Étude 50/38 - Mémoires d`Empire

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Étude 50/38 - Mémoires d`Empire
Etude 50/38
En prévision du 50ème anniversaire
de l’assassinat de la France Sud-Méditerranéenne,
(19 mars 2012 et 3 juillet 2012)
une série d’études vous sera proposée.
A propos de la sanctification, espérée et réclamée, d’un grand ennemi de
l’Algérie française,Jacques Chevallier
ETUDE 50/38
I – INTRODUCTION GENERALE
Je ne suis pas obsédé par Jacques Chevallier.
Quelques échos, opportunément recueillis au hasard de la lecture d’un média déficitaire en
informations, déficitaire en savoir, m’incitent à refuser le silence, à propos de l’un parmi les
ennemis les plus constants et les plus efficaces de l’Algérie française.
J’insiste une fois de plus et avec force sur cette précaution que je tiens à prendre avec
fermeté : je ne suis victime d’aucune idée fixe imputable à ce symbole historique de l’antiFrance, en Algérie. Parangon de la subordination aux puissances d’argent en particulier.
Parangon de la perversion politique qui lui imposa de terminer sa vie, en terre métropolitaine,
dans la discrétion la plus silencieuse. Comme s’il avait voulu se mettre à couvert de la
réprobation de ses anciens administrés, qu’il avait accepté de soumettre au bon vouloir des
égorgeurs, en Algérie, en 1962.
Secrétaire d’Etat à la guerre, puis ministre durant peu de temps en 1955, il fut le réel inventeur
de ce que l’on appela en Algérie « le mendésisme ». Il ne fut ni plus ni moins que le chargé
d’application en Algérie de l’idéologie « rooseveltienne ».
Il est intervenu, dès le début du conflit algérien, et sans camouflage, en faveur des ennemis de
la France. Nous faisons allusion à des appuis matériels et opérationnels qu’il leur octroya à
partir des différentes fonctions qu’il exerça.
On le voit participer, par l’intermédiaire de l’un de ses adjoints à la mairie d’Alger, à la
réunion décisionnaire de la guerre d’Algérie.
C’était le premier dimanche de juillet 1954, au matin, dans le Brabant en Belgique. Dans la
petite ville d’Hormu. Dans une salle de cinéma.
Cette dernière précision explique pourquoi cette réunion s’est tenue le matin de ce premier
dimanche de juillet 1954.
Par l’intermédiaire d’un adjoint à la mairie d’Alger, membre du M.T.L.D.1 Hocine Lahouel, et
par l’intermédiaire de Mohamed Khidder, dissident du M.T.L.D., membre de l’O.S.2, cofondateur du C.R.U.A.3 au Caire, en juin 1954, les organisateurs de cette réunion d’Hormu
prennent la décision de déclencher en Algérie :
« LE JIHAD FISSABIL ALLAH »
« La guerre sainte pour la cause de Dieu »
Il est nécessaire de rappeler, pour le bénéfice de ceux qui s’entêtent encore à l’ignorer, que
cette réunion s’est déroulée sous l’égide de la C.I.S.L.4.
Quelques précisions sont nécessaires.
La C.I.S.L. est la filiale européenne de l’énorme Fédération Américaine du Travail. Il s’agit
d’une inter-fédération de DROITE réunissant des syndicats anti-communistes américains.
La C.I.S.L., en Europe, va s’efforcer de mener à bonne fin une double tâche :
- d’une part, créer si possible une fédération de syndicats anti-communistes,
- d’autre part, exercer un contrôle opérationnel sur tous les mouvements
indépendantistes.
Irving Brown, président de la C.I.S.L. à cette époque, en juillet 1954, assure le financement
immédiat de cette volonté révolutionnaire anti-française. En versant à Lahouel, l’homme de
Jacques Chevallier et à Khidder, l’homme du C.R.U.A., un premier viatique de 500.000
dollars.
Rappelons qu’à cette époque, le maire d’Alger, patron de Lahouel occupait les fonctions de
secrétaire d’Etat à la guerre.
Par la suite, Jacques Chevallier, sur son initiative, fit échouer, dans les Aurès, une opération
militaire peut-être décisive, que s’apprêtait à déclencher le général en chef commandant en
Algérie. Il prévint personnellement le sénateur de Batna Ben Chenouf, qui transmit
l’information au chef rebelle Ben Boulaïd. Dans ce cas, il ne s’agit plus d’une attitude antinationale. Il s’agit d’un acte de haute trahison devant l’ennemi, avec toutes les
conséquences en terme de pertes humaines imputables à cette trahison.
En pleine guerre d’Algérie, il structura la mairie d’Alger en PC opérationnel du FLN. De faux
papiers y furent préparés en faveur des tueurs de la ZAA5.
En 1956, par l’intermédiaire de ses mentors de la C.I.S.L., il accorda son soutien logistique à
l’U.G.T.A.6 qui organisa et exécuta des attentats terroristes dans le Grand Alger. Cette
U.G.T.A. fonctionnait à la manière d’une organisation communiste. Mais elle était
directement financée par la C.I.S.L., une confédération inter-syndicale américaine de droite, je
tiens à le souligner … pour la millième fois peut-être.
Et puis, …., ce fut le vide, le trou noir pour Jacques Chevallier, pendant trois ans.
De Gaulle arrive en 1958.
De Gaulle prétend liquider l’Algérie-française tout seul.
De Gaulle décide de se passer du concours des Américains pour assassiner la France SudMéditerranéenne.
1
M.T.L.D. : Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques
OS : Organisation Secrète fondée par des dissidents du M.T.L.D., au sein de laquelle sont groupés les
révolutionnaires fondamentaux du futur FLN
3
C.R.U.A. : Comité Révolutionnaire d’Union et d’Action
4
C.I.S.L. : Confédération Internationale des Syndicats Libres
5
ZAA : Zone Autonome d’Alger
6
U.G.T.A. : Union Générale des Travailleurs Algériens
2
2
Nous savons cependant, et depuis longtemps, comment les pompidoliens … anciens …
futurs… et éternels… ont actionné et drivé l’homme de Colombey, dès 1940. Pour le compte
des chasseurs-de-têtes du néo-capitalisme financier international.
