RASPA Vol 2 n 1 Mars 2004 VF

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RASPA Vol 2 n 1 Mars 2004 VF
¥
Revue Africaine de Santé et de Productions Animales
© 2007 E.I.S.M.V. de Dakar
A RTICLE ORIGINAL
Influence de la concentration plasmatique du phosphore, du
magnésium et du calcium dans l’étiologie du pica chez les bovins
des élevages périurbains de Bobo-Dioulasso (Burkina Faso)
G. A. OUEDRAOGO1*, S. HABUMUREMYI1, N. YAMEOGO2 et G. J. SAWADOGO2
Université Polytechnique de Bobo-Dioulasso, Laboratoire d’Enseignement et de Recherche en Santé et Biotechnologie Animales,
01 BP 1091 Bobo-Dioulasso 01, Burkina Faso.
2 EISMV - Service de Physique et Chimie Biologiques et Médicales, BP 5077, Dakar, Sénégal
1
* Correspondance et tirés à part , e-mail : [email protected]
Résumé
L’objectif de cette étude est d’évaluer l’état nutritionnel minéral des animaux dans des élevages bovins périurbains de Bobo-Dioulasso où le pica survient
de façon répétitive. L’étude a porté sur 120 animaux issus de la station expérimentale de Farakô-Ba et de seize élevages environnants situés dans un
rayon de 25 km. Des dosages par des méthodes spectrophotométriques du phosphate inorganique, du magnésium et du calcium ont donné les
concentrations plasmatiques qui ont été comparées avec les valeurs usuelles établies chez les zébus d’Afrique. Les résultats ont montré que 65,85 %
des animaux qui présentaient du pica, étaient en hypophosphatémie. De même, la proportion des animaux présentant des concentrations plasmatiques
inférieures aux valeurs usuelles était de 54,21 % pour le phosphate inorganique, 36,88 % pour le magnésium et 56,54 % pour le calcium. Ces résultats
ont mis en évidence le rôle prépondérant du phosphate inorganique dans l’étiologie du pica dans la zone d’étude. Le statut nutritionnel des animaux,
RASPA, 5 (1-2) : 3 -8).
surtout pendant les périodes de faible productivité des pâturages naturels devra alors systématiquement être amélioré. (R
Mots-clés : Pica - Phosphatémie - Calcémie - Magnésémie - Elevages périurbains - Bovin.
Abstract
Influence of plasmatic concentration of phosphorus, magnesium and calcium on the pica aetiology in cattle of periurban animal
husbandry in Bobo-Dioulasso (Burkina Faso)
The study aimed to evaluate animals mineral nutritional status in Bobo-Dioulasso periurban bovin husbandry where the pica aetiology occurred
repetitively. The study was carried out using 120 animals from the experimental research station of Farako-Bâ and from sixteen animals farms surrounding
the station, not beyond 25 km. The phosphorus, magnesium and calcium dosages using spectrophotometer has given plasmatic concentration that have
been compared with usual values established in African zebu. Results showed that 65.85% of animals that presented pica were in hypophosphataemia.
Also, the proportions of animals presenting plasmatic concentrations less than the usual values were 54.21%, 36.38% and 56.54% for phosphorus,
magnesium and calcium, respectively. These results portrayed the preponderant role of inorganic phosphate in the pica aetiology in the study area. The
animals nutritional status, especially during the low natural pasturages productivity periods should, therefore, be systematically be improved.
Keys – Words: Pica - Phosphataemia - Magnesaemia - Calcaemia - Periurban animal husbandry - Cattle.
Introduction
Le pica est une dépravation du goût dont l’étiologie chez les
animaux est mal connue et pas assez précise. Ses
nombreuses conséquences ont des répercussions sur la
productivité du cheptel [17]. Il s’agit de contaminations
parasitaires et bactériennes, obstruction intestinale, dommages
dentaires, toxicités hépatospléniques, intoxications par léchage
des peintures et/ou ingestion d’autres substances nocives, etc.
