Intérêt du dosage du BNP dans les valvulopathies en 2012
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Intérêt du dosage du BNP dans les valvulopathies en 2012
MISE AU POINT Intérêt du dosage du BNP dans les valvulopathies en 2012 B-type natriuretic peptide in valvular heart disease – state of the art 2012 C. Cimadevilla*, D. Messika-Zeitoun* S elon les recommandations en vigueur, la prise en charge des valvulopathies se base sur la sévérité de l’atteinte valvulaire, le retentissement fonctionnel (symptômes) et le retentissement sur le ventricule gauche (VG) [dilatation, fonction contractile, etc.] (1). En effet, l’évolution naturelle des valvulopathies est insidieuse, avec une période initiale asymptomatique prolongée, classiquement de bon pronostic pour le patient, et l’apparition de symptômes ou d’un retentissement sur le VG qui marque un tournant évolutif. Cependant l’évaluation des symptômes par le clinicien est subjective et difficile, certains patients ayant tendance à les minimiser ou encore à restreindre spontanément leur activité et à être ainsi considérés à tort comme asymptomatiques. De plus, parmi les patients présentant une valvulopathie sévère asymptomatique sans retentissement sur le VG, il semblerait que certaines souspopulations soient plus à risque d’événement, dont la mort subite, en particulier dans le rétrécissement aortique calcifié (RAC) [2]. Enfin, l’atteinte du VG n’est pas toujours totalement réversible, grevant le pronostic fonctionnel et vital du patient. Ainsi, la recherche d’autres éléments objectifs permettant une meilleure stratification du risque chez les patients qui présentent une valvulopathie et ainsi de préciser les indications chirurgicales dans ces maladies est un enjeu important en cardiologie. Choix du BNP comme candidat à la prise en charge des valvulopathies * Département de cardiologie et unité Inserm U698, hôpital Bichat-ClaudeBernard, Paris. Le BNP (Brain Natriuretic Peptide [peptide cérébral natriurétique]) est un peptide essentiellement produit par les cardiomyocytes auriculaires et ventri- 24 | La Lettre du Cardiologue • n° 452-453 - février-mars 2012 culaires. Il est synthétisé sous forme de pré-proBNP, puis transformé en proBNP lui-même clivé en 2 parties excrétées : le BNP biologiquement actif et le Nt-proBNP (3). Il semble que le principal stimulus de la synthèse de BNP par les cavités cardiaques soit l’étirement de la paroi myocardique par surcharge de pression ou de volume. Le BNP joue un rôle de régulation de la pression artérielle (PA) et semble avoir un effet lusitropique, antihypertrophique et antifibrotique sur le myocarde (4). Le taux plasmatique du BNP et du Nt-proBNP peut être dosé de façon fiable, reproductible, rapide et relativement peu coûteuse. Il est augmenté dans la plupart des atteintes cardiaques telles que l’insuffisance cardiaque (IC) [5] ou encore l’infarctus du myocarde (6), ce qui en a fait un candidat pour l’aide à la prise en charge des pathologies cardiovasculaires. Le dosage plasmatique du BNP est un outil très utile pour l’orientation diagnostique devant une dyspnée aux urgences (7). Ce peptide est également un marqueur pronostique important, dans le cadre de l’IC chronique (8), du syndrome coronaire aigu (9) ou encore de l’embolie pulmonaire (10). L’ensemble de ces éléments a incité les chercheurs à étudier la place du BNP et de son dérivé, le Nt-proBNP, dans l’évaluation et la prise en charge des pathologies valvulaires cardiaques. BNP et RAC Les premières études sur l’intérêt du BNP dans le RAC datent des années 2000. En comparant 15 patients avec un RAC modéré à sévère à 10 sujets contrôles, S. Talwar et al. ont mis en évidence une augmentation des taux de BNP chez les patients (11). T. Ikeda et al. ont proposé une Points forts »» Le BNP est corrélé à la sévérité des