LA REVISION DES 35 HEURES, REFLEXIONS SUR L

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LA REVISION DES 35 HEURES, REFLEXIONS SUR L
UNIVERSITE LILLE II – Droit et Santé
Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales
Ecole doctorale n° 74
Mémoire pour obtenir le diplôme de DEA de Droit Social présenté par VIGNOLO Tony,
année 2002-2003.
LA REVISION DES 35 HEURES, REFLEXIONS SUR
L’AMENAGEMENT DU TEMPS DE TRAVAIL.
Directrice de mémoire : Mme EVRAERT-DUMONT
Document téléchargé sur : http://edoctorale74.univ-lille2.fr
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UNIVERSITE LILLE II – Droit et Santé
Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales
Mémoire pour obtenir le diplôme de DEA de Droit Social présenté par VIGNOLO Tony,
année 2002-2003.
LA REVISION DES 35 HEURES, REFLEXION SUR
L’AMENAGEMENT DU TEMPS DE TRAVAIL.
Directrice de mémoire : Mme EVRAERT-DUMONT
Je tiens à remercier :
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Mes parents et ma sœur pour leur patience et leur soutien.
Mme EVRAERT- DUMONT pour la liberté qu’elle m’a laissée.
Mes amis : Arni, Monchat, Gniessou, Juju, Mouloud, Golgo, Polak, Seb laillec., Caro, Manu,
Francky, Sylvio, Romain, Sylvain, Cyrille, P’tit Jef, J-Raf (pour les 12 travaux), Max et
Marie, Samir, Abel, Anne, Will et tous les autres…
Le FCV et ses membres.
L’IST.
En mémoire de Damien, grand romantique incapable de supporter les désenchantements
de la vie.
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SOMMAIRE :
INTRODUCTION.
1ère PARTIE : LA LOI FILLON : ENTRE ASSOUPLISSEMENT ET
REVISION DES 35 HEURES.
Chapitre 1 : Les apports de la loi Fillon.
Section 1 : Les dispositions de la loi :
Section 2 : Harmonisation du SMIC et assouplissement des 35 heures : une réponse à l’attente
des acteurs économiques.
Chapitre 2 : Les limites du dispositif Fillon.
Section 1 : Les interrogations liées à la loi.
Section 2 : La résistance des accords Aubry : entre souhaits des salariés et freins des
partenaires sociaux.
2ème PARTIE : LES DIFFERENTES CONCEPTIONS DE LA DUREE
DU TRAVAIL EN FRANCE ET EN EUROPE.
Chapitre 1 : Le temps de travail envisagé par les courants alternatifs.
Section 1 : Les 32 heures pour un partage du temps de travail.
Section 2 : Les limites du projet des 32 heures.
Chapitre 2 : Le temps de travail en Europe : entre réduction et libéralisation.
Section 1 : Les réglementations européennes de la durée du travail et les réalisations en
matière de réduction du temps de travail.
Section 2 : Les réflexions menées dans les différents pays européens sur la réduction du temps
de travail.
CONCLUSION.
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TABLES DES ABREVIATIONS :
BTP : Bâtiment et Travaux Publics.
CE : Comité d’Entreprise.
CET : Compte Epargne Temps.
Coll. : collection.
Ed. : édition.
GMR : Garantie Mensuelle de Rémunération.
PIB : Produit Intérieur Brut.
PME : Petite et Moyenne Entreprise.
RTT : Réduction du Temps de Travail.
SMIC : Salaire Minimum Interprofessionnel de Croissance.
TPE : Très Petite Entreprise.
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INTRODUCTION :
Les débats sur le temps de travail font s’affronter de manière passionnée les partisans d’une
réduction du temps de travail et leurs opposants. En effet, ce sujet pose des questions
fondamentales telles que le rôle de l’homme dans la société, le partage du travail ou
l’amélioration des conditions de vie183. Ces débats ont engendré des luttes sociales récurrentes
à partir du 18ème siècle, date à laquelle la réglementation du travail ne va plus être du ressort
des corporations ouvrières mais va devenir le fait des patrons.
En effet, les lois d’Allarde et Le Chapelier de 1791, adoptées au nom de la libre entreprise, en
supprimant les corporations, vont avoir pour conséquence indirecte de mettre les salariés dans
une situation peu envieuse puisque désormais l’employeur fixe unilatéralement les horaires de
travail ainsi que l’âge minimal d’entrée dans la vie active. On va alors constater une
augmentation de la durée annuelle du travail et l’emploi d’enfants plus jeunes et par
conséquent l’augmentation du temps de travail sur une vie. Toutefois, pour Freyssinet184, la
mise en place d’horaires de travail collectifs, permanents et uniformes ne constitue en rien le
produit d’une revendication ouvrière, mais elle est le résultat d’une dure bataille menée par le
patronat contre l’indiscipline ouvrière. Une fois de tels horaires imposés, le souhait des
ouvriers auraient alors été que ce pouvoir soit encadré par la voie de la loi et de la négociation.
Une autre évolution est à remarquer, mise en évidence par Sue
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et Legoff186 : le passage
d’une organisation du temps de travail dominée par le religieux à une organisation soumise à
la sphère marchande (la cloche qui régule le temps est remplacée par la précision de l’horloge,
ordre mécanique et rationnel). L’employeur n’a quasiment plus de limite à son pouvoir dans la
fixation des horaires avec l’effacement du religieux et la disparition des corporations, il n’est
alors borné que par les limites physiques de ses employés. Marx dénonçait également la
paupérisation continue des masses salariales.
Dés lors, les luttes sociales sont justifiées par l’amélioration de la vie des salariés, voire par
des considérations de survie. Elles s’engagent au début du 19ème siècle avec la volonté de
diminuer la durée du travail mais cette lutte va être longue et ses acquis seront maigres et
souvent propres à chaque catégorie de personnes : enfants, femmes…
183 CAHUC (P.) et GRANIER (P.), La réduction du temps de travail : une solution pour l’emploi ? Economica,
Paris, 1997.
184 FREYSSINET (J.), « L’évolution du temps de travail : le déplacement des enjeux économiques et sociaux »,
in Droit Social n°9/10 1998 p753.
185 SUE (R.), Temps et ordre social, PUF 1994
186 LEGOFF (J.), Pour un autre moyen-âge. Temps, travail et culture en Occident, Gallimard 1977
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Pour exemple, nous pouvons citer la loi de 1841 qui limite l’accès au travail des enfants à
l’âge de 8 ans et impose une durée maximale de travail pour ceux- ci à 8 heures par jour, pour
les 12- 16 ans, la limitation est de 12 heures quotidiennes. Cette loi est inspirée par le rapport
du Docteur Villermé établi en 1840 qui dénonce les conditions de travail dans les
manufactures de soie, coton et laine et leurs conséquences sur l’état physique et moral des
ouvriers, plus particulièrement chez les enfants.
Le premier texte prenant en compte la durée du travail des adultes187 est un décret du 2 mars
1848 qui fixait la durée journalière de travail à 10 heures à Paris et 11 en Province. Mais la loi
du 9 septembre 1848 revient sur cette avancée en fixant une durée de travail de 12 heures
pour tous les adultes.
La loi du 19 mai 1874 prévoit l’entrée dans la vie active des enfants à 12 ans, elle interdit le
travail de nuit des femmes et crée 15 inspecteurs divisionnaires, rémunérés par l’Etat, chargés
de contrôler le respect des dispositions relatives à la durée du travail.
La loi du 30 mars 1900 fixe la durée du travail à 11 heures pour l’ensemble des salariés.
La loi du 13 juillet 1906 parvient enfin à imposer l’instauration du repos hebdomadaire.
Celui-ci avait été posé dans son principe par une loi de 1814 mais il était peu appliqué pour
être finalement supprimé en 1880. Ces adversaires craignant l’oisiveté des salariés, la baisse
de la production et la fermeture des pâtisseries le dimanche !
La journée de 8 heures et la semaine de 48 heures s’imposent avec des dérogations en 1919.
Pour la première fois, on apprécie la durée de travail sur un modèle hebdomadaire et non
quotidien.
Le Front Populaire va marquer les esprits par sa loi du 21 juin 1936, l’avancée sociale est ici
importante puisque le temps de travail est désormais limité à 40 heures par semaine et deux
semaines de congés payés par an sont instituées. Il répond donc à une vielle revendication de
l’Internationale ouvrière de 1871(à l’origine du 1er mai) : la journée de 8 heures. Les troisième,
quatrième et cinquième semaines de congés payés vont s’imposer grâce aux lois de 1956,
1963 puis 1982.
Un tournant dans l’évolution législative a lieu avec la loi du 25 février 1946 qui, dans une
logique de reconstruction d’après guerre, permet aux employeurs de dépasser légalement la
durée hebdomadaire de travail par le recours aux heures supplémentaires. Ce recours est
possible dans la limite de 20 heures par semaine sur autorisation de l’inspecteur du travail.
Une majoration de salaire est alors prévue.
187 D’après le travail des étudiants de Lille 2 organisateurs du colloque du 1er avril 2003 : « Les 35 heures, bilan
et perspectives ».
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Pour la première fois, la législation est plus favorable aux patrons qu’aux salariés, toutefois,
elle s’explique par le contexte et « l’intérêt supérieur de la nation ».
A nouveau dans une situation de crise, cette fois de crise pétrolière, le législateur intervient
pour permettre la mise en place d’horaires individualisés. La loi apparaît comme un progrès
car elle permet aux salariés de reporter des heures d’une semaine sur l’autre. On considère
qu’il s’agit d’une première base du temps choisi et d’une amélioration des conditions de
travail. A cette même époque apparaissent les premières réflexions sur le partage du temps de
travail. Les rapports du plan envisage une réduction du temps de travail comme une réponse à
la montée du chômage. C’est dans cette logique que la loi du 16 juillet 1976 va mettre en
place le repos compensateur et réduire le contingent d’heures supplémentaires.
Avec l’arrivée du Parti Socialiste au pouvoir en 1981, cette solution se confirme puisque le
gouvernement va impulser le passage de la semaine de 40 à 39 heures et va instituer la 5ème
semaine de congés payés. On observe trois innovations majeures :
-
le passage d’un régime de durée légale du travail impératif à un régime de durée légale
qui est un seuil, l’usage des heures supplémentaires dans le cadre du contingent n’étant
plus soumis à autorisation.
-
La possibilité de déroger par accords collectifs étendus au contingent d’heures
supplémentaires dans un sens plus ou moins favorable ainsi que de fixer d’autres
modes de répartition des horaires collectifs.
-
Annualisation du temps de travail par le biais de la modulation de la durée du travail.
Afin que cette réduction du temps de travail soit acceptée, le Gouvernement a fait des
concessions importantes en permettant une plus grande flexibilité des horaires plutôt
défavorable aux salariés pour lesquels la stabilité est un gage de qualité de vie. La loi, tant
qu’elle encadre ces pratiques, reste protectrice du salarié mais l’évolution est troublante, elle
ne prend plus que le seul intérêt des salariés en compte mais également celui de l’entreprise.
Si une certaine flexibilité peut-être nécessaire, elle n’est toutefois pas un moyen usuel de lutte
contre le chômage.
Elle est accompagnée d’un allègement des charges sociales afin que la compensation salariale
soit possible. Cette compensation était totale pour le SMIC ; pour les autres salaires, la
négociation a été laissée aux partenaires sociaux. On a pu constater peu de difficultés en
pratique, la réduction n’étant que d’une heure.
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Toutefois, certains employeurs ont tenté d’imposer unilatéralement une baisse de salaire et
dans certaines branches, la compensation n’a été que partielle (dans le secteur chimique, la
compensation était de l’ordre de 66,66%188).
L’ordonnance de 1982 a été un relatif échec en ce qu’elle n’a permis de créer qu’entre 30 000
et 150 000 emplois. Pour les économistes, les raisons de cet échec sont d’abord politiques, la
réduction ayant été imposée par l’Etat et n’a pas donné lieu à un consensus avec les
partenaires sociaux ; puis économiques, l’ordonnance imposait une compensation salariale
intégrale189 (pour le SMIC), ce qui avait pour conséquence une augmentation du coût du
travail et elle ne prévoyait pas de délai d’application pour permettre la réorganisation de la
production.
La loi du 28 février 1986 instaure l’annualisation du temps de travail et développe les
différents types de modulation. Le troisième type de modulation créé prévoit que, dans une
certaine mesure, les heures effectuées au-delà de la durée légale hebdomadaire ne sont pas
majorées et n’ouvrent pas droit au repos compensateur (celui-ci ayant été créé afin de se
substituer au paiement des heures supplémentaires). Dans cette période, les gouvernants vont
privilégier les politiques d’incitations financières à la réduction du temps de travail. Ainsi, le
Plan Emploi de 1989 accordait des crédits d’impôts sur trois années aux entreprises qui
diminuaient la durée hebdomadaire de travail sans réduire la durée d’utilisation des
équipements.
La loi du 20 décembre 1993, dite loi quinquennale sur l’Emploi, le Travail et la Formation
professionnelle, va créer le temps partiel annualisé et va permettre de baisser
concomitamment la durée du travail et la rémunération correspondante. Associée à de fortes
subventions, cette loi devait permettre de lutter efficacement contre le chômage. Elle a relancé
la solution et l’intérêt pour une politique de réduction du temps de travail. Mais cette loi, pas
plus que les précédentes, n’a réussi à déclencher un mouvement vers une réduction de la durée
du travail.
La loi du 25 juillet 1994 est à l’origine de la création du compte épargne temps et de la
pluriannualisation du temps de travail. Ainsi, les salariés peuvent stocker sur un compte les
jours de congé pour les utiliser les années suivantes.
188 NIEL (S.), « Va-t-on réduire les salaires à 35 heures ? », in Semaine Sociale Lamy, 7 juin 1999, pp 6 – 8.
189 « La compensation salariale est une hausse du salaire horaire qui vient compenser la baisse du nombre
d’heures travaillées par semaine ou par mois. La compensation intégrale signifie que, si le temps de travail
est par exemple diminué de 10%, le salaire horaire sera augmenté de 10% de façon à maintenir le salaire
mensuel. » LIPIETZ (A.), La société en sablier, Editions La Découverte, Paris, 1996, p.158. D’autres
méthodes de compensation sont envisageables comme l’usage d’un complément différentiel.
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Les accords ANI du 31 octobre 1995 vont confirmer l’évolution favorable à l’association
aménagement / réduction du temps de travail et création d’emplois. Ils favorisent la
négociation en permettant le mandatement syndical dans les entreprises dépourvues de
délégué syndical. On peut noter que s’agissant de la négociation, les efforts tendant à son
développement sont continus. En effet, les lois Auroux ont introduit en 1982 l’obligation de
négocier annuellement l’organisation et la durée du travail au sein de l’entreprise, alors que la
loi Delebarre du 26 février 1986 a tenté d’accentuer le rôle des négociations de branche en
introduisant la possibilité de négocier, à ce niveau, un repos compensateur contre le paiement
d’heures supplémentaires. Enfin, ces accords posent le principe de validation des accords
dérogatoires, conclus dans certaines conditions, par des commissions paritaires.
La loi de Robien, votée en juin 1996, renforce l’article 39 de la loi Quinquennale. Elle permet
l’allégement de charges sociales en cas d’accord dit offensif190. Cette loi vise à inciter les
entreprises à diminuer d’au moins 10% la durée du travail par voie de convention ou d’accord
de branche étendu, ou par accord d’entreprise ou d’établissement aux fins de créer des
emplois. Cette incitation se traduit donc par l’allégement des cotisations sociales à la charge
de l’employeur au titre des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations
familiales. Cet allégement est de 40% du montant des cotisations la première année, 30% les 6
années suivantes (il est accordé pour une durée de 7 ans par convention avec l’Etat). Il est de
50% la première année et 40% ensuite en cas de réduction de 15% de la durée du travail et de
l’embauche de salariés équivalent à 15% au moins de l’effectif annuel moyen de l’entreprise.
Dans l’hypothèse d’un accord dit défensif191, l’incitation à la réduction du temps de travail192
vise à éviter les licenciements collectifs pour motif économique. L’allégement est là aussi de
40 puis 30%, ou 50 puis 40% en cas de RTT de 10 ou 15%. L’accord d’entreprise ou
d’établissement détermine le nombre de licenciements évités, la durée de maintien des
emplois (il s’agit d’un engagement de l’employeur, généralement de deux ans), ainsi que les
conditions de compensations salariales. En pratique, les accords ont prévus une compensation
salariale intégrale dans 60% des cas et partielle dans les autres.
De tels dégrèvements de charges sociales conduisent à une très forte prise en charge du coût
de la création d’emploi par la collectivité, puisque la baisse des charges couvre environ 95%
du coût des embauches supplémentaires la première année et 75% les années suivantes193.
190 Article 1er de la loi n°96- 502 du 11 juin 1996 tendant à favoriser l’emploi par l’aménagement et la réduction
conventionnels du temps de travail dite loi de Robien (du nom de son initiateur, Gilles de Robien).
191 Article 2, loc. cit.
192 « RTT »
193 TIMBEAU (X.), Réduction du temps de travail : quelles modalités ? , in Lettres de l’OFCE, n°158, 31
janvier 1997.
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En principe, un tel allégement fait barrage à l’octroi d’autres types d’exonération de
cotisations194. Par contre, les accords ou conventions de RTT antérieurs à la loi peuvent ouvrir
droit au bénéfice de ces dispositions195. Il en va de même pour les accords conclus entre
entreprise et Etat dans le cadre de l’a rticle 39 de la loi du 20 décembre 1993196.
Les statistiques de la DARES indiquent qu’environ 90 000 salariés sont couverts par des
conventions signées dans le cadre de la loi de Robien. Pour la CFDT, elle aurait permis de
créer 25 000 emplois et d’en sauver 17 000. Cette loi représente donc un certain succès. Elle
révèle bien que la RTT doit être impulsée par le biais d’une mesure nationale incitative forte
si elle veut- être efficace, les seules négociations décentralisées étant inaptes à insuffler un tel
mouvement. Une des explications de ce constat pourrait être qu’en 1994-1995, 62% des
français préfèrent un accroissement de leur salaire à une diminution de la durée du travail.197
C’est dans cette lignée que le gouvernement socialiste Jospin198 va lancer, d’abord
prudemment, les 35 heures par la loi du 13 juin 1998. Ne constituant pas l’un des thèmes
phares de la campagne socialiste, cette avancée ne faisait pas l’unanimité dans les rangs de la
« majorité plurielle ». Cette situation explique, en plus des contestations extérieures, la
solution retenue consistant à annoncer le passage aux 35 heures et à prévoir des aides
incitatives mais en laissant une part de l’initiative aux partenaires sociaux et en renvoyant à
l’année 2000 l’adoption de la loi définitive sur le passage aux 35 heures. Par précaution, le
gouvernement attendait de dresser un « bilan sur le déroulement et la conclusion des
négociations, sur l’évolution de la durée effective et conventionnelle du travail et l’impact des
dispositions sur l’emploi et l’organisation des entreprises199 ». Afin de bien comprendre
l’évolution apportée par la loi Fillon du 17 janvier 2003, il convient d’étudier les dispositions
de cette loi, ainsi que celles de la Loi Aubry 2, avec précision.
L’article 1er de la loi de 1998 dispose qu’à partir du 1er janvier 2002, la durée légale du travail
sera fixée à 35 heures dans les établissements et les professions mentionnés à l’article L.200-1
du code du travail ainsi que pour les établissements agricoles, artisanaux et coopératifs. Pour
les entreprises dont l’effectif est de plus de 20 salariés200, cette durée sera applicable au 1er
janvier 2000.
194 Principe du non cumul des cas ouvrant droit à exonération de cotisations.
195 Article 5 de la loi de 1996, loc. cit.
196 Article 6 de loi de 1996, loc. cit.
197 Commissariat Général du Plan, 1995.
198 La loi de Robien est de l’initiative d’un député de droite, et a été adopté sous le régime d’un gouvernement
de droite (Mr Juppé était alors Premier ministre).
199 Article 13 de la loi n°98- 461 du 13 juin 1998 d’orientation et d’incitation relative à la réduction du temps de
travail dite loi Aubry 1 du nom de la Ministre de l’emploi et de la solidarité.
200« L’effectif est apprécié dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article L421-1 ».
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L’article 2 appelle à la négociation des syndicats et groupements d’employeurs et des
syndicats de salariés quant aux modalités de RTT afin qu’elles soient adaptées à la situation
de chaque branche et de chaque entreprise.
L’article 3 reprend un mécanisme proche de celui de la loi de Robien puisqu’il crée un
mécanisme d’incitation au passage aux 35 heures de manière anticipée (soit avant 2000 pour
les entreprises de plus de 20 salariés et avant 2002 pour les entreprises de moins de 20
salariés). En effet, elle accorde des aides201 aux entreprises qui effectuent ce passage en
application d’un accord collectif et qui procèdent à des embauches ou préservent des emplois
sous certaines conditions (que nous allons voir de manière non exhaustive) :
-
l’entreprise ne doit pas être monopolistique ou dépendre de l’Etat, un accord
spécifique viendra régler leur situation.
-
La RTT doit être d’au moins 10% de la durée initiale du travail.
-
Elle doit être organisée par un accord d’entreprise ou d’établissement, ou par une
convention collective ou un accord de branche (sous certaines conditions).
-
Une des innovations majeures consiste en la possibilité pour une ou plusieurs
organisations syndicales reconnues représentatives au niveau national de mandater un
salarié afin qu’il participe aux négociations dans les entreprises dépourvues de
délégués syndicaux ou de délégués du personnel. Ce salarié doit être indépendant du
patronat, ses droits et obligations doivent être stipulés dans son mandat, le temps passé
à la négociation est rémunéré. Enfin, il bénéficie de la protection de l’article L. 412-18
du code du travail. Le législateur a préféré cette solution à celle du recours au
référendum des salariés. Cette solution est également moins attentatoire aux
prérogatives traditionnelles des syndicats que ne l’aurait été la signature d’un accord
par des représentants élus du personnel.
-
En cas d’accord offensif, l’embauche doit représenter au moins 6% de l’effectif, l’aide
est majorée si les embauches correspondent à 9% de l’effectif et que la RTT
correspond à 15% de la durée initiale. L’employeur doit s’engager au maintien de
celui-ci. L’aide est attribuée par convention entre l’Etat et l’entreprise pour 5 ans.
-
Les exigences en cas d’accord défensif sont similaires avec pour seule variante que
l’aide est en principe attribué pour 3 ans avec une possibilité d’accorder 2 années
supplémentaires202.
201 Elle peut atteindre jusqu’à 18 000 francs (2744 euros) par salarié la première année et permettre ainsi la
compensation salariale.
202 Comme pour la loi de Robien, on vise à éviter les licenciements prévus dans le cadre d’une procédure
collective de licenciement pour motif économique.
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-
L’aide vient en déduction du montant global des cotisations dues par l’employeur pour
la période considérée. Elle est majorée si l’employeur s’engage en faveur de l’emploi
des jeunes. Ici aussi, le principe du non cumul des exonérations joue. L’aide peut être
régionale. Une aide peut également être apportée aux syndicats pour leur action de
formation des mandatés.
L’article 4 prévoit que la RTT est possible sous forme de jours de repos par accord
d’entreprise ou d’établissement. Ce dernier précise les délais maxima dans lesquels ces repos
doivent être pris. Une partie de ces repos peuvent alimenter le compte épargne temps.
L’article 5 donne pour la première fois une définition légale du travail effectif203. « La durée
du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et
doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations
personnelles ».
L’article 6 impose un repos quotidien d’une durée minimum de 11 heures consécutives (sauf
accord collectif étendu dérogatoire). Une pause d’une durée minimale de 20 minutes doit être
accordée au salarié dés lors que la durée du travail atteint 6 heures.
Ces articles constituent l’apport essentiel de la loi Aubry 1. Celle-ci a fait l’objet d’un recours
devant le Conseil Constitutionnel selon la procédure de l’article 61 alinéa 2 de la
Constitution.204 Ce recours se fondait notamment sur la mise en cause par cette loi de la liberté
d’entreprendre205, le passage aux 35 heures étant impératif et risquant de faire peser des
charges nouvelles aux employeurs, et sur la méconnaissance de sa compétence du législateur,
celui-ci renvoyant aux partenaires sociaux. Mais le Conseil constitutionnel n’a pas été sensible
à ses arguments et à déclarer conforme à la Constitution les dispositions des articles 1, 2, 3 et
13 de la loi dans sa décision du 10 juin 1998.
Au cours des débats, si l’intérêt des 35 heures pour l’emploi a été nettement contesté
notamment par des experts du FMI 206, l’apport de celles-ci en matière d’amélioration de la vie
des travailleurs et de droit au temps libre a été soulevé207.
Pour autant, cette loi est à l’origine de nombreuses interrogations et contestations.
203 La définition tenait jusque là de la jurisprudence, voir notamment les arrêts de la Cour de Cassation Chambre
sociale du 24 novembre 1993, du 1er mars 1995 (Lublin) et du 28 octobre 1997 : « constitue un travail
effectif, le fait pour un salarié de rester en permanence à la disposition de l’employeur ».
204 Saisine par 60 Députés.
205 On peut noter que certains députés de droite avaient estimé que la lutte contre le chômage (et donc le droit
d’obtenir un emploi) ne justifiait pas l’atteinte à la liberté d’entreprendre.
206 Dont la sagesse et la science économique peuvent être attestées par la population de nombreux pays
d’Afrique et d’Amérique Latine !
207 Pour Gremetz, il s’agit d’une condition de l’exercice de la citoyenneté. In JO Débats, 2ème séance, 24 mars
1998.
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Les interrogations portaient notamment sur l’évolution du montant de la rémunération et sur le
sort des salariés en cas de refus de modification du contrat de travail208.
Pour ce qui est du montant des rémunérations, l’orientation générale des pouvoirs publics est
favorable à une compensation intégrale au moment de la RTT et à une modération salariale
durant les quelques années suivantes pour assurer « le bouclage économique de l’opération ».
L’aide devrait être calibrée de manière telle qu’elle permette une compensation intégrale au
niveau du SMIC (comme pour la loi de Robien). Pour autant, des difficultés restent présentes.
En effet, la Ministre de l’emploi s’est prononcée pour le maintien du SMIC mensuel, or celuici est également défini de manière horaire. L’entreprise devrait donc fournir la différence sous
forme d’indemnité compensatrice, mais cette indemnité serait indexée seulement sur
l’inflation et non sur la progression annuelle du salaire ouvrier moyen. Autre lacune : les
travailleurs à temps partiel ne devraient pas en profiter, il y aurait donc rupture d’égalité,
celle-ci serait propre à encourager les entreprises à recourir massivement à ce type de contrats
précaires. Pour certains économistes, il vaudrait mieux que les entreprises acceptent d’assurer
la même rémunération mensuelle aux smicards et négocier une modération salariale les autres
années209.
Les changements d’horaires et de rémunération constituent en principe des modifications du
contrat de travail qui doivent être acceptées par le salarié pour entrer en vigueur. Ce dernier
est en droit de les refuser mais il s’expose alors au licenciement (ce cas ne devrait pas se poser
souvent en pratique car en cette période de chômage élevé, peu de salariés prendront le risque
de perdre leur emploi). Les auteurs se sont alors interrogés sur la nature de ce licenciement, la
modification n’étant pas justifiée par un motif économique mais par un impératif légal. Est- ce
que c’est la signature d’un accord collectif qui donnera au licenciement son caractère réel et
sérieux ?
Pour Jean Pélissier210, le licenciement prononcé suite au refus du salarié serait fondé sur la
faute du salarié (motif personnel) si la convention collective prévoit des clauses plus
favorables. Par contre, le licenciement serait fondé sur un motif économique si la convention
contient des dispositions moins favorables. La loi ne serait pas un gage de simplicité en la
matière !
La question de la modification du contrat de travail se pose en des termes nouveaux, car si la
jurisprudence est claire sur le régime des modifications liées à une décision patronale,
208 Sur ces questions, voir notamment GALLERNE (J. F.), 35 heures : incertitudes sur les conséquences en
matière de rémunération, in option finance n°514, 14 septembre 1998 p22
209CHEVALLARD (L.), « Loi Aubry : l’épineux problème du SMIC », in Option finance 21 juin 1999.
210 PELISSIER (J.), La loi dire des « 35 heures » : contrats et perspectives, in Droit Social n°9/10 sept. 98
p.793.
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l’hypothèse où la modification découle de la loi est nouvelle. Il n’y aurait pas modification du
contrat sur la durée de travail lors du passage à l’horaire légal de 35 heures ?
S’agissant des contrats à temps partiels, des contrats à durée déterminée et des contrats
forfaitisés, le fait que les horaires soient contractualisés implique qu’il y aura forcément
modification du contrat de travail. Pour les autres contrats, on s’est interrogé quant à savoir si
la stipulation des horaires constituait une simple information ou une véritable
contractualisation
de
celui-ci
engendrant
automatiquement
sa
modification211.
La
jurisprudence s’est rapidement prononcée sur le régime des modifications du contrat de travail
liées à une RTT. Elle a confirmé le caractère contractuel de la durée du travail et de la
rémunération correspondante. « Constitue une modification du contrat de travail, la RTT de
38h30 à 35h30 dés lors que le nouvel horaire réduit durée et rémunération212 ». Par contre, les
heures supplémentaires peuvent être supprimées par décision unilatérale de l’employeur.
Une autre interrogation est relative à la hiérarchie des normes. Est-ce que les dispositions
d’une convention collective signée par un syndicat minoritaire (affilié à un syndicat
représentatif) non présent dans l’entreprise (puisqu’il peut utiliser la voie du mandatement)
s’imposent aux salariés ? Dans l’hypothèse où la durée du travail résulte de normes
individuelles, que va-t-il arriver si une convention collective impose une RTT ? En principe,
une convention collective ne peut modifier un contrat de travail sauf de manière plus
favorable. Mais par rapport à quel référent va être apprécié ce caractère plus favorable ?
Philippe Langlois
213
se prononce pour une appréciation individuelle : la clause doit être plus
favorable au regard de la situation personnelle du salarié, or si la RTT s’accompagne d’une
diminution de la rémunération, la clause sera considérée comme défavorable et ne pourra
s’imposer au salarié ! D’autres auteurs postulent par contre pour une appréciation générale du
caractère favorable de la clause de la convention collective prévoyant la nouvelle durée du
travail. Celle- ci serait plus favorable dés lors qu’elle contribue à maintenir des emplois. La
conclusion serait plus nuancée en cas de création d’emplois, l’appréciation ne s’effectuant a
priori que par rapport aux salariés déjà présents dans l’entreprise.
Certaines incertitudes pèsent également quant aux conséquences de la RTT sur les contrats à
temps partiel. En effet, ils sont définis comme ceux dont l’horaire est inférieur d’au moins
1/5ème à la durée légale ou conventionnelle du travail dans l’entreprise. La durée maximale des
contrats à temps partiel passerait donc à 27 heures ?
211 RAY (J. E.), « Quelques questions autour de la loi Aubry 1 », loc. cit. p.764.
212 Arrêt de la Cour de cassation chambre sociale du 19 novembre 1997 « UIMM 98 ».
213 LANGLOIS (P.), « La réduction du temps de travail et la rémunération », in Droit social n°9/10 septembre
1998 p785 à 792.
1
6
Enfin, la formation serait-elle menacée par le passage aux 35 heures214 ? En effet, les
entreprises vont pouvoir sortir le temps consacré à la formation du temps de travail effectif
afin de réduire le coût des 35 heures, celle-ci ne faisant plus partie du temps de travail, elle ne
sera plus forcément rémunérée. On menace alors la compétitivité des entreprises et
l’employabilité des salariés.
Certains auteurs, comme Jean Emmanuel Ray, craignent que la loi de 1998 en renvoyant à
une loi postérieure les modalités définitives de la RTT, constitue un frein au passage aux 35
heures, les entreprises souhaitant éviter tout risque d’avoir à reprendre toute la procédure en
l’an 2000. Toutefois, Henry José Legrand retient une logique différente. En effet, il estime que
les employeurs ont intérêt à anticiper le passage aux 35 heures en soumettant les nouvelles
embauches à la future durée légale du travail afin d’éviter les problèmes liés à la transition
(dans la mesure où l’horaire collectif stipulé à la convention collective n’y fasse pas barrage).
Comme lors de la dernière réduction du temps de travail en 1982, la RTT s’accompagne de
concessions au patronat. Ainsi, on peut redouter que la RTT soit accordée en contre partie de
plus de flexibilité, notamment avec le recours à l’annualisation ou avec la possibilité de poser
des règles dérogatoires au principe du repos quotidien (par un syndicat majoritaire). Maryse
Dumas (secrétaire confédérale de la CGT) craignait effectivement que cette loi développe
précarité et flexibilité et entraîne une compression du pouvoir d’achat. Il tient aux syndicats de
défendre les acquis puisque beaucoup est remis à la négociation, mais les syndicats sont
affaiblis (perte de légitimité, quel poids aura un salarié mandaté face au patron ?). Marimbert
remarque que l’article 4 de la loi de 1998 créé une « mini modulation » en ouvrant la
possibilité d’organiser la réduction de la durée de travail sous forme de jours de repos.
Toutefois, l’annualisation préexistait à cette loi et elle demeure un dispositif dérogatoire.
Gilles Bélier
215
dénonce l’inapplicabilité de cette loi, l’axe temps- production- rémunération
n’existant plus que dans certains emplois industriels encore empreints du taylorisme. De plus,
il craint que les salariés soient conduits à faire le même volume de travail en seulement 35
heures. Enfin, il s’interroge sur la possibilité de trouver des personnes susceptibles de vouloir
travailler le week-end.
Pour Dominique Tellier216, du CNPF, la RTT est inefficace en matière de lutte contre le
chômage, preuve en est avec les Etats-Unis où la durée du travail est plus longue et où le taux
214 In Entreprise et carrières du 27 avril 1999 p.23 à 26 « La formation, otage ou effet de levier des 35
heures ? »
215 BELIER (G.), in Droit Social n°9/10 1998 p757.
216 TELLIER (D.), loc. cit. p761.
1
7
de chômage est plus faible. On peut toutefois objecter à Mr Tellier que si le chômage aux
Etats-Unis est faible, c’est en partie grâce à la précarisation du travail ; si la moyenne de la
durée annuelle de travail est plus élevée aux Etats-Unis qu’en France, certaines personnes sont
contraintes d’occuper des « petits boulots » de 5 ou 10 heures par semaine auxquels
correspondent des salaires proportionnels, donc extrêmement bas. Certains économistes
s’alarment d’ailleurs de l’augmentation du nombre de personnes qui vivent en deçà du seuil
de pauvreté dans les pays Anglo-Saxons. Il remarque également que si cette solution était
viable, les autres pays l’auraient appliqué ( !). Enfin, il préconise l’abaissement du coût du
travail comme remède au chômage (alors que la part des coûts salariaux est de plus en plus
faible dans les coûts de production).
Toutefois, des points positifs ont été soulevés. Gilles Bélier met en avant l’intérêt pour les
entreprises d’avoir à revoir leur organisation. Elles ont ainsi l’opportunité d’améliorer leur
compétitivité tout en tenant compte des aspirations des salariés. Jean-René Masson217,
membre de la commission exécutive de la CFDT le rejoint sur ce dernier point.
De plus, la loi Aubry 1 vient renforcer la négociation. Jean Marimbert218 s’en félicite, il avait
remarqué que « la négociation sur l’organisation du travail reste encore un phénomène
minoritaire rapporté à l’ensemble du tissu économique de ce pays ». On facilite la négociation
au niveau de l’entreprise qui est le niveau le plus adéquat pour retenir des mesures adaptées.
La loi impose la consultation du Comité d’entreprise à l’ouverture de la négociation et, au
plus tard, avant la signature de l’accord. Elle impose aussi l’effet utile de cette consultation,
l’objet de la négociation devant être déterminé au moment où le CE est contacté.
Une absence de consultation constitue un délit d’entrave219. Au niveau des sanctions civiles,
l’arrêt EDF/GDF du 5 mai 1998 retient que l’absence de consultation du CE n’entraîne ni
nullité, ni opposabilité de l’accord collectif. Pierre Lyon- Caen
220
propose un système de
responsabilité dans lequel le juge des référés pourrait suspendre les négociations et faire
injonction au chef d’entreprise de consulter le comité d’entreprise.