Pour certains auteurs, c’est un trouble nerveux alors que pour
d’autres, il résulte de carences en minéraux. Ces carences qui
ont perdu leur importance dans les pays développés en raison
de l’administration systématique de compléments minéraux,
sont par contre fréquentes en zone sahélienne où les animaux
ne se nourrissent que sur les parcours naturels très souvent
pauvres en minéraux [15], [18], [22]. C’est ainsi que
GUTIERREZ et al. [6], JÜRG KESSLER [11], McDOWELL et al
[14], WILLIAMSON et PAYNE [25], ont cité le pica comme un
signe de la carence en phosphore.
RASPA Vol.5, N0 1-2 2007
D’autres l’ont évoqué comme un signe de carence en sodium,
en cuivre et en cobalt, sans citer le phosphore [10], [25]. Le
pica a également été décrit au cours des symptômes de
l’acétonémie, de l’acidose du rumen et des troubles nerveux.
Pour WATTIAUX [23], le pica est une des manifestations du
désir intense du sel.
Depuis quelques années, des cas de pica ont été décrits dans
certains élevages périurbains de Bobo-dioulasso sans qu’on en
recherche les causes probables. L’évaluation du statut minéral
des animaux issus de ces élevages est par conséquent, la
première étape dans les investigations en vue de comprendre
cette pathologie.
Cette étude concerne la concentration plasmatique du
phosphore, du calcium et du magnésium qui sont certains des
minéraux dont la carence est mise en cause dans l’étiologie du
pica.
3
OUEDRAOGO et al.
L’objectif de notre étude est d’évaluer le statut minéral des
élevages dans les zones où le pica a été décrit, aussi bien chez
les animaux atteints, que pour ceux dont le stade physiologique
peut les en prédisposer. Des hypothèses pourront alors être
émises quant à l’implication des minéraux étudiés dans les
causes du pica.
1. ZONE D’ÉTUDE
L’étude a été conduite au cours de la saison sèche de Janvier à Mai
2007. La zone d’étude était la ferme de la station de Farako-Bâ et seize
élevages sélectionnés en raison des cas de pica rapportés, et situés
dans un rayon de 25 Km autour de la ville de Bobo-Dioulasso. Cette
région est caractérisée par un climat soudano-guinéen avec les
précipitations oscillant entre 800 mm et 1200 mm par an. Ses sols dont
le pH varie entre 5 et 6,5 sont faiblement ferralitiques à l’Ouest et
ferrugineux au Nord avec 2 % de pente. Ils sont très sensibles à
l’érosion et pauvres en azote et phosphore disponibles pour les
plantes.
2. ANIMAUX ET LE MODE D’ÉLEVAGE
L’étude a porté sur 120 animaux âgés de 03 à 08 ans, de races Zébu
Peul, Zébu Gudhali et des produits de croisements Zébu Peul x
Azawak. Tous les animaux sélectionnés pour l’étude ont été traités
contre les parasitoses internes et externes et vaccinés contre les
principales maladies du cheptel conformément au programme national
de vaccination.
Les animaux provenant de la station sont conduits au pâturage le matin
jusqu’au milieu de la journée et l’après-midi. Au retour, ils sont mis en
stabulation.
Leur alimentation est composée de paille d’Andropogon spp., Panicum
spp., Pennisetum spp. Au pâturage et à l’étable, ils reçoivent du foin
constitué par un mélange de diverses herbes et graminées avec en
complément, des tourteaux de coton, de la mélasse et quelques
résidus de récolte. Les animaux issus des élevages périurbains sont
alimentés exclusivement par le pâturage naturel composé en majorité
des espèces décrites plus haut. Certains reçoivent des résidus de
récolte en complément.
Il s’agissait d’ animaux qui exprimaient le pica et des animaux choisis
au hasard parmi ceux dont le stade physiologique les prédisposait aux
carences minérales (d’une part les jeunes proches de la mise à la
reproduction et d’autre part les femelles au dernier mois de gestation et
au premier mois de lactation).
3. TRAITEMENT DES ÉCHANTILLONS
Au total 214 prélèvements de sang ont été effectués. Pour chacune
des vaches gestantes, il y a eu 08 prélèvements hebdomadaires
effectués au cours du péripartum. Les prélèvements de sang ont été
réalisés par ponction de la veine jugulaire.Le sang a été recueilli sur les
tubes héparinés sous vides (Vénojects® Terumo Europe NV),
transporté dans la glace et centrifugé en moins de trois heures à 3000
tours /min pendant 15 minutes. Le plasma a été recueilli et conservé à 20°C jusqu’au moment des analyses dans un délais n’excédant pas
deux mois.
