Madeleine Gay saute dans son bain quand elle

29 SEPTEMBRE 2013
CHEZ ELLE 77
I LeMatinDimanche
Des daims en branchages montent la garde devant
la maison de l’œnologue, bâtie il y a plus de cent ans.
Un canapé fait l’angle dans ce salon où elle aime
se tenir avec son mari. «La télé est dans le meuble.»
La cuisine est vaste. «J’adore faire des ratatouilles.
C’est créatif, comme les assemblages de cépages!»
Dans la salle à manger, le bois domine: fenêtres,
parquet en mélèze et poutres en pin au plafond.
LUMINEUX L’œnologue de
Provins habite une maison rose
nichée dans la montagne
au-dessus de Sion.
Cette femme, riche de deux
décennies d’expérience,
a du caractère. Tels les vieux
cépages qu’elle chérit.
Photos: Andrée-Noëlle Pot
Madeleine Gay saute dans son bain
quand elle remonte des caves à vin
TERRIENNE
«
J’aime être
en contact avec
l’extérieur, donc
toutes les portes
de la maison sont
toujours ouvertes»
Anne-Catherine Renaud
anne-catherine.renaud
@lematindimanche.ch
Madeleine Gay, 60 ans, l’alchimiste
des Maîtres de Chais et des Crus du
Domaine chez Provins, se définit
toujours comme une rebelle.
«Quand j’étais jeune, j’étais une
idéaliste. Je voulais aider les autochtones en Afrique. C’est dans ce but
que j’ai fait mon diplôme d’agricultrice à Châteauneuf (VS). Comme
mon père, un citadin qui a décidé
dans les années cinquante de ne pas
reprendre la boulangerie de mes
grands-parents à Sion pour vivre ici,
en autarcie, avec quelques vaches et
du terrain à cultiver, j’avais un esprit
farouchement indépendant.» Pas
étonnant que le jour où elle a bu son
premier verre de vin – «C’était à
22 ans, du bordeaux.» – Madeleine
Gay ait décidé de vouer tout son talent au goût et, par conséquent, aux
vieux cépages valaisans qu’elle a
trouvés dans la cave de son grandpère. «Jusqu’à cette fameuse date, je
pensais que les gens ne buvaient du
vin que pour s’enivrer et ainsi gâcher
les discussions à table!»
Abandonné son rêve d’Afrique. Le
terroir devient sa priorité: c’est ici
qu’on a besoin d’elle. Après avoir
obtenu son diplôme d’ingénieur ETS
en viticulture à Changins, elle a postulé à Provins, la plus grande cave de
Suisse qui produit aujourd’hui dix
millions de litres de vin par an. «Je
leur ai écrit et offert mes services
pour replanter les anciens cépages et
reconstituer le vignoble valaisan
d’autrefois.» Gonflée, la petite
dame! Mais cela a payé. Elle est devenue la première femme œnologue
de Provins, s’imposant avec ténacité
dans un monde d’hommes. «Pour
moi, le goût c’est de l’artisanat. Il
faut le préserver à tout prix. Au début, j’étais un tout petit wagon du
gros train Provins, mais le petit wagon est devenu la locomotive!»
La pièce préférée de Madeleine Gay, c’est la salle de bains: «Je n’aime pas le luxe, mais la chaleur, le confort, c’est très sécurisant.
Le coin baignoire me permet aussi de méditer. Avant, cette pièce était la chambre à coucher, elle est devenue mon havre de paix.»
chez Madeleine: le vin, le terroir, la
patience qu’il faut pour réussir des
assemblages exceptionnels et celle
qui permet d’immortaliser sans bruit
les bêtes dans leur biotope.
Des daims en branchages
De la terrasse de sa maison, juste audessus d’un potager en pente, elle
entend bruisser la ville de Sion et indique où se trouvent les grands bâtiments bruns de Provins, où elle a son
bureau et organise des dégustations.
Mais bien vite elle tourne la tête vers
les fleurs qui bordent le chemin de
terre qui mène à l’escalier principal.
