Recherche d`information en santé sur l`internet : une analyse

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Recherche d`information en santé sur l`internet : une analyse
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Recherche d’information en santé
sur l’internet : une analyse contextuelle
des données SIRS, une cohorte parisienne
Researching healthcare information on the internet: a contextual
analysis of the SIRS cohort data, Paris metropolitan area
Santé publique, volume 21, Hors série, Novembre-Décembre, pp. 27-40
Résumé : D’un point de vue de santé publique, l’internet est rapidement apparu comme un
outil potentiellement utile pour l’information des patients et la promotion de la santé. Si les
facteurs individuels impliqués dans le recours à l’internet santé sont maintenant bien
connus, l’effet du lieu de résidence reste peu étudié. L’objectif de cette étude était d’évaluer
l’impact des caractéristiques contextuelles du quartier de résidence sur l’utilisation de
l’internet pour s’informer en matière de santé. Des analyses de régression logistique
multiniveau ont été réalisées sur les données de la cohor te SIRS, échantillon représentatif
de la population de l’agglomération parisienne en 2005. Une variation entre quartiers de
résidence a été mise en exergue à la fois dans l’utilisation générale de l’internet et plus
spécifiquement pour s’informer en matière de santé. Cette variabilité diminue lors de la prise
en compte de facteurs individuels, traduisant un « effet de composition » et disparaît lorsque
les caractéristiques du lieu de résidence sont ajoutées, traduisant un « effet contextuel ». Les
inégalités individuelles d’accès à l’internet sont renforcées dans les quartiers les plus
défavorisés. En revanche, si les obstacles individuels sont retrouvés, la probabilité d’utiliser
l’internet pour des questions de santé est plus importante dans les quartiers comptant une
proportion plus grande de non diplômés. Dans la perspective de réduire les inégalités
sociales de santé, une promotion active de la diffusion d’internet ainsi que la formation des
individus et des médecins sont nécessaires à un niveau individuel et sociétal pour qu’il
puisse constituer un media de prévention et de promotion de la santé utile et utilisé
pour tous.
Mots-clés : Recherche d’information en santé - Internet - Facteurs socio-économiques Analyse contextuelle.
(1) McGill University, Dept Epidemiology, Biostatistics & Occupational Health, International Research Infrastructure on Social inequalities in health (IRIS).
(2) INSERM, U707, Équipe de recherche sur les déterminants sociaux de la santé et du recours aux soins, Paris,
F-75012 France.
(3) Université Pierre et Marie Curie-Paris 6, UMR-S 707, Paris, F-75012 France.
(4) CNRS, UMR 8097, Centre Maurice Halbwaxhs, Paris, F-75014 France.
(5) AP-HP, Hôpital Saint-Antoine, Département de Santé publique, Paris, F-75012 France.
Correspondance : Émilie Renahy,
[email protected]
Réception : 24/03/2009 – Acceptation : 07/09/2009
UTILISATIONS ET ENJEUX
Émilie Renahy (1), Emmanuelle Cadot (2), (3), Christelle Roustit (2), (3),
Isabelle Parizot (2), (4), Pierre Chauvin (2), (3), (5)
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E. RENAHY, E. CADOT, C. ROUSTIT, I. PARIZOT, P. CHAUVIN
Summary: From a public healthcare point of view, the Internet rapidly emerged as a
potentially useful tool for providing information to patients and for promoting healthcare.
While the individual factors involved in the use of online healthcare information are now well
known, the effect of the area of residence has been largely ignored. The object of this study is
to assess the impact of contextual characteristics associated with the neighbourhood and
area of residence on the use of internet for accessing healthcare information. Analyses of
multilevel logistical regression were carried out on data drawn from the SIRS cohort, a
representative sample of the population in the Paris metropolitan area in 2005. Variations
between neighbourhoods were observed both in the general use of internet and, more
specifically, in the search for information concerning healthcare. This variability tends to
decrease when individual factors are taken into account, which points to an “effect of
composition”, and disappears altogether when the characteristics of the area of residence are
added, indicating a “contextual effect”. Individual inequalities of access to internet are even
greater in the most underprivileged areas. By contrast, while individual obstacles are also
reflected here, the probability of using the internet for issues of healthcare is higher in
neighbourhoods that include a large proportion of unqualified people. From the point of view
of reducing social inequalities in the realm of healthcare, an active promotion of internet
access and training of both individuals and doctors are required both at an individual and at a
social level in order that the internet may constitute a medium for publicizing prevention and
the promotion of useful and widely used healthcare.
Keywords: Information research in healthcare - Internet - socioeconomic factors - contextual
analysis.
La diffusion des technologies de l’information et de la communication (TIC),
et plus particulièrement de l’internet, a transformé les pratiques de
recherche d’information dans l’ensemble des pays industrialisés. D’un point
de vue de santé publique, l’internet est rapidement apparu comme un outil
potentiellement utile pour l’information des patients et la promotion de la
santé. Certains auteurs ont cependant rapidement mis en garde contre le fait
que l’utilisation de l’internet pourrait bénéficier davantage aux personnes les
plus privilégiées en termes de santé et de statut socio-économique [10, 13].