Les dosages ont été faits au laboratoire de biochimie de l’Ecole InterEtats de Sciences et Médecine Vétérinaires sur un spectrophotomètre
à plaque Elx 800, Universal Microplate Reader (Bio-Tek Instruments,
INC). Les réactifs utilisés ont été fabriqués par BioSystèms S.A.(Costa
Brava, 30, Barcelona Spain). Le phosphore a été dosé selon une
méthode fondée sur l’une de ses propriétés. En effet, il réagit avec le
molybdate en milieu acide pour donner un complexe quantifiable par
spectrophotométrie.
Quant au calcium, il réagit avec le bleu de méthylthymol en milieu
alcalin, pour donner un complexe coloré quantifiable par
spectrophotométrie. Pour le magnésium, il réagit avec la calmagite en
milieu alcalin, pour donner un complexe coloré quantifiable par
spectrophotométrie.
4. TRAITEMENT DES RÉSULTATS
Les résultats des dosages ont été saisis sur un tableur « Excel ». Le
calcul des moyennes, écart-types, des variances et la comparaison des
moyennes (Test de Student) des concentrations plasmatiques
obtenues ont été réalisés à l’aide du logiciel SPSS.
En raison de l’absence de données sur le statut minéral des races
bovines de la zone concernée, nous avons utilisé les résultats de
SAWADOGO [20], qui a travaillé sur le zébu Gobra du Sénégal comme
valeurs usuelles.
4
Résultats
Au cours de la période de l’étude, il a été observé 3
avortements, 5 mortinatalités et du pica chez les nouveau-nés.
1. PHOSPHORÉMIE
La proportion d’animaux avec une phosphorémie normale est
de 25,70 % (Tableau I ). Il n’existe pas de différence significative
entre la concentration moyenne des animaux présentant le pica
et celle de ceux qui n’en présentaient pas. Nous avons observé
que 65,85 % des animaux présentant le pica, avaient une faible
phosphatémie. Il n’y avait pas d’effets du sexe, de la parité et
du péripartum. Les phosphatémies moyennes des vaches en
station et des vaches en milieu paysan étaient significativement
différentes (p<0,05).
2. MAGNÉSÉMIE
La proportion d’animaux avec une magnésémie normale est de
35,98 % de l’effectif (Tableau II). La magnésémie des animaux
ayant exprimé le pica et celle des animaux sans pica, ne
différaient pas significativement (p<0,05). Par contre, les
magnésémies des mâles et celles des femelles étaient
significativement différentes (p<0.05). Il n’a pas été observé
d’effets de la parité, du péripartum et de la localisation.
3. CALCÉMIE
La proportion d’animaux avec une calcémie normale est de
46,72 %. Il n’existe pas de différence significative (p<0,05) entre
la calcémie moyenne des animaux présentant le pica et celle
des animaux sans pica (Tableau III). Le sexe, la parité et le
péripartum n’avaient pas d’effets significatifs (p<0,05) . Par
contre la localisation a fait ressortir des moyennes de calcémies
significativement différentes (p<0,05).
Discussion
Sans en être la seule cause, le statut minéral du phosphate, et
dans une moindre mesure celui du magnésium et du calcium
sont des éléments à prendre en compte dans l’étiologie du pica
dans ces élevages. En effet, on observe pour le phosphate, une
proportion élevée d’animaux présentant des concentrations
plasmatiques inférieures aux valeurs usuelles. Ces résultats
proviennent certes, d’élevages où le pica a été décrit, mais
nous estimons que l’échantillon devrait être plus important.
L’étude devrait porter sur un échantillon plus grand, faire une
discrimination entre les races et surtout se dérouler pendant
une période couvrant les deux saisons, ce qui aurait permis de
cerner l’effet saison.
Enfin, l’étude de la composition minérale des fourrages et des
sols dans la zone d’étude aurait apporté des informations
complémentaires.
