Du champ de coton à l`amoire
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Du champ de coton à l`amoire
Du champ de coton à l’armoire par Alexandra Baier, avec la collaboration de Heike Frese Chaîne textile tout autour du monde Les textiles de coton ont un long voyage derrière eux avant de parvenir dans nos armoires. Le chemin parcouru couvre la planète tout entière. Au départ se situe la production du coton brut, qui est ensuite traité et transformé en fibres industrielles voire en étoffe pour la confection avant que les produits textiles prêts à l’emploi passent par les différents créneaux de la distribution pour arriver dans votre armoire. Les différentes étapes de la production constituent la chaîne du textile qui fait intervenir un grand nombre d’acteurs. Nous allons esquisser dans les grands traits comment se présente la situation pour les différents textiles. Commerce sans aucune barrière Pendant de longues années, le commerce international du textile était rigoureusement réglementé et se heurtait à de nombreuses barrières au niveau des importations. Les nations industrielles essayaient ainsi de protéger leur industrie locale contre les importations de produits bon marché. Dans le cadre des négociations en matière de commerce international, la réglementation qui prévalait depuis 21 ans, plus précisément l’Accord Multifibre, à été définitivement démantelé en janvier 2005. La Chine. couturier de la planète ? A l’ombre de cet accord se développe une répartition globale de la production du textile, qui est devenu pour de nombreux pays de l’hémisphère sud un important secteur de l’industrie aux exportations. Alors que la Chine se voy- ait imposer de faibles quota, d’autres pays comme le Bangladesh profitaient de ce règlement. Maintenant que les quota ont disparu, il est à craindre que les pays en voie de développement soient exclus du marché par la concurrence. La Chine tient lieu de principal concurrent étant donné ses bas salaires, sa haute souplesse et sa productivité élevée ainsi que son immense capacité de production, qui sont autant d’atouts, les pronostics estimant que sa part du marché pourrait passer à brève échéance de 20% à 50 % du marché mondial. La chaîne textile Au-delà des défis que comporte le commerce international des textiles, il est admis que la chaîne de production allant de la production de la matière première de base au commerce des textiles est à la fois très complexe et ramifiée. Il est pratiquement impossible de remonter aux origines des différentes productions étant donné que les structures des fournisseurs dans l’industrie du textile et de l’habillement demeurent un secret professionnel jalousement protégé. Il est toutefois possible de retracer les différentes étapes de la production. A chaque étape, les acteurs et rapport de force jouent un rôle, et il est par ailleurs possible de mettre les problèmes spécifiques en évidence. Il existe pour un certain nombre de problèmes d’excellents types de solution qui ne sont malheureusement pas suffisamment connus. Étant donné que le coton est prédominant dans l’industrie du textile et de l’habillement, la matière première tient une place de premier rang. Culture du coton La culture du coton se concentre dans les pays en voie de développement. Il existe par ailleurs des nations industrialisées comme les USA qui la pratiquent. Leurs subventions à la culture et /ou aux exportations ont pour effet de faire baisser le prix du marché mondial et entravent le développement des pays de l’hémisphère sud. En dehors de la pression exercée sur les prix à l’échelle mondiale, l’utilisation des pesticides a des retombées dévastatrices, aussi bien sur la santé des paysans et de leurs ouvriers que sur l’environnement. La culture du coton en monoculture a souvent pour effet der réduire à néant la production de denrées alimentaires. Il est possible Données relatives à l’industrie du textile et de l’habillement Nombre des pays producteurs Env.. 160 Nombre d’employés déclarés 23,6 Mio. Nombre des employés informels 5-10 fois plus que le nombre déclaré Rapport des sexes 80-90% de femmes Source: Ferenschild, Wick (2004) Pestizid Aktions-Netzwerk e.V. (PAN Germany) Figure: Illustration sommaire de la chaîne du textile 9. Élimination 1. Fabrication du coton brut • Récole • Culture 8. Utilisation 2. Égrainage • Séparation mécanique des fibres, des graines et des souillures. 