la gazette cournot - ACDD - Augustin Cournot Doctoral Days

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la gazette cournot - ACDD - Augustin Cournot Doctoral Days
LA GAZETTE COURNOT
Numéro 48 : Novembre 2009
ISSN 1760-6462
Méthodes et
techniques
du XXIe siècle
L'État, la Science
Il faut investir, toujours plus, dans la science,
parce que la science est salvatrice des PIB
décroissants. Elle permet de maintenir
l'illusion d'un progrès qui a pourtant cessé
d'être un leitmotiv social pour beaucoup
d'entre nous. Investir dans la science, pour
sauver la planète, notre âme et celle du
voisin. Faire des programmes dans un
bureau pour que des gens qui n'ont jamais
manipulé une pipette ou publié un article
puissent avoir le sentiment de la mission
accomplie. En pourcentage du PIB, tiens.
Est-ce une coïncidence que tant l'Église du
XVIe siècle que la Science en ce début de
XXIe se fasse critique des Érasme de ce
monde et de leurs éloges de la Folie? La
Science, institution (religieuse?) qui nous fait
croire qu'on trouve alors qu'on ne fait que
chercher sans cesse. La théorie de la gravité
est-elle vraie?
Bien sûr, chercher. Chercher un bêta qui est
vrai alors qu'on sait que la mathématique
n'a aucune prétention à dire que le monde
est 1 ou 0 sinon à l'intérieur de ses propres
frontières. La mathématique n'est pas la
science du nombre. Elle est, dans une
certaine mesure, "hors du monde". Quel
amalgame avons-nous créé? Quelle
monstrueuse invention se targue de faire
dire aux chiffres ce que l'Homme seul peut
exprimer, par sa poésie, sa prose et sa magie?
Penser le réel en petites rationalités
médiocres et en venir à des modèles
incroyables de prédiction d'un réel, qui ne
disent rien hors de ce qu'on veut entendre,
mais qui ont, au moins, l'avantage d'être
beaux, et simples. Ah, comme Popper a
neigé sur ces esprits technicistes... Mais
depuis quand la beauté est-elle chose simple,
mesdames, messieurs?
Le plus navrant est d'avoir perdu ces notions
d'esthétique, de morale ; de philosophie. Le
Ph.D., philosophiæ doctor... on devrait avoir
franchement honte d'attribuer ainsi des titres
de philosophie à des hordes d'idempensants.
Avoir la peste : être fou, ce sont des états qui
cadrent mal avec la vision optimale du
monde. Des paradigmes qui n'ont plus la cote.
Balayer l'éther, le christianisme et la chance,
d'un grand coup de balai
microinformatique. Go Stata Go! Pire
qu'un supporter de foot ; du moins, aussi
irrationnel.
N'y a-t-il pas vertu à écrire n'importe quoi, à
chercher n'importe quoi, à soutenir
n'importe quoi. Comme s'il importait
qu'importe quelque chose pour que l'on
cesse d'avoir la flemme de se lever, de se
poser entre la chaise et l'écran, et d'écrire
encore des inepties pour se convaincre que
ce que l'on fait est du moindre intérêt pour
quiconque à l'extérieur de limites socioculturelles bien précises. Bien dictées et
édictées par la Science. Quelle est donc cette
vocation nombriliste qui nous porte à
Économie | Gestion | Sciences | Technologies | Société
Financé par l’École Doctorale Augustin-Cournot
La suite, page 4 --
Méthodes et techniques
Un éditorial signé Alain Noël, professeur à HEC Montréal et rédacteur en chef invité
Jdemande
’ai un peu hésité à accepter cette
d’écrire un éditorial pour La
Gazette Cournot car je ne comprenais
pas vraiment ce qui était attendu de
moi. Quel était l’objet de ce numéro ?
Jeter un éclairage sur quelques
approches possiblement nouvelles ?
Soulever une polémique ? De fait,
j’ignore encore au moment d’écrire ces
lignes ce qui est vraiment attendu de
moi. Que veut-on savoir? Que veut-on
apprendre ? Que puis-je apporter? Qui
dois-je convaincre ? En matière de
méthodes, les débats deviennent vite
stériles surtout si on ne comprend pas la
question.
Par ailleurs, refuser revenait à
reconnaître que les débats de méthode
sont inutiles et je ne voulais certes pas
balayer cette question sous le tapis. Le
choix d’une méthode est trop
important pour se faire comprendre,
pour savoir avec qui échanger, pour
apprendre de ses erreurs, pour jouer
notre rôle d’appréciation de la
connaissance produite et à produire et
pour éviter de juger de choses que l’on
ne comprend pas.
Je n’ai jamais revendiqué un statut de
grand chercheur, encore moins celui
d’un philosophe des sciences. Par
ailleurs j’ai cherché à développer et à
protéger celui d’être un expert, plus
précisément un expert en stratégie et en
gestion internationale. Pour moi cela
signifiait de pouvoir comprendre et
expliquer le plus simplement possible
des raisonnements, des
fonctionnements, des phénomènes ou
des organisations complexes en matière
de stratégie et de gestion internationale.
Cela m’imposait aussi de devoir trouver
les meilleurs diagnostics, les meilleures
explications et solutions aux problèmes
que l’on me
soumettait. En
contrepartie,
ayant été
reconnu
comme
!
?
expert sur ces questions, j’ai toujours été
craintif de me tromper ou pis encore,
de tromper les autres, malgré moi ! Que
faire pour convaincre les autres, et soimême lorsqu’on se couche le soir, que
l’on n’est pas dans l’erreur ?
Je maîtrise mal toutes les subtilités de la
philosophie des sciences, de la
gnoséologie ou de l’épistémologie (j’ai
cependant une grande admiration
pour les Grawitz, Popper, Burrell et
Morgan ou Kuhn que je ne réussis pas à
bien maîtriser) mais j’ai peu à peu appris
par expérience que tout ne se découvre
pas de la même façon. Tôt en carrière,
j’ai enseigné les mathématiques et mes
premières expériences de recherche ont
reposé sur la magie des données
perforées sur cartes et soumises au
«puissant ordinateur IBM 8K (!)» de
mon institution. J’ai alors découvert le
plaisir et la magie du traitement par
divers programmes informatisés,
l’esthétique des SPSS, SAS et autres
logiciels de traitements paramétriques
ou non paramétriques produisant des
nu a g e s d e p o i n t s s o u m i s à
interprétation. Je voue toujours une
grande admiration à un de mes
professeurs de statistiques, Robert
Latour, qui se faisait un devoir de nous
apprendre comment comprendre ces
nuages de points. J’ai aussi vite
découvert les risques de tirer de belles
conclusions sur des données mal
comprises mais traitées avec de plus en
plus de sophistication.
C’est un échec de recherche, quelques
années plus tard, qui m’a sensibilisé à
l’importance de la question de
recherche. L’impossibilité de valider
(accepter ou rejeter) mes hypothèses
après avoir travaillé d’arrache pied à
construire, selon les règles de l’Art, un
questionnaire exceptionnellement riche
et une base de données de quelques
centaines de répondants, m’a ouvert la
porte à devoir explorer les causes de
mon échec. Je ne pouvais pas répondre
à ma question et faire la contribution qui
me rendrait célèbre (j’ai déjà eu ce rêve).
?
Je me voyais aussi perdre la face auprès
des bailleurs qui avaient généreusement
financé cette étude. À force de revenir en
arrière pour comprendre les causes de
l’échec et de traiter mes données dans
tous les sens pour y trouver une
signification, j’ai découvert que je
n’avais pas, malgré toutes ces années
passées à lire des centaines de références,
posé la bonne question.
En fait les données m’ont livré un autre
message que celui attendu et la nouvelle
question induite par ces données
m’annonçait en même temps que je ne
pouvais plus utiliser les mêmes outils
pourtant si réconfortants quand tout va
bien. Si tout va jamais bien en
recherche ! Bref les mauvais résultats à
une question inutile avaient néanmoins
généré une bonne question tout en
m’obligeant à devoir l’explorer
différemment. Pour moi, l’induction
venait de prendre la place de la
déduction dans mes méthodes de
recherche.
J’avais déjà réalisé avec beaucoup
d’angoisse des recherches plus cliniques :
mon doctorat s’était réalisé sous la
direction du professeur qui a le plus
marqué ma carrière et sans doute celle
de milliers d’étudiants et de managers :
Manfred Kets de Vries aujourd’hui à
l’Insead. Sans jamais chercher à faire de
moi un «pychanalyste» comme lui, il
m’a accompagné dans la recherche de
l’interprétation la plus juste et la plus
convaincante de phénomènes
complexes, et à trouver des réponses
La suite, page 6 --
Salle de rédaction
Rédacteur en chef
Francis Gosselin
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Directeur éditorial
René Carraz
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Directeur adjoint et webmestre
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Étalonnage grammatical
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Benoît Chalvignac Attaché culturel
Correspondants
?
Nima Fallah (Téhéran)
Audrey Castells (Sydney)
La Gazette Cournot est mise en page par
Francis Gosselin
002
Le contenu de la Gazette ne représente que les idées de ses contributeurs et n'engage en aucun cas l'ED
Augustin-Cournot, la FSEG, l'UdS, ou toute autre organisation qui la soutien, moralement ou financièrement.
ÉDITO
Contributions spéciales
Rédacteur en chef invité Ce mois-ci, la Gazette
Cournot vous propose d'accueillir en ses pages un rédacteur
invité. Coup d'état monté par le rédacteur en chef luimême - sorte d'hara kiri de l'autorité éditoriale - c'est
néanmoins avec un immense plaisir et une grande humilité
que nous accueillons le professeur Alain Noël.
Président fondateur de l'AIMS et membre-fondateur de la
Strategic Management Society de Londres, anciennement
directeur du prestigieux programme de MBA d'HEC
Montréal, il a enseigné tant en France (INSEAD, UdS)
qu'au Canada. Administrateur du World Trade Center de
Montréal de 1996 à 2001, et de l'Ordre des Administrateurs
Agréés du Québec de 1997 à 2002, il a aussi siégé au
conseil d'administration de nombreuses entreprises.
Fort de sa vaste expérience d'administrateur de sociétés, de
pédagogue et de chercheur, il nous livre sa vision des choses
dans un éditorial exclusif. Il a participé à la relecture des
textes, et nous a guidé - ne serait-ce que par le biais du
séminaire Méthodes qualitatives de recherche qu'il dispense
à ceux qui le veulent bien, à cheval entre le Québec et la
France. Nous remercions M. Noël de sa dévotion et de son
soutien, sachant que cette expérience concluante sera à
coup sûr répétée.
Claude Diebolt Directeur du Bureau d'Économie Théorique
et Appliquée (BETA), directeur de recherche CNRS, présidentfondateur de l'Association française de Cliométrie et rédacteur en
chef de la revue Cliométrica, Claude Diebolt se passe presque
d'introduction formelle. Ce mois-ci, "l'homme qui rédige plus vite
que son ombre" nous propose un retour sur les origines de la
cliométrie : elle-même une science... historique! Et puis... que la
force!
Andrea Zenker works as researcher at Fraunhofer ISI, Competence Center Policy
and Regions. Her main research activities deal with analyses, strategies and initiatives in
regional innovation, as well as with methodological questions. She is also involved in
German-French innovation topics. She obtained her Ph.D. from the University of
Strasbourg in 2007. Before studying geography and modern languages, Andrea worked
as technical assistant in forest tree breeding which shaped her fondness for outdoor
activities and botanical issues.
Jonathan Lorange-Millette Philosophe-photographe, Jonathan est candidat au
doctorat en science politique à l’Université d’Ottawa. Sa thèse de doctorat porte sur le rôle
de l’imagination dans la formation des théories en sciences sociales. Il nous propose une
réflexion inédite sur l'immixtion méthodologique entre biologie et sciences sociales, qui
n'échappe vraisemblablement pas au problème de l'intentionnalité.