La phosphatémie moyenne se situe dans l’intervalle (1,23 –
3,03 mmol/l) avec une proportion très importante (54,21%)
d’animaux avec des valeurs de phosphatémie inférieures aux
RASPA Vol.5, N0 1-2 2007
Influence du phosphore, du magnésium et du calcium dans l’étiologie du pica chez les bovins des élevages périurbains au Burkina Faso
Paramètres
Groupes
Pica
Pica
Sexe
Mâle
Parité
Péripartum
Localité
n
41
Phosphatémies
moyennes
en mmol / l
1,93 ± 0,70
Pourcentage
d’hypophosphatémie
(< 2.05 mmol/l)
65,85
Pas de pica
79
2,18 ± 0,93
52,02
Femelle
93
2,16 ± 0,91
53,30
Nullipares
Pluripares
Avant mise bas
27
20
73
22
2,05 ± 0,87
2,72 ± 0,98
2,67 ± 0,83
2,06 ± 0,97
58,18
47,06
Milieu paysan
95
2,26 ± 0,89
29,33
120
NS : non significatif à p < 0,005 ; S : significatif à p < 0,005
Paramètres
Groupes
n
Pica
Pica
41
Sexe
Mâle
Pas de pica
79
Femelle
Parité
Nullipares
Péripartum
Avant mise bas
Localité
Station
Pluripares
1,83 ± 0,85
2,13 ± 0,90
18,18
Tableau II : Résultats du dosage du Magnésium
Pourcentage de
magnésémie
normale
(0.97 – 1.31 mmol/l)
52,75
38,46
73
0,95 ± 0,36
22
1,03 ± 0,37
68,42
21,05
50,92
29,69
9,38
NS
35,98
21,5
60,29
32,36
Milieu paysan
95
0,93 ± 0,34
52,98
40,4
Ensemble des animaux
120
NS : non significatif à p < 0,005 ; S : significatif à p < 0,005
Paramètres
Groupes
Pica
Pica
Sexe
Mâle
n
41
0,91 ± 0,37
Tableau III : Résultats du dosage de Calcium
Calcémies
moyennes
en mmol / l
2,81 ± 0,79
Pas de pica
79
2,66 ± 0,86
Femelle
93
2,67 ± 0,85
Parité
Nullipares
Péripartum
Avant mise bas
27
2,72 ± 0,81
22
2,69 ± 0,88
23,81
40,59
Pourcentage de
calcémie
normale
(2.2 – 2.7 mmol/l)
57,14
33,66
7,35
6,62
Pourcentage
d’hypercalcémie
(> 2.7 mmol/l)
NS
30,77
46,15
23,08
NS
44,45
33,33
22,22
NS
33,33
42,86
23,81
NS
24
S
38,18
33,64
2,55 ± 0,82
51,28
38,46
10,26
95
2,57 ± 0,62
31,31
38,38
30,31
25
120
NS : non significatif à p < 0,005 ; S : significatif à p < 0,005
2,99 ± 0,97
52
2,69 ± 0,85
36,88
31,37
28,18
51
Milieu paysan
Différence
entre groupes
19,05
25,75
37,25
Après mise bas
RASPA Vol.5, N0 1-2 2007
Pourcentage
d’hypocalcémie
(< 2.22 mmol/l)
9,82
2,67 ± 0,83
73
Ensemble des animaux
2,80 ± 0,90
20
Pluripares
Station
56,54
S
NS
0,89 ± 0,35
60,93
8,79
NS
9,1
52,72
51
0,86 ± 0,43
7,51
Différence
entre groupes
NS
Après mise bas
25
Pourcentage
d’hypermagnésémie
(> 1.31 mmol/l)
10,53
39,26
38,18
20,09
0
0,93 ± 0,37
0,82 ± 0,50
S
37,04
93
20
10,94
9,75
38,73
62,96
NS
26,83
53,76
0,76 ± 0,32
23,64
22,1
24
0,92 ± 0,35
27
NS
46,67
25,7
63,41
15,79
25
54,21
0,84 ± 0,45
NS
27,94
17,19
Pourcentage
d’hypomagnésémie
(< 0.97 mmol/l)
18,52
20,88
71,87
Magnésémie
moyenne
en mmol / l
NS
25,27
25,77
Différence
entre groupes
9,76
23,12
21,05
52,15
Pourcentage
d’hyperphosphatémie
(> 2.87 mmol/l)
25,43
63,15
2,23 ± 0,92
25
24,39
22,22
51
Station
Pourcentage de
phosphatémie
normale
(2.05 – 2.87 mmol/l)
59,26
Après mise bas
Ensemble des animaux
Localité
Tableau I : Résultats du dosage de Phosphore.