On avait reproché à la loi de 1982 une réduction autoritaire de la durée du travail ; pour Jean
Pélissier221, cette erreur a été évitée avec cette loi, le recours aux heures supplémentaires et au
chômage partiel permettant de moduler les horaires. De plus, un temps d’adaptation est laissé
217 MASSON (J. R.), loc. cit. p759.
218 Directeur des relations du travail au ministère de l’emploi et de la solidarité, loc. cit. p779.
219 Il s’agit d’une infraction pénale.
220LYON CAEN (P.), loc. cit. p. 777.
221PELISSIER (J.), loc. cit. p. 793.
1
8
puisque de 35 à 39 heures, il ne s’agit pas encore d’heures supplémentaires avant l’échéance
de 2000 ou de 2002, elles n’ont donc pas à être majorées.
Cette loi impose de nouvelles règles en matière de repos, celles-ci sont désormais plus
protectrices des salariés.
La considération principale demeure tout de même l’emploi. Comme le dit Jean Marimbert,
« le problème de l’emploi justifie bien de dépasser les problèmes juridiques ».
En pratique, cette loi a eu des répercussions modestes voire décevantes car elle n’a pas
véritablement incité les entreprises à réduire leur temps de travail. En effet, au 22 septembre
1999, seules 15 831 entreprises avaient conclus un accord de RTT, soit seulement 1,3% des
entreprises concernées.
Toutefois, ces accords touchaient tout de même près de 2 millions de salariés.
Conformément à ce qui avait été annoncé, le gouvernement, à partir du bilan tiré de la loi de
1998, a élaboré une seconde loi. Celle-ci a été adoptée le 19 janvier 2000222. Répond-t-elle aux
interrogations restées en suspens suite à la première loi ?
Satisfait-elle les points de contestations soulevées ? Dans quelle logique s’inscrit-elle ?
Dans un chapitre 1er, intitulé durée légale du travail et régime des heures supplémentaires, la
loi vient confirmer les échéances de passage aux 35 heures, soit au 1er janvier 2000 pour les
entreprises de plus de 20 salariés et au 1er janvier 2002 pour celles de moins de 20 salariés223.
L’article 2 vient donner des précisions sur la notion de travail effectif. Sont compris dans la
définition, les temps nécessaires à la restauration et aux pauses dés lors qu’ils satisfont aux
critères de l’alinéa 1er de l’article L.212-4. Si ces temps ne devaient pas être reconnus comme
du temps de travail, ils peuvent tout de même faire l’objet d’une rémunération par voie
conventionnelle ou contractuelle. Le temps consacré à l’habillage, si le port d’une tenue est
imposé et si il a lieu dans l’entreprise, doit faire l’objet de contreparties financières ou sous
forme de repos.
L’article 4 donne une définition de l’astreinte : « une période d’astreinte s’entend comme une
période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de
l’employeur, a l’obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d’être en mesure
d’intervenir pour effectuer un travail au service de l’entreprise, la durée de cette intervention
étant considéré comme du temps de travail effectif ». Elle donne droit à une compensation
financière ou sous forme de repos. La compensation est fixée par convention collective ou par
222 Loi n°2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail dite loi Aubry 2.
223 Article 1er de la loi Aubry 2.
1
9
l’employeur après avis du comité d’entreprise. Ces périodes doivent être programmées un
mois à l’avance.
L’article 5 pose le régime des bonifications et majorations des heures supplémentaires.
De 35 à 39 heures, ces heures ouvrent droit à 25% de bonification en temps de repos, sauf
accord collectif prévoyant une majoration de salaires.
De 40 à 43 heures, ces heures sont majorées de 25%, un accord collectif peut toutefois
remplacer cette majoration par des repos compensateur.
Après 43 heures, on applique une majoration de 50%.
Toutes ces dispositions sont applicables sous réserve d’un accord collectif plus favorable.
Pour les entreprises de moins de 20 salariés, les règles de bonification et de majoration sont
les suivantes :
De 35 à 39 heures, ces 4 heures ouvrent droit à une bonification de 10% en temps de repos,
sauf accord collectif prévoyant une majoration de salaire. Cette disposition n’est applicable
qu’à partir de 2002, la durée légale de travail restant de 39 heures pour les petites entreprises
jusqu’à cette date.
De 40 à 43 heures, ces heures sont majorées de 25%.
Après 43 heures, on applique une majoration de 50%.
Là aussi, ces dispositions sont applicables sous réserve d’un accord collectif plus favorable.
Le contingent d’heures supplémentaires est fixé à 130 heures224. Toutefois, un décret du 1er
janvier 2000225 précise qu’il est réduit à 90 heures par an et par salarié lorsque la durée
hebdomadaire varie en fonction d’un accord de modulation226. Mais cette réduction ne
s’applique pas si l’horaire varie dans les limites de 31 à 39 heures ou si il est effectué moins
de 70 heures supplémentaires par an.
S’agissant des heures supplémentaires imputables sur le contingent, le législateur a créé des
seuils à partir desquels ces heures sont imputables. Ce seuil est fixé à 37 heures pour l’année
2000, ou 1690 heures par an en cas de modulation. Il est fixé à 36 heures pour 2001, ou 1645
heures annuelles. Les seuils sont équivalents pour les entreprises de moins de 20 salariés mais
pour les années 2002 et 2003. Par ailleurs, les heures supplémentaires ouvrant droit au repos
compensateur de remplacement ne s’imputent pas sur le contingent annuel (article L.212-5 du
224 La CGE- CGC souhaitait que le contingent légal soit fixé à 110 heures, le MEDEF se prononçait pour 188
heures !
225 Décret n°2000-82 du 31 janvier 2000 relatif à la fixation du contingent d’heures supplémentaires prévu à
l’article L.212-6 du code du travail.
226 La CFDT souhaitait qu’il soit réduit à 50 heures alors que FO voulait que le recours aux heures
supplémentaires soit alors impossible.
2
0
Code du travail), tout comme les heures effectuées en cas de travaux urgents (article L.221-12
du code du travail).
L’article 6 précise que la durée hebdomadaire de travail ne peut dépasser en principe 44
heures sur douze semaines.
Le chapitre 2 est intitulé répartition et aménagement du temps de travail. Il développe les
possibilités de flexibilité.
L’article 8 prévoit qu’en cas de modulation, la durée hebdomadaire moyenne est de 35 heures,
soit 1600 heures par an. La modulation doit être justifiée par des données économiques et
sociales. Elle doit être soumise pour avis au comité d’établissement ou aux délégués du
personnel. En cas de modification, il doit être consulté à nouveau.
L’article 9 énonce la possibilité de maintenir l’horaire à 39 heures avec la création de repos
compensateur d’une journée ou d’une demi-journée.
Le chapitre 3 s’adresse aux cadres. L’article 11 crée trois catégories de cadres dont certains
sont exclus de l’application de la RTT. Il s’agit des cadres dirigeants définis comme « les
cadres auxquels sont confiés des responsabilités dont l’importance implique une plus grande
indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des
décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les
niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l’entreprise ou leur
établissement ».
Par contre, la RTT trouve bien à s’appliquer aux cadres dits salariés qui sont des cadres
intégrés dans une équipe soumise à un horaire collectif ainsi qu’à la troisième catégorie de
cadres (qualifiés d’ « autres cadres »).
La possibilité est ouverte au profit des cadres de conclure des conventions de forfait en heures
sur l’année ou en jours (on limite alors à 217 le nombre de jours travaillés). La rémunération
doit alors être équivalente à celle d’un cadre bénéficiant d’une majoration ou de bonifications.
Le chapitre 4 traite du temps partiel et des contrats intermittents.
L’article 12 modifie le code du travail sur la définition des salariés à temps partiel. Ceux-ci
sont tout simplement définis comme les salariés dont la durée du travail est inférieure à la
durée légale du travail ou à la durée fixée dans la branche, à la durée mensuelle résultant de
l’application de la loi et à la durée de travail annuelle.
2
1
Les heures complémentaires sont limitées au 1/10ème de la durée normale de travail sur la
semaine ou le mois prévue au contrat. Néanmoins, un accord collectif peut permettre de
dépasser cette limite, mais, dans tous les cas, la durée doit rester inférieure à la durée légale du
travail. Les heures complémentaires au-delà du 1/10ème sont majorées de 25%. Les contrats
prévoyant la durée du travail et la répartition des horaires, le salarié peut refuser d’effectuer
les heures complémentaires au-delà des limites prévues par le contrat. Ce refus ne constitue
pas une faute, ni un motif de licenciement. De même, le salarié peut refuser une modification
de la répartition de sa durée du travail quand bien même elle aurait été prévue
contractuellement, dés lors que ce changement n’est pas compatible avec des obligations
familiales impérieuses.
La loi pose le principe de l’égalité des travailleurs à temps partiel et des travailleurs à temps
complet vis-à-vis des possibilités de promotion, de carrière…
La modulation est possible, l’accord doit alors fixer les catégories de salariés concernés, la
durée minimale de travail hebdomadaire ou mensuelle, les modalités de répartition des
horaires.
L’article 14 se préoccupe des travailleurs intermittents. Ces derniers doivent bénéficier des
mêmes droits que les travailleurs à temps complet. Les heures au-delà du 1/10ème de la durée
du travail prévue au contrat sont soumises à une majoration de 25%.
Le chapitre 6 traite du compte épargne temps. L’article 14 prévoit que les congés doivent être
utilisés dans un délai de 5 ou 10 ans. Peuvent être affectées au compte épargne temps, les
heures acquises au titre des bonifications et une partie des jours de repos issus de la RTT.
Le nombre de jours pouvant être affectés au compte est limité à 22 jours par an. Ce compte
peut être utilisé pour rémunérer le temps de formation effectué hors du temps de travail.
Le chapitre 7 sur la formation et la RTT réduit le temps de formation compris comme temps
de travail effectif. En effet, l’article 17 de la loi déduit de l’obligation d’adaptation du salarié à
son emploi qui pèse sur l’employeur, que seules les heures de formation suivie par le salarié
dans le cadre de cette obligation constitue un temps de travail effectif. Toute autre formation
peut être organisée pour partie hors du temps de travail effectif.
Le chapitre 8 traite du développement de la négociation et de l’allégement des cotisations
sociales. L’article 19 restreint les possibilités de bénéficier de l’allégement à la signature de
certains types d’accords :
2
2
-
accord collectif d’entreprise ou d’établissement pour les entreprises de plus de 50
salariés.
-
Un accord collectif d’entreprise ou d’établissement, ou un accord de branche pour les
entreprises de moins de 50 salariés.
La convention doit alors déterminer la durée du travail, les catégories de salariés concernés,
les modalités d’organisation et de décompte du temps de travail, les incidences sur la
rémunération et le nombre d’emplois préservés ou créés227… Elle doit faciliter le passage à
temps complet comme celui à temps partiel, et favoriser l’égalité hommes- femmes.
L’accord doit être signé par une ou des organisations syndicales représentatives dans
l’entreprise228 . Si cette condition n’est pas remplie, un syndicat minoritaire peut demander la
consultation du personnel. L’accord, pour être appliqué, devra recevoir la majorité des
suffrages exprimés.
-
Si l’entreprise est dépourvue de délégué syndical et de délégué du personnel, l’accord
pourra être conclu par un salarié expressément mandaté par une organisation syndicale
représentative au niveau national (ou départemental pour les DOM). La loi Aubry 2
reprend donc le mécanisme choisi en 1998. Les conditions restent également
inchangées : le salarié doit être indépendant du chef d’entreprise, il y a une obligation
d’information du mandataire, le mandant peut mettre fin au mandat, l’accord sera
soumis à l’approbation des salariés, le mandaté peut être accompagné d’un salarié de
l’entreprise et bénéficie de la protection de l’article L.412-18 du code du travail.
-
Les délégués du personnel peuvent négocier un accord en cas d’absence de délégués
syndicaux et de salarié mandaté. Cet accord doit également recevoir l’approbation des
salariés à la majorité des suffrages exprimés.
-
Dans les entreprises de moins de 11 salariés, l’accord donne droit à l’allégement de
cotisations dés que les salariés l’approuvent à la majorité des suffrages exprimés.
Le bénéfice de l’allégement peut être supprimé ou suspendu si l’employeur, en contradiction
avec sa déclaration, ne réalise pas d’embauche à l’expiration du délai d’un an.
L’article 20 ouvre le bénéfice de l’aide aux entreprises qui se créent et travaillent à 35 heures
si elle verse un salaire mensuel au moins égal à 169 fois le salaire minimum de croissance.
Cette rémunération minimale est revalorisée en fonction de l’évolution de l’indice des prix à
la consommation et de la moitié de l’augmentation du pouvoir d’achat du salaire mensuel de
base ouvrier.
227 L’employeur dispose d’un an pour embaucher.
228 Un syndicat est majoritaire dans une entreprise lorsqu’il a obtenu la majorité des suffrages exprimés lors des
dernières élections au comité d’établissement ou des délégués du personnel.
2
3
L’aide est majorée si l’entreprise pratique une durée du travail de 32 heures hebdomadaires ou
1460 heures annuelles.
Un décret du 31 janvier 2000229 donne la liste des organismes ne pouvant bénéficier de
l’allégement en raison de leur situation de monopole ou du concours de l’Etat : les aéroports
de Paris, Electricité et Gaz de France, La Poste…
L’article 23 permet d’effectuer la RTT par étape : 3 étapes sont à franchir pour arriver à
l’objectif du 1er janvier 2002. On s’adresse donc aux petites entreprises, celles pour lesquelles
le passage aux 35 heures est le plus délicat. Elles bénéficient d’une aide calculée au prorata.
Le chapitre 9 est consacré à la sécurisation juridique. Son apport est important car l’article 30
règle le problème de la qualification du licenciement suite au refus opposé par le salarié au
passage à 35 heures. Il établit un article L.212-3 ainsi rédigé : « la seule diminution du nombre
d’heures stipulées au contrat de travail, en application d’un accord de RTT, ne constitue pas
une modification du contrat de travail ». En cas de refus du salarié d’une modification de son
contrat de travail en application d’un accord RTT, son licenciement est un licenciement
individuel ne reposant pas sur un motif économique. Si plusieurs salariés refusent
concomitamment une modification, il y aura autant de licenciements individuels. La loi Aubry
2 vient donc créer un licenciement sui generis.
Le chapitre 10 règle le problème de la rémunération. Selon l’article 32, les salariés passés à 35
heures en 1998 ne peuvent recevoir après 2000 un salaire inférieur au produit du salaire
minimum de croissance en vigueur à la date de la réduction par le nombre correspondant à la
durée collective qui leur était applicable, dans la limite de 169 heures. Cette garantie est
assurée par le versement d’un complément différentiel de salaire. Ce dernier est revalorisé au
1er juillet en fonction de l’évolution de l’indice des prix à la consommation et de la moitié de
l’augmentation du pouvoir d’achat du salaire mensuel de base ouvrier (on ne prend pas en
compte le taux d’inflation).
Les salariés à temps partiel dont la durée du travail est réduite, perçoivent un salaire calculé à
due proportion.
Les nouveaux embauchés230 occupant des emplois équivalents aux salariés dont la durée du
travail a été réduite, bénéficient de la même rémunération que ces derniers (ils profitent donc
du complément différentiel).
229 Décret n°2000-83 du 31 janvier 2000 relatif au champ de l’allégement de cotisations sociales prévu par
l’article L.241-13-1 du code de sécurité sociale.
230 C'est-à-dire les personnes à temps complet embauchées après la réduction collective de la durée du travail.
2
4
Les apprentis bénéficient également de la garantie, comme les personnes handicapées.
Enfin, le chapitre 11 prévoit l’application de la loi aux professions agricoles.
La loi Aubry 2 vient donc donner un certain nombre de réponses aux interrogations soulevées
par la première loi. Pour autant, des incertitudes demeurent, de nouvelles difficultés
apparaissent et certaines dispositions sont sujettes à polémiques.
S’agissant de la rémunération, le gouvernement a suivi la voie annoncée, c'est-à-dire
privilégier le maintien des salaires soit par l’octroi d’un minimum garanti, soit par le jeu de la
négociation. Pour ce qui est de la négociation, les premières conclusions conduisent plutôt à
un constat d’échec car dans de très nombreuses branches, les minima conventionnels sont
inapplicables puisque dépassés depuis longtemps par les réévaluation périodiques du SMIC.
85% des accords prévoyaient l’absence de perte immédiate sur le salaire231 mais le gel des
rémunérations pour les mois ou les années à venir.
Pour ce qui est du SMIC, certains syndicats souhaitaient une hausse ciblée du SMIC
compensant intégralement les effets de la RTT, c'est-à-dire une modification de son taux
horaire.
Mais le gouvernement a fait le choix d’un minimum composé de la rémunération mensuelle
minimum établie sur 151,66 heures232 et d’un complément différentiel de salaire. On a donc
retenu un système proche de celui du RMI.
Il était important que le SMIC soit garanti car il assure un pouvoir d’achat minimum et donc
des moyens de subsistance pour le travailleur et sa famille, et par là même, la participation au
développement économique de la nation.233
Bénéficient de ce minimum garanti, tous les salariés dont l’horaire collectif a été réduit en
deçà de 39 heures, qu’ils travaillent dans une entreprise de plus ou de moins de 20 salariés.
Pour les travailleurs à temps partiel qui connaissent une réduction de leur temps de travail, le
complément différentiel est alors calculé « à due proportion « de l’horaire effectif.
Une telle application aux travailleurs à temps partiel est logique car 1/3 de ses salariés sont
rémunérés au SMIC (soit 800 000 personnes) et cette précarité est renforcée par le fait qu’ils
travaillent le plus souvent au titre d’un contrat à durée déterminée. Mais elle entraîne une
discrimination entre les salariés dont la durée de travail est réduite et ceux pour lesquels elle
231 Dans 100% des cas pour le SMIC.
232 (35 heures*52 semaines)/12
233 RADE (C.), « SMIC et réduction du temps de travail : la politique des petits pas », in Droit Social n°12,
décembre 1999, p986.
2
5
reste inchangée. En effet, le coût horaire est modifié par le complément, ainsi la rémunération
pour 30 heures de travail suite à la réduction équivaut à la rémunération d’un salarié resté à 32
heures.
Il y a également une discrimination entre salariés à temps complet et salariés à temps partiel
puisque ces derniers ont l’avantage de bénéficier d’une majoration de salaire de 25% dés la
première heure complémentaire alors que les autres ont droit à une bonification en temps de
repos.
Le principe de l’article L.212-4-2 « à travail égal, salaire égal » est bafoué. La seule solution
qui aurait pu permettre de maintenir l’égalité eût été une majoration du SMIC horaire de
11,42% de l’ensemble des salariés passés à 35 heures.
Le minimum garanti bénéficie également aux salariés embauchés postérieurement à la RTT
qui travaillent 35 heures (ou à temps partiel avec une RTT) sur un emploi équivalent.
La notion d’emploi équivalent a soulevé bien des questions. L’Assemblée Nationale avait
refusé d’y substituer la notion de postes et fonctions, et d’y apporter des précisions
supplémentaires.
Martine Aubry a alors indiqué que cette notion est identique à celle qui s’impose en matière
de priorités de réembauche d’un salarié et de réintégration : « deux emplois équivalents ne
sont pas identiques, ils peuvent s’exercer dans des lieux ou des services différents, mais leur
rémunération et leur place dans la hiérarchie sont équivalentes ». Pour Christophe Radé, il
s’agit d’une restriction discriminante.
Malgré le refus de mener une véritable politique de relèvement des bas salaires, le
gouvernement a voulu favoriser l’extension aux entreprises nouvellement créées par la voie de
l’incitation à la RTT et l’exonération de charges patronales, dés lors que le salaire est
maintenu.
La continuité de l’allégement est assurée en cas de changement dans la situation juridique de
l’employeur : si l’entreprise est cédée, l’employeur est tenu de continuer de verser le
complément différentiel.
Comment calcule-t-on alors le montant dù au titre des heures supplémentaires ? Faut- il
prendre en compte le complément différentiel ? En principe, le calcul va être opéré à partir du
salaire seul car le calcul se fait à partir d’une base horaire, ici le SMIC horaire. De plus, les
heures supplémentaires sont calculées sur le salaire et l’ensemble des éléments
complémentaires de rémunération versés en contrepartie directe du travail fourni, or le
complément différentiel n’est pas versé en contrepartie directe du travail fourni mais découle
de la RTT.
2
6
En cas d’absence du salarié, le complément diminue à due proportion.
La revalorisation périodique s’effacera lorsque l’augmentation du SMIC horaire aura permis
de combler l’écart initial entre le minimum garanti, établi sur le montant du SMIC figé au 1er
juillet 1999, et la rémunération mensuelle minimum qui continuera d’évoluer chaque année.
Sa disparition est programmée entre 2003 et 2005. Le minimum garanti doit donc progresser
moins vite que la rémunération mensuelle minimum (dépendante de l’augmentation du SMIC
horaire).
Pour ce qui est du régime du complément, on peut penser a priori qu’il s’agit du même régime
que le salaire dont il constitue une extension. Il entre donc en principe dans le calcul des
primes, accessoires de salaires…
Pour Christophe Radé, l’article s’est fixé un projet ambitieux puisqu’il tente de concilier le
principe de maintien de la rémunération des smicards, l’égalité entre les salariés et la
sauvegarde de la compétitivité des entreprises. Ce choix du complément différentiel, plutôt
que de l’augmentation du SMIC horaire, a été fait pour satisfaire le patronat et les experts de
l’OCDE qui stigmatisaient le trop fort niveau de rémunération des travailleurs français les
moins qualifiés.
Les problèmes liés aux modifications du contrat et à la qualification du licenciement ont été
réglés par le chapitre 9 de loi de 2000 (dans son article 30).
Pour ce qui est de la formation, conformément aux craintes soulevées précédemment, la loi a
fait le choix de distinguer entre temps de formation compris comme temps de travail effectif
car dans l’intérêt de l’entreprise, et temps de formation exclu du temps de travail effectif.
Enfin, s’agissant du problème des travailleurs à temps partiel, la loi Aubry 2 donne une
nouvelle définition de cette nouvelle catégorie de travailleurs. En effet, elle se conforme à la
définition communautaire (qui devait être transcrite au 20 janvier 2000) : il s’agit de salariés
dont la durée du travail est inférieure à la durée légale du travail (à celle d’un travailleur à
temps plein). L’ancienne définition posait des difficultés, plus particulièrement à l’encontre
des salariés qui se trouvaient dans une « zone limitrophe 234» et ne bénéficiaient pas des
avantages des travailleurs à temps partiel (droit de priorité au temps plein, protection en cas
d’usage important des heures supplémentaires, réduction de charges), sans toutefois travailler
à temps plein. La catégorie des travailleurs à temps partiel est donc plus large, par contre, la
loi confirme l’orientation prise par la loi Aubry 1 puisqu’elle constitue un véritable coup
234 Avant la RTT, il s’agissait des salariés travaillant entre 32 et 38 heures par semaines.
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d’arrêt aux avantages financiers235. En effet, alors que les lois du 31 décembre 1992 et du 20
décembre 1993 avaient pour but d’inciter à user du travail à temps partiel, la loi Aubry 1
cantonne son utilisation en réduisant le champ des incitations236 alors que la loi Aubry 2 va
tout simplement supprimer l’abattement de 30% des charges sociales patronales lié à
l’embauche d’un travailleur à temps partiel. Le recours au temps partiel n’apparaît plus alors
comme un instrument de la politique de l’emploi. Cette mesure peut s’expliquer néanmoins
par le fait que le travail a temps partiel a un caractère subi dans 42% des cas237, notamment en
raison de la faiblesse de rémunération qui en découle.
D’autres alternatives étaient toutefois envisageables. Ainsi, le rapport Génisson, sur l’égalité
professionnelle hommes- femmes, proposait de réserver l’abattement au seul temps partiel
choisi. Le rapport de Gilbert Cette n’envisageait l’octroi de l’aide qu’à condition que le temps
partiel ait fait l’objet d’un accord collectif réduisant les inégalités entre temps plein et temps
partiel.
La loi Aubry 2 va accroître le recours à la négociation collective puisqu’un accord est
désormais nécessaire à la mise en place du temps partiel ainsi qu’aux conditions pour qu’une
annualisation ou une modulation soit possible. Elle tente d’offrir des garanties individuelles
comme une plus grande prévisibilité, le contrat de travail devant mentionner la répartition de
la durée du travail au sein de chaque journée travaillée (le salarié a droit d’en refuser la
modification).
La loi Aubry 2 apporte donc des réponses aux premières difficultés constatées suite à la loi de
2000. Pour autant, de nouveaux points d’accroche sont apparus.
La loi a un chapitre consacré aux cadres238 . L’application des 35 heures semble logique car les
cadres ne sont pas exclus de la réglementation du travail et du paiement des heures
supplémentaires239. De plus, les cadres du privé travaillent en moyenne 46 heures par
semaine240. Mais une réduction du temps de travail des cadres pose des difficultés241. En effet,
235 FAVENNEC- HERY (F.), « Le travail à temps partiel : changement de cap », in Droit Social n°12,
décembre 1999, p1004 à 1008.
236 L’aide n’est plus accordée qu’aux contrats prévoyant une durée du travail entre 18 et 32 heures pour
bénéficier de la baisse des charges contre une durée de 16 à 32 heures auparavant.
237 INSEE janvier 1999.
238 Chapitre 3.
239 Arrêt de la cour de cassation chambre sociale du 14 juin 1990, Bull. civ. N°285, RJS 90.
240 Source : INSEE.
241 ANTONMATTEI (P. H.), « Les cadres et les 35 heures : la règle de trois ! », in Droit Social n°12,
décembre 1999 pp.996 - 1003.
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l’objet du contrat des cadres repose sur une mission à réaliser et non sur l’accomplissement
d’une certaine durée du travail. On voit mal les cadres recourir à la pointeuse.
La loi de 1998 n’a pas traité du temps de travail des cadres, elle a renvoyé aux partenaires
sociaux qui ont opté pour un compte épargne temps afin de bénéficier de plus de jours de
repos.
La loi de 2000 crée trois catégories de cadres.
La catégorie des cadres dirigeants, désormais définie à l’article L.212-15-1, est imprécise.
Pour le rapport Gorce, il faut y faire rentrer les directeurs siégeant au comité de direction et les
membres du comité de direction ayant une totale latitude dans leur domaine d’activité. Faut-il
retenir les seuls cadres inscrits dans le collège des employeurs aux élections prud’homales ?
Les critères de responsabilité (doit-elle être importantes ?), d’autonomie et de rémunération
(doit-elle être élevée ? Comprendre les stocks options ?...) ne permettent pas d’arrêter une
catégorie précise. Ce sera alors à la jurisprudence et aux conventions collectives de compléter.
Ces cadres ne sont pas soumis aux dispositions relatives à la durée du travail, au travail de
nuit, au repos quotidien et hebdomadaire ainsi qu’aux jours fériés.
Les cadres intégrés au service sont soumis à la durée légale du travail mais ils peuvent
accepter une convention de forfait si celle-ci fait référence à un horaire dont la limite tient
dans le contingent d’heures supplémentaires et sous certaines conditions de rémunération.
Les « autres cadres » doivent bénéficier d’une RTT, la loi ne précise pas dans quelle
proportion242. Cette réduction peut passer par l’octroi de jours de repos ou par la technique du
forfait. Ce dernier doit être fixé par convention individuelle (accord express du salarié), il est
établi sur une base hebdomadaire, mensuelle ou annuelle243.
La loi de 2000 modifie le dispositif d’allégement des cotisations sociales244. En effet, elle ne
fait plus référence à un pourcentage d’emplois créés ou préservés rapporté à l’effectif de
l’entreprise pour pouvoir bénéficier de l’aide. On s’en remet donc aux partenaires sociaux,
eux seuls seront en mesure d’exiger un certain niveau d’embauche. L’allégement sera
suspendu si elles ne sont pas réalisées.
La loi impose toujours la signature d’un accord collectif. On retrouve le fait majoritaire (le
syndicat, en plus d’être représentatif, doit être majoritaire) et le recours au référendum en cas
d’accord signé par un mandataire ou un syndicat minoritaire. Dans les entreprises de plus de
242 Si aucune convention de forfait n’est conclue, les cadres de la 3ème catégorie sont a priori soumis aux 35
heures.
243 Voir Annexe sur les cadres.
244 AUZERO (G.), Droit Social n°12, décembre 1999, pp.1026 - 1034.
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50 salariés, l’accord peut être conclu avec les délégués du personnel, il sera alors soumis au
référendum et devra être validé dans les trois mois par une commission paritaire. De même,
dans les entreprises de moins de 11 salariés, l’employeur peut arrêter unilatéralement un
document RTT dont l’application sera subordonnée à l’octroi de la majorité simple des
suffrages exprimés lors de la consultation du personnel et à la validation par la commission
paritaire.
Selon l’article 19, l’accord doit mentionner certaines dispositions obligatoires : durée du
travail, catégories de personnel concernées… Une incertitude demeure quant aux sanctions
applicables en cas de méconnaissance de cet article, la nullité de l’accord ou le retrait du droit
à l’allégement semble des sanctions lourdes compte tenu du silence de la loi.
Le montant de l’allégement est calculé pour chaque mois, pour chaque salarié. Il est a priori
composé d’un minimum, soit un montant forfaitaire de 4000 francs (609 euros) par salarié et
par an, et d’un allégement dégressif de cotisations sociales. Le niveau de salaire ne
conditionne pas le droit à l’aide mais son montant, celui-ci varie également en fonction de la
durée collective de travail fixée dans l’entreprise. L’allégement intégral représente 21 500
francs (3277 euros).
Cet allégement peut être cumulé avec l’aide de l’article 3 de la loi de 1998 (on encourage ainsi
les entreprises passées à 35 heures avant 2000), avec l’aide de la loi de Robien et avec l’article
L.241-14 du code de la sécurité sociale au titre de l’obligation de nourriture. Mais le montant
des aides est alors minoré, leur total ne peut excéder le montant total des cotisations dues par
l’employeur. Toutes les autres exonérations sont exclues, dont celles allouées dans le cadre du
travail à temps partiel (sauf si le contrat est conclu avant le 1er janvier 2000, ou si le contrat ne
donne pas lieu à l’allégement en raison de l’absence de RTT).
Le dispositif doit être financé par la création d’un fond par la loi de financement de la sécurité
sociale qui assurera la compensation intégrale. Ce fond devrait être financé par la « ristourne »
Juppé245, la contribution sociale sur les bénéfices, la taxe sur les activités polluantes et les
droits sur les alcools. Il devait également l’être par une partie du produit des heures
supplémentaires (une disposition prévoyait la taxation des heures supplémentaires entre 35 et
39 heures dans les entreprises n’ayant pas effectué le passage à 35heures), mais cette
disposition a été invalidée par le Conseil constitutionnel.
245 C’est une réduction de cotisations sur les bas salaires, depuis les lois Aubry, elle ne concernait plus que les
entreprises qui n’ont pas signé d’accord RTT. Elle s’élève à 2 460 euros pour les salariés rémunérés au
niveau du SMIC et à 2,52 euros pour les salariés qui touchent 1,3*le SMIC (soit 1 464,32 euros).
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La loi innove en ce qu’elle introduit dans l’article L.321-4-1 un nouvel alinéa 2246. Celui-ci est
issu de l’amendement présenté par Mr Gorce lors de la troisième séance de débat à
l’Assemblée nationale le 7 octobre 1999. Cet amendement, dit amendement Michelin, a été
présenté en réaction à l’annonce de la suppression par Michelin de 7 500 emplois en Europe
alors que les profits de l’entreprise étaient en progression de 17%. Il impose l’antériorité de la
négociation sur la durée du travail à l’établissement du plan social. Ainsi, le plan social
devient le dernier recours, quand toutes les autres pistes ont été explorées. On applique alors
au plan social une formule généralement réservée au licenciement. Toutes les possibilités
concernant l’aménagement du temps de travail doivent donc être envisagées avant
l’élaboration du plan social. Cette solution peut paraître curieuse, il est important d’envisager
la RTT comme une réponse au problème du licenciement, mais pourquoi ne pas l’associer au
plan social ? En cas de non respect de la négociation de la RTT, faut- il prononcer la nullité du
plan social ?
La conclusion d’un accord de RTT n’est pas obligatoire, la loi impose seulement l’obligation
de négocier loyalement247 et sérieusement.
L’amendement a fait des déçus, en effet, il ne remet pas en cause le fondement des
licenciements économiques dans une entreprise bénéficiaire, la jurisprudence admettant quant
à elle que la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise constitue une cause
réelle et sérieuse248. Il ne remet pas non plus en cause l’éventuel concours de l’Etat au
financement du plan social. Mais celui-ci suppose tout de même l’accord préalable de
l’autorité administrative compétente, il n’y a pas d’automaticité dans son octroi. D’après les
conventions FNE, les aides n’ont pas vocation à accompagner des licenciements destinés à
améliorer la compétitivité d’entreprises en bonne santé. Ces aides sont souvent accordées à
condition que l’entreprise envisage des mesures significatives d’aménagement / réduction du
temps de travail. Ces détracteurs lui reprochent de ne pas prévoir un système de responsabilité
de l’employeur pour lui faire supporter le coût des licenciements subi par la collectivité.
Enfin, ils regrettent que le licenciement puisse être justifié alors que l’entreprise n’est pas
passée aux 35 heures, la loi n’imposant que la négociation de la RTT.
246COUTURIER (G.), « Les paralogismes de l’amendement Michelin », in Droit Social n°12, décembre 1999
p1034 à 1038.
247 Pour Mme Saugues, « la loyauté, c’est le respect des organisations syndicales et la volonté de trouver
réellement un accord avec elles. La loyauté, c’est de ne pas considérer les salariés comme une simple variable
d’ajustement, c’est accepter de s’asseoir à une table de négociation pour essayer par tous les moyens de
sauver des emplois avant de présenter la note à l’Etat. La loyauté s’est engager des négociations sans faire
planer au-dessus des salariés le spectre de suppressions massives d’emplois ».
248Arrêt de la cour de cassation chambre sociale du 26 novembre 1996.
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Un premier bilan peut être tiré de l’application de ces lois Aubry 1 et 2. Celui-ci est assez
sombre. La législation devait redynamiser le dialogue social, or en pratique, on a constaté une
détérioration des relations sociales dans bon nombre d’entreprises. Il s’agit en fait plus du
problème de la négociation en France, les 35 heures n’en sont qu’un révélateur. Les
entreprises essayent de se mettre en conformité avec la loi plutôt que de réfléchir à une
réorganisation du travail. Les négociations sont menées dans la précipitation249.
La loi a engendré des complications au niveau de l’élaboration du bulletin de paye250, certaines
entreprises ayant prévues 14 formules d’organisation du temps de travail entre les salariés à
temps partiel bénéficiant d’une RTT et ceux n’en bénéficiant pas, les nouveaux embauchés
mais sur un poste non équivalent…
S’agissant des cadres, le débat sur les 35 heures a également servi de révélateur au malaise qui
couvait dans l’encadrement (surcharge de travail, plus de 45 heures de travail par semaine),
mais l’on peut craindre une accentuation du malaise par le choix d’un décompte en jours et
non en heures, on évacue alors tout débat sur la charge réelle de travail.
D’autres craintes sont soulevées : on craint que les contentieux se multiplient, que les
inspecteurs du travail soient débordés, que les entreprises délocalisent compte tenu de la
hausse provoquée par les 35 heures du coût de production, que les investisseurs étrangers se
détournent de la France251, que la formation pâtisse de la distinction peu aisée entre formation
destinée à développer les compétences personnelles du salarié (qui peut être écartée du temps
de travail effectif) et formation destinée à assurer l’adaptation du salarié à son emploi (qui est
du temps de travail effectif). Certains salariés se plaignent de ne plus pouvoir arrondir leur fin
de mois par le biais des heures supplémentaires, les salaires étant à la diète depuis 1974, leur
seul espoir de les voir augmenter avec la reprise de la croissance vient d’être déçu par le
passage à 35 heures252. On craint alors une augmentation du travail au noir.