De Gaulle ne pourra pas se passer du concours de notables algériens anti-Français pour se
débarrasser du « boulet algérien ». En particulier il ne pourra pas se passer de Ferhat Abbas,
dont il est le complice depuis 1943. Depuis le M.T.L.D. Il ne pourra se passer de Farès
complice de Ferhat Abbas qui, dès 1946, s’est soumis à l’autorité spirituelle et impérialiste
d’Ibrahim Bachir, le président de l’association des Oulémas.
Ce que De Gaulle ne pouvait pas savoir vous est précisé dans l’information suivante :
si ces deux hommes jouissaient d’une grande liberté d’action en Algérie, c’était grâce à
Jacques Chevallier et à son appareil logistique mis en place par ses subordonnés de la mairie
d’Alger.
Ferhat Abbas était caché rue Horace Vernet à Alger, dans l’appartement d’un adjoint au maire
d’Alger, avant de rejoindre le FLN en 1956.
Farès, à Paris, s’est mis sous la protection de Lebjaoui, fonctionnaire municipal de haut rang à
la mairie d’Alger. Lebjaoui était devenu, entre temps, le chef de la Fédération de France du
FLN. Pendant peu de temps d’ailleurs. Ajoutons que Farès fut reçu à l’hôtel Georges V à
Paris par Blachette, théoriquement le mentor de Jacques Chevallier et patron du Journal
d’Alger. Je dis « mentor », en réalité il conviendrait de dire « instrument » de Jacques
Chevallier.
Tout semble avoir été préparé et finalement programmé, pour que fût exécutée plus tard en
1961 une manœuvre d’approche d’abord, puis de complicité active, opérationnelle entre
Jacques Chevallier et une fraction très évolutive de l’OAS. En réalité une anti-OAS. Une antiOAS qui s’ignorait en tant que telle, mais c’est bien ce rôle d’anti-OAS qu’on lui fit jouer
historiquement en 1961 et 1962.
Dans le but d’aboutir à la naissance de ce que Jacques Chevallier appela avec solennité le 3
juillet 1962, « sa jeune Patrie ».
II – QUELQUES PRECISIONS UTILES A RAPPELER
Les évènements d’Algérie ont été officiellement identifiés à une guerre, par une loi, votée à la
demande du premier ministre socialiste Jospin. La loi du 18 octobre 1999. Donc ce que nous
avons vécu, officiellement, en Algérie, entre le 1er novembre 1954 et le 5 juillet 1962, date du
massacre d’Oran, c’était une guerre.
Une guerre qui opposait qui à qui ?
Une guerre qui opposait la France aux ennemis de la France.
Conséquence logique, nous identifions :
- les partisans de l’Algérie française, aux défenseurs de la Patrie française,
- les ennemis de l’Algérie française, de toutes confessions et nationalités, aux
ennemis de la Patrie française.
Cette loi du 18 octobre 1999, officialise certes une guerre, mais simultanément, elle officialise
UNE DEFAITE.
Une défaite que l’on imposa à la France de subir. La France fut spectaculairement et
universellement humiliée, le 19 mars 1962, devant son ennemi historique, le FLN.
Cette humiliation de la France, risque d’être célébrée voire exaltée, par ceux qui prétendent
conférer, en 2012, un éclat particulièrement rampant au cinquantième anniversaire de la
mort de la France Sud-Méditerranéenne.
3
Aujourd’hui, on m’apostrophe parfois de la façon suivante :
« L’Algérie française c’est fini… la guerre d’Algérie c’est fini… n’en parlons plus !
Regardons l’avenir ! ».
Qui me tient ces propos ? Avant tout, ceux qui considèrent que le phénomène historique
« guerre d’Algérie » est affecté d’un coefficient majeur dominant et surtout exclusif,
d’évènement du passé.
Ils se trompent lourdement. Car ce phénomène historique « guerre d’Algérie » est
manifestement riche avant tout, d’un indiscutable coefficient de développement durable.
Je m’explique : ce qui fut attaqué, ce qui fut anéanti en Algérie française, s’identifie de nos
jours à ce qui se révèle être l’objet d’une même attaque, et d’une menace d’anéantissement
identique, en France, en Europe et en Occident.
L’Occident, nous l’avons identifié, en dernière analyse sérieuse, à l’espace géographique à
l’intérieur duquel les chrétiens peuvent vivre libres. Libres de toute asphyxie, de toute
oppression, protégés contre les persécutions et les assassinats collectifs. Libérés de toute
menace infamante.
Dans le déroulement des opérations militaires déclenchées contre la France, Jacques
Chevallier est intervenu à point nommé, à partir d’un poste décisionnaire au ministère de la
guerre, en accordant son appui aux premières opérations du FLN en 1954 et en 1955.
Il assuma plus tard, en 1961 et 1962, la responsabilité d’un risque : celui de faire rester nos
compatriotes en Algérie en 1962, facilitant ainsi des enlèvements et des assassinats de
Français.
C’était un ennemi total de l’Algérie française.
Algérie française que j’ai défendue parce que c’était une création de la France. Ce que nous
avons vécu là-bas, c’était la première phase, peut-être, d’une nouvelle guerre de 100 ans qui
nous impose aujourd’hui de défendre à outrance et à chaque instant :
La France française,
L’Europe européenne
Et l’Occident occidental
III – DE « L’UTOPIE » DE JACQUES CHEVALIER AUX MASSACRES DES
INNOCENTS FRANÇAIS, CIVILS ET MILITAIRES, DONT IL FUT L’UN DES
INSPIRATEURS ET L’UN DES « ORGANISATEURS».
Dans un souci de clarification, mais en acceptant le grief de simplification opportuniste, nous
interprétons le phénomène historique « guerre d’Algérie » comme la résultante de volontés
exercées, je veux dire « mises en Histoire », par quatre intervenants. Le premier intervenant
est évidemment :
L’INTERVENANT STRATEGIQUE
C’est-à-dire l’intervenant planificateur et décisionnaire de l’assassinat historique de la
France Sud-Méditerranéenne. L’intervenant néo-capitaliste international. Plus exactement cet
intervenant stratégique n’est que néo-capitaliste.
« La France n’a aucun intérêt économique à garder l’Algérie ». Voilà en substance ce qu’a
déclaré un éminent pompidolien à l’écrivain Jacques Laurent.