24
46,72
31,38
16,4
5
OUEDRAOGO et al.
valeurs usuelles qui sont de 2,05 à 2,87 mmol/l. SMITH et al.,
[21], qui ont travaillé sur des zébus White Fulani, Keteku, des
taurins N’dama et leurs croisements, ont trouvé des valeurs de
0,6 à 3,3 mmol/l dans une région où sévissait de la géophagie.
Dans les régions du Kordofan et du Darfour au Soudan,
ABDELRAHMAN et al., [1] ont trouvé chez des zébus Kenana
et Botana, en saison sèche, des valeurs moyennes de 2,15 ±
0,7 mmol/l.
En considérant le facteur présence ou absence de pica, les
résultats montrent que 65,85 % des vaches présentant le pica,
ont une phosphatémie inférieure aux valeurs usuelles. Par
ailleurs, les résultats montrent que 52,02 % des vaches ne
présentant pas le pica, ont tout de même une faible
phosphatémie. Ces animaux peuvent être considérés comme
étant en situation de carence infraclinique. Cette
hypophosphatémie des vaches sans pica expliquerait la
différence non significative des concentrations moyennes des
deux groupes (avec et sans pica). On peut supposer qu’il y
aurait un seuil ou une durée nécessaire de carence pour que le
pica se manifeste. En effet, McDOWELL et CONRAD [13], ont
déterminé un seuil critique de phosphatémie qui est de 1,45
mmol/l.
Les valeurs de phosphatémie en dessous des valeurs usuelles
s’expliqueraient par le fait que les besoins en phosphore des
animaux sont supérieurs à la teneur moyenne annuelle en
phosphore des principaux fourrages de la zone étudiée [4].
Cette situation traduit donc un problème d’apport alimentaire
en phosphore pour les animaux de l’échantillon étudié.
Ceci conforte l’hypothèse affirmant que le pica peut être un
indicateur de l’hypophosphatémie chez l’animal [11], [25], [18],
[14]. Toutefois, d’autres travaux [9], [10], [12] ont présenté le
pica comme un effet spécifique de la carence non pas en
phosphore mais en sodium. Ils ont également souligné qu’une
carence durable en cuivre ou une forte carence en cobalt
peuvent aussi conduire à ce phénomène pathologique.
La phosphatémie moyenne des animaux des élevages
périurbains est significativement plus élevée (p<0,05) que celle
des animaux en station. Cela est confirmé par un pourcentage
d’animaux en hypophosphatémie plus élevé en station. La
composition de l’aliment en station pourrait être mise en cause.
En effet, le niveau d’ingestion du phosphore influence sa
concentration plasmatique [6], [24]. Les fourrages de la station
seraient donc plus pauvres en phosphore que ceux du milieu
paysan.
Par contre, il n’y a pas d’effet constaté du sexe, de la parité et
du péripartum sur la concentration sérique du phosphore par
notre étude. Ce qui diffère des observations antérieures en
particulier pour le péripartum [16]. La taille de notre échantillon
pourrait expliquer en partie cette observation. En effet dans
l’espèce bovine, la parturition est toujours associée à une
baisse plus ou moins accentuée de la calcémie et de la
phosphatémie. Ce syndrome résulte d’une hypersécrétion
transitoire de calcitonine au moment de la mise-bas.
Les valeurs moyennes de la magnésémie de l’ensemble des
animaux se situent dans l’intervalle (0,54 -1,28 mmol/l), avec
56,54 % des vaches ayant une magnésémie inférieure aux
valeurs usuelles qui sont de 0,97 à 1,31 mmol/l.
6
AMAHORO [2] en travaillant sur des vaches en élevage intensif
avait trouvé les mêmes proportions de carences sur des
vaches laitières dans la zone périurbaine de Dakar.
ABDELRAHMAN et al., [1] ont trouvé des valeurs de 1,28 ±
mmol/l. Pour McDOWELL et CONRAD, [13], le seuil critique de
magnésémie est de 0,82 mmol/l.