D’autres salariés sont insatisfaits en raison de l’inégalité de traitement à l’intérieur de
l’entreprise ou entre les entreprises, ainsi que de l’intensification du travail ; les pauses253, les
249 « Le bug des 35 heures », in Liaisons Sociales/Magasine, mars 2000, pp.16 - 28.
250DENKIEWICZ (B.) et JOURDAN (D.), « Les incidences du nouveau dispositif sur la confection du 1er
bulletin de paye de l’an 2000», in Droit Social n°12, décembre 1999, p1009 à 1011.
251 LANDRE (M.), « Notre arsenal social fait peur aux investisseurs », in Liaisons sociales/Magasine,
décembre 2001 pp.14 - 18. Si la France reste attractive de par ses infrastructures et la qualification de ses
salariés et qu’elle reste le 4ème pays d’accueil des investissements internationaux, elle investit plus qu’elle ne
reçoit (elle a connu une augmentation de 20% des investissements reçus de l’étranger alors qu’elle a
augmenté ses investissements à l’étranger de 74%). On dénonce un coût du travail élevé, une réglementation
étouffante et une culture du conflit. La France est le pays d’Europe qui affiche la croissance de la productivité
par tête la plus faible d’Europe.
252 La plupart des accords ayant prévu le gel des salaires pour plusieurs années (disposition contraire à
l’obligation annuelle de négocier).
253 Celles-ci ont souvent disparues du fait de la dénonciation de l’ancienne convention ou de l’usage qui les
prévoyait.
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coupures pour la prise de repas, l’habillage ayant souvent été exclus du temps de travail
effectif. Ces temps devaient donner lieu à des contreparties, en temps de repos ou financières,
négociées par les partenaires sociaux, mais la plupart des conventions collectives restent
muettes sur ce point254. Il ne demeure que l’obligation légale de prendre une pause de 20
minutes après 6 heures de travail effectif255, celle-ci devant donner lieu à compensation
salariale. On constate une véritable chasse aux temps morts, tout gain de productivité est le
bienvenu.
On peut ainsi voir des entreprises dans lesquels la fréquence des réunions est strictement
limitée comme le nombre de participants et sa durée.
La RTT devait favoriser le temps libéré, celui-ci apparaissant en priorité consacrée à la
famille256. Mais il n’y a pas d’équivalence RTT- amélioration de la vie familiale, car la RTT
s’est traduite pour certains par des horaires tardifs voir par du travail le week-end.
Toutefois, la loi comporte des éléments consacrés spécifiquement à la vie familiale, elle
consacre la prévisibilité des horaires (le salarié doit par exemple être informé sept jours à
l’avance en cas de modification de la répartition de la durée du travail), le salarié peut refuser
une modification de ses horaires si celle-ci est incompatible avec des obligations familiales
impérieuses, on permet aux parents d’enfants de moins de 16 ans de capitaliser l’épargne
temps sur une période de 10 ans au lieu de 5. Cette politique d’équilibre du temps de travail
touche également l’égalité des sexes (selon l’INSEE, 2/3 du travail domestique reste à la
charge des femmes).
D’autres enfin se sentent laissés pour compte, tels que les avocats, médecins…
Ils résultent de ces deux lois une modélisation du temps de travail, la négociation a produit un
tassement et une uniformisation de la durée moyenne hebdomadaire (un seul accord sur 300
signés en Aquitaine instaurait une semaine de 32 heures et de 4 jours de travail).
Elle a permis l’accroissement du recours à la flexibilisation. Si l’usage de la modulation des
horaires devait être justifié par des données économiques et sociales, Daugareihl constate en
pratique que la justification est toujours minimaliste et symbolique (les accords évoquent la
variabilité des commandes et l’imprévision des marchés). On retrouve les mêmes termes
quelque soit le secteur d’activité, l’organisation du travail choisi… On banalise la variabilité
des horaires. Le pouvoir du comité d’entreprise de déterminer les périodes d’activité est le
plus souvent laissé au libre arbitre du chef d’entreprise.
254 DAUGAREILH, IRIART et LACOSTE : « le contenu des accords collectifs sur les 35 heures », in Droit
Ouvrier, juillet 2001, p277 à287.
255 Interprétation donnée par l’arrêt de la cour de cassation chambre sociale du 13 mars 2001.
256 REMY (P. L.), « Réduction du temps de travail et vie familiale », in Droit social n°12, décembre 1999,
p1012.
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3
Le recours à l’annualisation, en revanche, n’a pas à être motivé. Elle consiste en l’attribution
de jours de repos dans un cadre annuel. Ces jours sont choisis par le salarié et l’employeur.
Mais en pratique, les choix du salarié sont très encadrés, certaines dispositions
conventionnelles prévoyant sur quelle période ce dernier peut prendre ces jours de repos. Or,
le salarié risque de perdre ces jours si il ne les utilise pas pendant la période de référence.
Certaines entreprises mélangent annualisation et modulation, d’autres usent de la
flexibilisation par l’utilisation généralisée de la modification des horaires avec des délais de
prévenance dérogatoire (réduit à 3 jours au lieu des 7 jours prévus par la loi) sans véritable
justification, ni contrepartie.
Au nom de l’équilibre intérêt de l’entreprise- intérêt des salariés, beaucoup d’usages ont été
dénoncés, souvent par les préambules des accords de RTT. Le patronat a ainsi réussi à
supprimer de nombreux avantages en matière de rémunération (suppression de primes…), de
temps de repos (suppression des jours de congés supplémentaires accordés en fonction de
l’ancienneté, pour des événements familiaux …).
Des incertitudes fortes existaient en 2000, d’abord sur le passage aux 35 heures des
fonctionnaires257. En effet, l’Etat s’est montré réticent à engager des négociations avec ses
interlocuteurs syndicaux alors qu’il avait promis l’entrée relative des 35 heures dans
l’administration pour le début 2002. Les intéressés sont sceptiques, ils ne s’attendent pas à une
réorganisation des services et encore moins à des recrutements, l’Etat souhaitant absolument
éviter de creuser le déficit public et d’alourdir les prélèvements obligatoires. Le rapport Roché
de février 1999 met en évidence des régimes de temps de travail disparates, une absence de
réflexion sur l’organisation du travail et l’opacité et la complexité de la gestion des agents
(l’Etat ne connaît avec précision ni le nombre de ses fonctionnaires, ni leur position
statutaire). La réflexion n’a été entamée que dans le milieu hospitalier suite aux menaces de
grève.
Les doutes sont aussi forts sur le passage aux 35 heures des entreprises de moins de 20
salariés. En effet, au 1er janvier 2000, seules 1% d’entre elles avaient décidé d’anticiper la
RTT et de conclure un accord. Elles ont été dissuadées d’effectuer un tel passage compte tenu
des difficultés qu’il engendrait, ces entreprises étant dépourvues de services juridiques et
imaginant mal les possibilités de réduction applicables à un faible nombre d’employés, le
recours au système du groupement d’employeurs ou du cadre à temps partagé n’ayant en effet
rien d’évident. Ces difficultés s’ajoutaient à celles récurrentes de trouver de la main d’œuvre
257 « 35 heures, plus de deux ans de valse- hésitation », in Liaisons Sociales/Magasine, février 2000, pp. 16 18.
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dans certains secteurs tels que la restauration258 ou le BTP. Pour les entrepreneurs, les 35
heures ne sont pas adaptées à la nécessaire souplesse des PME. De plus, les conséquences
financières sont lourdes : réaliser une embauche dans une petite entreprise n’a pas les mêmes
implications que pour une grande firme.
Au 1er août 2001, elles étaient seulement 4% à avoir franchi le cap259 (soit 6% des salariés :
240 000). Elles sont nombreuses à attendre un assouplissement ou un report des 35 heures
(mesure présentée comme propre à relancer la croissance) voire un renversement de majorité
aux élections de printemps 2002.
Sans doute ont-elles eu raison puisque le gouvernement, par son décret du 15 octobre 2001, a
augmenté le seuil d’heures supplémentaires à 180 heures pour les PME ayant conclu un
accord sur les 35 heures, ce qui leur permet de maintenir une semaine de 39 h. Ce seuil est
réduit à 170 heures pour 2003 et à 130 heures pour 2004.
En matière d’emplois, les pronostics étaient partagés. Pour Patrick Artus, directeur des études
économiques à la Caisse des dépôts et consignations, la loi doit entraîner la disparition de
200 000 emplois d’ici 2002-2003 ! La loi est qualifiée de « malthusienne »puisqu’elle
engendrerait une baisse de la production, une hausse du coût de la main d’œuvre…autant
d’effets néfastes conduisant les entreprises à licencier face aux difficultés économiques.
L’Observatoire Français de la Conjoncture Economique prévoyait en 1997 la création de
1 400 000 emplois. En 2000, elle a revu ses prévisions à la baisse puisqu’elle ne prévoit plus
que 700 000 emplois créés en 5 ans avec un sacrifice salarial. La loi de 1998 aurait permis la
création de 160 000 emplois, mais il est délicat de distinguer les emplois dus à la croissance
des emplois liés à la RTT.
On peut alors s’interroger sur le recul opéré par le gouvernement socialiste avec le décret du
15 octobre 2001, ne vient-il pas confirmer la thèse260 selon laquelle la loi a en fait pour
objectif d’assurer une augmentation des salaires de 1 à 2% ? En effet, une partie des
socialistes, dont Emmanueli, ne croyait pas aux effets d’une RTT sur l’emploi, ils ont alors
profité de la loi pour assurer une augmentation des salaires par la voie de la majoration
salariale des heures effectuées entre 35 et 39 heures. Ne remet-on pas en grande partie en
cause la construction réalisée entre 1998 et 2001 ? Ce courant s’oppose aux idées de Michel
258 Avant la loi de 2000, la durée légale du travail dans l’hôtellerie était fixée à 43 heures.
259 MOREAU (I.), « Aie ! Ma petite entreprise passe aux 35 heures », in Liaisons Sociales/Magasine, novembre
2001, pp.16 - 23.
260 Thèse défendue notamment par LARROUTUROU (P.), « Les 35 heures : le double piège », édition Belfond,
Paris 1998.
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5
Rocard ou Jacques Rigaudiat qui espérait que la RTT à 35 puis à 32 heures soit créatrice
d’emplois.
Ces débats vont prendre un tour nouveau avec l’alternance politique de 2002. Les adversaires
des socialistes attendaient beaucoup du retour de la droite…
Dés lors on peut s’interroger sur la finalité de la réduction du temps de travail. Pourquoi avoir
révisée cette loi ? Quels sont les enjeux qu’elle soulève ?
Dans une chapitre premier, nous allons étudier les apports de la Loi Fillon et notamment
l’évolution qu’elle entraîne au niveau de la négociation.
Dans un chapitre second, nous allons observer les autres conceptions de la RTT à travers ses
différents mécanismes et les idéaux qui la guident.
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Première partie :
LA LOI FILLON : ENTRE ASSOUPLISSEMENT ET
REVISION DES 35 HEURES
38
Il paraissait évident qu’avec le changement de majorité au gouvernement, les 35 heures, telles
qu’elles avaient été mises en place sous Martine Aubry, allaient être menacées. Jacques
Chirac avait promis lors de la campagne présidentielle de ne pas abroger la loi sur les 35
heures tout en permettant à ceux qui veulent gagner plus de travailler plus. On voyait en effet
mal le Président remettre en cause intégralement une loi qui a donné lieu à 35 000 accords
signés par an, qui concerne près de 9 millions de salariés et qui aurait créé directement
300 000 emplois entre 1997 et 2001. Cette ambition de travailler plus pour gagner plus, va
devenir le leitmotiv de l’avant projet sur lequel Messieurs Rafarin et Fillon, respectivement 1er
Ministre et Ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, ont eu à se pencher dés
le mois de mai 2002.
François Fillon donnait un indice sur la méthode qui allait être suivie en annonçant qu’il
s’agirait de rendre plus facile et moins coûteux l’usage des heures supplémentaires soit en
augmentant le contingent d’heures supplémentaires ou en faisant jouer le taux de majoration
(un décret aurait alors suffi), soit en jouant sur le seuil de déclenchement des heures
supplémentaires (une loi est alors obligatoire).
Le gouvernement a précisé qu’il avait pour objectif de renouer avec les partenaires sociaux.
Une partie de ces derniers souhaitaient une réforme de la loi mais l’on a pu constater un
manque d’uniformité dans leurs attentes, le MEDEF exigeant le relèvement du contingent
d’heures supplémentaires à 200 heures contre l’avis de la CGT qui voyait dans cet acte la
volonté de vider de sens la loi sur la RTT. La CJD proposait une mutualisation des heures
supplémentaires (par exemple pour une entreprise de 10 salariés, celle-ci gérerait les 1300
heures mises à sa disposition), la CFTC se montrait favorable à un assouplissement des 35
heures pour les entreprises de moins de 20 salariés par un recours au compte épargne temps.
Plusieurs syndicats mettaient en avant l’intérêt de privilégier la négociation de branche.
Pour d’autres syndicats, au contraire, une telle révision ne présentait pas d’intérêt puisque des
mesures existaient déjà : le décret du 15 octobre 2001 permettait aux entreprises de moins de
20 salariés de profiter d’un contingent d’heures supplémentaires de 180 heures, ce qui pouvait
les conduire à pratiquer un horaire collectif hebdomadaire de 39 heures pour l’an 2002. Ce
contingent sera ramené à 170 heures pour 2003 et 130 pour 2004. Dans certains secteurs où le
recours aux heures supplémentaires apparaissait nécessaire, beaucoup de branches
(métallurgie, textile, boulangerie), ont laissé la possibilité à leurs entreprises d’augmenter ce
contingent par un accord interne.
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Ainsi, des accords ont fait passer le contingent à 220 heures pour le secteur de la charcuterie, à
320 heures pour la pâtisserie… Enfin, dans les grandes entreprises, un accord pouvait prévoir
de remplacer la majoration par une bonification en temps de repos. Une entreprise pouvait
ainsi rester aux 39 heures tout en respectant les dispositions de la loi sur les 35 heures, il lui
suffisait pour cela de donner une semaine de congés supplémentaire par
an.261
Le dispositif définitif a été soumis aux partenaires sociaux le 6 septembre 2002 à l’occasion
de la réunion de la Commission nationale de la négociation collective. Seul Robert Buguet,
Président de l’Union professionnelle artisanale, s’est montré satisfait de cet avant projet262.
La CFTC et la CGT ont dénoncé un système qui accroît la subordination des salariés au bon
vouloir de leurs employeurs. Le MEDEF, quant à lui, s’inquiétait d’une hausse substantielle
du SMIC et réclamait toujours l’augmentation du contingent d’heures supplémentaires par
décret. Il est d’ailleurs quelque peu paradoxal de constater que le MEDEF qui se plaint
habituellement de l’interventionnisme étatique demande en l’espèce lois et décrets. Peut-être
craint-il que le dialogue social conduise à une solution contraire à ses intérêts ?
Cet avant projet proposait en fait une harmonisation du SMIC, un régime unique pour les 8
premières heures supplémentaires, un compte épargne temps plus fonctionnel, une
prédilection pour la négociation de branche et une généralisation des aides aux entreprises
pour les bas salaires.
Sur la question de l’harmonisation du SMIC, la loi Aubry ayant créé autant de garantie de
rémunération mensuelle263 qu’il y a d’années écoulées depuis son adoption, le MEDEF
souhaitait une annualisation du SMIC qui conduirait à exclure sa revalorisation annuelle, il
espérait également que les critères tiennent désormais de l’économique et non du politique. La
réforme des 35 heures apparaissait comme une bonne opportunité de réviser en profondeur le
SMIC en laissant l’Etat garantir un minimum d’aide sociale ou fiscale alors que les entreprises
seraient libres dans la fixation du reste du salaire264. La CGT proposait toujours de pratiquer
une augmentation du taux horaire de 11,4%.
261 BARIET (A.) et FRANCHET (S.), « Le gouvernement face aux 35 heures », in Entreprises et Carrières n°
622 du 21 au 27 mai 2002, pp. 4 - 6.
262 FRANCHET (S.), « Les 35 heures mettent le feu aux poudres », Entreprises et Carrières n°634 du 3 au 9
septembre 2002, pp. 4 - 6.
263 La garantie mensuelle de rémunération, ou GMR, est égale à la somme du SMIC de l’année x et de
l’indemnité différentielle.
264 « La nouvelle bataille des 35 heures », in Liaisons sociales quotidien, Revue de presse n°2538, 11
septembre 2002, pp. 1 - 4.
40
En dehors de ces débats, la jurisprudence rend ses premiers arrêts de principe sur la base des
lois Aubry 1 et 2. Ainsi, la Cour de cassation a rendu un arrêt très remarqué par sa chambre
sociale le 4 juin 2002 relativement à un accord cadre adopté dans le secteur des établissements
et services pour personnes handicapées. Celui-ci, dans son article 14, stipulait que la durée du
travail est fixée à 35 heures à partir du 1er janvier 2000 pour les entreprises de plus de 20
salariés , et à compter du 1er janvier 2002 pour les entreprises de moins de 20 salariés. Des
salariés d’entreprises qui sont restées à 39 heures vont alors demander à bénéficier en plus de
la majoration de salaire liée à l’accomplissement d’heures supplémentaires entre la 35ème et la
39ème heure, l’allocation de l’indemnité différentielle sensée compenser la perte de salaire liée
au passage à 35 heures.
La Cour de cassation va retenir d’après les termes de la convention, l’obligation du passage
aux 35 heures et va donner droit à la demande des salariés265.
Elle a estimé en effet que si la loi donne un seuil non impératif, il n’en va pas de même de la
convention. Françoise Favennec-Héry266 s’interrogeait sur les motivations de cet arrêt, si le
souhait de la Cour était un souci égalitariste visant à faire profiter à tout le monde de ce
dispositif. Pour Christine Stagnara, il s’agit d’un véritable « dérapage », qui conduit à payer 44
heures des salariés en travaillant 39 puisqu’en plus des 35 heures normales, les salariés ont
alors la possibilité de percevoir les 4 heures d’indemnité différentielle, auxquelles on ajoute
les 4 heures travaillées de 35 à 39 heures qui, si elles ouvrent droit à une bonification de 25%,
portent à quasiment 44 heures l’équivalent en rémunération.267
Un second arrêt de la Cour de cassation a trait au temps d’astreinte. Dans son arrêt du 10
juillet 2002 Syndicat libre des exploitants de chauffage contre Société Dalkia268, la chambre
sociale reprend la distinction posée par la loi Aubry entre astreinte et temps de travail effectif
mais elle ne s’arrête pas là puisqu’elle dissocie également clairement l’astreinte du temps de
repos. En effet, elle va considérer qu’un salarié ne bénéficie pas de son repos hebdomadaire
lorsqu’il est d’astreinte. Ainsi, l’astreinte ne constitue ni un temps de travail, ni un temps de
repos. Elle juge, comme le fait le droit européen, que seul le temps d’intervention doit être
considéré comme temps de travail.
265 GOASGUEN (C.) et DUPAYS (A.), « Accord 35 heures : la lettre l’emporte sur l’esprit », in Semaine
Sociale Lamy n°1085 du 29 juillet 2002, pp. 5 - 6.
266 FAVENNEC- HERY (F.), « le cumul de paiement des heures supplémentaires et du droit à l’indemnité
conventionnelle de RTT », in Droit Social 2002, pp. 868 - 870.
267 STAGNARA (C.), « Le dérapage des 35 heures : 39 heures payées 44 ! », in Semaine Sociale Lamy n°
1097 du 21 novembre 2002, pp. 5 - 9. Voir aussi, CHEVILLARD (A.), « Indemnité de RTT…sans RTT :
quelle place pour les partenaires sociaux, entre juge et législateur ? », in Droit Social n°12, décembre 2002,
pp. 1059 - 1063.
268 In JCP E n°47 du 20 novembre 2002 p 2085, note d’Agnès VIOTTOLO.
41
La Cour reprend le point de vue de Philippe Waquet : « quelque soit la liberté dont jouit le
salarié pour organiser son temps, il n’est pas entièrement maître de sa personne. La contrainte
que fait peser sur lui l’obligation d’astreinte porte atteinte à sa vie personnelle. L’obligation de
respecter les temps de repos journaliers, hebdomadaires et annuels n’est pas respectée lorsque
le salarié est d’astreinte269 ».
Cet arrêt prend le contre-pied de la circulaire administrative du 3 mars 2000 qui estimait
qu’une position d’astreinte sans intervention pendant une période de repos ne constituait pas
en tant que telle une infraction aux règles relatives au repos. Mais cette situation ne doit pas
conduire à placer le salarié systématiquement en astreinte pendant ces périodes de repos.
La situation ne va pas en s’arrangeant pour le gouvernement de droite, en effet, la nouvelle loi
en préparation s’inscrit dans un contexte délicat avec l’augmentation du chômage, la
multiplication des plans sociaux et des restructurations (chez Alcatel, Hewlet Packard, Matra,
Bayer…). Ces derniers sont perçus comme un signe d’urgence car généralement les
entreprises se préfèrent discrètes et pratiquent les licenciements au compte goutte pour éviter
les plans sociaux. Le gouvernement appelle à l’embauche des jeunes et à la confiance en
l’avenir, comme en 1993. Le CNPF avait répondu à l’époque que cela dépendrait de
l’évolution de la conjoncture internationale270.
De plus, les syndicats dénoncent l’attitude du gouvernement qui, s’il annonce renouer le
dialogue social, présente des mesures en dehors de toute concertation. La CFDT demande des
actes alors que la CGT s’inquiète que sous couvert d’assouplissement des 35 heures, Fillon ne
prépare une réforme plus profonde du code de travail sur le travail de nuit… Pour FO, « les
lois Aubry 1 et 2 ont creusé les traces, le nouveau gouvernement creuse à son tour le même
sillon » (pouvoir d’achat écorné, conditions de travail dégradées, acquis sociaux amputés…).
Pour Michel Jamain, les mesures Fillon sont avant tout idéologiques avant de répondre à un
besoin réel des entreprises ou des salariés. Elles sont également incohérentes puisque l’on
perçoit les premiers signes positifs sur l’emploi en pleine période d’augmentation du
chômage. Le MEDEF énonce que seule une baisse des charges peut créer des emplois.
Le gouvernement Rafarin découvre donc les soucis « du ménage à trois » Etat, syndicats,
patronat271.
269 WAQUET (P.), in Droit Social 2002, p 963.
270« Le projet de loi Fillon à l’Assemblée Nationale », in Liaisons sociales quotidien, revue de presse n°2542 du
9 octobre 2002, pp. 6 - 7.
271« François Fillon marche sur des œufs », in Liaisons sociales quotidien, Revue de presse n°2537 du 4
septembre 2002, pp. 4 - 5.
42
Pour autant, si une contestation existe, elle est relativement faible car les syndicats ne sont pas
unifiés et la majorité des salariés, s’ils refusent tout retour en arrière, ne sont pas prêts à se
mobiliser pour une loi aussi complexe que la loi Aubry qui a apporté dans les entreprises
annualisation et intensification du travail. Ils craignent toutefois une baisse de leur
rémunération ainsi que de leur temps de repos272.
Malgré tous ces remous, la loi est passée quasiment sans modification car, sur 577 députés,
l’hémicycle compte 365 députés UMP et 28 députés UDF ralliés à leur cause. La gauche n’a
présenté qu’une opposition résignée avec seulement 150 amendements et 3 motions de
censure. On peut également noter le puissant lobbying exercé par le MEDEF auprès des
députés. La loi va finalement être adoptée en 1ère lecture par 373 voix contre 160273.
Le Sénat va tout de même neutraliser une infime partie de la réforme du contingent
conventionnel d’heures supplémentaires274. Entre temps, conformément à ce qui était annoncé
depuis 5 mois, un décret a été adopté le 16 octobre 2002275, celui-ci porte le contingent
d’heures supplémentaires à 180 heures pour toutes les entreprises jusqu’en 2005, y compris
celles de moins de 20 salariés pour lesquelles le décret du 15 août 2001 ne trouve plus à être
appliqué. Seul le contingent de 90 heures, prévu par la loi Aubry, est maintenu en cas
d’accord de modulation. Toutefois, le décret ne s’applique ni aux cadres dirigeants, ni aux
cadres intégrés régis par une convention de forfait en jours ou en heures sur une base annuelle.
En sont également exclus, les salariés itinérants non cadres régis par une convention de forfait
annuel en heures. Ce décret transitoire sera réexaminé le 1er juillet 2004 après avis de la
commission nationale de la négociation collective et du Conseil économique et social, et après
avoir tiré un bilan de la pratique. Pour certains auteurs, ce décret sonne le glas de la RTT
puisqu’accorder aux employeurs la possibilité de recourir à 180 heures supplémentaires par an
revient approximativement à un retour à 39 heures par semaine. Pour d’autres auteurs, il n’en
est rien, car pour recevoir application, ces dispositions doivent-être reprises par un accord de
branche ou d’entreprise.
Appelée à répondre à divers mécontentements, la loi Fillon a beaucoup fait parler avant son
entrée en vigueur (le 17 janvier 2003 après que le Conseil constitutionnel rende sa
décision276). Avec pour préalable le décret du 16 octobre 2002, elle a beaucoup inquiété les
272 « Le projet de loi Fillon sur les rails », in Liaisons sociales quotidien, revue de presse n°2540 du 25
septembre 2002, pp. 1 - 4.
273 « Adoption en 1ère lecture », in Semaine sociale Lamy n°1094 du 21 octobre 2002, pp. 2 - 5.
274 « 1ère lecture par le Sénat », in Semaine Sociale Lamy du 4 septembre 2002, pp.2 - 3.
275 PANSIER (F. J.) et CHARBONNEAU (C.), « Présentation du décret n°2002-1257 » publié au JO n°242
du 16 octobre 2002 p17 082, in Les cahiers sociaux du barreau de Paris n°144 du 1er novembre 2002, p431.
276 DC 13 janvier 2003.
43
partenaires sociaux. Nous allons analyser les apports de la loi (chapitre 1) à partir de l’étude
de son contenu (section 1) et des satisfactions qu’elle a engendré (section 2). Pour ensuite
mettre en avant ses limites (chapitre 2), c'est-à-dire les questions qui demeurent après son
adoption et les interrogations qui sont propres à son dispositif (section1) ainsi que les
résistances rencontrées en pratique à cette loi (section 2).
44
CHAPITRE 1 :
LES APPORTS DE LA LOI FILLON :
Une analyse de son contenu va nous permettre de mettre en évidence les avancées et les
réponses attendues, celles-ci étaient assez nombreuses notamment en matière de
rémunération. Ensuite, nous verrons que cette loi est loin de tout résoudre et qu’entre
interrogations et résistances, son application risque d’être mesurée.
SECTION 1- LES DISPOSITIONS DE LA LOI :
La loi est partagée en 3 parties inégales. La première est relative au SMIC. La seconde est
intitulée dispositions relatives au temps de travail et a trait aux règles concernant les heures
supplémentaires, l’astreinte… Enfin, la dernière partie traite des aides aux entreprises en
matière d’emplois.
§1- Dispositions relatives au SMIC :
L’article 1er vise à uniformiser les différents SMIC, en effet, avec les 35 heures, nous avions
vu que la création d’une garantie mensuelle de rémunération avait eu pour conséquence la
coexistence de 6 SMIC. A côté du SMIC des salariés restés à 39 heures, on pouvait observer
une GMR différente suivant l’année de passage aux 35 heures, celle-ci venant assurer aux
salariés un « salaire mensuel qui ne pouvait être inférieur au produit du salaire minimum de
croissance en vigueur à la date de la réduction par le nombre d’heures correspondant à la
durée collective qui leur était applicable, dans la limite de 169 heures ». Ainsi, il y avait 5
GMR entre lesquelles existaient une certaine disparité (le montant de la GMR de 1998 était
inférieur de près de 5% à celle de 2002). De plus, l’évolution de la GMR et celle du SMIC
diffèrent.
45
La loi Fillon vient donc modifier le mécanisme de l’article 32 de la loi Aubry afin de faciliter
la gestion pour les entrepreneurs et d’assurer une meilleure égalité entre les salariés.
L’aménagement consiste à laisser subsister une GMR au profit des salariés qui subissent une
RTT mais celle-ci sera dans tous les cas calculée en fonction du salaire minimum en vigueur
au 1er juillet 2002. On ne conserve donc que la GMR 5, les autres GMR devant s’aligner petit
à petit sur celle-ci pour parvenir à l’équilibre au 1er juillet 2005. Dans la même période, on va
revaloriser le SMIC horaire afin que l’écart entre les montants soit comblé en 2005 (il doit
intégrer la GMR de 2002277), pour ce faire, des « coups de pouce » devraient être accordés
pour accélérer la convergence. Les revalorisations de la GMR et du SMIC ne vont s’opérer
qu’à partir de la référence à l’évolution des prix à la consommation des ménages urbains dont
le chef de famille est ouvrier ou employé. On abandonne donc la référence à l’évolution du
pouvoir d’achat du salaire mensuel de base ouvrier jusqu’au 1er juillet 2005. Celui-ci
représentait tout de même 40% de la revalorisation du salaire minimum.
§2- Dispositions relatives au temps de travail :
La loi Fillon a notamment conduit à la suppression de la référence à la durée de 35 heures.
Dans plusieurs hypothèses, on ne fait plus référence qu’au plafond annuel de 1600 heures.
Ainsi, le temps partiel est évalué à partir d’une base annuelle de 1600 heures, une durée de
travail inférieure à 1600 heures constituera donc un temps partiel278.
A- La majoration des heures supplémentaires :
L’article 2 de la loi vient modifier les majorations des heures supplémentaires.
Désormais, on privilégie la négociation de branche puisque le taux est fixé librement par un
accord ou une convention de branche étendu (on n’a pas souhaité retenir les accords
d’entreprise alors qu’il y aurait eu une certaine pertinence à le faire afin que l’accord soit le
mieux adapté à la situation). La loi donne seulement un taux minimum impératif de 10%.
La loi n’a qu’un rôle supplétif. Elle retient un taux de majoration unique pour les 8 premières
heures supplémentaires (entre 35 et 43 heures), ce taux est de 25%. Le taux de majoration est
porté à 50% pour les heures suivantes. Le système Fillon préfère la majoration des heures
supplémentaires à la bonification en temps de repos, la disposition de la loi Aubry voulant que
277 Voir Annexe sur les GMR.
278 Il n’est également plus fait mention de la déduction des congés légaux et des jours fériés (article L.212-4-2
du Code du travail). In Revue Fiduciaire de Droit Social, janvier 2003, pp. 10 - 11.
46
les 4 premières heures supplémentaires donnent obligatoirement lieu à repos compensateur
disparaît donc. Toutefois, il est toujours possible de substituer au paiement des heures
supplémentaires et de leurs majorations l’octroi d’un repos équivalent à condition qu’un
accord collectif de branche ou d’entreprise le prévoie (ou, à défaut d’accord, que le comité
d’entreprise ne s’y oppose pas).
A noter, la possibilité de mensualiser la rémunération des heures supplémentaires entre 35 et
39 heures, qui n’était qu’une disposition transitoire, est, selon la circulaire de la Direction des
Relations du Travail, maintenue dans l’attente d’une prochaine modification législative279.
B- Le rôle des contingents conventionnels et réglementaires relativement au repos
compensateur :
L’article 212-5-1 est également modifié par la loi Fillon. La réforme touche la répartition des
rôles entre le contingent conventionnel et le contingent réglementaire, ainsi que le seuil qui
ouvrait droit au repos compensateur. En effet, la loi Aubry fixait un seuil de 10 salariés. Pour
les entreprises de moins de 10 salariés, les heures effectuées à l’intérieur du contingent
n’ouvraient pas droit au repos compensateur, seules les heures effectuées au-delà donnaient
droit à un repos équivalent à 50% des heures supplémentaires travaillées. Dans les entreprises
de plus de 10 salariés, dés la 41ème heure, le salarié avait droit à un repos compensateur de
50% pour les heures à l’intérieur du contingent.
Pour les heures effectuées au-delà du contingent, le repos était équivalent à 100%. Ce repos
vient en plus de la majoration financière dans les entreprises de plus de 10 salariés.
La loi Fillon conserve le même système mais en portant le seuil à 20 salariés. On facilite donc
le recours aux heures supplémentaires dans les petites entreprises surtout que le contingent de
référence n’est plus le contingent réglementaire mais le contingent conventionnel (quand il
existe). Désormais, le contingent fixé par les partenaires sociaux constitue d’une part le seuil
au-delà duquel l’autorisation de l’inspecteur du travail doit être sollicitée pour accomplir des
heures supplémentaires, et d’autre part, le seuil de déclenchement des repos compensateurs.
Le Conseil constitutionnel a tout de même tempéré ce principe puisque si le contingent
conventionnel dépasse 180 heures, alors qu’il a été fixé par un accord antérieur à la loi Fillon,
on applique le contingent légal pour déclencher le repos compensateur obligatoire. Cette
interprétation a pour origine la contestation devant le Conseil constitutionnel de l’article 2 B
de la loi qui disposait que les accords conclus antérieurement à celle-ci se soumettaient à la
nouvelle règle selon laquelle le contingent conventionnel fixe le seuil de déclenchement du
279 « Circulaire sur la réforme Fillon 2 », in Semaine Sociale Lamy n°1119 du 22 avril 2003 pp. 2 - 3.
47
repos compensateur. Or les députés de l’opposition ont fait valoir devant le Conseil que les
accords antérieurs ne prévoyaient pas une telle disposition, les signataires de l’accord, quand
ils ont fixé la durée du contingent conventionnel, ne pouvaient pas penser que celle-ci
servirait de référence au déclenchement du repos compensateur. L’article porte donc atteinte
au principe de non rétroactivité de la loi et à la sécurité juridique des conventions. Pour les
députés, il y a violation du principe de liberté contractuelle et du principe de faveur.
Le Conseil constitutionnel va décider que cette atteinte était justifiée par des motifs d’intérêt
général suffisants tels que le droit au repos du onzième alinéa du Préambule de la Constitution
de 1946, en ce qu’il est favorable aux salariés si on l’interprète de la manière qui suit : « que
c’est donc le dépassement du plus bas de ces deux contingents qui déclenchera le repos
compensateur obligatoire 280». Cette interprétation ne concerne que les accords conclus avant
la loi Fillon.
Le nouvel article L.216-6 du code du travail offre donc la possibilité aux partenaires sociaux
de déterminer par une convention ou un accord collectif de branche étendu un contingent
d’heures supplémentaires à un « volume supérieur ou inférieur à celui fixé » au contingent
réglementaire (sans qu’il ne s’agisse d’une dérogation à la loi puisque l’accord ne fait que
satisfaire à une obligation légale281).
C- Les règles en matière de modulation :
En cas de modulation, un accord pouvait faire varier l’horaire hebdomadaire, les heures
effectuées au-delà de la durée légale n’étaient alors pas considérées comme des heures
supplémentaires. Cet accord devait respecter un double plafond de 35 heures travaillées en
moyenne sur la semaine et de 1600 heures sur l’année. Désormais, la loi ne fait plus référence
qu’à la limite de 1600 heures par an. L’employeur bénéficie donc d’une plus grande latitude.
Ainsi, les majorations des heures supplémentaires seraient détachées des règles
hebdomadaires, les seuils de déclenchement des heures à 25 et 50% seront appréciés sur
l’année. Selon Dominique Jourdan, pour les entreprises de moins de 20 salariés pendant la
période transitoire, seront des heures majorées à 25%, celles accomplies au-delà de 1783
heures, tandis que les heures majorées à 50% seront celles qui dépassent le seuil de 1966
heures. Il aurait alors été judicieux que le législateur précise les seuils annuels des
majorations.
280 CHARBONNEAU (C.), « Présentation des dispositions relatives au temps de travail et aux salaires de loi
n°2003-47 du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l’emploi »,
in les Cahiers Sociaux Du Barreau de Paris du 1er mars 2003.
281 JOURDAN (D.), « Le nouveau régime des heures supplémentaires », in Semaine Sociale Lamy n°1122 du
12 mai 2003.
