MASTER I ECONOMIE ET GESTION Spécialité Management des

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MASTER I ECONOMIE ET GESTION Spécialité Management des
MASTER I ECONOMIE ET GESTION
Spécialité Management des Organisations de la Net-Economie
Module UE2-2
Diversité culturelle et management interculturel
INTRODUCTION
1. LA DIVERSITE CULTURELLE
2. LE MANAGEMENT INTERCULTUREL COMME SOLUTION
Auteur : M. Ramdane Mostefaoui
: [email protected]
CONTROLE DE DIRECTION ET MANAGEMENT
INTERCULTUREL
Diversité culturelle et
management interculturel
INTRODUCTION
La diversité des cultures dans les organisations petites ou grandes, publiques ou
privées est une réalité dans pratiquement tous les pays y compris dans ceux
nouvellement ouverts à l‛économie mondiale.
Dans la perspective adoptée, une organisation ne se définit pas en tant qu‛entité
uniquement économique ou simplement comme un système technique, un instrument de
production ou services : avant tout, elle constitue une entité sociale, un système
symbolique.
Ses membres, être de chair et de sang, sont sensibles et porteurs de valeurs.
Dans la posture adoptée, ils ne sont pas traités seulement comme des ressources, mais
comme porteurs des ressources potentielles de l‛organisation.
Sujets mais aussi acteurs capables de maîtriser des zones d‛ombre, donc de bricoler
des marges de liberté (Crozier & Friedberg, 1977), ils ajustent le plus souvent leurs
stratégies individuelles et collectives en fonction du SENS, de l‛interprétation, qu‛ils
donnent aux situations de gestion, à leurs pratiques.
Lorsqu‛on cesse de traiter ces personnes comme des objets, émergent alors des
questions fondamentales de la dimension à la fois humaine et politique du symbolique :
comment faire coopérer ensemble des individus aux modes de raisonnement différents,
des acteurs qui n‛ont pas les mêmes valeurs ni les mêmes référents, les mêmes
traditions et donc qui ne donnent pas le même sens aux mêmes événements, aux mêmes
pratiques ?
Dans le même temps, cette diversité des cultures peut être source de richesse, la
pluralité des perceptions, des regards et des modes de compréhension élargissant
l‛horizon du monde des possibles.
La présence de deux ou plusieurs cultures dans ces organisations constitue de ce fait à
la fois un atout et un risque pour ces organisations qu‛il conviendrait d‛examiner ici.
Dès lors, le management interculturel apparaît comme une réponse, une discipline
nouvelle mobilisant des méthodes et des dispositifs adaptés à la nouvelle situation.
C‛est un paradigme en cours de constitution. Il a pour objet l‛approfondissement de la
recherche et de l‛observation des terrains d‛étude pour faire progresser les
connaissances dans ce domaine.
Préalablement à cette présentation, un bref rappel historique des principaux facteurs
à la base de la diversité culturelle paraît nécessaire.
LA DIVERSITE CULTURELLE
Le périmètre d‛action des organisations, en particulier des entreprises, s‛est trouvé
élargi suite à l‛explosion du mouvement d‛internationalisation des entreprises et des
fusions, des IDE, des alliances et joint-ventures au cours des deux dernières décennies
(voir notamment la publication de l‛OCDE, 2001).
En effet, avec l‛ouverture de la Chine et des anciens pays de l‛Est, le développement du
commerce mondial et des échanges internationaux ont atteint des niveaux inédits.
Ces échanges mettent en relation des personnes de cultures différentes autant dans
les relations à l‛intérieur des organisations qu‛entre leurs membres et des partenaires
extérieurs.
Ce mouvement qui n‛est vraisemblablement pas terminé crée de nouveaux besoins dans
le domaine du management pour une meilleure compréhension dans les interactions
entre toutes ces personnes.
Du coup, les organisations concernées sont devenues multiculturelles et multilingues
sans avoir été suffisamment préparées pour la plupart d‛entre elles.