«J’ai grandi dans cette maison. Puis
je suis partie dix ans et, quand je me
suis mariée, nous sommes revenus
vivre ici avec mon époux. Elle n’a pas
une valeur historique, mais affective. Nous occupons les deux derniers étages. Mes parents, âgés de 88
et 82 ans, habitent toujours au premier, là où il y a plein de géraniums et
des tagettes.»
Le domaine alentour compte sept
hectares et son père s’en occupe encore beaucoup: «C’est lui qui a planté
cette allée de tournesols le long du
chemin qui vous a conduite jusqu’ici.» Devant la maison, trois
daims en branchages, grandeur nature, saluent le visiteur. «Pour éviter
que les gens écrasent la prairie fleurie
devant le perron avec leur voiture, j’ai
acheté cette famille de cervidés.»
On monte l’escalier jusqu’à une petite terrasse où deux bancs en bois se
succèdent au soleil. Elle a planté sous
la balustrade des asters, qu’on appelle
aussi vendangeuses, et des Scaevola
au doux violet velouté. «De mai à novembre, nous mangeons dehors.
J’aime être en contact avec l’extérieur, donc toutes les portes de la
maison sont toujours ouvertes!» A
l’intérieur, l’air frais et la lumière
passent partout. Peu de rideaux, peu
de meubles, mais des chaussures de
marche entassées dans un coin.
Contrôle qualité
Méditer dans la baignoire
Un grand escalier en chêne grimpe à
l’étage où se trouve sa pièce favorite: la salle de bains! «J’ai toujours
besoin de chaleur et j’adore les
bains. Alors j’ai commandé cette
baignoire de deux mètres de long
pour m’y coucher. J’y flotte tout en
observant les montagnes en face. Ce
sont aussi des moments de méditation. Je ne suis peut-être pas attachée aux objets, mais cette maison
représente pour moi la sécurité. A
dix minutes de Sion, je me sens coupée du monde.» x
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Une allée de tournesols
On la sent toujours passionnée par
son métier, mais pas seulement… Sa
maison de plus de cent ans, toute
rose, révèle l’attachement de cette
Sédunoise pour la nature, les fleurs,
les animaux qu’elle part observer
avec son mari, Stéphane Gay, 55 ans,
fondateur de la Charte Grain Noble
ConfidenCiel et reconverti dans la
photo animalière. Tout va de pair
«J’aime le confort, mais pas le tapeà-l’œil. A la cuisine, nous avions fait
faire une grande table en bois par un
ébéniste du coin, car nous pensions
avoir des enfants, mais cela n’est hélas pas venu…»
Des cadres avec des photos d’animaux alpestres habillent la salle à
manger: du cerf à la marmotte, en
passant par le petit bouquetin sur un
névé au val d’Hérens et le gypaète.
«Depuis que mon mari a laissé tomber le vélo pour partir en balade traquer les animaux avec son objectif,
ma vie a changé! Je peux enfin l’accompagner à mon rythme. Il essaie
toujours de capter les regards. Sur
ses photos, les bêtes semblent nous
dévisager.»
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simple au triple !
c Ses livres
«J’ai besoin d’être entourée de bouquins.
La littérature étrangère me fascine, car j’aime
aborder des façons de penser différentes.
La psychologie du comportement m’interpelle
aussi beaucoup. J’aime les livres compliqués.
Puis je les passe plus loin.»
c Un tumi
«J’ai rapporté ce collier du Pérou lors d’un
voyage avec mon mari. J’ai été fascinée
par la civilisation des Incas. C’est en fait
un couteau cérémoniel en forme de prêtre.
Je ne porte pas de bijou, sauf celui-là, symbole
de ce voyage.»
c Une mosaïque
«C’est moi qui l’ai faite. J’aime casser
des catelles, les assembler et composer
des dessins non figuratifs. Je me suis mise
à l’aquarelle quand j’ai su que je ne pouvais
pas avoir d’enfants, il y a vingt-cinq ans.
Puis à la mosaïque. J’avais besoin de créer.»
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