L`engagement des salariés à l`épreuve de la crise

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L`engagement des salariés à l`épreuve de la crise
Synthèse du débat du 14/11/ 2013
L’engagement des salariés à l’épreuve
de la crise
Dans le contexte économique actuel, pas facile de répondre aux attentes des
collaborateurs ou de séduire les talents. Alors que l’employeur a besoin de flexibilité et
d’adaptation de la part de ses salariés, ces derniers souhaitent davantage de sécurité et
de visibilité sur leur avenir professionnel. À l’heure où la rigueur salariale s’impose à de
nombreuses entreprises, de quels leviers de rétribution disposent-elles pour optimiser
l’engagement de leurs collaborateurs ?
L’engagement : entre la théorie et la pratique
Parler d’engagement, c’est parler d’un contrat entre employeur et employé. Dans cette relation, la satisfaction
se fonde sur un sentiment d’équité : « Ce que je reçois est à la mesure de ce que je donne. » Mais l’équilibre du
couple contribution/rétribution est affaire de point de vue. Si l’employeur, qui détermine la rétribution, se veut
objectif, l’employé, lui, en a forcément une perception subjective. Et cette perception « est souvent loin de ce
que l’entreprise met en œuvre », relève Antonella Desneux, vice-présidente du club DéciDRH. Pour compliquer
la donne, l’employé n’évalue pas toujours l’équité de sa rétribution par rapport au poste qu’il occupe, mais par
rapport au potentiel qu’il estime représenter. « Une inéquité perçue peut alors entraîner des comportements
déviants, le collaborateur s’investissant seulement à la hauteur de ce qu’il estime être payé », souligne Eric
Bachellereau, DRH adjoint et vice-président Compensation and Benefits chez Veolia Environnement.
Pour tenter de limiter le biais de la subjectivité, les entreprises disposent d’outils de mesure et de comparaison
qui permettent de rationaliser la notion d’équité : ce sont par exemple les descriptions de postes, les enquêtes
de rémunération par poste ou par secteur, et les enquêtes de satisfaction réalisés annuellement auprès des
collaborateurs. Mais d’une entreprise à l’autre, un même poste peut avoir des enjeux et donc des « poids
» différents ; et d’un secteur à l’autre, la structure du marché et les marges font varier les rémunérations.
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Impossible donc d’établir une grille de lecture universelle du couple contribution/rétribution, dont la crise modifie
par ailleurs l’équilibre.
En période de crise, en effet, la relation entre employeur et employé évolue. « Soumises à un moindre turnover
et disposant d’une marge de manœuvre réduite en termes de politique salariale, les entreprises concentrent
souvent leurs efforts sur la productivité et les résultats financiers », explique Mickaël Hoffmann-Hervé, DG en
charge des ressources humaines du groupe Randstad France. Pour autant, elles doivent demeurer vigilantes, pour
ne pas perdre leurs talents et être en capacité d’en attirer de nouveaux : sur le marché de l’emploi, l’attractivité
d’une entreprise s’incarne dans sa marque employeur, dans laquelle il faut continuer d’investir.
Le salaire, mais pas seulement
Parmi les attentes des collaborateurs, le salaire et la sécurité de l’emploi remontent en bonne place, comme
le montrent les récents baromètres des salaires publiés par Randstad et Expectra. « C’est sans doute le signe
que les autres attentes ne sont pas compensées, et qu’il y a urgence à se pencher sur le sujet », analyse Eric
Bachellereau. « La rémunération est bien sûr importante, mais en temps de crise, ce n’est plus un levier sur
lequel on peut jouer, c’est pourquoi il faut en trouver d’autres », renchérit Antonella Desneux.
On constate d’ailleurs, chez les jeunes diplômés d’écoles de commerce ou d’ingénieurs, qui se destinaient
traditionnellement aux grandes entreprises, des motivations différentes de celles de leurs aînés : au moment
d’entrer dans la vie professionnelle, ils se tournent de plus en plus vers l’entreprenariat social. Voilà qui pose un
défi complexe aux grands groupes, qui doivent à la fois attirer ces nouvelles générations et répondre aux attentes
de collaborateurs plus âgés, animés par une autre vision de l’entreprise. « On a une vraie difficulté à satisfaire
globalement des populations très différentes, et ce n’est certainement pas dans les modèles du passé que l’on va
trouver les solutions du futur », avance Eric Bachellereau.
De là à dire que la France est conservatrice en matière de rémunération ? « Nous sommes l’un des rares pays
soumis à l’obligation de négocier annuellement les salaires, rappelle Mickaël Hoffmann-Hervé. Les partenaires
sociaux réfléchissent en termes d’équité collective : notre cadre de discussion est donc conservateur, et ne
favorise pas le développement d’outils de reconnaissance individuelle. »
La rétribution, cette inconnue…
Et si le problème venait d’un malentendu ? Rares sont les salariés qui ont en tête toutes les composantes de leur
rémunération – ou, pour être plus précis, les différents aspects de la rétribution consentie par leur entreprise.