Il s’agit en l’occurrence de Valéry Giscard d’Estaing. C’est la notion de valeur ajoutée trop
faible, ou plutôt insuffisamment élevée, produite par les investissements constants exigés par
l’Algérie, comme par toute terre animée de la volonté de vivre, qui devient la motivation
4
formulée officielle de ce qu’ils ont appelé « le délestage économique du débouché
algérien ».
« La valeur ajoutée est insuffisante, donc on largue TOUT. La terre, le pétrole, le gaz, la tête
de pont géopolitique de l’Europe en Afrique, le peuple français d’Algérie ».
Et lorsque, en toute ingénuité nous les avons interrogés de la façon suivante :
« Mais nous, les Français d’Algérie, à quel destin nous condamnez-vous ? »
Ils ont répondu, en substance, mais toujours avec cynisme :
« Tout dépend de la sauce à laquelle vous voulez être mangés ! »
« Mais nous ne voulons pas être mangés ! » avons-nous rétorqué.
« Là n’est pas la question ! », ont-ils affirmé, dans un souci hargneux de clore le débat.7
« La valeur ajoutée des capitaux investis est insuffisamment élevée parce que nos
investissements en Algérie, sont devenus routiniers », précisent -ils.
« Il faut nous défaire de l’obligation d’assumer le développement, ou plutôt l’accession à la
modernité, du peuple algérien de confession musulmane ».
« Le pétrole… oui… mais les Arabes avec … non ! »
Voilà schématisé ou plutôt synthétisé, le pourquoi premier et ultime de l’indépendance de
l’Algérie. Indépendance illustrée historiquement et avec éclat par la défaite française et
occidentale du 19 mars 1962 à Evian.
Mais si l’on veut qu’une stratégie ne s’identifie pas à une nébuleuse cotonneuse inaccessible à
la compréhension du citoyen lambda, il lui faut s’exprimer concrètement dans l’histoire. Par
des tactiques.
Nous en identifions 3 principales accompagnées, chacune d’entre elles, d’accessoires ou
plutôt d’enjoliveurs historiques plus ou moins valorisants.
L’INTERVENANT TACTIQUE N° 1
Ils vont l’inventer en Algérie. Ils vont le façonner en conférant à l’islam algérien une identité
définitive d’arabo-islamisme fondamentaliste.
Quels sont les facteurs valorisants mis en œuvre pour renforcer l’efficacité opérationnelle de
ce premier intervenant tactique ?
Ils sont illustrés avant tout et globalement, dans le racisme. Le racisme arabe que l’on va
idéaliser, que l’on va psalmodier sans arrêt, pour en faire un atout majeur de l’action
révolutionnaire déclenchée contre la France.
« Un peuple arabe est soumis à l’autorité française par la force… ». Voilà le pourquoi du
combat, tel que vont le formuler ceux qui ont tout fait pour vaincre historiquement la France
au Sud de la Méditerranée.
Ils vont exalter l’arabité de l’Algérie en affirmant la promotion de ce qu’ils ont appelé « leur
arabité rénovée ».
Ils vont inclure l’arabité rénovée de l’Algérie dans la mouvance arabo-islamiste universelle,
très schématiquement rendue célèbre par quatre dates au moins :
o
1928 : naissance des « Frères Musulmans » en Egypte (Hassan Al Banna).
o
1931 : congrès panislamiste, anti-juif, convoqué à Jérusalem par Asmine el Husseïni,
mufti de Jérusalem, conjointement avec l’émir libanais Chékib Arslan, président de la
Nahdah8, ennemi de la France, déjà condamné à mort par contumace.
o
1931 … encore 1931 : installation officielle en Algérie de l’Association des ulémas, le
5 mai de cette année-là.
7
8
D’après le souvenir que j’ai conservé de la lecture d’un hebdomadaire, il y a 60 ans au moins.
Nahdah : « Renaissance de l’Islam »
5
o
1954 : 1er novembre : le cheikh, Ibrahim Bachir, président en fonction de l’Association
des ulémas, déclare à partir du Caire, que le combat est engagé pour « le triomphe de
l’arabisme et de l’islam ».
Nous venons d’évoquer très schématiquement, je le répète, et surtout très succinctement,
l’intervenant tactique n° 1 de la guerre d’Algérie, c’est-à-dire l’intervenant arabo-islamiste
fondamentaliste.
Les stratèges du délestage économique du débouché algérien vont se trouver confrontés à une
nécessité opérationnelle. Eviter que l’on ne parlât que de Dieu.
On va donc provisoirement camoufler la motivation tactique religieuse, la motivation araboislamiste. D’une manière plus précise, on va occulter le double déterminisme tactique antichrétien et anti-juif, de la guerre déclenchée contre la France, lors de la Toussaint Rouge.
Comment mettre en œuvre ce camouflage ? Comment reléguer Dieu à un échelon subalterne
de cette guerre ?
En faisant donner
L’INTERVENANT TACTIQUE N° 2
Il s’agit, en cette occurrence, d’utiliser ce conglomérat idéologique obsolète aujourd’hui, pour
ne pas dire antédiluvien, que l’on appelait alors le marxisme-léninisme.
On a voulu faire de la guerre d’Algérie, un épisode moderne de la lutte des classes :
les riches contre les pauvres
les « nouveaux damnés de la Terre » de Frantz Fanon, soumis au joug des
colonisateurs ont pris les armes contre l’oppresseur français !
Mais quand on sait comment Benoist Frachon, secrétaire général du P.C.F, accompagné du
secrétaire général de la CGT, Dufriche, ont été reçus clandestinement par Krim Belkacem et
Mohamed Khidder, au Champ de Manœuvre à Alger le 31 octobre 1954, la veille de la
Toussaint Rouge, on comprend à quel point le parti communiste français a été exclu avec
mépris, avec dédain, du combat déclenché par le FLN naissant, contre la France.
Toutes les bassesses seront mises en œuvre par le PCF et son homologue algérien, pour se
faire accepter par le FLN.
En particulier par Ben Khedda, chef de la ZAA en 1956. Ben Khedda était caché à Alger, par
les adjoints de Jacques Chevallier, ancien des services spéciaux américains entre 1942 et
1945, jouissant d’une double citoyenneté française et américaine, maire FLN d’Alger,
partisan de l’indépendance et complice actif, je veux dire opérationnel, de la rébellion
algérienne. C’est chez son adjoint à la mairie d’Alger, Gallice, que Ben Khedda était logé et
organisait le fonctionnement opérationnel de la zone algéroise.