En effet, si l’utilisation de cet outil ne cesse d’augmenter, son accès reste
inégal dans les différents groupes sociaux : les personnes les plus jeunes ou
possédant un niveau de revenu et d’étude élevé ont plus de chances d’avoir
accès à l’internet, et souvent plus accès aux technologies de pointe telles que
le haut débit [2, 20]. L’usage spécifique de l’internet pour s’informer sur une
question de santé quelle qu’elle soit, ce que nous dénommerons dans la
suite de cet article comme « l’internet santé », est également différent parmi
les internautes. Son utilisation varie notamment en fonction des caractéristiques démographiques (âge, nationalité), du statut socio-économique
(niveau d’étude, niveau de revenu, statut d’emploi), mais aussi en fonction
du genre (les femmes étant de plus fréquentes utilisatrices), de l’intégration
sociale, de l’expérience en informatique et parfois du lieu de connexion (le
domicile privé des personnes rendant plus aisé ce type de recherches), de
l’état de santé et/ou des perceptions de santé [1, 28, 30, 33]. Dans une
précédente étude, nous avons d’ailleurs mis en évidence un cumul de ces
inégalités dans l’accès puis dans l’utilisation de l’internet santé, indiquant
l’existence d’une double fracture numérique dont les origines étaient à la fois
économiques, sociales et sanitaires [29].
Santé publique, volume 21, Hors série, Novembre-Décembre, pp. 27-40
Introduction
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RECHERCHE D’INFORMATION EN SANTÉ SUR L’INTERNET :
UNE ANALYSE CONTEXTUELLE DES DONNÉES SIRS, UNE COHORTE PARISIENNE
29
Si les facteurs individuels impliqués sont maintenant bien connus, l’effet
du lieu de résidence reste quant à lui beaucoup plus flou : certaines études
indiquent que la probabilité d’avoir déjà utilisé l’internet pour des questions
de santé est plus élevée chez les personnes résidant en zone urbaine [23] ou
augmente avec la taille de l’agglomération de résidence [30], tandis que
d’autres montrent un effet non significatif [4, 11]. Par ailleurs, considérer une
région (ici l’agglomération parisienne) d’une manière globale masque souvent
une grande diversité sociale, économique et culturelle des territoires et/ou
des populations. Dans ce contexte d’inégalités sociales d’accès et d’utilisation de l’internet santé et au-delà des caractéristiques individuelles, il
semblait intéressant d’analyser ces disparités géographiques à une échelle
plus fine, en l’occurrence infracommunale. En effet, plusieurs travaux de
recherche dans le champ de l’épidémiologie sociale ont mis en évidence
l’importance des facteurs dits « contextuels », tels que l’environnement
géographique, économique et social de résidence, pour mieux comprendre
les inégalités sociales de santé [5, 7].
S’appuyant sur une précédente analyse ayant mis en évidence un ensemble
de facteurs individuels en lien avec les inégalités d’accès à l’internet
santé [29], l’objectif de cette étude était d’évaluer l’impact des
caractéristiques contextuelles du quartier de résidence sur l’utilisation de
l’internet en général et pour rechercher des informations en santé plus
particulièrement ; les types d’usage autres qu’informationnels ne sont pas
traités ici. Plus largement, les résultats de ces analyses pourraient permettre
d’orienter les politiques de santé publique en regard de l’utilisation de
l’internet pour s’informer en matière de santé.
Santé publique, volume 21, Hors série, Novembre-Décembre, pp. 27-40
Méthode
Échantillon d’étude
La cohorte SIRS (Santé, inégalités et ruptures sociales) a été constituée à
l’automne 2005 dans le cadre d’un projet de recherche collaboratif entre
l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), le Centre
national de la recherche scientifique (Cnrs) et l’Institut national d’études
démographiques (Ined). Un échantillon aléatoire de 3 023 personnes, représentatif de la population francophone de plus de 18 ans vivant dans
l’agglomération parisienne (départements de Paris (75), des Hauts-de-Seine
(92), de Seine-Saint-Denis (93) et du Val-de-Marne (94)), a été constitué par
tirage au sort à trois niveaux successifs (des descriptions plus complètes de
l’échantillon d’étude ont été précédemment publiées [9, 29]).
Variables d’intérêt
Deux variables d’intérêt ont été considérées. L’utilisation de l’internet a
tout d’abord été définie comme le fait de s’être déjà connecté personnellement à l’internet (oui/non). Au sein de la sous-population ainsi définie,
nous avons ensuite distingué les individus ayant utilisé l’internet au moins
une fois au cours des trois dernières années pour rechercher des
informations sur un sujet de santé (oui/non).
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30
E. RENAHY, E. CADOT, C. ROUSTIT, I. PARIZOT, P. CHAUVIN
Facteurs individuels
Nous avons montré précédemment qu’un ensemble de facteurs individuels
d’ordre économique, social, sanitaire et psychosocial était significativement
associé d’une part à l’utilisation de l’internet et d’autre part à l’utilisation
de l’internet pour s’informer en matière de santé [29]. L’ensemble de ces
facteurs a été repris dans la présente analyse.