48
Pour la Revue Fiduciaire de droit Social282, sont aujourd’hui considérées comme des heures
supplémentaires, les heures effectuées au-delà de la limite maximale hebdomadaire fixée par
l’accord collectif (limite haute de modulation) et les heures effectuées au-delà de 1600 heures
ou d’un plafond inférieur.
Il règne donc une grande incertitude dans ce domaine.
D- La définition des cadres intégrés :
L’article 2 VII entraîne un changement dans la définition des cadres « intégrés ». Nous avions
vu qu’il existe trois catégories de cadres dont celle-ci à laquelle on applique les règles
relatives au temps de travail. Les cadres intégrés sont maintenant définis comme ceux « dont
la nature des fonctions les conduit à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du
service ou de l’équipe au sein de laquelle ils sont intégrés ». La loi Fillon abandonne donc un
des critères posés par la loi Aubry qui consistait en la possibilité de déterminer par avance la
durée de leur temps de travail.
Un deuxième critère est modifié, il s’agit du suivi de l’horaire collectif. Il est actuellement fait
référence à la nature de leurs fonctions qui les amène à suivre l’horaire collectif. Selon la
circulaire de la direction des relations de travail, l’expression doit être comprise comme les
cadres dont le rythme de travail peut épouser l’horaire collectif283 (ils peuvent donc arriver un
peu en avance et partir un peu en retard), il n’est pas nécessaire que leurs horaires propres
s’identifient exactement ou en permanence à celui-ci. Ces modifications devraient conduire à
une extension du champ d’application de la notion de cadres intégrés.
E- Les règles de fonctionnement du CET :
L’article 227-1 du code du travail modifie le compte épargne temps284. Ce compte permet aux
salariés d’accumuler des droits à congé rémunérés. L’alimentation du compte provient, dans la
limite de 22 jours par an285, du report de congés payés, de jours de repos issus de la RTT, des
bonifications en temps de repos des 4 premières heures supplémentaires, ainsi que du repos
282 Revue fiduciaire de Droit Social, janvier 2003, pp. 10 – 11.
283 « Circulaire sur la réforme Fillon 2 », in Semaine Sociale Lamy n°1119 du 22 avril 2003 p 2 et 3.
284 « CET »
285 22 jours alors que le projet gouvernemental souhaitait le faire porter à 30 jours. De même, le délai
d’utilisation du compte devait être généralisé à 10 ans, or ce délai de 10 ans n’est applicable que dans
certaines conditions restrictives : avoir un enfant de moins de 16 ans et qu’un des parents est dépendant ou à
plus de 75 ans.
49
compensateur de remplacement. Ces congés doivent être pris dans un délai de 5 ans à partir de
la date à laquelle le salarié a accumulé un nombre de jours de congé au moins égale à deux
mois, ce délai est modulable par accord.
Avec la nouvelle loi, le législateur a modifié la finalité du compte épargne temps puisque
celui-ci permet aux salariés, en plus de l’accumulation des droits à congés rémunérés, de se
constituer une épargne (sous réserve de l’accord des partenaires sociaux286). Le CET permet
alors un accroissement personnalisé du temps de travail. Ainsi, lorsque la RTT sera organisée
sous forme de jours de repos, ces jours pourront être travaillés et être affectés au CET pour
être rémunérés. Le salarié profitera d’une rémunération plus importante alors que l’entreprise
bénéficiera de temps de travail supplémentaire pour un moindre coût puisque les heures
effectuées ne sont pas des heures supplémentaires287.
En effet, les droits affectés au CET peuvent être valorisés en argent.
Le Sénat va limiter cette possibilité de « monétarisation » à 5 jours de congés288. Il a ainsi
garanti au salarié le bénéfice d’un congé payé annuel d’au moins quatre semaines (seuil
minimum imposé par la directive européenne du 23 novembre 1993).
Certains auteurs, tels qu’Anne Bariet289, regrettent que l’on n’ait pas envisagé d’utiliser ce
compte dans le cadre d’un coinvestissement formation. Cette disposition va en tout cas
permettre de régulariser les accords qui envisageaient une telle possibilité avant la loi Fillon si
ils respectent les conditions prévues par la nouvelle loi. Par contre, cette disposition n’est
valide qu’à la date d’entrée en vigueur de la loi, cette dernière n’ayant pas d’effet rétroactif.
Pour Michel Morand, il s’agit d’une modification en profondeur de la conception du droit de
la durée du travail. En effet, le salarié peut alors faire le choix entre temps de repos et salaire
et définir un véritable projet individuel d’organisation du temps de travail.
F- Le régime de l’astreinte :
L’article 3 est relatif à l’astreinte, il prend le contre-pied de la jurisprudence du 10 juillet 2002
et de la loi Aubry puisque par une formule courte il énonce qu’ « exception faite de la durée
d’intervention, la période d’astreinte est décomptée dans les durées minimales visées aux
articles L.220-1 et L.221-4 », c'est-à-dire imputée dans les temps de repos quotidien et
286 Le CET doit résulter d’un accord collectif étendu, d’un accord d’entreprise ou d’établissement. Celui-ci
détermine si le CET permet de constituer un temps de repos capitalisé ou une épargne ou les deux à la fois, en
distinguant ce qui pourrait alimenter le temps de repos ou l’épargne.
287 MORAND (M.), « le compte épargne rémunération ou le moyen de choisir son temps de travail », in
Semaine Sociale Lamy n°1122 du 12 mai 2003.
288 « 1ère lecture par le Sénat », in Semaine Sociale Lamy du 4 novembre 2002, pp. 2 - 3.
289 BARIET (A.) et FRANCHET (S.), « 35 heures, ce qui va changer », in Entreprise et Carrières n°639 du 8 au
14 octobre 2002, pp. 14 - 23.
50
hebdomadaire. Cet article résulte d’un amendement de l’Assemblée Nationale. Elle illustre
encore une fois le dialogue entre la Cour de cassation et le législateur.
Le Sénat a voté le texte car la jurisprudence de la Cour remettait effectivement en cause
« l’ensemble de l’organisation du travail dans certains secteurs où l’astreinte constitue une
pratique courante inhérente à leur activité, notamment dans les secteurs médicaux et sociaux.
Cet arrêt a, en effet, pour conséquence d’interdire toute astreinte de nuit pour un salarié ayant
travaillé la journée, ou toute astreinte le week-end pour un salarié ayant travaillé la semaine ».
Pour autant, le dispositif inquiète notamment les organisations syndicales. Car s’il ne viole
pas le droit européen en la matière, il n’offre pas de garanties aux salariés. Les partenaires
sociaux sont donc invités à préciser le régime des astreintes par la voie de la négociation
interprofessionnelle et à en définir les contreparties.
Cet article ne donne pas de véritable solution de fond. En effet, faut-il considérer que la
période de repos n’est que suspendue par une intervention, ou qu’au contraire, l’intervention,
constituant un temps de travail effectif, interrompt la période de repos laquelle doit être
continue 290? Dans le dernier cas de figure, on serait conduit à octroyer à nouveau au salarié 11
nouvelles heures de repos après chaque intervention. De même, s’agissant du repos
hebdomadaire, aucune astreinte ne pourrait être programmée dés lors qu’il y aurait un risque
d’intervention.
C’est vers cette solution que tend la circulaire du 3 mars 2000 : l’astreinte est décomptée dans
les temps de repos tant que le salarié n’est pas amené à intervenir. Si une astreinte a lieu, le
repos intégral doit être donné à compter de la fin de l’intervention (sauf si le salarié a
bénéficié entièrement, avant le début de son intervention, de la durée minimale de repos
continue prévue par le code du travail, soit 11 heures consécutives pour le repos quotidien et
35 heures consécutives pour le repos hebdomadaire).
Toutefois, si l’intervention faite au cours de l’astreinte répond aux besoins de « travaux
urgents dont l’exécution immédiate est nécessaire pour organiser des mesures de sauvetage,
pour prévenir des accidents imminents ou réparer des accidents survenus au matériel », le
repos hebdomadaire peut être suspendu (le salarié a alors droit à un repos compensateur d’une
durée égale au repos supprimé) et il peut être dérogé au repos quotidien.
Le texte législatif perd donc une grande partie de sa valeur, la situation d’astreinte ne se
justifiant que par la possibilité d’intervention du salarié. Le texte ne règle pas non plus le sort
des salariés qui sont d’astreinte les jours fériés, les jours de RTT ou les jours non travaillés
des cadres ayant conclu un forfait jours291.
290 Article L.220-1 et L.221-4 du Code du travail.
291 MORAND (M.), « S’astreindre à être de repos », in Semaine Sociale Lamy n°1122 du 12 mai 2003, p 11.
51
G- Le régime des heures supplémentaires dans les entreprises de 20 salariés au plus :
L’article 5 modifie l’article 5 de la loi Aubry 2 en prévoyant une prolongation jusqu’au 31
décembre 2005 (en attendant un accord de branche étendu) du régime transitoire applicable en
matière d’heures supplémentaires pour les entreprises de 20 salariés au plus. Ainsi, les 4
premières heures supplémentaires font toujours l’objet d’une majoration salariale (et non d’un
repos compensateur de remplacement) et le taux de majoration reste de 10% (et non 25%).
Cette dernière disposition avait soulevé une certaine indignation chez les partenaires sociaux
car elle ne figurait pas dans la note qui leur a été remise par le gouvernement, ils n’ont ainsi
pas pu faire savoir tout le bien qu’il pensait de celle-ci.
Pour les entreprises passées à 35 heures depuis le 1er janvier 2003, la règle a été maintenue
que seules les heures au-delà de 36 heures s’imputent sur le contingent pour 2003.
H- Règles de versement de l’indemnité différentielle dans le secteur des établissements
médicaux sociaux :
L’article 8 intervient de manière spécifique dans le secteur des établissements médicaux
sociaux en réaction à la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation et ses
arrêts du 4 juin 2002. Elle vient préciser le régime applicable au complément différentiel de
salaire dans ces établissements. En effet, la jurisprudence de la Cour de cassation conduisait à
faire bénéficier les salariés de ce type d’établissement travaillant 39 heures, en plus de la
majoration salariale pour les heures effectuées entre 35 et 39 heures, de l’indemnité
différentielle destinée à compenser la perte de salaire liée au passage à 35 heures ! La loi est
donc venue corriger le tir en prévoyant que le complément différentiel de salaire n’est dû qu’à
compter de la date d’agrément de l’accord collectif. C’est donc l’agrément ministériel qui
marquera l’entrée en vigueur de ces accords.
§3- Dispositions relatives au développement de l’emploi :
L’article 9 est relatif à la réduction des cotisations à la charge de l’employeur. C’était encore
une fois l’un des engagements de Jacques Chirac pendant la campagne présidentielle.
Cette mesure était justifiée par la volonté d’éviter aux entreprises de supporter intégralement
le choc lié à l’augmentation du SMIC. Elle s’inscrit également dans le cadre des politiques en
faveur de l’emploi car l’exonération est un outil majeur de ce type de politique que l’on peut
52
voir utiliser dans le secteur des transports ou en faveur de certaines catégories comme les
jeunes ou les chômeurs de longue durée292.
Dorénavant, elle est détachée de la RTT, elle est justifiée par le soutien aux entreprises pour
les bas et moyens salaires. Elle a remplacé depuis le 1er juillet 2003 la réduction unique
dégressive sur les bas salaires293 et l’allégement Aubry 2. Elle s’adresse donc à plus
d’entreprises. Ses modalités de calcul font l’objet de dispositions transitoires pendant ses deux
premières années d’application. Elle a été critiquée par une fraction de la droite car elle ne
compensait pas totalement la hausse du SMIC.
A- Champ d’application :
La réduction de cotisations patronales de sécurité sociale s’applique aux salariés, c'est-à-dire
aux personnes titulaires d’un contrat de travail (on exclut donc les mandataires sociaux), au
titre desquels l’employeur est soumis à l’obligation d’assurance contre le risque de privation
d’emploi. Elle s’applique également aux salariés des établissements publics industriels et
commerciaux, des sociétés d’économie mixte, aux employeurs relevant des régimes spéciaux
de sécurité sociale des marins, des mines, des clercs et employés de notaire ainsi qu’aux
employeurs de salariés agricoles.
B- Formalisme :
Contrairement à la loi Aubry 2, la loi ne prévoit aucune obligation déclarative pour pratiquer
la réduction de cotisations. Toutefois, un contrôle a posteriori des conditions d’ouverture ainsi
que des modalités de pratique de cette réduction, pourra être opéré par les URSSAF à
l’occasion de contrôles. Les entreprises sont tenues à cet effet de tenir à disposition de ces
organismes certains documents.
C- Mode de calcul :
La réduction porte sur les cotisations patronales dues au titre des assurances sociales, des
accidents du travail et maladies professionnelles et des allocations familiales assises sur les
gains et rémunérations de l’article L.241-1 du code de la sécurité sociale, versées au cours
d’un mois civil.
292 BARIET (A.), « Refonte des charges sociales, l’heure des comptes », in Entreprise et carrières n°636 du 17
au 23 septembre 2002, pp. 4 - 7.
293 Dite « ristourne Juppé ».
53
La réduction est calculée chaque mois civil et pour chaque salarié. Elle est égale au produit de
la rémunération par un coefficient. Le mode de détermination de ce coefficient sera fixé par
décret en fonction de la rémunération horaire de chaque salarié.
Pour la période transitoire du 1er juillet 2003 au 30 juin 2005, pour les entreprises bénéficiant
au 30 juin 2003 de l’allégement Aubry, le coefficient maximal est de 0,26 ; il s’applique au
salaire minimum (SMIC et GMR). Il est dégressif, et nul quand les rémunérations atteignent
170% du salaire minimum.
Pour les autres entreprises, le coefficient maximal est fixé à 0,208 à compter du 1er juillet
2003, il est nul pour une rémunération horaire égale au SMIC majoré de 50%. Ce coefficient
sera porté à 0,234 au 1er juillet 2004. Il sera nul pour une rémunération horaire égale au SMIC
majoré de 60%. Un décret fixera un coefficient pour les salariés dont la rémunération ne peut
être déterminée selon un nombre d’heures de travail effectuées ou pour lesquels des
dispositions particulières en matière de durée maximale de travail sont applicables.
A partir du 1er juillet 2005, le coefficient maximum sera de 0,26 pour les smicards et sera nul
pour un salaire minimum de croissance majoré de 70%.
Un décret fixera la majoration de la réduction prévue en faveur de certaines entreprises
Corses294et pour les entreprises tenues de s’affilier à une caisse de congés payés.
D- Règles de cumul :
Enfin, la loi Fillon pose comme ses semblables le principe de non cumul des exonérations
partielles ou totales de cotisations patronales. Elle aussi prévoit des exceptions. Le cumul est
ainsi possible pendant la période transitoire seulement avec l’abattement pour temps partiel295
si l’entreprise n’est pas passée aux 35 heures et avec l’allégement dit « Robien ». Le cumul est
toujours possible avec l’aide de l’article 3 de la loi du 13 juin 1998, toutefois, la réduction
sera alors minorée296 ; ainsi qu’avec la réduction forfaitaire de l’article L.241-14 du Code de la
sécurité sociale297et avec le dispositif de soutien à l’emploi des jeunes en entreprises issu de la
loi du 29 août 2002298.
294 Pour les entreprises situées en Corse qui remplissent les conditions prévues par l’article 1466 C du Code
général des impôts.
295 Exonération des deux premiers alinéas de l’article L.322-12 du code du travail.
296 La réduction est cumulable jusqu’au terme des accords ou conventions conclus au titre de la loi de 1998.
Aucun nouvel accord ne peut par contre prétendre au bénéfice des dispositions de l’article 3.
297 Réduction de cotisations patronales au titre de l’avantage en nature dans le secteur des hôtels, cafés,
restaurants.
298 DERUE (A.), « La nouvelle réduction des cotisations patronales de sécurité sociale », in Semaine Sociale
Lamy n°1122 du 12 mai 2003.
54
L’article 15 prévoit que les accords conclus par des salariés mandatés ou des délégués du
personnel avant l’entrée en vigueur de la loi continuent à produire leurs effets, ils peuvent être
renouvelés ou révisés selon la même procédure. Par contre, ce mode de négociation est
abandonné pour les accords à venir. Cette innovation reprise par les accords Aubry n’a donc
pas été maintenue299. Si elle facilitait la participation syndicale dans les petites entreprises, elle
posait des problèmes de légitimité. En effet, si l’accord devait être approuvé par la majorité
des salariés, il n’en reste pas moins qu’à la table des négociations, le salarié mandaté se
retrouvait seul face à l’employeur.
Un dernier article, l’article 16, est relatif à la sécurisation juridique des accords collectifs
conclus sous l’emprise des lois Aubry 1 et 2, ceux-ci sont désormais réputés conclus sur le
fondement de la loi Fillon.
La loi Fillon sans être particulièrement prolixe comporte tout de même un certain nombre de
dispositions importantes. Elle semble bien répondre aux attentes des entrepreneurs sur certains
points :
SECTION 2- HARMONISATION DU SMIC ET ASSOUPLISSEMENT DES 35 HEURES :
UNE REPONSE A L’ATTENTE DES ACTEURS ECONOMIQUES.
§1- La nécessité de la réforme du SMIC :
La critique était quasiment unanime pour dénoncer le système mis en place par les lois Aubry.
On lui reprochait de renvoyer trop de points à la négociation collective, celle-ci conduisant à
des résultats non satisfaisants : les accords fixaient des minima trop faibles, à un niveau
inférieur au SMIC après revalorisation par exemple.
D’autre part, le système de garantie mensuelle de rémunération, en plus d’être complexe, ne
remplissait pas son objectif qui était d’assurer l’égalité entre les travailleurs.
299 Cette pratique a été introduite par l’arrêt de la Cour de cassation chambre sociale du 25 janvier 1995 « dame
Charre contre comité français de la faim » (un accord collectif peut être conclu par un salarié mandaté par une
organisation syndicale) et admise par la loi du 22 novembre 1996. Mais il n’a jamais été un mode général de
conclusion des accords collectifs d’entreprise en l’absence de représentation syndicale. Cette possibilité n’a
été ouverte que dans le cadre des accords RTT et privilégiée dans les entreprises de moins de 50 salariés
dépourvues de représentants syndicaux. BELIER (G.), « Les novations dans le droit de la négociation
collective », in Droit Social n°12, décembre 1999.
55
En effet, il ne bénéficiait pas automatiquement aux nouveaux embauchés (seuls 17 % des
accords prévoyaient son application immédiate aux nouveaux embauchés) et l’article 32, en
prévoyant d’étalonner le montant de la GMR sur le montant du SMIC « en vigueur à la date
de réduction », a fait en sorte que des disparités de rémunération apparaissaient entre les
salariés passant aux 35 heures suivant la date du passage. Ainsi, on a pu constater des
différences de rémunérations de plus de 50 euros entre les salariés passés aux 35 heures en
1998 et ceux passés aux 35 heures en 2002.
Il s’offrait alors au gouvernement deux solutions : soit créer un SMIC 35 heures aligné sur le
montant de la GMR 5 (ce qui aurait entraîner une hausse brutale du SMIC), soit assurer
l’harmonisation comme le prévoyait la loi Aubry mais en accélérant celle-ci (son
aboutissement était finalement prévu pour 2007 !) en gelant la création des garanties
mensuelles de rémunération, en faisant converger les différentes GMR sur la GMR de juillet
2002 (GMR 5) et en ralentissant leur réévaluation par rapport au SMIC.
C’est bien sûr cette dernière solution que le gouvernement a adoptée.
Cette réforme était bien indispensable car la vocation du SMIC est de garantir à l’ensemble
des salariés « une » rémunération minimum.
A- La méthode retenue :
Le gouvernement a donc choisi d’assurer une double convergence des GMR entre elles sur la
base de la GMR la plus élevée (la GMR 5) tout en revalorisant sur la même période le SMIC
horaire afin de combler l’écart. On pratique donc une harmonisation vers le haut. En
moyenne, les salariés gagneraient 2,16% en plus chaque année, soit 6,5% sur 3 ans. La
répartition de l’augmentation se ferait comme ceci : + 4,7 pour la GMR 1 à + 0,5 pour la
GMR 4 la première année.
Le gouvernement veut ainsi relancer la consommation des plus bas salaires, le SMIC devant
augmenter dans le même temps de 11,4% sur 3 ans.
Mais la GMR 5, sur laquelle s’alignent les autres garanties, augmente elle-même chaque
année, complexifiant ainsi l’harmonisation. Le gouvernement devrait alors accorder des
« coups de pouce » chaque année aux 4 premières GMR entre 0,2 et 1,6%.
De plus, les critères de revalorisation de la GMR sont proches de ceux du SMIC, dés lors,
l’évolution de ce dernier dépend largement encore une fois des « coups de pouce »
gouvernementaux, c'est-à-dire de choix politiques plus que de conditions économiques.
56
La réévaluation des GMR dépend désormais de l’indice des prix à la consommation des
ménages urbains dont le chef de famille est ouvrier ou employé ; la modification des critères
des GMR n’a pas fondamentalement changé la donne.
Elle a plutôt entraîné certaines inquiétudes chez les partenaires sociaux qui ont craint que la
modification des critères du SMIC ne soit pas provisoire, voire qu’elle cache une future
réforme de celui-ci, réforme très attendue par le MEDEF.
B- Le coût de la réforme :
Le coût de l’augmentation du SMIC, comme nous l’avons dit plus tôt, sera en partie compensé
grâce à la réforme de la politique d’exonération de charges sociales. Celle-ci est tournée vers
les bas salaires, elle devrait conduire à ce que seulement 4,6% de l’augmentation des salaires
reste à la charge des entreprises sur 3 ans, soit moins que le coût de l’augmentation normale
du SMIC qu’elles auraient du avoir à supporter.
On met donc à
contribution le Fonds pour la réforme des cotisations patronales. Le
gouvernement annonçait que celui-ci devait retrouver l’équilibre
en 2003 (alors que le
gouvernement précédent avait creusé sa dette pour 2000 à plus de 1,5 milliards d’euros).
Pour Christophe Radé300, l’augmentation de salaire va essentiellement profiter aux salariés
restés à 39 heures, pour les autres, l’augmentation pourrait être de seulement 0,6% (suivant la
date de passage à la RTT). Le pouvoir d’achat ne serait alors que faiblement revalorisé.
Certaines personnes au SMIC ne vont bénéficier d’aucune augmentation, elles sont placées
dans une situation d’inégalité. Pour Radé, elles financent en partie l’harmonisation.
Toutefois, l’harmonisation sera forcément inégalitaire dans son procédé, puisqu’elle doit
permettre de sortir d’une situation inégalitaire.
D’autres auteurs ou politiciens, comme Louis Sauvet301, s’inquiètent des conséquences d’une
hausse du SMIC sur la création d’emplois. En effet, augmenter d’un point le SMIC détruirait
1,5% des emplois concernés. De plus, cette nouvelle hausse, en étant dramatique pour
l’emploi, aurait des répercussions sur les recettes fiscales de l’Etat, sur le financement de la
Sécurité sociale, l’AGS et l’assurance chômage. On peut toutefois espérer qu’un tel constat
soit relativisé par le mécanisme d’exonération de charges pour les bas salaires.
Un autre effet pervers de la mesure a pu être soulevé : en augmentant le SMIC, on augmente
le nombre de smicards et d’emplois peu rémunérés. Cette critique, si elle ressort de la pure
logique et ne doit pas être occultée, n’est néanmoins pas de celles qui doivent conduire à
300 RADE (C.), « SMIC et RTT, la fin du cauchemar », in Droit Social janvier 2003, pp. 14 - 18.
301 Rapport n°35 devant le Sénat.
57
empêcher une mesure d’harmonisation ou d’augmentation du SMIC. En effet, elle conduirait
à un immobilisme, à un statut quo défavorable aux smicards qui ne pourraient compter que sur
l’évolution liée aux critères de réévaluation, évolution de 1 à 2% par an.
Le bilan de la réforme touchant au SMIC, même si il est prématuré, semble satisfaisant.
L’harmonisation va largement simplifier l’usage du salaire minimum302 et va lui rendre son
rôle d’une garantie unique visant à permettre à toutes les personnes qui le perçoivent de vivre
de manière décente. Toutefois, on peut craindre qu’elle freine à l’avenir toute augmentation
du SMIC. Un autre point tenait à cœur les entrepreneurs :
§2- Le recul sur la RTT dans les entreprises de 20 salariés au plus :
Les petites entreprises sont concernées par plusieurs dispositions de la loi (majoration limitée
à 10% pour les 4 premières heures…), mais elles sont également touchées de près par le
décret de 2002 (contingent porté à 180 heures). Ces entreprises sont restées pour la grande
majorité aux 39 heures, en effet, aux 1er septembre 2002, elles étaient approximativement 90%
à ne pas avoir franchi le pas des 35 heures.
Loin d’être une réticence purement idéologique, il paraissait peu évident à bien des égards
pour les TPE303 de passer à 35 heures. Le grand patron du MEDEF, Ernest Antoine Seillière
parlait d’une véritable « aberration ». Voyons ce qui a conduit le gouvernement à assouplir les
35 heures au profit de ces entreprises, puis nous analyserons les conséquences de cette prise
de position.
A- Une réponse aux pressions patronales :
Beaucoup d’entrepreneurs appréhendaient le passage aux 35 heures, par peur du coût de la
RTT mais aussi par manque d’informations. Pourtant, des réunions étaient organisées dans
chaque branche, mais celles-ci se sont raréfiées et le nombre de leurs participants est allé
décroissant. Une enquête réalisée par l’Observatoire des 35 heures304du 28 février au 5 mars
2001 auprès de chefs d’entreprises de moins de 50 salariés révèlent les principales raisons
évoquées par ceux-ci pour expliquer le fait qu’ils ne sont pas passés à 35 heures. Ainsi, pour
302 La période transitoire promet toutefois de réserver quelques surprises.
303 « Très Petites Entreprises ».
304 Cet Observatoire a été créé par l’Institut français des experts comptables et l’Union nationale des
commissaires aux comptes).
58
25% d’entre eux, le blocage vient du caractère compliqué de la loi, 33% d’entre eux
redoutaient l’importance des coûts qu’elle engendrerait tandis que 53% arguait des difficultés
et de la lourdeur d’application de cette législation.
Cette situation traduisait bien le scepticisme ambiant, le peu de foi en cette mesure et l’attente
d’un revirement.
La réduction du temps de travail était présentée comme cadrant mal avec la nécessaire
souplesse des petites entreprises. Souplesse dans l’organisation avec l’habitude dans certains
secteurs de régler à l’amiable les horaires d’activité, au jour le jour, afin que la main d’œuvre
soit disponible pendant les périodes d’activité importante, lors des grosses commandes. Cette
souplesse était remise en cause par les diverses exigences de la loi Aubry en matière de
prévisibilité des horaires. Souplesse financière également, la comptabilisation des heures
supplémentaires étant loin d’être stricte. Ces facteurs de souplesse sont présentés comme des
éléments clefs de la réussite économique des PME. Les TPE sont d’ailleurs réputées être la
catégorie la plus compétitive de l’économie française305.
La RTT devait aussi avoir un coût insupportable. En effet, entre les heures supplémentaires
qui devront être payées et l’éventuelle nécessité d’embaucher une personne en plus pour
compenser la RTT, les entrepreneurs craignaient de devoir fermer boutique ou du moins de
devoir faire de savants calculs afin de maintenir un budget équilibré.
Enfin, en lien avec le déficit d’informations, certains employeurs redoutaient d’entamer des
négociations en tête à tête avec leurs employés sans être au point sur les 35 heures. On peut
déplorer la quasi absence des interlocuteurs sociaux et le manque lié à l’absence de services
juridiques dans ce type de structures.
Les employeurs ont alors préféré attendre un assouplissement comme a pu en concéder le
gouvernement socialiste avec la circulaire du 17 octobre 2001 qui permet aux PME de
continuer de percevoir l’allégement Aubry sans qu’elles ne réalisent d’embauche si cette
impossibilité tient à la faiblesse de l’offre de main d’œuvre dans le secteur, mais surtout avec
le décret du 15 octobre 2001 qui permettait un passage aux 35 heures par étapes avec un
contingent de 180 heures supplémentaires pour 2002 (170 puis 130 heures les deux années
suivantes). Puis un véritable recul avec la loi Fillon, celle-ci facilitant le recours aux heures
supplémentaires dans une telle mesure que bon nombre de TPE seront tentées de rester à 39
heures. On a alors pu craindre que ces entreprises ne connaissent jamais les 35 heures :
305 MOREAU (I.), « Aie ! Ma petite entreprise passe aux 35 heures », in Liaisons sociales/ Magasine,
Novembre 2001, pp. 16 - 23.
59
B- Les effets pervers de la loi Fillon :
Entre un contingent d’heures supplémentaires fixé à 180 heures, la possibilité de « monétiser »
le compte épargne temps, la majoration de seulement 10% pour les 4 premières heures
supplémentaires…, la loi Fillon permet véritablement aux entreprises de moins de 20 salariés
d’user des heures supplémentaires de telle sorte d’assurer un maintien de l’horaire
hebdomadaire moyen à 39 heures.
Si cette loi répond aux attentes des entrepreneurs, on peut craindre des effets pervers. En effet,
cette situation pourrait conduire à un salariat à deux vitesses entre d’une part, les salariés des
grandes entreprises à 35 heures depuis 2000 et jouissant de repos supplémentaires sans
grosses pertes de salaires, et d’autre part, les salariés des TPE qui sont restés à 39 heures sans
avantage salarial306. Ceux-ci redoutent d’être mis à l’écart.
Par ailleurs, certains syndicats envisagent les 35 heures comme un argument attractif pour la
main d’œuvre. En effet, dans la restauration, le commerce, l’artisanat ou le bâtiment, les
employeurs connaissent des difficultés à recruter ainsi qu’à conserver leur main d’œuvre.
Ce phénomène est le plus perceptible dans la restauration où la durée légale était encore à 43
heures. Le cumul d’un travail fastidieux (43 heures par semaine), rémunéré au SMIC dans
60% des cas, avait souvent vite fait de décourager les volontaires. Le passage aux 35 heures
semble pouvoir apporter des solutions, il a d’ailleurs été adopté par un certain nombre
d’entrepreneurs.
C- Les petites entreprises aux 35 heures :
Elles sont donc près de 10% à avoir franchi le pas. Souvent, ces employeurs passés aux 35
heures sont des personnes soucieuses du respect du droit du travail qui souhaitent notamment
éviter tout procès devant les Prud’hommes. Il s’agit aussi de personnes intéressées par le fait
de donner une bonne image de leur entreprise ou qui saisissent cette opportunité pour en
modifier l’organisation. De meilleures conditions sont généralement un facteur de stabilisation
de la main d’œuvre.
Pour ce qui est du problème du coût du passage aux 35 heures, les entrepreneurs semblaient
satisfaits de l’aide apportée par le dispositif Aubry307, espérons que le nouveau dispositif
d’allégement de cotisations sociales ne bouleverse pas fondamentalement la donne. Pour
306 « La nouvelle bataille des 35 heures » in Liaisons Sociales Quotidien, Revue de presse n°2538 du 11
septembre 2002, pp. 1 - 4.
307 REY (F.), « Les bons tuyaux des pionniers de la RTT », in Liaisons Sociales/ Magasine de novembre 2001,
pp. 24 - 28.
60
éviter de supporter intégralement le coût d’une embauche, certaines entreprises ont mis en
place un système de personnel « volant » d’une entreprise à l’autre. D’autres entreprises se
sont engagées auprès d’agences d’intérim à faire appel régulièrement à certains intérimaires308.
Certaines entreprises ont profité des possibilités de flexibilisation en utilisant par exemple
l’annualisation par capitalisation, les heures supplémentaires sont récupérées (et non payées)
pendant les périodes creuses déterminées.
Dans le secteur du bâtiment, premier secteur à réclamer les 35 heures pour attirer de la main
d’œuvre, un accord de branche prévoit une RTT par étapes avec 4 possibilités de modulation.
Ainsi, l’étape 3 était marquée par le passage à une semaine de 36 heures sur 4 jours, avec 6
jours de congés supplémentaires (et une embauche).
Il ne faudrait pas non plus donner une image trop idyllique des 35 heures dans les TPE, en
effet, comme dans les grandes entreprises, elles se sont aussi traduites par une dégradation du
climat social liée à un blocage des salaires ou au changement de décompte du temps de
travail. Parfois, les salariés ont alors proportionné leur investissement personnel à leur paye !
Dans d’autres cas, les 35 heures se sont traduites par une intensification du travail, les
demandes de hausse de la productivité individuelle se sont accompagnées d’un changement
d’ambiance pendant les réunions (les restrictions horaires ont éliminé les rencontres ponctuées
par des dégustations et collations). Pour M. Klein309, cette intensification est importante car les
entreprises n’auraient en fait réduit le travail que de 2 heures 30 minutes puisque dans les
entreprises à 39 heures, le temps de travail effectif est estimé à 37h30, il y aurait donc sur les
39 heures près d’une heure 30 minutes de temps consacré aux pauses… qui aurait été
supprimée avec le passage à 35 heures.
De plus, le dialogue social n’a pas toujours été facile, surtout dans les secteurs où le droit du
travail est peu appliqué.
Toutefois, ces illustrations montrent bien que même si elle pose des difficultés, la RTT dans
les TPE est un objectif accessible, la plupart des patrons qui ont mis en place celle-ci avouent
être contents de l’avoir fait. De plus, la plupart des dispositions telles que le taux de
majoration de 10% et le contingent réglementaire ne sont pour l’instant que des mesures
transitoires.
308 Cette possibilité est douteuse, elle détourne quelque peu l’institution. Les intérimaires ne pouvant se
succéder sur un même poste, leur recours doit être justifié par un accroissement temporaire d’activité…
309 M. Klein, représentant de l’UIMM, le 1er avril 2003, lors du colloque « Les 35 heures, bilan et
perspectives », loc. cit.
61
Si la loi Fillon était destinée à résoudre les difficultés posées par la loi Aubry, elle l’a en partie
réalisée concernant le SMIC ou l’application des 35 heures aux TPE. Pour autant, tous les
problèmes ne sont pas réglés :
CHAPITRE 2 :
LES LIMITES DU DISPOSITIF FILLON :
Plusieurs points théoriques ont été soulevés après les lois Aubry, la loi Fillon semble soit
déplacer le problème, soit n’apporter aucune solution. De plus, en pratique, une certaine
désillusion fait que la loi ne devrait pas entraîner de profonds changements.
SECTION 1- LES INTERROGATIONS LIEES A LA LOI :
§1- Les difficultés posées par la loi :
62
La loi Fillon avait pour idéologie plus ou moins masquée de permettre aux entreprises de
rester à 39 heures (avec un taux de majoration qui peut être fixé à 10% par accord de branche)
mais surtout de permettre à ceux qui veulent gagner plus de travailler plus.
A- Améliorer sa rémunération :
Si cette opportunité est envisageable par le biais du compte épargne temps en « monétarisant »
une partie des jours RTT, cette possibilité est tout de même réduite par les règles de recours
aux heures supplémentaires. En effet, quoi qu’il arrive, c’est le chef d’entreprise qui a
l’initiative du recours aux heures supplémentaires et non le salarié, ce dernier sera donc
subordonné à la décision de son employeur. De plus, on a pu observer que les grandes
entreprises n’utilisaient que 30 à 50% du contingent annuel quand celui-ci était encore fixé à
130 heures (soit un recours en moyenne aux heures supplémentaires par salarié de 50 heures).
Les possibilités d’accroître sa rémunération sont donc limitées.
B- Augmenter le recours aux heures supplémentaires :
La loi Fillon devait permettre aux entreprises passées à 35 heures de recourir plus facilement
aux heures supplémentaires afin de conserver un horaire hebdomadaire proche de 39 heures et
de ne pas pâtir de la RTT notamment en terme d’organisation de l’entreprise. C’était une des
motivations du relèvement du contingent d’heures supplémentaires. Pour autant, cette faculté
est limitée au bon vouloir du salarié. En effet, si les salariés ne peuvent refuser d’accomplir
des heures supplémentaires (sauf dans certaines circonstances exceptionnelles) dans la limite
du contingent, le recours de manière régulière et massive à des heures supplémentaires
entraîne une modification du contrat de travail (la RTT est au moins stipulée dans une
convention collective, elle constitue donc un avantage acquis). Or le salarié peut refuser une
telle modification. Ainsi, il a été jugé que le recours habituel aux heures supplémentaires le
samedi constitue une modification du contrat de travail, de même, un bouleversement de la
répartition des horaires est une modification.