Jacques Chevallier, celui que l’on appelle aujourd’hui un utopiste selon une littérature
sanctificatrice consacrée au personnage, fut un complice actif du terrorisme FLN. Ce que nous
voulons préciser est très simple : il a les mains couvertes de sang français.
Ainsi que ses alliés progressistes, chrétiens ou non. Ils vont s’associer au FLN et intervenir
avec une redoutable efficacité, dans des tueries dont furent victimes des Français d’Algérie
de toutes confessions, ainsi que des soldats du contingent.
En toute circonstance, les progressistes bénéficièrent de l’appui logistique de la mairie
d’Alger. C’est-à-dire de l’appui du maire, de ses adjoints, de ses conseillers municipaux et des
services administratifs de la mairie d’Alger, véritable cellule OPA9 et opérationnelle du
FLN… rappelons-le.
9
OPA : Organisation Politico-Administrative du FLN
6
Mais cet intervenant tactique n° 2 va se révéler insuffisant, à son tour. Il lui faudra le concours
d’un 3ème intervenant tactique. Gardé en réserve, prévu depuis des années. Il s’agit de
L’INTERVENANT TACTIQUE N° 3 : DE GAULLE
C’est l’intervenant choisi par le néo-capitalisme financier. Le gaullisme était actionné en
silence, mais avec vigueur et constance, comme un outil indispensable aux objectifs de l’étatmajor pompidolien, depuis 1940 au moins. Etat-major planificateur des perspectives
modernes du capitalisme financier, pour exercer le contrôle permanent au niveau des grandes
banques de tous les moyens de production ainsi que des circuits de consommation.
Dans cette optique, ils ont prôné à outrance le délestage économique du débouché colonial,
sans se préoccuper de l’avenir des peuples qui allaient être victimes de ce délestage. Celui-ci
n’a pas été producteur, loin de là, de la liberté, de la paix et du bonheur qu’on leur avait
promis.
Dans cette perspective, De Gaulle fut en contact permanent avec la rébellion algérienne. Plus
précisément avec l’Organisation Extérieure de la rébellion algérienne, depuis 1956 au plus
tard.
Il était animé et drivé dans cette entreprise par le maître d’œuvre Pompidou, fondé de pouvoir
de la banque Rothschild.
L’homme de Colombey noua des contacts avec des leaders rebelles de l’extérieur, dès 1956,
par l’intermédiaire de Me Boumendjel, dont le frère, FLN notoire d’Alger, trouva la mort lors
d’un interrogatoire avec nos services spéciaux en Algérie, en 1957.
Plus tard, lors de l’hallali de l’Algérie française, De Gaulle utilisa Farès. Celui-ci représenta
clandestinement De Gaulle, au Caire, lors de la présentation officielle du GPRA à la presse
internationale, le 18 septembre 1958.
Farès, un ambitieux, sollicita avec fermeté, en 1962, lors de ses premiers contacts avec un
membre de l’OAS, que je n’interrompisse en aucun cas, mes opérations de guerre terroriste,
« de manière à maintenir l’OAS en position de force dans les discussions qui étaient
entreprises ». Ce message me fut transmis par son contact. Celui-ci sollicita ainsi toute ma
vigueur dans la poursuite de cette phase ultime de notre guerre.
Je pense qu’il ne serait d’aucune utilité que je jure sur la croix du Christ, que ce que je viens
de dire est vrai. Mais je le fais, « sans crainte du malheur, sans espérance de gloire ».
Jacques Chevallier imposa cependant le « cessez-le-feu » des « deltas ». Qu’on le veuille ou
non, ce « cessez-le-feu » illustre aujourd’hui encore, devant l’histoire, la date officielle, la
date charnelle de la mort de l’Algérie française.
Voilà exposés les motifs qui m’imposent de rappeler la signification, en termes de larmes et
de sang français, du rôle qu’il faut attribuer à « l’utopiste Jacques Chevallier ».
Un utopiste, oui. Mais un utopiste de la thèse ennemie, un utopiste de l’Algérie arrachée à la
France et soumise au FLN.
IV – LA REALITE « JACQUES CHEVALLIER »,
ENVISAGEE DANS LE DETAIL
Il est utile de préciser que le député-maire d’Alger, n’était pas du tout communiste. Nous le
savons très bien. Ce qui permet de comprendre l’engagement de Jacques Chevallier, c’est
avant toute chose, son arabophilie exclusive. Son attitude est superposable à 100 % à celle de
Monseigneur Duval et du curé Scotto, deux éminents renégats du christianisme en Algérie.
7
Lorsqu’il entama sa nouvelle carrière politique, peu de temps après la fin de la seconde guerre
mondiale, il nous est apparu à Alger, comme un homme providentiel. Jeune. Courageux. Plein
d’allant et de modernité.
C’était l’époque où le communisme manifestait une solide implantation en Algérie. La crise
économique de l’après-guerre, le chômage, la pression des rouges espagnols réfugiés en
Algérie, très actifs, en apparence très organisés, mais solidement noyautés par les services
secrets franquistes, la séduction de la victoire soviétique, avaient altéré en Algérie, le
comportement d’une fraction non négligeable de la population française.
Malgré cette ambiance soviétophile, enrichie du lyrisme des buveurs de sang de la Libération,
j’ai entendu Jacques Chevallier, s’exprimer ainsi lors d’une réunion électorale : « Entre le
drapeau rouge d’une part et la Croix d’autre part, j’ai choisi la Croix ».
A cette époque, il fallait beaucoup de courage pour tenir de tels propos. C’était l’époque ou
tout comportement anti-communiste, publiquement affirmé, était à l’origine d’une accusation
de « collabo », voire de « nazi ».
Par la formulation de son anti-communisme et l’audace de ses convictions, Jacques Chevallier
nous a conquis.
Nous ignorions que le futur député-maire d’Alger, le futur secrétaire d’Etat à la défense
nationale, le futur ministre de la guerre dans le gouvernement de Mendès France en janvier
1955, jouissait d’une double nationalité. Je crois l’avoir souligné un peu plus haut dans cette
étude.
