et de soins médicaux : au total trente combattants et une quarantaine de militants. Leur but est de mener
des actions contre les Allemands à Paris même afin de se battre pour la liberation et la liberté. En tout, il y aura 229 actions en un
an et demi. La plus retentissante est l'assassinat, le 28 septembre 1943, du général SS Julius Ritter, qui supervise le Service du
Travail Obligatoire (STO), responsable de l'envoi en Allemagne de centaines de milliers de jeunes travailleurs français.
Mais en novembre 1943, suite à une trahison, la Brigade Spéciale des Renseignements généraux (BS2), c'est-à-dire la police
française, arrête Manouchian avec plusieurs de ses amis. Ils seront tous exécutés trois mois plus tard. C'en est fini des FTP-MOI.
Cette affiche rouge a été rendue célèbre par un poème de Louis Aragon intitulé "Strophes pour se souvenir", qui lui a été inspiré
onze ans plus tard par la lettre poignante que Manouchian a écrit à sa femme le matin même de son exécution. Ces paroles ont
ensuite été mise en musique par Léo Ferré en 1959. Le groupe Clair2lune en a fait une audacieuse version hip hop. Plusieurs films
ont été réalisés pour raconter cette histoire : "L'affiche rouge" de Frank Cassenti en 1976 et plus récemment "L'armée du crime de
Robert Guédiguian en 2008.
Fresnes, le 21 février 1944.
Ma Chère Mélinée, ma petite orpheline bien-aimée,
Dans quelques heures, je ne serai plus de ce monde. Nous allons être fusillés cet après-midi à
15 heures. Cela m'arrive comme un accident dans ma vie, je n'y crois pas mais pourtant je sais que je ne
te verrai plus jamais.
Que puis-je t'écrire ? Tout est confus en moi et bien clair en même temps. Je m'étais engagé dans l'Armée de Libération en soldat volontaire et je meurs à deux doigts de la
Victoire et du but. Bonheur à ceux qui vont nous survivre et goûter la douceur de la Liberté et de la Paix
de demain. Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer
notre mémoire dignement. Au moment de mourir, je proclame que je n'ai aucune haine contre le peuple
allemand et contre qui que ce soit, chacun aura ce qu'il méritera comme châtiment et comme
récompense. Le peuple allemand et tous les autres peuples vivront en paix et en fraternité après la
guerre qui ne durera plus longtemps. Bonheur à tous... J'ai un regret profond de ne t'avoir pas rendue
heureuse, j'aurais bien voulu avoir un enfant de toi, comme tu le voulais toujours. Je te prie donc de te
marier après la guerre, sans faute, et d'avoir un enfant pour mon bonheur, et pour accomplir ma dernière
volonté, marie-toi avec quelqu'un qui puisse te rendre heureuse. Tous mes biens et toutes mes affaires
je les lègue à toi à la sœur et à mes neveux. Après la guerre tu pourras faire valoir ton droit de pension
de guerre en tant que ma femme, car je meurs en soldat régulier de l'armée française de la libération.
Avec l'aide des amis qui voudront bien m'honorer, tu feras éditer mes poèmes et mes écrits qui
valent d'être lus. Tu apporteras mes souvenirs si possible à mes parents en Arménie. Je mourrai avec
mes 22 camarades tout à l'heure avec le courage et la sérénité d'un homme qui a la conscience bien
tranquille, car personnellement, je n'ai fait de mal à personne et si je l'ai fait, je l'ai fait sans haine.
Aujourd'hui, il y a du soleil. C'est en regardant le soleil et la belle nature que j'ai tant aimée que je dirai
adieu à la vie et à vous tous, ma bien chère femme et mes bien chers amis. Je pardonne à tous ceux qui
m'ont fait du mal ou qui ont voulu me faire du mal sauf à celui qui nous a trahis pour racheter sa peau et
ceux qui nous ont vendus. Je t'embrasse bien fort ainsi que ta sœur et tous les amis qui me connaissent
de loin ou de près, je vous serre tous sur mon cœur. Adieu. Ton ami, ton camarade, ton mari.
Missak Manouchian
Louis Aragon
Manouchian Michel.
P.S. J'ai quinze mille francs dans la valise de la rue de Plaisance. Si tu peux les prendre, rends mes dettes
et donne le reste à Armène. M.M
Strophes pour se souvenir
Léo Ferré
Vous n'avez réclamé la gloire ni les larmes
Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre
Ni l'orgue ni la prière aux agonisants
Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand.
Onze ans déjà que cela passe vite onze ans
Vous vous étiez servi simplement de vos armes
La mort n'éblouit pas les yeux des Partisans.
Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L'affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants
Nul ne semblait vous voir Français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l'heure du couvre feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE
Et les mornes matins en étaient différents.
Tout avait la couleur uniforme du givre
A la fin février pour vos derniers moments
Et c'est alors que l'un de vous dit calmement
Adieu la peine et le plaisir adieu les roses
Adieu la vie adieu la lumière et le vent
Marie toi sois heureuse et pense à moi souvent
Toi qui va demeurer dans la beauté des choses
Quand tout sera fini plus tard en Erivan
Un grand soleil d'hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que le coeur me fend
La justice viendra sur nos pas triomphants
Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline
Et je te dis de vivre et d'avoir un enfant
Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient leur cœur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant.
Louis Aragon, Le roman inachevé, 1956.
"ROUGE" de Frédéricks, Goldman et
Jones
(Traduction des choeurs en russe de l'ex-Armée Rouge)
Le chemin est si difficile et la douleur si cuisante
Nous avons froid nous avons faim
Nous sommes privés de tout mais attention
Demain nous nous mettrons en marche
Nous porterons le monde dans nos mains
Nous partirons, ensemble nous vaincrons
Ensemble, nous partageons notre pain
Rouge est le sang qui coule de nos blessures
Rouge est le coeur qui bat dans nos poitrines
Rouge est le feu luisant comme notre espoir
Rouge, rouge, rouge est le feu
Rouge est le soleil qui réchauffe les gens
Rouge est notre passion
Rouge est l'aurore qui se lève
Rouge est l'appel de nos paroles vers la liberté
Y aura des jardins, d'l'amour et du pain
Des chansons, du vin, on manquera de rien
Y aura du soleil sur nos fronts
Et du bonheur plein nos maisons
C'est une nouvelle ère, révolutionnaire
On aura du temps pour rire et s'aimer
Plus aucun enfant n'ira travailler
Y aura des écoles pour tout l'monde
Que des premières classes, plus d'secondes
C'est la fin de l'histoire, le rouge après le noir
On aura nos dimanches
On ira voir la mer
Et nos frères de silence
Et la paix sur la terre
Mais si la guerre éclate
Sur nos idées trop belles
Autant crever pour elles
Que ramper sans combattre
[Riff de guitare repris dans le générique de "Taratata"]
Y aura des jardins, d'l'amour et du pain
On s'donnera la main tous les moins que rien
Y aura du soleil sur nos fronts
Et du bonheur plein nos maisons
C'est une nouvelle ère, révolutionnaire
Un monde nouveau, tu comprends
Rien ne sera plus jamais comme avant
C'est la fin de l'histoire, le rouge après le noir
Pourquoi le rouge ?
Jean-Jacques Goldman : Je trouve que le rouge est la vraie couleur de l'espoir. C'est le sang qui
coule dans nos veines, la vie qui va, le feu, la colère. On rougit lorsque l'on ressent quelque chose de
très fort. Je crois qu'il existe des zones rouges comme il existe des zones d'ombre.
J.-F. Bouquet : Tu dis aussi que l'adolescence est rouge...
Jean-Jacques Goldman : L'adolescence est rouge. Le rouge est une couleur d'émotion, d'excès, de
timidité ou de colère. Tous ces mots collent à cet âge. C'est la couleur de la vie, la couleur du sang, la
couleur des coeurs...
Antoine de Caunes : Du combat aussi ?
Jean-Jacques Goldman : Oui, d'une certaine violence, des colères aussi.
Jean-Luc Cambier : "Rouge", le titre de l'album, se réfère donc à une symbolique de cette couleur
plus large que celle de la politique. C'est pourtant au communisme et à la chanson "Rouge" qu'on
ramène tout l'album.
Jean-Jacques Goldman : Bien sûr, c'est une chanson qui évoque l'après-1917 (la révolution russe), l'immense espérance de cette
époque, la beauté de cette espérance, même si, nous aujourd'hui, on sait très bien comment cela va finir.
Thierry Coljon : Dans le clip de "Rouge", ce vieux monsieur qui feuillette avec nostalgie son album de photos de jeunesse, ça
pourrait être ton père...
Jean-Jacques Goldman : Ça pourrait, oui. L'histoire de France qui a conduit mon père ici est plutôt une histoire de gens debout. Il
est venu de Pologne dans les années 30 fasciné par Victor Hugo, la déclaration des droits de l'homme, il a fait de la résistance, et j'ai
été élevé dans une famille qui vénérait cette France-là. J'étais dans une famille de militants. Et je voyais ces gens-là, pour qui cette
couleur rouge, et ces mots-là correspondaient à quelque chose de très altruiste, de très beau, de très pur et de très honnête. Voilà.