7. Vente 3. Filature • Production du fil 6. • • • 4a. Tissage • Production du tissu en rouleau 4b. Bonneterie • Production de tissus tricotés 5. • • • Source: Présentation propre de contrecarrer les problèmes de la concurrence entre surfaces, des dégradations sanitaires et écologiques ainsi que de la dépendance vis-à-vis de la culture du coton au moyen de la culture biologique. Le coton biologique permet d’obtenir de meilleurs prix sur le marché, de prévenir les dégâts écologiques et de compenser les pertes de revenus. La monoculture courante dans l’agriculture classique est remplacée par un assolement très varié, qui consolide du reste la Finissage Teinture Impression Apprêt production de denrées alimentaires. Une fois le coton cultivé et récolté, celui-ci est d’abord égrainé. Cela signifie que les grains de semence et les souillures sont séparés des fibres. Ces fibres sont ensuite acheminées dans une filature pour y produire du fil. Si l’égrainage a encore lieu dans les pays producteurs, le filage peut se dérouler n’importe où dans le monde. Selon la qualité désirée et l’utilisation finale du Pestizid Aktions-Netzwerk e.V. (PAN Germany) Confection Découpe, Couture Emballage produit, le fil est teint, tissé ou tricoté. Dans tous les cas, il s’agit, lors de ce finissage textile, d’étapes de travail dans des conditions en partie catastrophiques au plan de la protection sanitaire des travailleurs. Finissage du textile Le finissage du textile comporte entre autre le lavage, le blanchiment, la coloration, l’impression et l’apprêt (par exemple infroissable ou antibactérien) des fibres et étoffes textiles. Ces travaux sont souvent effectués dans les pays de l’hémisphère sud, là où les salaires sont moins élevés et surtout où les considérations écologiques ne jouent pratiquement aucun rôle. De la sorte, la part des salaires pour ces étapes demeure particulièrement réduite aux dépens de la santé et des conditions de vie des hommes et de leur environnement. Il est difficile d’estimer les dangers auxquels sont exposés les travailleurs. En Allemagne seulement, on produit 7.000 ingrédients textiles dont un petit nombre seulement a fait l’objet d’un contrôle sanitaire ou écologique pour en connaître les effets. Confection La confection aussi, c’est-à-dire la découpe et la fabrication de vêtements, a lieu le plus souvent dans les pays où les salaires sont très bas. Les vêtements sont surtout fabriqués dans les zones dites de production libre, comme par exemple au Bangladesh ou à San Salvador, où règnent souvent des conditions de travail insupportables. Pour les femmes, qui constituent le gros du contingent, cela signifie des heures supplémentaires non payées, du travail sans pauses, l’interdiction des syndicats ouvriers et la perte du poste de travail en cas de grossesse. Écologique et social – ceci est concevable! Le distributeur de textiles naturels Hess Natur prouve par exemple qu’il existe une alternative. En coopération avec la Clean Clothes Campaign, une campagne en faveur des consommatrices qui s’investit dans le monde entier pour améliorer les conditions de travail dans l’industrie textile, Hess Natur a mis au point un système standard pour le contrôle des conditions de travail. Les succès obtenus au niveau de la mise en pratique a largement contribué à améliorer les conditions de travail dans le textile. Hess Natur y voit aussi la possibilité d’ouvrir aux