Elisabeth Baier Elisabeth works in the Competence Centre for Politics and
Regions at the Fraunhofer ISI in Karlsruhe. A Ph.D. student in Strasbourg, she
works on regional innovation research, innovation and creativity, multinational
enterprises in regional systems of innovation and innovation policies. When not
writing for us, she spends her time snowboard ing, discovering different shades of
white.
Pascal Koeberlé Contributeur épisodique, Pascal nous rejoint ce mois-ci en
signant un texte qui nous interroge sur les discours légitimés par l'usage de la statistique.
Doctorant à l'Université de Strasbourg (CESAG), il prépare une thèse sur les origines
conversationnelles du changement organisationnel. Il est aussi un pianiste talentueux et
un cycliste passionné.
Propos
Novembre 2009
UNE
[EDITORIAL] L'État, la Science
002
[ÉDITORIAL] Méthodes et techniques
004
[OPINION] Les dérives d'une
005
[PROFIL] Elinor Ostrom - Nobel 2009
008
[INTERVIEW] Bernard Ancori,
instrumentalisation statistique
Vice-président Sciences en Société de
l'Université de Strasbourg
010
[DOSSIER SPÉCIAL] Science and design :
012
[PROSE] La méthode, ah oui.
013
[LITTÉRATURE] Bruno Latour, 2009
014
[PROFIL] Harold Varmus
015
[RAPPORT] La cliométrie au 21e siècle
016
[RAPPORT] Science biologique et
018
[PUBLICITÉ] Call : ACDD 2010
019
[CALENDES STRASBOURGEOISES]
a fruitful and visionary coalescence
sciences sociales, mêmes enjeux?
CONTRIBUTIONS
The Intelligent Design
Zoo Presents :
The "Empty" Cage
This cage is empty... for
now.
Since God created eve
rything by just
"placing" it on Earth, we
are
welcoming Him to cre
ate another
creature by just magic
ally "putting" it
in this cage. We look for
ward to
seeing what He comes
up with.
Et pourquoi pas? Pour certains théoriciens de "l'anarchisme
méthodologique", on peut dire, paraphant Feyerabend, que
"tout est bon". Le problème est qu'une telle position mène à
certaines dérives, à d'inutiles débats. Comme celui, persistant
aux États-Unis, entre "créationnistes" et biologistes, physiciens
et géographes, ces derniers "croyant" à l'évolution par sélection
naturelle. Darwin aurait-il erré? En quoi les tests d'ADN
"prouvent"-ils que nous descendons du singe? À suivre...
003
Les dérives d’une instrumentalisation statistique
Comment nier qu’une vague de suicides caractérise France
Telecom (FT). Cette vague existe, ne serait-ce que
comparativement à la situation antérieure de l’entreprise.
Ce changement remarqué ne manque pas de faire une
différence (dans les médias, dans l’entreprise, dans d’autres
entreprises, dans la gazette Cournot, dans les conversations
de ma grand-mère le dimanche après-midi…).
N’est-ce pas pourtant pour nier cette existence que le
président de la commission de déontologie de la société
française de statistique, René Padieu, choisit de mettre en
perspective le cas particulier de France Telecom avec la
moyenne nationale ? Quelle pertinence méthodologique y at-il dans ce choix ? Pourquoi la part des suicides chez FT
dans la population totale des suicidés est-elle soudainement
devenue significative ? Par quel raccourci admet-il que les
réalités sociales s’additionnent comme les réalités
matérielles ? En quelques sortes, pourquoi réduit-il le suicide
au décès qui en résulte ? Certains suicides n’ont-ils pas, dans
certaines circonstances, une importance sociale accrue, du
fait même de la significativité de ces circonstances ? Ainsi M.
Padieu nous délivre son diagnostic : un salarié de FT se
L'État, la Science
(suite et fin)
vouloir convaincre ceux qui sont gagnés
d'avance, sans avoir à dépasser le cadre de
l'endoctrinement académique pour
reproduire ad nauseam des schémas en
soutenant qu'il y a là quelque chose qui
témoigne du dépassement de soi par
l'homme moderne.
Si l'on cessait de s'enfermer dans une
technicité dégradant l'esprit humain, si
l'on sortait le calcul de l'interprétation du
monde, qu'obtiendrait-on? Moins de
publications, certes, et ensuite? À quoi
bon investir tant de fric, tant d'énergie,
tant de cervelle et d'années d'études, à
chercher dans une botte de foin des
futilités dont l'impertinence n'a de rivale
que la prétention de ceux et celles qui
pratiquent cet art du vrai sans jamais
pouvoir nous dire combien nous avons
erré, et combien nous errerons encore?
Macroéconométricosociologicotechnicol
ogistes, que faites-vous demain? Aurezvous encore faim : cela correspond-t-il à
vos 'intérêts rationnels' ? Et si vous ne
mangiez pas, que diriez-vous de votre
optimisation de ressources? Quelle place
accorderiez-vous alors aux idées, aux
envies, aux biais qui sont les vôtres et qui
vous ont fait choisir une science plutôt
qu'une autre, un champ d'étude plutôt
qu'un autre, une conception du monde
aussi étroite (plutôt qu'une autre) : "après
tout, un homme seul ou même un
groupe influent ne peuvent pas tout faire
en même temps, et il vaut mieux qu'ils
004
suicide aussi souvent
que les autres ; c’est
donc nor mal (ou
conforme à la
moyenne). Notons que
ce diagnostic écarte les
tentatives de suicides,
qui seraient donc
moins qu’anecdotiques.
Un diagnostic aussi
distordu laisse penser à
une fin tordue. Le
pronostic réel est-il à ce point inavouable, si la priorité
consiste à traquer un coupable, plutôt qu’à prévenir la
récidive. La question fondamentale est-elle celle de mesurer
le degré de responsabilité de FT en tant que machine
complexe et/ou de tel ou tel manager en tant
qu’individualité isolée ? N’est-elle pas plutôt de comprendre,
de l’intérieur, comment l’entreprise peut échouer dans son
rôle d’agent de socialisation, et comment cet échec pénalise
sa propre performance ? ⊗ (PK)
adoptent une théorie qui les intéresse,
plutôt qu'une théorie qui les
ennuie" (Feyerabend, 1975, p.41).
Est-ce donc ça, ô Science moderne : une
bande de pervers polymorphes (c'est
Freud, pas moi), de matérialistes
opportunistes qui fuient l'ennui ? Qui
cherchent le plaisir, le beau et le salaire
mensuel dans des élans éperdus de
simplicité (ou de simplisme) ? On
reconnaît là les relents de rationalisme qui
assaillent jusqu'à cet éditorial.
Délire
Pourquoi ne pas faire prêtre (ou prêtresse)
de votre corps et de votre esprit, un
chaman dans une tribu indonésienne. Le
billet, à portée de main et de compte
bancaire : hop, CDG-CGK. On balance
tout : bureau, chaise, macbook, bagnole,
danettes, claquettes et tutti quanti, Finito
de Cordoba peut rhabiller son taureau, le
départ est annoncé.
La Meteotek catalane dont les bruits
ingénieux, volontaires et créatifs nous
parviennent comme un bruit de fond,
nous qui dans nos tanières chauffées au
mazout font valoir que le monde est plus
vrai ici qu'entre la Llobregat et la Besos.
Que voyez-vous donc de la Serra de
Collserola sinon une étendue infinie, sur
laquelle des géographes ont exigé qu'on
pose des bornes : des mètres et des litres,
des règles pour maximiser toujours la
fiction rationnelle qu'ils ont construite.
Entre les Anciens et les Modernes, n'avezvous pas peur que ne vous pue au nez
cette Science putride qui s'auto-détruit à
force d'impertinence?
Partez à l'aventure, chers amis, voyez le
monde tel qu'il est au lieu d'en chercher
les fondements entre deux colonnes de
chiffres créés par d'autres. Qui sait, peutêtre cela rendra-t-il plus utiles ces actes
mondains et éperdus tentant de chercher
un vrai dans une infinité
incompréhensible. Nous aurions au
moins l'avantage d'avoir choisi l'exil face à
l'État, seul rempart contre les assauts
répétés des dogmatiques.
La Science, l'État : quel avenir pour un
dogme et un rempart, sinon celui d'exiler
enfin la prétentieuse dans son coin
malicieux, de la pointer du doigt comme
l'événement spontané, paradigmatique
(oui!) qu'elle aura pu être, et désigner la
liberté épistémique comme nouveau
mode d'organisation de la quête
il crie, il pleure, il
ignore et s'hexagone.
sans plus reluire il
s'invente des oracles
humaine. Laisser place au vaudou et au
n'importe quoi, les instituer s'il le faut,
voilà le mot d'ordre d'une société
émancipée de ses docteurs de vérité, de
ses fiers à bras de l'inintelligible
intellectuel, de ses philosophestechniciens. "Les allemands sont fiers de
leur haute stature et de leur compétence
en magie", disait Érasme, en 1509. Et
vous, de quoi êtes-vous fiers? ⊗ (FG)
ÉDITO
Elinor Ostrom – Prix Nobel d'économie 2009
Elinor Ostrom en compagnie de Buzz Holling lors de l'édition 2007 de la Resilience conference à Stockholm Photo: J. Lokrantz/Azote
Née à Los Angeles en 1933, Elinor Ostrom est actuellement
professeure de sciences politiques à l'université d'Indiana
(Arizona). Récompensée pour ses travaux sur la
gouvernance des ressources et des biens communs, elle reçoit
le Prix Nobel d'économie 2009 en compagnie d'Oliver
Williamson. Première femme à obtenir une telle distinction,
E.Ostrom est connue pour avoir étudié les circonstances et
les arrangements institutionnels qui permettent une gestion
soutenable des ressources communes telles que les forêts, les
pêcheries, les champs de pétrole, etc.
La théorie microéconomique classique prédit la
surexploitation des ressources communes, parfois même
jusqu'à l'épuisement, en particulier en situation de libre
accès. Deux solutions sont généralement envisagées pour
remédier à cette tragédie des communs. La première est la
privatisation. A travers la création d'un droit de propriété sur
une partie de la ressource (généralement sous forme de
quota), la privatisation doit inciter les acteurs à préserver la
part qui leur est confiée. La deuxième solution réside dans la
régulation de l'exploitation par l'État, via des réglementations
limitant la capacité d'extraction par les acteurs ou
l'interdiction pure et simple d'accéder à la ressource.
Si les illustrations empiriques de la tragédie des communs ne
manquent pas, E.Olstrom nous fait observer que toutes les
ressources communes ne sont pas pour autant condamnées
à l'extinction, et ce malgré l'absence de régulation étatique.
Dans certaines situations, des communautés d'acteurs ont
réussi à créer des arrangements « institutionnels »
permettant une gestion soutenable à long terme. Ces
institutions, généralement non formelles, peuvent prendre
des formes très diverses en fonction des particularités des
ressources et de l'environnement économique auquel les
acteurs sont confrontés. Il s'agit bien souvent de normes
sociales définissant le comportement d'exploitation de
manière totalement décentralisée.
Par exemple, une communauté de pêcheurs peut se
coordonner sur un niveau global d'extraction de poisson
optimal si chaque pêcheur accepte de restreindre ses efforts
ou son matériel d'exploitation. Pour éviter que cet
arrangement ne vole en éclats à cause de pêcheurs qui ne
respecteraient pas cet accord, les pêcheurs souhaitant
PROFIL
favoriser la coopération peuvent individuellement décider de
punir les non-coopérateurs.
Ainsi, à côté de la création de droits de propriété et de la
régulation directe par l'État, Elinor Ostrom montre qu'une
gestion soutenable décentralisée des ressources communes
est possible au niveau des communautés d'acteurs
concernés. Le principal enseignement à tirer de ses travaux
est que si les pouvoirs publics souhaitent intervenir dans la
gestion d'une ressource commune, ils doivent faire attention
à ne pas détruire les arrangements mis en place par les
acteurs lorsque ceux-ci sont efficaces. Dans certaines
situations, il est préférable de favoriser un environnement
propice à l'émergence et au soutien de la coopération sur des
niveaux d'exploitation soutenables, plutôt que d'intervenir
directement par la réglementation ou la création de droits de
propriété. ⊗ (JPA)
Le prix Nobel est attribué
dans 6 "disciplines" : physique,
chimie, médecine, littérature, paix et
économie. Chaque récipiendaire reçoit, des
mains du Roi (le cas échéant, Carl XVI Gustaf) :
un diplôme, une médaille, et un chèque de 10 millions
de couronnes suédoises, soit environ 1 million d'euros.