L‛identité de ces organisations s‛est également profondément modifiée.
En réponse à cette nouvelle situation, les organisations ont constitué des équipes
multiculturelles composées de membres de nationalités et d‛origines différentes.
Ces personnes ont des connaissances, des méthodes de travail et des croyances
différentes. Ces référents différents ne concernent pas simplement l‛aspect technique
du travail.
Les différences de perception de la dimension affective, symbolique, subjective et
irrationnelle des relations occupent une place centrale.
Dans cette représentation, le rationnel et l‛irrationnel ne sont pas des qualificatifs
universels : ce qui peut paraître tout à fait irrationnel dans une civilisation peut tout à
fait ne pas l‛être dans une autre… Comme la dimension relationnelle constitue la
principale caractéristique du concept de travail, le risque de choc des cultures est un
tribut que doivent payer inévitablement les équipes multiculturelles.
1. La diversité culturelle comme atout
La diversité culturelle constitue un atout, un avantage concurrentiel pour les
organisations en générale et les entreprises en particulier.
Elle représente une richesse dans le sens où, les organisations mono-culturelles n‛ont
pas le même potentiel d‛adaptation à l‛environnement, ni les mêmes capacités
d‛innovation.
Les organisations multiculturelles ont une meilleure connaissance des contextes locaux,
de la concurrence, des clients et de façon plus générale du marché (Strategor, 1988 ;
Porter, 1982; 1986). Leurs membres autochtones connaissent les habitudes de
consommation, les goûts et usages de leurs concitoyens mieux que tout autre enquêteur
venu de l‛extérieur.
Les multinationales recourent le plus souvent à des managers autochtones pour les
délocalisations et les implantations.
La compréhension dépasse la simple connaissance des langues des populations
concernées : il s‛agit de connaître la culture pour établir de bonnes relations et
d‛adapter les politiques de l‛organisation aux spécificités de cette culture (respect des
croyances, des valeurs morales, religieuses, des modes de consommation…).
Ce capital de connaissance du contexte local permet d‛adopter des stratégies
pertinentes face à la complexité, aux contraintes et aux menaces.
En outre, cette diversité, par la richesse des savoir, savoir-faire et des expériences
issus de milieux différents est susceptible de favoriser l‛innovation.
En effet, la confrontation des modes de raisonnement issus de contextes culturels
différents conduit souvent à des analyses plus riches que dans un univers monolithique
et peut déboucher sur des décisions de nature à permettre à l‛organisation de bâtir un
avantage concurrentiel distinctif.
2. La diversité culturelle comme problème
Les problèmes d‛incompréhension et de mauvaise interprétation sont à l‛origine de
mésententes et de tensions entre des individus dans les organisations multiculturelles.
Dans ces dernières, contrairement aux organisations mono-culturelles, le temps
nécessaire à la compréhension est généralement plus long, ce qui peut provisoirement
en tous cas handicaper l‛action.
Ces difficultés peuvent être dues à un manque de maîtrise des langues dans lesquelles
les messages sont émis. Elles peuvent aussi avoir pour cause un écart culturel, c‛est-àdire à une déformation du sens par le récepteur.
Par ailleurs, dans les organisations pluriculturelles, les systèmes de références ne sont
pas les mêmes et cela est de nature à engendrer des mésententes et partant, des
dysfonctionnements préjudiciables à la coopération et au bon déroulement du travail.
Les problèmes d‛intégration de nouvelles recrues de cultures différentes comme dans
les cas de fusion conduisent souvent à créer des tensions et des rivalités entre les
anciens et les nouveaux.
La rotation du personnel risque de conduire au départ de nombreux collaborateurs
détenant des compétences avérées dans des métiers sensibles exercés par
l‛organisation.
En outre, l‛ouverture à d‛autres expériences à d‛autres modes de raisonnement, à
d‛autres cultures conduit à de nouvelles pratiques et à de nouveaux modes de
coopération et de coordination.