Simplement, c'est un hommage à ces gens-là, qui ont donné leur vie, leurs énergies, pour ces idéaux. C'était des gens militants et on a
oublié à quel point ces gens étaient beaux. Je le dis d'autant plus que moi, j'étais un peu le musicien de la famille, celui qui était à
côté, qui n'était pas altruiste. Mais je trouve que c'était des gens qui étaient beaux, qui étaient purs et tout ça. "Rouge" c'est donc
simplement une évocation de cette beauté-là.
Bertrand Dicale : Votre père était communiste mais en rupture avec le PCF. On a compris dans "Rouge" que vous aviez le regret de
ce grand idéal.
Jean-Jacques Goldman : J'ai le regret de cette simplicité, de cette tranquillité. J'envie un peu les militants des années 20 à 30. Le
monde était simple, il y avait, d'un côté, les gentils, la vérité absolue et la logique, et, de l'autre, les méchants. C'était assez
confortable mais quand les hommes trahissent vos principes, il faut les lâcher. Le Parti communiste soviétique promettait le
changement de la nature humaine, la justice, le pouvoir aux travailleurs. Il fallait avoir la force, comme l'a eue mon père, de dire que
ces gens-là trahissaient les principes. C'est un homme qui a toujours dit, chaque fois que je me moquais de lui ne fût-ce que quand les
chars russes entraient à Prague, "ce ne sont pas les idées qui sont mauvaises, ce sont les hommes". Il avait raison, les idées restent
magnifiques. Pas spécialement les idées communistes mais même chrétiennes, ces idées altruistes quoi. Le fait qu'il faut bien vivre
ensemble... Pourtant le communisme a été l'horreur absolue. La sauvagerie la plus totale. Il fallait que ça meure, il n'y a aucun doute
là-dessus. Mais c'est toujours comme on dit : il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Ce n'est pas parce que ces gens-là ont trahi
cet idéal que l'idée de faire que chacun ait ses chances, que l'éducation soit obligatoire et gratuite,
soit mauvaise.
" ROUGE SANG"
d
Entre ce sang qui coule
Birmanes, tibétaines
Et fait vibrer la foule
Refrain:
Ce sang rouge qui jaillit
Même douleur, même peine
Du taureau accroupi
Même couleur, d'où qu'il vienne
Et puis le sang versé
Six milliards de consciences
Qui a éclaboussé
A cette triste engeance
Sur le sable de l'arène
Barbare, inhumaine
Comme l'eau des fontaines
Sous l'acier madrilène
Hier à Tienanmen
Vos mémoires et la mienne
Comme une étrange ressemblance
Même douleur, même peine
Comme une étrange ressemblance
Même couleur, d'où qu'il vienne
Comme une étrange ressemblance
Comme une étrange ressemblance
Et combien appartiennent
A ce troupeau de hyènes ?
Qui voit des différences
Entre toutes ces haines ?
Ces torrents de souffrances
Animales ou humaines ?
La mort est un théâtre
Entre ce sang qui coule
Dans tous les cas obscène
Harponnées dans la houle
Coule des mêmes veines
Celui des loups, des ours
Refrain
Abattus dans leur course
Même douleur, même peine
Et le sang qui rougit
Même couleur, d'où qu'il vienne
De ces enfants d'Asie,
Même douleur, même peine
Sur le flanc des baleines
Décimées par centaines
Dans les steppes lointaines
Pour une vie sans chaîne
La peau de porcelaine
Le rouge, l'écarlate
Comme une étrange ressemblance
Comme une étrange ressemblance
Comme une étrange ressemblance
Le Rouge et le Noir de
Stendhal
Le Rouge et le Noir est un roman très célèbre de Stendhal, écrivain français du
XIXème siècle.
Julien Sorel, le héros du roman est un jeune précepteur d'une rare intelligence et d'une grande fierté. Toutefois
sa personnalité comporte une multitude de contradictions d'où le titre "Le rouge et le noir". Ces deux couleurs
sont emblématiques du destin du personnage principal, qui oscille entre d'un côté une carrière militaire (le
rouge de la Légion d'honneur ou de l'uniforme de l'armée révolutionnaire. ) et des liaisons amoureuses avec des
femmes dont le rang social est plus élevé que le sien (le rouge de sa passion amoureuse pour Madame de
Rênal) et d'un autre côté une carrière religieuse (le noir de l'habit des prêtres) et un destin inéluctablement
tragique (le noir de la chute et de la mort).