Certes il était citoyen français mais par sa mère Texane, il était aussi citoyen américain.
Cette particularité lui permit, après le débarquement anglo-américain du 8 novembre 1942, la
très célèbre opération Torch, de faire la guerre contre l’Allemagne, dans l’armée américaine.
Dans les bureaux des services secrets américains. Il bénéficia d’une formation spécifique qui
lui conféra toute facilité pour mettre en œuvre en Algérie, la politique africaine chère à
Franklin Roosevelt, le président des USA, jusqu’à sa mort en 1945.
Rappelons que dans la mise en application pratique de cette politique, le président des USA
avait disposé en Algérie, depuis octobre 1940, d’un chargé d’exécution : le diplomate Robert
Murphy.
Quoi qu’il en soit, lorsque Jacques Chevallier revint en Algérie, après un long stage de
formation dans les bureaux des services de renseignements américains, ce ne pouvait être
qu’avec la qualité de correspondant de ces services.
Dans cette perspective, il mit ses nouvelles compétences au service des indépendantistes antifrançais d’Algérie. Ses compétences, certes, mais aussi tout un équipement logistique : les
bureaux de la mairie d’Alger, ceux du secrétariat d’Etat à la défense nationale, puis du
ministère de la guerre en 1955.
Son arabophilie exclusive connut son apothéose le 3 juillet 1962 à Alger. C’était le jour de la
proclamation d’une naissance : celle de la République algérienne. Au milieu du délire antifrançais, dopé pourrait-on dire par ce délire, il éprouva le besoin de s’exclamer à radio-Alger :
« Je salue ma jeune patrie ».
Il est vrai qu’il n’était pas à une patrie près. Ce n’était jamais que la troisième. Dans ce cri de
foi était consacré l’aboutissement de sa mission. Il l’a fait d’autant mieux qu’il était entouré
de toute une meute d’attentistes avides de pouvoir. Anciens progressistes, anciens
syndicalistes, quelques opportunistes de l’OAS, qui ne voulaient pas rater l’occasion de
réussir grâce à lui, une carrière politique sur le cadavre encore tout chaud de l’Algérie
française.
Plus tard, lors du procès de deux responsables de l’OAS, il intervint à leur demande, comme
témoin à décharge, pour solliciter l’indulgence des juges envers ces hommes disposés à le
suivre dans son ralliement officiel au FLN. Lors de ces audiences judiciaires, il ne laissa pas
8
passer l’occasion de stigmatiser l’attitude de celui qui avait refusé de le suivre : moi en
l’occurrence.
Il condamna ma ligne de conduite parce qu’elle avait été responsable, selon ses déclarations,
de « l’égarement » des hommes en faveur desquels il témoignait.
Pendant la guerre d’Algérie, une organisation syndicale, spécifiquement algérienne, s’est
intégrée au conflit. Il s’agit de l’Union Générale des Travailleurs Algériens, U.G.T.A., dont
on a voulu nous faire croire qu’elle était communiste. Une filiale de la CGT. En réalité, il n’en
était rien. Nous l’avons affirmé dès le début de cette étude.
L’U.G.T.A. était financée et dirigée en sous-mains, mais en toute certitude, par la C.I.S.L.
dont nous avons précisé le rôle dans le déclenchement de la guerre d’Algérie, au début de
cette étude 50/38.
Ce soutien à la subversion anti-française, se manifesta largement de la part de la C.I.S.L. alors
même qu’elle eût connaissance de la participation des communistes à cette subversion. Elle ne
répugna pas cependant à soutenir et à faire vivre l’U.G.T.A. dans le but espéré et surtout
puéril de faire la pige aux Soviets au moment de la victoire de nos ennemis FLN. Il ne fallait
pas vous risquer à la question suivante :
« Que faites-vous du sang français ? De nos femmes, de nos enfants, de nos soldats
massacrés ? »
Vous n’auriez obtenu que la réponse suivante :
« Mais mon cher, ce ne sont là que des péripéties… des vétilles, de toutes les manières, la
question n’est pas là ! ».
Le rôle joué par cette confédération inter-syndicale, nous permet de mieux comprendre le rôle
tenu par le député-maire d’Alger, en faveur de la rébellion algérienne. Car il est important de
souligner avec entêtement, que l’action de la C.I.S.L., donc de l’U.G.T.A., s’inscrivait dans le
droit fil des activités imputables aux services de renseignements américains en Algérie.
Or, Jacques Chevallier, nous l’affirmons une fois de plus, était lui aussi un honorable
correspondant de ces mêmes services.
Ces informations nous permettent de comprendre l’argumentation spécieuse dont Jacques
Chevallier a fait usage, après l’indépendance, pour justifier son ralliement au FLN. Il fallait,
prétendait-il, empêcher l’Algérie nouvelle, de devenir soviétique ! Il fallait interdire aux
forces armées du pacte de Varsovie, d’installer des bases militaires au sud de la Méditerranée.
Il importait donc, selon son argumentation, d’abandonner au plus vite l’Algérie, et ne pas
s’entêter à la garder française.
Dans la perspective d’atténuer le contenu de ses convictions, il proposa à un moment donné et
ouvertement, une solution fédérale. Or, cette solution ne pouvait s’appuyer sur aucune base
institutionnelle car la France n’était pas une République Fédérale. Cette attitude correspondait
à un traquenard élaboré pour accéder à l’indépendance.
Un double leurre fut, tout le temps, agité en Algérie par les ennemis de la France.
Le camouflage socialo-communiste, destiné à occulter l’identité tactique majeure ethnicoreligieuse du conflit qui s’y est déroulé. Mobiliser par le biais de ce camouflage et grâce à lui,
des appuis progressistes, des appuis socialo-communistes français et internationaux pour le
bénéfice de nos ennemis.
Paradoxalement, pour satisfaire une autre clientèle, elle-aussi ennemie de la France, on utilisa
en même temps, le leurre du danger soviétique. Accélérer l’indépendance de l’Algérie, dans le
but d’interdire l’implantation de la « dictature des communistes » en Algérie, telle était la
motivation alléguée.
Ainsi, prétendait-on, pour éviter l’implantation des soviets en Algérie, il faut arrêter la guerre,
en acceptant de la perdre.... Au plus vite.
