Le prêt-à-porter féminin sous pression

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Le prêt-à-porter féminin sous pression
Le prêt-à-porter féminin sous pression
Secteur & Marché
Delphine, Directrice d’études - Xerfi
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« Le prêt-à-porter
féminin sous
pression »
2011 s’annonce difficile pour le prêt-à-porter féminin : avec un pouvoir d’achat par
ménage en baisse de 0,4%, les Français vont en effet devoir faire des arbitrages.
Des arbitrages qui risquent fort de ne pas être favorables à l’habillement. C’est
pourquoi, nous prévoyons une baisse de 2% du chiffre d’affaires des distributeurs
spécialisés dans la mode féminine. Confrontés au tassement de leur marché, les
distributeurs de prêt-à-porter féminin vont également devoir se battre sur un
deuxième front : je veux parler de l’envolée de leurs coûts d’approvisionnement.
Comme le montre cette courbe, cette envolée est d’abord alimentée par la flambée
du cours du coton qui a atteint un niveau historique au premier trimestre 2011. Et ce
n’est pas tout. Les distributeurs doivent aussi faire face à l’augmentation du coût de
la main d’œuvre dans les pays exportateurs de textile-habillement. L’inflation et les
hausses de salaires se sont en effet propagées dans les pays émergents, et en
particulier la Chine. La Chine, il faut le rappeler, est en effet notre principal
fournisseur dans l’habillement. Face à cet environnement compliqué, comment
réagissent les enseignes de mode ?
Xerfi Canal – Secteur & Marché – Delphine David
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En réalité, elles n’ont pas le choix. Elles doivent redéfinir leur stratégie
d’approvisionnement. En clair, elles privilégient de plus en plus le sourcing de
proximité. C'est-à-dire en faveur de la Turquie, de l’Europe de l’Est, et du Maghreb.
Sur ce point, les événements survenus en Tunisie sont une source d’inquiétude
supplémentaire. Les enseignes révisent aussi leur politique tarifaire. La dégradation
des conditions d’achats les oblige en effet à remonter leur prix. De façon maîtrisée
toutefois, pour ne pas trop peser sur la demande. Autant dire que la chute du taux de
marge commerciale de la profession paraît inévitable en 2011.
Dans un tel contexte, la course aux parts de marché va s’intensifier entre enseignes
et circuits de distribution. Regardons la répartition des forces en présence.
Avec 63% des ventes, les spécialistes de l’habillement dominent le marché du prêt-àporter féminin. Face à eux s’exerce la concurrence des véadistes traditionnels
comme La Redoute et des grandes surfaces alimentaires telles que Leclerc. Sans
oublier, dans une moindre mesure, celle des grands magasins et des chaînes
d’articles de sport comme Decathlon. Si l’on raisonne maintenant en termes
d’enseignes, le spécialiste de la mode féminine Camaïeu arrive en tête du
classement avec une part de marché supérieure à 5%. Suivent Promod et H&M qui
captent un peu plus de 3% du prêt-à-porter pour femmes.
Cette course aux parts de marché passe bien sûr pour tous les distributeurs par
Internet. Le e-commerce est devenu un canal incontournable. On peut même dire
que le e-commerce est au cœur des stratégies de conquête, avec un dynamisme
insolent. Vous pouvez en juger : des taux de croissance à deux chiffres pour les
ventes en ligne d’habillement quand le marché peine lui à se redresser. Même s’il
pèse un peu moins de 8% du marché de la mode féminine, comme vous pouvez le
voir, le e-commerce d’habillement a progressé d’environ 40% en 2010. A titre de
comparaison, les ventes en ligne aux particuliers - tous produits et services
confondus - ont augmenté de 25% seulement en 2010. Soit près de deux fois moins
vite que celles d’habillement.
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Et pourtant, malgré ce dynamisme insolent, certaines enseignes – et non des
moindres - se sont mises à la vente en ligne avec beaucoup de retard. Le ecommerce est de fait une expérience nouvelle pour certains leaders. Les internautes
français n’ont pu passer leurs commandes sur le site de Zara qu’en septembre 2010.
Sur celui de C&A, il a fallu attendre mars 2011. Et ce ne sont que quelques exemples
parmi d’autres. Certes, l’analyse des 80 principales enseignes d’habillement révèle
une proportion croissante de click & mortar, c’est-à-dire d’enseignes traditionnelles
qui sont également présentes sur le net. Mais la marge de progression est encore
importante. Un tiers des enseignes spécialisées dans la mode féminine n’a pas de
boutique en ligne. Et si ce pourcentage atteint 40% pour les chaînes d’habillement
qui s’adressent à une clientèle mixte ou familiale, H&M est l’un des !!!!!!! grands
absents de l’e-commerce en France.
La plupart des enseignes administrent elles mêmes leur site marchand. D’autres
comme Kookaï et Naf Naf recourent à des spécialistes de la délégation e-commerce.
Autrement dit, à des spécialistes qui prennent en charge la gestion complète de la
chaîne e-commerce. Une gestion complète qui va de la création et maintenance du
site à la mise en œuvre de la logistique, en passant par l’e-marketing. D’autres
encore, ont fait évoluer leur business model pour profiter du dynamisme du ecommerce comme prestataire de services, et pas seulement comme distributeur.
C’est le cas d’un des leaders de la mode féminine. C’est ainsi que le groupe
Beaumanoir propose désormais son savoir-faire en BtoB à des clients du secteur
textile.
Néanmoins, cette stratégie « pluricanale » a son revers. Elle expose en effet les
enseignes à de nouvelles formes de concurrence. Notamment celle des pure players,
c'est-à-dire des distributeurs spécialisés dans la vente sur Internet. C’est par
exemple le cas d’Amazon et de Rueducommerce. Initialement spécialisés dans les
produits culturels ou high-tech, ces leaders du e-commerce s’attaquent au marché
textile. Soit directement en créant leur propre boutique comme vient de le faire
Amazon. Soit indirectement, en ouvrant leur market place à des vendeurs
professionnels.
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Autre revers de la médaille : l’e-commerce contribue à modifier en profondeur les
comportements d’achats des consommatrices. D’abord parce qu’Internet est
synonyme de bonnes affaires et de prix bas. Le succès des sites de déstockage tels
que Vente Privée en est la parfaite illustration. Plus de la moitié des achats de
vêtements réalisés aujourd’hui sur le net concerne des articles en solde ou en
promotion. Une part qui ne cesse d’ailleurs de progresser.
Enfin, Internet consacre aussi les multiples façons de consommer la mode. Via des
sites d’occasion généralistes comme eBay ou des sites spécialisés tels que
Vestiaires de Copines. La location, le troc ainsi que les achats groupés favorisent
également l’émergence de nouveaux concepts sur Internet. En fin de compte, la
pression sur les marges, le développement du e-commerce, l’apparition de nouveaux
business models et de nouvelles formes de concurrence sont autant de défis pour les
distributeurs de prêt-à-porter. Une situation compliquée et des menaces pour
certains. Mais une pression qui va démultiplier les efforts d’innovation et sans doute
permettre de voir apparaître de nouveaux positionnements, et de nouveaux
concepts.
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