Facteurs contextuels
Le quartier de résidence est défini au niveau des « Îlots regroupés pour
l’information statistique » (IRIS) de l’Institut national de la statistique et des
études économiques (INSEE). Chacun des 50 IRIS de la cohorte SIRS compte
en moyenne 2145 habitants et s’étend sur 0,3 km2. Deux types de variables
contextuelles ont été utilisées pour caractériser ces quartiers de résidence :
d’une part des informations synthétiques (typologie socioprofessionnelle
regroupée en trois catégories – ouvrier, moyen, supérieur [26]) ou d’ordre
« géopolitique » (département de résidence, quartier classé en zone urbaine
sensible (ZUS) ou non) et d’autre part des indicateurs socio-économiques
(agrégés à l’IRIS) issus du Recensement de la population de l’INSEE en 1999
(proportion d’individus de moins de 25 ans, de chômeurs, d’étrangers,
de personnes sorties du système scolaire sans diplôme et de familles
monoparentales).
Plusieurs modèles de régression logistique multiniveau (ou modèles
hiérarchiques) ont successivement été estimés : 0/ un modèle sans paramètre (modèle vide) afin d’évaluer l’existence d’un effet contextuel, 1/ un
modèle contenant les facteurs individuels uniquement (caractérisant le
premier niveau) et trois modèles ajoutant aux facteurs individuels des
facteurs contextuels (au second niveau) dont 2/ un modèle contenant les
variables contextuelles synthétiques traduisant le découpage géopolitiques
des quartiers, 3/ un modèle contenant les caractéristiques socio-économiques détaillées des quartiers et 4/ un modèle contenant les deux types de
facteurs contextuels. Pour chaque modèle, nous avons calculé un odds ratio
médian (ORM) qui exprime la valeur médiane de l’odds ratio entre les zones
à plus forte probabilité et celles à plus basse probabilité en tirant au sort
deux zones dans l’échantillon [22]. Les analyses présentées dans cet article
ont été réalisées avec la procédure xtmlogit du logiciel Stata 10.1.
Résultats
Près de 70 % des enquêtés s’étaient déjà connectés personnellement à
l’internet et 48,5 % d’entre eux avaient utilisé l’internet au moins une fois
pour rechercher des informations médicales au cours des trois dernières
années (soit 34,2 % de l’échantillon total). Une variation significative en
fonction du quartier de résidence a été mise en évidence tant en ce qui
concerne l’accès à l’internet que son utilisation pour s’informer en matière de
santé : la valeur de l’ORM était de 1,74 (Tableau I, modèle 0) et 1,38
(Tableau II, modèle 0) respectivement. En intégrant les facteurs individuels,
les ORM diminuaient tout en restant significatifs à un seuil de 5 % (passant
Santé publique, volume 21, Hors série, Novembre-Décembre, pp. 27-40
Analyse statistique
25,9
24,2
24,9
quartile
2e
3e quartile
4e quartile
27,2
6,9
Étudiant
ORa
IC 95%
Modèle 2
1,74
1,40
5,24
0,45
1
3,41
2,87
1,59
1
13,82
****
****
****
[1,65-16,60] ****
[0,33-0,60]
–
[2,20-5,30]
[1,97-4,19]
[1,19-2,14]
–
[8,86-21,56] ****
1
–
1
12,74
3,01
Étudiant
Inactif
Actif
1
5,31
0,43
1
3.07
2,69
1,53
Situation d’emploi
4e quartile
3e quartile
2e quartile
1er quartile
****
1
5,20
[8,57-20,55] **** 13,54
[3,50-7,40]
0,92
1
ORa
[8,75-20,93]
[3,58-7,55]
–
[0,74-1,16]
–
IC 95%
Modèle 3
****
****
P
****
1
3,02
–
****
****
****
[1,66-16,94] ****
[0,32-0,59]
–
[1,98-4,77]
[1,85-3,92]
[1,14-2,05]
****
5,13
0,45
1
3,14
2,77
1,57
1
[8,15-19,92] **** 12,95
[2,01-4,50]
–
[1,62-16,31]
[0,33-0,60]
–
[2,02-4,89]
[1,89-4,04]
[1,17-2,10]
–
[8,29-20,22]
[2,02-4,52]
–
****
****
****
****
****
****
****
26,81 [16,08-44,72] **** 26,72 [16,05-44,50] ****
13,27
5,09
–
[0,73-1,15]