Les relations changent et la standardisation des comportements qui confère
indéniablement des gains de productivité énormes est remise en cause.
Ceci peut déséquilibrer la stabilité de l‛organisation. La cohésion du système humain
peut aussi être ruinée, entrainant ainsi des conflits.
3. La diversité culturelle source potentielle de conflits culturels
Les conflits sont consubstantiels à toute action collective. Dans les situations
organisationnelles mettant en relation des personnes porteuses de cultures
différentes, ces conflits sont rendus encore plus compliqués.
Aux problèmes politiques (Crozier & Friedberg, 1977) existant dans ce type de
situation, se greffent des tensions nées des préjugés et autres biais cognitifs ou
affectifs.
Ceci est de nature à entrainer des comportements de fermeture à l‛autre et de repli
sur soi.
La perspective adoptée dans ce cours considère l‛individu dans l‛organisation à la fois
comme acteur Crozier & Friedberg, 1977) et comme sujet (Chanlat, A. 1985 ; Chanlat,
J-F. 1990, 1998).
Cette dernière fenêtre de tir complète l‛approche stratégique, rationaliste : l‛individu
est sensible. Le contexte, ses relations avec les autres constituent des éléments
essentiels du « réel » vécu.
Dans cette vision, la question du SENS prend toute son importance et un choc peut
surgir justement du fossé existant entre les deux cultures.
En effet, lorsque des membres d‛une organisation ou des participants à une situation de
gestion (cas de négociation, d‛une simple rencontre limitée dans le temps, comme la
signature d‛un contrat) ont des référents, des grilles de lecture différentes, chacun
est amené à apprécier voire à juger l‛autre à partir de ses propres valeurs, le plus
souvent en classant les gens dans des « catégories » ; en distinguant par exemple ceux
avec qui la coopération est possible, d‛autres classés difficiles et inintéressants, et
d‛autres encore incompatibles voire dangereux.
Cette perception, ce jugement qui n‛est le plus souvent fondé sur rien de solide conduit
à établir des comparaisons en repérant les ressemblances et les divergences avec ses
propres valeurs et en élaborant des hiérarchies souvent abusives qui peuvent conduire
à dévaloriser l‛autre et à des discriminations.
Une menace sur les emplois dans un groupe peut conduire à des guerres entre groupes
d‛origines différentes ou utilisant des langues différentes.
Ainsi, la menace peut amener les individus à chercher à se rassurer en se recentrant
sur les valeurs des groupes auxquels ils s‛identifient. Ce qui conduit à développer des
sentiments hostiles, des préjugés et des stéréotypes à l‛égard du groupe adverse.
Les préjugés constituent par définition des appréciations négatives a priori et qui sont
dévalorisantes pour l‛individu qui en est l‛objet.
Ces jugements ne sont pas fondés rationnellement et ne reposent sur rien d‛objectif ou
de concret.
Les stéréotypes correspondent à des caricatures, à des raccourcis qui conduisent à des
généralisations à des classements des individus dans des catégories à partir de
quelques indices, de croyances non fondées.
Ces mécanismes induisent le plus souvent des biais cognitifs qui déforment la réalité,
c'est-à-dire les faits en donnant un SENS qui est le pur produit des préjugés ou des
stéréotypes.
Les appréciateurs dans ces cas déforment la réalité par un jugement de valeur.
Le jugement de valeur qui n‛est fondé que sur une perception déformante des faits par
le « juge », l‛appréciateur d‛une situation de gestion par exemple, se substitue au
jugement du réel qu‛un observateur relativement neutre aurait pu mettre à jour.
Ces questions posent à l‛évidence des problèmes de méthode particulièrement délicats.
A ce propos, les constructivistes et les interprétativistes, contrairement au courant
positiviste prennent la mesure de la complexité des phénomènes et analysent la relation
à l‛objet étudié (Mostefaoui, 2006).
Dans ces postures, le chercheur, l‛observateur fait partie de l‛objet observé (Thiétart
2007).
