Le vécu du premier examen gynécologique en milieu africain : cas
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Le vécu du premier examen gynécologique en milieu africain : cas
Article original Médecine et Santé Tropicales 2014 ; 24 : 165-168 Le vécu du premier examen gynécologique en milieu africain : cas du Cameroun Quels ajustements apporter à son déroulement pour un meilleur vécu ? doi: 10.1684/mst.2014.0317 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017. How do Cameroonian women experience their first gynecological examination? How can the procedure be modified to improve this experience? Ahounkeng Nanda P.1, Mboudou E.T.2, Dohbit Sama J.2, Foumane P.2, Nana Njotang P.3, Mbu Enow R.3 1 Maternité du centre hospitalier de Chauny, service de gynécologie et obstétrique, 94, rue des Anciens-Combattants d’AFN et TOM, 02303 Chauny, France Service de gynécologie et obstétrique, hôpital gynéco-obstétrique et pédiatrique de Yaoundé, Cameroun 3 Maternité principale, Hôpital central de Yaoundé, Département de gynécologie et obstétrique, Yaoundé, Cameroun 2 Article accepté le 11/03/2014 Résumé. L’examen gynécologique est un élément capital dans le diagnostic de la majorité des affections gynéco-obstétricales. Une amélioration du vécu du premier examen gynécologique (PEG) devrait avoir un impact sur la perception générale de cet examen et le ressenti global des femmes après sa réalisation. Objectifs : notre étude avait pour but de décrire le ressenti global des femmes camerounaises vis-à-vis du PEG et de faire ressortir les facteurs associés à un ressenti négatif. Méthodologie : étude d’enquête transversale, descriptive, sur un mois. Les sujets ont répondu au questionnaire d’enquête concernant le vécu de leur PEG. Les réponses ont été analysées et les facteurs influençant le vécu de l’examen ont été ressortis. Résultats : le ressenti à l’issue du PEG était négatif dans 41,5 % des cas, et l’examen avait été douloureux chez 38,6 % des femmes. L’âge moyen des femmes ayant eu des douleurs était plus faible que celui de celles n’en ayant pas eu (P = 0,029) ; de même, l’âge des patientes ayant eu un ressenti négatif était plus bas (P = 0,024). Le ressenti négatif était significativement associé à un examen douloureux (P < 0,001), à un examinateur non spécialisé en gynécologie [P = 0,04], à une absence d’information concernant le but de l’examen (P = 0,001) et à l’absence d’espace séparé pour se déshabiller (P = 0,038). Le taux de femmes ayant refusé un examen gynécologique ultérieur était plus élevé en cas de ressenti négatif. Conclusion : le PEG est vécu par les femmes camerounaises comme éprouvant ; le ressenti à l’issue de ce PEG influence significativement le comportement des femmes vis-à-vis de l’examen gynécologique en général. Mots clés : premier examen gynécologique, ressenti positif, ressenti négatif, douleur, Cameroun. Correspondance : Ahounkeng Nanda P <[email protected]> Abstract. The gynecological examination is a key element in the diagnosis of the most genitourinary disorders. Improving how women experience the first gynecological examination (FGE) should have a significant impact on their perception of this examination and on their general feeling about it afterwards. Objectives: The aim of our study was to describe the general feeling of Cameroonian women towards the FGE and to identify the factors associated with negative feelings. Methodology: In this one-month survey study, we asked patients to complete a questionnaire about how they had experienced the FGE. The answers have been analyzed and the factors influencing the way they experience this examination determined. Results: At the end of the FGE, 41.5% of the women had negative feelings, and 38.6% reported that the examination had been painful. The average age of women who experienced pain was younger than that of those who did not [19.4 vs 20.39 years, P = 0.029], as was that of women with negative feelings lower [19.41 vs 20.43 years, P = 0.024]. A negative experience was significantly associated with a painful examination [P0.001], an examiner not specialized in gynecology [P = 0.04], lack of information [P = 0.001], and lack of a separate room to undress [P = 0.038]. The rate of subsequent refusals of a gynecological examination was higher among women with a negative first experience [56.2% vs. 