Revenus mensuels du ménage (€/UC)
Supérieur
1
0,92
P
[8,62-20,66]
[3,52-7,43]
–
[0,72-1,13]
–
IC 95%
Modèle 4
5,27
0,44
1
3,02
2,74
1,54
1
12,84
3,05
1
[1,64-16,91]
[0,32-0,59]
–
[1,98-4,79]
[1,88-4,00]
[1,15-2,07]
–
[8,21-20,08]
[2,04-4,56]
–
26,78 [15,95-44,30]
13,34
5,11
1
0.90
1
ORa
****
****
****
****
****
****
****
****
****
****
P
RECHERCHE D’INFORMATION EN SANTÉ SUR L’INTERNET :
UNE ANALYSE CONTEXTUELLE DES DONNÉES SIRS, UNE COHORTE PARISIENNE
Ajusté sur la nationalité, la perception de la situation socio-économique,
la taille du ménage, l’intégration sociale et l’état de santé
ORa : odds-ratio ajusté ; ORm : odds-ratio médian
* p ≤ 0,25 ; ** p ≤ 0,10 ; *** p ≤ 0,05 ; **** p ≤ 0,01
IRIS (ORm)
Effet aléatoire
65,9
Actif
Inactif
Situation d’emploi
25
1er quartile
Revenus mensuels du ménage (€/UC)
51,4
Secondaire
Supérieur
[2,06-4,61]
≤ Primaire
3,08
****
< 30
30-44
38,9
–
> 59
45-59
Secondaire
1
25,77 [15,45-42,97] ****
[8,53-20,45] ****
****
Niveau d’étude
23,4
< 30
13,21
[3,49-7,37]
Groupe d’âge
Femme
Homme
9,7
30,4
30-44
5,07
–
[0,76-1,19]
≤ Primaire
23,7
45-59
1
0,95
Niveau d’étude
22,5
> 59
Groupe d’âge
52,9
Femme
–
P
Genre
47,1
Homme
1
IC 95%
Modèle 1
Genre
ORa
Effets fixes - Facteurs individuels
Modèle 0
Effets fixes - Facteurs individuels
% (n = 3 023)
Tableau I : Effet du contexte de résidence sur la probabilité d’utiliser Internet - Régression logistique multiniveau (n = 3 023)
Santé publique, volume 21, Hors série, Novembre-Décembre, pp. 27-40
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31
Modèle 0
ORa
IC 95%
Modèle 1
P
IC 95%
Modèle 2
0,78
93
94
1,95
1,22
Moyen
Supérieur
–
0,47
0,39
3e quartile
4e quartile
4e quartile
IRIS (ORm)
[0,84-2,76]
[1,08-3,32]
[0,85-2,43]
–
[0,21-0,73]
[0,26-0,83]
[0,40-1,20]
–
IC 95%
Modèle 3
1,05
*
***
*
****
****
*
P
1,30
1,40
1,39
1
0,80
0,70
0,84
1
1,29
1,92
1,58
1
0,88
0,67
1.60
1
ORa
[0,78-2,20]
[0,84-2,34]
[0,88-2,19]
–
[0,38-1,66]
[0,40-1,21]
[0,51-1,39]
–
[0,74-2,25]
[1,22-3,03]
[1,10-2,26]
-
[0,55-1,40]
[0,45-0,98]
[1,10-2,34]
–
IC 95%
Modèle 4
*
*
*
****
***
***
***
P
Ajusté sur la nationalité, la perception de la situation socio-économique, la taille du ménage, l’intégration
sociale et l’état de santé
ORa : odds-ratio ajusté; ORm : odds-ratio médian
* p ≤ 0,25 ; ** p ≤ 0,10 ; *** p ≤ 0,05 ; **** p ≤ 0,01
1,29
1,53
3e quartile
1.12
1,90
2e quartile
Effet aléatoire
1
1,44
1er quartile
Proportion de familles monoparentales
1
0,68
*
[0,82-1,82]
ORa
2e quartile
***
***
****
***
[1,40-2,71]
[1,09-2,12]
–
[0,51-1,20]
[0,43-0,94]
[1,10-2,29]
P
1er quartile
Proportion de chômeurs
1,52
ZUS
Ouvrier
1
0,64
92
Typologie quartier
1
1.58
75
Département
Effets fixes - Facteurs contextuels
ORa
32
Santé publique, volume 21, Hors série, Novembre-Décembre, pp. 27-40
% (n = 3 023)
Tableau I : Effet du contexte de résidence sur la probabilité d’utiliser Internet - Régression logistique multiniveau (n = 3 023) (suite)
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E. RENAHY, E. CADOT, C. ROUSTIT, I. PARIZOT, P. CHAUVIN
2,80
36,2
30,4
30-44
65,1
Oui
22,5
ORa
IC 95%
Modèle 2
1,30
[1,81-3,83]
[1,32-2,58]
[0,97-1,86]
–
[1,08-1,72]
–
[0,81-3,82]
[0,54-2,53]
****
****
**
****
*
1
2,64
1,85
1,34
1
1,37
1
1,75
1,18
1
2,72
2,01
1,7
–
[1,81-3,85]
[1,32-2,58]
[0,97-1,87]
–
[1,09-1,73]
–
[0,80-3,80]
[0,54-2,54]
–
[1,76-4,20]
[1,36-2,96]
[1,15-2,50]
–
[1,38-2,10]
1
0,75
0,70
0,67
75
92
93
94
Département
[0,43-1,05]
[0,47-1,04]
[0,53-1,06]
–
Effets fixes - Facteurs contextuels
>6
4-6
1-3
<1
Oui
Non
Supérieur
Secondaire
1
1,70
**
**
**
****
****
**
****
*
****
****
****
****
P
2,76
1,90
1,36
1
1,36
1
1,78
1,16
1
2,64