En fait, Alfred Nobel n'avait pas prévu l'attribution d'un
prix d'économie. La famille Nobel contemporaine nie
toujours aux économistes ce privilège. En conséquence, celuici est défrayé par la Riksbank (Banque de Suède) et n'existe
que depuis 1968 (alors que les premiers Nobel ont été
décernés en 1901). On accepte toutefois que le prix soit
décerné en même temps que les Nobel officiels.
Notons que la médaille, d'un diamètre de 66 mm,
est constituée de 200g. d'or 18 carats plaqué en
or de 24 carats. Un cadeau qui, selon le site
www.goldintomoney.com, vaut
environ 2500 $US.
005
Méthodes et techniques (suite)
aux questions qui me préoccupaient.
Mais comment faire une carrière
académique, même il y a déjà vingt ans
au Canada, avec l’absence de mesures
et de techniques reconnues pour fins de
publication par la communauté
scientifique à laquelle j’aspirais
d’appartenir ? Fallait-il changer de
communauté et accepter de ne pas être
un homme de science, un chercheur ?
C’est sans doute à ce moment que j’ai
J’ai [...] découvert les risques
de tirer de belles conclusions
sur des données mal
comprises mais traitées
avec de plus en plus de
sophistication.
commencé à réclamer plus le statut
d’expert que de chercheur. Je n’avais
sans doute pas le courage de la
polémique.
Il m’a fallu constater la peine, les affres et
les angoisses de mes étudiants pour me
repencher sur le cas de la méthode, des
méthodes ! Comment découvrir –
surtout lorsque pour certaines questions
il n’y a pas vraiment de recherches
antérieures assez précises pour établir
des hypothèses crédibles et utiles?
Comment intégrer ses connaissances ?
Comment convaincre les autres ? Je
voyais tous ces étudiants tordre leurs
questions pour entrer dans un moule
préétabli. J’en voyais certains se lancer
dans des démarches qui ne pourraient
jamais convaincre quiconque mais qui
avaient l’attrait de l’esthétisme et
d’autres se lancer dans des débats
épistémologiques épuisants, ne
permettant vraiment non plus de
répondre clairement à la question qui,
au départ, les avait peut être intéressés.
Les débats auxquels j’assistais et qui ont
eu cours une grande partie de ma
carrière opposaient faussement deux
clans, quantitatifs et qualitatifs laissant
supposer que les quantitatifs étaient
porteurs de peu de pertinence alors que
les autres étaient qualitatifs par incapacité
de compter, et ceteris paribus par manque
de rigueur. Que la quête de vérité au lieu
de la connaissance peut être inutile ! Il est
vrai que les textes des qualitatifs se
justifiaient souvent plus d’une posture
épistémologique donnée sans égard à
une démonstration rigoureuse alors que
les quantitatifs ne perdaient ni de temps,
ni de lignes précieuses dans un article, à
faire cette réflexion, portés par la rigidité
– fausse rigueur – de leurs technicités.
Une tour de Babel, un monde de
sourds ! Un monde où la technique
l’emportait trop souvent sur LA
question, mais où la démonstration (tant
chez les dits qualitatifs que chez les dits
006
quantitatifs) manquait souvent de la
transparence requise pour convaincre.
J’ai malgré tout penché, dans ma
carrière et avec mes étudiants, vers les
recherches dites qualitatives car je me suis
intéressé à des questions que je ne
pouvais pas comprendre avec les
techniques de mesure et de traitement
de données de mes premières années de
carrière. J’étais aussi conscient des
limites d’une démarche clinique où le
potentiel de conviction est difficile
lorsque les étapes de traitement et de
raisonnement ne sont pas explicites. Je
savais aussi que les systèmes d’évolution
en carrière laissent peu de place aux
publications plus inductives tout en
devant reconnaître que de nombreuses
recherches qualitatives ne me
convainquaient nullement de leurs
conclusions, alors que plusieurs études
quantitatives me semblaient manquer
de pertinence ou d’utilité sociale ou
scientifique. C’est un peu la question
que soulèvent Pascal Koeberlé et Francis
Gosselin, chacun à leur façon, au sein de
ce numéro.
Dans mon travail de direction
d’étudiants, j’ai cherché à relativiser avec
eux ce que représente un premier projet
de recherche d’une durée de 2 ou 3 ans
sur une vie active de 35 à 40 ans. La vie
de chercheur doit se construire, comme
la connaissance, par ajouts à la marge.
J’ai donc toujours fortement insisté pour
que la méthode choisie soit au service de
la question, sous contrainte des données
disponibles et des budgets financiers
mais surtout temporels de mes étudiants.
Je ne crois pas que l’on naisse chercheur
ou expert mais qu’on le devient par
accumulation rigoureuse d’expérience,
par compagnonnage, et le partage non
seulement de nos découvertes mais des
moyens mis en œuvre pour en garantir
la validité. J’ai toujours mis en garde mes
étudiants qui voulaient réaliser en si peu
de temps (3 années au doctorat filent
plus vite que l’on pense) un projet qui
demanderait une vie de travail. Je les ai
aussi mis en garde de voir la technicité
l’emporter au détriment de la précision
de la question, condition essentielle pour
pouvoir continuer par la suite à creuser
plus à fond le développement sans fin de
la connaissance dans un domaine qui
nous passionne. A cet égard je me suis
éloigné des thèses par cumul d’articles : il
arrive trop souvent que l’on cumule les
réflexions techniques sans égard à
l’importance de la question bien que
dans l’ensemble, la connaissance
s’accumule à la marge.
Je ne sais que dire spécifiquement des
techniques du 21è siècle : pourquoi
marquer le passage de millénaire par
l’émergence de nouvelles techniques ? Je
n’en vois pas l’intérêt ! L’expérience par
exemple n’a pas de temporalité et les
outils de traitement et d’analyse
d’informations sur de multiples sujets se
raffinent de jour en jour depuis
longtemps et le chercheur qui veut faire
un travail convaincant doit
professionnellement se tenir à la fine
pointe des outils de son métier.
Dans une étude bien construite, la
recension des recherches antérieures sert
non seulement à établir l’évolution des
découvertes réalisées, des concepts et des
théories ayant été proposés, mais aussi
celle des outils des travailleurs de la
connaissance. S’il est important de bien
comprendre l’évolution de la
connaissance accumulée sur notre
question, je me suis toujours méfié du
recours trop étendu à des concepts pas
toujours utiles pour répondre à nos
q u e s t i o n s . Je m e m é f i e d e
l’intellectualisme au détriment de
l’intelligence. Toute bonne méthode
repose selon moi au départ sur
l’identification la plus précise des
problèmes connus pour voir en quoi le
nôtre est différent puis sur la sélection de
l’outil le plus approprié pour y faire face.
Un plombier serait mal venu de réparer
une fuite avec les outils de l’électricien.
C’est la même chose dans la production
et la diffusion des connaissances : à
chaque problème correspond un outil.
La méthode n’est donc pas seulement
question d’outils mais du choix du bon
outil, et de son utilisation avec dextérité,
le tout pour produire des connaissances
avec expertise. Comme dans toute
activité humaine, la manipulation des
Je ne crois pas que l’on
naisse chercheur ou expert
mais qu’on le devient par
accumulation rigoureuse
d’expérience, par
compagnonnage, et le
partage non seulement de
nos découvertes mais des
moyens mis en œuvre pour
en garantir la validité.
outils de recherche se fait par corps de
métier, et tout comme la construction
d’une maison requiert l’apport de
plusieurs métiers, il en va de même pour
la recherche et la production de
connaissance. L’homme des cavernes
de Benoît Chalvignac disposait sans
doute de moins d’outils qu’aujourd’hui
pour construire son habitat mais posons
l’hypothèse que les maisons actuelles
représentent plus de complexité pour
s’adapter à nos diverses règles sociales
etc. Une méthode ne peut pas être
universelle pour toutes les questions ni
pour construire l’édifice de la
connaissance: au contraire elles doivent
ÉDITO
pouvoir se compléter en contribuant dans leurs limites à la L’entrevue de Bernard Ancori remet aussi les questions de
solution de problèmes qui permettent leur utilisation. Les curiosité et de rigueur au cœur des débats. La méthode et la
grands chercheurs que j’ai croisé ont rarement été sectaires technique sont des outils pour comprendre, pour calibrer la
mais plutôt curieux de l’apport des autres, tout en sachant connaissance, pour identifier les limites d’application de nos
proclamer leurs limites et celles de leurs apports. En expertises. L’article de René Carraz sur Harold Varnus nous
contrepartie ces mêmes personnes ont généralement, malgré rappelle quant à lui que le chercheur ne connait pas
l’ouverture qu’elles ont su démontrer, évité de «toucher à tout» nécessairement sa question en début de carrière (ou en début
même si, au fil des ans, elles ont parfois migré vers de nouvelles de thèse) et que le temps est nécessaire pour devenir ce que
techniques, toujours parce que ces chercheurs avaient changé l’on sera (et pour préciser la question à laquelle on peut
la nature de leurs questions.
vraiment répondre après trois ans de thèse). En ce sens il
La méthode est à la recherche ce que veulent être aujourd’hui devrait encourager les jeunes chercheurs à ne pas vouloir,
les règles de gouvernance pour les conseils d’administration : encore une fois, tout réaliser dans leur thèse. Il ne faut pas se
des mécanismes de transparence permettant d’évaluer et de fixer des objectifs irréalistes, ne pas vouloir régler maintenant
calibrer la production de connaissance. Dans ce numéro tous les problèmes du monde, et considérer que la thèse est
Pascal Koeberlé ouvre un débat sur une observation statistique une étape pour apprendre comment apprendre, comment
convaincre, sur quoi faire porter ses
dans le cadre des tristes suicides
énergies et ses questions.
à France Telecom. En face à
Que la quête de vérité au lieu de la
face, la rencontre entre lui et le
C’est encore ici que la méthode,
connaissance peut être inutile ! Il est
statisticien René Padieu
pourvu qu’elle soit synonyme de
vrai que les textes des qualitatifs se
pourrait s’avérer vaine car les
rigueur, prend toute son importance.
justifiaient souvent plus d’une
deux parties ne posent pas la
Ce témoignage nous laisse cependant
posture épistémologique donnée
même question, l’un parlant
comprendre aussi que la science est
sans égard à une démonstration
d’un phénomène (suicides) qui
action : il faut travailler avec d’autres et
rigoureuse alors que les quantitatifs
n’est pas statistiquement hors
gérer des ressources. Rappelons que
ne perdaient ni de temps, ni de
norme alors que le second
pour le doctorant la principale
soulève la pertinence sociale de
lignes précieuses dans un article, à
ressource à gérer est son temps. Il est
ses conclusions. Or le débat que
faire cette réflexion, portés par la
limité et il justifie une fois de plus la
Koeberlé aurait dû soulever est
nécessité de se donner un plan de
rigidité – fausse rigueur – de leurs
celui de la pertinence de la
travail, des objectifs à atteindre et des
technicités.
moyenne en statistiques, pour
limites sur sa quête de perfection dans
mesurer une vague, une
tous les aspects de sa recherche. Le
accélération de suicides et non un simple taux d’incidence jeune chercheur doit accepter qu’il aura toute une vie pour
sans égard au rythme de ceux-ci dans l’espace temps en régler le sort de l’humanité et il découvrira vite, en prenant
référence. De fait on nous demande quelle est la plus conscience du temps qui passe, que seuls les petits ajouts
importante des questions : celle de la moyenne observée pour rigoureux à la connaissance peuvent faire évoluer l’humanité
recadrer un débat ou celle de la signification d’une possible ou à défaut, espérons-le, le chercheur lui-même.
