I. Etude des personnages

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I. Etude des personnages
Fiche de lecture:
Vipère au poing.
Genre littéraire : roman
autobiographique
Auteur : Hervé Bazin.
Année de Publication : 1948
Vipère au poing est un roman autobiographique d’Hervé Bazin dans lequel il dépeint son enfance difficile,
aux côtés d’une mère extrêmement stricte et insensible.
L’histoire se déroule à Solédot, un village assez proche de Sègre (en Anjou). Hervé Bazin est incarné par
le narrateur, Jean Rézeau. D’ailleurs, même les noms des personnages sont similaires à ceux des
membres de la famille de Bazin dans la vraie vie. Par exemple, Bazin s’appelle en réalité Jean-Pierre
Hervé Bazin et son personnage dans l’histoire se nomme Jean Rézeau. Son père s’appelle Jacques
Hervé Bazin, et le père dans l’histoire porte le nom de Jacques Rézeau.
Bien que le récit soit inspiré de la vie de l’auteur, les personnages principaux sont : Jean Rézeau
(gentiment dénommé « Brasse-Bouillon » par son frère ainé) et sa mère Paule Pluvignec (ou
« Folcoche »). C’est ainsi que la relation familiale constitue la pierre angulaire du roman.
Progressivement, Jean se rendra compte que malgré la haine qu’il porte si durement pour sa mère, il
devient peu à peu identique à elle et finira par lui ressembler.
Les personnages résident dans la maison familiale, la « Belle-Angerie ».
I.
Etude des personnages :
1. Jean Rézeau :
C’est le personnage principal, le narrateur. Il est le fils cadet, le "révolté, l’évadé, la mauvaise tête" de
Jacques et Paule Rézeau. Défiant et rebelle, il s’insurge contre les lois familiales imposées par sa mère,
qui lui paraissent injustes. De ce fait, il incite ses deux autres frères à se joindre à sa contre-attaque. Il
haït tellement sa mère du fait de sa méchanceté, qu’il est allé jusqu’à graver les initiales suivantes sur un
arbre dans la forêt : « V.F » qui signifie : « Vengeance à Folcoche ».
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Tout au long du roman, il organise de nombreuses mises en scène dans le seul et unique but de nuire à
sa mère. Toutefois, il est abasourdi lorsqu’il découvre que sa mère essaye de le faire accuser pour le vol
de 1000 francs, en y déposant sournoisement cette somme dans son portefeuille. Déterminé à mettre fin
à cette situation, il réunit ses deux autres frères afin de comploter contre Folcoche dans le but de
l’empoisonner, mais sans succès.
Toutefois, vers la fin de l’histoire, alors que Jean s’enfuit de la maison pour échapper à sa punition, il se
rend chez ses grands-parents maternels. Lors de son séjour, ces deniers lui apprennent que sa mère
aussi n’avait jamais eu d’amour familial de la part de ses parents. Dès lors, il réalise que ceci est bien la
raison pour laquelle elle souffre, et qu’elle fait souffrir, à son tour, son propre fils.
2. Paule Rézeau :
Née Paule Pluvignec, elle prend le nom de Paule Rézeau lorsqu’elle épouse Jacques Rézeau. Ses
enfants la surnomment « Folcoche », pour « folle » et « cochonne ». Elle désire une autorité sans limite
sur ses trois fils qui finissent par la détester, largement incités par Jean. Elle ne fait preuve d’aucune
affection maternelle, sans-doute parce qu’elle a été elle-même victime d’un détachement émotionnel
dans son enfance (passage raconté par Mr. Félicien lors du premier diner de Jean chez ses grand
parents, après sa fugue.). D’ailleurs, lorsque les deux fils ainés (Jean et Ferdinand) reviennent de chez
leur grand-mère, celle-ci venant tout juste de mourir d’une maladie des reins, les deux garçons accourent
vers leurs parents pour les embrasser, mais au lieu d’une accolade chaleureuse et réconfortante de la
part de leur mère, celle-ci les gifle violemment et les oblige à porter des valises trop lourdes pour eux. Par
ce geste, Folcoche démontre une fois de plus une certaine distance envers ses enfants, ce qui
engendrera par la suite une véritable tyrannie en guise d’autorité parentale, dans le seul but de les faire
souffrir.
3. Jacques Rézeau :
Il est le père de famille. C’est un professeur à la retraite, mais passionné d’entomologie. Il désire
maintenir la paix dans sa famille en tout temps et toute circonstance. Bien que lui, soit beaucoup plus
affectueux et aimable envers ses enfants, ses multiples tentatives pour raisonner Folcoche et la
convaincre d’être moins stricte s’avèrent vaines. Devant elle, il est impuissant. D’ailleurs, Brasse-Bouillon
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l’en réprimande sournoisement ; « Excusez-moi d’être franc, papa. Mais vous vous montrez bien jaloux
d’une autorité que vous n’exercez guère. » spécialement lorsque celui-ci essaie de contredire leur mère.