valvulopathies du cœur gauche ainsi qu’à leur retentissement clinique et ventriculaire gauche. »» Il a une valeur pronostique pour des populations de patients extrêmement sélectionnés, l’extrapolation de ces résultats doit rester prudente. »» À l’heure actuelle, il semble difficile, au regard des données de la littérature, de proposer une stratégie de prise en charge des valvulopathies impliquant ce marqueur biologique, surtout isolément. e xplication physiopathologique de l’élévation des taux de BNP dans le RAC en suggérant que l’élévation des pressions pariétales télésystoliques du VG était un des éléments principaux dans la stimulation de la sécrétion du BNP dans cette maladie (12). Sans pouvoir définir son rôle précis dans le remodelage du VG induit par cette maladie, il semble que le BNP soit un marqueur précoce de l’hypertrophie du VG dans le RAC (13). Au-delà des mécanismes physiopathologiques reliant le RAC et le BNP, IL. Gerber et al. se sont intéressés aux relations entre ce marqueur biologique et les aspects cliniques et échocardiographiques de la maladie. Ils ont étudié de façon prospective une cohorte de 74 patients et de 100 sujets sains, et mis en évidence une corrélation entre les valeurs plasmatiques du BNP et le statut fonctionnel NYHA (New York Heart Association) des patients d’une part, et la sévérité hémodynamique du RAC d’autre part (14). Ces données ont été confirmées depuis (15-17), et complétées par l’analyse par courbe ROC (ReceiverOperating Characteristic) de la valeur diagnostique du BNP pour les symptômes dans le RAC, avec les résultats intéressants des équipes de Mondor (aire sous la courbe [Area under curve (AUC)] ROC = 0,86 ; sensibilité = 84 % ; spécificité = 82 %) et d’Auckland (AUC = 0,84 ; sensibilité = 78 % ; spécificité = 79 %) parmi 2 populations de RAC serrés à fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) conservée (14, 16). Nous avons cependant renouvelé cette analyse dans une cohorte de 361 patients de plus de 70 ans (COFRASA), plus âgés et moins sélectionnés que dans les études précédentes, ayant un RAC minime à serré, et nous avons observé de moins bons résultats (AUC = 0,73 ; sensibilité = 53 %, spécificité = 79 %) [18]. Enfin, plusieurs études se sont intéressées à la valeur pronostique du BNP dans le RAC. P. Lim et al. décrivent une meilleure survie sans événement (survenue de symptômes, décès, remplacement valvulaire aortique) pour les patients ayant un BNP inférieur à 97 pg/ml, et ils retrouvent une valeur pronostique indépendante du marqueur biologique par analyse multivariée (16). Ces résultats se retrouvent dans l’étude de J. Bergler-Klein et al., qui a inclus 130 patients présentant un RAC serré, dont 43 asymptomatiques, pour une valeur Mots-clés Peptide cérébral natriurétique Rétrécissement aortique Insuffisance mitrale Rétrécissement mitral Insuffisance aortique seuil du Nt-proBNP de 678 pg/ml, ainsi que, plus récemment, dans l’étude de JL. Monin et al., qui a inclus 107 patients ayant un RAC modéré à sévère asymptomatique en rythme sinusal avec une FEVG normale (15, 19). En revanche, dans notre expérience, bien qu’une valeur normale de Nt-proBNP soit associée à une meilleure survie sans événement, le Nt-proBNP n’est pas un prédicteur indépendant de décès ou de survenue de symptômes à 1 et à 2 ans (18). Le BNP est donc élevé dans le RAC et il semble être un marqueur précoce de remodelage du VG dans cette maladie. Il est corrélé à la sévérité hémo dynamique de la maladie, ainsi qu’à son retentissement fonctionnel. Cependant, de nombreux facteurs confondants peuvent être impliqués dans l’élévation du BNP dans cette population de patients souvent âgés, aux multiples comorbidités, et ils pourraient expliquer les résultats discordants concernant sa valeur prédictive de survenue d’événement dans cette maladie. Highlights