Mort subite du nourrisson
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Mort subite du nourrisson
C@mpus National de pédiatrie et chirurgie pédiatrique Auteur : Pr. Gérard Chéron Dr Timsit Sandra ( Hôpital Necker Enfants Malades – Paris) TICEM – UMVF MAJ : 06/01/2005 Mort Subite – Item 210 Objectifs : OBJECTIFS OFFICIELS de l’ECN Expliquer la définition de la mort subite du nourrisson, son épidémiologie, les facteurs de risque et de prévention , et les principes de la prise en charge de la famille. OBJECTIFS du Collège des professeurs de pédiatrie (5.8) OBJECTIFS TERMINAUX Exposer la définition, l’épidémiologie de la mort subite, les hypothèses étiologiques, les facteurs de risque et les principes de la prise en charge de la famille d’un enfant mort de mort subite. OBJECTIFS PEDAGOGIQUES INTERMEDIAIRES ¤ Définir la mort subite du nourrisson, citer les données épidémiologiques et décrire les signes d’alarme prémonitoires. ¤ Décrire les causes et mécanismes possibles d’une mort subite du nourrisson. ¤ Décrire la conduite à tenir par le médecin qui constate une mort subite inopinée chez un nourrisson. ¤ Décrire et justifier les recommandations actuelles de couchage du nourrisson. Afin d’éviter toute confusion entre ces deux situations, la question a été scindée en deux parties : tout d’abord malaise grave du nourrisson puis mort subite. Sommaire Défintion Faq 1 - Epidémiologie Faq 2 - Clinique Faq 3 - Conduite à tenir Faq 4 - Autopsie Faq 5 - Résultats Faq 6 - Aspects étiologiques potentiels des MSIN Faq 7 - Prévention Définition La mort subite du nourrisson (MSN) est le décès brutal et inattendu d’un enfant considéré jusque-là comme bien portant, décès qu’aucun examen, y compris l’autopsie, ne peut expliquer. Cette définition internationale a été reprise par le code OMS des maladies. 1 C@mpus National de pédiatrie et chirurgie pédiatrique Auteur : Pr. Gérard Chéron Dr Timsit Sandra ( Hôpital Necker Enfants Malades – Paris) TICEM – UMVF MAJ : 06/01/2005 Faq 1 - Epidémiologie Facteurs de risque. En France, 0,7‰ des nourrissons décèdent soudainement au berceau. Le sexe masculin, un âge inférieur à 6 mois (95%), la recrudescence hivernale, la prématurité, le retard de croissance intra-utérin ou une pathologie néonatale grave sont les principales caractéristiques épidémiologiques de ces morts subites. Le risque est majoré chez les enfants de mère jeune, vivant dans un contexte socio-économique défavorisé, tabagique ou droguée. Il existe enfin des familles touchées par plusieurs décès au sein d’une même fratrie. Elles témoignent très probablement d’un terrain particulier ou d’une maladie héréditaire (neurologique, métabolique, musculaire…) non diagnostiquée chez les enfants décédés. Faq 2 - Clinique L’accident est stéréotypé. C’est un nourrisson de 2 à 4 mois trouvé mort dans son berceau, couché sur le ventre, à l’heure habituelle d’un biberon. Les gestes de réanimation sont inefficaces. En pratique, le diagnostic de MSN doit être porté au terme d’un bilan post-mortem. Il est donc indispensable de rechercher les facteurs favorisants, les circonstances et de réaliser une véritable consultation pédiatrique. Ceci impose d’accueillir la famille, de recueillir progressivement à l’occasion d’entrevues répétées, l’histoire familiale et personnelle de l’enfant, de réaliser un examen clinique complet, des examens complémentaires biologiques, microbiologiques, radiologiques et d’obtenir des deux parents l’autorisation écrite d’autopsie. Une étiologie précise au décès du nourrisson est un point de départ important pour le travail de deuil. C’est aussi la condition d’une prise en charge adaptée et objective de tout nouvel enfant de ce couple. Faq 3 - Conduite à tenir L’examen clinique est complet : aspect morphologique, cutanéo-muqueux, état trophique, prise de la température rectale, état d’hydratation, existence de sueurs, d’une pâleur, d’une cyanose, de lividités, d’une odeur particulière, d’une rigidité cadavérique, de rejet nasal ou buccal, palpation des segments de membres, de l’abdomen, examen de la cavité buccale, mesure du poids, de la taille, du périmètre crânien. Les examens complémentaires sont tous possibles. Tous sont importants : radiographie de thorax et du squelette, numération formule sanguine, réticulocytes, hémoculture, prélèvements microbiologiques : pharyngé, trachéal, ponction lombaire (chimie, cytologie, bactériologie, virologie), ponction péricardique et pleurale à la recherche d’un épanchement (bactériologie, virologie, cytologie), recueil d’urines et de sang pour une étude métabolique. Les parents sont reçus par le pédiatre pour connaître les circonstances du décès, s’informer des antécédents familiaux et personnels, consulter le carnet de santé de l’enfant et aborder la question de l’autopsie. Son utilité est indiscutable mais il est difficile de convaincre sans heurter. Aucune législation, aucune religion ne s’oppose à cet examen. 