Les écart-types montrent que les distributions des
concentrations de magnésium dans les différents groupes
d’animaux de notre population sont moins dispersées par
rapport à celles des concentrations en calcium et en
phosphore. Ceci pourrait s’expliquer par le fait que la
déficience en magnésium concernerait tous les animaux alors
que les déficiences en calcium et en phosphore seraient plus
accentuées chez certains animaux.
La magnésémie moyenne des animaux avec pica ne diffère pas
significativement (p<0,05) de celle des animaux sans pica.
Néanmoins, on constate que parmi les animaux présentant le
pica, 63,41 % sont en hypomagnésémie. Le rôle du
magnésium dans l’étiologie du pica n’est pas très souvent
évoqué. On sait que le déficit en cet élément entraîne des
modifications intéressant à la fois le métabolisme protéique,
glucidique, lipidique et minéral. Chez les ruminants, en
particulier quand les besoins de production sont élevés, ils
doivent trouver dans leur ration quotidienne une quantité
suffisante en cet élément. Selon GONZALEZ [5],
l’hypomagnésémie débuterait dès que les valeurs de
magnésium étaient en dessous de 0,7mmol/l et les symptômes
apparaîtraient dès que les valeurs seraient en dessous de
0,4mmol/l. L’hypomagnésémie est aussi capable d’interférer
sur la capacité de la parathormone d’agir sur ses tissus cibles.
L’hypomagnésémie observée au cours de cette étude serait
également d’origine alimentaire. En effet, selon WHITAKER et
al. [24], le magnésium plasmatique est plus le reflet de son
apport courant quotidien, que des réserves qui ne sont pas
rapidement disponibles. En effet, les concentrations
plasmatiques du magnésium sont majoritairement affectées par
l’absorption au niveau du tractus gastro-intestinal
(principalement au niveau du rumen et du réticulum chez les
ruminants adultes) et de manière limitée par la mobilisation
osseuse, l’excrétion dans les faeces et les urines et la sécrétion
dans le lait. De ce fait, si le magnésium alimentaire est
insuffisant ou bien si l’absorption ruminale est perturbée, il n’y
aura pas d’excès de magnésium à mettre en réserve et la
magnésémie va diminuer et aller en dessous du seuil critique.
Les pâturages de la zone d’étude étant dominés par les
graminées, peuvent justifier ces carences.
On observe également que la magnésémie des femelles est
significativement (P>0,05) plus élevée que celles des mâles.
Cela serait dû à l’apport alimentaire qui est le plus souvent plus
élevé chez les femelles que chez les mâles. En effet, il est
fréquent de voir les éleveurs privilégier l’apport alimentaire des
femelles afin de compenser leurs besoins de production.
Il n’y a pas d’effet de la parité, du péripartum et de la
localisation sur la concentration plasmatique du magnésium.
Ceci concorde en partie avec les résultats de SAWADOGO [20]
qui mentionnait que les effets du sexe et de l’âge sur la
magnésémie étaient très modérés.
RASPA Vol.5, N0 1-2 2007
Influence du phosphore, du magnésium et du calcium dans l’étiologie du pica chez les bovins des élevages périurbains au Burkina Faso
La calcémie moyenne se situe dans l’intervalle (1,84-3,54
mmol/l) alors que les valeurs usuelles sont de 2,2 à 2,7 mmol/l.
SMITH et al., [21] ont trouvé des valeurs de 2,2 à 4,0 mmol/l et
ABDELRAHMAN et al., [1] ont trouvé une valeur moyenne de
2,88 ± 1,6 mmol/l. Le seuil critique définit par McDOWELL et
CONRAD [13] est de 2,12 mmol/l.
Selon nos résultats, 36,88 % des vaches sont en état
d’hypocalcémie et seulement 23,81 % des animaux en
hypocalcémie présentent du pica, même si les moyennes de la
calcémie des vaches avec le pica et celle des vaches sans pica
ne diffèrent pas significativement (p<0,05). L’hypocalcémie est
donc moins sévère que l’hypophosphatémie dans notre
échantillon. Le pica ne pourrait donc, pas être associé dans
notre étude à une variation de la calcémie.