4.
Ferdinand Rézeau :
Dit « chiffe » ou « Fredie », c’est le frère ainé de Jean. C’est un garçon plutôt peureux et tout comme son
père il n’a pas le courage de s’opposer à sa cruelle mère. C’est ainsi qu’il subit sans dire mot les
traitements maléfiques qu’elle leur inflige à tous. Bien qu’il supporte toujours son frère cadet Jean dans
ses plans de rébellion et ses idées de contre-attaque envers Folcoche, Freddie n’hésite pas à s’échapper
lorsqu’un danger se présente, abandonnant Jean tout seul pour faire face aux conséquences.
5. Marcel Rézeau :
Encore dénommé « Cropette » par son frère ainé, il est le dernier enfant de la famille. Il est le seul à avoir
été élevé par sa mère, ce qui justifie que Folcoche soit peu indulgente envers lui. Plus fragile et plus naïf
que les autres, il n’a d’autres choix que de tout avouer (au sujet des multiples coups bas et plans de
contre-attaque) à sa mère lors de leurs séances de confession avec le père Traquet.
6. Alphonsine :
C’est la fidèle cuisinière des Rézeau. Malheureusement elle est sourde et muette, et Folcoche profite de
son double handicap pour lui imposer les corvées familiales les plus difficiles, ceci en contrepartie d’un
misérable salaire. Alphonsine se fait également appeler « Fine ». Elle éprouve une immense affection
envers les enfants, mais malheureusement ne peut pas toujours l’exprimer de peur de contrarier
Folcoche.
7. Les abbés :
Tout au cours de l’histoire, on découvrira sept précepteurs successifs embauchés par les parents Rézeau
pour veiller sur les enfants. Les enfants les surnomment B1, B2, B3…..B7 (B pour abbé). Ils agissent
également en tant qu’aumôniers de la famille. Parmi eux, trois marqueront le roman :
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Le père Trubel (B1) est viré à cause de sa mauvaise conduite répétitivement observée envers
les filles des fermiers.
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Le père Vadeboncoeur (B6) : comme son nom l’indique, il est très chaleureux et aimable à
l’égard des enfants, et c’est la raison pour laquelle Folcoche le chasse de la maison en l’absence
de Jacques Rézeau.
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Le père Traquet (B7) : après avoir expulsé le père Vadeboncoeur de la maison, Folcoche
embauche le père Traquet car celui-ci est cruel, violent et sans scrupule, et donc pourra « mater
les enfants » en permanence.
II.
Thématique de lecture.
1. Contexte historique de Vipère au poing :
Le roman se situe au début du XXème siècle, plus précisément dans les années 1920. Il s'agit d'une
famille bourgeoise qui règne sur ses terres et ses paysans.
Au XXème siècle, d’importantes modifications économiques renouvellent les opportunités de création
d'entreprise et d'enrichissement. La bourgeoisie (et surtout la grande bourgeoisie représentée ici par la
famille Rézeau) cumule le capital économique, le capital social et le capital culturel. Eventuellement, cette
concentration de pouvoir débouche sur l'exercice d’un pouvoir politique. Paule Pluvignec, qui était la fille
d’un sénateur parisien en ce temps-là, se voit imposée en mariage à Ferdinand Rézeau.
L'action se déroule en Anjou et l'intrigue tourne autour de cinq personnages principaux : les parents et
leurs trois enfants.
2. L’importance d’un amour maternel :
L’histoire d’Herve Bazin nous apprend combien l’amour d’un parent est primordial pour le développement
personnel, émotionnel et psychologique d’un enfant. Paule Rézeau, qui depuis son enfance n’avait
jamais ressentie cette chaleur familiale et cet amour fleurissant de la part de ses parents, grandit et
devient une épouse stoïque, une femme détestable et une mère froide. Ses enfants la détestent au point
de comploter sa mort à plusieurs reprises. Son enfance glacée l’a rendu tellement traumatisée sur le plan
émotionnel qu’elle est incapable d’accepter même l’amour que ses fils lui portent, et en retour elle ne leur
donne que peines et souffrances.
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Jean Rézeau est donc, bien qu’elle ne puisse l’avouer, le héros de sa mère. Après maintes
interrogations sur le comportement aussi froid de sa mère, il aura le courage de fouiller dans son passé
et se rendra compte que ses grands-parents qui ne semblaient jamais avoir de temps à passer avec
Paule, étaient les vrais monstres, et pas elle.
Vipère au Poing est un roman autobiographique. En effet, Bazin lui-même eut une enfance difficile aux
côtés d’une mère autoritaire. Par l’histoire de sa vie, Herve Bazin partage avec nous la représentation la
plus réelle d’une vie troublée par le manque d’affection parentale.