35.9%, P = 0.008]. Conclusion: The FGE is experienced by Cameroonian women as very difficult. Their feelings at the end of this examination significantly influences their behavior towards gynecological examinations in general. Keywords: First gynecological examination, positive feeling, negative feeling, pain, Cameroon. Pour citer cet article : Ahounkeng Nanda P, Mboudou ET, Dohbit Sama J, Foumane P, Nana Njotang P, Mbu Enow R. Le vécu du premier examen gynécologique en milieu africain : cas du Cameroun Quels ajustements apporter à son déroulement pour un meilleur vécu ?. Med Sante Trop 2014 ; 24 : 165-168. doi : 10.1684/mst.2014.0317 165 P. AHOUNKENG NANDA, ET AL. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017. L’ examen gynécologique est un élément capital dans le diagnostic des affections gynéco-obstétricales. Bien que considéré comme nécessaire par la plupart des femmes, il est cependant vécu comme une épreuve. Plusieurs études sur le sujet font ressortir la gêne et l’anxiété des femmes durant cet examen [1-4]. Au Nigeria, une étude récente a révélé qu’une femme sur quatre est embarrassée durant cet examen, et 37,2 % d’entre elles le trouvent douloureux [5]. La gêne, l’embarras et la douleur seraient encore plus marqués lorsque cet examen est réalisé chez une femme pour la première fois [6, 7]. Gautier, en France, rapporte un premier examen gynécologique (PEG) douloureux chez 25,6 % des femmes, et un ressenti négatif à l’issue du PEG chez 30 % des femmes [1]. Dans son étude sur l’attitude des femmes vis-à-vis de l’examen gynécologique (EG), en 1998, Wijman note que le vécu du PEG influe de manière significative sur l’attitude future des femmes vis-à-vis de l’EG [6]. Ainsi un ressenti négatif à ce premier examen reste gravé longtemps dans le mémoire des femmes et de ce fait, les futurs examens sont moins bien vécus que dans le cas où le ressenti au premier examen a été positif. La question du vécu de l’EG n’a encore, à notre connaissance, fait l’objet d’aucune étude au Cameroun. Une amélioration du vécu du PEG devrait avoir un impact significatif sur la perception de cet examen et le ressenti global des femmes après sa réalisation. Ceci constitue la principale justification de ce travail, dont les objectifs étaient de décrire comment les femmes camerounaises vivent leur PEG, et de faire ressortir les facteurs associés à un ressenti globalement négatif et à un examen douloureux. Méthodologie Il s’agissait d’une étude d’enquête transversale, descriptive et analytique. Elle s’est déroulée durant le mois de juin 2012 à l’École normale supérieure de Yaoundé, à l’Institut des relations internationales du Cameroun et à la faculté de médecine et des sciences pharmaceutiques de Douala. Notre population d’étude était constituée des étudiantes des établissements cités ci-dessus, ayant déjà eu un EG et acceptant de participer à l’étude. L’examen gynécologique comprenait un toucher vaginal et/ou un examen au speculum. Les sujets ont été soit abordés en groupe, soit individuellement ; le but de l’enquête leur a été expliqué, et une fiche a été remise à chacune d’elles pour remplissage. Les données collectées ont été codifiées et introduite dans un masque de saisie préalablement conçu dans le logiciel CSPro 3.3. Ensuite, une exportation des données a été faite vers le logiciel SPSS.16 où elles ont été traitées puis analysées. Le seuil de significativité a été fixé à 5 % pour tous les tests statistiques et l’intervalle de confiance était de 95 %. Résultats À l’issue du recrutement, nous avons constitué un échantillon de 176 femmes. Caractéristiques générales de notre échantillon Concernant l’âge, 86,9 % (n = 153) des femmes avaient un âge compris entre 20 et 30 ans ; l’âge moyen était de 24,9 ans. 166 Les chrétiennes constituaient 69,9 % de l’échantillon, les musulmanes 10,2 %. Le PEG a été réalisé après le début de la vie sexuelle chez 80,7 % des femmes, avec comme indication principale le diagnostic des pathologies gynécologiques et l’examen de routine dans le suivi de grossesse ; la principale indication de l’examen réalisé avant le début de la vie sexuelle était le diagnostic de pathologies gynécologiques. Principaux paramètres étudiés Le tableau 1 résume les principaux facteurs étudiés et leur rapport avec le ressenti global et la douleur durant l’examen. Le ressenti à