Evaluer le béton en place en cas de litige

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Evaluer le béton en place en cas de litige
CT Gros œuvre
Évaluer le béton
en place en cas
de litige
En vigueur depuis avril
2007, la norme européenne
NBN EN 13791 [5] relative
à l’évaluation de la résistance à la compression du béton
en place dans les structures et les
éléments préfabriqués s’applique à
de nombreuses situations, notamment en cas de litige sur la qualité et
pour l’estimation de la résistance en
compression de structures anciennes
devant être modifiées. Le présent article décrit la procédure et les critères
de contrôle prévus en cas de litige
sur la qualité du béton.
? V. Pollet, ir., conseiller technologique (1),
chef adjoint du département ‘Matériaux,
technologie et enveloppe’, CSTC
B. Dooms, ir., conseiller technologique (2), chercheur, laboratoire ‘Technologie du béton’, CSTC
1 Introduction
Lors de la spécification – et, donc, de la commande – des bétons, la classe de résistance en
compression est un des éléments à mentionner
selon les normes NBN EN 206-1 [2] et NBN
B 15-001 [1] relatives à la spécification, à la
performance et à la conformité des bétons
(voir à ce propos [7], [8] et [9]).
Seize classes de résistance C fck-cyl/fck-cube sont
prévues dans ces normes. La valeur fck-cyl correspond à la résistance caractéristique exigée à
28 jours, mesurée sur des cylindres de 150 mm
de diamètre et 300 mm de hauteur, tandis que
la valeur fck-cube correspond à la résistance caractéristique exigée à 28 jours, mesurée sur
des cubes de 150 mm de côté.
Jusqu’en avril 2007, aucune norme ne permettait d’interpréter les mesures de résistance des
bétons sur chantier conformément aux spécifications présentées dans les normes NBN
EN 206-1 et NBN B 15-001.
À défaut d’une norme spécifique, on avait
recours aux critères de conformité des normes NBN EN 206-1 et NBN B 15-001. Or,
ces critères portent sur des cubes prélevés en
centrale, serrés selon une procédure normalisée et conservés dans des conditions idéales
(1) Guidance technologique ‘Réparation du béton’, subsidiée par la Région wallonne.
(2) Guidance technologique ‘Nieuwe generatie gelijmde betonwapening’, subsidiée par
l’IWT.
Tableau 1 Classes de résistance en compression pour les bétons de masse
volumique normale et les bétons lourds.
Classe de résistance en compression
conforme aux normes
NBN EN 206-1 et NBN
B 15-001
Résistance
caractéristique minimale
sur des cylindres fck-cyl
(N/mm²)
Résistance
caractéristique minimale
sur des cubes fck-cube
(N/mm²)
C8/10
8
10
C12/15
12
15
C16/20
16
20
C20/25
20
25
C25/30
25
30
C30/37
30
37
C35/45
35
45
C40/50
40
50
C45/55
45
55
C50/60
50
60
C55/67
55
67
C60/75
60
75
C70/85
70
85
C80/95
80
95
C90/105
90
105
C100/115
100
115
de cure (température = 20 ± 2 °C et humidité
relative ≥ 95 %). Ils ne prennent donc pas en
considération les spécificités de la confection
sur chantier, telles que la cure, le serrage et la
position de l’échantillon dans l’ouvrage.
Toutefois, des corrections pouvaient être apportées pour tenir compte de l’âge du béton
et de la température lors du durcissement, au
moyen des coefficients prévus dans l’Eurocode 2 [6] (voir § 7 du présent article).
Sur chantier, la résistance en compression était
généralement évaluée au scléromètre, sur la
base de mesures de dureté. Des erreurs importantes de corrélation ont toutefois été constatées, notamment en raison de la carbonatation
du béton.
Depuis avril 2007, la norme européenne NBN
EN 13791 fixe les procédures de mesure et les
critères d’évaluation de la résistance en compression à adopter sur chantier.
2Domaine d’application de la
norme NBN EN 13791
La norme NBN EN 13791 fournit des techniques d’estimation de la résistance en compression pour les structures en béton et les
éléments préfabriqués.
Elle prévoit également des procédures spécifiques suivant la raison pour laquelle la résistance est recherchée :
• pour évaluer sur site la conformité de la résistance en compression à une spécification
ou une norme de produit
• pour évaluer d’anciennes structures devant
être modifiées, redimensionnées ou restaurées
• lors d’un litige relatif à la qualité du béton
livré.
