Lettre ouverte à Madame la Ministre de l`Enseignement Supérieur et

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Lettre ouverte à Madame la Ministre de l`Enseignement Supérieur et
Paris, le 21 mars 2013
Lettre ouverte à Madame la Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la
Recherche et à Monsieur le Ministre de l'Education Nationale
À Monsieur le Ministre de l’Éducation Nationale
110 rue de Grenelle
75 357 PARIS SP 07
Objet : Épreuve de Mathématiques du futur Concours de Recrutement de Professeurs d’École
Monsieur le Ministre,
La Commission Permanente des IREM sur l’Enseignement Élémentaire (COPIRELEM) œuvre
depuis sa création (1973) à l’amélioration de l’enseignement des mathématiques à l’école primaire.
C’est pourquoi elle se préoccupe de la qualité du recrutement des maîtres. Elle souhaite vous
transmettre ses réflexions sur ce que pourrait être une épreuve écrite de mathématiques au CRPE
intégrant des éléments disciplinaires et didactiques dans l’esprit du projet de maquette « générique »
pour le concours 2014 dont nous avons eu connaissance en janvier 2013.
Votre projet témoigne d’une volonté d’étendre les épreuves du concours au-delà du seul contrôle de
l’acquisition des connaissances d’un niveau scolaire donné en ajoutant une dimension
professionnelle (didactique et pédagogique). Nous adhérons pleinement à cette idée.
Dans cet esprit, une épreuve écrite de mathématiques devrait permettre de repérer, parmi des
étudiants ayant validé une formation mathématique et didactique dans le cadre universitaire, ceux qui
ont acquis un premier recul nécessaire à l’exercice réfléchi de la profession pour laquelle ils
postulent.
Il est difficile d’établir une liste exhaustive des connaissances et savoir-faire à acquérir. Cependant,
pour clarifier et préciser, nous distinguons différents types de savoirs mathématiques dans la
perspective d’un enseignement à l’école primaire.
• Les savoirs mathématiques pour dominer les notions présentes implicitement et
explicitement dans les situations d’enseignement
Le futur professeur d’école doit maîtriser un bagage mathématique suffisant (par rapport aux
exigences de l’école primaire). L’enseignant doit passer de « faire » à « faire faire ». Son bagage
mathématique doit être structuré et organisé. Il doit permettre de répondre aux exigences
suivantes :
- avoir conscience de la complexité de certaines notions naturalisées (questionner
des savoirs devenus évidents pour l’adulte mais dont l’apprentissage est délicat
pour un jeune élève. Exemple : la numération) ;
- avoir conscience de ce qu’est l’activité mathématique (chercher, tâtonner, prouver,
anticiper, …) ;
- dépasser la structuration « par chapitre » du collège – lycée, au profit d'une
structure mettant en évidence les liens entre les notions abordées ;
- apprendre à dominer et accepter une rigueur relative (savoir précisément de quel
objet mathématique on parle, tout en s’autorisant une moindre rigueur sur
l’utilisation du vocabulaire et des notations symboliques par exemple) ;
- avoir une certaine aisance dans l’utilisation de diverses formes de raisonnement
mathématique.
•
Les savoirs mathématiques pour comprendre et s’approprier les programmes
Le futur professeur d’école doit pouvoir interpréter les programmes en terme de
continuité (transpositions du savoir savant au savoir enseigné). Il s'agit de repérer s’il est
capable de reconnaître :
- la genèse, l’évolution et la construction progressive d’une notion mathématique
(par exemple les différents ensembles de nombres) ;
- le découpage en paliers d’apprentissage lié au développement cognitif de l’enfant
(par exemple la structuration de l’espace) ;
- l’histoire des mathématiques (systèmes de numérations, techniques de calculs…)
et l’histoire de la discipline scolaire (histoire des programmes…) en relation avec
l’apprentissage de certaines notions (proportionnalité, décimaux, ….) ;
- les liens entre les notions mathématiques (par exemple géométrie et
proportionnalité) ;
- l’apport des mathématiques à d’autres disciplines (sciences, histoire, géographie,
EPS, …).
•
Les savoirs mathématiques pour s’approprier des documents pédagogiques et
concevoir un enseignement
Le futur professeur d’école doit pouvoir s’approprier des scénarii de classes et anticiper
leur mise en œuvre (savoir faire des choix, savoir tirer parti des expériences…). Il s'agit de
repérer s’il est capable de:
- étudier le statut et la place des différents types d’activités que l’on peut proposer
en mathématiques (résolution de problème, apprentissage de techniques,
développement d’automatismes, mémorisation, …) ;
- comprendre et critiquer une progression (par exemple la symétrie du cycle 2 au
collège) ;
- analyser une proposition de manuel scolaire (être autonome et critique par rapport
à un manuel) ;
- comprendre l'adéquation tâche / objectif / modalité de travail ;
- adapter et faire évoluer une situation (par exemple en jouant sur les variables
didactiques) ;
-
prévoir des aides qui ne dénaturent pas une situation (modalités de
différenciation) ;
- construire une trace écrite conforme aux mathématiques visées et au niveau
d’apprentissage ;
- construire des modalités d’évaluation d’un apprentissage.
•
Les savoirs mathématiques pour analyser les procédures des élèves
Le futur professeur d’école doit dominer l’activité mathématique des élèves. Il s'agit de
repérer s’il est capable de :
- prendre en compte les étapes dans la conceptualisation d’une notion ;
- anticiper les procédures susceptibles d’être mises en œuvre par des élèves à un
moment donné de l’apprentissage (en lien avec l’analyse a priori d’une situation) ;
- interpréter les procédures effectives des élèves (juger de la pertinence, hiérarchiser,
évaluer) ;
- interpréter des erreurs en termes de connaissances (statut de l’erreur).
Dans le cadre d’une épreuve écrite en temps limité, nous avons travaillé à l’élaboration d’exercices
pouvant être intégrés dans un sujet répondant à ce cahier des charges.
Nous avons détaillé pour chacun d’eux les connaissances à mobiliser en référence à ce qui précède,
ainsi que les éléments de correction. Nous n’avons pas recherché l’exhaustivité dans l’évaluation
des compétences envisagées. Ces exercices commentés sont joints à titre d’illustration de notre
propos.
Concevoir ce type d’exercices implique un questionnement sur les différents types de connaissances
à mobiliser par les candidats. S’approprier les éléments de correction de ce type d’épreuve pour
juger de la pertinence des réponses d’un candidat nécessite de solides connaissances mathématiques
ainsi qu’une sensibilisation à l’épistémologie et à la didactique de la discipline. Conjointement à la
réflexion sur les futures épreuves du concours il nous semble donc important de se donner les
moyens de former les concepteurs et les correcteurs de celles-ci, qu’il s’agisse d’épreuves écrites ou
orales.
Dans l’objectif de contribuer à l’avancement de ce dossier, nous sollicitons un entretien qui nous
permettra de développer nos propositions.
Veuillez croire, Monsieur le Ministre, en notre engagement pour une formation et un recrutement de
qualité au service de votre projet de refondation de l’École.
Pour la COPIRELEM,
Les co-responsables
Catherine TAVEAU
Pierre DANOS

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