l’issu de l’examen était positif dans 58,5 % des cas (n = 103) et négatif dans 41,5 % (n = 73). Ce PEG était douloureux chez soixante-huit femmes, soit dans 38,6 % des cas. Parmi les soixante-huit patientes ayant eu un examen douloureux, quarante-cinq, soit 66,2 %, ont eu un ressenti négatif à l’issue de l’examen. Ce taux était plus élevé que celui de 25,9 % retrouvé chez les patientes n’ayant pas eu de douleurs (P < 0,001). L’âge au moment du PEG variait de 12 à 30 ans, avec une moyenne à 20,01 ans (IC : 19,57 à 20,44). L’âge moyen au moment du PEG était plus élevé chez les femmes ayant eu un ressenti positif (20,43 vs 19,41 ans ; P = 0,024). De même, il était plus élevé chez les femmes n’ayant pas eu de douleurs durant l’examen (20,39 vs 19,40 ans ; P = 0,029). Le médecin était de sexe masculin dans 75 % des cas. Il n’y avait pas de différence significative suivant que l’examinateur soit un homme ou une femme, que ce soit pour le taux de ressenti négatif (38,6 vs 50 % ; P = 0,185) ou pour la douleur (35,6 vs 47,7 % ; P = 0,153). En tout, cinquante-trois femmes ont déclaré avoir eu un sentiment de vulnérabilité vis-à-vis du médecin, soit 30,1 % des femmes ; il était plus important chez des femmes examinées par les médecins hommes que chez celles examinées par des femmes (35,6 % vs 13,6 % ; P = 0,006). Les principales raisons données pour expliquer le sentiment de vulnérabilité étaient dans 43,3 % des cas la nudité, l’intimité, la gêne, la honte ou la pudeur, et dans 17 % des cas la peur. Par ailleurs, 91,5 % des femmes acceptaient le suivi gynécologique par un médecin de sexe masculin ; les patientes refusant d’être suivies par un homme évoquaient comme raison la gêne, la pudeur, la religion et le sentiment de vulnérabilité. Le PEG avait été réalisé dans 70,5 % des cas par un gynécologue, et dans 22,7 % des cas par un généraliste. On observait un taux de ressenti positif plus important chez les femmes ayant consulté un gynécologue que chez celles ayant consulté un généraliste (64,5 % vs 42,5 % P = 0,040). En revanche, la spécialité du médecin n’avait pas d’impact sur la douleur (P = 0,107). La patiente avait reçu des explications concernant le but de l’examen dans 68,2 % des cas. Le taux de ressenti positif à l’issue de la consultation était plus élevé chez les femmes ayant reçu des explications que chez celles n’en ayant pas reçu (66,7 vs 41,1 % P = 0,001). En revanche, le fait d’informer sur le but de l’examen n’avait pas d’impact sur la douleur (P = 0,904). L’autorisation d’examiner avait été demandée dans 73,9 % des cas, et n’avait d’incidence ni sur le ressenti global (P = 0,749) ni sur la survenue de douleur (P = 0,443). Médecine et Santé Tropicales, Vol. 24, N8 2 - avril-mai-juin 2014 Le vécu du premier examen gynécologique Tableau 1. Principaux facteurs étudiés et rapport avec le ressenti global et la douleur Table 1. Principal factors studies and their relation to global experience and to pain Ressenti négatif Pas de douleur 25,9 % (n = 28) Ressenti négatif Douleur Homme 38,6 % (n = 51) 35,6 % (n = 47) Douleur 66 % (n = 45) Genre de l’examinateur Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017. Ressenti négatif Douleur Ressenti négatif Douleur Ressenti négatif Douleur Ressenti négatif Douleur Âge moyen au PEG Refus ultérieur examen gynécologique Douleur 20,39 Douleur 49,1 % (n = 53) Femme 50 % (n = 22) 48 % (n = 21) Spécialité de l’examinateur Gynécologue 35,5 % (n = 44) 33,9 % (n = 42) Information donnée sur le but de l’examen Oui 33,3 % (n = 40) 38,3 % (n = 46) Demande d’autorisation d’examen Oui 40,8 % (n = 53) 36,9 % (n = 48) Espace séparé pour se déshabiller Oui 31,9 % (n = 22) 43,3 % (n = 30) Douleur+ P Ressenti 19,40 0,029 20,43 Douleur+ P Ressenti 37 % (n = 25) 0,109 36 % (n = Dans 60,8 % des cas, il n’existait pas d’espace séparé pour se déshabiller. Le ressenti positif était plus élevé chez des femmes ayant à leur disposition un espace séparé que chez celles n’en ayant pas (68,1 vs 52,3 % ; P = 0,038). En revanche, la mise à disposition d’un espace séparé n’avait pas d’incidence sur la douleur durant l’examen. Dans l’échantillon global, 44,3 % des femmes avaient par la suite refusé un examen gynécologique. Ce taux était de 35,9 % chez les patientes ayant eu un ressenti positif à l’issue du premier examen et était significativement moins élevé que