Etude d`œuvre : Bel Ami de Maupassant (1885)

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Etude d`œuvre : Bel Ami de Maupassant (1885)
Fiche Cours
Nº : 91013
FRANÇAIS
Toutes séries
LE TALENT C’EST D’AVOIR ENVIE
Etude d’œuvre :
Bel Ami de Maupassant (1885)
Plan de la fiche :
1. Georges Duroy ou la peinture d’un arriviste
2. Une peinture de la vie parisienne
3. Bel Ami, un roman naturaliste
Georges Duroy ou la peinture d’un arriviste
Georges Duroy est une figure d’arrivisme absolu. Parti de rien, il devient maître de la presse puis, très vite du pouvoir.
Dès l’incipit du roman Duroy prend une place primordiale, pareille à celle qu’il va occuper au cœur du journal où il est rédacteur et
au milieu de toutes ces femmes tombées sous son charme. Son portrait est présenté en mouvement, c’est un bel homme conscient
et fier de son pouvoir de séduction, qui erre dans les rues de Paris à la recherche d’une conquête. Il a un passé militaire dont il
garde l’allure élégante, ses atouts physiques apparaissent comme des armes.
Duroy est pauvre mais fier de cette apparence militaire qu’il amplifie par certains aspects provocants de sa personnalité, comme
s’il était prêt à défier la terre entière.
Bel Ami : du personnage à l’auteur
Même si Maupassant a voulu « analyser une crapule » en la développant « dans un milieu digne d’elle », il n’en reste pas moins que
certains aspects du personnage de Duroy renvoient à des caractéristiques propres à l’auteur.
Tout comme Maupassant, Bel Ami quitte son habit d’employé de bureau pour se retrouver dans un monde particulier : celui du
journalisme. Son ascension est fulgurante même si au départ sa plume lui fait défaut. Ses papiers, comme ceux de Maupassant,
connaissent un bon accueil et font la notoriété des deux journalistes. Pour l’un comme pour l’autre, l’argent prend une place
primordiale dans leur existence.
Mise à part cette première ressemblance concernant le journalisme, Duroy et son auteur sont tous les deux des hommes à femmes.
La réussite de l’un aurait été impossible sans elles mais tous deux ont le même rapport aux femmes et leur virilité est mise en
avant au détriment de leur sensibilité.
Ils sont donc animés par la même ambition de réussite et de séduction mais les similitudes ne se limitent pas à ces deux traits
communs, leur unicité prend forme lorsque Duroy se met à la rédaction d’articles sur l’Algérie, lorsqu’il se retrouve à Cannes
auprès de Mme Forestier où l’Esterel est magnifiquement décrit. De plus, la Normandie si chère aux yeux de l’auteur a sa place
aussi dans le récit. Elle occupe très souvent les pensées du personnage et elle a pour rôle premier de fixer ses origines.
En aucun cas il ne faut voir Bel Ami comme une œuvre à caractère autobiographique même si certains éléments appartenant à la vie
et au comportement de l’auteur s’y reflètent. Maupassant a simplement voulu donner à son personnage un caractère plus proche
de la réalité de son temps.
Bel Ami et les femmes
Les femmes ont un rôle très marquant dans l’œuvre de Maupassant et plus particulièrement dans Bel Ami.
En effet, sans elles, le personnage principal du roman n’aurait aucune raison d’exister. Sa vie prendrait alors un tournant de morosité
et d’ennui affligeants et aucun thème abordé dans le récit n’aurait de sens. L’ascension sociale de Duroy se réalise grâce à ces
personnages adjuvants. Elles sont omniprésentes et servent à la progression du récit tout comme à l’évolution de Bel Ami.
Au début du roman, Duroy est en manque d’amour et c’est Rachel qu’il croisera en premier sur son chemin. Rachel est une
prostituée, une de celles que le lecteur rencontre souvent dans l’œuvre de Maupassant.Vulgaire et grossière, elle est le reflet d’une
société de fin de siècle et plus particulièrement d’un endroit considéré dégradant comme les Folies Bergère. Même si elle a, par
son expérience, l’habitude des hommes, elle ne reste pas insensible au charme que dégage Duroy. C’est dire à quel point Duroy a
une facilité à faire succomber les femmes.
Au chapitre II, lors du dîner chez Forestier, Duroy rencontre les femmes qui progressivement l’aideront à atteindre le but qu’il s’est
fixé.