3. Folcoche et Brasse-Bouillon: un antagonisme qui rapproche :
Lorsque les personnalités de Folcoche et de son fils Brasse-Bouillon s’entrechoquent, un duel se
déclenche. Non pas parce qu’ils sont différents, mais parce que les deux sont semblables, mais feignent
de le reconnaitre. Ce n’est donc point une bataille d’êtres opposés, mais plutôt un choc de titans : deux
personnalités identiques qui veulent régner l’une sur l’autre. Et plus Brasse-Bouillon essaie de défier sa
mère, plus il se rapproche d’elle.
Cependant, Il est important de noter qu’à l’origine, le rapprochement de ces deux personnalités est
purement antagoniste. Jacques Rézeau défie sa mère car il refuse d’accepter le régime tyrannique
qu’elle leur impose. Sa réaction face aux traitements dont il est victime est typique pour un adolescent de
son âge : il recherche sa propre identité, se révolte contre l’autorité et veut se faire entendre. Mais alors
qu’on progresse dans l’histoire, on se rend compte que cette réaction nubile jadis normale camoufle un
problème bien plus important que ce qui parait. En effet, au lieu d’être frustré par le régime pénitentiaire
de Folcoche, Brasse-Bouillon s’en régale plutôt. Il se réjouit intérieurement de la voir tomber dans les
pièges qu’il lui tend : tentative d’assassinat par la noyade, tentative d’empoisonnement en augmentant sa
dose de médicaments, etc. Sa haine pour sa mère le rend aussi mesquin et sournois qu’elle, et petit à
petit ce sentiment devient sa seule forme d’expression : « Aimer c’est s’abdiquer, haïr c’est s’affirmer. »
On se rend compte que plus Brasse-Bouillon combat Folcoche, plus il se rapproche d’elle (en caractère)
et c’est ce rapprochement qui marque en réalité la vraie relation entre les deux ; une relation qu’ils
n’avaient jamais eu. Jean Rézeau commence à se sentir tellement proche de Folcoche qu’en l’absence
de celle-ci, son bonheur n’a point de saveur (comme lors de ses vacances avec son père et son frère
ainé).
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C’est donc cette dualité amour/haine qui caractérise le sentiment qu’éventuellement Brasse-Bouillon
commence à ressentir pour celle qui lui a donné la vie. Et ce sentiment laissera une marque permanente
dans sa vie, comme il le déclare lui-même : « j'entre à peine dans la vie et grâce à toi je ne crois plus à
rien n'y a personne ».
4. Le style de Bazin :
Vipère au Poing est un roman autobiographique d’Hervé Bazin dans lequel il décrit son enfance aux
côtés d’une mère cruelle ; et en fait ressortir les conséquences sur le plan psychologique.
Déjà par le titre du roman, on peut témoigner de l’audace de l’auteur qui assimile sa mère à une vipère,
reptile venimeux cruel. Cette illustration exagérée nous donne a priori une idée de la personnalité de
cette mère et des souffrances que Bazin s’apprête à dénoncer dans son livre. Ensuite, a plusieurs
instances il répète : « cette vipeere….ma vipère », insistant ainsi sur la cruauté du personne qu’il se
donne tant de mal à détruire. Mais cette séquence si fréquemment répétée dans le récit pourrait
également être une indication de l’obsession de Bazin pour cette vipère. Bazin fait aussi un usage
récurrent d’éléments et figures bibliques emblématiques « …au centre, la fameuse langue bifide, une
pointe pour Eve…une pointe pour Adam… » Ou encore « …se laissait tomber au bout de mon poing en
flasque bâton de Moise. »
L’aspect détaillé et méticuleux des descriptions de Bazin (spécialement celles qu’il fait de sa mère, la
vipère) les rendent presque vraisemblables et réelles : «…des yeux de topaze brûlée, piqués noir au
centre et tout pétillants d'une lumière que je saurais plus tard s'appeler la haine et que je retrouverais
dans les prunelles de Folcoche, je veux dire de ma mère, avec, en moins, l'envie de jouer (et, encore,
cette restriction n'est-elle pas très sûre !). Elle avait aussi de minuscules trous de nez, ma vipère, et une
gueule étonnante, béante, en corolle d'orchidée…»
En somme, la passion que Bazin utilise pour décrire aussi fidèlement la vipère qu’il serre autour de son
poing est puisée des souvenirs passés de son enfance aux côtés d’une mère odieuse. Ce récit
autobiographique est non seulement une inspiration pour les écrivains – à cause du style de Bazin - mais
aussi une exhortation aux conséquences psychologiques des méthodes parentales abusives auxquelles
sont soumis certains enfants.
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