Le vécu du premier examen gynécologique en milieu africain : cas

Transcription

Le vécu du premier examen gynécologique en milieu africain : cas
Article original
Médecine et Santé Tropicales 2014 ; 24 : 165-168
Le vécu du premier examen gynécologique
en milieu africain : cas du Cameroun
Quels ajustements apporter à son déroulement
pour un meilleur vécu ?
doi: 10.1684/mst.2014.0317
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017.
How do Cameroonian women experience their first gynecological examination?
How can the procedure be modified to improve this experience?
Ahounkeng Nanda P.1, Mboudou E.T.2, Dohbit Sama J.2, Foumane P.2, Nana Njotang P.3, Mbu Enow R.3
1
Maternité du centre hospitalier de Chauny, service de gynécologie et obstétrique, 94, rue des Anciens-Combattants
d’AFN et TOM, 02303 Chauny, France
Service de gynécologie et obstétrique, hôpital gynéco-obstétrique et pédiatrique de Yaoundé, Cameroun
3
Maternité principale, Hôpital central de Yaoundé, Département de gynécologie et obstétrique, Yaoundé, Cameroun
2
Article accepté le 11/03/2014
Résumé. L’examen gynécologique est un élément
capital dans le diagnostic de la majorité des affections
gynéco-obstétricales. Une amélioration du vécu du
premier examen gynécologique (PEG) devrait avoir
un impact sur la perception générale de cet examen
et le ressenti global des femmes après sa réalisation.
Objectifs : notre étude avait pour but de décrire le
ressenti global des femmes camerounaises vis-à-vis
du PEG et de faire ressortir les facteurs associés à
un ressenti négatif. Méthodologie : étude d’enquête
transversale, descriptive, sur un mois. Les sujets ont
répondu au questionnaire d’enquête concernant le
vécu de leur PEG. Les réponses ont été analysées et
les facteurs influençant le vécu de l’examen ont été
ressortis. Résultats : le ressenti à l’issue du PEG était
négatif dans 41,5 % des cas, et l’examen avait été
douloureux chez 38,6 % des femmes. L’âge moyen
des femmes ayant eu des douleurs était plus faible
que celui de celles n’en ayant pas eu (P = 0,029) ; de
même, l’âge des patientes ayant eu un ressenti
négatif était plus bas (P = 0,024). Le ressenti négatif
était significativement associé à un examen douloureux (P < 0,001), à un examinateur non spécialisé
en gynécologie [P = 0,04], à une absence d’information concernant le but de l’examen (P = 0,001)
et à l’absence d’espace séparé pour se déshabiller
(P = 0,038). Le taux de femmes ayant refusé un
examen gynécologique ultérieur était plus élevé en
cas de ressenti négatif. Conclusion : le PEG est vécu
par les femmes camerounaises comme éprouvant ;
le ressenti à l’issue de ce PEG influence significativement le comportement des femmes vis-à-vis de
l’examen gynécologique en général.
Mots clés : premier examen gynécologique, ressenti
positif, ressenti négatif, douleur, Cameroun.
Correspondance : Ahounkeng Nanda P
<[email protected]>
Abstract. The gynecological examination is a key
element in the diagnosis of the most genitourinary
disorders. Improving how women experience the
first gynecological examination (FGE) should have
a significant impact on their perception of this
examination and on their general feeling about it
afterwards. Objectives: The aim of our study was to
describe the general feeling of Cameroonian
women towards the FGE and to identify the factors
associated with negative feelings. Methodology: In
this one-month survey study, we asked patients to
complete a questionnaire about how they had
experienced the FGE. The answers have been
analyzed and the factors influencing the way they
experience this examination determined. Results: At
the end of the FGE, 41.5% of the women had
negative feelings, and 38.6% reported that the
examination had been painful. The average age of
women who experienced pain was younger than
that of those who did not [19.4 vs 20.39 years,
P = 0.029], as was that of women with negative
feelings lower [19.41 vs 20.43 years, P = 0.024]. A
negative experience was significantly associated
with a painful examination [P0.001], an examiner
not specialized in gynecology [P = 0.04], lack of
information [P = 0.001], and lack of a separate room
to undress [P = 0.038]. The rate of subsequent
refusals of a gynecological examination was higher
among women with a negative first experience
[56.2% vs. 35.9%, P = 0.008]. Conclusion: The FGE
is experienced by Cameroonian women as very
difficult. Their feelings at the end of this examination significantly influences their behavior towards
gynecological examinations in general.