le taux de 56,2 % observé chez les femmes dont le ressenti avait été négatif (P = 0,008). La douleur n’avait pas d’influence sur l’acceptation ou le refus d’un EG ultérieur. Discussion Concernant le ressenti global de la patiente à la fin de l’examen, il était positif dans 58,5 % des cas. Ce taux est plus bas que ceux de Gautier et Larsen qui rapportent respectivement des taux de 70 et de 68 % [1, 7]. Le ressenti global est de loin meilleur dans le groupe de patientes n’ayant pas eu de douleurs que chez celles en ayant eu. Cette liaison a aussi été retrouvée par Wijman en Suède et par Larsen en Norvège [6, 7]. Concernant la cause de ces douleurs d’après les patientes, quinze ont évoqué la crispation, neuf le fait qu’elles étaient vierges et huit ont incriminé le speculum ; pour cinq femmes, la douleur était directement liée à la brutalité du médecin. Dans l’étude de Gautier, l’état de virginité ressortait aussi comme la seconde raison invoquée par les patientes. Il est licite ici de s’interroger sur l’opportunité de réaliser ces examens gynécologiques chez des femmes vierges. Médecine et Santé Tropicales, Vol. 24, N8 2 - avril-mai-juin 2014 Généraliste 57 % (n = 23) 47 % (n = 19) Non 59 % (n = 33) 39 % (n = 22) Non 43 % (n = 20) 43 % (n = 20) Non 48 % (n = 51) 35 % (n = 38) + Ressenti 19,41 + Ressenti 37) 56 % (n = 41) P < 0,001 P 0,185 0,153 P 0,040 0,107 P 0,001 0,904 P 0,749 0,443 P 0,038 0,289 P 0,024 P 0,008 Dans notre étude, l’âge moyen au PEG était de 20,01 ans. Cette moyenne est plus élevée que celle retrouvé dans les études occidentales : 17 ans et 10 mois au Danemark [8], 17,3 ans en Angleterre [9] ; pour Gautier, en France, cet âge était de 18,6 ans et le PEG était réalisé dans 36,7 % des cas avant le début de la vie sexuelle [1]. Ces chiffres sont un reflet de l’accès aux soins au Cameroun, et du niveau des prestations de manière générale. Les différences entre l’âge au premier examen chez nous et dans les pays occidentaux peuvent s’expliquer par le fait que le PEG en Occident est fait la plupart du temps à l’occasion de la prescription d’une pilule contraceptive [1, 8], souvent avant ou en début de période d’activité sexuelle – comme le montrent les chiffres retrouvés par Gautier. Or, cette activité sexuelle est relativement précoce : en France, l’âge des jeunes filles au moment du premier rapport sexuel est en moyenne de 17,6 ans. Dans notre contexte, le PEG est généralement réalisé quand surviennent les premières pathologies gynécologiques, ce qui explique qu’il soit plus tardif chez nous. Par ailleurs, l’âge moyen au moment du PEG était plus élevé chez les femmes ayant eu un ressenti positif (p = 0,024), et plus élevé chez celles n’ayant pas ressenti de douleurs (p = 0,029). Ces données vont dans le même sens que celles de Gautier et Gupta, qui rapportent un meilleur ressenti quand l’âge au moment du PEG est avancé [1, 9]. Les patientes plus âgées ont, pour la plupart, une activité sexuelle depuis plus longtemps, elles sont plus habituées à se retrouver nues en présence d’une autre personne et de ce fait tolèrent mieux l’examen. Reddy, aux États-Unis, a observé une anxiété plus importante chez les adolescentes de moins de 18 ans que chez les femmes plus âgées durant l’EG de manière générale [10] ; plus récemment, Bodden-Heidrich a établi une corrélation significative entre 167 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017. P. AHOUNKENG NANDA, ET AL. l’anxiété et la douleur durant l’EG chez les adolescentes [11]. Cette anxiété et la douleur associée expliquent pourquoi l’examen est plus douloureux et plus mal vécu chez les plus jeunes. Par ailleurs, plus la femme est jeune, plus il y a de chance que l’examen soit fait avant ou juste après le début de l’activité sexuelle, et on peut imaginer que l’examen pourrait être plus douloureux du fait d’un vagin plus resserré. Dans notre échantillon, 91,5 % des femmes acceptaient le suivi gynécologique par un homme. À ce sujet, Moettus n’a retrouvé aucun impact du sexe du médecin sur la douleur durant l’examen de manière générale ; cependant les patientes examinées pas les femmes étaient moins embarrassées [12]. Dans l’étude de Piper, 60,3 % des femmes ne jugent pas important le sexe de leur gynécologue ; les critères les plus importants pour le choix de leur gynécologue incluaient le professionnalisme, la