Dans ces situations, les participants aux jeux sont confrontés principalement à deux
types de biais :
●
●
à des biais affectifs qui sont le plus souvent sous-tendus par des émotions, des
sentiments de méfiance ou peur de l‛autre qui déforment la perception.
Ces biais ont pour effet d‛impliquer les individus qui du coup perdent leur faculté
à porter un jugement distancié et impartial;
et à des biais cognitifs, biais qui reposent sur une vision fondée sur des théories
qui faussent le jugement en conduisant les participants à la perte de tout esprit
critique quant à la portée et aux limites des grilles de déchiffrage du réel.
Les approches cognitives permettent de mettre en évidence une espèce
d‛automatisation des choix, de formatage des modes de raisonnement conduisant à des
choix stéréotypés.
Les acteurs impliqués perdent leur capacité de distanciation relativement à des
mécanismes dont ils n‛ont le plus souvent pas conscience. Ces mécanismes sont d‛autant
plus ravageurs qu‛ils opèrent dans l‛ombre.
4. Effets des biais culturels
Les problèmes précédemment évoqués ont pour effet de miner les relations
interpersonnelles dans les organisations. Un climat détestable s‛installe alors et pourrit
la vie de leurs membres.
Les rapports de domination et la quête du leadership conduisent soit à des guerres qui
ne connaissent pas de fin, soit à l‛écrasement d‛une culture par une autre, amenant ainsi
des individus à se replier sur eux-mêmes, à subir des modes de conduite, à des «
pratiques pathologiques » dans le sens où ces pratiques constituent une offense au
sacré, aux valeurs auxquelles ces individus croient.
Des nombreux travaux (Dejours, 1987, 2007) montrent que dans ces situations, la
santé des acteurs est sérieusement mise en danger.
Au fond, l‛individu au travail engage tout son être. Les risques professionnels peuvent
venir aussi des mots, des gestes ou simplement de l‛absence de mot.
Ainsi une parole déplacée castre, offense, blesse et peut tuer ; un non-dit décourage
lorsque les efforts ne sont reconnus.
Une théorie de l‛acteur qui prend l‛individu dans sa plénitude paraît aujourd‛hui
indispensable à une meilleure compréhension de sa condition.
Poussés à bout, ces conflits peuvent conduire à des clivages, et à terme à la rupture
(Chanlat, A. 1985) entre les groupes. Les ruptures, les crises majeures surviennent
lorsque l‛inacceptable est atteint.
Aussi, les fusions mal préparées surviennent-elles le plus généralement lorsqu‛elles
n‛ont pas été suffisamment préparées.
Dans ces cas, la manœuvre ne consiste pas simplement à mettre ensemble des
technologies, des domaines d‛activité stratégique, des investissements … mais bien
avant tout des composantes humaines, des cultures.
Ce genre de conflits ne signifie nullement ainsi qu‛il a été évoqué précédemment que
tout conflit est pathologique ou pathogène : tout au contraire, il existe des conflits qui
débouchent sur l‛innovation et le changement organisationnel conduisant l‛organisation à
une meilleure performance économique et sociale, à la « vie bonne » (Polanyi, 1983).
LE MANAGEMENT INTERCULTUREL COMME SOLUTION
La mondialisation et le développement des échanges conduisent les organisations à
adopter le mode de management interculturel plus adapté à répondre aux exigences
des marchés et des différents partenaires.
1. Définition et objet de la démarche
Les différences culturelles constituent ainsi qu‛il a été évoqué dans les pages
précédentes à la fois une richesse pour les organisations dans un contexte de relations
mondialisées mais posent aussi des problèmes qui n‛existaient pas dans les échanges et
les organisations mono culturels.
Dans la nouvelle civilisation, il n‛y a pas de convergence des cultures et les distances
culturelles sont susceptibles de générer des biais, des incompréhensions et des
problèmes de management.
Ces problèmes concernent plusieurs aspects de la vie des organisations et bien entendu
celle de leurs membres.