9
V – CHEVALLIER-FARES
ET FARES-CHEVALLIER
Si nous nous intéressons à l’activité des libéraux d’Algérie, il ne faut pas craindre de les situer
à la place réelle qu’ils ont occupée pendant la guerre d’Algérie.
Monsieur René Galice habitait en plein centre d’Alger, rue Horace Vernet. Dans ce même
immeuble, vivaient les familles complices du FLN, Georges et Gauteron. Dans les
appartements occupés par ces différentes personnalités, ont transité à maintes reprises, des
hommes représentant la quintessence de l’anti-France.
Abane Ramdane vint y préparer le très célèbre Congrès de la Soummam de juillet 1956, phase
déterminante de la guerre d’Algérie.
Ferhat Abbas y prépara son départ pour l’étranger, plus précisément pour rejoindre
l’Organisation Extérieure de la Rébellion Algérienne en 1956.
Krim Belkacem, dans ces mêmes locaux, est venu s’entretenir à maintes reprises avec les
deux précédents ainsi qu’avec d’autres responsables du FLN de haut niveau.
Ben Khedda participa à ces réunions.
Ben M’Hidi puis Bitat se réunirent aussi dans ces appartements en tant que responsables ou
co-responsables de la ZAA. Ils y préparèrent les attentats qui ensanglantèrent la capitale
algéroise.
Pourquoi évoquer avec insistance le nom de Monsieur Galice ?
Pour la raison suivante : Galice est conseiller municipal de la ville d’Alger. Il est même
adjoint au maire. Il ne fait rien sans l’aval de Jacques Chevallier. Nous savons, mais j’estime
qu’il est utile de le rappeler sans arrêt, que Jacques Chevallier s’est inscrit dès la première
heure, dans le camp de l’abandon de l’Algérie. Nous avons vu comment à partir de son poste
de secrétaire d’Etat à la guerre, il prévint Ben Boulaïd, par l’intermédiaire du sénateur Ben
Chenouf, de l’opération que le commandement français s’apprêtait à déclencher dans les
Aurès pour écraser la rébellion, au tout début de la guerre d’Algérie. Homme des services
secrets américains, il intervint à la fin de la guerre d’Algérie avec une double mission :
- d’une part, chanter la victoire du FLN en exprimant à maintes reprises son
arabophilie exclusive,
- d’autre part, prendre le risque de faire rester quelques centaines de milliers de
Français en Algérie, après l’indépendance.
Cette dernière attitude traduisait une volonté : celle de « cheptéliser » le peuple pied-noir.
Utiliser ce peuple comme un effectif de choix pour le bénéfice de l’Algérie indépendante.
Peuple à qui la France devait rester interdite.
Un autre personnage du monde libéral algérois, complice actif de Jacques Chevallier, que je
tiens à nommer, est le docteur Pierre Chaulet. Accompagné de son épouse, Claudine. L’un et
l’autre ont tenu à préciser à Abane Ramdane « qu’ils n’étaient pas pour le FLN », mais qu’ils
étaient « du FLN ».
Ils disposèrent, pour mener leur action anti-française au meilleur résultat possible, de la très
célèbre villa Pouillon, située à Alger, au Clos-Salembier, sur les Hauts d’Alger, tout près de
Dar el Mahçoul. Cette villa Pouillon a joué un rôle important dans la guerre d’Algérie,
puisqu’elle servit de lieu de résidence pour tous les complices de Jacques Chevallier, jusqu’au
mois de juillet 1962. Quelques ennemis mortels de l’Algérie française en ont joui avec
abondance, jusqu’en 1962 inclus.
Ces libéraux, se déclaraient la plupart du temps catholiques pratiquants, disciples de
Monseigneur Duval et de Scotto. Ils nourrissaient néanmoins une ambition. Celle d’incorporer
le parti communiste algérien à la guerre qui était menée contre la France. Pour des raisons
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d’opportunité tactique, de camouflage tactique. Pour faire croire que la guerre d’Algérie était
une guerre des pauvres contre les riches.
C’est finalement vers la fin du premier trimestre 1956, que le FLN céda à la pression du parti
communiste algérien. Ben Khedda intervint pour l’acceptation du PCA dans le dispositif de
guerre du FLN. Il rencontra le docteur Hadjeres, dans ce même immeuble de la rue Horace
Vernet où résidait René Galice. Donc, dans des locaux occupés par des subordonnés
administratifs et politiques de Jacques Chevallier.
Le PCA fut accepté dans la guerre. On lui interdit cependant de mettre en œuvre une activité
politique conforme aux théories communistes. Hadjeres accepta ce diktat, car tels étaient les
ordres de la place du colonel Fabien, …et d’ailleurs.
Néanmoins, le PCA n’accepta pas ce rôle effacé. Il prit une initiative dans le but d’accéder à
un rang privilégié dans le combat anti-Français.
Animés de cette volonté, les communistes se rallièrent à une décision qui fut prise dans cet
immeuble de la rue Horace Vernet, dans l’appartement de René Galice. Ce dernier ne
souscrivait à aucune initiative, rappelons-le, sans l’accord préalable de son patron Jacques
Chevallier. Cette dernière initiative fut, cependant, à l’origine d’un épisode dramatique de la
guerre d’Algérie.
J’évoque ici l’affaire très connue de l’aspirant Maillot.
Celui-ci était un jeune pied-noir communiste, fils de communiste.
Ayant présenté le concours d’entrée à l’école des officiers de réserve de Cherchell, il y fut
brillamment reçu. Affecté au 504ème bataillon du train de Miliana, il exécuta un ordre de ses
chefs communistes. Un camion d’armes fut détourné par Maillot. Quelle était la destination de
ces armes ? Les stocker à Alger ? Les expédier vers des zones opérationnelles tout
particulièrement choisies ?
On en transita une première partie dans la région de Lamartine, dans la plaine du Chelif, au
sud-ouest d’Alger. Grâce à cet armement, un maquis rouge se constitua sur ce territoire. Il
était commandé par René Laban. C’était un instituteur communiste qui avait servi pendant la
guerre civile espagnole, dans les Brigades Internationales.
Mais quelque chose se passa.