petites et moyennes entreprises l’accès à de meilleurs contrôles pour garantir le respect des standards sociaux. A l’issue de ce projet pilote, Hess Natur a été au début de 2005 la première entreprise allemande à devenir membre de la Fair Wear Foundation hollandaise. Les conditions pour un contrôle transparent et neutre par une « Multi-Stakeholder-Initiative» sont désormais remplies. Il existe également d’autres projets qui se sentent en mesure de combiner les standards écologiques et sociaux. Depuis 1998 par exemple, le projet du mouvement de la Jeunesse Agricole Catholique a obtenu des résultats impressionnants. Le coton biologique de Tanzanie sert à fabriquer au Kenya des vêtements prêts à porter, surtout des t-shirts, aux conditions du « Commerce Équitable » tout en améliorant en permanence les conditions-cadres écologiques Pour chaque t-shirt vendu, 50 centimes vont dans une Caisse de soutien social des travailleurs auto-gérée par les travailleuses. Une direction élue par l’équipe gère cet argent au moyen de comptes de consignation. Ces fonds permettent aux travailleuses d’emprunter de l’argent pour construire des maisons, éduquer les enfants ou pour le lancement d’une petite exploitation familiale à des conditions très avantageuses. Ceci est bien souvent le seul moyen de se procurer du capital, car les ouvrières sont bannies des banques au Kenya et les usuriers qui demandent des intérêts allant jusqu’à 100% chaque mois ne sont pas une alternative. Joseph Munyao, Teinturier de la Bhupco: «Avec l’agent du fonds social Oeko-Fair, il m’a été possible d’acheter une machine à coudre à ma femme pour un petit atelier privé de couture. Les rentrées nous ont permis de nous acheter un toit de tôle et de payer les frais de scolarisation de mon fils. Voici longtemps que le crédit à été remboursé.» Source: LamuLamu (2004) Pestizid Aktions-Netzwerk e.V. (PAN Germany) Transport Les nombreuses étapes du processus de production permettent de concevoir que le coton parcourt de longues distances entre le lieu de production et l’usine avant d’arriver dans nos armoires : une pollution qui ne manque pas de peser sur les conditions climatiques. Citons encore deux exemples qui escamotent le chemin parcouru entre la production des fibres et le finissage. Sweat-shirt avec motif imprimé et brodé Lieu de la commande: Allemagne Marchandise au mètre: Inde Production: Bangladesh Port de livraison: Rotterdam Chemin parcouru : 14.700 km Pantalon, pur coton Tissu: Taiwan Confection: Cambodge Ingrédients: Hong-Kong Apprêt: Allemagne Port de livraison: Rotterdam Chemin parcouru: 17.400 km Source: C&A (2004) Conclusion Il existe de nombreux problèmes au niveau de la fabrication des textiles. Mais des projets pilotes ont aussi mis en évidence qu’il existe des alternatives. C’est maintenant à l’entreprise d’offrir de tels produits et aussi de les faire connaître auprès des consommateurs. Documentation Bunke D (2005): Textile Chemicals –Environmental Data and Facts (Critique de livre) dans: Umweltchem Ökotox 17(2), 127 C&A (2004): Verantwortlich Handeln – C&A-Report 2004, sur l’Internet sous www.cunda.de/service/press/material/do wnload.php/235, cité le 06-05-2005 Dusch S. (2005): Renate Künast begrüßt erfolgreiches Pilotprojekt mit CCC und Hess Natur, E-mail du 29-04-2005 Ferenschild S., Wick I. (2004): Globales Spiel um Knopf und Kragen, SÜDWINDtexte 14, Siegburg, Neuwied Hess Natur (2005): Pilotprojekt mit der Clean Clothes Campaign, sur ‘Internet sous www.hess-natur.com/start - Project - Autoportrait, cité le 09-05-2005 LamuLamu (2004): Öko-fair tragen; KLJB-Flyer Pestizid Aktions-Netzwerk e.V. (PAN Germany) Paulitsch K., Baedeker C., Burdick B. (2004): Am Beispiel Baumwolle: Flächennutzungskonkurrenz durch exportorientierte Landwirtschaft, Wuppertal Institut für Klima, Umwelt, Energie GmbH Fotos: © Jörg Böthling: pages 1, 3, 4 en bas © PAN Germany: pages 2, 4 en haut