Annulation des résolutions approuvant les comptes 2012 de l`Ordre

Transcription

Annulation des résolutions approuvant les comptes 2012 de l`Ordre
Publié sur Dalloz Actualité (http://www.dalloz-actualite.fr)
Annulation des résolutions approuvant les comptes
2012 de l’Ordre des avocats de Paris
le 22 février 2016
AVOCAT | Organisation de la profession
Les membres du conseil de l’Ordre n’ont pas bénéficié d’informations suffisantes sur l’emploi de
sommes de plus de 5 millions d’euros, représentant un quart des cotisations ordinales, et affectées
à des honoraires reçus par des avocats missionnés par l’Ordre.
Paris, 11 févr. 2016, n° 13/20146
Saisie par trois membres du conseil de l’Ordre (MCO), la cour d’appel de Paris s’est prononcée sur
un recours, contestant l’approbation des comptes de l’Ordre parisien pour l’année 2012, faute
d’avoir pu obtenir des informations suffisantes sur l’emploi de certaines sommes. Les résolutions
litigieuses avaient été votées le 18 juin 2013 et les trois avocats requérants avaient formulé une
réclamation préalable auprès du conseil, qui a fait l’objet d’un rejet le 17 septembre 2013. Ils ont
alors saisi la cour d’appel.
Intérêt à agir des MCO demandeurs
Le conseil de l’Ordre défendeur soutenait en premier lieu que les trois demandeurs, MCO, étaient
dépourvus de toute qualité et intérêt à agir. Il se fondait sur les dispositions de l’article 19 alinéa 1er
de la loi du 31 décembre 1971 qui réservent le recours au seul procureur général. Par ailleurs, il
soutenait que les décisions d’approbation des comptes litigieuses ne pouvaient pas être
considérées comme des décisions individuelles faisant grief.
La cour d’appel a répondu qu’en application de l’article 19 alinéa 2 du même texte tout avocat
pouvait déférer à la cour les délibérations du conseil de l’Ordre dès lors qu’elles étaient de nature à
léser les intérêts professionnels de l’avocat. Or, les trois demandeurs, avocats inscrits au barreau
de Paris et MCO, justifient d’un intérêt professionnel en cette double qualité. En effet, la notion
d’intérêts professionnels recoupe à la fois l’intérêt moral et l’intérêt financier. L’atteinte alléguée au
fonctionnement des institutions ordinales suffit à démontrer l’existence d’un intérêt moral à agir.
L’arrêt ajoute que s’agissant des comptes de l’Ordre, il existe également un intérêt financier à agir
du fait des conséquences sur les cotisations ordinales. L’action des demandeurs est donc jugée
recevable.
Les résolutions querellées
Les demandeurs sollicitaient l’annulation des résolutions 2 à 9 votées par le conseil de l’Ordre le 18
juin 2013. Toutes concernaient l’approbation des comptes de l’Ordre pour l’exercice 2012. La
résolution n° 2 concernait l’approbation des comptes pour 2012 ainsi que le quitus donné au
bâtonnier pour sa gestion des comptes de l’Ordre. La résolution n° 3 concernait l’approbation des
conventions conclues pendant l’exercice comptable, les résolutions 4 à 8 concernaient la
constitution de réserves ou le prélèvement sur celles-ci et la dernière résolution (n° 9) concernait
l’affectation du résultat, pour un montant de 7 515 032 €.
Les MCO faisaient valoir qu’en dépit de leurs demandes répétées, formulées avant et pendant la
séance du conseil de l’Ordre, ils n’avaient eu que des informations incomplètes, principalement sur
l’usage d’une somme totale de 5 561 381 €, versée en 2012, à titre d’honoraires, à des avocats ou
à des tiers missionnés par l’Ordre. Les demandeurs soutenaient que ni l’identité de ces avocats, ni
les missions qui leur avaient été confiées, ni la rémunération qui leur avait été versée n’avait été
portées à leur connaissance.
Pour l’exercice précédent en 2011, ces sommes étaient nettement moins élevées (4 383 122 € pour
Dalloz actualité © Éditions Dalloz 2017
Publié sur Dalloz Actualité (http://www.dalloz-actualite.fr)
le poste « honoraires avocats » et 831 233 € pour le poste « honoraires autres »). En outre, le
budget prévisionnel pour 2012 prévoyait pour ce poste une somme très inférieure à celle exposée
(4 672 760 €).
La mission générale de gestion du conseil de l’Ordre
L’Ordre des avocats soutenait que si le conseil de l’Ordre avait certes vocation à approuver les
comptes et à vérifier leur conformité, il « ne relevait pas de ses prérogatives de disposer de
l’ensemble des informations expliquant les flux financiers gérés par l’Ordre ». Le défendeur faisait
valoir que les MCO avaient reçu, avant la séance d’approbation des comptes, le détail des chiffres
de l’exercice 2012. Par ailleurs, les postes litigieux avaient été approuvés par le commissaire aux
comptes.
Le bâtonnier avait également indiqué aux requérants, par courrier, que l’information nominative de
la rémunération versée au titre des honoraires n’était « pas pertinente pour procéder à l’arrêté des
comptes ». Lors de la séance du conseil, le secrétaire de la commission des finances a refusé de
répondre aux questions des requérants sur les informations particulières nominatives car, selon lui,
« la mission relève du régime des conventions réglementées ».
Mais la cour d’appel a rejeté l’argumentation de l’Ordre. Pour elle, l’article 17 de la loi du 31
décembre 1971 confère au conseil une mission générale de gestion et d’approbation des comptes
au regard du budget voté en début d’exercice. Elle a constaté que si des informations avaient été
communiquées au sujet du poste litigieux dans le rapport de gestion, ces informations étaient
d’ordre général et ne détaillaient pas les modalités d’exercice des fonctions nouvellement créées
qui avaient donné lieu aux versements d’honoraires objet du litige et ne mentionnaient pas les
rémunérations correspondant à chacune de ces fonctions. Compte tenu de l’importance des
sommes en jeu, la cour a jugé que ces informations n’étaient pas, contrairement à ce que soutenait
l’Ordre, « secondaires ». La cour a annulé les résolutions n° 2 et n° 9 votées le 18 juin 2013,
rejetant en revanche le recours formé contre les autres résolutions.
par Anne Portmann
Dalloz actualité © Éditions Dalloz 2017