BNP et IM Keywords L’insuffisance mitrale (IM) est, après le RAC, la deuxième valvulopathie la plus fréquente dans les pays développés. De façon analogue au RAC, le BNP est augmenté chez les patients présentant une IM par rapport aux sujets sains (20, 21). Plusieurs études qui ont inclus 33 à 49 patients présentant une IM modérée à sévère retrouvent une corrélation entre le taux plasmatique de BNP et le retentissement fonctionnel de la valvulopathie, évalué à l’interrogatoire du patient selon le stade NYHA (21), ou lors d’une épreuve d’effort par la VO2max (22) ou lors de la PA pulmonaire d’effort en échocardiographie transthoracique (ETT) [23]. Le retentissement VG de la fuite mitrale est un autre critère fondamental dans la stratification pronostique. D. Détaint et al. ont montré en 2005, dans une étude prospective incluant 78 patients qui présentaient une IM organique comparés à 22 sujets témoins, que le BNP était un prédicteur indépendant d’augmentation du volume télésystolique ventriculaire gauche (VTSVG) avec une ASC ROC de 0,87 pour le diagnostic de dilatation du VG (24). »» In the management of patients with valvular heart disease, selection of those at high-risk is an important clinical issue. »» P l a s m a l e v e l s o f B N P increase with the severity of the valve disease, and are associated with functional status and left ventricular function. »» However current literature is impeded by small sample size, enrollment of highly selected patients, and a wide overlap of BNP values between symptomatic and asymptomatic patients. Preliminary results from our institution raise caution regarding the use of BNP in the decision-making process of patients with aortic valve stenosis. Brain natriuretic peptide Aortic valve stenosis Mitral regurgitation Mitral stenosis Aortic regurgitation La Lettre du Cardiologue • n° 452-453 - février-mars 2012 | 25 MISE AU POINT Annoncez vous ! me Une deuxiè e ratuit insertion g pour és les abonn Contactez Valérie Glatin au 01 46 67 62 77 ou faites parvenir votre annonce par mail à [email protected] Intérêt du dosage du BNP dans les valvulopathies en 2012 Afin de définir les déterminants indépendants du BNP dans l’IM organique, les mêmes auteurs ont mené une étude prospective qui a inclus 124 patients avec une IM minime à sévère, en réalisant simulta nément une échocardiographie et le dosage du BNP. Les déterminants indépendants du BNP étaient la classe fonctionnelle NYHA, les conséquences auriculaires (volume auriculaire gauche, fibrillation auriculaire) et ventriculaires (volume VG télésystolique indexé) de l’IM. Le BNP semble ainsi être un reflet du retentissement de l’IM (25). Dans cette même étude, D. Détaint et al. se sont intéressés à la valeur pronostique du BNP dans l’IM organique, et ils ont retrouvé une valeur prédictive indépendante de décès ou d'IC à 5 ans. Ces données ont été confirmées dans 2 études prospectives récentes. M. Potocki et al. ont décrit, dans une étude prospective qui a inclus 144 patients avec IM, une valeur prédictive du BNP pour les symptômes avec une AUC ROC de 0,80 (26). R. Pizarro et al. ont suivi 269 patients asymptomatiques avec une IM organique sévère pendant une moyenne de 3 ans (27). Dans cette étude, un BNP supérieur à 105 pg/ml était le plus puissant prédicteur indépendant d’événement en analyse multivariée devant le diamètre télésystolique indexé supérieur à 22 mm/m2 et la surface de l’orifice régurgitant supérieur à 55 mm2. Ce seuil de 105 pg/ml pour le BNP avait une valeur prédictive négative de 94 à 96 % et une valeur prédictive positive de 66 à 76 % pour la survenue d’événement (IC, décès, dysfonction VG). Le BNP est ainsi augmenté chez les patients qui présentent une IM, et il semble être corrélé au retentissement fonctionnel et VG de la valvulopathie et avoir une valeur pronostique