1,93
1,66
1
1,73
1
ORa
[1,89-4,01]
[1,36-2,65]
[0,98-1,88]
–
[1,08-1,71]
–
[0,82-3,86]
[0,54-2,50]
–
[1,71-4,07]
[1,31-2,84]
[1,13-2,45]
–
[1,41-2,14]
–
IC 95%
Modèle 3
****
****
**
****
*
****
****
***
****
P
0,89
1,09
0,84
1
2,68
1,86
1,34
1
1,37
1
1,69
1,14
1
2,63
1,93
1,66
1
1,71
1
ORa
[1,07-2,71]
[1,20-2,43]
[1,08-2,24]
–
[1,84-3,91]
[1,33-2,60]
[0,97-1,86]
–
[1,09-1,73]
–
[0,78-3,68]
[0,53-2,46]
–
[1,70-4,07]
[1,31-2,85]
[1,12-2,44]
–
[1,39-2,11]
–
IC 95%
Modèle 4
***
****
***
****
****
**
****
*
****
****
***
****
P
RECHERCHE D’INFORMATION EN SANTÉ SUR L’INTERNET :
UNE ANALYSE CONTEXTUELLE DES DONNÉES SIRS, UNE COHORTE PARISIENNE
Ajusté sur la nationalité, la perception de la situation socio-économique,
la taille du ménage, l’intégration sociale et l’état de santé
ORa : odds-ratio ajusté ; ORm : odds-ratio médian
* p ≤ 0,25 ; ** p ≤ 0,10 ; *** p ≤ 0,05 ; **** p ≤ 0,01
IRIS (ORm)
Effet aléatoire
1,38
2.63
35,7
4-6
>6
1.84
28,9
1.34
12,9
1-3
1
1.36
<1
Ancienneté d’utilisation d’Internet (années)
34,9
Non
1
1.75
66,1
Supérieur
Problème de santé actuel
Secondaire
–
< 30
30-44
45-59
> 59
Groupe d’âge
Femme
Homme
≤ Primaire
1.18
1,4
32,5
≤ Primaire
1
****
****
****
****
Niveau d’étude
[1,82-4,32]
[1,38-3,01]
[1,18-2,57]
–
[1,39-2,12]
Niveau d’étude
< 30
2,04
22,8
1,74
10,6
45-59
1
1,72
> 59
Groupe d’âge
51
Femme
–
P
Genre
49
Homme
1
IC 95%
Modèle 1
Genre
ORa
Effets fixes - Facteurs individuels
Modèle 0
Effets fixes - Facteurs individuels
% (n = 1 931)
Tableau II : Effet du contexte de résidence sur la probabilité de recherche d’information en santé sur Internet parmi les internautes - Régression logistique
multiniveau (n = 1 931)
Santé publique, volume 21, Hors série, Novembre-Décembre, pp. 27-40
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33
Modèle 0
ORa
IC 95%
Modèle 1
P
Supérieur
[0,43-0,93]
[0,67-1,36]
[0,56-1,22]
–
IC 95%
Modèle 2
IRIS (ORm)
[1,09-2,10]
[1,26-2,27]
[1,06-2,23]
–
IC 95%
Modèle 3
***
****
***
P
1,10
1,71
1,70
1,56
1
0,89
1,09
0,84
1
ORa
[1,07-2,71]
[1,20-2,43]
[1,08-2,24]
–
[0,56-1,40]
[0,73-1,62]
[0,59-1,21]
–
IC 95%
Modèle 4
***
****
***
P
Ajusté sur la nationalité, la perception de la situation socio-économique, la taille du ménage, l’intégration
sociale et l’état de santé
ORa : odds-ratio ajusté ; ORm : odds-ratio médian
* p ≤ 0,25 ; ** p ≤ 0,10 ; *** p ≤ 0,05 ; **** p ≤ 0,01
1,16
1,52
4e quartile
1,22
1,69
3e quartile
Effet aléatoire
1
1,54
ORa
2e quartile
***
P
1er quartile
Proportion de personnes sans diplôme
0,95
0,64
Moyen
1
0,83
Ouvrier
ZUS
Typologie quartier
ORa
34
Santé publique, volume 21, Hors série, Novembre-Décembre, pp. 27-40
% (n = 1 931)
Tableau II : Effet du contexte de résidence sur la probabilité de recherche d’information en santé sur Internet parmi les internautes - Régression logistique
multiniveau (n = 1 931) (suite)
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RECHERCHE D’INFORMATION EN SANTÉ SUR L’INTERNET :
UNE ANALYSE CONTEXTUELLE DES DONNÉES SIRS, UNE COHORTE PARISIENNE
35
à 1,40 et 1,30 respectivement, modèle 1). Une part de la variation interquartier s’explique par les différences de composition des populations qui y
résident. En ajoutant les caractéristiques du quartier de résidence, l’estimation des paramètres individuels restait stable et les ORM n’étaient plus
significatifs, confirmant la présence d’un véritable effet contextuel. D’une
manière générale, les modèles contenant les deux types de facteurs
contextuels expliquaient globalement mieux la variation inter-quartier, mais
l’effet des caractéristiques socio-économiques détaillées des quartiers était
parfois diminué.