Les résultats d’essai permettent de vérifier la
conformité aux classes de résistance prévues
dans la norme NBN EN 206-1, mais aussi de
Les Dossiers du CSTC – N° 4/2008 – Cahier n° 6 – page 1
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déterminer la classe de résistance correspondante. Le présent article se limite au cas des
litiges relatifs à la qualité des bétons. Le différend peut porter sur une non-conformité de la
classe de résistance prévue ou sur une mise en
œuvre inadéquate.
Fig. 1 Essai de résistance en compression réalisé sur des carottes.
Fig. 2 Mesure de la dureté de surface
au moyen d’un scléromètre.
Il est à noter que, sous réserve d’un accord
entre les parties, la norme admet une variante
pour évaluer la conformité aux classes de résistance de la norme NBN EN 206-1 lorsqu’il
existe au moins 15 résultats d’essais indirects
et qu’au moins deux carottes ont été prélevées
dans des aires d’essai présentant les plus faibles résistances. Elle propose en outre, pour
les petites zones, une variante ne nécessitant
l’usage que de deux carottes prélevées dans
des aires distinctes.
Le tableau 2 présente les exigences relatives
à la résistance en compression caractéristique minimale sur site par rapport aux classes
de résistance conformes aux normes NBN
EN 206-1 et NBN B 15-001. La norme autorise que les valeurs caractéristiques de résistance en compression du béton sur site soient
inférieures de 15 % par rapport aux limites des
classes de résistance stipulées dans la norme
NBN EN 206-1.
3 Les techniques
La norme NBN EN 13791 prévoit la possibilité de déterminer la résistance en compression
sur la base d’essais réalisés sur des carottes
(suivant la norme NBN EN 12504-1 [3]), mais
aussi sur la base de mesures indirectes (scléromètres, pull-off tests, vitesse des ultrasons).
L’essai de dureté au scléromètre est décrit dans
la norme NBN EN 12504-2 [4].
La méthode de référence est celle des essais
sur carottes (figure 1). Quand des mesures indirectes sont utilisées (figure 2), l’incertitude
associée à la relation entre l’essai indirect et
l’essai sur carotte doit être prise en compte.
Une corrélation entre ces deux types d’essais
doit impérativement être établie conformément à la norme NBN EN 13791.
4 Les échantillons
Pour déterminer la résistance en compression
caractéristique du béton en place, les échantillons (d’un diamètre de 100 mm) doivent
être au minimum au nombre de trois. En cas
d’utilisation de diamètres plus petits (minimum 50 mm), le nombre d’échantillons doit
être augmenté. Comme la résistance en compression caractéristique peut être sous-estimée
lorsqu’on n’utilise que peu d’échantillons, la
norme prévoit un minimum de quinze carottes
pour une évaluation sur site en cas de litige.
Des facteurs de conversion devraient être stipulés dans les annexes nationales pour convertir les valeurs de résistance en compression en
valeurs applicables à un cube de 150 mm de
côté ou à un cylindre de 150 mm de diamètre
et 300 mm de hauteur.
Etant donné qu’en Belgique il n’existe pas
d’annexe nationale pour la norme NBN
EN 13791, il est conseillé de tester des carottes de 100 mm de diamètre et de 100 mm de
hauteur. En effet, la norme précise que :
• tester une carotte d’une longueur et d’un
diamètre nominal de 100 mm donne une
valeur de résistance équivalente à celle d’un
cube de 150 mm ayant bénéficié d’une cure
dans les mêmes conditions
• tester une carotte d’un diamètre de 100 mm
à 150 mm avec un rapport longueur/diamètre de 2 donne une valeur de résistance
équivalente à celle d’un cylindre de 150 mm
de diamètre et 300 mm de longueur ayant
bénéficié d’une cure dans les mêmes conditions.
6Évaluation de la conformité
du béton en cas de litige
5Résistance en compression
sur site en fonction de la
classe de résistance en
compression
6.1 Cas
général
Si une zone d’essai comprend un grand nombre de gâchées avec au moins 15 résultats
d’essais sur carottes, on peut considérer que la
zone contient du béton d’une résistance suffisante et que le béton présent est conforme à la
La détermination de la résistance en compression sur site prend en compte les effets à la
fois des matériaux et de l’exécution (serrage,
cure, etc.).
Tableau 2 Résistance caractéristique minimale en compression sur site et classes de résistance en compression.
