Le point de vue du chef économiste de Raiffeisen

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Le point de vue du chef économiste de Raiffeisen
14.12.2016
Le point de vue du chef économiste de Raiffeisen
Adelboden ou Alep
En économie, nous tendons à tout
exprimer et mesurer en chiffres.
Nous avons en effet l’impression
que les résultats de notre activité
et plus particulièrement ceux de la
politique économique peuvent
ainsi être interprétés, car ils sont
mesurables, objectifs et facilement
quantifiables. Difficile de polémiquer à propos d’une hausse ou
d’une baisse, le résultat est toujours incontestable. C’est du moins ce que nous croyons.
Une inflation de 1% est inférieure à 3%, il reste à déterminer
laquelle de ces valeurs est effectivement la meilleure? Il
existe en tous cas un ensemble d’indicateurs quantifiables et
des réactions de la politique économique qui en résultent.
Ces concepts sont évidemment vagues. Malgré une échelle
de mesure indubitable, il n’est pas évident que 1% est mieux
que 3% ou inversement. Cela n’empêche pourtant pas ma
corporation de déduire des mesures lorsque certains résultats quantitatifs échappent à tout contrôle, même si cela se
solde au final par de l’improvisation. Les jugements de valeur
sont toutefois toujours de la partie. Les banques centrales
portent elles aussi des jugements, parce qu’elles estiment
apparemment que l’inflation est plus dommageable à moins
0,5% qu’à 2%, alors que c’est tout sauf évident. Notre vie
quotidienne qui n’est pratiquement rythmée que par des
critères qualitatifs et non quantitatifs n’est pas si différente.
La classification en mieux ou en moins bien implique toujours des évaluations fondées sur des sensations subjectives.
Est-ce qu’Adelboden est plus belle qu’Arosa? Faut-il préférer
les vacances à la mer ou à la montagne, les cheveux blonds
ou bruns, les jeans ou les pantalons à pinces? C’est uniquement une question de goût et chaque décision en faveur de
l’un ou de l’autre implique un jugement de valeur, comme
en politique économique. Mais qu’en est-il d’Alep?
Obama: no, I couldn’t
Il existe des valeurs quantitatives dont on aurait aisément pu
déduire depuis longtemps les actions politiques nécessaires
en Syrie. Cinq années de guerre avec près d’un demi-million
de morts et des millions de déplacés en Syrie constituent des
ordres de grandeur clairs et nets. À cela s’ajoutent les observations qualitatives, telles que les exécutions filmées, les
cadavres d’enfants sur les plages des stations balnéaires ou
les bombardements massifs, qui ne forment que le sommet
de l’iceberg, comme nous le savons tous. Mais l’occident se
contente désormais de s’offusquer et finit peu à peu par être
blasé. Cette évolution va de pair avec la faillite de
l’hémisphère occidental dans la résolution des conflits armés
internationaux. Que Barack Obama ait autrefois laissé le
dictateur syrien gazer impunément son peuple en agitant de
vaines menaces n’était que le début d’un malheur sans fin
face auquel nos sentiments s’émoussent peu à peu. Conjointement avec les gouvernements occidentaux, le président
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Obama avait pourtant pris à bras-le-corps les conséquences
de la faillite de Lehman, ne reculant devant aucun moyen. La
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relance de l’économie a Raiffeisen
ainsi coûtéEconomic
deux billions
de dollars
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au monde. L’investissement
en Syrie ne représente qu’une
Tél. +41par
44 226
74 41 de la
fraction de cette somme et se justifie
l’opacité
situation, raison pour laquelle il vaut mieux s’abstenir de
toute intervention. Le manque de transparence légitime en
quelque sorte l’inaction et l’immobilisme, malgré les nombreuses preuves qualitatives et quantitatives de l’urgence de
la situation.
L’impuissance succède à l’attentisme
Cela fait bien longtemps que cette guerre ne tourne plus
autour de la destitution de Bachar el-Assad ou de la démocratisation du pays. Il n’y a de toute façon jamais eu de ligne
de front à proprement parler, seulement une myriade de
foyers de conflit. La situation est devenue de plus en plus
confuse, sous les yeux de l’occident. Désormais, presque
toutes les factions sont impliquées d’une manière ou d’une
autre. L’Iran chiite et sa milice libanaise du Hezbollah
s’intéressent moins à la Syrie qu’au sale tour qu’ils peuvent
jouer à l’Arabie saoudite. Les Russes et les Américains se
livrent également une guerre par factions interposées. Les
deux pays s’opposent certes à l’Etat islamique, mais seuls les
Américains sont contre Assad. Les Kurdes quant à eux ne
sont pas non plus des enfants de chœur et tentent de tirer
profit de la situation. La complexité de la situation rebute
l’occident. Et cela fait longtemps qu’il a raté l’occasion de
mettre un terme à la désolation. La situation actuelle en
Turquie est similaire. Assad n’a-t-il pas montré en effet
comment narguer l’OTAN aux portes de l’Europe?
Un jugement de valeur manifeste
La passivité, pour ne pas dire l’impuissance de l’occident en
Syrie va de pair avec un jugement de valeur politique, voire
idéologique indicible. Les vies humaines au Proche-Orient
valent moins que la préservation obstinée de la prospérité
économique d’un secteur financier moribond ou des emplois
en occident. Le message adressé à Bachar el-Assad suggère
implicitement qu’il peut continuer les massacres, tant que le
reste du monde se contente d’observer ou de faire autre
chose. Malgré cela, ils sont encore nombreux à faire comme
si les appels à la modération et la voie diplomatique étaient
les plus à même de mettre fin au conflit en Syrie. Quand
bien même cette politique aurait uniquement eu pour effet
de démontrer que les massacres continuent. Si l’on avait
employé les mêmes méthodes pour lutter contre la crise
financière en 2008, nous serions aujourd’hui confrontés à
une déflation et peut-être même à une déflation dangereuse. Reste à savoir ce qui serait pire: moins trois pour cent
d’inflation ou quelques morts de plus. Nous connaissons la
réponse de l’occident à cette question.
Martin Neff, chef économiste de Raiffeisen
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