La loi Aubry avait éludé ce type de difficultés en posant le principe que la seule diminution du
nombre d’heures en application d’un accord RTT ne constitue pas une modification du contrat
de travail (article L.212-3 du Code du travail).
63
La jurisprudence a d’ailleurs largement confirmé cette position. En effet, la Cour de
cassation, par sa chambre sociale, a rendu un arrêt le 16 février 2003310 par lequel elle décidait
qu’une salariée à temps partiel qui passe d’un horaire de 65 heures à 58 heures 50 sans
modification du salaire (son taux horaire a été augmenté de 11,43%) en raison d’une RTT
résultant d’un accord d’entreprise conclu dans le cadre de la loi de 1998, ne peut se prévaloir
de sa qualité de salariée protégée pour refuser ce changement d’horaire.
Une RTT sans modification de la rémunération dés lors qu’un accord a été conclu s’impose à
tous les salariés. Elle ne constitue pas une modification du contrat de travail. La Cour occulte
la question de la modification de la structure de rémunération. Elle fait prévaloir le fait que la
disposition est plus favorable. Elle ne pratique pas de comparaison, elle affirme simplement
que l’accord collectif de RTT avec maintien du salaire antérieur est forcément plus favorable,
il prévaut donc sur le contrat de travail.
La cour privilégie donc l’intérêt collectif (l’emploi) sur l’intérêt individuel.
La primauté de l’accord collectif est également affirmée sur le statut protecteur des
représentants du personnel ce qui est plus contestable, la Cour passe en effet outre le fait
qu’aucune modification comme aucun changement des conditions de travail ne puissent être
imposés à un salarié protégé sans son accord311. La chambre sociale n’a d’ailleurs pas pris la
peine de vérifier que cette solution porte atteinte à la protection exceptionnelle et exorbitante
de droit commun dont jouit le salarié protégé ou à la possibilité d’exercer normalement son
mandat. Ce changement d’horaire pouvant conduire le représentant du personnel à ne plus
voir une partie des salariés embauchés à un horaire différent. Cet arrêt prend le contre-pied de
la jurisprudence antérieure sur la protection des représentants du personnel312.
Par contre, pour la loi Fillon, le contrat de travail pourrait bien être un bastion de résistance à
l’augmentation du temps de travail313.
Dans beaucoup d’entreprises, des salariés très satisfaits des 35 heures, ont refusé d’effectuer
des heures supplémentaires (notamment, chez PSA, dans la grande distribution…).
310 « RTT et modification du contrat de travail » in Semaine Sociale Lamy n°1113 du 10 mars 2003 pp. 10 11 ; MILLET (L.), « Accord de RTT sans perte de salaire et statut des élus et mandatés » in RPDS n°696
avril 2003 ; THOMAS (C.), « Accord de réduction du temps de travail Loi Aubry 1 », in RJS mai 2003, pp.
371 - 375.
311 Arrêt de la Cour de cassation chambre commerciale du 25 novembre 1997.
312 Par exemple l’arrêt de la cour de cassation chambre sociale du 23 janvier 2002 selon lequel les salariés
protégés ne peuvent pas refuser par avance aux dispositions d’ordre public instituées pour protéger leur
mandat.
313 MORAND (M.), « Augmenter le temps de travail », in Semaine Sociale Lamy n°1095 du 28 octobre 2002,
pp. 7 - 10.
64
De plus, l’application des nouvelles règles en matière de contingent, suppose la signature d’un
nouvel accord collectif, ce qui ne va pas sans poser certains problèmes (voire chapitre 2,
section 2, §2).
Néanmoins, si les heures supplémentaires sont inscrites à l’horaire collectif et qu’elles sont
justifiées par les nécessités de l’entreprise, qu’elles soient prévisibles ou non, l’entreprise peut
les utiliser de manière structurelle et ainsi rester à 39 heures314. Elles doivent donc être
motivées par des raisons économiques (surcroît d’activité, commande particulière), de
compétitivité, d’organisation des horaires…On retombe alors sur le problème de la
rémunération. En effet, si le salarié travaille à nouveau en moyenne 39 heures en dehors d’un
accord de modulation, on peut imaginer qu’il sera alors privé de l’indemnité différentielle ou
que celle-ci sera réduite (elle amortirait l’accomplissement d’heures supplémentaires). Si la
RTT s’est traduite par une augmentation du taux horaire, la rémunération sera en plus
augmentée du nombre d’heures supplémentaires réalisées grâce à la majoration.
La loi Fillon pose donc de nouvelles difficultés. Cette situation est d’autant plus dommageable
que certaines difficultés demeurent depuis les lois Aubry.
§2- Les problèmes non résolus :
De nombreux points d’accroche subsistent : la loi Fillon n’a rien prévu s’agissant des
questions relatives au temps de formation (comment distinguer le temps de formation
nécessaire à l’adaptation du salarié de celui utilisé pour son compte personnel ?), elle n’a pas
véritablement simplifié le régime de l’astreinte, elle ne règle rien au niveau de l’intensification
du travail et si elle harmonise les différentes GMR, de nombreuses interrogations relatives à la
rémunération restent en suspens dés lors que l’entreprise est restée à 39 heures ou pour le
maintien des salaires supérieurs au SMIC notamment.
Ici, nous allons nous attarder sur deux dispositifs particuliers repris par la loi Fillon. Le
premier est relatif à la négociation, le suivant au régime des cadres.
A- Les problèmes posés par le recours à la négociation collective :
314 Arrêt de la Cour de cassation chambre sociale du 9 mars 1999 : « les heures supplémentaires imposées par
l’employeur dans la limite du contingent dont il dispose légalement et en raison des nécessités de l’entreprise,
n’entraîne pas une modification du contrat de travail».
65
Les lois Aubry ont été largement novatrices en matière de négociations, elles ont notamment
créé la notion de négociations loyales et sérieuses « tendant à la conclusion d’un accord de
réduction du temps de travail » (article L.321-4-1 du Code du travail) comme préalable à
l’établissement d’un plan social. La loi Fillon a éliminé beaucoup de ces innovations.
La loi Fillon a ainsi supprimé la possibilité pour les salariés mandatés et les délégués du
personnel de signer de nouveaux accords de RTT. Ils peuvent simplement réviser ou
renouveler des accords antérieurs à la loi du 17 janvier 2003. Dommage, la CFDT voyait dans
le mandatement une opportunité pour le renouveau du syndicalisme. En effet, celui-ci
permettait aux syndicats de pénétrer les PME.
En supprimant le dispositif d’incitation au passage aux 35 heures (dispositif d’allégement de
la loi Aubry 2), la loi Fillon supprime également le recours aux accords dits majoritaires qui
imposaient que l’accord soit signé par un (ou plusieurs) syndicat non seulement représentatif
dans l’entreprise mais qui ait également recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des
dernières élections du comité d’entreprise ou des représentants du personnel. Ce type d’accord
avait les faveurs d’une partie de la doctrine et était mis en avant par le précédent
gouvernement car il semble plus légitime.
La légitimité du signataire étant d’autant plus importante que les négociateurs ne cherchent
plus à acquérir plus d’avantages mais plus de contre parties315. Pour autant, ce système n’est
pas la panacée. En effet, le taux d’abstention aux élections professionnelles est généralement
élevé, un syndicat peut être considéré comme majoritaire aux vues des scrutins exprimés alors
qu’il peut être dans le même temps largement minoritaire relativement au nombre d’inscrits316.
Une autre carence objectée aux accords majoritaires est que, dans beaucoup d’hypothèses,
aucun accord ne sera possible sans la CGT ou la CFDT.
Enfin, dans certaines situations, il pouvait être fait appel au vote direct des salariés sur le
projet d’accord. Ici aussi, cette solution empreinte de légitimité pose tout de même des
difficultés : la question posée aux salariés l’était-elle en toute objectivité ? Est-il normal que
l’ensemble des salariés répondent sur la nécessité d’une mise en place d’une modulation aux
effets négatifs qui ne concerne qu’un groupe restreint d’entre eux ?
Ces dispositifs présentent des carences mais il est dommage que la loi Fillon n’ait pas tenté de
les reprendre quitte à les aménager (en accordant le statut de syndicat majoritaire aux
315 RAY (J. E.), « Les grandes manœuvres de la négociation collective (à propos des articles 11 et 15 de la loi
Aubry)» in Droit Social janvier 2000 op. cit.
316 Cela nuit à la légitimité du syndicat, toutefois, on peut objecter que les problèmes d’abstention ne concernent
pas uniquement les élections professionnelles. En effet, des cas de figure similaires peuvent être rapportées
lors d’élections …présidentielles par exemple !
66
syndicats s’ils obtiennent effectivement la majorité relativement au nombre d’inscrits, comme
pour le droit d’opposition, et non par rapport au nombre de scrutins exprimés).
Comme la loi Aubry, la Loi Fillon pose une incitation à négocier si forte qu’elle frise
l’obligation. En effet, pour pouvoir bénéficier des dispositions de la nouvelle loi, un accord
doit être conclu. La loi Fillon met en avant, quant à elle, la négociation de branche. Seuls les
accords de branche étendus peuvent déroger à la loi, on accentue ainsi le poids de leur nature
réglementaire ainsi que leur autonomie par rapport à la loi. L’arrêté d’extension qui rend les
clauses dérogatoires applicables, ressemble à un agrément donné par le ministre.
Jacques Barthélémy 317parle d’une contractualisation du droit de la durée du travail.
Pour autant, l’auteur montre également la résistance du règlement. En effet, celle-ci résulte du
peu de confiance de l’Etat dans les corps intermédiaires, le progrès social n’étant jamais venu
de la politique contractuelle ( !). Il y a ainsi une multiplication des décrets.
On peut également y voir la volonté de protéger les salariés par l’adoption de mesures
obligatoires d’application nationale. A l’origine, on reconnaissait à la loi cette qualité. Cette
norme nationale impérative censée incarner la volonté populaire était la mieux à même
d’assurer un minimum de protection aux salariés. Les lois d’Allardes et Le Chapelier, en
supprimant les corporations, ont coupé le lien entre les représentants des travailleurs et la
réglementation du travail, et ont ainsi permis la toute puissance de la loi.
Mais avec la multiplication des grèves, l’Etat a souhaité un retour à la paix sociale et il a donc
redonné un rôle aux coalitions de travailleurs (loi de 1868). Afin de ne pas en rester à un
simple armistice et instaurer une véritable paix sociale, les lois de 1920 et 1921 ont conféré la
personnalité juridique aux syndicats et leur ont reconnu la capacité de conclure des
conventions collectives. Désormais, si les salariés sont insatisfaits de leurs conditions de
travail, c’est à leurs syndicats, à leurs représentants, qu’ils doivent d’abord s’adresser.
Mais cette mutation n’a pas été sans difficulté entre un Etat omnipotent et des syndicats plus
habitués à la contestation qu’aux pourparlers. Toutefois, l’évolution a bien eu lieu, facilitée
entre autre par les interventions du législateur : loi sur la représentativité (1950), sur le
paritarisme…Les partenaires sociaux sont de plus en plus amenés à participer au pouvoir
décisionnel.
Pourtant, on peut réfléchir sur le fait que l’objectif de protection des travailleurs soit transféré
de l’Etat aux partenaires sociaux. La négociation en France a été relancée par les dernières lois
sur la durée du travail. Aux vues des difficultés rencontrées, on peut s’interroger sur l’aptitude
317 BARTHELEMY (J.), « Droit de la durée du travail : la tendance à la contractualisation », in Droit Social
janvier 2003 pp. 25 - 32.
67
des syndicats à négocier en France. En effet, les négociations ont parfois commencé par des
grèves et ont souvent été longues pour des résultats non satisfaisants. De plus, le système de
représentativité laisse perplexe et a été souvent critiqué ; son caractère immuable, la perte
d’intérêt pour les élections professionnelles, la faiblesse des adhésions, le manque de
pertinence des critères de représentativité et la possibilité d’affiliation à un syndicat
représentatif, sont autant de facteurs qui font douter de la légitimité des syndicats pour
négocier et signer des accords au nom des travailleurs318. Dés lors, des hésitations entre
recourir au pouvoir réglementaire ou législatif et recourir aux syndicats sont possibles. Qui est
le mieux à même de protéger le salarié ? Qui peut le mieux le représenter ?
La loi Fillon reprend le système des lois Aubry, elle pose des limites à l’intérieur desquelles
les partenaires sociaux sont habilités à négocier, ils ne sont donc pas totalement libres
( des accords dérogatoires sont toutefois possibles comme nous l’avons vu par voie d’accord
de branche étendu).
Ils sont toutefois le « dernier rempart » contre les aspirations du patronat à réaugmenter la
durée du travail ou à modifier la majoration des heures supplémentaires.
B- Quels cadres pour quel régime ?
A force de remaniement, le régime applicable aux cadres en a perdu en clarté. La loi Fillon
s’inscrit-elle dans le sillage de la loi Aubry 319?
Elle reprend la distinction de la loi du 19 janvier 2000 entre trois types de cadres mais elle
abandonne par contre le critère permettant de les distinguer, à savoir si le cadre pouvait ou
non prédéterminer sa durée de travail.
S’agissant des cadres dirigeants, cadres quasiment exclus du champ de la durée du droit du
travail, la loi Fillon n’a pas apporté de modification à la définition. Ce sont donc les cadres
« auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande
indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps
et qui sont habilités à prendre des
décisions de façon largement autonome ». La jurisprudence320a contribué à rappeler le
caractère restrictif de cette définition, qui est en effet plus réduite que celle des cadres
318 ROSSANVALON (P.), « La question syndicale », Plon 1995. Voire aussi LABBEE (D.) et ANDOLFATTO
(D.), « Sociologie des syndicats », Repères 2001.
319 FAVENNEC- HERY (F.), « Loi Fillon : Quels cadres pour quel régime ? », in Semaine Sociale Lamy n°
1122 du 12 mai 2003, pp. 21 - 26.
320 TGI Paris, 19 décembre 2000, Fédération française des syndicats CFDT des banques et des sociétés
financières c/ Société Diac, RJS 4/01, n°461.
68
supérieurs. Elle ne concerne en fait que les cadres de direction ayant un pouvoir
d’infléchissement de la politique de l’entreprise ou de l’établissement. Il aurait paru
souhaitable que la loi Fillon reprenne la jurisprudence et rappelle l’impossibilité pour l’accord
collectif d’étendre la définition à d’autres catégories de personnel n’ayant pas ce niveau
d’autonomie et ce pouvoir décisionnel.
Nous l’avons vu, la loi du 17 janvier 2003 modifie la définition des cadres intégrés. Ceux-ci
sont soumis au droit commun de la durée du travail. Ils étaient définis à partir de deux
critères : la soumission à l’accord collectif et la prédétermination de la durée du travail. Il
n’était fait référence ni à la nature des fonctions exercées, ni au niveau de responsabilité. Ils
sont censés travailler au même rythme que les personnes qu’ils encadrent d’où leur
soumission au droit commun. Pourtant, leurs horaires ne doivent pas être calqués sur ceux de
leurs subordonnés.
La loi va donc éliminer la référence à la prédétermination du travail et définir ces cadres
comme ceux « dont la nature des fonctions les conduit à suivre l’horaire collectif applicable
au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel ils sont intégrés ». La circulaire
d’application321 précise que ces salariés « peuvent effectuer des heures supplémentaires en
nombre limité. Tel est le cas, par exemple, pour permettre la transmission de consignes ou
préparer le travail des jours suivants…Par exemple, ils peuvent en différentes occasions
arriver un peu avant le reste des membres de l’atelier ou du service ou partir un peu plus tard.
L’horaire collectif garde néanmoins son rôle structurant dans le rythme de travail de ces
cadres »
On ne voit pas en quoi l’accomplissement d’heures supplémentaires remet en cause l’horaire
collectif. S’il est intéressant de mettre en avant les critères de la nature des fonctions et de
l’indépendance qu’elle confère, on ne peut pas dire que la nouvelle définition enferme la
catégorie dans des critères précis.
Dans certaines conditions, les cadres intégrés peuvent bénéficier de conventions de forfait.
Toutefois, cette possibilité est d’avantage prévu en faveur des cadres autonomes et dans une
moindre mesure au profit des salariés itinérants non cadres.
Les cadres autonomes étaient définis par défaut dans la loi Aubry 2, il s’agissait des cadres ni
intégrés, ni dirigeants. On utilisait donc les critères de définition des cadres intégrés pour
déterminer celle-ci, à savoir que leur durée du travail ne pouvait être prédéterminée et qu’ils
321 Circulaire DRT n°2003-06.
69
ne relevaient pas de l’accord collectif. Or, avec la suppression du premier critère et la
modification du second, cette définition n’est plus pertinente.
La loi Aubry distinguait également entre les cadres pouvant bénéficier d’une convention de
forfaits jours des autres. Il s’agissait de cadres « dont la durée du travail ne peut être
prédéterminée du fait de la nature de leur fonctions, des responsabilités qu’ils exercent et du
degré d’autonomie dont ils bénéficient dans l’organisation de leur emploi du temps ». La loi
laissait à l’accord collectif le soin de préciser le champ d’application de la convention de
forfait. La jurisprudence s’est montrée là aussi très stricte dans l’analyse de ses trois
conditions.
La loi du 17 janvier 2003 prévoit désormais simplement que la « convention ou l’accord
définit, au regard de l’autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps, les catégories
de cadres concernés ». L’autonomie devient donc l’unique critère.
Or celui-ci est également utilisé pour qualifier les cadres dirigeants et les itinérants noncadres. L’autonomie est un critère inhérent à la nature même des cadres, on voit mal comment
il pourrait constituer un critère de distinction entre les différentes catégories de cadres322. Pour
Jean Emmanuel Ray, se référer à l’autonomie dont dispose les cadres pour leur ouvrir l’accès
au forfait jours amène à pouvoir appliquer à tous les cadres cette possibilité323.
La distinction entre cadres pouvant être soumis au forfait jours et cadres pouvant bénéficier
d’un forfait heures incombe aux accords collectifs.
On peut penser que les juges seront tentés dans de telles circonstances de recourir à nouveau
aux critères de prédétermination de la durée du travail, de la nature des fonctions et des
responsabilités exercées.
Pour ce qui est des salariés itinérants non cadres, la loi Aubry leur permettait de bénéficier
d’une convention de forfait annualisée en heures dés lors que leur durée du travail n’était pas
« prédéterminable » et qu’ils disposent d’une réelle d’autonomie dans l’organisation de leur
emploi du temps pour l’exercice des responsabilités qui leur sont confiées. La loi Fillon va
étendre le bénéfice du forfait heures ; en effet, elle conserve les mêmes critères mais les fait
jouer de manière alternative. Cela revient en quelque sorte à substituer le critère de
l’autonomie à celui de l’absence de prédétermination du temps de travail.
322 FAVENNEC-HERY (F.), « Mutations dans le droit de la durée du travail », in Droit Social janvier 2003,
pp. 33 - 39.
323 RAY (J. E.), « 35 heures : le forfait jours désormais applicable à plus de cadres », in Le Monde 4 février
2003.
70
La loi Fillon assouplit donc les critères de définition des différents types de cadres mais les
réponses apportées sont peu satisfaisantes et elles laissent en plus subsister des incertitudes.
En effet, certaines questions se posent notamment quant à la portée des clauses des accords
collectifs relatives aux cadres. La loi laisse une large part aux accords pour déterminer qui
peut bénéficier d’un forfait jours. Pour autant, les juges du fond n’ont pas abandonné la
définition aux partenaires sociaux. Ils ont effectué, nous l’avons dit, un contrôle strict. Ainsi,
la Cour d’Appel de Lyon avait précisé que « l’indétermination de la durée du temps de travail
doit résulter d’une impossibilité objective et non pas d’une décision des partenaires sociaux
ou des parties au contrat de travail de reconnaître au salarié, dans l’organisation de son emploi
du temps, une liberté qui ne découlerait pas nécessairement de la nature de ses fonctions et de
son niveau de responsabilité ».
Avec la loi Fillon, il y a, a priori, un recul de la loi sur l’accord collectif puisque l’appréciation
de l’autonomie est largement laissée aux partenaires sociaux. On peut dorénavant se poser la
question de savoir quel sera l’étendue du contrôle du juge ? Est-ce qu’il y aura une complète
autoréglementation de la durée du travail des cadres par les partenaires sociaux ?
D’autres interrogations ont trait au sort des accords passés antérieurement. En effet, la loi
Fillon régularise-t-elle les conventions qui ne satisfaisaient pas aux critères posés par la loi
Aubry mais qui sont valides par rapport à la nouvelle loi ?
Il semble que ce soit le cas dés lors que les accords définissent les cadres concernés et que les
partenaires sociaux les aient considérés comme suffisamment autonomes pour bénéficier
d’une convention de forfait (l’autonomie étant l’unique critère applicable). Ces accords sont
donc valides pour une période postérieure à la loi du 17 janvier 2003 (sauf s’ils ont fait l’objet
de réserves car ne définissant pas les catégories de cadres), ils échappent à d’éventuelles
poursuites.
Qu’advient-il des accords antérieurs passés en conformité avec les dispositions de la loi
Aubry ?
La circulaire d’application de la loi prévoit que « les partenaires sociaux conservent la
possibilité de négocier un avenant s’ils souhaitent élargir les catégories de cadres concernés au
regard de cette nouvelle définition ».
Les dernières interrogations ont trait à la compatibilité des Lois Aubry et Fillon. En effet, si la
loi Fillon reprend une partie du dispositif de la loi Aubry relatives aux cadres, la différence de
philosophie existant entre les deux lois nous amène à nous interroger sur l’interprétation à
donner à certaines dispositions.
71
Ainsi, un cadre bénéficiaire d’une convention de forfait jours peut-il toujours se prévaloir du
fait que cette convention ne respecte pas les règles de réduction du temps de travail ?
Faut-il toujours se référer à la charge de travail ?
Enfin, la loi Fillon ne répond pas aux difficultés liées au fait que le forfait jours a été décroché
de toute notion horaire alors que le droit du travail fait largement référence à un calcul horaire.
En effet, les cadres autonomes restent soumis, contrairement aux cadres dirigeants, à la
réglementation du travail relative au repos hebdomadaire et quotidien, au travail de nuit…Or,
faut-il exclure toutes les dispositions impliquant un décompte des heures ?
Une telle solution conduirait à ne pas leur appliquer les règles relatives au repos
compensateur, les règles relatives au temps de pause après 6 heures de travail324… Certains
pensent qu’il faut également les exclure du repos dominical en conséquence de leur autonomie
(alors qu’ils ne figurent pas sur la liste des personnes exclus).
La loi Aubry voulait apporter de la souplesse, permettre l’autogestion, ce choix du forfait
jours s’il répondait à l’attente de certains (« on ne va pas faire pointer les cadres ») n’en reste
pas moins contestable puisqu’il conduit à apporter une réponse partielle à la surcharge de
travail des cadres. En effet, s’ils bénéficient de plus de jours de repos, leur charge de travail
par jour n’a pas changé, voire a augmenté pour compenser leur jours de non présence. La loi
Fillon a élargi le champ d’application du forfait jours, Françoise Favennec-Héry craint qu’elle
n’ouvre une brèche vers une dérogation générale au droit de la durée du travail. La loi Aubry
souhaitait un aménagement du décompte du temps de travail et non soustraire une catégorie
de cadres de la protection de la famille, de la santé…
La loi Fillon laisse donc subsister des interrogations quant à l’application et à la compatibilité
des systèmes résultant des diverses lois relatives à l’aménagement du temps de travail. A côté
de ces difficultés, on va rencontrer sur le terrain de larges réticences à une modification des
acquis des lois Aubry 1 et 2.
SECTION 2- LA RESISTANCE DES ACCORDS AUBRY : ENTRE SOUHAITS DES
SALARIES ET FREINS DES PARTENAIRES SOCIAUX:
La loi Fillon était très attendue par une partie du patronat et des salariés car elle devait
apporter des solutions aux insatisfactions liées aux lois Aubry. Nous avons vu qu’elle était
324 FAVENNEC- HERY (F.), « Le forfait jours : une dérogation générale au droit de la durée du travail », in
Semaine Sociale Lamy du 20 janvier 2003, n°1106, pp. 8 - 9.
72
loin de fournir toutes les réponses souhaitées. A côté de cette carence, on va s’apercevoir
qu’elle a une application limitée et ce pour deux raisons :
§1- Le fruit de la volonté salariale :
Si la RTT n’est pas considérée comme la mesure la plus efficace pour réduire le chômage par
les français sondés par l’IPSOS en mai 2000325 (seulement 8% pensent que c’est « l’arme » la
plus efficace, contre 25% en faveur d’allégement de charges sur les bas salaires), six français
sur dix estimaient en effet que l’abaissement à 35 heures de la durée légale du travail est peu
(30%) ou pas du tout (29%) efficace pour créer des emplois.
Parmi les 35% de personnes croyant au bien fondé de cette mesure, on constate qu’une
majorité vient du secteur public, qu’elle est constituées de cadres ou d’anciens chômeurs, et
surtout, de bénéficiaires d’une réduction de leur temps de travail. Pour 37% d’entre eux, cette
mesure doit être accompagnée d’allégements de cotisations sociales (soit le modèle des lois
Aubry). On observe un fort niveau d’attente en matière de réorganisation de l’entreprise.
Au 31 mai 2000, la réduction du temps de travail concernait 37% des salariés, dont 54% du
personnel des grandes entreprises. Parmi eux, dans 57% des cas, le passage à 35 heures a été
sans conséquence sur le salaire. Pour 6%, l’augmentation de leur salaire a été plus faible,
contre 8% qui ont connu une baisse de salaire et 25% qui ont subi un gel de celui-ci. En avril
2003, elle concernerait 78% des salariés.
La RTT s’est traduite par des congés supplémentaires pour 28% des salariés, par une
réduction des horaires quotidiens pour 24%.
30% des salariés à 39 heures déclarent accepter une baisse de leur salaire en contrepartie
d’une RTT. Ces statistiques contrebalancent les affirmations du gouvernement actuel sur la
volonté des français de vouloir gagner plus. On peut d’ailleurs citer à nouveau l’exemple des
ouvriers de PSA qui ont refusé d’effectuer des heures supplémentaires tant ils semblaient
satisfaits par leur nouveau rythme de vie.
L’utilisation du temps libéré est majoritairement orientée vers la vie familiale et les loisirs.
Peu de salariés profitent de cette opportunité pour s’engager dans la vie associative ou pour
suivre une formation professionnelle.
Enfin, les ouvriers sont massivement opposés au travail du dimanche (73%) ou du samedi
(53%).
325 « Passage aux 35 heures : l’essayer s’est l’adopter ». www.IPSOS.com
73
Quatre français sur dix estiment le bilan des 35 heures positif, si l’on restreint l’étude aux
seules personnes bénéficiant d’une RTT, on observe qu’elles sont 63% à avoir cet avis et à ne
pas souhaiter un retour en arrière. Selon une étude réalisée par la DARES de novembre 2000 à
janvier 2001326, 59% des salariés pensent que la mise en place de la RTT représente une
amélioration de leur vie quotidienne, contre 13% qui estiment qu’elle constitue une
dégradation (sans doute des victimes du travail le week-end ou du travail dit tardif).
Pour 26% des salariés sondés, la mise en place de la RTT constitue une amélioration de leur
condition de travail, contre 28% qui l’assimilent à une dégradation des conditions de travail.
Ils sont donc tout de même 46% à affirmer que la RTT n’a pas provoqué de changement.
Relativement aux conditions de travail, la RTT s’est traduite par une exigence de polyvalence
accrue pour 48% d’entre eux, par moins de temps pour effectuer les mêmes tâches pour 42%
et par davantage de stress dans son travail pour 32%. Mais 24% des salariés dénoncent
également une durée du travail effectif supérieure à celle prévue dans l’accord de RTT.
La RTT ne fait pas l’unanimité auprès des salariés car elle est souvent synonyme de
polyvalence, d’intensification du travail voire de dégradation, pour autant, pour les personnes
en bénéficiant, 52% d’entre elles pensent que la RTT doit constituer une priorité contre 40%
pour l’ensemble des français.
Un sondage du CSA du 17 septembre 2002 (http://www.csa-tmo.fr) montre également les
différences de résultats selon que l’on s’adresse aux salariés ou à l’ensemble des français. A la
question : « vous savez que le gouvernement souhaite profondément modifier le système des
35 heures notamment en autorisant les entreprises à recourir davantage aux heures
supplémentaires et à racheter à leurs salariés leurs RTT. Personnellement, souhaitez-vous que
le système des 35 heures :
-
soit profondément modifié comme le souhaite le gouvernement ?
-
reste comme il est actuellement ? »
51% des français ont répondu dans le sens d’un changement et 43% pour l’inertie (6% sont
sans opinion). Ce souhait était plus particulièrement marqué chez les femmes (53% espéraient
une modification contre 41% qui se prononçaient pour un statut quo), chez les plus de 65 ans
(66% contre 23%) et bien sûr chez les partisans de la droite (76% contre 20%).
Parmi l’échantillon masculin des sondés et parmi les cadres, les positions étaient relativement
équilibrées. En effet, 49% étaient favorables à une modification contre 46% en faveur du
maintien du système Aubry (48% et 45% pour les cadres).
326 In Rapport d’information de Joseph Ostermann au nom de la Commission des finances, du contrôle
budgétaire et des comptes économiques de la nation.
74
En revanche, 51% des employés et professions intermédiaires (contre 45%) et 55% des
ouvriers (contre 42%) auraient préféré conserver le dispositif Aubry. De même, ils étaient
53% des 25 à 34 ans à soutenir celui-ci contre 43%.
A gauche, ils étaient en moyenne 60% à se prononcer pour le maintien du système contre
34%. Cette tendance était plus particulièrement observable au P.C. (71% contre 29%) alors
que chez les verts, ils n’étaient que 51% à souhaiter que le système reste identique à ce qu’il
était avant la loi Fillon.
On ne peut donc pas dégager de manière tranchée à partir des sondages si un système est
davantage souhaité que l’autre. Globalement, les réfractaires aux 35 heures sont les inactifs et
les retraités ainsi que les cadres pour lesquels les lois Aubry n’ont pas fondamentalement
changé la donne, alors que ses partisans sont les « jeunes » ainsi que les ouvriers et les
employés.
§2- Des négociations hypothétiques :
C’est l’un des points fondamentaux qu’il faut soulever : la loi n’a qu’un rôle supplétif, si elle
remet effectivement en cause la RTT, l’essentiel des assouplissements ne sont applicables que
sous réserve de négociations de branche voire d’entreprise. Or, après d’âpres négociations, qui
ont parfois durée plus de deux ans comme à la FNAC de Paris327, peu d’entreprises veulent
remettre en cause l’équilibre trouvé. La RTT est véritablement entrée dans les mœurs.
Par la négociation, M. Fillon a voulu réécrire une loi sur la RTT mieux adaptée aux
entreprises et aux salariés. Le patronat voulait une hausse du contingent d’heures
supplémentaires et une diminution corrélative de la majoration de celle-ci. Mais en pratique,
peu d’employeurs sont passés à l’acte, privilégiant la paix sociale328. Ainsi, on a pu constater
un piètre succès de la monétisation du compte épargne temps et de l’extension du champ du
forfait des cadres.
Pourtant les disfonctionnement liés à la loi Aubry existent. Mais les commissions de suivi de
la loi Aubry permettent les réajustements : organisées chaque année, elles donnent l’occasion
aux partenaires sociaux de rediscuter les points litigieux de l’accord.
La loi Fillon organise quant à elle la négociation au niveau des branches. Ce choix, s’il peut
paraître judicieux à certains égards, risque tout de même de mettre en avant les dissensions
entre les volontés des syndicats locaux et les directives des confédérations.
327 « Accord 35 heures, le délicat équilibre », in Entreprise et carrières n°658 du 25 février au 30 mars 2003, p
3.
328 « Les accords RTT résistent à la loi Fillon » in Entreprise et carrières n°658, pp. 14 - 19.
75
Les branches ont 18 mois pour faire des propositions au gouvernement, mais dans les
télécoms, la chimie, les transports ou les organismes de formation, la loi Fillon n’est pas à
l’ordre du jour329.
Dans le secteur propreté, les négociations lancées actuellement concernent l’épargne salariale,
la formation professionnelle et les primes. Dans le secteur des transports, les préoccupations
du moment sont relatives aux transports sanitaires et aux conditions salariales.
Les branches n’ont pas digéré les 35 heures et jugent l’apport de la loi Fillon insuffisant,
celui-ci ne justifierait pas d’ouvrir de nouvelles négociations dont le coût et les risques
inhérents sont trop élevés.
En effet, plusieurs branches ne se satisfont pas des évolutions proposées par la loi Fillon tant
sur les cadres autonomes, les itinérants ou encore les agents de maintenance et les techniciens
SAV pour lesquels le forfait annuel en heures est mal adapté. La métallurgie est mécontente
sur le maintien du contingent d’heures supplémentaires qui reste à 90 heures en cas d’accord
de modulation alors que pour d’autres branches, le recours au contingent est quasiment inutile.
L’UIMM se plaint également de ne pas pouvoir ouvrir la possibilité du forfait jours à plus de
personnes.
Le compte épargne temps présente certains avantages mais il pose des problèmes de
trésorerie. En effet, il entraîne une certaine imprévisibilité financière du fait que les salariés
peuvent choisir d’être payés ou de cumuler des jours de repos, il en résulte des problèmes de
gestion à court et à moyen terme.
La loi Fillon permet de négocier sur 4 points : le contingent conventionnel d’heures
supplémentaires, la majoration des heures supplémentaires (qui doit être supérieure à 10%), le
repos compensateur (à partir de combien d’heures travaillées est-il déclenché ?) et sur les
possibilités de monétiser ou non le compte épargne temps. On peut se demander s’il y aura de
nombreux syndicats prêts à signer un accord prévoyant une majoration des heures
supplémentaires de seulement 10%. Les négociations sur les 35 heures ont amené les
syndicats à transiger sur les contreparties accordées au patronat en échange de la réduction du
temps de travail. Or la loi Fillon ne semble pas permettre un équilibre puisque les évolutions
proposées sont nettement à l’avantage des employeurs avec de biens faibles contreparties pour
les salariés (au mieux la perspective d’un salaire plus élevé), on ne peut pas parler de système
gagnant- gagnant ou d’accord donnant- donnant comme avec les lois Aubry.
329 « Branche professionnelle : le débat n’aura pas lieu » in Entreprise et carrières n°658du 25 février au 30
mars 2003.
76
En effet, la loi Aubry s’inscrit dans la logique du droit précédent puisqu’elle concilie
aspirations sociales (RTT) et contraintes économiques (flexibilité) alors que la loi Fillon ne
fait que développer la modulation et l’annualisation, tout en abandonnant la RTT. Pour
Françoise Favennec-Héry, il y a un déplacement de la protection de la santé des salariés vers
des impératifs d’organisation et de défense de l’entreprise330.
La loi Fillon n’impose pas la négociation puisque celle-ci est déconnectée de l’abattement de
cotisations. Ainsi, des entreprises, comme la FNAC qui a mis deux ans pour trouver un accord
qui sera approuvé par la majorité du personnel, ne vont pas risquer de briser cet équilibre
compte tenu du coût des négociations et de l’incertitude de parvenir à des résultats probants.
Elcobrandt quant à elle, a du renégocier un nouvel accord en raison de la cession d’une partie
de l’entreprise. Loin d’en profiter pour intégrer les apports de la loi Fillon, l’entreprise a
conservé les acquis et s’est simplement attaché à résoudre les disfonctionnements liés au
précédent accord331.