accélération de cas de suicides ? Faute de connaître leurs Je termine avec les réflexions que nous propose Francis
données et les processus de leur traitement par Padieu ou Gosselin. Si la technicité ne doit pas être une fin en soi, je ne la
Koeberlé, on ne peut pas vraiment débattre ni de la relative pense pas dégradante pour l’intelligence de l’Homme.
vérité, ni de la justesse des conclusions ou positions de l’un ou «Intelligere» veut dire comprendre et il n’y a pas de connaissance
de l’autre. Je ne sais pas qui a raison mais lorsque les questions possible sans technique pour la développer et la relativiser.
posées ne sont pas les mêmes, les discussions ne peuvent que Tant le scientifique que le philosophe se doivent de repousser
dériver et ce n’est pas un problème de méthode.
les frontières de la connaissance partagée. Le titre de
Le texte de Chalvignac pose la question du mode Philosophiae Doctor que donnent les universités à leurs diplômés
d’apprentissage : comment apprenait l’homme des cavernes et indique que science et philosophie ne sont pas en opposition.
comment apprend l’homme moderne ? Est-ce une question Philosophe, le chercheur expérimenté a compris qu’on ne
importante ? Serions-nous surpris de découvrir que l’homme peut pas seul repousser une armée mais qu’il vaut mieux être
moderne apprend différemment car l’accumulation de quelques soldats. Le chercheur, philosophe, accepte ses propres
connaissances de l’humanité est plus grande et la complexité limites et de se poser des questions à la fois importantes et
des problèmes sans doute aussi ? Est-il possible de savoir modestes qu’il peut résoudre. La société, souvent à travers
comment l’homme des cavernes apprenait ? Serait-ce l’État, lui donne cette opportunité d’un travail dont les produits
vraiment utile ?
sont moins palpables que ceux de l’artisan mais qui doivent
L’article de Claude Diebolt illustre bien les enjeux du choix aussi être à la portée de ses limites, de ses moyens, de ses
d’un bon choix d’outil pour obtenir par une méthode équipes et au service d’une ambition clairement formulée,
rigoureuse des conclusions calibrées. En se questionnant sur la d’un problème à résoudre en se donnant les meilleurs moyens
nature des questions que l’histoire économique pose, sur la d’y arriver. La science comme la philosophie ne sont pas
nature des données soumises à l’analyse, on peut comprendre impertinentes ou plus pertinentes l’une que l’autre : ce sont les
l’intérêt de divers traitements statistiques des théories proposées hommes qui peuvent développer, par manque de rigueur, ces
au fil du temps par des économistes. Contrairement à la travers. Le philosophe comprend aussi qu’il est vain de vouloir
question de l’homme des cavernes, le caractère bien structuré tout comprendre !
des hypothèses et modèles économiques permet une analyse Tout compte fait, peut-être n’ai-je pas encore compris la
que ne permettrait pas (sous réserve de ma méconnaissance de question ? Un éditeur invité de la Gazette devait peut-être
ces techniques) l’étude évolutive par exemple d’une grande soulever une plus grande polémique ? J’ai décidé de ne pas
entreprise complexe dont la succession de décisions ne répond pousser plus loin celles déjà présentes dans quelques uns des
pas toujours à la logique d’un développement théorique textes présentés pour privilégier un témoignage visant à rendre
comme en économie.
L’appel à la triangulation le lecteur à la fois plus curieux, plus tolérant, plus rigoureux,
méthodologique illustre aussi dans son texte l’importance que moins inquiet mais plus soucieux des limites des méthodes qui
la méthode apporte à produire de la connaissance avec lui permettront de répondre, avec conviction, à ses questions.
rigueur. Le texte de Diebolt remet enfin en perspective le fait Comme en matière de recherche la transparence est de
que la connaissance progresse par boucles successives et que le rigueur, je me devais a minima de décrire mon parcours de
futur en soi n’est pas que demain.
réflexion, ma chaîne argumentaire, pour vous permettre, le cas
échéant, de poursuivre le débat. ⊗ (AN)
ÉDITO
007
Pour une science lucide : de la co-construction au vagabondage
Un entretien avec Bernard Ancori
Directeur de l'Institut de Recherches Interdisciplinaires sur les Sciences et la Technologie (IRIST)
Vice-Président Science en Société de l'Université de Strasbourg
Épistémologue, anthropologue, économiste.
La Gazette Cournot (GC) : Vous occupez depuis
quelques années maintenant deux postes qui vous
donnent une perspective à la fois de penseur et de
praticien. Pouvez-vous en relater l'évolution?
Bernard Ancori (BA) : Depuis la lointaine époque de
mon doctorat d'Etat en sciences économiques, cette
discipline me semble s'être centrée sur une perspective
(trop) technique, oubliant ou minorant les apports de
l'analyse conceptuelle, de l'histoire et de la philosophie,
pourtant indispensables à une bonne compréhension de
notre monde. C'est pourquoi j'ai réorienté mes propres
recherches et mon enseignement vers l'épistémologie, la
sociologie, ainsi que l'anthropologie des sciences et des
techniques, toutes disciplines qui correspondaient mieux,
par ailleurs, à ma prise de fonction (en 1997) en tant que
responsable du GERSULP (Groupe d'Etudes et de
Recherces sur la Sciences de l'ULP, créé par le premier
président de cette université, au début des années 1970) ,
puis (en 2000) de l'IRIST dont le GERSULP est
aujourd'hui l'une des trois équipes constitutrices.
La publication en mars 2003 d'un rapport de recherche
collectif, "Economies fondées sur la connaissance et
nouveaux espaces d'expertise. La place et le rôle de
l'Université", que j'avais codirigé avec Patrick Cohendet,
le financement récurrent de laboratoires
inscrits dans le temps long de recherches
sans résultat prévisible permet au
chercheur de pratiquer une forme de
vagabondage intellectuel qui est une
condition sine qua non de la découverte
de nouveaux espaces cognitifs
a probablement contribué à susciter la création d'une
vice-présidence "Sciences et société" dans l'équipe dirigée
par Alain Beretz, dernier président de l'ULP, ainsi que sa
reconduction, par le même Alain Beretz, à l'Université de
Strasbourg, aujourd'hui premier président de cette
université unique, mais ceci sous un intitulé légèrement
différent et plus conforme à l'esprit de cette viceprésidence "Sciences en société". Nous avons voulu
marquer par là l'esprit de co-construction des connaissances
entre milieu académique et milieux non académiques
(notamment certaines associations) que nous voulions
promouvoir dans une perspective globale d'insertion
dynamique de l'Université dans la Cité — et
réciproquement.
GC : Si la science est effectivement de plus en plus en
société, certains expriment malgré tout des craintes face à
certaines technologies : OGM, nanotechnologies,
nucléaire. Croyez-vous cette angoisse fondée?
BA : La part prise aujourd'hui par les sciences et les
technologies dans nos vies quotidiennes mène à une
attitude ambivalente chez nos concitoyens : fascination
pour la science et pour ses héros, d'une part, mais aussi
angoisse devant certaines retombées technologiques des
sciences, d'autre part. L'un des objectifs de la viceprésidence "Sciences en société" est de relativiser à la fois
fascination et angoisse en inventant des procédures
permettant à nos concitoyens qui ne sont pas des
scientifiques professionnels de participer néanmoins à
certains processus de construction des connaissances — la
008
fameuse co-construction dont je parlais plus haut.
Associer des non scientifiques aux démarches même de
création de connaissances, et non se contenter de leur
exposer les produits de cette création, me paraît propre à
les rendre sensibles aux limites auxquelles se heurtent ces
démarches (relativiser la fascination) tout en rendant la
réalité des sciences plus familière (relativiser l'angoisse).
Parmi les procédures qui s'inscrivent dans cette optique,
je citerais volontiers la réalisation de forums hybrides (lieux
de débats et de construction conjointe du sens par des
scientifiques et des non scientifiques à propos de thèmes
sociotechniques controversés : OGM, nonotechnologies,
ondes électromagnétiques, etc.) dans l'enceinte même de
l'Université, ainsi que le copilotage de recherches par des
laboratoires académiques et par certaines associations à
buts non lucratif (notamment, mais non uniquement, sur
des maladies orphelines).
GC : Vous ne partagez donc pas l'avis du philosophe des
sciences Paul Feyerabend selon lequel la Science et une
idéologie au même titre que les autres et que, en
conséquence, nous devons parvenir à une séparation de
la Science et de l'État.
BA : J'ai beaucoup lu Paul Feyerabend, dont la pensée est
extrêmement stimulante — de par son brin de
provocation. Il touche un point sensible de la philosophie
des sciences : en dépit de tous nos efforts intellectuels
pour donner des critères proprement épistémologiques
de justification d'un énoncé scientifique — donc pour
démarquer les énoncés scientifiques d'autres types
d'énoncés, les premiers relevant de la connaissance
(épistémé) et les seconds des représentations de l'opinion
(doxa) — nous sommes toujours contraints de mêler de
tels critères à des considérations d'ordre sociologique ou
historique : toute vérité scientifique reconnue comme
telle nous apparaît comme un mixte de véritécorrespondance (entre l'énoncé et son référent extralinguistique) et de vérité-consensus (entre pairs). D'où une
tendance récente à mêler les voix des épistémologues et
des philosophes des sciences à celles des sociologues, des
historiens, des politologues, des économistes, etc. dans
l'analyse des pratiques et des résultats observables de
scientifiques en chair et en os, ancrés dans la réalité de
leur espace et de leur temps. Mais cela ne signifie pas qu'il
faille suivre P. Feyerabend dans son relativisme radical.
Ce relativisme-là me paraît personnellement intenable,
INTERVIEW
ne serait-ce qu'au nom des capacités prédictives propres
aux sciences — je ne suis pas prêt à accorder le même
crédit à une cartomancienne et à un scientifique, fût-il
météorologue ou…économiste.
Quant à séparer la science de l'Etat, c'est là une tout autre
question. Pour moi, les connaissances scientifiques
constituent essentiellement un bien public, non
seulement parce qu'elles sont le plus souvent obtenues
grâce à des financements publics, mais aussi parce qu'elles
ont doublement affaire à l'universel : dans leurs quêtes de
lois générales, dans leurs applications concrètes. Que
serait une science séparée de l'Etat ? Qui porterait ce
vaste projet ? Des individus isolés ? Cela n'a guère de sens
pour les technosciences d'aujourd'hui. Des intérêts
privés ? Quid alors de la recherche fondamentale,
désintéressée, curieuse de connaître pour connaître ?
GC : Comme vous l'avez relevé, on a observé au cours
des dernières décennies l'émergence de nouvelles
approches dans l'abord des sciences par les sciences
humaines. Quel sont les conséquences de ce surcroît
d'intérêt?
BA : Plutôt que d'un surcroît d'intérêt, je crois qu'il faut
parler d'une redécouverte et d'une reconnaissance
mutuelles des sciences de la nature (expression que je
préfère à celle de "sciences exactes") et des sciences
humaines et sociales. Ceci car les enjeux actuels sont de
plus en plus multifacettes, donc pluridisciplinaires —
pensez aux enjeux environnementaux ou sanitaires. On
voit donc interagir biologistes, chimistes, physiciens,
sociologues, psychologues, etc., de manière de plus en
plus fréquente qu'auparavant. Cela ne signifie pas — bien
au contraire — que cette pluridisciplinarité doive
s'accompagner d'un effacement des connaissances et
compétences strictement disciplinaires. C'est exactement
l'inverse : pas de pluridisciplarité réussie sans des ancrages
disciplinaires forts !