Keywords: First gynecological examination, positive feeling, negative feeling, pain, Cameroon.
Pour citer cet article : Ahounkeng Nanda P, Mboudou ET, Dohbit Sama J, Foumane P, Nana Njotang P, Mbu Enow R. Le vécu du premier examen gynécologique en milieu
africain : cas du Cameroun Quels ajustements apporter à son déroulement pour un meilleur vécu ?. Med Sante Trop 2014 ; 24 : 165-168. doi : 10.1684/mst.2014.0317
165
P. AHOUNKENG NANDA, ET AL.
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017.
L’
examen gynécologique est un élément capital dans le
diagnostic des affections gynéco-obstétricales. Bien que
considéré comme nécessaire par la plupart des femmes, il
est cependant vécu comme une épreuve. Plusieurs études sur le
sujet font ressortir la gêne et l’anxiété des femmes durant cet
examen [1-4]. Au Nigeria, une étude récente a révélé qu’une
femme sur quatre est embarrassée durant cet examen, et 37,2 %
d’entre elles le trouvent douloureux [5]. La gêne, l’embarras et la
douleur seraient encore plus marqués lorsque cet examen est
réalisé chez une femme pour la première fois [6, 7]. Gautier, en
France, rapporte un premier examen gynécologique (PEG)
douloureux chez 25,6 % des femmes, et un ressenti négatif à
l’issue du PEG chez 30 % des femmes [1]. Dans son étude sur
l’attitude des femmes vis-à-vis de l’examen gynécologique (EG),
en 1998, Wijman note que le vécu du PEG influe de manière
significative sur l’attitude future des femmes vis-à-vis de l’EG [6].
Ainsi un ressenti négatif à ce premier examen reste gravé
longtemps dans le mémoire des femmes et de ce fait, les futurs
examens sont moins bien vécus que dans le cas où le ressenti au
premier examen a été positif.
La question du vécu de l’EG n’a encore, à notre
connaissance, fait l’objet d’aucune étude au Cameroun. Une
amélioration du vécu du PEG devrait avoir un impact significatif
sur la perception de cet examen et le ressenti global des femmes
après sa réalisation. Ceci constitue la principale justification de
ce travail, dont les objectifs étaient de décrire comment les
femmes camerounaises vivent leur PEG, et de faire ressortir
les facteurs associés à un ressenti globalement négatif et à un
examen douloureux.
Méthodologie
Il s’agissait d’une étude d’enquête transversale, descriptive et
analytique. Elle s’est déroulée durant le mois de juin 2012 à
l’École normale supérieure de Yaoundé, à l’Institut des relations
internationales du Cameroun et à la faculté de médecine et des
sciences pharmaceutiques de Douala. Notre population d’étude
était constituée des étudiantes des établissements cités
ci-dessus, ayant déjà eu un EG et acceptant de participer à
l’étude. L’examen gynécologique comprenait un toucher
vaginal et/ou un examen au speculum. Les sujets ont été soit
abordés en groupe, soit individuellement ; le but de l’enquête
leur a été expliqué, et une fiche a été remise à chacune d’elles
pour remplissage. Les données collectées ont été codifiées et
introduite dans un masque de saisie préalablement conçu dans
le logiciel CSPro 3.3. Ensuite, une exportation des données
a été faite vers le logiciel SPSS.16 où elles ont été traitées puis
analysées. Le seuil de significativité a été fixé à 5 % pour tous
les tests statistiques et l’intervalle de confiance était de 95 %.
Résultats
À l’issue du recrutement, nous avons constitué un échantillon de
176 femmes.
Caractéristiques générales de notre
échantillon
Concernant l’âge, 86,9 % (n = 153) des femmes avaient un
âge compris entre 20 et 30 ans ; l’âge moyen était de 24,9 ans.
166
Les chrétiennes constituaient 69,9 % de l’échantillon, les
musulmanes 10,2 %. Le PEG a été réalisé après le début
de la vie sexuelle chez 80,7 % des femmes, avec comme
indication principale le diagnostic des pathologies gynécologiques et l’examen de routine dans le suivi de grossesse ;
la principale indication de l’examen réalisé avant le début
de la vie sexuelle était le diagnostic de pathologies
gynécologiques.