Classe de résistance en compression
conforme aux normes
NBN EN 206-1 et NBN
B 15-001
Résistance
caractéristique minimale
sur site sur des
cylindres fck,is-cyl (N/mm²)
Résistance
caractéristique minimale
sur site sur des
cubes fck,is-cube (N/mm²)
C8/10
7
9
C12/15
10
13
C16/20
14
17
C20/25
17
21
C25/30
21
26
C30/37
26
31
C35/45
30
38
C40/50
34
43
C45/55
38
47
C50/60
43
51
C55/67
47
57
C60/75
51
64
C70/85
60
72
C80/95
68
81
C90/105
77
89
C100/115
85
98
Les Dossiers du CSTC – N° 4/2008 – Cahier n° 6 – page 2
CT Gros œuvre
La défaillance d’une carotte individuelle peut
toutefois révéler un problème local plutôt que
global.
6.2 Variante
Une variante nécessitant moins de carottes est
également proposée. Sous réserve d’un accord entre les parties, il est en effet possible
de faire usage d’au moins 15 résultats d’essais
indirects et d’au moins deux carottes prélevées dans les aires d’essai présentant les plus
faibles résistances. On peut considérer que le
béton présente une résistance suffisante si :
fis,plusfaible ≥ 0,85 (fck – 4).
6.3Petites
zones
Pour les petites zones, la norme prévoit la possibilité de travailler avec un nombre de carottes moins élevé, sans pour autant préciser la
portée du terme ‘petite zone’.
D’après la norme, le prescripteur peut se fier à
son expérience pour choisir deux aires d’essais
propices au carottage. Ainsi, on peut considérer que le béton présente une résistance suffisante si :
fis,plusfaible ≥ 0,85 (fck – 4).
7Facteurs d’influence non
explicités dans la norme
NBN EN 13791
Les classes de résistance citées dans les normes NBN EN 206-1 et NBN B 15-001 correspondent à des valeurs de résistance obtenues
sur des éprouvettes normalisées, vibrées en
laboratoire, conservées à une température de
20 ± 2 °C et à une humidité relative de plus de
95 % durant 28 jours.
Comme mentionné ci-dessus, les essais de résistance sur site tels que décrits dans la norme
NBN EN 13791 tiennent compte des caractéristiques des matériaux et des effets de l’exécution (serrage, conservation, etc.).
de la résistance sera plus lent. Par exemple,
un béton âgé de 28 jours ayant durci à 10 °C
aura une résistance comparable à celle d’un
béton ayant durci à 20 °C pendant environ
17 jours.
Puisque la norme mentionne qu’elle prend
en compte la conservation, on peut supposer
que l’influence de la température est prise en
compte dans le rapport de 0,85 défini entre la
résistance en compression sur site et celle obtenue dans les conditions normalisées.
La résistance en compression du béton évolue
également avec le temps. Si les mesures de résistance en compression sont effectuées à plus
de 28 jours d’âge, les résistances seront plus
élevées. Si, par contre, elles sont effectuées à
moins de 28 jours, elles seront moins élevées.
L’âge du béton n’est pas clairement pris en
compte dans la norme NBN EN 13791.
Il paraît évident, quand bien même la norme
ne le mentionne pas, qu’une évaluation de la
conformité en cas de litige ne devrait être réalisée sur un béton de moins de 28 jours.
7.1 Influence
L’annexe B1 de l’Eurocode 2 permet d’ajuster
l’âge du béton en tenant compte de la température, et de déterminer ainsi l’âge corrigé.
L’influence des températures faibles ou élevées dans l’intervalle de 0 à 80 °C sur la maturité du béton peut donc être prise en compte
en ajustant l’âge du béton conformément à
l’expression suivante :
n
t T = ∑ e−( 4000 /(273+T (∆t i ))−13,65)∆t i.
i=1
60
Dans cette formule :
• tT est l’âge du béton corrigé en fonction de
la température, remplaçant t dans les expressions correspondantes
• T(Dti) est la température durant la période
de temps Dti (en °C)
• Dti est le nombre de jours où règne la température T.
Les courbes reproduites à la figure 3 permettent de se rendre compte de l’effet des basses
températures (5, 10, 15 °C) sur le développement de la résistance. L’âge fictif est représenté en fonction de l’âge réel et de la température
durant tout le processus de durcissement.
7.2 Influence
de l’âge du béton
Une correction pourrait être appliquée à la résistance en compression déterminée, afin de
tenir compte de l’âge.