courtoisie et l’université dont il était diplômé [13]. En revanche, pour Szymoniak et Yanikkerem, 56 et 45,5 % des patientes, respectivement, affirmaient préférer être examinée par une femme [3, 14]. Ainsi, il existe une divergence dans les résultats des diverses études quant aux préférences concernant le sexe de leur gynécologue. Nous avons observé que 70,5 % des femmes avaient été reçues par des gynécologues ; ce taux est plus faible que celui de Larsen, qui rapporte qu’en Norvège, 86 % des PEG sont faits par des médecins généralistes [8]. Le taux de ressenti positif était de 64,5 % chez les femmes ayant consulté un gynécologue, plus élevé que celui retrouvé chez les femmes ayant consulté un médecin généraliste (P = 0,040). En revanche, il n’y avait pas de différence significative, selon la spécialité du médecin, quant à la douleur ressentie durant l’examen (P = 0,107). Ainsi, bien que la douleur soit la même, que l’examen soit fait par un gynécologue ou par un généraliste, le ressenti global des patientes est meilleur chez celles qui sont vues par un gynécologue. Il est possible que les femmes se sentent plus en confiance avec des spécialistes au Cameroun. Nous notons plus de ressentis positifs chez les femmes ayant reçu des explications sur le but de l’examen que chez celles n’en ayant pas reçu (P = 0,001) ; ces explications n’avaient pas d’impact sur la douleur durant l’examen (P = 0,904). Gautier ne rapporte aucune différence à ce sujet, que ce soit à propos du ressenti positif ou de la douleur. Elle rapporte cependant un ressenti positif plus important chez les patientes ayant reçu des explications tout au long du déroulement de l’examen (P = 0,04) [1]. Dans le même sens, Larsen observe que le ressenti négatif est associé à une absence d’information sur ce que fait le médecin et au manque d’explication ; il préconise une phase d’explication poussée avant l’examen [7]. Toujours à propos du PEG, Hein déclare que le médecin doit discuter et rassurer la patiente, et qu’un contrat verbal doit être établi entre le médecin et la patiente, avant l’examen gynécologique interne [15] ; sur ce point, Cardamone, dans une publication faite en 2002 à propos de l’approche clinique dans l’examen gynécologique chez l’adolescente, insiste sur la nécessité de créer une bonne relation avec elle avant le début de l’examen [16]. Dans 60,8 % des cas, il n’existait pas d’espace séparé pour se déshabiller. Nous n’avons pas été surpris par ce taux élevé. Cette situation est souvent constatée au Cameroun. À titre de comparaison, ce taux, dans l’étude de Gautier en France, était 168 seulement de 28,9 %. L’écart est énorme, pour quelque chose d’à la fois élémentaire et primordial. Le refus d’un futur examen gynécologique était significativement associé à un ressenti négatif au PEG (P = 0,008). Ainsi, le ressenti à l’issue du PEG est déterminant dans le comportement des patientes dans le futur suivi gynécologique. Ceci corrobore les résultats de Wijman, en Suède, qui avait observé que le vécu du PEG a une incidence significative sur l’attitude future des femmes vis-à-vis de l’examen gynécologique [6]. Conclusion et recommandations Au terme de cette étude, il ressort que le PEG constitue une épreuve pour les femmes camerounaises. Près de 38,6 % d’elles vivent un PEG douloureux, et ceci est associé à leur jeune âge ; 41,5 % d’elles ont un ressenti négatif, et ceci est associé à la douleur, à l’absence d’explication donnée et d’espace séparé pour se déshabiller. Le vécu du PEG est un déterminant majeur du comportement des patientes pendant le futur suivi gynécologique. Conflits d’intérêt : aucun. Références 1. Gautier C. Le premier examen gynécologique: une épreuve pour les femmes? enquête d’opinion auprès de 90 femmes. Thèse de doctorat en médecine 2010. Université de Nantes, Faculté de médecine. 2. Hilden M, Sidenius K, Langhoff-Roos J. Women’s experiences of the gynecologic examination: factors associated with discomfort. Acta Obstet Gynecol Scand 2003 ; 82 : 1030-6. 3. Szymoniak K, Cwiek D, Berezowska E, Branecka-Woźniak D. Women’s opinions regarding gynaecological examination in a hospital. Ginekol Pol 2009 ; 80 : 498-502. 4. Petravage JB, Reynolds LJ, Gardner HJ, Reading JC. 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Médecine et Santé Tropicales, Vol. 24, N8 2 - avril-mai-juin 2014