Principaux paramètres étudiés
Le tableau 1 résume les principaux facteurs étudiés et leur
rapport avec le ressenti global et la douleur durant l’examen. Le
ressenti à l’issu de l’examen était positif dans 58,5 % des cas
(n = 103) et négatif dans 41,5 % (n = 73). Ce PEG était
douloureux chez soixante-huit femmes, soit dans 38,6 % des
cas. Parmi les soixante-huit patientes ayant eu un examen
douloureux, quarante-cinq, soit 66,2 %, ont eu un ressenti
négatif à l’issue de l’examen. Ce taux était plus élevé que celui
de 25,9 % retrouvé chez les patientes n’ayant pas eu de douleurs
(P < 0,001).
L’âge au moment du PEG variait de 12 à 30 ans, avec une
moyenne à 20,01 ans (IC : 19,57 à 20,44). L’âge moyen au
moment du PEG était plus élevé chez les femmes ayant eu un
ressenti positif (20,43 vs 19,41 ans ; P = 0,024). De même, il était
plus élevé chez les femmes n’ayant pas eu de douleurs durant
l’examen (20,39 vs 19,40 ans ; P = 0,029).
Le médecin était de sexe masculin dans 75 % des cas. Il n’y
avait pas de différence significative suivant que l’examinateur
soit un homme ou une femme, que ce soit pour le taux de
ressenti négatif (38,6 vs 50 % ; P = 0,185) ou pour la douleur
(35,6 vs 47,7 % ; P = 0,153).
En tout, cinquante-trois femmes ont déclaré avoir eu un
sentiment de vulnérabilité vis-à-vis du médecin, soit 30,1 % des
femmes ; il était plus important chez des femmes examinées par
les médecins hommes que chez celles examinées par des
femmes (35,6 % vs 13,6 % ; P = 0,006). Les principales raisons
données pour expliquer le sentiment de vulnérabilité étaient
dans 43,3 % des cas la nudité, l’intimité, la gêne, la honte
ou la pudeur, et dans 17 % des cas la peur. Par ailleurs, 91,5 %
des femmes acceptaient le suivi gynécologique par un
médecin de sexe masculin ; les patientes refusant d’être suivies
par un homme évoquaient comme raison la gêne, la pudeur, la
religion et le sentiment de vulnérabilité.
Le PEG avait été réalisé dans 70,5 % des cas par un
gynécologue, et dans 22,7 % des cas par un généraliste. On
observait un taux de ressenti positif plus important chez les
femmes ayant consulté un gynécologue que chez celles ayant
consulté un généraliste (64,5 % vs 42,5 % P = 0,040). En
revanche, la spécialité du médecin n’avait pas d’impact sur la
douleur (P = 0,107).
La patiente avait reçu des explications concernant le but de
l’examen dans 68,2 % des cas. Le taux de ressenti positif à l’issue
de la consultation était plus élevé chez les femmes ayant reçu
des explications que chez celles n’en ayant pas reçu (66,7 vs
41,1 % P = 0,001). En revanche, le fait d’informer sur le but de
l’examen n’avait pas d’impact sur la douleur (P = 0,904).
L’autorisation d’examiner avait été demandée dans 73,9 % des
cas, et n’avait d’incidence ni sur le ressenti global (P = 0,749) ni
sur la survenue de douleur (P = 0,443).
Médecine et Santé Tropicales, Vol. 24, N8 2 - avril-mai-juin 2014
Le vécu du premier examen gynécologique
Tableau 1. Principaux facteurs étudiés et rapport avec le ressenti global et la douleur
Table 1. Principal factors studies and their relation to global experience and to pain
Ressenti négatif
Pas de douleur
25,9 % (n = 28)
Ressenti négatif
Douleur
Homme
38,6 % (n = 51)
35,6 % (n = 47)
Douleur
66 % (n = 45)
Genre de l’examinateur
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017.