Et le langage médiatique, polarisé sur la notion de salaire, n’arrange rien à l’affaire. Car il serait plus juste de
parler de « package » : au-delà du salaire, en effet, de nombreuses entreprises proposent une mutuelle, des
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jours de formation, la rémunération des congés maladie sans délai de carence, un congé paternité, un comité
d’entreprise, une cantine, une conciergerie, un service de crèche… « Pour n’être pas du cash, tous ces avantages
ont une réelle valeur qui peuvent faire la différence entre des employeurs, souligne Antonella Desneux. Les
entreprises ne communiquent sans doute pas assez bien sur le sujet auprès de leurs salariés. »
Pour Eric Bachellereau, voilà de quoi nuancer le supposé conservatisme des employeurs : « Nous avons été au
contraire très créatifs ces vingt dernières années, en imaginant tout un tas de dispositifs de rémunération directe
ou indirecte (compte épargne-temps, intéressement…). Mais toutes ces strates se sont empilées, deviennent
illisibles et ne sont pourtant pas remises en question. Il faudrait peut-être accepter de renoncer à certaines
choses pour imaginer de nouvelles formes de rémunération. » La crise pourrait ainsi avoir le mérite d’offrir aux
entreprises l’opportunité de repenser leurs dispositifs.
Faisons preuve d’inventivité !
Alors, quels leviers actionner pour optimiser l’engagement des salariés ? Un meilleur « marketing » du package
de rémunération proposé est une première piste à ne pas négliger : à l’interne, bien sûr, mais également à
l’externe, car il y va du dynamisme de la marque employeur.
Le concept de « Cafeteria Plan », s’il est peu répandu en France, peut quant à lui répondre à un besoin
d’individualisation de la rétribution. Le principe est celui d’un choix « en libre-service » entre plusieurs options
proposées par l’entreprise : une demi-journée de temps libre plutôt qu’une prime ; une nouvelle voiture de
fonction plutôt qu’une augmentation de salaire. Pour les collaborateurs, c’est une souplesse appréciable ;
mais pour l’entreprise, le dispositif requiert une préparation minutieuse (valorisation des avantages, respect de
la réglementation fiscale…). Et il ne concerne qu’une petite partie du corps social, les plus hauts placés dans
l’organisation.
Le gisement d’idées le plus fécond en matière d’engagement des collaborateurs est sans doute à chercher dans
le domaine de la responsabilité sociale des entreprises (RSE). Les exemples d’initiatives sont nombreux. Chez SFR,
c’est un accord d’entreprise sur le mécénat de compétences, qui permet aux collaborateurs, sur leur temps de
travail, de contribuer à l’action d’associations humanitaires. « Ces valeurs-là nourrissent la fierté du collaborateur,
qui va dès lors parler différemment de son entreprise, car c’est grâce à elle qu’il a pu s’investir », assure
Antonella Desneux, qui a mis en place cet accord. Chez Veolia Environnement, c’est la volonté de conférer
à l’entreprise un rôle d’ascenseur social, à travers le recours à l’alternance, la mobilité professionnelle et une
université interne qui forme les salariés jusqu’à Bac+5. « Notre politique sociale fait partie intégrante de notre
marque employeur, et nous la valorisons dans nos réponses aux appels d’offres », souligne Eric Bachellereau.
Mais toutes les entreprises sont-elles armées de la même manière pour proposer ces offres ? « C’est avant
tout une volonté politique, répond Mickaël Hoffmann-Hervé. Un patron de PME et un PDG d’une grande
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entreprise peuvent partager la même sensibilité aux ressources humaines. Bien sûr, les grands groupes disposent
de davantage de ressources pour imaginer des dispositifs. Mais rien n’empêche une PME de mettre en place de
l’intéressement, un système d’abondement, une mutuelle un peu plus intéressante… »
Le rôle du management et des RH
C’est donc au plus haut niveau de décision que l’impulsion doit être donnée. Mais quel est le rôle du
management et du DRH ? Pour Mickaël Hoffmann-Hervé, « le management est le relais incontournable de
la déclinaison d’une politique RH ». « Sans le management, on ne peut rien faire, confirme Eric Bachellereau.
Les DRH ne sont pas des gens de pouvoir, tout au mieux d’influence : notre responsabilité est de nous assurer
qu’il y a un parfait alignement entre la vision du président et les outils que l’on met à disposition ; et que ces
outils soient compréhensibles par les managers afin qu’ils puissent se les approprier et les développer dans
l’organisation. Sur le terrain, tout passe par eux. »
Mais pour être en mesure d’exercer leur influence, encore faut-il que les DRH soient bien positionnés dans
l’organisation. « Or la crise tend à nous faire régresser sur ce sujet, déplore Antonella Desneux. Certaines
entreprises ont par exemple choisi de placer les RH sous la finance. C’est incohérent avec la nécessité de valoriser
le capital humain. Les DRH sont de moins en moins présents dans les Comex, sans même parler des conseils
d’administration ou de surveillance. Pourquoi ? Il y a là une vraie question… » Une question que les difficultés
économiques ne devraient pas occulter, mais au contraire placer au cœur des réflexions des décideurs.
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