Santé publique, volume 21, Hors série, Novembre-Décembre, pp. 27-40
En d’autres termes, on observe un effet de la situation socio-économique
du quartier de résidence des individus en sus de l’effet de leur propre
situation socio-économique : après ajustement sur l’ensemble des caractéristiques individuelles, il apparaît que les personnes résidant dans les
quartiers et départements les plus défavorisés (ZUS, départements 93 et 94)
ont moins de chances d’utiliser l’internet que les personnes vivant dans des
quartiers plus aisés (Tableau I, modèle 2). Par ailleurs, le modèle 3 indique
que la probabilité d’utiliser l’internet diminue quand la proportion de
chômeurs dans le quartier de résidence augmente, renforçant ainsi
l’association avec le statut d’emploi à un niveau individuel, les personnes
inactives présentant une probabilité plus faible d’utilisation de l’internet.
La seconde modélisation visant à comprendre les variations inter-quartier
dans la probabilité d’utiliser l’internet pour rechercher des informations en
santé présente cette fois des associations opposées à celles mises en avant
à un niveau individuel. Les personnes ayant un niveau d’étude élevé ont plus
de chance d’avoir déjà utilisé l’internet pour des questions de santé alors
que, dans le même temps, ce sont les personnes qui résident dans les
quartiers où la proportion de personnes sans diplôme est la plus importante
qui ont le plus de chance d’être dans ce cas (Tableau II modèle 4). Les
associations avec les facteurs « géopolitiques » sont moins claires et peu
significatives : il apparaît que la probabilité d’utiliser l’internet santé est plus
importante à Paris et dans le 92, mais plus faible dans les quartiers de type
« supérieur » ou ouvrier non ZUS que dans les quartiers ZUS ou moyen par
exemple (Tableau II modèle 2).
Discussion
L’étude de cet échantillon représentatif de l’agglomération parisienne
constitue, à notre connaissance, la première analyse contextuelle réalisée sur
la thématique de l’utilisation de l’internet pour rechercher des informations
en santé. Cette analyse nous a permis de mettre en évidence une variation
entre quartiers de résidence à la fois dans l’utilisation de l’internet d’une
manière générale et plus spécifiquement pour s’informer en matière de santé.
Dans les deux cas, cette variabilité diminue lors de la prise en compte de
facteurs individuels – traduisant un « effet de composition » – et disparaît
lorsque des caractéristiques du lieu de résidence sont ajoutées – traduisant
un réel « effet contextuel » [7].
Plus précisément, si le cumul des inégalités individuelles d’accès et
d’utilisation semble en partie confirmé, les facteurs contextuels présentent
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E. RENAHY, E. CADOT, C. ROUSTIT, I. PARIZOT, P. CHAUVIN
quant à eux un effet différencié. En effet, les barrières socio-économiques
d’accès à l’internet et en lien avec la situation personnelle ou familiale des
personnes semblent renforcées par leur lieu de résidence. Le quartier de
résidence semble avoir un effet significatif, indépendamment des effets de
composition mis en exergue que l’on peut mettre en lien avec des processus
de ségrégation socio-spatiale [8]. En effet, les quartiers caractérisés par un
taux de chômage élevé, par un classement en ZUS et/ou appartenant aux
départements les moins favorisés de l’agglomération parisienne (93 et 94)
sont associés à de plus faibles probabilités d’utilisation de l’internet. Ces
résultats sont probablement en lien avec des disparités territoriales
d’équipement, notamment dans les ZUS, bien que ces zones ont initialement
été définies par les pouvoirs publics selon un ensemble de caractéristiques
démographiques et socio-économiques défavorables pour être la cible de
politiques prioritaires en termes d’éducation, de santé ou de développement
économique. Si l’équipement internet haut débit tend aujourd’hui à se
généraliser dans toutes les régions françaises (jusqu’aux plus petites
communes rurales), le paysage était différent en 2005, au moment de la
première vague de la cohorte SIRS [2]. Le nombre et la qualité des dispositifs
de connexion à l’internet (par modem, puis haut débit et fibre aujourd’hui)
sont restés en effet longtemps inégalement répartis d’un point de vue
géographique : dans l’agglomération parisienne, la diffusion de ces nouvelles
technologies s’est réalisée en premier lieu à Paris et dans les départements
limitrophes les plus aisés [17].