Ressenti négatif
Douleur
Ressenti négatif
Douleur
Ressenti négatif
Douleur
Ressenti négatif
Douleur
Âge moyen au PEG
Refus ultérieur examen
gynécologique
Douleur 20,39
Douleur 49,1 % (n = 53)
Femme
50 % (n = 22)
48 % (n = 21)
Spécialité de l’examinateur
Gynécologue
35,5 % (n = 44)
33,9 % (n = 42)
Information donnée sur le but de l’examen
Oui
33,3 % (n = 40)
38,3 % (n = 46)
Demande d’autorisation d’examen
Oui
40,8 % (n = 53)
36,9 % (n = 48)
Espace séparé pour se déshabiller
Oui
31,9 % (n = 22)
43,3 % (n = 30)
Douleur+
P
Ressenti
19,40
0,029
20,43
Douleur+
P
Ressenti
37 % (n = 25)
0,109
36 % (n =
Dans 60,8 % des cas, il n’existait pas d’espace séparé pour se
déshabiller. Le ressenti positif était plus élevé chez des femmes
ayant à leur disposition un espace séparé que chez celles n’en
ayant pas (68,1 vs 52,3 % ; P = 0,038). En revanche, la mise à
disposition d’un espace séparé n’avait pas d’incidence sur la
douleur durant l’examen.
Dans l’échantillon global, 44,3 % des femmes avaient par la
suite refusé un examen gynécologique. Ce taux était de 35,9 %
chez les patientes ayant eu un ressenti positif à l’issue du
premier examen et était significativement moins élevé que le
taux de 56,2 % observé chez les femmes dont le ressenti avait
été négatif (P = 0,008). La douleur n’avait pas d’influence sur
l’acceptation ou le refus d’un EG ultérieur.
Discussion
Concernant le ressenti global de la patiente à la fin de l’examen,
il était positif dans 58,5 % des cas. Ce taux est plus bas que ceux
de Gautier et Larsen qui rapportent respectivement des taux de
70 et de 68 % [1, 7]. Le ressenti global est de loin meilleur dans le
groupe de patientes n’ayant pas eu de douleurs que chez celles
en ayant eu. Cette liaison a aussi été retrouvée par Wijman
en Suède et par Larsen en Norvège [6, 7]. Concernant la cause
de ces douleurs d’après les patientes, quinze ont évoqué
la crispation, neuf le fait qu’elles étaient vierges et huit ont
incriminé le speculum ; pour cinq femmes, la douleur était
directement liée à la brutalité du médecin. Dans l’étude de
Gautier, l’état de virginité ressortait aussi comme la seconde
raison invoquée par les patientes. Il est licite ici de s’interroger
sur l’opportunité de réaliser ces examens gynécologiques chez
des femmes vierges.
Médecine et Santé Tropicales, Vol. 24, N8 2 - avril-mai-juin 2014
Généraliste
57 % (n = 23)
47 % (n = 19)
Non
59 % (n = 33)
39 % (n = 22)
Non
43 % (n = 20)
43 % (n = 20)
Non
48 % (n = 51)
35 % (n = 38)
+
Ressenti 19,41
+
Ressenti 37)
56 % (n = 41)
P
< 0,001
P
0,185
0,153
P
0,040
0,107
P
0,001
0,904
P
0,749
0,443
P
0,038
0,289
P
0,024
P
0,008
Dans notre étude, l’âge moyen au PEG était de 20,01 ans.
Cette moyenne est plus élevée que celle retrouvé dans les
études occidentales : 17 ans et 10 mois au Danemark [8], 17,3
ans en Angleterre [9] ; pour Gautier, en France, cet âge était de
18,6 ans et le PEG était réalisé dans 36,7 % des cas avant le début
de la vie sexuelle [1]. Ces chiffres sont un reflet de l’accès aux
soins au Cameroun, et du niveau des prestations de manière
générale. Les différences entre l’âge au premier examen chez
nous et dans les pays occidentaux peuvent s’expliquer par le fait
que le PEG en Occident est fait la plupart du temps à l’occasion
de la prescription d’une pilule contraceptive [1, 8], souvent
avant ou en début de période d’activité sexuelle – comme le
montrent les chiffres retrouvés par Gautier. Or, cette activité
sexuelle est relativement précoce : en France, l’âge des jeunes
filles au moment du premier rapport sexuel est en moyenne de
17,6 ans. Dans notre contexte, le PEG est généralement réalisé
quand surviennent les premières pathologies gynécologiques,
ce qui explique qu’il soit plus tardif chez nous.
Par ailleurs, l’âge moyen au moment du PEG était plus élevé
chez les femmes ayant eu un ressenti positif (p = 0,024), et plus
élevé chez celles n’ayant pas ressenti de douleurs (p = 0,029).