Néanmoins, le risque lié à un éventuel privilège politique
— au sens de la politique scientifique — donné aux
enjeux de ce type est de ne plus concevoir la recherche
scientifique que comme une série d'alliances provisoires
de scientifiques de diverses disciplines, des sortes
d'assemblages éphémères construits à l'occasion de
chaque tentative de résolution de problème. D'abord,
parce que la recherche ne se réduit pas à résoudre des
problèmes bien formés, mais consiste également
(surtout ?) à problématiser, c'est-à-dire à poser des questions
que l'on essaie ensuite de traduire sous une forme qui
puisse recevoir une réponse scientifique. Ensuite, parce
que l'on risque ainsi d'oublier cet élément fondamental
pour l'efficace de la recherche qu'est la durée nécessaire à
la construction d'une culture collective — la culture de
laboratoire, ingrédient essentiel de la réussite d'une
recherche qui est toujours collective, même si ses résultats
font parfois l'objet d'appropriations individuelles. Enfin,
parce que l'on crée ainsi un vivier de chercheurs
précaires, courant toute leur vie de contrat de recherche
en contrat de recherche, ce qui, allié à une certaine
modicité des revenus des chercheurs, n'est pas de nature à
attirer des jeunes générations aujourd'hui plus enclines
que les générations passées à privilégier cet aspect des
choses dans leurs choix professionnels.
GC : Sans chercher à faire polémique, vous êtes donc
d'avis que les orientations actuelles des politiques de
recherche, en France et ailleurs, ne vont pas
nécessairement toujours dans la bonne direction?
BA : Une chose est certaine : nous sommes allés
beaucoup trop loin aujourd'hui dans la prépondérance
donnée aux financements de recherches finalisées par
INTERVIEW
rapport aux financements récurrents — les dotations
dites "de base" — des laboratoires. La question n'est pas
seulement ici de financer davantage de "projets blancs"
par rapports aux projets ciblés a priori par l'Agence
Nationale de la Recherche : "blancs" ou "ciblés", ces
projets mènent à ces assemblages précaires dont je parlais
plus haut, avec toutes leurs conséquences. A l'inverse, le
financement récurrent de laboratoires inscrits dans le
temps long de recherches sans résultat prévisible permet
au chercheur de pratiquer une forme de vagabondage
intellectuel qui est une condition sine qua non de la
découverte de nouveaux espaces cognitifs. Il arrive que ce
type de vagabondage produise des résultats positifs, en
termes de retombées technologiques et scientifiques, sans
Confrontée à la maladie du court-noué, maladie
viticole virale sans traitement possible, l'équipe de
l'Inra de Colmar s'est mise en quête de solutions.
Courte histoire d'une co-construction (par Jean
Masson, président de l'Inra)
"La vigne [...] est [...] constituée de deux éléments : un
porte-greffe sur lequel on greffe le cépage, et l'on ne fait
du vin qu'avec le cépage. Donc l'idée toute simple était
d'essayer d'arrêter la maladie au niveau porte-greffe.
Pour résoudre cette question, nous souhaitions
développer une approche impliquant des porte-greffes
transgéniques. [...]. Tout va bien. [...] On va vers la filière
avec une solution. On est en 1999, et là rien ne va plus,
tout le monde est contre les OGM. [...] Les partenaires
nous quittent fort légitimement et on se retrouve bloqués.
L'idée est d'initier une démarche de relation 'science et
société' [...]. L'exercice consistait à déterminer quelles
seraient les conditions d'acceptation d'une nouvelle
expérience de porte-greffe transgénique pour protéger
la vigne contre cette maladie. [...] Le challenge était de
traiter des objectifs du projet et de répondre aux
questions auxquelles nous n'avions pas encore
répondu, au sens de la recherche. [...] Nous avons
abouti à une co-construction d'un protocole
expérimental, très épais, mais co-construit, avec tout le
monde. Nous avons présenté un dossier à la
commission du génie biomoléculaire, qui a donné son
accord pour l'expérimentation. Le ministre de
l'Agriculture aussi. Jamais nous n'avons demandé aux
membres du comité de suivi de se prononcer sur
l'intérêt de faire l'essai. [...] Comme nous avons dû coconstruire l'expérimentation ensemble, nous avons tous
utilisé le même langage [...], et ainsi trouvé un
relégitimisation du chercheur dans l'enceinte
représentée par le comité de suivi."
tiré d'ALIX, ANCORI & PETIT (2008), Sciences en société au
XXIe siècle, CNRS Éditions., p. 214-215
commune mesure avec ce que l'on peut attendre d'une
recherche par trop finalisée ou encadrée a priori. Pensez à
un scientifique comme Alan Turing, initialement attaché
à résoudre d'obscurs problèmes de logique, ce qui le
mena finalement à déchiffrer le principal système de
codage utilisé par l'armée allemande lors de la seconde
guerre mondiale, contribuant ainsi à l'heureuse isue de
celle-ci, et, plus généralement, à être considéré comme
l'un des pères de l'informatique théorique moderne.
Croyez-vous qu'Alan Turing débutant aurait bénéficié
d'un financement quelconque de type ANR ? Sur la base
de ses premiers travaux, il n'aurait même que très peu de
chance d'entrer aujourd'hui à l'Université. Le problème,
particulier à la France, est que la plupart de nos décideurs
politiques ne sont pas des universitaires, mais de hauts
fonctionnaires issus des grandes écoles. Ils ne sont donc
guère familiers des réalités de l'activité de recherche,
souvent confondue par eux avec (et réduite à) une activité
de résolution de problèmes. ⊗ (FG)
009
Dossier
spécial
:
Science and design – a fruitful and
visionary coalescence
How are scientific results generated and presented to the
world? Usually, scientists and researchers first of all
address their community. Starting from a problem or
research question, they formulate hypotheses and
assumptions, collect information and generate data,
apply scientific methods to treat those data and finally
gain statements about the verification or falsifications
about hypotheses and assumptions initially formulated.
But what happens afterwards, how are these findings
communicated to the scientific community and the
broader public? Often, the presentation of results
generated by scientific researchers is subordinate to their
desire to detect and explore things, but it is a
precondition to diffuse their findings, to initiate scientific
discussions, to gain reputation and raise public
awareness for their subject and the advances. For
designers, this last step is a constituent part of their
interest as well as interactions and mutual influences
between science and design is a hotly debated subject
among designers.
Gui Bonsiepe, a leading German design theoretician
has summarized this antagonism in a very precise way,
pointing at the (conceptual) designability view of the
designer and the recognisability view of the scientist:
„Der Entwerfer beobachtet die Welt aus der Perspektive
der Entwerfbarkeit, der Wissenschaftler hingegen
betrachtet die Welt aus der Perspektive der
Erkennbarkeit.“ This citation has been a starting point
for a series of seminars at the Karlsruhe University of
Arts and Design for “Envisioning knowledge”, under
the supervision of Professor Tania Prill, Professor
Laurent Lacour and PD Dr. Martin Schulz. It was
driven by the idea to fuel the ongoing debate among
designers who aim at establishing design as scientific
discipline and enhance a scientific dialogue among
designers (intra-disciplinary) but also with scientists
(inter-disciplinary) to explore interdependencies between
design and science in greater detail.
Design can help to present scientific findings in a way
that those findings can be illustrated and hence
"Design should leave its role as
a mere helper, since it has far
more to offer [...] experiences
made by designers are valuable
and useful for scientists"
- Pr. Tania Prill
contribute to the reception by the public addressed.
Communication takes place through pictures. But
increasing interaction between science and design
instead of a mere coexistence can have an enormous
additional potential to develop and present results and to
010
Photo (video) Annabel Angus: Superposition of Arnold
Schwarzenegger, Pumping Iron, 1977 and Francis Bacon:
Study of Pope Innozenz X (1650) by Diego Velazquez, 1953
get in interaction with the receptors. It was exactly the
goal of the seminar series to show that at the interface
between science and design can occur more: reflection
of own work, further intellectual stimulation through
interaction and communication between designer/artist
and scientist. At the core of the seminar were
presentations of PhD students works with the support of
a design or art project, realized by seminar participants.
The seminar showed that interactions between scientists
and designers can be crucial for the success and startingpoint of a mutual fruitful work. Often, scientists have a
skeptic attitude towards design work in the startingphase of the collaboration, but during the course of
work, prejudices generally vanish and are replaced by a
stimulating working atmosphere.
Ongoing approaches aim to develop a design
methodology and to establish design as a scientific
discipline itself, in order to foster a scientific dialogue
between the very young discipline of design and rather
“traditional” sciences which contributes to further
develop both fields. Communication design for instance
– i.e. communication through and with pictures - has
more to offer than just helping the researcher to
DOSSIER
(Left) Photo (video) Annabel Angus : Superposition of
Arnold Scharzenegger : Conan, 1984 and Leonardo da
Vinci: Mona Lisa, 1502/1503 (Right) Photo (video)
Annabel Angus : Superposition of Arnold Schwarzenegger:
Portrait by Robert Mapplethorpe (mirrored), 1976 and
Richard Hamilton: "Just what is it that makes today´s homes
so different, so appealing?" 1956
visualize his or her work. “Design should leave its role as
a mere helper, since it has far more to offer”, says Tania
Prill, adding that “experiences made by designers are
valuable and useful for scientists”. Experience gained by
the work of designers, or different approaches towards
the subject might lead to mutual knowledge gains and
can be useful for the researcher as well. A very
prominent example for innovative and mutually gainful/
profitable science-design interfacing is medical imaging:
With technical progress, images gain importance in
detecting illnesses, in finding appropriate remedies or in
the support of surgeries. In other cases, it adds an
additional channel of communication: communication
through pictures.
The results from co-operative projects between designers
and scientists are depending on the degree of freedom,
the resources, the discipline and the intensity of
communication between scientist and designer. An
example of the works of the seminar "Envisioning
Knowledge" is the visualization of the topic “Gelebtes
Lebenswerk - Die postmoderne Autoplastik des Arnold
Schwarzenegger” – “Living Life’s work – the postmodern autoplasty of Arnold Schwarzenegger”, the title
of a PhD thesis of a researcher, who participated in the
project. During the course of the seminar the designer
and artist Annabel Angus from Karlsruhe visualised the
topic in form of a video. In the video images of Arnold
Schwarzenegger and art, historical data are composed
and brought into connection. They show that the
production of the autoplasty has obviously parallels to
high-class pictures in art history, with different origins and
dating back several centuries. The amalgamation of art
and life as an imperative paradigm was one of the
questions in the doctoral work. The pictures above are
taken from Annabel Angus' video.
In other cases, the graphical presentation of scientific
results may have to follow more conventional forms,
when for instance combining long text passages, results of
statistical data treatment and diagrams in a very
comprehensive but nevertheless new and creative form.
The work on the right has been prepared by designers
and scientists from the Fraunhofer Institute for Systems
DOSSIER
and Innovation Research in Karlsruhe for a scientific
conference.
Again, the core objective is the effort to catch the
reader's eye with a symbolic presentation of measuring.
Additionally, it is considered essential here to hold
intense interactions and exchanges between scientist
and designer in order for both participating sides to use
and develop existing overlappings between the scientific
and the design-oriented work for the benefit of a
successful, creative and fruitful final result. On the one
hand, the designer is supported in producing an
attractive and pleasant representation of research
findings (and hence contributes to increase the
research's reception) when having thorough information
on the core ideas of the research, as well as on type and
objective of the research and on the target group to be
addressed. On the other hand, the consideration of and
focus on aspects of visual communication can help the
researcher to (re-)structure his/her ideas and statements
and to reflect about designated associations. All in all,
design in this respect can contribute to "give science a
serious and modern face" states Jeanette Braun, to "make
science aesthetic", in order to induce associations and to
guide the unconscious process of perceiving and
processing the scientific message.
Art and science with their mutual influences have a long
history. The history between design and a multitude of
scientific disciplines intensified during the Bauhaus
period, when science started to influence design strongly.
Further cooperation and joint projects could promote
further coalescence and might be visionary for the
development of various scientific disciplines. ⊗ (AZ & EB)
011
La méthode, ah oui.
La méthode pour bien dormir, c'est de prendre
un cachet, celui qui va bien pour dormir.