Par ailleurs, nous remarquons que, comme au niveau de la
phosphatémie, la moyenne de la calcémie des animaux de la
station de Farako-Bâ diffère significativement de celle de la
calcémie des animaux en milieu paysan (p<0,05). Mais cette
fois, la calcémie moyenne des animaux en station est
supérieure à celle des animaux en milieu paysan. En station, il y
a donc une hypercalcémie et une hypophosphatémie. La cause
d’une alimentation déséquilibrée n’est pas à exclure [1]. En
effet, les règles de rationnement des animaux sont mal
maîtrisées par la plupart des éleveurs. L’hypocalcémie peut
aussi résulter d’une hypoparathyroïdie primaire ou secondaire
et une déficience en vitamine D. De même, la consommation
de certains aliments renfermant de fortes teneurs d’oxalates
réduisent l’absorption du calcium [19].
Nous constatons également que la moyenne de la calcémie
des génisses n’est pas significativement différente de celle des
vaches ayant vêlé. Il n'y a donc pas un effet très marqué de
l’âge. En effet puisque d’une manière globale les animaux ne
souffrent pas d’hypocalcémie, les mécanismes mis en jeu pour
maintenir l’homéostasie de la calcémie fonctionnent
correctement.
Nos résultats ne concordent pas avec ceux de travaux
antérieurs qui ont trouvé que la calcémie des jeunes était
supérieure à celle des adultes [3]. En effet avec l’âge, le nombre
d’ostéoclastes actifs diminue, entraînant une baisse du nombre
de cellules cibles de la parathormone pour la mobilisation du
calcium osseux. A cela s’ajoute une baisse générale du nombre
de récepteurs de cette hormone sur tous les tissus cibles [7].
Pour certains auteurs [12], les concentrations plasmatiques en
calcium sont remarquablement stables chez les ruminants.
La parité n’a pas d’effet également, alors qu’il a été souvent
observé chez les vaches en fin de gestation et en début de
lactation une hypocalcémie en raison d’une forte exportation
du calcium vers le veau et le lait [8]. Elle serait due, à
l’exacerbation de l’intensification de la sécrétion de calcitonine
survenant chez la vache parturiente, intensification qui a pour
rôle de protéger le squelette de la femelle gestante ou allaitante
contre une déminéralisation excessive.
Concernant l’effet de l’âge et de la parité, la méthode
statistique utilisée pour la comparaison des moyennes pourrait
expliquer nos résultats. En effet, les effectifs n’étaient pas de
même taille.
RASPA Vol.5, N0 1-2 2007
Conclusion
Les concentrations plasmatiques des minéraux dosés ne
diffèrent pas entre le groupe des animaux ayant présenté le
pica et celui des animaux n’ayant pas présenté le pica.
Néanmoins, nous avons trouvé que 65,85 % des animaux
présentant le pica, étaient en hypophosphatémie.
Par ailleurs, on observe un nombre assez important d’animaux
avec des concentrations plasmatiques en phosphore, en
magnésium et en calcium inférieures aux valeurs normales,
traduisant une polycarence en ces minéraux. Cette polycarence
semble être le fait d’apports insuffisants. Les teneurs de la
ration en minéraux ne couvrent donc pas les besoins des
animaux dans les élevages étudiés. Les résultats nous
permettent de considérer que dans la zone étudiée, la carence
en certains minéraux, particulièrement celle en phosphore
(56,54 % de la population étudiée) serait avec d’autres causes
éventuelles, responsable du pica observé. En effet, le
disponible fourrager n’est suffisant que durant une moitié de
l’année, à la suite de quoi, il diminue rapidement pendant la
saison sèche. Pour corriger ces carences minérales, nous
recommandons aux éleveurs une adoption de nouvelles
stratégies de rationnement des animaux pour améliorer l’état
nutritionnel minéral des animaux qui ne se nourrissent que sur
les parcours naturels et réduire par conséquent, l’incidence du
pica.
Remerciements
Nous remercions les éleveurs de la zone d’étude et le
personnel de la station de Farako-Bâ qui ont accepté et facilité
l’utilisation de leurs animaux. Nous remercions aussi le
personnel du laboratoire du CIRDES pour leur contribution
dans le traitement et la conservation de nos échantillons. Des
remerciements enfin à tout le personnel du laboratoire de
Biochimie Clinique de l’Ecole Inter-Etats des Sciences et
Médecine Vétérinaires de Dakar, pour leur disponibilité et
assistance lors des dosages.
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RASPA Vol.5, N0 1-2 2007

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