La norme NBN EN 13791 n’évoque pas spécifiquement l’effet de l’âge sur le développement
de la résistance. Par contre, l’Eurocode 2 permet de déterminer un coefficient pour recalculer la résistance en compression à 28 jours à
partir d’une résistance à un autre âge, grâce à
la formule suivante :
fcm(t) = bcc(t)fcm
avec :
28
βcc (t ) = exp(s(1 − ( )1 2 )) , où :
t
• fcm(t) est la résistance moyenne en compression à l’âge de t jours
• fcm est la résistance moyenne du béton à
28 jours d’âge
• bcc(t) est un coefficient qui dépend de l’âge t
du béton (figure 4, p. 4)
• t est l’âge du béton (en jours)
• s est un coefficient qui dépend du type de
ciment :
- s = 0,20 pour les ciments de classe de
Fig. 3 Age fictif en fonction de l’âge réel et de la
température pendant le durcissement.
50
5 °C
40
10 °C
30
15 °C
20 °C
20
10
0
0
A plus basse température, le développement
de la température lors du
durcissement
Age corrigé en fonction de la température
(jours)
norme NBN EN 206-1, pout autant que :
fm(n),is ≥ 0,85 (fck + 1,48 x s)
et
fis,plusfaible ≥ 0,85 (fck – 4)
où :
• fm(n),is est la moyenne de la résistance en
compression sur site de n résultats d’essai
• fck est la résistance caractéristique en compression d’éprouvettes normalisées
• fis,plus faible est le plus faible résultat d’essai de
la résistance en compression sur site
• s est l’écart-type des résultats d’essai, ou
2 N/mm2, selon la plus grande des deux valeurs.
20
40
60
Age réel du béton (jours)
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Fig. 4 Coefficient bcc dans le cas d’un durcissement normal
(s = 0,25).
résistance CEM 42,5 R, CEM 52,5 N et
CEM 52,5 R (classe R)
- s = 0,25 pour les ciments de classe de
résistance CEM 32,5 R et CEM 42,5 N
(classe N)
- s = 0,38 pour les ciments de classe de résistance CEM 32,5 (classe S).
1,20
1,00
bcc (–)
Cette formule est très approximative car elle
ne tient pas compte des différences importantes que l’on pourrait obtenir en raison de la
composition chimique variable du ciment.
1,40
0,80
0,60
0,40
8 Conclusions
La norme NBN EN 13791 permet d’évaluer la
qualité des bétons confectionnés sur chantier.
0,20
0,00
Une trop faible résistance sur site peut être liée
à un certain nombre de facteurs, notamment la
non-conformité du béton par rapport aux prescriptions, un mauvais serrage du béton ou un
ajout d’eau sur site non maîtrisé.
La détermination de la résistance en compression sur site tient compte des effets des matériaux et de l’exécution (serrage, cure, etc.).
Cette résistance en compression sur site peut
être jusqu’à 15 % inférieure à la résistance en
compression normalisée.
La norme ne prévoit pas de règles spécifiques
de calcul pour la maturité du béton. Des facteurs de correction sont toutefois précisés dans
l’Eurocode 2. n
i
Informations
utiles
Cet article a été élaboré dans le cadre
de l’Antenne Normes ‘Bétons, mortiers,
granulats’ (www.normes.be) avec le
soutien financier du SPF Économie,
et des Guidances technologiques
‘Réparation du béton’ (subsidiée par la
Région wallonne) et ‘Nieuwe generatie
gelijmde betonwapening’ (subsidiée par
l’IWT).
0
t
28
56
84
Age (jours)
112
140
168
Bibliographie
1. Bureau de normalisation
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2. Bureau de normalisation
NBN EN 206-1 Béton. Partie 1 : spécification, performances, production et conformité.
Bruxelles, NBN, 2001.
3. Bureau de normalisation
NBN EN 12504-1 Essais pour béton dans les structures. Partie 1 : carottes, prélèvement,
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NBN EN 12504-2 Essais pour béton dans les structures. Partie 2 : essais non destructifs.
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NBN EN 13791 Évaluation de la résistance à la compression du béton en place dans les
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De nouvelles normes ‘bétons’. Partie 1 : nouvelle version de la norme NBN B 15-001.
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De nouvelles normes ‘bétons’ (partie 2). Bruxelles, CSTC, Les Dossiers du CSTC, n° 3,
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9. Pollet V. et Desmyter J.
Prescription du béton selon la NBN B 15-001 et la NBN EN 206-1. Bruxelles, CSTC, Les
Dossiers du CSTC, n° 2, Cahier n° 10, 2006.
Les Dossiers du CSTC – N° 4/2008 – Cahier n° 6 – page 4