Bien sûr, cette méthode était
déjà connue au vieux XXème
siècle, mais on peut
penser qu'elle a été
bien améliorée
déjà en une
dizaine d'années. L'autre technique, c'est
de s'auto-observer. Comme ce n'est pas
directement accessible aux laborieux êtres
humains de notre siècle, nous devons avoir recours
à des outils, qui nous observent et nous
transmettent ensuite leurs observations. Nous
avons ainsi à notre disposition un certain nombre
de systèmes qui enregistrent nos cycles de sommeil, leur
composition et leur durée, et nous permettent de mieux
connaître nos propres caractéristiques de dormeurs. A l'aide
de ces informations nous pouvons établir des horaires de coucher
et de lever cohérents avec nos diverses horloges internes pour mieux
dormir, et ainsi être mieux éveillés et finalement plus heureux. Bien
sûr, si l'on a toujours du mal à trouver le sommeil malgré ces
précieuses recommandations, il nous faudra songer à supprimer de
nos habitudes diurnes la prise d'excitants comme le café, le thé
noir, la nicotine ou l'alcool et d'une façon plus générale, toutes les
drogues qui sont connues pour avoir un effet délétère sur un
certain nombre de choses dont le sommeil. Il n'y a cependant
rien de nouveau méthodologiquement là-dedans.
Mais
comment faisait donc l'être sans méthode, voué
à s'adapter sans comprendre, soumis
au seul mécanisme des forces
biologiques, que notre ancêtre des
cavernes était? Lui était-il donc
plus aisé qu'à nous
de se
coucher avec le
soleil et d'ouvrirç l'œila
aux premiers rayons? Et
de dormir au
moment même
où
les
dangers
f u r t i f s
menaçaient?
Certes,
la lumière
directe du soleil
réveille sec... mais au
fin fond d'une grotte? Et
la nuit on n'y voit goutte,
même équipé d'une
torche, ce qui est peu
propice aux activités
conscientes... mais de là à
dormir...
S'il s'était agi d'un impératif
évolutionoïde, est-ce alors la
seule transfor mation fulgurante certes - de notre
mode de vie qui nous
a jeté dans la nuit
blanche, le
sommeil agité et la
grasse matinée, contre nature?
Dans ce cas la méthode,
révolutionnaire, pour bien dormir,
serait donc de rejoindre nos
caver nes, grottes et autres
porosités de roches et d'y oublier méthodes, techniques et
aphorismes pseudo-scientifiques pour nous concentrer sur la
seule activité indiquée par la sagesse: la pêche à la truite. ⊗ (BC)
012
PROSE
Sur le culte moderne des dieux faitiches
Un texte de Bruno Latour (La Découverte)
La collection “Les Empêcheurs de penser en rond”, qui a
quitté depuis peu les éditions du Seuil pour rejoindre celles de
La Découverte, réédite, dans une version augmentée d’une
section et quelque peu retouchée, l’ouvrage de Bruno Latour,
publié pour la première fois en 1996 : Sur le culte contemporain des
Dieux faitiches. Belle surprise éditoriale puisque cet écrit est suivi
d’Iconoclash, texte jusqu’alors inédit en français et qui fut publié
la première fois, en anglais, pour introduire le catalogue d’une
exposition du même nom2. Ces deux essais ici réunis trouvent
à s’articuler autour de deux gestes « réflexes » qu’ils, en en
démontant les rouages, en en soulevant les contradictions, en
en déployant les effets néfastes et les conséquences
aporétiques, tentent de suspendre : « la critique de la
croyance ; la croyance dans la critique ». Nous ne pourrons
nous attarder ici cependant, et encore de façon très liminaire,
qu’à la suspension du premier de ces gestes, « la critique de la
croyance », et à la présentation du premier de ces deux textes,
Sur le culte contemporain des Dieux faitiches.
Dans ce texte, Bruno Latour prolonge son projet de constituer
une anthropologie symétrique et positive des sociétés
occidentales. C’est à dire, de faire subir à tout les pans de nos
sociétés le même traitement que l’on a fait subir aux sociétés
qui nous étaient étrangères, et ce sans préjuger, implicitement
ou non, d’une quelconque supériorité de celle-ci sur les autres.
Mais si énoncé de la sorte le projet ne semble pas marqué
d’une profonde originalité, son exploration est des plus
surprenantes, tant elle est contrainte de s’attaquer à, et de
débusquer, tout ce qui dans nos savoirs reconduit tacitement
cette prétendue supériorité et qui se refuse ainsi à toute
véritable enquête symétrique. L’un des bastions qui résiste le
plus ferme à cette symétrisassion est celui composé par les
savoirs scientifiques. Car s’il y a un lieu où l’on se refuse encore
à considérer ses productions comme des productions locales,
situées et par là même relatives (mais au sens noble de “qui
implique des relations” et ne débouchant donc pas sur le
verdict du “tout se vaut”), c’est bien celui des sciences. Et en
effet, qui irait en toute bonne foi mettre en doute le caractère
universel, et donc non situé, des lois de la gravitation, de la
Bruno Latour tente de se
frayer un chemin entre ces
oppositions que l'on pourrait
résumer sous cette forme
paradoxale : "les faits sont
réels et construits".
structure en double hélice de l’ADN, de la différence
“naturelle” des sexes, ou encore de la rotondité de la terre ?
C’est ici que deviennent singulières et donc éminemment
importantes les thèses de Bruno Latour. Refusant de se
cantonner dans l’un des camps retranchés de la “guerre des
sciences” – constructivisme ou réalisme, les “faits”
scientifiques sont-ils construits ou bien réels ? -, Bruno Latour
tente de se frayer un chemin entre ces oppositions, chemin
que l’on pourrait résumer sous cette forme paradoxale : « les
faits sont réels et construits ».
C’est sur une proposition relevant également du paradoxe,
que s’ouvre Sur le culte contemporain des Dieux faitiches : ce qui
caractériserait notre “modernité” est l’impossibilité dans
laquelle nous nous trouvons de comprendre, d’un même élan
LITTÉRATURE
Bruno Latour
Philosophe et sociologue
des sciences, Bruno
Latour est professeur et
directeur scientifique à
Sciences Po Paris. Il est
l'auteur de nombreux
ouvrages sur
l'anthropologie du monde
moderne, notamment La
science en action ;
L'espoir de Pandore,
pour une version réaliste
de l'activité scientifique
ou encore Politique de la
nature.
et sans contradiction, qu’une réalité est d’emblée construite et
autonome. Incompréhension, lorsque sur le front de la
colonisation, abordant « les côtes de la Négritie, quelque part
en Guinée, (…) les portugais couverts d’amulettes de la Vierge
et des saints » rencontrèrent ces Nègres qui à la question
« “Avez-vous fabriqué de vos mains ces idoles de pierre,
d’argile et de bois que vous honorez ?” répondirent sans
hésiter que oui. Et que, sommés de répondre à la deuxième
question : “ces idoles de pierre, d’argile et de bois sont-elles de
vraies divinités ?”, les Nègres répondirent avec la plus grande
innocence que oui, bien sûr, sans quoi ils ne les auraient pas
fabriquées de leurs mains ! ». On ne peut pourtant pas
affirmer en même temps qu’on fabrique ces idoles et qu’elles sont
de vraies divinités. Il faut choisir, on ne peut maintenir cette
affirmation qu’à être fou ou bien loin « de la pleine et entière
humanité ». C’est donc à partir de cette incompréhension, à
partir de cette incapacité à comprendre ce qui devint alors un
paradoxe, que Bruno Latour va déplier ce qu’il nous en coûte de
ne vouloir prendre au sérieux la proposition de ces Nègres
(mais aussi et peut-être surtout ce qui leur en a coûté), et ce que
nous pouvons gagner à la considérer pleinement et de quelle
manière elle éclaire certains points aveugles de notre
modernité. C’est à cet effet notamment, qu’il forge le
néologisme faitiche, afin de renouer avec l’ambivalence du fait,
qui dit en même temps “ce qui est” et l’artificialité de cet “être”. Si bien qu’au long du parcours que nous propose
Bruno Latour, un certain nombre de « Grands Partages »
vacillent : Culture(ou société) et Nature, Sujet et objet,
Intériorité et Extériorité, Croyance et Savoir,… l’opérateur
“croyance” distribuant de part et d’autre de ces dichotomies
“ce qui est” et ce qui n’est qu’artifice, croyance ou subjectivité.
C’est à cette étrange distribution que Bruno Latour va
s’attaquer par la discussion serrée de cette notion de croyance
et du couple fétiche/fait qui l’accompagne. Cette mise en
branle de la charpente de la maison “occident”, si tant est que
cela a un sens de la nommer ainsi, produit des effets
surprenants qui ne manquent pas de renouveler notre
appréhension des mondes et de bousculer quelque peu les
certitudes enfouies de certaines de nos évidences. Mais dans le
même temps, de poser aussi de nouveaux problèmes, qui loin
d’être négligeables sont peut-être insuffisamment traités par
Bruno Latour, problèmes relatifs à ce que l’on peut entendre
par politique (avec l’entrée en scène des non-humains), par
critique (celle-ci ne révélant plus de déterminations cachées) et
par émancipation (une émancipation de l’attachement et du
lien). Bonne lecture. ⊗ (AZ)
013
Harold Varmus
Portrait d'un encyclopédiste du XXe siècle
Faire un numéro sur la science sans parler d'Harold Varmus
serait pour le moins un oubli majeur. Grand scientifique de
notre temps, ses travaux sur le cancer ont été récompensés
d'un Nobel de Médecine en 1989. En dépit des centaines de
lauréats du prestigieux prix, tous leurs écrits biographiques
ne procurent assurément pas autant de plaisir : les savants ne
font pas toujours de grands auteurs. Ce n’est pas le cas de
Varmus, dont l'ouvrage est très bien écrit et plaisant à lire.
Cela vient certainement du parcours tortueux qui a amené
ce personnage à la recherche. D'abord étudiant en lettres (il
entre aux cycles supérieurs de Harvard en 1962), chronique
d'un poète devenu Nobel de médecine...
Son autobiographie est divisée en trois parties : son
cheminement vers la science, la science en action, puis la
gestion. Son parcours fut lent, il prit son temps pour étudier
différents horizons. Ses premiers amours furent la littérature
anglaise et la poésie. Quand il dut choisir quelle serait sa
spécialité pour ses années de Master, il postula pour des
études en journalisme, littérature anglaise et médecine. Il fut
accepté avec une bourse pour étudier la littérature à
Harvard et fut rejeté par les écoles de médecine. Son destin
aurait pu être scellé, mais cette voie ne lui plaisait pas, en
décrivant cette période il nous confie :
« J’avais des difficultés à me lever le
matin et je manquais souvent des
classes » ; ce vide le poussa à se
remettre en cause. Il retourna
à une passion certainement
héritée de son père (luimême médecin), la
médecine. Il fut refusé à
Harvard où le recruteur
le trouva trop immature,
ce faisant il lui conseilla
de s’engager dans l’armée à
fin de mûrir. Heureusement,
l’université de Columbia lui
offrit sa chance. Pourtant ses
hésitations étaient encore
grandes, il passa de la psychiatrie,
à la médecine générale tout en
flirtant avec les maladies
tropicales. Il n’arrivait pas à choisir.
Ce fut finalement la guerre du Vietnam
qui fixa son destin. Opposant
farouche à cette invasion, il ne
voulait pas en faire partie,
pourtant les médecins
pouvaient être enrôlés
dans l’armée. Pour
éviter cela, il choisit
de faire deux ans de
recherche au sein
du prestigieux
National Institut
of Health
(NIH). Cette
expérience
lui permit
enfin
014
de trouver sa voie. Il Né en 1939, père de deux
ferait de la recherche en enfants, Harold Varmus se
biologie moléculaire. « rend au travail à bicyclette.