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LE TALENT C’EST D’AVOIR ENVIE
La première femme qu’il découvre est Madeleine Forestier, l’épouse de son ami. C’est une « jeune femme blonde et jolie » qui
bénéficie d’un portrait physique précis et élogieux. Elle mêle beauté et intelligence. Dès leur première rencontre elle perce la nature
secrète de Duroy. Elle sait aussitôt que cet homme ira loin et, lorsqu’il parle de l’Afrique, elle le couve d’un regard « protecteur et
souriant ». Elle perçoit son talent de journaliste mais surtout celui de séducteur et elle l’invite à faire la cour à Mme Walter de sorte
à attirer la sympathie de son patron.
Madeleine Forestier est une journaliste de talent. Lorsque Duroy entre dans son cabinet, il la voit avec « une grande page de papier
demeurée écrite à moitié ». Le lecteur suppose alors qu’elle rédige les articles de son mari avant de rédiger ceux de Duroy.
Elle s’intéresse aussi à la politique et côtoie les représentants du pays, les hommes les plus influents, ce qui la rend encore plus
singulière dans la mesure où très peu de femmes pouvaient s’enorgueillir d’être autant investies dans la vie politique. De plus, très
représentative de son époque et de son milieu, Madeleine Forestier est une femme infidèle. Elle trompe son mari avec LarocheMathieu, le ministre des affaires étrangères, et il est très probable qu’elle le fasse par intérêt. Cet adultère la mène au divorce.
Elle « connaît tout le monde sans avoir l’air de voir personne ; elle obtient ce qu’elle veut, comme elle veut et quand elle veut. ». Elle est un
précieux trésor pour un homme qui rêve de s’élever dans la société. Grâce à elle, Duroy jouira d’une grande notoriété dans le
milieu journalistique et assurera un début de fortune en partageant l’héritage reçu de Vaudrec. Madeleine Forestier est l’élément
déclencheur du processus d’ascension chez Duroy.
Son portrait psychologique repose sur une certaine ambiguïté, femme séduisante, Maupassant a su lui donner des traits masculins
à travers son penchant pour la politique et son sens du calcul.
Mme de Marelle, qui deviendra rapidement la maîtresse de Duroy est un exemple de maîtresse parfaite. Elle est séduisante,
attirante et fait preuve d’une grande indulgence. Contrairement à Madeleine Forestier, elle a d’autres préoccupations, elle apprécie
l’amusement et l’amour. Elle n’hésite pas, pour garder son amant, à dépenser de l’argent. Elle apparaît tout au long du roman jusqu’à
la dernière page où son rôle de maîtresse se poursuit.
Mme Walter est la deuxième maîtresse de Duroy. Une femme qui découvre le plaisir sur le tard. Avant sa rencontre avec Duroy,
elle était « une de ces femmes dont on n’a jamais rien murmuré ». Elle tombe très vite sous le charme de Bel Ami mais résiste avant
de s’offrir à lui. Sa conquête s’apparente à une stratégie : Duroy, possédant la femme de son patron, peut à présent concrétiser ses
rêves ambitieux, intime de la famille, il en deviendra membre en séduisant Suzanne.
Suzanne est la dernière femme du roman qui aimera Duroy. Cette « frêle poupée blonde, trop petite mais fine, avec la taille mince »
marque la dernière étape de l’évolution du personnage. Elle représente la jeunesse et l’innocence dans un monde corrompu. Elle se
donne entière à Duroy, accepte de se faire enlever de lui sans se douter que ce dernier veut l’épouser par intérêt. En effet, sa dot
de dix millions de francs lui permettra de monter encore socialement.
Toutes les femmes dans le roman sont des facteurs d’élévation sociale. La séduction semble ici indissociable de l’amour de la
réussite et par conséquent de l’argent et du pouvoir.
Une peinture de la vie parisienne
A la lecture de Bel Ami, l’auteur invite le lecteur à partager avec ses personnages la découverte des différents lieux qu’offre la
capitale des années 1880.
Il assiste alors en spectateur aux dîners et aux plaisirs dont jouissent les protagonistes et plus particulièrement Georges Duroy.
Tous les lieux en vogue sont cités, les Folies Bergère, la rue du Faubourg Montmartre, les cafés célèbres ; le café Riche ou le café
anglais qui se trouvent tous les deux sur le boulevard des Italiens. Les soirées se terminent généralement chez Tortoni ou au cabaret
de la Reine blanche, boulevard de Clichy, que fréquente Clotilde de Marelle qui apprécie de se retrouver au milieu du « peuple ».