Une fois dépassées les barrières socio-économiques individuelles et
contextuelles en lien avec l’accès à l’internet, qu’en est-il de son utilisation
spécifique pour s’informer en matière de santé ? Si les inégalités socioéconomiques se cumulent au niveau individuel (les personnes caractérisées
par un profil socio-économique faible ayant moins de chance d’avoir déjà
utilisé l’internet santé), l’effet des facteurs contextuels semble s’inverser :
une fois ces obstacles individuels pris en compte, la probabilité d’utiliser
l’internet pour des questions de santé est plus importante dans les quartiers
comptant une proportion plus grande de non diplômés et, de manière moins
significative, les départements les plus défavorisés. Cette situation apparemment paradoxale peut s’expliquer de plusieurs façons. D’une part, il est
possible que, dans les quartiers les plus défavorisés et les classes sociales
les plus populaires, soient véhiculées des attitudes et des normes qui vont
dans le sens d’une plus grande conscience collective et d’un plus grand
intérêt pour les questions de santé, quand bien même ceux-ci sont, dans le
même temps, plus à distance du système de santé et des normes
médicales [3]. Nous avons montré en effet que, d’une manière générale, les
inquiétudes vis-à-vis de la santé et les perceptions de vulnérabilité face à la
maladie sont plus négatives dans de tels quartiers et que les expériences
(péjoratives) antérieures de la maladie y sont plus fréquentes [9]. D’autre
part, ces résultats peuvent exprimer un différentiel en lien avec l’objectif de
la recherche lui-même. En effet, les classes sociales moyennes et supérieures
sont généralement plus enclines à adopter des pratiques préventives
concernant leur santé [25]. Par extension, on peut penser que leur utilisation
de l’internet santé se fait probablement à titre préventif, tandis que les
catégories sociales plus basses conduisent plutôt des recherches d’ordre
curatif. Les données ne sont cependant pas suffisamment détaillées pour
Santé publique, volume 21, Hors série, Novembre-Décembre, pp. 27-40
36
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RECHERCHE D’INFORMATION EN SANTÉ SUR L’INTERNET :
UNE ANALYSE CONTEXTUELLE DES DONNÉES SIRS, UNE COHORTE PARISIENNE
37
nous permettre de conclure. Enfin, il est possible également que l’internet se
substitue, dans ces quartiers et ces populations plus que dans d’autres, aux
autres sources d’information en santé disponibles, et notamment à celles
délivrées par les médecins. Là aussi, nous avons montré que dans ces
quartiers, le sentiment que les informations données par les médecins sont
difficiles à comprendre et que les recommandations de santé sont difficiles à
appliquer dans la vie quotidienne, est le plus fréquent [9]. Plusieurs études
nord-américaines ont montré également que les catégories sociales les plus
basses ont en général plus de difficultés de compréhension et d’acception
des informations en matière de santé [14]. Ainsi, ces perceptions pourraient
jouer à deux niveaux : individuellement mais aussi – simultanément et en
sens contraire – collectivement et indirectement, en tant que normes
partagées dans l’environnement de vie des personnes. Dès lors, encourager
l’utilisation de l’internet comme source d’information en santé dans ces
quartiers pourrait réduire le déficit d’accès et d’utilisation des sources
d’information en santé observé dans ces groupes sociaux. Dans ces
populations ou ces territoires, encore plus que pour les groupes sociaux
possédant déjà les sources d’information et les compétences en santé
adéquates, les acteurs de santé publique auraient un rôle crucial à jouer pour
promouvoir le recours et la fréquentation de sites santé de confiance,
délivrant une information sérieuse et adaptée aux compétences de ces publics.
Santé publique, volume 21, Hors série, Novembre-Décembre, pp. 27-40
Limites
Ce travail de recherche présente plusieurs limites qui pourraient être
surmontées dans d’éventuels travaux ultérieurs. Premièrement, même si
l’échantillon aléatoire sur lequel se fonde ce travail assure une bonne
représentativité de la région étudiée (l’agglomération parisienne), il n’est pas
possible d’étendre ces résultats à l’ensemble de la population française.
Cette limite est d’autant plus importante que l’agglomération parisienne
présente des caractéristiques particulières par rapport au reste de la France :
les habitants sont notamment en moyenne plus jeunes, ont un niveau
d’étude et une position socioprofessionnelle plus élevés tandis que les écarts
sociaux y sont les plus importants [19]. De surcroît – et ce n’est pas sans lien –
les taux d’accès à l’internet en région parisienne observés en 2005 étaient
bien supérieurs à la moyenne nationale de l’époque (et comparables à ceux
observés dans les pays où la couverture était la plus avancée [18]).
Concernant les recherches d’information santé en ligne, les estimations
restaient toutefois beaucoup plus basses qu’aux États-Unis (en 2006, 80 %
des internautes avaient déjà utilisé Internet dans ce but [12]) ou en Europe
(52,2 % en moyenne en 2007 [21]), mais plus élevées qu’en France (29 % en
2005 [30]).
Deuxièmement, si la question analysée dans ce travail porte sur des
questions de santé au sens médical du terme (les concepts de nutrition ou de
bien-être ayant été exclus de cette définition), il est probable que le type
d’information recherché, le type de sites consultés (institutionnels, associatifs ou commerciaux par exemple), ainsi que leur impact éventuel sur les
comportements en lien avec la santé et les recours aux soins, soient
également différents selon les groupes sociaux. De ce point de vue, une des
limites de cette étude est de traiter de la dimension informative de l’internet
santé dans sa globalité sans avoir la possibilité de caractériser plus
SFS_HS_INTERNET.book Page 38 Mercredi, 13. janvier 2010 10:55 10
38
E. RENAHY, E. CADOT, C. ROUSTIT, I. PARIZOT, P. CHAUVIN
précisément la thématique des recherches, les sites d’information utilisés et
les types d’usages.