2 C@mpus National de pédiatrie et chirurgie pédiatrique Auteur : Pr. Gérard Chéron Dr Timsit Sandra ( Hôpital Necker Enfants Malades – Paris) TICEM – UMVF MAJ : 06/01/2005 Faq 4 - Autopsie Les renseignements obtenus dépendent de la précocité et de la méthodologie de l’autopsie. L’étude macroscopique est complète, thoracique, abdominale, le bloc ORL mais aussi l’encéphale, le cervelet, le tronc cérébral, les adénopathies cervicales. En cours d’autopsie sont effectués des prélèvements stériles pour des recherches de virus en culture de tissu (encéphale, poumon, cœur, foie). Chaque organe est examiné, pesé, mesuré à la recherche d’une lésion, d’une malformation, puis il fait l’objet de plusieurs coupes, selon des repères anatomiques précis, pour l’étude histologique. Faq 5 - Résultats L’ensemble du dossier est discuté avec tous les membres de l’équipe : métabolicien, microbiologiste, hématologiste, radiologue, les médecins du secours d’urgence appelés au domicile et l’anatomo-pathologiste. Trois situations sont possibles : – Le décès est rattaché à une cause précise parce qu’il y a une parfaite concordance anatomo-clinique. L’autopsie a découvert une malformation cardiaque grave, une myocardite, une myocardiopathie, une infection aiguë multiviscérale, une tumeur cardiaque, une hypoplasie congénitale du cortex surrénalien, une méningoencéphalite, les stigmates de mauvais traitement, un rachitisme carentiel massif… Cette situation est fréquente dans les décès précoces du fait de l’importance des infections bactériennes et virales le premier mois de vie. – Le décès a une cause possible en raison de lésions témoignant d’une pathologie récente ou chronique, méconnue avant le décès. Il s’agit de lésions siégeant sur un seul organe ou un seul système, très fréquemment l’arbre respiratoire (laryngite, épiglottite, infection bronchique ou pulmonaire). La découverte d’un élément microbiologique est importante pour valider le caractère pathogène des lésions. – Le décès ne reçoit aucune explication : il s’agit d’une mort subite inexpliquée du nourrisson (MSIN). Il est probable que ce cadre sera démembré au prix de nouveaux progrès méthodologiques dans le bilan post-mortem. Faq 6 - Aspects étiologiques potentiels des MSIN Ces morts au berceau relèvent de pathologies multifactorielles. Plusieurs événements se succèdent, s’associent, s’amplifient. – La recrudescence hivernale, la présence d’une rhinopharyngite avant le décès, les lésions inflammatoires du système respiratoire, la découverte de virus dans les lésions sont des facteurs bien documentés. Des médiateurs de l’inflammation (interféron, interleukines) sont présents dans le liquide céphalo-rachidien et le plasma. Des enzymes du métabolisme de détoxification des xénobiotiques (cytochromes) sont anormalement représentés. – L’hyperthermie et des variations brusques et importantes de la température centrale (hyper ou hypothermie) modifient la régulation respiratoire. Les hyperthermies ne sont pas toutes infectieuses. Elles peuvent être exogènes : enfant trop couvert, trop près d’une source de chaleur. Elles créent des pertes d’eau importantes, une déshydratation. – Le reflux gastro-œsophagien peut être cause d’une inhalation alimentaire massive. 3 C@mpus National de pédiatrie et chirurgie pédiatrique Auteur : Pr. Gérard Chéron Dr Timsit Sandra ( Hôpital Necker Enfants Malades – Paris) TICEM – UMVF MAJ : 06/01/2005 Celle-ci est rare. Ces reflux se compliquent aussi de malaise et de perte de connaissance documentés par des enregistrements cardiaques et respiratoires. Avec ou sans œsophagite, le reflux est, dans certains cas, cause d’un réflexe vagal bradycardisant ou apnéisant. Il n’a néanmoins pas été démontré qu’il peut à lui seul et en l’absence de fausse route massive, être responsable de décès. – Des apnées centrales ont été évoquées. Un nourrisson né à terme, eutrophique, sans pathologie néonatale, n’a pas une respiration régulière et il fait des pauses respiratoires d’origine centrale de brève durée (< 15 s). Ce phénomène est physiologique et en aucun cas prédictif d’un accident de MSN. La responsabilité des apnées est encore