Ces données vont dans le même sens que celles de Gautier et
Gupta, qui rapportent un meilleur ressenti quand l’âge au
moment du PEG est avancé [1, 9]. Les patientes plus âgées ont,
pour la plupart, une activité sexuelle depuis plus longtemps,
elles sont plus habituées à se retrouver nues en présence d’une
autre personne et de ce fait tolèrent mieux l’examen. Reddy, aux
États-Unis, a observé une anxiété plus importante chez les
adolescentes de moins de 18 ans que chez les femmes plus
âgées durant l’EG de manière générale [10] ; plus récemment,
Bodden-Heidrich a établi une corrélation significative entre
167
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017.
P. AHOUNKENG NANDA, ET AL.
l’anxiété et la douleur durant l’EG chez les adolescentes [11].
Cette anxiété et la douleur associée expliquent pourquoi
l’examen est plus douloureux et plus mal vécu chez les plus
jeunes. Par ailleurs, plus la femme est jeune, plus il y a de chance
que l’examen soit fait avant ou juste après le début de l’activité
sexuelle, et on peut imaginer que l’examen pourrait être plus
douloureux du fait d’un vagin plus resserré.
Dans notre échantillon, 91,5 % des femmes acceptaient le
suivi gynécologique par un homme. À ce sujet, Moettus n’a
retrouvé aucun impact du sexe du médecin sur la douleur
durant l’examen de manière générale ; cependant les patientes
examinées pas les femmes étaient moins embarrassées [12].
Dans l’étude de Piper, 60,3 % des femmes ne jugent pas
important le sexe de leur gynécologue ; les critères les plus
importants pour le choix de leur gynécologue incluaient le
professionnalisme, la courtoisie et l’université dont il était
diplômé [13]. En revanche, pour Szymoniak et Yanikkerem,
56 et 45,5 % des patientes, respectivement, affirmaient préférer
être examinée par une femme [3, 14]. Ainsi, il existe une
divergence dans les résultats des diverses études quant aux
préférences concernant le sexe de leur gynécologue.
Nous avons observé que 70,5 % des femmes avaient été
reçues par des gynécologues ; ce taux est plus faible que celui
de Larsen, qui rapporte qu’en Norvège, 86 % des PEG sont faits
par des médecins généralistes [8]. Le taux de ressenti positif était
de 64,5 % chez les femmes ayant consulté un gynécologue, plus
élevé que celui retrouvé chez les femmes ayant consulté un
médecin généraliste (P = 0,040). En revanche, il n’y avait pas de
différence significative, selon la spécialité du médecin, quant à
la douleur ressentie durant l’examen (P = 0,107). Ainsi, bien
que la douleur soit la même, que l’examen soit fait par un
gynécologue ou par un généraliste, le ressenti global des
patientes est meilleur chez celles qui sont vues par un
gynécologue. Il est possible que les femmes se sentent plus
en confiance avec des spécialistes au Cameroun.
Nous notons plus de ressentis positifs chez les femmes ayant
reçu des explications sur le but de l’examen que chez celles n’en
ayant pas reçu (P = 0,001) ; ces explications n’avaient pas
d’impact sur la douleur durant l’examen (P = 0,904). Gautier ne
rapporte aucune différence à ce sujet, que ce soit à propos du
ressenti positif ou de la douleur. Elle rapporte cependant un
ressenti positif plus important chez les patientes ayant reçu des
explications tout au long du déroulement de l’examen
(P = 0,04) [1]. Dans le même sens, Larsen observe que le
ressenti négatif est associé à une absence d’information sur ce
que fait le médecin et au manque d’explication ; il préconise
une phase d’explication poussée avant l’examen [7]. Toujours à
propos du PEG, Hein déclare que le médecin doit discuter et
rassurer la patiente, et qu’un contrat verbal doit être établi entre
le médecin et la patiente, avant l’examen gynécologique interne
[15] ; sur ce point, Cardamone, dans une publication faite en
2002 à propos de l’approche clinique dans l’examen gynécologique chez l’adolescente, insiste sur la nécessité de créer une
bonne relation avec elle avant le début de l’examen [16].
Dans 60,8 % des cas, il n’existait pas d’espace séparé pour se
déshabiller. Nous n’avons pas été surpris par ce taux élevé.