La démarche du management interculturel a pour objet d‛ouvrir de nouvelles
perspectives et de poser de nouveaux regards sur le travail, les pratiques, les modes de
fonctionnement et de contrôle de ces organisations et d‛ouvrir des pistes de réflexion
pour améliorer les choses.
La principale piste concerne d‛abord les aspects humains, par la réintroduction de
l‛analyse la part irréductible de subjectivité, de plaisir et aussi de souffrance attachée
à la notion même de travail (les échanges ne se limitent pas seulement aux seuls
aspects techniques des échanges, ni aux flux de biens et de monnaie…).
Dans cette perspective, le management interculturel a pour objet de prendre en
compte les différences culturelles diagnostiquées, de proposer des stratégies, des
politiques et des outils de gestion susceptibles de faire évoluer les pratiques et les
comportements en respectant à la fois les valeurs et croyances fondamentales des
personnes et tout en poursuivant les missions et les objectifs généraux de
l‛organisation.
La démarche consiste avant toute chose à saisir les systèmes de SENS des
participants. Le but de la manœuvre à ce stade est de comprendre le sens de leurs
actions ou de leur refus d‛action, ce qui compte pour eux, ce qui est légitime et ce qui
ne l‛est pas à cela, en explorant les relations interpersonnelles de l‛ensemble des
participants aux jeux organisationnels par l‛observation minutieuse des pratiques
effectives et l‛analyse des discours, du langage « qui rend ».
Le premier objectif qui n‛est pas des moindres est de dévoiler l‛impact du fait de
l‛appartenance à des cultures différentes sur le management de l‛organisation, à
repérer les différentes logiques et la manière dont elles s‛articulent entre elles.
Le second objectif consiste, à partir des éléments de diagnostic ainsi mis en évidence,
à préconiser des pistes de réflexion pour une gestion respectueuse de la diversité
culturelle de l‛organisation.
Cette diversité peut concerner plusieurs activités, plusieurs fonctions, plusieurs
composantes et plusieurs niveaux de responsabilité d‛une organisation.
Dans le cadre de ce cours, le choix est fait de centrer la réflexion sur le management
des équipes interculturelles sous l‛angle du contrôle de direction.
2. Méthode de diagnostic
L‛approche ethnographique et la perspective anthropologique adoptées par d‛Iribarne
(1989) paraissent adaptées à l‛objet complexe qui consiste à dévoiler le SENS caché
des pratiques, des rites et des mythes et cela, en étudiant le vécu et les discours des
membres des sociétés qu‛il a étudiées.
Il s‛agit là d‛une approche qualitative et inductive qui nécessite une période
d‛observation relativement longue et des interviews minutieuses.
Période au cours de laquelle, les interviewés sont invités à « dévoiler » le sens que
prennent pour eux les tâches et les responsabilités qui leur sont confiées, leur rapport
à la hiérarchie et à leur collègues etc…
Ce travail de collecte de données est particulièrement difficile en raison de
résistances de ces interviewés à communiquer des informations non biaisées. En gros,
deux catégories d‛explication à ces résistances :
●
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primo, les interviewés ont peur de représailles s‛ils dévoilaient des pratiques en
décalage par rapport aux normes officielles ou aux normes fixées par le groupe
(Reynaud, 1989);
secundo, ces interviewés ont honte de ce qu‛ils ont à dire, de peur de perdre la
face et l‛estime de l‛interviewer.
3. Compatibilité des outils de gestion avec la diversité des cultures
Comme le fait remarquer à raison Chevrier (2003, p.113), « le point clé du management
interculturel n‛est pas de gommer les différences, ni de niveler les cultures, une
entreprise probablement vouée à l‛échec, mais d‛identifier des manières de faire
légitimes pour tous, même si cette légitimité se fonde sur des lectures très
différentes des parties prenantes ».