Après de nombreuses Prix Nobel de Médecine en
années d’ambivalence 1989 pour ses travaux sur
et d’indécision – la l e s m é c a n i s m e s d e
du cancer,
l o n g u e p é r i o d e compréhension
nommé président par B.
d’adolescence que ce Clinton, de 1993 à 2000, de
pays permet me servit la National Health Fundation
positivement - j’étais (NIH). Il est depuis président
prêt à me diriger du Memorial Sloan-Kettering
clairement dans une Cancer Center à New York.
direction, même si ce
n’était pas la médecine ou la littérature » C’est le début de la
deuxième partie de l’œuvre. A trente ans il s'intéresse à
l’influence des virus sur l’apparition du cancer. Il ne serait pas
médecin. Pour ce faire, il partit sur la côte ouest où il fut
accueilli dans le laboratoire du Pr. Bishop, avec qui il
partagea le prix Nobel, à l’université de Californie. Dans
cette partie, nous avons la chance d’avoir une explication de
première main sur des concepts fondamentaux : DNA,
RNA, mécanismes rétroviraux. L’écriture est technique,
mais elle reste cependant très claire. Mais le plus important
est ailleurs. En lisant ces lignes, pour citer Bruno Latour,
nous découvrons la science en action. On voit l’importance
du travail en équipe, la notion de controverse scientifique, la
construction de communautés, le rôle du financement et du
politique.
Du savant au politique, il n’y a qu’un pas qu’il franchit en
1993 à l’invitation de Bill Clinton. Il dirigea pendant 6 ans le
plus important institut de recherche public américain, la
NIH. Il présida à la plus grande augmentation budgétaire
de cet institut. Dans la section sur son rôle politique, on
découvre les arcanes de la politique américaine de la
recherche : comment les budgets sont décidés, l’influence du
politique sur les secteurs de recherche, etc. Après la science
en action, nous voyons la genèse des politiques scientifiques,
politique et science étant fortement liées.
Ce livre approche, par ailleurs, de nombreux sujets : les
cellules souches, les problèmes d’accès au soin, l’influence
d’internet sur les publications scientifiques. Sur ce dernier
point, il milite farouchement pour l’émergence de
publications ‘open source’, il veut ainsi ramener le pouvoir de
décision à la communauté scientifique et favoriser la libre
circulation des connaissances, ce qui n’est plus accompli par
les éditeurs scientifiques selon lui. Harold Varmus nous
montre comment la science peut être pratiquée au sens
large, alliant science et société. Il est par
ailleurs un chantre du doute, de la
nécessité de laisser du temps au
temps pour choisir son mode
d’action. Il continue ainsi sur la
voie de l’éclectisme. Il est
maintenant conseiller de
l’administration Obama pour la
science et la technologie, lorsqu'il ne
lit pas de la poésie. ⊗ (RC)
PROFIL
La cliométrie au 21ème siècle : retour vers le futur !
Depuis son origine, d’aucuns estiment, en France notamment,
que la cliométrie est mourante, voire même qu’elle a vécu
avant même d’avoir pu prendre son envol. Cette
considération est assurément fausse. L’attribution du Prix
Nobel d’économie à Robert Fogel et Douglass North, en
1993, pour avoir renouvelé la recherche en histoire économique par
l’application de la théorie économique et des méthodes quantitatives aux
changements économiques et institutionnels a indiscutablement
consacré l’avènement de la discipline. La récente tenue, à
Edinbourg, du 6ème Congrès mondial de Cliométrie (17-20
juillet 2008) est un autre exemple significatif d’une recherche
tout à la fois innovante, dynamique et néanmoins ancrée dans
une longue tradition.
Mais comment l’aventure cliométrique a-t-elle débuté ?
Répondre à cette interrogation est sans doute l’ambition
première du récent livre, édité en 2008 par John Lyons, Louis
Cain et Samuel Williamson. Après une introduction rédigée
sous la forme d’une histoire de la cliométrie, l’ouvrage
présente une succession d’interviews, une sorte d’histoire orale
Les raisons du succès de la discipline
sont certes liées à la vogue de
l’économétrie, mais aussi à la réaction de
défense d’une catégorie professionnelle
menacée, celle des enseignantschercheurs en histoire économique.
avec les figures emblématiques, surtout américaines ou anglosaxonnes, de la discipline (Moses Abramovitz, Paul David,
Lance Davis, Richard Easterlin, Stanley Engerman, Robert
Fogel, Jonathan Hughes, John Meyer, Peter Temin, etc.). En
fait, la lecture de l’ouvrage montre clairement que les contours
de la cliométrie se sont forgés avant même que la discipline ne
naisse officiellement aux Etats-Unis ! Les héritages sont
nombreux. Où et par qui commencer est difficile à établir,
voire impossible à déterminer. Au risque d’oublier l’un ou
l’autre des protagonistes, il apparaît toutefois que la dette à
l’encontre de l’Ecole historique allemande est énorme. Quant
aux Instituts de conjoncture et notamment le National Bureau of
Economic Research (NBER), ils auront été, après la Première
Guerre mondiale, les véhicules pour l’affirmation du
quantitatif en sciences sociales et plus précisément les
initiateurs d’une comptabilité de la croissance. Pensons
également à la création de l’Econometric Society, en 1930, avec
son projet, à travers la revue Econometrica (1933), de concilier la
théorie, l’histoire et les statistiques.
Si l’influence de Kuznets a été fondamentale OutreAtlantique, il est évident que grâce à son rayonnement
scientifique mais aussi financier, les travaux de Deane et Cole
en Grande-Bretagne, de Hoffmann en Allemagne ou de
Toutain en France ont pu se développer pour représenter
aujourd’hui les fondements de la cliométrie européenne.
Pour Lyons, Cain et Williamson, l’aventure cliométrique
débute véritablement en 1957 à Williamstown avec la
conférence Research in Income and Wealth initiée par Fabriquant,
Lebergott et Gerschenkron et consacrée aux Trends in the
American Economy in the Nineteenth Century. Le manifeste de
Conrad et Meyer en 1957 Economic Theory, Statistical Inference,
and Economic History, puis l’article du Journal of Political Economy
de 1958, marquent une seconde étape essentielle. La première
réunion de la société de cliométrie américaine est organisée
par Davis, Hughes et Reiter à Purdue en 1960. Intitulée
Conference on the Application of Economic Theory and Quantitative
Methods to the Study of Problems of Economic History, cette
conférence est devenue progressivement la Cliometrics Conference
RAPPORT
que nous connaissons aujourd’hui et qui est organisée sous
l’égide de la Cliometric Society américaine, fondée en 1983.
Quant aux thèmes fondateurs de la cliométrie, il faut
mentionner l’impact des chemins de fer sur la croissance
américaine, l’esclavage comme institution économique
rentable ainsi que les causes et le coût de la guerre de
Sécession. Les raisons du succès de la discipline sont certes
liées à la vogue de l’économétrie, mais aussi à la réaction de
défense d’une catégorie professionnelle menacée, celle des
enseignants-chercheurs en histoire économique. Notons ici
que l’influence de Samuelson et ses Foundations of Economic
Analysis (1947) aura été considérable, principalement avec le
passage de l’après seconde guerre mondiale vers la production
de modèles mathématisés en économie.
Rappelons également que le premier survey consacré à la
cliométrie, Econometric Studies of History, a été rédigé par Wright
et discuté par David en 1971. En 1973, Temin édite un
ouvrage collectif consacré à la new economic history. Dès 1975,
Van der Wee et Klep publient, dans les Recherches Economiques de
Louvain, un état des savoirs, largement méconnu, en termes
d’histoire économique quantitative européenne. Crafts, en
1987, livrera un autre survey, publié dans le Journal of Applied
Econometrics. Enfin, nous n’oublions pas l’ouvrage de
McCloskey de 1987 Econometric History, l’état des savoirs de
Goldin de 1995 dans le Journal of Economic Perspectives, le
meeting de 1997 de l’American Economic Association
Cliometrics after 40 Years et les articles récents de Costa,
Demeulemeester et Diebolt (2007) et Carlos (à paraître en
2010) dans Cliometrica.
Avec le 21ème siècle, deux revues Explorations in Economic
Cliométrie, voyages temporels... Claude Diebolt,
Emmett Brown, même combat?
History (Elsevier) et Cliometrica (Springer), soutenues notamment
par la Cliometric Society américaine, affichent, plus que jamais,
pour ambition première de pérenniser les acquis du passé tout
en stimulant les recherches cliométriques à venir, celles
menées dans le cadre de modèles hypothético-déductifs
(contrefactuels mais pas exclusivement) conjugués avec des
analyses historiques, statistiques et économétriques
rigoureuses, appuyées sur des données organisées
systématiquement. Ces principes méthodologiques
représentent avec la nouvelle économie institutionnelle et la
discussion de la multiplicité des représentations erronées de
l’histoire économique (mythes, falsifications, déformations,
négations ou omissions) une somme importante de ce que la
cliométrie a, pour l’heure, apporté aux chercheurs en sciences
humaines et sociales en général et aux historiens de
l’économie en particulier. ⊗ (CD)
015
Science biologique et sciences sociales : mêmes enjeux épistémologiques?
L’avènement de la neurologie moderne, alliée à la
montée en puissance de la recherche épigénétique,
permettent de croire que la science biologique sera
ultimement en mesure d’être une interlocutrice
d’importance dans les débats théoriques en sciences
sociales et humaines. Si l’axe de pénétration de ces
approches biologiques semble se réaliser dans le champ
traditionnellement occupé par la psychologie, rien
n’indique que le progrès, ou l’empiètement selon
certains, se limitera à ce champ. Il nous apparaît donc à
propos de mener une réflexion comparative visant à
mettre en relation les enjeux épistémologiques de deux
sciences qui semblent être, bien que de façon limitée,
toujours plus intégrées. De façon assez intéressante, un
examen de la réflexion philosophique concernant la
biologie révèle un bon nombre de ressemblances avec
les questionnements effectués au sein de la philosophie
des sciences sociales. D’une manière générale,
l’individualisme méthodologique est identifiable au
réductionnisme génétique tout comme la sociologie
macroscopique (incluant le fonctionnalisme) est
analogue à la sélection de groupe et multiniveaux. Il ne
s’agit pas de prétendre que ces débats sont
mutuellement réductibles, mais qu’il y a un nombre
impressionnant de similitudes entre les deux. Cela dit, il
est nécessaire d’apporter d’emblée une précision : alors
que le corpus théorique de la biologie gravite presque
intégralement autour de diverses conceptions de la
théorie darwinienne, il serait grossier de croire qu’il
puisse exister une telle homogénéité théorique du côté
des sciences sociales et ce n’est pas ce dont il est question
ici. Cela dit, plusieurs questions épistémologiques sont
apparentées, et bon nombre des paramètres des débats
entre les divers modèles théoriques sont transcendants
et posent un type d’argumentation semblable.
La similitude la plus évidente provient d’une
équivalence remarquable entre les concepts et
catégories analytiques qui en découlent. En d’autres
mots, plusieurs relations causales et explicatives se
fonderaient sur une même compréhension
des mécanismes et des référents
d’intelligibilité qui les sous-tendent.
Par exemple, la science politique
considère généralement que
l’État et les institutions au sens
large ont comme objectif de se
perpétuer, de se maintenir dans
le temps. De là, il devient facile
de poser le concept
d’homéostasie tel qu’utilisé en
sciences biologiques comme
une équivalence conceptuelle
qui, conséquemment, dépasse les
horizons disciplinaires.
Évidemment, pour accepter une telle
proposition, il faut accepter de donner
une valeur, au moins minimale au systémisme
en général et à la théorie des systèmes en particulier.
Cela dit, le problème de l’équilibre et son corolaire
principal que l’on trouve dans le problème de
016
l’explication du changement, prend sens pour les
chercheurs dans des concepts qui font foi non
seulement d’une ressemblance au niveau des
un examen de la réflexion
philosophique concernant la
biologie révèle un bon
nombre de ressemblances
avec les questionnements
effectués au sein de la
philosophie des sciences
sociales.
problèmes, mais aussi de la manière dont sont envisagés
ces problèmes. À bien y penser, il n’y a ici rien de
surprenant dans le fait que des problématiques
semblables au niveau de la forme engendrent un
appareillage conceptuel analogue. Cela dit, trop
souvent les limites posées par les œillères disciplinaires
ont empêché un échange philosophique constructif à
propos de ces enjeux.