Cette situation est souvent constatée au Cameroun. À titre de
comparaison, ce taux, dans l’étude de Gautier en France, était
168
seulement de 28,9 %. L’écart est énorme, pour quelque chose
d’à la fois élémentaire et primordial.
Le refus d’un futur examen gynécologique était significativement associé à un ressenti négatif au PEG (P = 0,008). Ainsi,
le ressenti à l’issue du PEG est déterminant dans le comportement des patientes dans le futur suivi gynécologique. Ceci
corrobore les résultats de Wijman, en Suède, qui avait observé
que le vécu du PEG a une incidence significative sur l’attitude
future des femmes vis-à-vis de l’examen gynécologique [6].
Conclusion et recommandations
Au terme de cette étude, il ressort que le PEG constitue une
épreuve pour les femmes camerounaises. Près de 38,6 % d’elles
vivent un PEG douloureux, et ceci est associé à leur jeune âge ;
41,5 % d’elles ont un ressenti négatif, et ceci est associé à
la douleur, à l’absence d’explication donnée et d’espace
séparé pour se déshabiller. Le vécu du PEG est un déterminant
majeur du comportement des patientes pendant le futur suivi
gynécologique.
Conflits d’intérêt : aucun.
Références
1. Gautier C. Le premier examen gynécologique: une épreuve pour les
femmes? enquête d’opinion auprès de 90 femmes. Thèse de doctorat en
médecine 2010. Université de Nantes, Faculté de médecine.
2. Hilden M, Sidenius K, Langhoff-Roos J. Women’s experiences of the
gynecologic examination: factors associated with discomfort. Acta Obstet
Gynecol Scand 2003 ; 82 : 1030-6.
3. Szymoniak K, Cwiek D, Berezowska E, Branecka-Woźniak D. Women’s
opinions regarding gynaecological examination in a hospital. Ginekol Pol
2009 ; 80 : 498-502.
4. Petravage JB, Reynolds LJ, Gardner HJ, Reading JC. Attitudes of women
toward the gynecologic examination. J Fam Pract 1979 ; 9 : 1039-45.
5. Ouj U, Igberase GO, Eze JN. Perception of intimate pelvic examination by
gynaecological clinic attendees in rural Southeast Nigeria. Arch Gynecol
Obstet 2011 ; 284 : 637-42.
6. Wijma B, Gullberg M, Kjessler B. Attitudes towards pelvic examination in
a random sample of Swedish women. Acta Obstet Gynecol Scand 1998 ; 77 :
422-8.
7. Larsen SB, Kragstrup J. Experiences of the first pelvic examination in a
random samples of Danish teenagers. Acta Obstet Gynecol Scand 1995 ; 74 :
137-41.
8. Larsen SB, Kragstrup J. The first gynecologic examination. Indications,
age and place. Ugeskr Laeger 1995 ; 157 : 1654-7.
9. Gupta S, Hogan R, Kirkman RJ. Experience of the first pelvic examination.
Eur J Contracept Reprod Health Care 2001 ; 6 : 34-8.
10. Reddy DM, wasserman SA. Patient anxiéty during gynecologic
examinations, behavioral indicators. J Reprod Med 1997 ; 42 : 631-6.
11. Bodden-Heidrich R, Walter S, Teutenberger S. What does a young girl
experience in her first gynecological examination? Study on the
relationship between anxiety and pain. J Pediatr Adolesc Gynecol 2000 ;
13 : 139-42.
12. Moettus A, Sklar D, Tandberg D. The effect of physician gender
on women’s perceived pain and embarrassment during pelvic examination.
Am J Emerg Med 1999 ; 17 : 635-7.
13. Piper I, Shvarts S, Lurie S. Women’s preferences for their gynecologist or
obstetrician. Patient Educ Couns 2008 ; 72 : 109-14.
14. Yanikkerem E, Ozdemir M, Bingol H, Tatar A, Karadeniz G.
Women’s attitudes and expectations regarding gynaecological examination.
Midwifery 2009 ; 25 : 500-8.
15. Hein K. The first pelvic examination and common gynecological
problems in adolescent girls. Women Health 1984 ; 9 : 47-63.
16. Cardamone A. Gynecological exam of the adolescent girl: clinical and
methodological approach. Minerva Pediatr 2002 ; 54 : 521-4.
Médecine et Santé Tropicales, Vol. 24, N8 2 - avril-mai-juin 2014

Documents pareils