Parmi les grandes entreprises, seule Toyota s’est montrée intéressée par les dispositions de la
nouvelle loi. En effet, étant sans cesse à la recherche d’heures disponibles, elle avait déjà
prévu que les heures supplémentaires effectuées alors que le délai de prévenance n’était pas
respecté donnaient automatiquement droit à une majoration de 50% (au lieu des 25%).
Désormais, elle mise sur l’intérêt des salariés pour la monétisation du compte épargne temps.
Les PME, nous l’avons vu, sont également susceptibles d’être intéressées par le dispositif
Fillon, mais les tentations de rester à 39 heures sont contrebalancées par la nécessité de
devenir attractif pour la main d’œuvre dans certains secteurs.
La simplicité n’est pas de mise et les entreprises se retrouvent face à des choix cornéliens.
La loi Fillon prend donc nettement le contre-pied des dispositions des lois Aubry. L’idéologie
qui guide ces deux auteurs est différente. Pour Martine Aubry, ces lois avaient pour principal
objet la création d’emplois et ont eu pour conséquence indirecte l’amélioration de la vie non
professionnelle pour beaucoup avec un accroissement des loisirs332 mais aussi parfois une
dégradation des conditions de travail à cause de son intensification.
La loi Fillon était attendue pour répondre aux carences liées au système de RTT des lois
Aubry ; pour partie, elle a permis d’échapper au moins momentanément au passage aux 35
330 FAVENNEC- HERY (F.), « Mutations dans le droit de la durée du travail », in Droit Social janvier 2003,
pp. 33 - 39.
331 LACOURCELLE (C.), FRANCK (E.) et BARIET (A.), « Renégociation : on ne change pas un accord qui
marche », in Entreprise et carrières n°658.
332 Et la reconnaissance d’un droit à la paresse cher à Lafargue ?
77
heures. Elle devait permettre à ceux qui veulent gagner plus de travailler plus par un recours
facilité aux heures supplémentaires. Elle irait donc à l’encontre de la création d’emplois. Le
ministre de l’emploi ne présente pourtant pas sa loi comme telle, celle-ci est également
destinée à dynamiser le marché du travail en offrant davantage de liberté aux entreprises et
aux salariés. On peut être quelque peut sceptique sur les effets de la loi Filon en matière de
créations d’emplois, seul le maintien de l’allégement de cotisations patronales au profit des
bas et moyens salaires fait illusion. Le gouvernement n’est pas dupe. Il a d’ailleurs pris un
certain nombre de mesures pour l’emploi en dehors de la loi relative aux salaires, au temps de
travail et au développement de l’emploi.
Ainsi, il souhaite inciter à l’embauche des jeunes non qualifiés par les entreprises en leur
offrant « contrairement au gouvernement socialiste, des emplois non précaires » puisque les
emplois proposés aux 16-22 ans non titulaires du bac doivent être pourvus grâce à un contrat à
durée indéterminée (à temps complet ou à temps partiel). Cette incitation consiste en le
versement d’une aide sur 3 ans par exonération de charges333.
Le gouvernement relance le contrat initiative emploi en octroyant de manière plus favorable
l’aide aux entreprises qui embauchent un demandeur d’emploi en difficulté. En effet, l’aide
est accordé pour l’embauche d’un chômeur depuis 18 mois contre 2 ans auparavant. De plus,
l’aide est portée de 2 à 5 ans pour l’embauche d’une personne de plus de 50 ans et le
versement de l’aide est devenu trimestriel.
Il favorise la reprise d’activité avec le RMA qui complète le RMI334.
Il réforme les CES et les CEC. Ceux-ci profiteront à plus de personnes (de 160 000 à
240 000). La prise en charge par l’Etat de 95% pour les jeunes est pérennisée.
Il crée le Civis pour l’insertion des jeunes qui est une mesure d’accompagnement vers la
création et la reprise d’entreprises. Il favorise également les emplois d’utilité sociale dans les
associations.
Le gouvernement va doubler le budget consacré aux cellules de reclassement afin d’aider les
salariés qui perdent leur emploi dans des conditions difficiles notamment en raison de
mutations économiques.
L’Etat va favoriser la reprise ou la création d’entreprises par des personnes en difficulté. Les
primes et droit de tirage sur des prestations de conseil et d’accompagnement devraient
concernés de 8 000 à 11 000 bénéficiaires
333 CHAMPEAUX (F.), « Assouplissement des 35 heures, SMIC, allégement des charges », in Semaine Sociale
Lamy n°1089 du 16 septembre 2002.
334 Voire le mémoire de Mr LECOCQ Jean-François, « Vers un revenu minimum d’activité », 2003.
78
Enfin, le gouvernement souhaite encourager l’emploi des seniors. Les entreprises qui
embauchent des plus de 45 ans seront exonérées de la contribution Delalande (au lieu de 50
ans).
Le gouvernement mise donc sur la liberté laissée aux entreprises et sur les dispositifs de
soutien financier, estimant de manière traditionaliste que seuls les allégements de cotisations
sociales sont à même de conduire les chefs d’entreprise à créer des emplois.
Pourtant, une politique de réduction du temps de travail ne peut-elle pas être envisagée pour
créer des emplois ? Quelle est la conception de la durée du travail chez nos voisins
européens ?
La vision française a-t-elle quelque chose d’universelle ? La révision opérée par la loi Fillon
tendrait-elle vers une harmonisation du temps de travail en Europe ?
79
PARTIE 2 :
LES DIFFERENTES CONCEPTIONS DE LA DUREE DU TRAVAIL EN
FRANCE ET EN EUROPE
81
La loi Fillon du 17 janvier 2003, nous l’avons vu, coupe la relation abaissement de la durée du
travail/création d’emplois. Cette perspective était pourtant partagée par de nombreux auteurs
qui voyaient en elle un des seuls moyens de sortir de la spirale du chômage mais aussi une
autre façon de concevoir la société (section 1). Pour autant, la RTT a-t-elle inspirée d’autres
pays, ou, au contraire, la révision opérée permet-elle aux entreprises françaises de rester
compétitives face à leurs concurrents étrangers (section2) ?
81
CHAPITRE 1 :
LE TEMPS DE TRAVAIL ENVISAGE PAR LES COURANTS
ALTERNATIFS :
La loi Fillon avait permis de lancer le débat sur le fait que, pour la première fois, la loi a
permis de réaugmenter le temps de travail. En effet, toutes les législations précédentes depuis
1841 ont conduit à une diminution du temps de travail335. On a alors pu observer des prises de
positions tranchées. Pour les progressistes, faisant valoir le poids de l’histoire, la réduction du
temps de travail est un processus logique au cours du siècle, la législation doit permettre sa
poursuite. Pour les conservateurs, ce n’est pas à l’Etat d’intervenir, il risquerait de troubler
l’ordre social. Dés lors, se prononcer contre la RTT serait accepter une société fondée sur le
travail, et se placer favorablement à celle-ci serait militer pour une société dans laquelle le
travail n’est plus le moyen d’insertion sociale et de réalisation de soi336. Tentant de dépasser
ces clivages, quelques auteurs essayent de démontrer l’utilité d’une réduction du temps de
travail pour l’emploi et la société.
SECTION 1- LES 32 HEURES POUR UN PARTAGE DU TEMPS DE TRAVAIL :
De nombreux auteurs ont développé le modèle d’une semaine de travail de 32 heures comme
réponse au chômage. Le premier a été sans doute Michel Rocard (d’après un projet initial de
Georges Marchais et de François Mitterrand). Ses idées ont été reprises par Jacques Rigaudiat,
conseiller du gouvernement Jospin sur les 35 heures et Pierre Larrouturou337, dont nous allons
exposer le projet ( §1). Les autres projets présentent des similitudes, nous mettrons également
en évidence leurs différences (§2).
335 Avec une exception préalable tout de même : le rallongement du temps de cotisation retraite dans le secteur
privé à 40 ans en 1993 sous l’impulsion d’Edouard Balladur.
336 Cf. HABERMAS (J.), « Ecrits politiques », Editions du cerf, Paris 1990 et GORZ (A.), Adieux au
prolétariat, Galilée, Paris 1980.
337 LARROUTUROU (P.), « 35 heures, le double piège », Edition Belfond 1998.
82
§1- Le modèle de Pierre Larrouturou :
« Les êtres humains sont trop importants pour être traités comme de simples symptômes du
passé ». Lytton Strachey.
Pierre Larrouturou se pose comme un défenseur de la semaine de 4 jours. Partant du constat
que « la paix sociale a été achetée à crédit », les revenus et la protection sociale des chômeurs
étant financés par les déficits publics, que la société traverse une crise (de l’emploi,
économique, du lien social et humain, de la participation et de la représentation politique, du
sens et de l’identité) et que la croissance est insuffisante à elle seule à créer des emplois, il
propose un modèle alternatif d’une semaine de travail de 4 jours dont la compensation avec le
salaire antérieur serait assurée au moins partiellement par le financement de l’UNEDIC.
Cette mesure doit s’accompagner d’autres dispositions telles que l’abaissement du coût du
travail (afin d’éviter les délocalisations…), relance de la négociation sociale, élaboration
d’une politique internationale de la concurrence et amélioration de la qualification (par la
formation toute la vie par exemple).
Pour Pierre Larrouturou, un partage du temps de travail est nécessaire, ce partage allié à la
croissance pourrait créer des emplois. Pour démontrer le bien fondé de cette remarque, il
observe que tous les pays pratiquent un partage du temps de travail mais selon des modèles
différents. Ainsi, le faible taux de chômage au Japon serait en partie dû à la faible part des
femmes dans la population active, celles-ci restant au foyer. Aux Etats-Unis, le partage
s’effectue entre emplois qualifiés à temps plein et les emplois précaires où la personne est
occupée entre 10 et 15 heures. Le Royaume-Uni connaît une situation similaire avec 500 000
personnes employées moins de 5 heures par semaine (elles ne sont alors pas comptabilisées
comme chômeurs338). Aux Pays-Bas, le partage est réalisé par le biais du temps partiel. Les 32
heures ne constitueraient dés lors qu’une nouvelle forme de partage à vocation égalitaire
puisque s’appliquant à l’ensemble de la population.
Il reprochait au passage à 39 heures son caractère imposé puisqu’il n’a donné lieu à aucune
négociation dans l’entreprise, cette décision unilatérale d’application immédiate et générale
était impropre à créer des emplois. Par contre, il croyait aux 35 heures car elles ont donné lieu
338 On a remarqué que l’espérance de vie à la naissance a commencé à diminuer pour la partie la plus pauvre de
la population britannique !
83
à un débat, il s’agit d’une réduction massive du temps de travail, la masse salariale est
inchangée. De plus, son application n’est pas immédiate et semble adaptée. Enfin, elles sont
accompagnées d’incitations fortes à embaucher.
Toutefois, il défend les 32 heures car il estime qu’une réduction du temps de travail équivalent
à seulement une heure par jour est inapplicable à certains secteurs et qu’elle ne créera que peu
ou pas d’emplois.
En effet, tant que les gains de productivité resteront supérieurs à la réduction du temps de
travail, elle ne permettra pas de créer des emplois. Il craint également que l’annualisation
élimine l’effet des 35 heures.
Dans son projet, Pierre Larrouturou souhaite une maîtrise de la masse salariale grâce à des
exonérations.
A- Le contrôle de la masse salariale :
Pierre Larrouturou se prononce pour une suppression des cotisations chômage pour les
entreprises qui passeront à 4 jours et créeront au moins 10% d’emplois. Cette suppression doit
amortir une partie majeure de la RTT et des nouvelles embauches. Il n’y aurait plus alors qu’à
baisser les salaires de 2 ou 3%, ou ne pas toucher aux bas salaires et diminuer seulement les
« gros salaires » de 5%.
Cette solution revient à faire le choix entre cotiser pour le chômage ou payer pour l’emploi.
B- L’organisation du travail :
Les 4 jours sont l’occasion de repenser fondamentalement l’organisation du travail. Ce
passage pourrait se faire « en douceur » sur plusieurs mois ou plusieurs années afin d’éviter
notamment que les entreprises aient à réaliser 10 à 15% d’embauches d’un coup de salariés
nouveaux, non formés.
Cette RTT se doit de satisfaire les aspirations des salariés quant à la gestion de leur temps.
Ainsi, il parle de 4 jours « à la carte » qui pourrait se concrétiser par une semaine libre toutes
les 5 semaines ou un mois de libre tous les 5 mois dans les entreprises à forte main d’œuvre.
Les choix de flexibilité interne sont alors étendus et pourront permettre de répondre aux pics
d’activités occasionnels et à la saisonnalité.
Pour les cadres, il préconise par contre une réduction journalière du temps de travail car elle
seule aurait un sens. Il répond ainsi à l’une des critiques de la loi Fillon.
Enfin, la réorganisation doit être combinée avec une réflexion sur la qualité.
84
C- Les problèmes posés par la semaine de 32 heures :
Certains mettent en avant que ce type de mesure est favorable au développement du travail au
noir. Le recours au travail au noir est déjà massif chez les artisans et les chômeurs qualifiés.
La lutte contre ce dernier passe donc par la lutte contre le chômage (objectif des 32 heures),
mais aussi par la baisse du coût du travail et par plus de sanctions à l’encontre des
contrevenants.
Le principal problème de ce projet est sans doute le peu de crédibilité accordé par les
politiques. En effet, ceux-ci ont une croyance forte en l’économisme et la croissance. De plus,
parler de baisse des salaires et d’un financement par l’UNEDIC est un sujet tabou. Pierre
Larrouturou déplore le manque de débats approfondis au sein des partis. La droite est
influencée par les idées ultralibérales et ne mène pas de réflexions à long terme en la matière.
Les blocages ne sont pas seulement politiques. En effet, on les retrouve dans la population, en
partie en raison d’un manque d’informations. On peut parler d’un blocage culturel : d’une
peur de la nouveauté, de l’inactivité pour certains. De plus, on remarque une tendance à plus
travailler et à survaloriser cette valeur en période de crise.
Les syndicats, quant à eux, sont plutôt favorables à une telle réduction mais ne se mobilisent
pas sur ce sujet. Le MEDEF s’y oppose tout naturellement car cette RTT va à l’encontre de la
flexibilité nécessaire aux entreprises (cet argument était soulevé par les syndicats de patrons
en 1893 pour maintenir le travail des enfants), elle risque d’augmenter le travail au noir. De
plus, le MEDEF se sert de la pression du chômage pour motiver une diminution des salaires.
D- Les effets escomptés :
Cette RTT doit créer 2 millions d’emplois. Dans certains secteurs, elle doit déjà permettre de
ne pas licencier. Dans d’autres, elle va entraîner une augmentation de la demande de travail.
C’est notamment le cas des secteurs dans lesquels il ne peut y avoir de gains de productivité
comme par exemple dans le domaine des transports en bus où une RTT se traduira
mécaniquement par des créations d’emplois, la RTT ne pouvant être compensée par une
intensification du travail.
Pierre Larrouturou attend beaucoup des 32 heures dans les PME, celles-ci étant censées plus
recruter que certaines grandes entreprises parfois victimes de sureffectifs.
Il prévoit un coût nul pour l’Etat. Les sommes versées aux caisses de chômage doivent être
utilisées pour créer des emplois par la RTT.
85
Celle-ci aura un contre coup positif puisque les nouveaux embauchés seront de futurs
consommateurs et augmenteront donc les recettes de TVA. De plus, leurs cotisations
viendront alimenter les caisses de l’UNEDIC.
Il espère que cette expérience va encourager l’Europe sociale à progresser dans cette voie.
Enfin, il considère les 32 heures comme une clé d’une nouvelle société.
En effet, alors qu’au début du siècle 50% de la vie éveillée d’un homme était consacrée au
travail, aujourd’hui, le pourcentage est tombé à 12%. En outre, plus de 50% des adultes ne
travaillent pas dans la sphère économique : étudiants, chômeurs, retraités, femmes au foyer…
Il rejoint des auteurs comme Gilliand ou Jon Eivind Kolberg qui souhaitent une évolution de
la notion de travail afin qu’elle comprenne toutes les activités nécessaires au maintien des
institutions sociétales telles que la garde de ses enfants, la prise en charge d’un membre de sa
famille malade… Ce concept est délicat pour les syndicats qui doivent alors représenter non
seulement les travailleurs mais également défendre les intérêts de l’ensemble des citoyens.
Il souhaite aussi une réponse collective au « bon usage » du temps libre, c'est-à-dire des
activités qui permettent de recréer des liens sociaux, qui permettent de donner un sens à sa
vie. Christine Delphy et Colette Guillaumin s’opposent à ce que le temps libéré au salariat
n’évolue pour les femmes en une hausse du temps dû au patriarcat (soit une hausse des tâches
domestiques).
Ainsi, les 32 heures sont une réponse à l’exclusion, offrant à chacun sa place.
En pratique, les 32 heures ont été appliquées par quelques entreprises dont EDF. Certaines
entreprises ont connu des difficultés financières ou économiques liées à son application.
L’entreprise Pasquier a par contre créé plus d’emplois que prévu grâce à cette mesure et
connaît une santé financière plus qu’honorable (sa convention collective a été conclue sous
l’empire de la loi de Robien). En Allemagne, la société Volkswagen est même allée jusqu’à
diminuer l’horaire collectif hebdomadaire de 7,2 heures, ramenant celui-ci à 28,8 heures.
Cette mesure a permis de sauver 30 000 emplois. Elle s’est accompagnée d’une compensation
salariale partielle339.
§2- Les réflexion des autres auteurs français sur la RTT :
339 In « La durée et l’aménagement du temps de travail dans l’Union Européenne », Litec 1996 (d’après le
colloque de la confédération européenne des cadres de Luxembourg du 30 novembre 1995).
86
Une grande partie de ces réflexions se rapprochent de celles de Pierre Larrouturou, voir leurs
auteurs permet d’approfondir le raisonnement relatif à la RTT et d’en découvrir des facettes
différentes.
A- Le développement des réflexions sur la RTT :
Certains auteurs ont apporté des précisions relatives aux modèles de RTT.
A partir de simulations macroéconomiques, une partie de ces auteurs ont dégagé les effets
d’une RTT et déterminé les conditions censées garantir son efficacité sur l’emploi. Les autres
précisions ont trait à des réflexions plus générales.
Jacques Rigaudiat340 explique l’évolution du temps de travail au cours de ce dernier siècle
pour démontrer l’utilité de la RTT. Il constate en effet qu’en 1896 la France comptabilisait 20
millions d’actifs contre 22 millions en 1991. Or en 1896 l’Alsace Lorraine était allemande, ce
qui vient à relativiser le chiffre de 20 millions. L’augmentation de la population active
n’aurait alors été que de 16 000 personnes par an.
Il explique ce constat par la similitude entre l’augmentation du PIB (il a été multiplié par 5,24)
et de la productivité horaire (*5,67) entre 1950 et 1990. Or, il met en avant le rapport entre le
PIB et le temps de travail : le PIB est égal à la productivité horaire multipliée par la durée
annuelle de travail et par l’emploi total. Ainsi, si le niveau d’emploi a pu augmenter, c’est
grâce à une réduction annuelle du temps de travail.
Une croissance forte n’a pas été créatrice d’emplois car les gains de productivité ont été
excessifs, tout particulièrement dans les services marchands aux personnes et dans le secteur
agricole. Ce dernier représentait en effet 5,5 millions d’emploi en 1949 et seulement 1,2
millions en 1991. Cette évolution est commune à tous les pays, mais elle est d’autant plus
remarquable en France où l’emploi agricole était important.
Une étude historique affinée permet d’observer que les créations d’emplois ont, en fait, été
importantes au cours du 20ème siècle mais qu’elles ont été compensées en grande partie par des
destructions concomitantes.
Ainsi, près de 9,2 millions d’emplois ont été créés dans le secteur tertiaire principalement et
dans le même temps 7,6 millions d’emplois ont disparu dans l’agriculture et l’industrie. De
340 RIGAUDIAT (J.), « Réduire le temps de travail », Syros, Paris 1993.
87
plus, la population active a augmenté dans le même temps de 3,6 millions, cette augmentation
s’est traduite par une augmentation corrélative du nombre de chômeurs.
La création d’emplois a également été permise par la diminution du temps de travail sur la vie.
Celle-ci a effectivement diminué de 12% sur 20 ans, passant de 44 ans en 1969 à 39 ans en
1991 (soit une réduction de 20 000 heures).
Un autre phénomène a été l’accroissement de la population active féminine ; si pour Alain
Lipietz la hausse du travail des femmes après 1955 vient essentiellement du fait qu’elles sont
passées d’un travail informel à un travail formel, il n’en reste pas moins qu’elles sont venues
grossir les chiffres de la population active. Toutefois, cette augmentation ne s’est pas traduite
par une diminution du taux d’activité masculin des 25-55 ans. En effet, comme l’a mis en
évidence Margaret Maruani, elles ont occupé des emplois concentrés dans certains secteurs
(distribution…) où les hommes étaient peu employés, et selon des formules de travail
atypiques (elle casse ainsi le cou des arguments des « pro femmes au foyer » comme une des
solutions au chômage tels que le préconisent Lepen ou De Villiers).
Compte tenu de tous ces phénomènes, même si l’accroissement de la population active est
apparu relativement faible au 20ème siècle, la RTT aurait tout de même permis de créer 10,5
millions d’emplois sur cette période.
L’intérêt de la RTT ainsi démontrée, Jacques Rigaudiat se prononce en faveur d’une RTT sans
compensation salariale et avec une réorganisation des entreprises. D’un point de vue
économique, la RTT fournirait alors ses effets optimums.
Il se prononce également en faveur du recours aux accords défensifs afin d’éviter les
licenciements. Il cite à l’appui des entreprises telles que Potain Lyon (constructeurs de grue)
ou Thomson qui ont choisi cette solution dés 1991. Il montre qu’une perte de 9,4% des
emplois a ainsi pu être évitée grâce à une diminution de 5,3% de la durée hebdomadaire de
travail. Par contre, il remarque que dans certaines entreprises la solidarité n’a pas marché et
que les salariés ont préféré conserver leur salaire plutôt que d’éviter le licenciement de
certains de leurs collègues. Ce choix s’explique également par le fait que dans les secteurs
structurellement en crise comme ce fut le cas pour le bâtiment, les salariés qui acceptent une
diminution de leurs heures de travail et donc de leurs salaires, risquent en cas de faillite future
de leur entreprise de percevoir moins de cotisations chômage.
Les accords offensifs sont les plus intéressants en matière d’emplois mais ce modèle connaît
aussi des limites.
En effet, les créations d’emplois ne sont envisageables que si une réorganisation de
l’entreprise est possible : passage de 2 équipes travaillant 8 heures par jour à 4 équipes
88
travaillant 6 heures par jour, soit une utilisation des machines de 24 heures… Cette
réorganisation peut avoir un coût important pour l’entreprise si elle engendre de nouveaux
investissements en capital…
De plus, cette solution implique que les débouchés soient suffisants. Pourquoi produire plus si
il n’y a pas de demande ? La situation est aisée pour les entreprises implantées dans un
groupe international mais pour les autres ? Celles-ci semblent condamner à innover : créer des
produits nouveaux…
Pour Gilbert Cette et Alain Cubian341, une RTT a des effets positifs à long terme sur l’emploi
si le taux de croissance croît durablement, si l’on modifie le mode de formation des salaires
(politique de rigueur salariale). De plus, il faut que l’influence du chômage sur le revenu
salarial soit faible, les gains de productivité doivent être élevés, les réorganisations
importantes et la compensation salariale faible.
Alain Lipietz342 s’interroge s’il faut accompagner la RTT d’une obligation d’embauche. Il
rejoint la position de Guy Aznar qui s’oppose à une telle obligation dans les secteurs en
difficultés.
D’autres auteurs ont fait des choix différents de Pierre Larrouturou dans les modalités
d’application de la RTT :
B- Les différentes options dans la mise en œuvre de la RTT :
1. S’agissant des modalités de baisse des cotisations et de la garantie du revenu des salariés,
plusieurs méthodes sont possibles.
Une proposition Godinot- Rocard envisageait une baisse des cotisations sociales selon un
mode original puisque cette baisse aurait concerné les heures travaillées en dessous de 32
heures ; au-delà, il y aurait eu au contraire une augmentation des cotisations.
Ainsi, pour une cotisation moyenne à l’époque de 26 francs, les cotisations se seraient élevées
à 19 francs l’heure en dessous de 32 heures et à 48 francs au-delà de 32 heures.
341 CETTE (G.) et CUBIAN (A.), « Réduction de la durée du travail et emploi », p 32, dans l’ouvrage de Pierre
CAHUC et Pierre GRANIER, « La réduction du temps de travail », Economica 1997.
342 LIPIETZ (A.), « La société en sablier, le partage du temps de travail contre la déchirure sociale », Edition
La Découverte 1996.
89
Ce projet ambitieux risquait toutefois de provoquer un trou énorme pour la sécurité sociale si
plusieurs grandes entreprises avaient décidé de passer à 32 heures puisque le manque à gagner
est alors de 224 francs (32*7) par salarié passant à 32 heures.
Guy Aznar propose un complément de salaire en relation avec la RTT : « Comme il n’est pas
possible de percevoir le même salaire en travaillant moins, chacun touche un complément de
salaire, une indemnité de partage du temps de travail, que j’appelle également deuxième
chèque. Bien entendu, il ne s’agit pas d’un vrai chèque, mais d’un mécanisme de transfert qui
peut se concrétiser sous des formes diverses (exonérations de charges sociales par exemple)343.
»
Dominique Taddéi344 compte pour sa part sur une augmentation de la productivité pour
financer la RTT. S’agissant du type de mesure à adopter pour mettre en place la RTT, il pense
qu’une mesure centralisée risque d’être inadaptée et ne pas entraîner une réduction effective
de la durée du travail. Par contre, une mesure décentralisée présente le risque de n’être pas
« contagieuse ». Il propose alors une mesure entre les deux, une sorte de contrat social pour
l’emploi qui fixe un cadre général de référence permettant des modalités diversifiées
d’application suivant les situations des entreprises.
Il s’interroge sur la compatibilité du financement de la RTT et de la croissance ?
La croissance, facteur d’emploi, découle de la consommation des particuliers et de
l’investissement des entreprises. L’investissement est donc lié aux profits réalisés par les
entreprises et la consommation à la masse salariale. Ces deux derniers paramètres doivent
croître durablement et de manière équilibrée. Cet équilibre n’est pas toujours assuré par le
marché mais parfois grâce à l’Etat.
Le financement de la RTT ne peut passer par la taxation des entreprises car on augmenterait
par la même le coût de la production, ce qui aurait un impact négatif sur la consommation,
l’entreprise répercutant cette hausse sur les prix et sur les profits réalisés et donc sur la
croissance. L’entreprise aurait alors bien du mal à créer de nouveaux postes.
On ne peut diminuer le temps de travail et le salaire correspondant des salariés de manière
proportionnelle car on porterait une atteinte grave à leur pouvoir d’achat. Ainsi, la tendance
serait à l’augmentation de l’épargne (tendance constatée pendant toute période de rigueur) et à
343 AZNAR (G.), « Pour le travail minimum garanti », in Futuribles, n°184, février 1994, p 61.
344 TADDEI (D.), Un contrat social pour l’emploi, par la croissance et la RTT, in « Le temps de travail en
Europe, organisation et réduction », sous la direction de HOFFMAN et LAPEYRE, édition Syros 1995,
pp.85 -101.
90
la diminution de la consommation, élément défavorable à la croissance (du moins dans une
certaine mesure étant donné que l’épargne des ménages est réinvestie par les banques).
Enfin, on ne peut faire payer les caisses publiques car la marge des finances publiques est
insuffisante.
Dominique Taddéi propose là aussi un contrat social. Le patronat doit s’engager à augmenter
le pouvoir d’achat de l’heure de travail au rythme des gains de productivité afin de stabiliser le
pouvoir d’achat mensuel. Ces gains de productivité seront permis grâce à la réorganisation de
l’entreprise : allongement de la durée d’utilisation des machines, réduction des délais…
Les pouvoirs publics doivent s’engager pour leur part à utiliser les indemnités de chômage
économisées pour abaisser le coût des cotisations sociales quand les partenaires sociaux ou les
salariés ont accepté individuellement de travailler moins que la durée de référence.
Ces dispositions doivent s’accompagner de mesures d’incitation et de coercition notamment à
l’encontre de l’usage abusif des heures supplémentaires en les transformant par exemple en
repos compensateur et en surcotisant les employeurs. Les horaires effectifs doivent
correspondre à la durée de référence afin d’assurer une affectation prioritaire des gains de
productivité à la RTT.
2. De même, l’appréciation de la réduction du temps de travail peut varier.
Dominique Taddéi souhaite une RTT sous la forme du temps partiel choisi, des retraites
progressives et l’extension des congés parentaux.
Jacques Delors envisage le calcul de la durée du travail non sur la semaine ou l’année mais sur
la vie. Ainsi, les individus devraient être garantis de ne pas travailler plus de 40 000 heures sur
leur période d’activité (si l’on maintien la moyenne de travail annuel à 1600 heures, un
individu n’aurait plus qu’à travailler 25 ans !).
Mais pour tous, la RTT est le seul projet crédible permettant d’espérer une baisse du chômage.
Ce projet s’inscrit dans le cadre d’une société plus solidaire qui doit tenir compte de l’écologie
et de l’épuisement des ressources de la planète345. Il a également un côté idéaliste inspiré par
les grands auteurs tels que Théophile Gautier346 pour qui « les sentiments de la nature est le
privilège des esprits cultivés, que les nécessités de la vie n’absorbent pas entièrement », voire
345 On a plus puisé dans les ressources de la planète lors du 20ème siècle que dans toute l’histoire de l’humanité !
346 GAUTHIER (T.), « Contes extraordinaires ».
91
par Nietzsche347 qui percevait « sous la glorification de la valeur travail le moyen de capter les
forces créatrices et de les détourner de leur vocation naturelle (la pensée, le plaisir) pour les
investir dans des activités socialement utiles » et rejoignait Freud pour lequel la civilisation
est « quelque chose d’imposé à une majorité récalcitrante par une minorité ayant compris
comment s’approprier les moyens de puissance et de coercition ».
La RTT va dans le sens d’un développement de la vie familiale et des loisirs, de la satisfaction
des besoins intellectuels et sociaux.
Pour autant, elle présente des limites.
SECTION 2- LES LIMITES DU PROJET DES 32 HEURES:
Elles sont de deux types.
§1- Les limites inhérentes au modèle de Pierre Larrouturou :
A- Un faible impact sur la consommation :
D’abord, on peut craindre qu’une réduction du temps de travail crée essentiellement des
emplois faiblement rémunérés, que ce soit dans l’industrie, le commerce ou les services. Dés
lors, les effets escomptés d’une reprise de la consommation grâce au pouvoir d’achat de ces
nouveaux salariés ne doivent pas être exagérés. Ainsi, les recettes de TVA risquent de ne
croître que faiblement.
De plus, l’effet de la RTT sur le reste de la population active risque d’être plutôt négatif car
s’il se traduit par une diminution de 2% des salaires, le pouvoir d’achat des ménages va
diminuer d’autant. S’il ne touche que les salaires les plus importants à hauteur de 5%, les
conséquences risquent d’être encore plus lourdes.
B- L’impossible consensus :
On peut être sceptique sur un deuxième point : l’obtention d’un consensus sur la réduction du
temps de travail. La réussite du modèle de Pierre Larrouturou repose en bonne partie sur la
prise de conscience collective des effets destructeurs du chômage et sur la nécessité de
347 NIETZSCHE, « Aurore », Gallimard 1974.
92
partager le travail pour en réduire les effets. Cette prise de conscience doit conduire les
salariés à accepter des sacrifices au niveau de leur revenu et à fournir des efforts tendant à la
réorganisation de leur entreprise. Le patronat doit également accepter cette réduction en
occultant partiellement leurs intérêts et en octroyant des compensations salariales à partir des
gains de productivité réalisés par la réorganisation de leur entreprise. Les syndicats doivent
jouer le jeu de la négociation. Enfin, un rôle déterminant est attribué à l’Etat car il doit être
l’initiateur de la réduction afin qu’elle soit généralisée. C’est à lui de choisir les bonnes
options quant aux abaissements de cotisations…Ce consensus paraît bien illusoire compte
tenu des aspirations gouvernementales actuelles.
Le projet de Pierre Larrouturou présente des similitudes avec le modèle des lois Aubry :
incitations à l’embauche, exonérations de cotisations sociales au profit des entreprises qui
pratiquent une RTT… Le deuxième type de limites est commun, il a été mis en évidence par
un rapport d’information de Joseph Ostermann écrit au nom de la commission des finances,
du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, et présenté à l’Assemblée
Nationale le 16 mai 2001.
§2- Les limites des projets de réduction du temps de travail :
Ce rapport met l’accent sur deux faiblesses de ces projets en terme de financement et
d’emplois.
A- Les difficultés de financement :
Joseph Ostermann, à propos du financement des 35 heures, parle d’un coût exorbitant qui n’avait pas été prévu.
Ce financement passait par le recours à la FOREC (fonds de financement de la réforme des cotisations
patronales). Celui-ci avait un budget prévisionnel pour 2000 de 63.9 milliards de francs. Celui-ci a évolué pour
atteindre 67 milliards de francs. Mais finalement le coût pour 2000 a été évalué à 72 milliards de francs (10,98
milliards d’euros), soit un déficit de plus de 10 milliards de francs. Pour 2001, le coût a été de 92 milliards de
francs (14,03 milliards €), entraînant un nouveau déficit de 3,3 milliards de francs.
Schéma d'organisation du fonds en 2000 et 2001
Source : direction de la prévision ; note du 1er mars 2000 (en millions de francs)
93
Or, la direction de la prévision du ministère de l’économie, des finances et de l’industrie avait
prévu qu’un solde positif pouvait être attendu de la RTT. En effet, elle espérait des retours
financiers par un accroissement des cotisations sociales engendré par l’évolution plus
dynamique de la masse salariale et par les gains d’indemnisation de chômage réalisés grâce
aux créations d’emplois.
De plus, elle comptait sur la participation de l’UNEDIC au financement de la RTT ainsi que la
contribution financière des régimes de sécurité sociale. Mais les partenaires sociaux vont
refuser cette participation vue la situation critique des caisses de sécurité sociale. Cette
décision aura d’autant plus d’importance que le Conseil constitutionnel va dans le même
temps annuler les dispositions relatives au financement de la RTT par le biais des heures
supplémentaires payés par les employeurs entre 35 et 39 heures dans les entreprises restées à
39 heures. Le déficit du FOREC va alors devenir structurel.
Le gouvernement socialiste avait alors tenté « d’arracher » une contribution de 15 milliards de
francs, pour permettre le financement des 35 heures, à l’UNEDIC. Cette somme était destinée
à l’origine à l’aide à l’emploi et n’avait donc pas à être affectée au financement de la RTT, le
Sénat va éviter leur détournement en précisant dans la loi de finances qu’elle est destinée aux
demandeurs d’emploi relevant du régime de solidarité.
Le gouvernement n’a donc pas su assurer un budget équilibré au FOREC. De plus, il est
légalement tenu de compenser ce déficit. Mais soucieux de ne pas creuser son budget sur la
question des 35 heures, il n’avait compensé celui-ci que partiellement.
Si ces analyses concernent les pratiques gouvernementales, le modèle de Pierre Larrouturou
repose lui aussi en grande partie sur l’espoir de retours positifs des créations d’emplois et sur
la contribution de l’UNEDIC. Or, les effets de retour sont faibles et les partenaires sociaux ne
sont pas favorables à la participation de l’UNEDIC348. Ce modèle repose donc sur des bases
des plus incertaines en matière de financement
B- Des résultats imprévisibles sur l’emploi :
Concernant les effets des 35 heures sur l’emploi, Joseph Ostermann parle d’une grande
inconnue. En 2000, 506 000 emplois ont été créés (soit 418 000 chômeurs de moins) dont
220 000 sont attribués à la RTT. Or, les performances en matière d’emplois sont moins
348 On peut remarquer que l’UNEDIC couvre une partie des frais de fonctionnement des syndicats.
94
flatteuses que celles de plusieurs pays européens (Irlande, Suède, Pays-Bas, Portugal ou
Espagne). Le taux de chômage français reste l’un des plus élevés des pays industrialisés :
De plus, les effets en matière d’emplois semblent avoir été les plus importants pour 2000 et
2001. En 2002, la quasi intégralité des entreprises est passé aux 35 heures, il ne restait que les
TPE dont on attend que peu de création d’emplois. Une enquête de l’Observatoire des 35
heures349 réalisée du 28 février au 5 mars 2001 auprès des chefs d’entreprise de moins de 50
salariés révèle que pour 67,1% d’entre eux, la réduction du temps de travail n’a rien changé.