Quelque chose que les commentateurs de la guerre d’Algérie ne veulent pas retenir. Ce
maquis communiste fut vendu par le FLN aux forces de l’ordre françaises. Pour les
fellagas, ce qui comptait c’était l’armement. Les roumis, communistes ou non, ils s’en
foutaient complètement ! Ce maquis fit l’objet d’une localisation très rapide de la part des
effectifs du bachaga Boualem. Une opération montée par des unités du 1er REP encercla ce
maquis rouge. Mais au moment de l’hallali, on fit appel aux soldats du 504ème bataillon du
train, à qui les armes avaient été volées. Ce sont eux, des soldats du contingent, qui, en toute
connaissance de cause, anéantirent ce maquis communiste du FLN. Ils exécutèrent Laban et
Maillot. Il est vrai que nous étions encore en 1956. Le gaullisme « cinquante-huitard » n’avait
pas encore perverti l’esprit national.
Mais un autre usage de ces armes avait été exigé par le FLN. Celui-ci commanda en effet d’en
livrer une partie à un chef rebelle, Khodja. Le docteur Hadjeres fut chargé de transmettre cet
ordre du FLN au jeune communiste pied-noir Maillot, au cours d’une réunion qui se tint dans
cet appartement de la rue Horace Vernet que j’ai évoqué à maintes reprises. Un appartement,
que j’ai désigné dans un de mes livres sous le terme de « P.C. Jacques Chevallier de la
rébellion algérienne ».
Khodja était le chef d’un maquis FLN implanté dans la région de Palestro. Il était sous les
ordres de Ouamrane, qui commandait en Kabylie. Le 17 mai 1956, Khodja monta une
embuscade. Grâce à l’armement de Maillot, il y fit tomber une section de fantassins français.
Des soldats du contingent, rappelés tout récemment, et commandés par un officier de réserve,
le sous-lieutenant Arthur. Soldats arrivés en Algérie le 3 mai 1956.
11
Lors de cette embuscade, le sous-lieutenant Arthur fut tué avec 17 autres soldats français.
Qu’on retrouva les yeux crevés, la gorge tranchée, le ventre ouvert, les entrailles remplacées
par des pierres, les couilles coupées, par la populace environnante qui, terrorisée par le FLN,
s’est livrée aux horreurs que celui-ci lui avait commandé d’accomplir sous peine de mort.
Au-delà de ce drame, au-delà de l’émotion que provoque aujourd’hui encore l’évocation de
cette tuerie du 17 mai 1956, surgit une interrogation. Et elle est de taille !
Ces armes ont bien été transportées d’Alger à Palestro. De quelle manière ?
Grâce à deux voitures américaines. Ces voitures furent chargées à partir de la villa Pouillon
où avait été entreposée une partie de l’armement volé par Maillot. Une villa affectée à l’usage
du maire d’Alger, Jacques Chevallier. Une de ces deux voitures fut conduite par Madame
Chaulet en personne, celle qui n’était pas « pour » le FLN mais « du » FLN.
Ce drame nous permet d’illustrer la complicité très active du monde libéral, du monde
chrétien progressiste, avec les tueurs de Français. Ils ont mis la main à la pâte dans
l’organisation de massacres de soldats, de civils français et de civils musulmans.
Il faut cesser d’en faire des idéalistes pacifistes, des philanthropes, des défenseurs de l’égalité.
Leurs mains sont couvertes de sang. Qu’ils cessent de pontifier à l’abri du dogme des Droits
de l’Homme, du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Qu’ils reconnaissent leur coresponsabilité dans les massacres d’Algérie.
Nous incluons parmi ces responsables de massacres, Jacques Chevallier en personne, au poste
le plus élevé. Il disposait en effet des moyens nécessaires pour faciliter l’action des complices
progressistes du FLN, action qui fut parfois, hélas, couronnée de succès.
Une autre personnalité est venue doubler l’action mise en œuvre par le Député-maire d’Alger,
Jacques Chevallier. Il s’agit d’Abderrahmane Farès. Ancien notaire de Coléa, ancien
président de l’assemblée algérienne. Farès faillit faire partie du premier gouvernement
constitué par le général De Gaulle, en 1958, lorsque celui-ci occupa le poste de dernier
président du conseil de la IVème République, sous la présidence de René Coty.
Farès demanda des instructions au FLN qui lui intima l’ordre de refuser ce poste. Ainsi, il est
bien établi que Farès n’obéissait qu’à ses chefs FLN. Mais De Gaulle l’utilisa tout de même
comme un chargé de mission officieux, dont la fonction capitale fut d’assurer les prénégociations entre lui-même, Pompidou et René Brouillet d’une part, Ferhat Abbas et le
G.P.R.A. d’autre part, après la naissance de ce dernier le 18 septembre 1958.
J’ai entendu dire par quelques naïfs, ou pseudo-naïfs, que Farès avait gardé au fond de luimême un sentiment « Algérie française », particulièrement vivace. On a même prétendu qu’en
1962, lorsqu’il exerça les fonctions de chef de l’Exécutif Provisoire en Algérie, il nourrissait
une vilaine rancune contre De Gaulle parce que celui-ci avait trahi l’Algérie française. Une
vilaine rancune aussi contre le FLN qui n’avait pas voulu reconnaître ses mérites, en refusant
de lui réserver une place de choix dans le futur gouvernement algérien.
Ces rumeurs sont frappées du sceau de l’irresponsabilité la plus infantile.
Farès a toujours été un ennemi. A partir du mois de mars 1962, il fut animé d’une ambition
pour lui-même en se servant des autres. Il fut rappelé à l’ordre par Fouchet, Joxe et Jacques
Chevallier son camarade libéral. Mais surtout par le FLN. Il rentra dans le rang, pour
disparaître pratiquement de la vie politique à partir du 3 juillet 1962.
Entre temps, il avait réussi quelque chose : obtenir le cessez-le-feu de l’OAS, réclamé par
Jacques Chevallier.
Alors que lui-même avait déclaré, précédemment, que les actions de guerre de l’OAS
constituaient le seul moyen de conférer à notre organisation, un statut « d’interlocuteur
valable ».
J’affirme aujourd’hui que les morts imputables à l’OAS, à partir du vendredi Saint 1962, sont
de la responsabilité du négociateur Farès et de son interlocuteur.