indépendante dans cette maladie. BNP dans les autres valvulopathies Il existe très peu d’études à l’heure actuelle sur le BNP et le rétrécissement mitral (RM) ou l’insuffisance aortique (IA), car ces valvulopathies sont moins fréquentes dans les pays développés que le rétrécissement aortique et l’IM. Le BNP semble être corrélé à la sévérité du RM en ETT, au retentissement fonctionnel chez les patients exprimé selon le stade NYHA, ainsi qu’au retentissement sur les cavités cardiaques en termes de pression télédiastolique du VG évaluée par cathétérisme cardiaque, de diamètre auriculaire gauche ou de pression artérielle pulmonaire systolique (28-31). 26 | La Lettre du Cardiologue • n° 452-453 - février-mars 2012 Ces études incluent un faible nombre de patients, ne précisent pas la valeur pronostique ou diagnostique du BNP dans le RM, et des études complémentaires sont donc nécessaires. Dans l’IA, le BNP est augmenté, comparé aux sujets sains (32). Il semble être corrélé à la sévérité de l’IA à l’ETT et au statut fonctionnel des patients, et il aurait une valeur pronostique dans l’IA dans une petite étude de 60 patients, en analyse univariée (33-37). Limites des études dont nous disposons Les résultats des études sur le BNP dans les valvulopathies nécessitent d’être interprétés avec prudence. On notera tout d’abord les effectifs encore limités des patients inclus dans ces études, et en particulier des patients asymptomatiques pour lesquels la prise en charge est la plus délicate et la plus sujette à discussion. Lorsqu’on étudie ensuite la répartition des valeurs de BNP, on observe une grande variabilité des taux plasmatiques de BNP chez des patients symptomatiques, ainsi qu’un chevauchement important des valeurs de BNP entre patients asymptomatiques et symptomatiques, ce qui limite vraisemblablement l’interprétation d’un résultat à l’échelle individuelle. Ainsi, si l’on prend pour exemple le RAC, où le plus grand nombre d’études est disponible, il n’existe aucune valeur seuil de BNP qui fasse consensus dans le diagnostic de symptômes liés au RAC, ou qui permette de prédire la survenue d’événements dans cette population de patients : les seuils proposés sont souvent dans l’intervalle des valeurs normales. De plus, les études publiées actuellement incluent des populations de patients relativement jeunes et particulièrement sélectionnés, peu représentatives de la pratique clinique quotidienne. Au regard de ces limites, on ne peut donc recommander actuellement d’utiliser le BNP dans la stratégie thérapeutique des patients qui présentent une valvulopathie. Toutefois, des valeurs élevées de BNP doivent alerter le clinicien et justifier une évaluation plus approfondie de la valvulopathie et de la recherche de facteurs responsables de cette élévation. Conclusion Ainsi, bien que le BNP soit corrélé au retentissement clinique et VG des valvulopathies, il convient MISE AU POINT de rester prudent quant à l’extrapolation des résultats d’études qui décrivent une valeur pronostique du BNP. Les données actuelles de la littérature ne permettent pas de recommander d’utiliser ce marqueur biologique dans la stratégie de prise en charge des patients qui présentent une valvulopathie mitrale ou aortique, notamment dans l’indication opératoire et surtout isolément. ■ Références bibliographiques 1. Vahanian A, Baumgartner H, Bax J et al. Guidelines on the management of valvular heart disease: The Task Force on the Management of Valvular Heart Disease of the European Society of Cardiology. Eur Heart J 2007;28:230-68. 2. Pellikka PA, Sarano ME, Nishimura RA et al. Outcome of 622 adults with asymptomatic, hemodynamically significant aortic stenosis during prolonged follow-up. Circulation 2005;111:3290-5. 3. Nakao K, Ogawa Y, Suga S, Imura H. 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