Les pratiques des acteurs mobilisent des instruments de gestion (Berry, 1983) de
toutes sortes : des technologies, des procédures, des modèles mathématiques
d‛évaluation de rentabilité de projet d‛investissement etc…
La légitimité de ces instruments est dépendante avant tout des cultures des
participants aux jeux organisationnels et de leurs valeurs.
La valeur technique de ces outils s‛efface aux yeux de ces participants si ces derniers
heurtaient la sphère du sacré chez eux, ce qui crée de facto un choc culturel, des
réactions de défense et des oppositions.
La sphère du sacré peut correspondre à tout ce qui compte le plus, à quoi l‛on croit et
qui peut relever des domaines religieux, philosophiques, éthiques ou politiques….
4. Compatibilité des styles de direction et diversité culturelle
La diversité des cultures amène les dirigeants à adapter leur style de direction aux
différents contextes locaux et à la diversité des cultures.
Ainsi, en fonction des cultures, les dirigeants sont conduits à ajuster leur stratégie en
la matière, sachant que dans chaque contexte national, régional, professionnel, il peut
exister des façons relativement plus adaptées de s‛y prendre ; façons qui s‛élaborent
sous le mode maïeutique, heuristique, car il n‛existe pas véritablement une manière et
une seule de s‛y prendre ! La modestie, l‛écoute et l‛empathie sont vraisemblablement
les meilleurs atouts.
On est bel et bien dans le paradigme constructiviste et interprétativiste.
Ainsi, les dirigeants auront à choisir entre un style de direction coopératif,
paternaliste ou autoritaire.
La notion de style sous-tend celle de distance hiérarchique qui indique le degré de
concentration du pouvoir de décision et le nombre d‛échelons entre un supérieur et un
subordonné.
Par rapport à la grille de G. Hofstede (1987), le style coopératif ou participatif
convient aux cultures caractérisées par une faible distance hiérarchique, comme les
USA, le Royaume-Uni, les Pays-Bas ou l‛Allemagne.
Dans ces sociétés, le pouvoir est relativement partagé et les individus prennent plus
d‛initiatives.
Le style paternaliste caractérise les sociétés africaines, asiatiques, en particulier le
Japon et des pays d‛Amérique du sud.
Le style autoritaire correspond aux cultures comme la France et la Belgique.
5. Les modèles de Permutter
Relativement à la variable culturelle, cet auteur (Permutter, 1969) propose la
classification des entreprises en 4 modèles principaux:
●
Modèle ethnocentrique qui correspond à une entreprise dont la culture est
centrée sur la culture d‛origine de l‛entreprise (la société mère). Ainsi les filiales
et toutes les composantes (acquisitions…) disposent d‛une faible autonomie, les
postes de dirigeants étant d‛ailleurs pourvus par le siège qui expatrie des cadres
chargés de diffuser la culture du groupe (ainsi le groupe scandinave IKEA est
régulièrement cité dans la littérature).
L‛une des faiblesses congénitales de ce mode est qu‛il est trop rigide et ne
permet pas l‛adaptation lorsque le contexte change. En revanche, dans les
situations simples et répétitives, le choix du modèle ethnocentrique ne pose pas
de problèmes rédhibitoires.
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Modèle polycentrique qui caractérise les entreprises dont les composantes sont
autonomes et agissent comme des filiales. Le siège laisse toute latitude à leurs
dirigeants d‛agir en fonction des cultures locales. Le groupe Ericsson fonctionne
sous ce mode.
Modèle régiocentrique, modèle qui prend en considération les cultures régionales,
cultures proches les unes des autres en fonction de la proximité géographique ou
de la proximité historique… Les groupes qui adoptent ce modèle organisent le
management interculturel suivant un découpage régional (exemple le groupe
Pinault-Printemps-Redoute).
Modèle géocentrique, configuration dans laquelle le siège n‛est qu‛un élément
parmi tant d‛autres. Représentation des éléments en réseaux mobilisant des
cultures postulant à la fois une intégration mondiale et différenciation locale.
Exemple le groupe Danone qui se définit comme une « entreprise mondiale de proximité
».

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