La vie mondaine est montrée à travers des séances d’escrime ou de parties de campagne. Des lieux tels que le bois de Boulogne,
très fréquenté en cette fin de siècle, sont des endroits très présents dans le récit où les personnes les plus en vue jouissent du
plaisir de se montrer.
Maupassant fait preuve ici d’un talent de peintre impressionniste, il favorise « l’impression » et abandonne la précision des contours
ce qui évoque chez le lecteur certains tableaux des maîtres en la matière tels que Manet ou Monet.
Or, cette apparente tranquillité pleine de couleurs, le souci d’esthétisme avec lequel Maupassant a voulu rendre ces scènes
parisiennes, ne peuvent masquer l’arrière-plan de cette toile impressionniste correspondant à un univers corrompu par l’argent.
Les possibilités qu’offre cette vie parisienne sont régies par l’argent qui détermine loisirs et plaisirs. Tous les personnages, tels
Duroy ou Walter, faisant partie de ce décor parisien sont à l’affût du profit. Rappelons que dès l’incipit du roman l’argent prend
place au cœur des préoccupations de Duroy qui ne sait comment s’en procurer. Maupassant nous peint une vie parisienne où
l’argent règne donc en maître, où l’art est réduit au stade de valeur marchande, (la galerie de tableaux de Walter apparaît comme
un investissement financier et Walter se targue de les acquérir, à un moment opportun, à des artistes miséreux). Telle est la vision
sociale propre au monde de 1880, où l’affairisme et l’évolution sociale des bourgeois et de la classe moyenne se développent à une
rapidité incroyable.
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L’argent dans Bel Ami
La deuxième grande préoccupation de Duroy qui apparaît dès le début du roman est donc l’argent. Dès la première page on
apprend que le héros est sans le sou, qu’il lui reste « trois francs quarante pour finir le mois ». Rappelons qu’à l’époque de Bel Ami un
employé qui gagne en moyenne mille cinq cents francs par an ne peut s’en sortir financièrement, qu’un rédacteur de La Vie française
gagne cinq cents francs par mois et que selon Duroy il est impossible de vivre à Paris avec moins de trente francs par jour, et il
estime donc le minimum vital à neuf cents francs par mois. A partir de ce constat, Duroy dessine son ascension dans le monde avec
pour objectif d’être le plus riche. Il vit dans une chambre misérable et il est forcé de travailler dans la compagnie des chemins de
fer pour un salaire dérisoire. Malgré cette pauvreté, Duroy remet à plus tard ses projets d’économie.
Son parcours va alors être chiffré selon l’évolution de ses finances.
Après l’avoir vu errer dans les rues de Paris sans argent, Duroy, par chance, rencontre Forestier, ancien compagnon d’armée, qui
l’aide en lui prêtant quarante francs. Au lieu d’économiser, Duroy dilapide cette somme en quelques jours et se retrouve à nouveau
avec en poche six francs cinquante.
C’est aussi grâce à Forestier que Duroy rentre au journal La Vie française où il monte peu à peu en grade et gagne ainsi plus d’argent.
Ce féroce désir de richesse est attisé par la vision du milieu dans lequel évoluent les riches de l’époque, un milieu qui s’apparente
à ses yeux à un monde où les soucis financiers n’existent pas, pourvu de belles demeures, de belles femmes, un monde caractérisé
par une oisiveté des plus agréables. Mais, pour faire partie de ce monde, Duroy a conscience qu’il faut travailler et ruser puisque
la fortune et la gloire ne peuvent être acquises que par de précieux efforts. L’argent que lui rapporte son premier article, trois
cents quarante francs, est aussitôt dépensé. Duroy ne semble pas réaliser que l’argent n’est pas éternel. D’ailleurs son rapport à
l’argent est assez particulier. Contrairement à d’autres personnages tels que Julien dans Une vie, Duroy aime l’argent pour ce qu’il
représente, en tant que symbole de revanche sociale. A la différence de Julien, il n’accumule pas l’argent pareil à un avare pour le
plaisir d’en posséder mais essentiellement pour jouir pleinement des plaisirs qu’offre Paris.
Duroy est promu reporter mais, sans argent, il vit au jour le jour en attendant de trouver d’autres moyens pour en acquérir.
Mme de Marelle intervient alors dans sa quête d’argent. Ses louis d’or lui seront d’un précieux secours. Dès lors Duroy est prêt à
faire preuve de toutes les bassesses pour recevoir argent et reconnaissance comme si sa réputation d’homme à femme ne pouvait
suffire à combler ses désirs de reconnaissance.
Au fur et à mesure qu’évolue la narration, Duroy apparaît comme un personnage accablé par les dettes qui sait malgré tout s’en
dépêtrer.