débattue pour les prématurés, les nouveaunés hypotrophiques ou encore pour les enfants ayant présenté une grande souffrance pernatale justifiant des mesures de réanimation. C’est dans ce cadre bien particulier que des lésions anatomiques du tronc cérébral (séquelles d’infection, d’accidents vasculaires ou d’hypoxie) peuvent être responsables d’apnées centrales anormalement longues (> 20 s) et potentiellement pathologiques (apnée puis bradycardie). – Les “apnées” obstructives sont connues lors des anomalies malformatives de la filière laryngo-pharyngée (syndrome de Pierre-Robin, laryngomalacie, rétrécissement des voies aériennes supérieures) ou lors des problèmes infectieux (laryngite, rhinite, épiglottite) ou chimique (irritation des reflux gastro-œsophagiens graves). – Les troubles du rythme cardiaque sont rares. Si le syndrome du QT long, avec ou sans surdité, est exceptionnel chez le nourrisson, les autres troubles du rythme (tachycardie supra ventriculaire ou jonctionnelle, bloc auriculo-ventriculaire) doivent être dépistés dès la période néonatale. Ils sont responsables d’accès de pâleur, d’adynamie, de brève perte de contact voire d’accès de cyanose ou lorsqu’ils se prolongent de l’installation d’une insuffisance cardiaque. – Le syndrome de Silverman doit systématiquement être évoqué mais il faut insister sur la très grande prudence avec laquelle il convient de chercher les stigmates cutanés, muqueux, osseux, nutritionnels, psychiatriques et sociaux qui étayent ce diagnostic. – Des anomalies héréditaires du métabolisme des acides gras ont été documentées. Les acides gras deviennent, en cas de jeûne prolongé, l’aliment énergétique en remplacement du glucose. Leur utilisation nécessite des déshydrogénations successives pour fournir des acyl COA. Des déficits en acyl COA déshydrogénase (à chaîne longue, moyenne ou courte) ou des déficits en carnitine (cofacteurs des déshydrogénases) provoquent une symptomatologie bruyante à type de malaise hypoglycémique sans cétose, d’encéphalopathie, de syndrome de Reye, de coma, d’acidose métabolique sévère… Ces manifestations surviennent plus volontiers à l’occasion d’un stress (infections intercurrentes, jeûne prolongé…) qui augmente les besoins énergétiques. Seul le dosage de l’activité enzymatique sur lymphocytes frais ou sur culture de fibroblastes permet le diagnostic. Faq 7- Prévention La difficulté réside dans la prévention de tout ou partie de ces décès dont une faible part est précédée de symptômes peu ou pas spécifiques. Il est nécessaire d’être vigilant lors de chaque examen des nourrissons, de tenir compte des antécédents anténataux et/ou périnatals (souffrance, réanimation, prématurité, hypotrophie), de vérifier le développement staturo-pondéral des premiers mois en s’aidant des 4 C@mpus National de pédiatrie et chirurgie pédiatrique Auteur : Pr. Gérard Chéron Dr Timsit Sandra ( Hôpital Necker Enfants Malades – Paris) TICEM – UMVF MAJ : 06/01/2005 courbes de croissance, de penser systématiquement à l’insuffisance ou au caractère limité des stocks vitaminiques et calciques des enfants nés prématurément, hypotrophes ou de mères n’ayant pas bénéficié d’un ensoleillement suffisant au cours de leur grossesse, de prendre le temps d’expliquer son ordonnance et de chercher à savoir si elle a été comprise. Les résultats des campagnes médiatiques sur la position dans laquelle coucher les nourrissons sont spectaculaires et ils posent de nombreuses questions. Sur tous les continents, une baisse de 40 à 50% des morts subites est enregistrée presque simultanément aux messages diffusés pour encourager le décubitus dorsal. Le décubitus ventral diminuerait les possibilités d’échange thermique, créerait les conditions d’une ascension de la température corporelle. Une infection intercurrente même bénigne, un excès de température majorerait alors le risque d’hyperthermie. Couché sur le ventre, le nourrisson risque d’autre part de ventiler dans un micro environnement enrichi en gaz carbonique, appauvri en oxygène. En conséquence, si les nourrissons ayant un important reflux gastro-œsophagien non maîtrisé par un traitement médicamenteux et ceux porteurs d’anomalies crânio-faciales doivent être maintenus en orthostatisme ventral, il convient d’inciter tous les parents dès la maternité à coucher le nouveau-né sur le dos, à ne pas chauffer exagérément sa chambre, à ne pas trop le couvrir, à proscrire l’usage des draps, couettes, couvertures, oreillers et tours de lit sous lesquels les nourrissons risquent de se trouver enfouis. 5