Seul 8% pensent qu’elle va les conduire à recruter. Par ailleurs, 46% avouent avoir du mal à
recruter. Ce chiffre est porté à 59% dans le BTP.
Enfin, le ministère de l’économie, des finances et de l’industrie (Laurent Fabius) s’est montré
plus sceptique que le ministre de l’emploi et de la solidarité (Martine Aubry) sur le bilan des
35 heures en matière d’emplois. En effet, pour lui, seules 23% des créations d’emplois sont
liées à la RTT, soit seulement 116 380 postes créés. Pour le ministre de l’économie, le rôle de
la croissance est important, même pour les emplois créés par la RTT. Il prend le contre-pied
de la position de la Ministre de l’emploi pour laquelle un infléchissement de la croissance
n’aurait aucun impact sur le rythme de passage à 35 heures. Selon le ministre des finances,
« des perspectives de croissance moindre devraient limiter les difficultés de recrutement par
les entreprises et leur permettraient de réduire la durée du travail sans être contraintes par
l’embauche ( !) ».
Une moindre croissance serait donc favorable à la diffusion des 35 heures mais sans pour
autant avoir de fortes répercussions sur l’emploi.
Le gouvernement socialiste s’est servi des déclarations patronales de promesses d’embauche
pour évaluer le nombre d’emplois engendrés par la RTT. Mais ces chiffres ne sont
qu’apparents, Bercy n’a d’ailleurs pas été dupe, le gouvernement a généralement compté 3%
d’embauche quand les entreprises en annonçaient 6.
Le projet de Pierre Larrouturou envisage un passage à 32 et non à 35 heures. Toutefois,
l’expérience des 35 heures montre bien les problèmes de prévisibilité que posent une RTT sur
les chiffres du chômage. Les conditions de sa réussite sont aléatoires. La RTT n’a que
rarement des effets mécaniques sur la création d’emplois.
349 Observatoire créé par L’Institut français des experts comptables et l’Union Nationale des commissaires aux
comptes.
95
Voyons si ces modèles ont influencé les politiques de l’emploi des différents pays européens
et s’il existait des précédents, ou au contraire, si les aspirations des différents gouvernements
se rapprochent des idées de Fillon, à savoir plus de liberté aux entreprises quitte à augmenter
la durée du travail.
CHAPITRE 2 :
LE TEMPS DE TRAVAIL EN EUROPE: ENTRE REDUCTION ET
LIBERALISATION.
Nous nous intéresserons à la politique de nos voisins européens, et non à celle des autres pays,
car les évolutions connues à l’intérieur de l’Europe présentent des similitudes et une partie de
cette politique dépend des impulsions et des orientations de l’Union européenne.
Toutefois, quelques précisions sur les politiques américaines et japonaises sont intéressantes.
Les Etats-Unis sont considérés comme les précurseurs de la réduction du temps de travail.
Ainsi, Samuel Gompers, « père » du mouvement travailliste américain, déclarait en
1887 : « Tant qu’il y aura un homme qui cherche du travail et n’en trouve pas, on pourra dire
que la durée du travail est trop longue.»
Pourtant, le mouvement pour le développement du partage du temps de travail ne s’est jamais
développé aux Etats-Unis. Alors qu’ils ont été les initiateurs de la RTT, les américains
travaillent en moyenne 10% de plus sur l’année que les européens.
96
Depuis 1980, aucune revendication ne concerne la RTT et ce pour plusieurs raisons :
Cela tient d’abord a des facteurs macroéconomiques : le chômage est extrêmement faible aux
Etats-Unis (5,6% de la population active est au chômage), la RTT n’est donc pas motivée par
la volonté de créer des emplois, elle ne l’est que par la volonté d’améliorer les conditions de
vie. Or les salaires augmentent peu depuis plusieurs années et beaucoup de salariés sont
employés à temps partiel, les américains préfèrent alors gagner plus. Ainsi, tant que les
salaires n’augmenteront pas, il est peu probable de voir les salariés réclamer une RTT.
Un autre facteur est le manque de réglementation stricte en matière de durée du travail
notamment. Ainsi, il n’y a pas de durée légale du travail, les formalités de licenciement sont
réduites… Il y a une décentralisation du processus de fixation des salaires et de la durée du
travail, or la présence syndicale est faible. Le patronat est donc quasiment tout puissant. Un
quart des américains travaillent le samedi. 25 millions de salariés sont intérimaires ou
travaillent à temps partiel. Ils constituent une « armée de réserve », des travailleurs
« contingents » moins payés ne disposant souvent pas de couverture sociale.
La contre partie de la flexibilité aux Etats-Unis n’est pas la RTT mais le salaire et la
couverture sociale.
Les travailleurs américains préfèrent donc ne pas réduire la durée de leur travail. Ce souhait
tient en grande partie à des considérations salariales. Ils travaillent plus car le niveau
d’imposition est faible et incite donc à effectuer des heures supplémentaires. De plus, les
salaires ayant régressé depuis 1970, il faut travailler plus pour maintenir son niveau de vie350.
Mais cette position pourrait évoluer, en effet, depuis 1990, la croissance ne s’accompagne non
seulement plus de création d’emplois mais, depuis l’administration Bush, la reprise se fait
avec des pertes d’emplois351 (déjà 3 millions d’emplois ont été supprimés en 2 ans !).
Au Japon, la durée moyenne de travail était de 1930 heures par an en 1995, à cette durée, on
pourrait ajouter des temps de transport souvent longs. En 1988, cette durée était de 2088
heures, soit une réduction de la durée du travail de 2,1% par an.
Pourtant la durée hebdomadaire conventionnelle était de 40 heures. La loi de 1993 reprend cet
acquis de la semaine de 5 jours sur une base de 40 heures et permet aux petites entreprises de
rester à 44 heures. La loi prévoit des contreparties à la RTT en terme de flexibilité.
350 BELL (L.), « Aspects sociaux et culturels de la politique du temps de travail aux Etats-Unis », in Le temps
de travail en Europe, Syros 1995, pp. 45 - 53.
351 BOULET- GERCOURT (P.), « Bush dans le bourbier », Le Nouvel Observateur, 28 août au 3 septembre
2003, p.44.
97
Mais si la durée moyenne annuelle de travail est aussi longue, c’est en raison du recours
massif aux heures supplémentaires. En effet, les japonais effectuent en moyenne près de 130
heures supplémentaires par an (contre 50 en Allemagne ou en France).
Elles permettent de s’adapter aux fluctuations du marché. De plus, les congés annuels sont
seulement de 20 jours par an. Fait remarquable pour nous autres occidentaux, en 1993, les
japonais n’ont utilisé que 56% du congé annuel auquel ils ont droit ! Ils ont ainsi effectué 80
heures de travail non payées par an !
Enfin, le temps partiel concerne 12,6% des salariés.
On peut remarquer que le système japonais est fortement inégalitaire entre les salariés des
grandes firmes qui jouissent de contrat à vie, de possibilités importantes de promotions et qui
sont protégés par leur syndicat et les salariés des petites entreprises soumis à la précarité ainsi
que les femmes qui ont rarement une activité rémunérée.
Mais contrairement aux Etats-Unis, Les japonais aspirent à une RTT. Ainsi, certains syndicats
militent pour une réduction à 1800 heures de travail par an. De plus, ces dernières années, on
observe une percée du chômage alors qu’auparavant il y avait plutôt un problème de manque
de main d’œuvre. La réduction du temps de travail constitue une piste afin de créer des
emplois, on attend elle qu’elle permette également une réorganisation des entreprises (en
travail posté de 3*8 par exemple) et l’intégration des femmes352.
C’est finalement le Japon qui se rapproche le plus de la situation des pays européens.
En 1995, l’Union Européenne comptait 22,6 millions de chômeurs soit 11,2% de la
population active, c'est-à-dire un pourcentage supérieur à la moyenne des pays de l’OCDE.
L’Institut syndical européen distingue 3 époques dans l’évolution de la durée du travail ces 40
dernières années.
De 1960 à 1973, on constate une baisse de la durée du travail d’origine conventionnelle, elle
concerne les secteurs dynamiques où les gains de productivité étaient forts, les salaires élevés
et le degré de concentration important. Elle est liée à la croissance de l’économie, à la
réorganisation du système productif et à une transformation des relations sociales.
En 1974, la baisse s’étend aux autres secteurs.
Depuis 1980, la diminution du temps de travail est liée à l’accroissement du recours au travail
à temps partiel. On observe parallèlement une diversification croissante de la durée du travail :
.30% des salariés de l’Union Européenne travaillent le soir ou la nuit, 50% le week-end
L’Angleterre a eu la première législation à limiter la durée du travail avec le factory act de
1833 qui limite notamment le travail des enfants de 13 à 18 ans de 10 à 12 heures.
352 SEIFERT (H.), « Aspects culturels, économiques et sociaux de la politique du temps de travail au Japon »,
in Le temps de travail en Europe, op. cit. pp.55 - 62.
98
En 2002, la durée conventionnelle moyenne de temps de travail par semaine était de 38,2
heures en Europe : 40 heures pour la Grèce, 39 pour la Finlande, l’Irlande, le Portugal, la
Belgique et le Luxembourg, 38 heures en Italie, 37,2 au Royaume-Uni et … 35 heures en
France.
Voyons plus précisément ce qu’il en est dans quelques pays européens.
SECTION 1- LES REGLEMENTATIONS EUROPEENNES DE LA DUREE DU TRAVAIL
ET LES REALISATIONS EN MATIRE DE RTT:
§1- Quelques exemples de réglementations :
Celles-ci mettent en évidence des réalités différentes :
A- Les pays envisageant la RTT comme une amélioration des conditions de vie et comme un
instrument des politiques familiales:
C’est le cas de la Suède et de la Norvège.
Dans ces deux pays, une RTT généralisée n’est pas envisagée comme un moyen efficace pour
combattre les déséquilibres du marché du travail mais comme un dispositif propre à favoriser
l’égalité des sexes et la modulation individuelle de la durée du travail.
En Suède, la loi prévoit une durée hebdomadaire de travail de 40 heures et un contingent
d’heures supplémentaires limité à 200 heures (le travail de nuit est en principe interdit). La
législation est souple puisqu’elle permet aux partenaires sociaux de négocier au niveau de la
branche, ou de l’entreprise si celle-ci y renvoie, la durée journalière et hebdomadaire de
travail.
Certaines branches reprennent la législation telle qu’elle, d’autres ajoutent en flexibilité
comme dans le secteur de la métallurgie. On a donc une décentralisation de la politique
d’aménagement du temps de travail.
Une réduction de la durée du travail effectif est sensible sur les 30 dernières années, celle-ci
passant de 41 à 37 heures par semaine en moyenne. Toutefois, cette réduction n’est pas
homogène. En effet, la moyenne était de 39,2 heures dans le BTP et de 35,2 heures dans le
secteur public. On peut distinguer deux périodes au cours de cette réduction.
99
Tout d’abord de 1963 à 1982, période pendant laquelle la diminution est continue. Elle est due
à plusieurs facteurs. Grâce à une croissance économique forte et soutenue, les suédois ont
alors fait le choix de développer leurs loisirs plutôt que d’augmenter leur salaire.
D’autre part, l’entrée massive des femmes dans la population active s’est traduite par un fort
développement du temps partiel (assimilé à un emploi stable) et donc par une baisse de la
durée moyenne de travail. L’augmentation des emplois dans le secteur public et les services
où la durée du travail est plus faible contribue à la même logique.
Il y a également une augmentation du travail précaire qui correspond à une phase de
tâtonnement, de prérecrutement ou à un travail étudiant.
De nombreux accords interprofessionnels sont intervenus pour instituer une RTT soit par un
abaissement des horaires, soit en fixant un âge de la retraite plus bas.
Enfin, le gouvernement a lui-même contribué à cette réduction en instaurant les congés
parentaux afin de mieux répartir les responsabilités entre les hommes et les femmes en ce qui
concerne la prise en charge des enfants. Ce congé était de 15 mois en 1993. L’Etat garantissait
90% de la rémunération pour les douze premiers mois (cette garantie se fondait sur le revenu
des six mois précédents la naissance du 1er enfant). Le gouvernement a aussi développé la
formation qualifiante. Dans ces deux hypothèses, la personne retrouve son travail à l’issue de
la période de congé.
Ces possibilités de modulation constituent un mode de régulation des charges professionnelles
et familiales.
Si l’on constate encore des inégalités dans la répartition des tâches domestiques, on peut
observer une égalité dans le temps de loisirs : 39,5 heures par semaine en moyenne chez les
hommes et 38,5 chez les femmes. Ainsi, si les hommes participent moins aux tâches
ménagères que les femmes, ils fournissent plus de travail effectif.
De 1982 à 1993, on constate que plus aucune mesure incitative en faveur de la RTT n’a été
prise. On remarque même une tendance à l’allongement de la durée du travail en raison d’une
modification des horaires. En effet, plus de femmes travaillent à temps plein et le recours à un
travail à temps partiel long (de 19 à 34 heures) est plus fréquent. De plus, la diminution des
salaires réels associée à une diminution de l’imposition a encouragé les salariés à augmenter
leur temps de travail.
Les premières RTT ont donc permis une amélioration des conditions de vie. Le débat s’est
ensuite déplacé sur le partage des fruits de la croissance et sur le choix entre un plus grand
pouvoir d’achat ou plus de loisirs.
10
0
En 1989, près de 80% des salariés étaient satisfaits de leurs horaires de travail (10%
souhaitent une augmentation de leur durée de travail et 10% une diminution !). 51% préfèrent
une RTT à une augmentation de leur revenu (mais seulement 11% acceptent une RTT sans
compensation salariale). On observe une hétérogénéité des préférences individuelles en
matière d’aménagement du temps de travail. La tendance est à la recherche d’une flexibilité
négociée. La loi va donc faciliter l’annualisation et l’individualisation.
L’augmentation du chômage en 1992 n’a pas modifié la conception de la RTT, les
déséquilibres du marché du travail sont combattus par une politique active de l’emploi353.
La Norvège présente une situation comparable. Elle est dotée de syndicats puissants (55% de
taux de syndicalisation) animés par un esprit de coopération et le taux de chômage y est faible.
Les partenaires sociaux « internalisent » généralement les effets négatifs d’une évolution
salariale.
La durée hebdomadaire est de 37,5 heures par semaine depuis 1986 et la tentative de LO354
d’imposer une journée de travail de 6 heures. Cette mesure avait été motivée par la volonté
d’harmoniser la durée du travail des différentes catégories de salariés et entre les hommes et
les femmes. Les modalités d’application sont laissées aux partenaires sociaux. La réduction du
temps de travail s’est stabilisée depuis cette date. En 1986, seulement 5% des salariés étaient
favorables à une RTT. Globalement, il y a une certaine hostilité à l’égard des thèses relatives
au partage du temps de travail.
Les politiques de temps de travail, comme en Suède, sont liés à une politique familiale
ambitieuse notamment afin de permettre l’intégration des femmes et « une plus grande égalité
dans la répartition des tâches entre sphères professionnelles et domestiques ». Les critères de
justice sociale dominent le débat355.
B- Les pays utilisant la RTT comme une arme contre le chômage :
L’Allemagne a eu recours à une politique de RTT dans certains secteurs d’activité. Dans celui
de la métallurgie, le passage à 35 heures aurait permis d’éviter 50 000 licenciements. De
même, dans les services publics allemands, des conventions collectives ont réduit la durée
hebdomadaire du travail en échange de plus de flexibilité et ont permis une généralisation du
353 ANXO (D.), « Politiques et évolution du temps de travail en Suède », in Le temps de travail en Europe, op.
cit. pp.126 - 142.
354 Confédération Générale du Travail.
355 ANXO (D.) et LOCKING (H.), « Politiques et évolution du temps de travail en Norvège », in Le temps de
travail en Europe, pp.144 - 159.
10
1
travail à temps partiel volontaire. Cette réduction hebdomadaire s’est accompagnée d’une
diminution de salaire en principe proportionnelle (sauf quelques cas de compensations
partielles). Contrairement au modèle des lois Aubry, l’Etat n’assure pas de compensation et ne
prévoit pas d’incitation pécuniaire à l’embauche, ces conventions visant essentiellement à
limiter les licenciements économiques.
Le « deal » consiste donc à réduire les salaires contre une limitation ou une renonciation au
licenciement. Cette réduction n’est supportable que si les salaires sont à un niveau correct356.
L’Italie connaît un système comparable.
La question de l’organisation sociale du temps n’est jamais devenue l’enjeu principal des
syndicats, gouvernements…italiens. L’Italie se caractérise par une grande diversité dans ses
différents secteurs de l’économie, diversité empreinte de l’antagonisme entre le nord, riche et
industriel, et le sud, manuel et informel. On retrouve cette hétérogénéité dans les politiques du
temps de travail. Ainsi, dans le secteur commercial, la durée hebdomadaire moyenne est de 60
heures (avec des pointes à 74 heures) et il est assez courant de travailler le dimanche, jour
sacré traditionnellement chômé et réservé à la religion et au football. De même, le groupe Fiat
a développé le travail le samedi afin d’augmenter le nombre de jours ouvrés et permet des
variations d’horaires de 32 à 48 heures sans conséquence sur les salaires dans la limite de 7
semaines par an.
La RTT reste dans une logique instrumentale et non dans un besoin d’émancipation et de
loisirs. En effet, les italiens préfèrent généralement gagner plus afin de satisfaire leur
nécessaire besoin de « paraître », en achetant grosses voitures, vêtements… Ainsi, la RTT est
souvent utilisée pour avoir un deuxième travail au sein de la famille ou pour un autre patron.
Ils sont favorables au temps choisi, celui-ci passe généralement par des accords individuels
informels, en dehors des syndicats qui s’opposent à de telles pratiques.
On constate un recul des débats sur le temps de travail.
La législation italienne relative à la durée du travail est ancienne. En effet, la durée
hebdomadaire du travail est fixée à 48 heures depuis 1923 ! Elle prévoit une majoration de
salaire de 15% par heure supplémentaire mais seulement pour certains secteurs industriels.
On envisage donc un projet de loi prévoyant une durée de 39 heures, étendant le régime des
majorations pour heures supplémentaires ainsi qu’un changement dans la répartition des
charges (qui devraient être plus lourdes après 20 heures de travail).
356 MUCKENBERGER (U.), « Aménagement du temps de travail dans le contexte d’une politique syndicale
modernisée », in Le temps de travail en Europe, pp. 193 - 223.
10
2
C’est dans ce contexte peu propice que l’Italie, cultivant comme à son habitude le paradoxe, a
développé des projets ambitieux relativement au temps de travail.
Ainsi sont apparus les contrats de solidarité en 1993. Ils consistent à faire accepter une
réduction du temps de travail aux salariés afin d’éviter les licenciements. Ils reposent donc
comme en Allemagne sur le « deal » d’une perte de salaire contre le maintien des emplois.
Ces contrats sont conclus pour une durée de deux ans et font l’objet d’une aide incitative du
gouvernement.
Entre juillet 1993 et janvier 1994, ces contrats auraient permis de sauvegarder 22 000 emplois.
412 entreprises l’ont signé, soit 62 000 travailleurs qui l’ont accepté.
Les RTT vont de 10 à …80% (il s’agit alors de déguiser des situations de chômage
technique). On les rencontre surtout dans les secteurs de la mécanique, des textiles, de la
chimie, du commerce et de la construction.
Ce succès est lié au ministre du travail de l’époque (Gino Giugni), à la crise et au système
d’aides incitatives. Mais ces raisons sont conjoncturelles, de plus, le régime incitatif est remis
en cause, les crédits étant épuisés ! Par ailleurs, ces contrats n’ont pas permis une meilleure
prise en compte des aspirations individuelles357. Enfin, ils sont menacés par la politique
libérale de Silvio Berlusconi.
Un autre type de réflexion relative au temps a été menée dans certaines villes italiennes et
mérite que l’on si arrête. Ainsi, à Modène, Milan et Gênes, l’expérience « Tempi della città »
consiste à reconcevoir les horaires des différents services, administrations afin que leurs
horaires d’ouverture correspondent mieux aux besoins de la population. Il a donc fallu
recenser les courants et les structures de temps socialement importants qui coexistent dans la
ville, déterminer les besoins des habitants à travers l’analyse des budgets temps et mettre en
œuvre une procédure de concertation des acteurs et de coordination des structures. Ainsi, on a
tenté d’élargir l’offre en temps aux services qui concernent les activités liées à la famille afin
notamment de rendre la demande plus souple.
Limiter les lenteurs bureaucratiques et développer les loisirs de proximité sont également des
mesures qui sont apparues favorables aux gains de temps. Enfin, cette expérience doit
s’inscrire dans un souci de protection de l’environnement par la création de zones piétonnes et
cyclistes, et l’encouragement au développement des transports en commun.
357 PALIDDA (S.), « Le temps de travail en Italie », op. cit. pp. 226 - 246.
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3
C- Les pays qui ont fait le choix de la flexibilité et de la déréglementation :
Nous allons étudier le cas de l’Espagne qui présente des similitudes troublantes avec les
objectifs poursuivis par la loi Fillon.
Ce pays présente des particularités notables :
Le travail temporaire concerne 33,6% de la population active (en 1994) et constitue un
passage quasi obligé pour obtenir une situation stable. La nouvelle réglementation de 1994
facilite son recours puisque désormais les contrats ne sont plus présumés conclus à durée
indéterminée.
Le taux d’activité est de 49,2% de la population en âge de travailler. Ce chiffre relativement
bas est lié à la faiblesse de l’activité féminine (malgré son développement récent) et à la
diminution constante de l’activité masculine (essentiellement les 16-20 ans et les plus de 55
ans).
Le chômage frappe plus de 24% de la population active. Les principales victimes sont les
jeunes à la recherche d’un (véritable) premier emploi et les chômeurs longue durée. Les
économistes espagnols expliquent le chômage qui touche leur pays par la fin du modèle
taylorien.
La durée du travail est fixée par la loi, mais on parle de loi concertée car la négociation
collective complète et améliore les dispositions légales. La loi devient subsidiaire.
En 1944, elle a abaissé la durée du travail à 48 heures par semaine et en 1976, à 44 heures.
C’est dorénavant la loi du 29 juin 1983 qui fixe celle-ci à 40 heures, elle précise également les
durées de travail maximales par jour, semaine… ainsi que la durée des congés annuels.
L’accord intersectoriel du 5 janvier 1980 permet des RTT mais aussi l’annualisation.
Les syndicats, favorables aux 35 heures, vont utiliser cette possibilité. Ainsi, on va constater
une réduction progressive du temps de travail moyen entre 1982 et 1993 de 110 heures sur une
base annuelle. Cette réduction n’a pas eu de conséquence sur les taux de productivité.
La loi de 1994 va marquer un tournant. Celle-ci développe la flexibilité « afin que le tissu
productif ait un maximum d’efficacité ». Elle ne rejette pas la RTT mais tout est renvoyé à la
négociation. Ainsi depuis cette date, seul le développement du travail à temps partiel devrait
permettre de contribuer à une diminution de la durée du travail. En effet, les négociations
traitent davantage de répartition et d’utilisation plus efficace du temps de travail que de RTT.
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4
La réglementation de 1994 a eu plusieurs effets358 :
D’abord, elle a permis une utilisation plus flexible des dispositions relatives aux durées
maximales de travail et sur les heures supplémentaires grâce à la négociation. Ainsi, des
accords collectifs peuvent prévoir une durée de travail quotidienne supérieure à 9 heures et
une durée de travail de plus de 40 heures par semaine. Ils peuvent accroître le contingent
d’heures supplémentaires au-delà de 80 heures (les heures supplémentaires récupérées dans
les 4 mois ne sont pas comptabilisées dans le contingent). Le repos hebdomadaire peut être
calculé sur 14 jours. Le recours au travail de nuit est favorisé, la rémunération n’étant plus
tenue de respecter la majoration légale de 25%.
L’Espagne ne connaît pas de réglementation du contrat de travail aussi stricte qu’en France,
l’accord du salarié n’est pas forcément nécessaire en cas de modification de son contrat de
travail. Ainsi, le déplacement des salariés sur ordre de l’employeur entre des catégories socioprofessionnelles équivalentes ou non est possible s’il est justifié par des impératifs
d’organisation359. L’employeur est également relativement libre si la mesure est accompagnée
de la mobilité géographique. La seule limite tient en la présence de représentants du personnel
dans les entreprises au dessus d’un certain seuil de salariés.
La loi a facilité l’organisation du travail en équipe.
Elle a eu des points positifs comme la combinaison des périodes de travail et de formation.
La loi Fillon, en étant supplétive et en permettant les dérogations et plus de flexibilité, est
proche de ce système. La seule différence tient dans le fait que dans la loi espagnole, l’accord
des individus est nécessaire.
Comme nous avons pu le voir, les politiques de temps de travail représentent des réalités
multiples, mais dorénavant, si la durée moyenne de travail tend à se réduire, c’est
généralement en raison de l’accroissement du recours au temps partiel. Peut-on considérer
pour autant le travail à temps partiel comme un mode de partage du temps de travail ?
§2- Le travail à temps partiel : entre travail précaire et politique de RTT.
358 ROJO TORECCILIA (E.), « Flexibilité du temps de travail en Espagne : conséquence de la réforme de la
législation du travail de 1994 », in Le temps de travail en Europe, p.247.
359 TEYSSIE (B.), « Le temps de travail dans les Etats de l’Union Européenne », in La durée et l’aménagement
du temps de travail dans l’Union Européenne, loc. cit.
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Pour certains auteurs360, le travail à temps partiel ne rentre pas dans le cadre des politiques de
partage du temps de travail. C’est simplement un mode de flexibilité qui permet plus de
souplesse.
Il est très largement féminin et les conditions de travail qui lui sont attachées, notamment
salariales, sont moindres par rapport au temps complet. De plus, le recours au temps partiel est
concentré dans certains secteurs.
Il n’est donc pas un facteur d’égalité des sexes, il n’est pas diffusé dans tous les secteurs, il
implique des différences de salaires et de protection sociale, autant de conditions défavorables
qui conduisent à l’exclure des idéaux de partage du temps de travail.
Alain Lipietz parle du temps partiel en terme non de partage du temps de travail mais de
partage du chômage. Partager un poste de caissière à 1000 € le mois en 2 postes rémunérés
500€ ne constitue en rien une solution.
Pour Dieter Schulte361, le temps partiel ne fait pas partie des stratégies de RTT, c’est une
forme individuelle de répartition du temps personnel. L’employeur l’utilise pour restructurer
certains secteurs et réduire les coûts. Ces postes sont définis unilatéralement, ils sont peu
qualifiés, les perspectives de carrière et de promotion professionnelle sont limitées.
D’autres auteurs 362ont une vision moins tranchée.
Le temps partiel représente 14% des emplois dans l’Union Européenne en 1991, soit un
pourcentage allant de 7 à 33% suivant les pays. Il est surtout répandu dans les pays du Nord.
29% des femmes actives occupent un travail à temps partiel (60% en Hollande contre 7% en
Grèce) contre seulement 4% des hommes (les écarts varient ici entre 2% pour la Grèce et 16%
pour la Hollande). Il concerne surtout les petites et moyennes entreprises.
Aux Pays-Bas et au Danemark, le temps partiel correspond à la politique de l’emploi des
années 80 et à une volonté de partager le travail. Il doit permettre aux femmes de conquérir
leur indépendance économique. C’est le gouvernement qui a favorisé ce type d’emploi, il a été
suivi par les syndicats qui voyaient dans le temps partiel un moyen de redistribuer le travail.
Ainsi, dans le secteur hospitalier hollandais, 90% des emplois sont occupés par des
travailleurs à temps partiel avec des efforts tendant à l’égalité de traitement et au temps partiel
choisi.
360 ALALUF (M.), BOULIN (J. Y.) et PLASMAN (R.), « Durée et organisation du temps de travail : la
tension entre régulation collective et choix individuels », in Le temps de travail en Europe, pp. 16 - 45.
361 SCHULTE (D.), «RTT : stratégies syndicales en Europe », in Le temps de travail en Europe, pp. 77 - 83.
362 FAGAN (C.), PLATENGA (J.) et RUBERY (J.), « Le temps partiel : une solution possible au problème de
l’inégalité de traitement entre les hommes et les femmes », in Le temps de travail en Europe, pp. 162 - 192.
10
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En revanche, au Royaume-Uni, le temps partiel ne s’inscrit pas dans le cadre des politiques de
l’emploi. Il est conçu comme un instrument de promotion de l’égalité des chances. Malgré
l’affirmation de cette conception, l’Etat ne va prendre aucune mesure favorable à la protection
des travailleurs à temps partiel.
Ces derniers constituent une réserve de main d’œuvre bon marché et disponible. De plus, les
employeurs qui y ont recours bénéficient d’exemptions de charges sociales. Le temps partiel
ne fait donc pas exception au Royaume-Uni, il est confronté à la déréglementation et à
l’exigence de flexibilité. Les exigences des syndicats pour la reconnaissance de plus de droits
en leur faveur, de meilleures conditions et du développement du temps partiel dans les
emplois qualifiés n’ont pas encore reçu d’échos.
Le recours au temps partiel par le patronat peut être justifié par plusieurs raisons. D’abord, il
permet d’allonger les heures de service et ainsi de satisfaire une demande fluctuante sans avoir
recours aux heures supplémentaires ou à une embauche à temps plein, ces deux dernières
solutions ayant un coût plus élevé. En effet, l’employeur n’aura pas à verser de majoration
pour heures supplémentaires, ni de primes pour horaires fluctuant. Enfin, l’Etat accorde
parfois des exemptions en cas de recrutement d’un salarié à temps partiel.
L’usage du temps partiel n’est pas égalitaire comme nous avons pu le voir. En effet, on le
retrouve beaucoup plus dans l’activité féminine. De plus, on constate souvent une inégalité de
rémunération entre les hommes et les femmes, mais également entre les femmes à temps plein
et celles à temps partiel, ces dernières menant leur activité dans des secteurs différents.
En effet, les femmes travaillant à temps partiel exercent, dans la majorité des cas, leur activité
dans le secteur des services ou de la distribution. Il s’agit de secteurs où la rémunération est
relativement plus faible et où l’on occupe un statut subalterne.
Ainsi, au Royaume-Uni, les femmes à temps plein perçoivent en moyenne 79% de la
rémunération d’un homme et les femmes à temps partiel perçoivent en moyenne 75% du
revenu d’une femme à temps complet (soit 58% du revenu d’un homme à temps plein).
Par contre, aux Pays-Bas, le système est beaucoup moins inégalitaire. En effet, 28% des
hommes occupent un emploi à temps partiel et ce type de contrat est également utilisé dans
des professions spécialisées (cadres…). De plus, on remarque une égalité de rémunération
entre les femmes travaillant à temps plein et celles exerçant à temps partiel. Il subsiste tout de
même une inégalité entre la rémunération des femmes et celle des hommes puisque celles-ci
perçoivent en moyenne seulement 73% du revenu d’un homme.
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7
Ces différences entre le Royaume-Uni et les Pays-Bas s’expliquent par le mode de fixation
des revenus. Aux Pays-Bas, le revenu ressort d’un salaire minimum national augmenté du fait
de la négociation des partenaires dans chaque branche.
Au Royaume-Uni par contre, il n’y a pas de salaire minimum et l’on déplore la faiblesse des
négociations, les salariés à temps partiel sont rarement couverts par des accords collectifs. Le
salaire horaire est généralement différent entre les salariés à temps complet et ceux à temps
partiel. Enfin, les travailleurs à temps partiel sont souvent exclus du bénéfice des primes au
titre des horaires décalés ou des heures supplémentaires même si ils dépassent l’horaire
journalier ou l’horaire individuel contractuel (aux Pays-Bas, les accords prévoient que les
primes sont perçues au prorata).
En dessous d’un certain salaire, les salariés sont exemptés de cotisations sociales au
Royaume-Uni, mais leurs droits aux pensions retraites… sont réduits d’autant.
Aux Pays-Bas, comme pour les primes, les droits sont calculés au prorata.
Les commentateurs nous donnent alors quelques mesures propres à atténuer l’inégalité de
traitement engendré par le temps partiel entre les hommes et les femmes et pour en faire une
véritable politique du temps de travail. Ainsi, il faudrait diversifier les professions organisées
sur la base du temps partiel, maintenir les perspectives de promotion et de carrières, allouer un
minimum d’heures à ce type de contrat (éviter comme aux Etats-Unis des contrats de 5 heures
par semaine). Au niveau du salaire, il faudrait assurer un salaire proportionnel identique à
celui du temps plein et faire bénéficier tous les travailleurs des primes. On pourrait souhaiter
une réforme des dispositifs de protection sociale et de retraite afin de mettre fin aux
discriminations. Il conviendrait d’améliorer les dispositions relatives au congé parental et
développer les structures d’accueil pour enfants, ce qui permettrait de dégager plus de temps
en faveur des femmes. Enfin, les auteurs plébiscitent une réduction des horaires de travail
pour les emplois à temps plein afin de tendre vers une harmonisation entre les deux catégories
de travailleurs.
Ainsi, pour l’Institut Syndical Européen, « aussi longtemps que le temps partiel sera considéré
comme un instrument de déréglementation et de flexibilisation du marché du travail, il ne sera
pas possible d’en attendre des effets positifs dans la lutte contre le chômage ». L’ISE
encourage le temps partiel volontaire avec des possibilités de retour à temps plein.
L’entreprise Siemens s’inscrit dans le cadre de ces réflexions. En effet, Rainer Sieg363 met en
évidence l’augmentation du recours au travail à temps partiel surtout chez les hommes mêmes
363
SIEG (R.), « L’organisation du temps de travail chez Siemens », in La durée et l’aménagement du
temps de travail dans l’Union Européenne, op. cit.
10
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hautement qualifiés. Ceux-ci travaillent la moitié d’un temps complet pour la moitié de leur
salaire.
Il permet aux jeunes travailleurs d’accéder à un premier emploi tout en menant parallèlement
leur thèse. Pour l’entreprise, l’embauche de jeunes ingénieurs permet des gains en matière
d’innovation. Cette mesure est facilitée par le développement des congés parentaux
d’éducation et par les départs en retraite progressifs.
Ce groupe a également développé les formules d’horaire à la carte. Le début et la fin du travail
sont choisis librement à l’intérieur de plages prédéfinies (dites plages de mobilité) et il existe
un système de crédits d’heures (genre de compte épargne temps) qui permet la transformation
des heures supplémentaires en heures, jours ou semaines libres, voire d’un départ à la retraite
anticipé.
Cette étude rapide des réglementations européennes en matière de temps de travail permet de
mettre en évidence les différentes priorités des gouvernements et les différentes méthodes
adoptées. Nous allons maintenant nous pencher sur les réflexions menées dans ces différents
pays pour avoir, peut-être, un aperçu des futures législations, entre utopie et désir d’un monde
meilleur.
SECTION
2-
LES
REFLEXIONS
MENEES DANS
LES
DIFFERENTS
PAYS
EUROPEENS SUR LA RTT :
En caricaturant, on peut distinguer deux aspirations : une tendant à la déréglementation et à la
confiance aux marchés, l’autre à la réduction du temps de travail et des inégalités.
§1- Les inspirations libérales : contre courant de la réduction du temps de travail ?
Elles recouvrent des idées très différentes, nous allons en présenter quelques unes.
Les auteurs libéraux recourent à l’idée de marché, notion abstraite, qui n’a pas de définition
juridique. Celui-ci est censé s’équilibrer par lui-même dés lors que l’Etat ou d’autres acteurs
n’entravent pas son fonctionnement par des normes impératives.