Tout d’abord, la mort de son ami Forestier fait passer Bel Ami d’échotier à chef des échos, ce qui lui permet de percevoir mille deux
cents francs par mois. Ensuite son mariage avec Madeleine Forestier accroît sa fortune. En l’épousant, c’est quarante mille francs
de dot et un appartement meublé qu’il reçoit. De plus, grâce à elle, il fait enfin partie d’un monde différent de celui du journalisme,
celui de la politique et de l’économie, un nouveau milieu qui l’aidera à s’enrichir davantage.
Mme Walter sait elle aussi contribuer à la croissance de sa fortune. C’est cette dernière qui lui fait part d’une affaire de bourse
tenue secrète, dans le but de l’enrichir mais surtout afin de lui faire plaisir et de gagner un peu plus d’amour. Suivant les précieux
conseils de sa maîtresse, Duroy se retrouve à la tête d’un pécule de 70 000 francs. Dès lors Duroy est un homme riche et pense
impressionner son patron, M. Walter, qu’il voit comme un modèle de réussite mais aussi comme un rival.
Sa richesse va encore augmenter. A la mort du comte de Vaudrec, Madeleine touche un million de francs en héritage, une somme
dont il exige le partage.
Cependant, l’affaire en bourse qui lui rapporte soixante-dix mille francs en fait gagner plus de quarante millions à son patron. Duroy
reprend une place inférieure et son complexe d’infériorité le pousse à s’enrichir encore par tous les moyens. Sa course à la fortune
prend des airs de revanche.
Ainsi, il séduit Suzanne, la plus jeune, la plus jolie et la plus innocente, un bon parti qui lui assurera une dot de dix millions de francs,
ce qui résigne M. Walter à dire de lui qu’il « est fort tout de même », et que sa femme et lui auraient pu trouver « beaucoup mieux
comme position, mais pas comme intelligence et comme avenir. C’est un homme d’avenir. Il sera député et ministre ».
Le lecteur peut supposer que même si Duroy a pris sa revanche sociale, même s’il est reconnu, il continuera à ruser tout au long
de sa vie pour amasser de plus en plus d’argent et embrasser une carrière politique.
Maupassant montre à travers le personnage de Duroy l’évolution d’un être dans un milieu aisé. D’homme à femmes faciles des
premières pages il devient le « Bel Ami » des dames de la haute société, du pauvre Georges Duroy du début il devient le fortuné
Georges Du Roy de Cantel.
Maupassant satirique
A la réussite s’oppose, dans le roman, la vanité de l’homme. Maupassant, de son œil satirique, dénonce toutes les bassesses de son
époque.
Tout d’abord, Maupassant dresse une critique acerbe du journalisme qui prend ici l’allure d’un monde corrompu étroitement
lié à la politique. Dans le roman, le journal La Vie française est décrit pareil à un lieu fermé où les valeurs sont absentes. De plus,
la description qui est faite des locaux du journal renvoie à une dimension théâtrale où chacun donne l’illusion du travail. Tous
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les journalistes mis en scène, à l’exception de Boisrenard, sont caractérisés par leur malhonnêteté, ce qui apparaît comme un
dénominateur commun à la presse. Cette absence de valeurs qui définit cet univers particulier trouve son équivalent dans la société
parisienne de cette fin de siècle.
Maupassant veut donc donner le reflet d’un monde ordinaire où foisonnent des crapules. Il met l’accent sur la superficialité
des êtres qui s’adonnent aux plaisirs de la capitale, qui assistent aux spectacles peu recommandables des Folies Bergère, où se
réunissent toutes les classes sociales. Le bois de Boulogne sert de faire valoir aux arrivistes qui exhibent un luxe frivole à l’image
d’une société invivable sans argent.
Cette satire de la société souligne la réussite de Duroy et la facilité avec laquelle il s’y inscrit. Par ailleurs, l’auteur tâche par cette
critique, de dénoncer aussi le rapport que le héros entretient avec l’amour.
L’amour, dans Bel Ami, se voit privé de tout sens lorsque celui-ci sert à l’ascension sociale. Les femmes sont alors considérées
non seulement comme des moyens pour atteindre un but ambitieux, mais aussi comme des objets sexuels. Plaisirs charnels et
succès dans les affaires sont les clés d’un bonheur certain. D’un côté les femmes semblent des laissées pour compte, ne méritant
aucune considération et, de l’autre, elles apparaissent indignes de respect puisqu’elles aussi s’abandonnent volontiers aux plaisirs de
l’adultère. Femmes ou hommes, personne ne paraît respectable dans Bel Ami.