Troisièmement, les facteurs contextuels considérés au cours de ces
analyses sont pour la plupart issus des données du Recensement de la
population réalisé en 1999 par l’INSEE. Les mouvements résidentiels étant
importants en région parisienne, il sera donc nécessaire de poursuivre ces
analyses avec les données de recensement mises à jour, qui seront bientôt
disponibles.
Quatrièmement, il aurait été intéressant de pouvoir prendre en compte – au
rang des caractéristiques contextuelles et à la même échelle fine que celle
utilisée ici – l’organisation de l’offre de soins ainsi que les politiques locales
de santé publique en termes d’information en santé et de promotion de
la santé, toutes deux étant susceptibles d’avoir un impact sur les
comportements de recherche d’information en santé sur l’internet. En effet
au niveau individuel, plusieurs études ont montré que, après ajustement sur
l’état de santé et les caractéristiques socio-économiques habituelles, la
probabilité de s’informer en matière de santé sur l’internet [24] et la
fréquence des recherches [32] augmentent chez les personnes qui n’ont pas
de médecin régulier ou qui sont insatisfaites des soins procurés. Au niveau
contextuel, on sait aussi qu’il existe des différences en termes d’accès aux
soins primaires de santé [6] ou de densité médicale [16] d’une zone
géographique à une autre, la densité médicale étant notamment plus
importante à Paris que dans le reste de l’agglomération parisienne et
particulièrement faible dans les ZUS par exemple [27].
Nos différents travaux [29- 32] ainsi que la connaissance de la littérature [28]
permettent d’avancer plusieurs recommandations, d’une part pour diminuer
les inégalités d’accès actuelles, et d’autre part pour optimiser l’utilisation de
l’internet comme outil d’information et de promotion de la santé au service
d’un système de santé plus équitable :
• Poursuivre et améliorer les politiques mises en place pour promouvoir et
faciliter l’accès à l’internet et pour la certification des sites internet santé
(développées notamment par la Haute Autorité en Santé et la fondation
Health On the Net) [15] ;
• Former le public à l’utilisation de l’internet et à la recherche d’information
(dès l’école mais aussi pour les adultes dans les Espaces publics numériques, par exemple), pour développer un esprit critique face à la multitude
d’information, acquérir les outils pour contrôler la source des informations, repérer et promouvoir des sites relevant des instances reconnues en
santé publique ;
• Former les médecins et les professionnels de santé au cours de leur cursus
initial et de leur formation continue, en intégrant l’internet dans l’éducation du patient ou en les guidant pour conseiller des sites de confiance et
correspondant aux compétences en matière de santé des patients par
exemple ;
• Utiliser l’internet pour diffuser des informations en matière de santé adaptées à des publics ciblés ou aux modes de vie quotidiens des personnes :
sites généralistes ou récréatifs pour les jeunes, sites « communautaires »
Santé publique, volume 21, Hors série, Novembre-Décembre, pp. 27-40
Recommandations
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RECHERCHE D’INFORMATION EN SANTÉ SUR L’INTERNET :
UNE ANALYSE CONTEXTUELLE DES DONNÉES SIRS, UNE COHORTE PARISIENNE
39
(féminins, gays, en langues étrangères pour les publics migrants, etc.),
sites « de proximité » au niveau des quartiers ou des communes, et sites
intranets des entreprises par exemple.
Santé publique, volume 21, Hors série, Novembre-Décembre, pp. 27-40
Conclusion
Ce travail et les limites soulevées soulignent tout d’abord toute l’importance de mettre en place des collaborations interdisciplinaires (en épidémiologie, sociologie et géographie notamment) et développer des méthodologies de recherche innovantes afin de mieux appréhender les usages de
l’internet et leurs impacts sur la manière dont la santé se vit et se gère au
quotidien. Cette recherche plaide également pour le recueil et la diffusion
de plus en plus large de données sociales et sanitaires contextuelles
disponibles à une échelle locale (au mieux infracommunale) pour approfondir
nos connaissances sur les disparités socio-spatiales en matière d’information
de santé et, plus généralement, concernant l’ensemble des comportements
en lien avec la santé. Si l’on considère que l’utilisation de l’internet santé a
des conséquences positives sur la gestion de sa santé, l’internet semble
alors plutôt susceptible d’accroître – au moins temporairement, tant que sa
diffusion et son usage ne sont pas véritablement généralisés – les inégalités
sociales en matière de santé. Comme pour nombre d’autres technologies
émergentes dans le domaine de la santé, les personnes qui en auraient le
plus besoin sont aussi celles qui y ont le moins accès, pour des raisons
financières, sociales, culturelles et/ou géographiques. A contrario, l’internet
pourrait contribuer dans l’avenir à réduire les inégalités sociales (socioéconomiques et psychosociales) dans les domaines de la prévention
primaire, de la promotion de la santé ou de l’éducation à la santé notamment,
à la condition de promouvoir activement le développement et la diffusion
d’une information en ligne de qualité et adaptée aux différents publics, mais
aussi la formation à son utilisation.
REMERCIEMENTS
Ces travaux s’inscrivent dans un programme de recherche financé par l’Agence nationale de la
recherche, l’Institut de recherche en santé publique, la Délégation interministérielle à la Ville et la
Mairie de Paris (au titre du soutien à la recherche médicale et en santé).
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