Le marché du travail relève de la même logique. Si l’Etat ne pose pas de règles, le marché
s’équilibre à partir des variables salariales et de temps. D’après cette théorie, le marché est
10
9
capable d’absorber tous les demandeurs d’emplois en jouant sur ces deux variables. Ainsi, en
période de plein emploi, la tendance est à la hausse des salaires et à l’augmentation de la durée
du travail si la main d’œuvre devient insuffisante. Par contre, en période de « plein
chômage », la tendance sera à une baisse des salaires et à une baisse du temps de travail.
S’inspirant de cette théorie économique, certains pays (de plus en plus nombreux) comme les
Etats-Unis et le Royaume-Uni (ces principaux représentants) ont opté pour la
« déréglementation », c'est-à-dire la suppression progressive des règles susceptibles d’altérer
le fonctionnement du marché. Ces règles sont généralement les règles de droit du travail : sur
le salaire minimum, la durée du travail… mais également des règles tenant aux libertés
individuelles ou au droit des étrangers (sur la possibilité des étrangers de pénétrer sur le
territoire et sur les conditions pour qu’ils puissent exercer un emploi).
Dans ces pays, afin de lutter contre le chômage, cette politique s’est traduite par une réduction
au strict minimum des règles du droit du travail. Ainsi, il n’y aucune garantie relative au
salaire, il y a une relative liberté quant à la fixation de la durée du travail et les procédures de
licenciement sont relativement souples.
Au contraire, le droit des étrangers s’est durci avec une restriction des possibilités de trouver
et surtout de conserver un emploi. En effet, pour pouvoir travailler plus d’un certain temps, la
personne doit prouver que le travail qu’elle occupe ne peut être effectué par un national !
En France, le système est inégalitaire puisque l’étranger ne peut pas travailler si il a un visa
d’un mois (visa touriste) qui est le visa le plus souvent accordé. L’étranger se trouve
rapidement en situation irrégulière avec aucune possibilité de subvenir à ses besoins. Aux
Etats-Unis, les perspectives d’intégration sont fortement réduites.
Cette déréglementation s’est traduite par des atteintes aux libertés individuelles : négligence
de la vie privée qui n’est pas protégée des interférences de la vie professionnelle, pas de droit
à une vie décente, à la protection sociale…
Cette politique libérale montre des réussites au niveau des statistiques du chômage puisque
moins de 6% de la population active est au chômage aux Etats-Unis. Mais ce succès cache une
réalité bien plus sombre. Nous l’avons vu, les conséquences relatives aux droits des personnes
sont affligeantes. D’un point de vue économique, si les chiffres du chômage font des envieux,
les répercussions de cette politique sur le niveau de vie de la population sont nettement moins
enthousiasmantes. En effet, elle a conduit à un accroissement des inégalités entre une partie
de la population qui occupe des emplois précaires, de parfois seulement quelques heures par
semaine, forcément mal rémunérés (peut on parler d’emploi alors que celui-ci ne permet pas
11
0
aux salariés de subsister ?) et une frange de la population bénéficiant d’emplois qualifiés et
dont la durée du travail à tendance à augmenter ! Cet accroissement des inégalités est allé si
loin que l’on constate dans ces deux pays une augmentation des personnes vivant en dessous
du seuil de pauvreté et même une diminution de l’espérance de vie à la naissance !
La théorie présente donc des limites dans la mesure où elle a des répercussions différenciées
suivant les tranches de population. En effet, à côté des variables revenu et temps, une
troisième est apparue : la précarité. Les salariés se retrouvant sans emploi ou au contraire
effectuant des horaires fluctuants au gré des besoins.
De plus, d’un point de vue strictement théorique, ce modèle a des limites puisqu’il ne prend
pas en compte la situation des autres Etats. En effet, même si l’Etat a une réglementation
souple, le jeu du marché sera toujours troublé par des éléments extérieurs (la réussite d’un
marché autorégulé n’est d’ailleurs pas prouvé). Ainsi, la politique salariale des pays voisins
peut influer sur celle de l’Etat qui souhaitera conserver sa main d’œuvre qualifiée, l’obligeant
à pratiquer une politique des salaires soutenue. Au contraire, une main d’œuvre bon marché
peut attirer les capitaux étrangers et favoriser les implantations d’usine étrangères.
Les limites de cette théorie n’altèrent guère son succès actuel. Dénoncer par les courants anti
et altermondialistes notamment, elle attire toujours les gouvernants. Ainsi, en Italie,
Berlusconi a tenté, avec son fameux projet d’article 18, de laisser libre court au pouvoir des
employeurs qui auraient pu licencier sans contrainte. Mais sous la pression de la population :
manifestations, pétitions…ce projet a été retiré.
En France, le gouvernement a également des tentations pour une politique libérale, il
dissimule pour l’instant celle-ci derrière la négociation collective. Le MEDEF quant à lui
n’hésite pas à invoquer le problème du chômage pour justifier une réforme du SMIC voire sa
suppression. Pourtant, de nombreux auteurs et politiciens français tels que Alain Lipietz,
André Gorz ou Guy Aznar ont influencé les réflexions menées au niveau européen sur la
réduction du temps de travail.
§2- Les réflexions sur le partage du temps de travail en Europe :
« …l’ouvrier a besoin d’un temps pour satisfaire ses besoins spirituels et culturels, lesquels
sont déterminés par le contexte culturel et général ». Marx.
11
1
La méthode est différente ainsi que l’idéologie dominante.
Ici, le travail est considéré dans ce cadre à partir de ses nombreuses fonctions : d’activité
rémunérée, d’intégrations sociales, d’utilité sociale et écologique. Il a une dimension
beaucoup plus humaine.
Les auteurs dressent plusieurs constats. D’abord qu’une croissance de 3% par an permettrait
seulement le maintien du niveau de l’emploi. Pour qu’il y ait création, il faudrait un taux de
5% minimum, ce taux est non seulement peu vraisemblable mais dangereux écologiquement.
Le deuxième constat est le coût du chômage. Celui-ci correspond au PIB de la Belgique pour
l’Europe si l’on considère les charges de prestations chômage ainsi que le déficit des recettes
fiscales et des cotisations de sécurité sociale. Le coût d’un chômeur est évalué à 17 000 euros
par an.
De 1981 à 1991, les salaires réels ont progressé moins vite que les gains de productivité alors
que dans le même temps le chômage a augmenté.
A partir de ces constats, les auteurs démontrent l’intérêt pour un réduction du temps de travail,
instrument de lutte contre le chômage et moyen d’intégration. Les modèles proposés sont plus
hétérogènes.
La Confédération Européenne des syndicats envisageait dés 1979 un passage à 35 heures dans
l’ensemble de l’Union ainsi qu’une généralisation des congés payés annuels à 6 semaines, la
retraite à 60 ans, la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans et la mise en place de congés
formation. Depuis 1982, elle pousse pour l’abolition des heures supplémentaires et encourage
le temps partiel volontaire.
La CGIL de Lombardie préconise également une réduction du temps de travail à 35 heures
avec un prélèvement sur les caisses d’assurance chômage dans le cadre européen pour éviter
une concurrence ruineuse. La RTT aura une base quotidienne, hebdomadaire, annuelle et tout
au long de la vie (selon les idées développées par Jacques Delors). Elle souhaite également
l’abandon de la mythologie productiviste.
Ulrich Muckenberger est par contre opposé au fait de puiser dans les caisses de l’assurance
chômage (il s’oppose en effet à toute externalisation des coûts). Il préfère appeler à la
solidarité les hauts salaires et les salariés hors convention en espérant que la baisse de salaire
ne soit que provisoire. Il rejette également tout impôt sur les machines pour financer la
compensation salariale car un tel impôt risque de constituer un frein à l’innovation. Il reprend
11
2
par contre l’idée d’André Gorz d’une TVA sociale perçue sur la consommation, hormis
l’alimentation de base, et socialement échelonnée.
Pour Muckenberger, aucune augmentation de l’emploi n’est plus envisageable sans une RTT.
Celle-ci doit s’accompagner de promesse d’embauche, d’une renonciation aux heures
supplémentaires et aux licenciements économiques. Comme Oskar Lafontaine, il suggère une
réduction immédiate et importante, associée à une baisse du revenu pour ceux qui bénéficient
d’un emploi.
Les mesures seront jugées sur leur efficacité économique (coût de la main d’œuvre,
productivité…), leur réussite sociale (leur impact sur la vie familiale par exemple) et sociétale.
Il souhaite que les syndicats abandonnent la référence au temps plein et au modèle patriarcal
qui se sont marginalisés et qu’ils passent de la lutte des classes à une ouverture sur la société.
Ainsi, les syndicats doivent défendre les travailleurs mais également les tiers (il se rapproche
alors des idées de Jürgen Habermas). Les travailleurs sont devenus des citoyens dans
l’entreprise, on doit alors développer l’autogestion contre le pouvoir unilatéral de direction de
l’employeur.
Pour lui, l’opposition efficacité économique / aménagement du travail par le salarié n’est pas
évidente. Il cite pour exemple les techniques des cercles de qualité ou de responsabilisation
des salariés. Les salariés doivent pouvoir fixer leur durée contractuelle de travail (ils se
préservent ainsi contre les risques d’allongement du temps de travail). Le début et la fin de
journée seraient alors définis par la collectivité des salariés en fonction des besoins de
l’entreprise. Les employés pourraient bénéficier de congés longue durée.
Les salariés mécontents de leurs horaires pourraient se plaindre auprès d’un comité. Ainsi, ils
pourraient refuser des horaires de travail défavorables (travail en fin de semaine ou de nuit).
Ceux-ci seraient d’ailleurs limités aux seules branches de l’entreprise qui le nécessitent.
Alaluf, Boulin et Plasman364se prononcent également pour l’autogestion. Ils souhaitent
associer la lutte pour la maîtrise des temps dans les lieux de travail avec l’action dans les pays
pour la maîtrise des temps de la société (on peut rapprocher cette réflexion de celle menée
dans le projet « le temps des villes »). Ainsi, l’aménagement ne sera plus forcément
défavorable aux salariés. En effet, le temps dégagé par la RTT est le plus souvent un temps
prescrit qu’un temps choisi (horaires décalés, extension du travail le week-end, temps partiel
contraint), le salarié a donc intérêt à maîtriser sa structure temporelle.
364 ALALUF (M.), BOULIN (J. Y.) et PLASMAN (R.), loc. cit.
11
3
Cette autonomie repose sur des droits reconnus en Scandinavie. On parle d’un droit à
l’absence en Suède grâce aux congés parentaux, aux congés de formation…
Ces auteurs montrent l’influence socioculturelle du temps de travail : la vie est réglée par le
travail, les loisirs et la vie familiale s’adaptent. De l’organisation en horaires découle le
sentiment de pénurie du temps.
Enfin, ils dénoncent les effets de la décentralisation de la négociation. En effet, celle-ci
confère au patronat un tel poids qu’il obtient plus de flexibilité sans contre partie en terme de
réduction du temps de travail pour les salariés. « Là où la décentralisation est forte, les
standards minimaux sont peu nombreux et la variance des durées du travail fort
importante ».Les pertes de revenus, le développement du travail à des horaires atypiques et
l’exigence de polyvalence sont autant de freins à la RTT. Ainsi, une RTT avec perte de salaire
ne devrait être admise que si l’emploi est directement menacé.
Ce modèle d’autogestion est enthousiasmant à plusieurs égards, toutefois, en pratique, il
présente des limites. On peut citer pour exemple le cas de l’entreprise italienne de fabrication
d’électroménager Zanussi365. Celle-ci mène une politique sociale ambitieuse et a ainsi proposé
un accord sur l’autogestion du temps de travail. Cet accord prévoyait que les salariés gèrent en
autonomie complète leur temps de travail à condition que soit maintenu la durée
hebdomadaire d’utilisation des machines à 108 heures. Celui-ci a été plébiscité par tous les
syndicats et associations.
Mais cet accord fut un échec fracassant, aucune demande du personnel y ayant trait n’ayant été
formulée. Certains invoquèrent l’individualisme des ouvriers et la richesse de la région. Mais
l’explication est (malheureusement) peut-être plus simple. Une ouvrière aurait dit au directeur
de l’usine : « Avec cet accord, vous prétendez donc que non seulement nous continuions à
faire un boulot de merde, mais qu’en plus on s’occupe de s’autoorganiser le travail et tout le
bazar ! »
Selon les propos d’un des dirigeants nationaux des confédérations : « Vous savez, la
participation est une très belle chose, malheureusement, il y a les travailleurs… »
Ceux-ci révèlent bien le décalage entre les aspirations idéologiques de certains et la réalité des
usines où le mode de production tayloriste, un travail déqualifié sans gratification, usant et
inintéressant ne prête guère à des réflexions sur l’aménagement du temps de travail, les
salariés préférant recourir aux arrêts maladies avec la complicité d’un médecin, ou à d’autres
subterfuges.
365 In Le temps de travail en Europe, loc. cit. p.244.
11
4
Pierre Carditi se prononce pour une RTT à 33 heures et la création d’un service national du
travail ou d’une année consacrée aux travaux socialement utiles. Organisé selon des principes
sous jacents au service militaire, il devrait permettre la création d’1 300 000 emplois.
Enfin, Robert Taylor366croit en l’association compétitivité économique / amélioration des
normes sociales par la RTT. Celle-ci passe par une répartition du temps libre sur l’année et un
droit aux congés sabbatiques. La création d’emplois sera encouragée par les efforts fournis en
matière de formation et d’éducation. Il envisage également de renforcer les institutions du
marché du travail et modifier les systèmes d’imposition.
Il rappelle que les inventeurs de la démocratie à Athènes n’accordaient aucune valeur sociale
ou éthique au travail, que les « travailleurs heureux font du bon travail » et que tant que les
salariés ne réclament pas la RTT, tout changement est délicat.
Il souhaite que le dialogue soit encouragé au niveau européen.
A cette échelle, l’Union Européenne et le Conseil de l’Europe ont repris une partie de ces
idées.
Ils ont mis en avant lors de différents sommets les points positifs des différentes politiques
nationales en matière d’emplois. Ainsi, le modèle de formation allemand a été valorisé. Ils
souhaitent généraliser les congés de formation et le concept de formation toute la vie.
S’agissant de la réduction du temps de travail, celle-ci a été présentée comme un instrument
en faveur de la création d’emplois dans les secteurs à forte main d’œuvre et bénéficiaires.
Les insuffisances du livre blanc de la commission de Bruxelles pour la croissance, la
compétitivité et l’emploi, qui envisageait la lutte contre le chômage par la stimulation de la
croissance, l’abaissement du coût du travail et le développement des services au ménage, ont
donc été en partie corrigées.
366 Taylor (R.), « Un temps pour travailler, un temps pour vivre », in Le temps de travail en Europe, pp. 112 117.
11
5
Taux de chômage dans l'Union européenne
(données standardisées)
juin-97 déc-00 Evolution Evolution relative
%
%
%
%
Irlande
10,1
4,1
-6,0
-59,4
Suède
10,5
5,1
-5,4
-51,4
Pays-Bas
5,5
2,7
-2,8
-50,9
Portugal
6,8
4,3
-2,5
-36,8
Espagne
21
13,7
-7,3
-34,8
France
12,5
8,8
-3,7
-29,6
Finlande
12,7
9,3
-3,4
-26,8
Royaume-Uni
7,3
5,4
-1,9
-26,0
Autriche
4,4
3,3
-1,1
-25,0
Luxembourg
2,7
2,1
-0,6
-22,2
Allemagne
9,9
8,1
-1,8
-18,2
Italie
11,7
10
-1,7
-14,5
Belgique
9,4
8,3
-1,1
-11,7
Danemark
5,5
4,9
-0,6
-10,9
UE 15
10,7
8,1
-2,6
-24,3
11
6
Zone euro 11
11,6
8,7
-2,9
-25,0
Etats-Unis
5
4
-1,0
-20,0
Japon
3,4
4,7
1,3
38,2
Source : EUROSTAT
2000
2001
Ristourne de base
41.400
43.100
Extension de la ristourne
7.400
10.600
Aides incitative et structurelle
19.300
25.500
Total allégements
68.100
79.200
Droits tabac
39.298
39.860
Versement Etat
0
0
39.298
39.860
CSB
4.300
6.600
TGAP
3.200
4.000
7.500
10.600
Droits alcools
5.600
8.160
Versement Etat
4.300
5.700
9.900
13.860
1.- Financement de la ristourne de base :
2.- Financement de l'extension de la ristourne
3.- Financement des aides incitatives et structurelles
11
7
Total des financements
56.698
64.320
Solde du fonds d'allégements
- 11.402 - 14.880
11
8
CONCLUSION :
Cet exposé nous ramène forcément à des réflexions sur le travail en tant que valeur. Le travail
n’est-il qu’une contrainte ? Pour les grecs, travailler c’est aliéner sa liberté au service de la
matière ou d’autrui, alors que sa nature devrait porter l’homme à s’en affranchir pour
commander à l’une ou à l’autre.
La tradition judéochrétienne voit dans le travail une malédiction divine. L’origine du mot
signifiait primitivement un instrument de torture367.
Puis le travail a été affirmé comme une valeur par le protestantisme et l’utilitarisme des
lumières. Il permet d’approfondir l’œuvre divine en faisant fructifier les richesses contenues
en germe dans la Création. Pour Kant368, la nature a voulu que l’homme conquière sa liberté
en développant ses virtualités par le travail. C’est une obligation morale car l’homme a le
devoir envers lui-même de développer ses facultés, sans lesquelles il resterait inachevé.
Le travail est alors une œuvre : une geste créateur et une action conforme au bien.
Adam Smith369 valorise ce travail productif notamment pour mettre en évidence l’oisiveté de
la noblesse.
Pour Hegel370, en travaillant pour un maître, le travailleur finit par prendre conscience de
l’étendue de son pouvoir sur les êtres et les choses et par là même du caractère libérateur du
travail initialement conçu pour l’asservir.
Nous l’avons vu, Nietzsche avait perçu derrière cette valorisation l’opportunité de détourner
l’individu de ses plaisirs pour consacrer son temps au travail. Ainsi, quelques nantis,
propriétaires des moyens de production, se sont en même temps appropriés les moyens de
puissance et de coercition. Dés lors, est apparue une divergence entre les ouvriers qui voyaient
dans le travail un instrument de libération et leurs employeurs pour lesquels il n’est qu’une
activité marchande. L’histoire a tranché en faveur de l’efficacité économique, conduisant
l’ouvrier à aliéner son travail.
Cette évolution a engendré l’exploitation et la paupérisation.
Les luttes sociales et les besoins d’une main d’œuvre qualifiée ont heureusement diminué les
effets de l’exploitation. La prise de conscience de l’improductivité des dernières heures de
367 Tripalium : instrument à ferrer les chevaux puis instrument de torture.
368 KANT, Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique, 1789, Troisième proposition, Edition
Bordas, 1981.
369 SMITH (A.), Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, (1776), Edition Gallimard,
1970.
370 HEGEL, La phénoménologie de l’Esprit (1807), Edition Aubier, 1947.
119
travail a permis le développement des loisirs. Mais pour Jean Baudrillard371, le temps dégagé
par le travail n’est jamais assez libre pour être complètement soustrait aux exigences de la
production.
Aujourd’hui, le travail est considéré comme le principal facteur d’intégration. En effet, il est
impossible de vivre sans travailler, effet de la monétisation de la société, et il est pour
beaucoup l’un des principaux lieux de rencontres compte tenu notamment du temps qui lui est
consacré. Entre moyen de subsistance et instrument de valorisation, la tendance est donc à lui
conférer une grande importance.
Le gouvernement socialiste jospiniste a tenté de permettre un partage de celui-ci par la
réduction du temps de travail qui était présentée par beaucoup comme le seul et dernier
remède au chômage. Instrument de création d’emplois, elle devait permettre de limiter le
nombre des exclus et devenir par là même un vecteur de paix sociale. La branche écologiste
de l’ancienne majorité plurielle ne niait pas non plus voir dans cette mesure l’occasion de
reconsidérer les bases de notre société pour plus de solidarité et pour améliorer les conditions
de vie de chacun.
Mais pour n’avoir pas eu d’effet immédiat conséquent ni sur l’emploi372, ni à en croire les
médias, sur l’insécurité, gouvernement et lois Aubry ont été écartés avec le renouveau de la
majorité présidentielle. La droite, empreinte des valeurs de labeur, a encouragé le peuple à
« retrousser ses manches ». Leitmotiv repris par le MEDEF. Ainsi, la France doit se mettre au
travail, mise à part les quelques cinq millions de chômeurs, exclus et autres précaires…La loi
Fillon est donc venue permettre une telle politique par l’augmentation des contingents
d’heures supplémentaires et par un sursis accordé aux petites entreprises (notamment). Le
chômage doit être soigné selon le remède éprouvé d’une baisse du coût du travail par des
exonérations de cotisations. Remède dont l’OFCE prévoit qu’il permettra de … sauver près de
50 000 emplois par an !
Si les pronostics économiques sont d’une fiabilité incertaine, beaucoup d’auteurs militent
toujours pour une réduction du temps de travail et pour une autre société qui abandonne le
culte de la productivité. Leurs idées font chemin en Europe mais se heurtent au courant de
libéralisation.
371 BAUDRILLARD (J.), La Société de consommation », collection Idées, Edition Gallimard, 1970.
372 Pour Jacques RIGAUDIAT, la réduction du temps de travail entraîne un réflexe d’intensification du travail
qui minore donc les effets sur l’emploi, et une contraction de la production. Mais l’intensification n’est qu’un
processus à court terme, des effets bénéfiques importants peuvent être attendus par la suite.
120
BIBLIOGRAPHIE :
-
Les ouvrages :
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l’emploi ? , Paris, éd. Economica, 1997, 353 p.
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Paris, Belfond, 1998, 321 p.
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Paris, éd. La Découverte, 1996, 332 p.
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Les ouvrages cités :
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KANT, Idée d’une histoire universelle du point de vue cosmopolitique, Troisième
proposition, éd. Bordas, 1981.
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Gallimard, 1977.
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LABBE Dominique et ANDOLFATTO Dominique, Sociologie des syndicats, Repères
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. MARX Karl, Le Capital, Paris, éditions sociales, 1975, livre 1
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tome 1, 317 p.
. NIETZSCHE, Aurore, Gallimard 1974.
. ROSSANVALLON Pierre, la question syndicale, Plon 1995.
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Gallimard, 1970.
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SUE Roger, Temps et ordre social, Paris, PUF coll. Le sociologue, 1994.
-
Les études doctrinales et les articles (par ordre d’apparition):
Dans l’introduction :
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1999, pp. 6-8.
. TIMBEAU Xavier, Réduction du temps de travail : quelles modalités ? , Lettres de l’OFCE,
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. CHEVALLARD Lucille, Loi Aubry : l’épineux problème du SMIC, Options Finance, 21
juin 1999.
.
GALLERNE (J. F.), 35 heures, incertitudes sur les conséquences en matière de
rémunération, Option Finance n°514, 14 septembre 1998, p. 22.
. PELISSIER Jean, La loi dite des 35 heures : contrats et perspectives, Droit Social n°9/10,
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. RAY Jean Emmanuel, Quelques questions autour de la loi Aubry 1, loc. cit. , p. 764.
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LANGLOIS Philippe, La réduction du temps de travail et la rémunération, loc. cit. , pp.
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. La formation, otage ou effet de levier des 35 heures ? , Entreprise et carrières, 27 avril 1999,
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. BELIER Gilles, Droit Social n°9/10, septembre 1998, p. 757.
. TELLIER Dominique, loc. cit. , p.761.
. MASSON (J. R.), loc. cit. , p.759.
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. RADE Christophe, Smic et réduction du temps de travail : la politique des petits pas, Droit
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. FAVENNEC HERY Françoise, Le travail à temps partiel : changement de cap, in Droit
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la confection du 1er bulletin de paye de l’an 2000, loc. cit. , pp.1009-1011.
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MOREAU Isabelle, Aie ! Ma petite entreprise passe aux 35 heures, Liaisons
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Dans la première partie :
.
BARIET Anne et FRANCHET Sandrine, Le gouvernement face aux 35 heures, Entreprise
et carrière n°622, du 21 au 27 mai 2002, pp. 4-6.
. FRANCHET Sandrine, Les 35 heures mettent le feu aux poudres, Entreprise et carrière n°
634, du 3 au 9 septembre 2002, pp. 4-6.
. La nouvelle bataille des 35 heures, Liaisons Sociales quotidien, Revue de pressse n°2538,
11 septembre 2002, pp. 1-4.
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l’esprit, Semaine Sociale Lamy n°1085, 29 juillet 2002, pp. 5-6.
. FAVENNEC HERY Françoise, Le cumul de paiement des heures supplémentaires et du
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presse n°2542, 9 octobre 2002, pp. 6-7.
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septembre 2002, pp. 4-5.
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septembre 2002, pp. 1-4.
. Adoption en 1
ère
.1
ère
lecture, Semaine Sociale Lamy n°1094, 21 octobre 2002, pp. 2-5.
lecture par le Sénat, Semaine Sociale Lamy, 4 septembre 2002, pp. 2-3.
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. MORAND Michel, Le compte épargne rémunération ou le moyen de choisir son temps de
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. RADE Christophe, Smic et RTT, la fin du cauchemar, Droit social, janvier 2003, pp. 14-18.
. La nouvelle bataille des 35 heures, Liaisons sociales quotidien, revue de presse n°2538, 11
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. THOMAS Catherine, Accord de réduction du temps de travail loi Aubry 1, Revue de
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. FAVENNEC HERY Françoise, Mutations dans le droit de la durée du travail, Droit Social,
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. RAY Jean Emmanuel, 35 heures : le forfait jours désormais applicable à plus de cadres, Le
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FAVENNEC HERY Françoise, Le forfait jours : une dérogation générale au droit de la
durée du travail, Semaine Sociale Lamy n°1106, 20 janvier 2003, pp. 8-9.
. Accord 35 heures, le délicat équilibre, Entreprise et carrières n°658, du 25 février au 30
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. Branche professionnelle : le débat n’aura pas lieu, Entreprise et carrière n°638, loc. cit.
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126
.
CHAMPEAUX Françoise, Assouplissement des 35 heures, SMIC, allégement des charges,
Semaine Sociale Lamy n°1089, 16 septembre 2002.
Dans la 2ème partie :
. BOULET GERCOURT Philippe, bush dans le bourbier, Le Nouvel Observateur, 28 août au
3 septembre 2003, p.44.
. Les autres textes sont issus des ouvrages précédemment cités : Le temps de travail en
Europe et La durée et l’aménagement du temps de travail dans l’Union Européenne.
-
Acte de colloque :
Colloque du 1er avril 2003 : « Les 35 heures, bilan et perspectives », organisé par les étudiants
de Lille 2 avec la participation de Jacques RIGAUDIAT, M. KLEIN (représentant de
l’UIMM), Maître PLATEL, M. LAINE (responsable des affaires sociales de la Caisse
d’Epargne des Flandres) et Mme ROYER (responsable régionale de la CFDT).
-
Les rapports et les documents officiels :
. Loi n° 96-502 du 11 juin 1996 tendant à favoriser l’emploi par l’aménagement et la
réduction conventionnels du temps de travail, Journal Officiel 1996, pp.8719-8720.
. Loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d’orientation et d’incitation relative à la réduction du temps
de travail, Journal officiel 1998, pp.9029- 9033.
. Loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail,
Journal Officiel 2000, pp. 975-992.
. Décret n° 2000-81 du 31 janvier 2000 relatif au contrôle de la durée du travail et modifiant
le code du travail, Journal Officiel 2000, pp. 1639 -1640.
. Décret n° 2000-82 du 31 janvier 2000 relatif à la fixation du contingent d’heures
supplémentaires prévu à l’article L.212-6 du code du travail, loc. cit. , p. 1640.
. Décret n° 2000-83 du 31 janvier 2000 relatif au champ de l’allégement de cotisations
sociales prévu par l’article L.241-13-1 du code de la sécurité sociale, loc. cit.
127
. Décret n° 2000-84 du 31 janvier 2000 relatif à l’incitation financière à la RTT, loc. cit. ,
pp.1640-1645.
. Circulaire de la DRT du 5 mars 2000.
. Rapport d’information de Joseph Ostermann au nom de la Commission des finances, du
contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation du 16 mai 2001.
. Circulaire DRT du 17 octobre 2001.
. Décret n° 2002-1257 du 16 octobre 2002, Journal Officiel 2002, p.17 082.
. Loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au
développement de l’emploi, Journal Officiel 2003, pp.1080-1084.
. Circulaire DRT n° 06 du 14 avril 2003 relative au temps de travail et au SMIC, Semaine
Sociale Lamy, 12 mai 2003, n° 1122, pp. 27-36.
-
Les décisions de jurisprudence :
. Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale du 14 juin 1990, Bull. Civ. N°285, Revue de
Jurisprudence Sociale 90.
. Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale du 1er mars 1995, Lublin.
. Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale du 25 janvier 1995, Dame Charre contre
Comité Français de la Faim.
. Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale du 26 novembre 1996.
. Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale du 25 novembre 1997.
. Décision du Conseil constitutionnel n° 98- 401 du 10 juin 1998, Journal Officiel, pp. 90339037.
. Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale du 9 mars 1999.
128
. Arrêt du TGI de Paris du 19 décembre 2000, Fédération Française des Syndicats CFDT des
banques et des sociétés financières contre société Diac, Revue de Jurisprudence Sociale,
04/01, n°461.
. Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale du 13 mars 2001.
. Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale du 23 janvier 2002.
. Arrêt de la Cour de cassation chambre sociale du 10 juillet 2002, Syndicat libre des
exploitants de chauffage contre Société Dalkia, JCP E n°47 (20 novembre 2002, note d’Agnès
VIOTTOLO).
. Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale du 16 février 2003, revue de jurisprudence
sociale, mai 2003, pp. 371-375.
. Décision du Conseil Constitutionnel n° 2002-465 du 13 janvier 2003, Journal Officiel,
pp.1084-1085.
-
Sur internet :
. Passage aux
35 heures : l’essayer c’est l’adopter, www.IPSOS.com.
. Durée du temps de travail en Europe, www.info.europe.fr
. Les français et l’avenir des 35 heures, www.csa.tmo.fr
-
Mémoire :
129
LECOCQ Jean François, Vers un revenu minimum d’activité, DEA Droit Social 2003.
130
TABLE DES MATIERES :
Page de garde, feuillet de titre, remerciement, sommaire et table des abréviations (pp.1-7).
INTRODUCTION (pp. 7-37)
- Historique de la réduction du temps de travail du XVIII ème siècle à la loi de Robien
(pp.7-13).
- Dispositif des lois Aubry 1 et 2 (pp. 13-36).
- Problématique (p. 37).
1ère PARTIE : LA LOI FILLON ENTRE
ASSOUPLISSEMENT ET REVISION DES 35 HEURES :
(pp38-80)
INTRODUCTION (pp.39-44) :
- Avant projet
- Débats
- Jurisprudence sur l’astreinte et la rémunération.
- Négociation avec les partenaires sociaux.
- Vote de la loi.
- Décret du 16 octobre 2002.
- Annonce du plan de la 1ère partie.
CHAPITRE 1 : LES APPORTS DE LA LOI FILLON (pp. 45-62).
SECTION 1 : LES DISPOSITIONS DE LA LOI (pp. 45-55).
§1- DISPOSITIONS RELATIVES AU SMIC.
§2- DISPOSITIONS RELATIVES AU TEMPS DE TRAVAIL.
A- Majoration des heures supplémentaires.
B- Distinction contingent conventionnel/réglementaire et repos
compensateur.
C- Règles en matière de modulation.
D- Définition des cadres intégrés.
E- Règles de fonctionnement du compte épargne temps.
F- L’astreinte.
G- Le régime des heures supplémentaires pour les entreprises
de moins de 20 salariés.
H- Etablissements médicaux sociaux.
140
§3- DISPOSITIONS RELATIVES AU DROIT DE L’EMPLOI.
ABCD-
Champ d’application.
Formalisme.
Mode de calcul.
Règles du cumul.
SECTION 2 : HARMONISATION DU SMIC ET ASSOUPLISSEMENT
DES 35 HEURES : UNE REPONSE A L’ATTENTE DES ACTEURS
ECONOMIQUES (pp. 56-62).
§1- UN NECESSAIRE REFORME.
A- Choix de la méthode.
B- Coût de la méthode.
§2- PETITES ENTREPRISES : LE RECUL SUR LES 35 HEURES.
A- Une attente des entrepreneurs.
B- Les effets pervers de la loi Fillon.
C- Les TPE aux 35 heures.
CHAPITRE 2 : LES LIMITES DU DISPOSITIF FILLON (pp. 63-80).
SECTION 1 : LES INTERROGATIONS LIEES A LA LOI (pp. 63-73).
§1- LES DIFFICULTES POSEES PAR LA LOI.
A- Améliorer sa rémunération.
B- Augmenter le recours aux heures supplémentaires.
§2- LES PROBLEMES NON RESOLUS.
A- Les problèmes posés par le recours à la négociation
collective
B- Quels cadres pour quel régime.
141
SECTION 2 : LA RESISTANCE DES ACCORDS AUBRY : ENTRE
SOUHAITS DES SALARIES ET FREINS DES PARTENAIRES SOCIAUX
(pp.73-80).
§1- LE FRUIT DE LA VOLONTE SALARIALE.
§2- DES NEGOCIATIONS HYPOTHETIQUES.
2ème PARTIE : LES DIFFERENTES CONCEPTIONS DE LA
DUREE DU TRAVAIL EN FRANCE ET EN EUROPE (pp. 80118).
CHAPITRE 1 : LE TEMPS DE TRAVAIL ENVISAGE PAR LES
COURANTS ALTERNATIFS (pp.82-97).
SECTION 1 : LES 32 HEURES POUR UN PARTAGE DU TEMPS DE
TRAVAIL (pp.82-92).
§1- LE MODELE DE PIERRE LARROUTUROU.
A- Une maîtrise de la masse salariale par une exonération de
cotisations sociales.
B- Une nouvelle organisation du temps de travail.
C- Les problèmes posés par la semaine de 4 jours.
D- Les effets escomptés.
§2- LES REFLEXIONS DES AUTRES AUTEURS FRANÇAIS SUR
LA REDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL.
A- Le développement de la réflexion sur la RTT.
B- Les différentes options dans la mise en œuvres de la RTT.
1°- Sur la garantie des salaires.
2°- Sur l’organisation de la RTT.
142
SECTION 2 : LES LIMITES DU PROJET DES 32 HEURES (pp.92-97).
§1- LES LIMITES INHERENTES AU MODELE DE PIERRE
LARROUTUROU.
A- Un faible impact sur la consommation.
B- L’impossible consensus.
§2- LES LIMITES DES PROJETS DE RTT.
A- Les difficultés de financement.
B- Des résultats imprévisibles sur l’emploi.
CHAPITRE 2 : LE TEMPS DE TRAVAIL EN EUROPE : ENTRE
REDUCTION ET LIBERALISATION (pp.98-118).
SECTION 1 : LES REGLEMENTATIONS EUROPEENNES DE LA
DUREE DU TRAVAIL ET LES REALISATIONS EN MATIERE DE
REDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL (pp. 101-111).
§1- QUELQUES EXEMPLES DE REGLEMENTATIONS.
A- Les pays envisageant la RTT comme une amélioration des
conditions de vie.
B- Les états utilisant la RTT comme une arme contre le
chômage.
C- Les pays qui ont fait le choix de la flexibilité et de la
déréglementation.
§2- LE TEMPS PARTIEL : ENTRE POLITIQUE DE RTT ET
EXPLOITATION DE LA MAIN D’ŒUVRE.
143
SECTION 2- LES REFLEXIONS MENEES DANS LES DIFFERENTS
PAYS EUROPEENS SUR LA REDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
(pp.111-118).
§1- LES INSPIRATIOS LIBERALES, CONTRE COURANT DE LA
RTT.
§2- LES REFLEXIONS SUR LE PARTAGE DU TEMPS DE
TRAVAIL EN EUROPE.
CONCLUSION (pp.119-120).
Bibliographie (pp. 121-129).
Annexes (pp. 130-139).
144

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