Ainsi, Maupassant a su peindre les frivolités d’une société bourgeoise tout entière. Son talent réside essentiellement dans la
facilité avec laquelle il donne une apparence positive à un monde sombre où la détresse règne, ce qui suggère une dimension
illusionniste.
Duroy ne peut en aucun cas bénéficier de la sympathie du lecteur même si ce dernier est impressionné par ce pouvoir de séduction
qui limite ses échecs.
Bel Ami, un roman naturaliste
Bel Ami s’inscrit dans la lignée des romans naturalistes de son époque. Il répond aussi aux critères exposés par Goncourt dans sa
préface à Chérie, dans laquelle l’auteur préconise un naturalisme des milieux aisés, tandis que le naturalisme tel que l’a défini Zola
prétend appliquer à l’étude des comportements humains la méthode des sciences expérimentales. L’intérêt de ce dernier est
surtout orienté vers les milieux populaires et les bas-fonds de la société.
Naturalisme et réalisme sont indissociables dans l’œuvre de Maupassant. Ces deux courants artistiques sont une réaction au
romantisme qui mettait essentiellement l’accent sur la place des sentiments et l’exaltation du « moi ». L’écrivain réaliste parcourt
le monde de son regard critique, rien ne lui échappe, il est à l’affût du moindre détail. Stendhal et Balzac en ont ouvert la voie ; Zola
l’exploitera différemment, de façon plus sombre encore.
La description de Duroy qui est faite au début correspond à une caractéristique de l’écriture réaliste. Un personnage à l’allure fière
déambule le long des rues de Paris dans l’espoir de faire une rencontre. L’image qu’il renvoie définit un personnage correspondant
à la population parisienne qui ne vit que de profits et de plaisirs représentés par des lieux précis et réels. Bel ami s’inscrit dans
l’esthétique naturaliste dans la mesure où Duroy l’arriviste réussit à atteindre son but dans un milieu qui lui est propice, c’est-à-dire
celui de la presse. Le personnage évoluera et sera analysé dans un monde où l’argent est facteur de pouvoir.
Duroy évolue dans un journal à la fin du XIXe siècle, un lieu où l’argent est source d’envie et de jalousie tout comme la société à
laquelle il appartient. Les différentes classes sociales sont précisées ; la rue ou les bas-fonds et les Folies Bergère ; le monde des
employés, des bureaucrates qui s’apparentent à des fonctionnaires timorés, un monde que Maupassant connaît parfaitement, le
monde de la presse et celui des salons.
Maupassant a voulu observer ces différentes classes représentatives de la société française de son époque, c’est ainsi qu’il a pu livrer
une description naturaliste caractéristique de son temps.
Cependant, Bel Ami n’est pas seulement un roman épousant l’idéologie naturaliste, il peut aussi être qualifié, tout comme Une vie,
Le Père Goriot ou L’Education sentimentale, de roman d’apprentissage ; le Bildungsroman.
On appelle Bildungsroman tout roman d’apprentissage, de formation, voire d’éducation. Cette idée naît de la critique allemande
pour qualifier un récit à caractère pédagogique. Le Bildungsroman est depuis la fin du XVIIIe siècle identifié au roman de Goethe, Les
Années d’apprentissage de Wilhem Meister (1777-1796). Ce nouveau genre doit impérativement, selon la définition qu’en donne Hegel
dans Esthétique, créer une fusion entre le personnage et le monde matériel dans lequel il vit. Nombre de critères différents les uns
des autres définissent le roman d’apprentissage. Ce qu’il y a de commun, c’est la volonté de l’auteur de construire le parcours d’un
être enfermé au départ dans ses illusions et de montrer ainsi, tout comme certains personnages balzaciens, la réussite d’un être
médiocre. Au XIXe siècle, les romans mettent plus volontiers l’accent sur la formation des jeunes hommes, formation éducative,
sentimentale et sociale. Par ailleurs, l’apprentissage de la vie des femmes se fait plus discret. Leur formation va surtout être définie
en fonction du mariage, étape incontournable de la vie d’une femme au XIXe. C’est donc par le mariage et souvent par l’adultère
que se dessine leur évolution.
Bel Ami et Une vie s’inscrivent donc dans l’optique du Bildungsroman et du roman naturaliste puisqu’ils peignent l’évolution d’un être
aux limites de la misère, analysé à travers son comportement et dans le milieu social qu’il occupe, ici celui du journalisme véreux.
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