L’étude du changement, de l’évolution, a notamment
comme objet d’expliquer l’existence de traits ou
d’attributs spécifiques. Ainsi, qu’il s’agisse d’un trait
propre à une espèce, ou plus simplement d’une
particularité culturelle qui distingue une société ou un
régime politique d’un autre, répondre à la question des
origines de ce trait se résume souvent à en expliciter la
fonction. Évidemment, il existe d’autres parallèles
intéressants à faire au sujet du caractère analogue des
approches dont il est ici question, mais le
fonctionnalisme est le principal, et le plus évident des
points de rencontre des modèles théoriques qui nous
concernent. Cela dit, le fonctionnalisme ne trouve plus
autant preneur tant au sein des théories sociologiques et
des sciences sociales en général qu’en biologie pour
plusieurs raisons qu’il s’agit maintenant d’expliciter.
Finalement, il faut ici insister sur le fait que le
fonctionnalisme est toujours le mode explicatif
dominant en biologie. Cela nous permettra
de tenter une réponse – très partielle – à
propos de la question de la similitude
des enjeux théoriques entre les
sciences sociales et la biologie et
notamment de la valeur des
transferts théoriques
envisageables entre ces champs.
La thèse holiste-fonctionnaliste et le
problème de l’intentionnalité
Le rejet du fonctionnalisme par la
plupart des chercheurs en sciences
sociales repose sur le fait que même
si l’on peut expliquer un phénomène
par ses fins, de façon téléologique, il faut
aussi être en mesure de fournir une description
des mécanismes responsables de son existence. Réussir à
saisir l’utilité d’une institution par l’entremise de sa
finalité et du besoin auquel elle répond est insuffisant,
RAPPORT
voire généralement aisé. Or, les causes finales ne sont
pas satisfaisantes. Lorsque les théories inspirées des choix
rationnels ont pris le pas sur leur contrepartie
fonctionnaliste au début des années ‘80, les arguments
en leur faveur mettaient en valeur le fait qu’elles étaient
capables d’expliquer « comment » un acteur prenait ses
décisions et non pas uniquement en fonction de quel
besoin il les prenait. Ces théories ne se limitaient pas à
dire que cet acteur était destiné à poursuivre une fin
particulière simplement parce qu’il était en quelque
sorte « conçu » par et pour cette finalité. Même si les
théories des choix rationnels ont un caractère
autoréalisateur, elles admettent la possibilité d’une prise
de décision consciente, ce qui est généralement exclu des
modèles fonctionnalistes et qui introduit le problème
persistant et peut-être même redondant de
l’intentionnalité. Ainsi, si le fonctionnalisme amène
souvent l’élaboration de raisonnements circulaires et se
fonde fréquemment sur une causalité à rebours, il ne
permet pas d’expliquer de façon convaincante la notion
de choix, mais seulement de supposer une défectuosité
du système lorsque ce choix s’avère ne pas être optimal
en vertu de la finalité du dit système. Aussi, la part de
liberté que l’on accorde à l’homme, l’idée même qu’il est
possible d’effectuer un choix, ne saurait être qu’un
rapport causal aléatoire dénué de toute forme de décision
consciente. En ce sens, la distinction reste : les sciences
sociales, au regard de la science et de cette grande
science naturelle, reste la science du choix, de
l’intentionnel, ce qui la distingue indéniablement des
ambitions nomologiques et prédictives de ces dernières.
Le problème de l’intentionnalité et celui de
l’individuation biologique au sein de l’espèce humaine
sont liés. Puisque l’intentionnalité ne peut généralement
pas être attribuée à un groupe, mais seulement à des
individus au sens commun du terme, l’adoption d’une
conception de la société comme un organisme est
incompatible avec la notion même d’intentionnalité.
Ainsi, bien qu’il faille admettre qu’il existe une
autoréflexivité des individus et des institutions, dans la
Le problème de l’intentionnalité
et celui de l’individuation
biologique au sein de l’espèce
humaine sont liés. Puisque
l’intentionnalité ne peut
généralement pas être attribuée
à un groupe, mais seulement à
des individus au sens commun
du terme, l’adoption d’une
conception de la société
comme un organisme est
incompatible avec la notion
même d’intentionnalité.
mesure où ces dernières sont produites et maintenues par
des individus; cela implique la possibilité d’une pensée
intentionnelle au moins capable de satisfaire à la notion
de croyance. Cette question est donc celle de l’effectivité
des idées, de la possibilité de leur réalisation sans que
cette réalisation soit simplement le fait d’une longue
chaîne causale remontant aux règles fondamentales de
l’ordre de l’univers. La possibilité d’effectuer un choix
ayant un impact sur le monde en tant qu’acte libre
RAPPORT
Selon la "Uncyclopedia", la gravité est un leurre qui mérite,
au même titre que la sélection naturelle, d'être révisé. On y
développe la théorie dite de la Chute Intelligente, où un
"Tireur intelligent" est chargé de tirer tout ce qui bouge vers
le bas. Pour plus de détails : http://tr.im/CMMi
En ce qui concerne la "fausseté" de la théorie de la gravité,
on consultera sinon l'excellent article (!) du célèbre physicien
Ellery Schempp (connu pour avoir fait attester de
l'inconstitutionalité de la lecture de la bible en classe par la
Cour Suprême américaine), "Warning, Gravity is "Only a
Theory" :
http://tr.im/CMNS
revient, encore une fois, à la remise en question des
ambitions déterministes de certains chercheurs et ce
déterminisme s’avère être une menace patente au
concept de libre arbitre.
Comme l’a montré Alasdair MacIntyre, le déterminisme
plus ou moins strict du fonctionnalisme exclut d’emblée
l’existence du libre arbitre et évacue du coup la
pertinence de toute réflexion éthique. Aussi, comme l’ont
indiqué les penseurs de la théorie critique, la réflexion
sociale ne saurait être complètement détachée des
intérêts et des enjeux sociaux et est ainsi imprégnée d’un
aspect normatif indéniable. Rejeter l’intentionnalité
revient à mettre de côté bon nombre des activités
philosophiques et sociologiques des êtres humains et à
nier une forme d’individuation sur laquelle est basée la
presque totalité de nos institutions politiques et
judiciaires.
Il est donc à propos de se demander si cet isomorphisme
théorique, et conséquemment la possibilité des transferts
théoriques interdisciplinaires qu’il implique, reste possible
ou même souhaitable. Cela dit, si la science répond
d’abord et avant tout d’un impératif d’intelligibilité validé
par l’expérience intersubjective, rien n’indique qu’il soit
impossible de rapporter les catégories analytiques
proposées par la science à un imaginaire global. Peut-être
qu’ultimement, Kant avait vu juste au sujet de
l’universalité des catégories de la raison et que la question
du “Qu’est-ce que je peux connaître?” reste du même
ordre dans toutes les déclinaisons disciplinaires. Mais
qu’en est-il de cette vieille notion de la philosophie
analytique, de ce problème de l’intentionnalité, de ce
contrôle conscient de la matière sur la matière? ⊗ (JLM)
017
Call for papers
Augustin-Cournot Doctoral Days 2010
Strasbourg (France) from April 7th-9th
What?
Timeline
The Augustin-Cournot Doctoral
Days is an event dedicated to the
promotion of excellence in
doctoral research. The forum
allows Ph.D. candidates to
present their work to peers and to
obtain feedback from senior and
junior researchers in their field.
We are looking for high quality
research papers in the fields of
economics, management finance
and science studies.
Three "ACDD Best Paper
Awards" will be granted at the
end of the three day forum.
Interested Ph.D. Candidates are
expected to submit an abstract
before Dec. 20th 2009.
Dec. 20th 2009 :
Deadline for abstract
submission
Jan. 15th 2010 :
Acceptance
notification
Feb 1st 2010 :
Deadline for payment
March 1st 2010 :
Deadline for full
paper submission
April 7-8-9th 2010 :
ACDDs @ University
of Strasbourg
Guidelines
Abstract should be no longer than 300 words, and be
accompanied by a list of maximum 6 keywords and a short
biography of the presenter (50 words).
Full papers should not exceed 6000 words. They should be sent
in PDF format, using a Times 11pt. font at 1.5 spacing.
Papers are accepted in the following fields : economics,
management, finance, science studies.
The conference is reserved to candidates not affiliated to the AugustinCournot Doctoral School.
Participation fee is 60€.
All material should be submitted to [email protected]
From April 7th to April 9th 2010 ; University of Strasbourg @ PEGE, 61 av. de la Forêt-Noire, 67085 Strasbourg, France
Visit us @ acdd.cournot.org or write to : [email protected]
018
PUBLICITÉ
LA GAZETTE COURNOT
Séminaire Cournot (14h00, salle Ehud)
Paul Pezanis-Christou
Information quality and behavior in multi-unit high-bid auctions
Séminaire du LaRGE (10h30, salle Ehud)
Damien Broussole (Source unknown)
An exploratory note on the impact of yield management strategies on the
consumer price index in toll highways
Décembre 2009 - La pauvreté
dans l’abondance*
Janvier 2010 - Fièvres de la santé
Séminaire ACOSE (17h30, salle de réunion du Bat. B)
Edmond Passe (CESAG)
La gestion de crise par improvisation
Séminaire de l'IRIST (18h00, salle Table ronde, MISHA)
David Aubin (Université Pierre et Marie Curie)
Le laboratoire de la Nature : les montagnes et la science du XIXe siècle
Soutenance de thèse : Charlotte le Chapelain (BETA)
Salle 205 (PEGE), 14h30
Sous la direction de R. Ege et C. Diebolt
Rapporteurs : J. Bourdon, J-L. Demeulemeester, R.D.S. Ferreira, J-N. Rieucau
Allocation des talents : Essai sur la contribution de l'éducation à la croissance
Nouvelle charte des thèses
L'Université de Strasbourg a adopté une
nouvelle charte des thèses le 22 septembre
dernier. Si le contenu est sensiblement le
même par rapport à la version précédente,
l'Université, dans son journal interne l'Actu,
insiste sur certains points marquants de la
nouvelle charte :
la réaffirmation du caractère professionnel
de la thèse, le doctorant est reconnu comme
un chercheur à part entière ;
la préoccupation de trouver un
financement pour le plus grand nombre
possible de doctorants sans autre activité
professionnelle ;
l’assurance d’un véritable suivi de la thèse
en instaurant un bilan à mi-parcours afin
d’aider le doctorant à s’auto-évaluer et de
créer un moment d’échange avec le
directeur de thèse ;
le rappel de la durée de référence de la
préparation de la thèse, trois ans à temps
complet. (Des prolongations peuvent être
accordées en cas de situations particulières).
Suspendre la lune au pin –
la décrocher
pour mieux la contempler
CALENDRIER
- T. Hokuchi
Date de tombée de la Gazette Cournot #49
La pauvreté dans l'abondance*
Ne manquez pas notre interview exclusive (c'est une surprise!)
Envoyez vos commentaires et contributions à [email protected]
Soutenance de thèse : Carine Heitz (BETA)
Amphi Commun (PEGE), 14h00
Sous la direction de S. Spaeter et S. Glatron
Rapporteurs : P. Bontems, F. Vinet, J. Humbert et L. Pfister
La perception du risque de coulées boueuses : Analyse
sociogéographique et apports à l'économie comportementale
Soutenance de thèse : Shaneera Boolell Gunesh (LaRGE)
Salle Ehud, 11h00
Sous la direction de Maxime Merli
Rapporteurs : P. Roger, JF Gajewski, H.R. Le Montatgner, H. Alexandre
L'investisseur individuel : biais de comportement et gestion de portefeuille
Séminaire ACOSE (17h30, salle de réunion du Bat. B)
Mialissoa Rahetlah (CESAG)
Le concept d'effectuation
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20
21
27
30
01
décembre
Écrire.
C’est encore possible.
Calendes
strasbourgeoises
019
LA GAZETTE CONTACT
61 avenue de la Forêt-Noire,
Bureau 148 (Rédaction)
67000 Strasbourg, France
Dépôt légal*
Imprimerie et reprographie
Direction des affaires logistiques intérieures
Université de Strasbourg
Dépôt légal au 4ème trimestre
[email protected]

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