12
Farès faisait partie de ces notables algériens qui ont su faire du « double jeu » un trait
fondamental de leur personnalité politique.
Nous savons d’une source irréfutable, puisque c’est lui-même qui l’a écrit, qu’il entretint des
relations suivies avec des chefs terroristes. Entendez-moi bien : je dis bien « des chefs
terroristes », je n’évoque pas ici des leaders de la Révolution Algérienne dont l’activité restait
confinée dans le domaine des aspirations revendicatives.
Il rencontra Ouamrane dit « l’égorgeur ». Il fut en contact répété avec le cheik des oulémas,
Ibrahim Bachir, ennemi mythique de la France. Il réussit à obtenir une entrevue avec Larbi
Ben M’Hidi, chef de la ZAA.
Il prit contact personnellement, en pleine casbah, avec Yacef Saadi et Ali la Pointe. C’était en
1956. Qu’on ne s’y trompe pas. Ces contacts furent mis en route à la demande de Farès luimême. Car il lui fallait donner des gages de sa fidélité inconditionnelle. Donner des gages,
oui, mais à qui ? A ceux qui étaient capables de tuer ou de faire tuer.
Il leur démontra qu’il se situait bien dans leur combat. Il les supplia de bien enregistrer qu’il
était en train de trahir la France. Il faisait allégeance à la terreur.
Nous fûmes avertis de cette attitude de Farès. Nous ? « C’est qui… nous ? ». Un réseau antiterroriste constitué par mes soins à Alger en 1955. Dès 1956 nous nous mîmes en chasse de
Farès. Il fut averti. On le mit donc à l’abri dans la capitale française.
Il mit son séjour parisien à profit pour rencontrer de nombreux chefs FLN. En particulier
Lebjaoui, qui commandait depuis peu de temps, la Fédération de France du FLN. Mais qui
était Lebjaoui ?
Quelques semaines auparavant, il était encore conseiller municipal de la ville d’Alger. Il était
très proche de Jacques Chevallier. Nous savons aujourd’hui, de sources sûres et spécialisées,
qu’il avait organisé un véritable bureau d’appui de la ZAA, dans les locaux même de la mairie
d’Alger. C’est lui qui, de la mairie d’Alger, alimentait en fausses cartes d’identité, les tueurs
du FLN. Il le faisait par l’intermédiaire d’un appariteur, Rabah Adjaoui . Celui-ci était chargé
de transmettre ces faux-papiers aux opérationnels du FLN. Rabah Adjaoui transmettait aussi à
Ben M’hidi et à ses agents, les noms de fonctionnaires français à abattre. Adjaoui fut arrêté.
Mais Jacques Chevallier réussit à le faire libérer.
Pas de chance ! Une patrouille du 9ème Zouaves, mal informée des protections dont jouissait
Rabah Adjaoui, l’a flingué rue de la Lyre, tout près de la très célèbre rue Porte Neuve. Il était
porteur des cartes d’identité qu’il devait livrer aux tueurs de la Casbah, permettant à ces
derniers d’évoluer dans les meilleures conditions possibles en pleine ville d’Alger.
Lebjaoui, patron de Rabah Adjaoui fut très rapidement contraint à la clandestinité. Il quitta
Alger. Ce conseiller municipal d’Alger, ce fonctionnaire municipal de la ville d’Alger, se vit
attribuer une fonction importante de la part du FLN, en reconnaissance des services qu’il avait
rendus à la rébellion. Il fut nommé commandant de la Fédération de France du FLN.
Dans le cadre de cette fonction, il rencontra Farès à Paris, dans le 17ème arrondissement rue
Legendre, tout près du Parc Monceau. Farès vint se mettre à ses ordres. Il tint à lui confirmer
sa soumission au commandement FLN.
Arriva le 13 mai 1958. De Gaulle prit le pouvoir. Farès bénéficia alors de l’incroyable
privilège d’entrer en contact personnel avec le général De Gaulle. Celui-ci en fit un chargé de
mission clandestin. Un officier de liaison entre lui-même et Ferhat Abbas. Cependant,
toujours prudent, Farès se lança dans une entreprise permanente de nouveaux contacts avec
les leaders du FLN qui séjournaient en Europe. Car, comme à Alger, il lui fallait donner des
gages de fidélité. C’est ainsi qu’il rencontra Ben Tobal.
Pourquoi cette débauche de rencontres de la part d’un homme qui, plus tard, exerça les
fonctions de chef de l’Exécutif Provisoire ?
Parce que Farès avait la trouille. Il craignait de connaître la même mésaventure tragique qu’a
connue Benabyles. Celui-ci, député élu sur une liste « Algérie française », comprit, au
13
lendemain du discours du 16 septembre 1959, prononcé par le général De Gaulle, que
l’Algérie française était perdue. Il retourna sa veste. Il sollicita auprès de Ferhat Abbas, qu’il
connaissait depuis longtemps, un poste au sein du gouvernement FLN en exil. Il s’apprêtait à
rejoindre le GPRA pour y occuper de nouvelles fonctions. Benabyles fut intercepté dans
l’Allier et tué.
Tué, par qui ?
On a voulu imputer cette liquidation aux services secrets français, qui auraient voulu le punir
de cette volte-face.
Le général Jacquin est formel et affirme en substance :
« C’est faux. C’est Ben Tobal qui l’a fait flinguer par un tueur FLN qui, après l’opération,
reste caché en France ».
Caché en France ? Mais où donc ?
Jacquin est précis :
« A Lyon, chez le primat des Gaules, tout près de l’archevêché ».
Pourquoi l’exécution d’un homme d’une telle valeur ? Parce que le colonel Ben Tobal a pris
ombrage de ces fonctions importantes qui commençaient à être attribuées à des transfuges de
l’Algérie française. Les places, c’était pour les combattants des premiers jours ! Et non pour
des renégats de l’Algérie française, opportunistes et ambitieux.
Farès, dans le souci de bien montrer où étaient ses complices, n’hésita pas à rencontrer
Blachette à l’hôtel Georges V à Paris. Nous savons qui est Blachette, « faux mentor » et
« véritable instrument de Jacques Chevallier ».
Les promoteurs gaullistes de la nouvelle carrière de Farès, s’inquiétèrent du sort qui pouvait
être réservé à celui-ci. Ce pion fondamental de la liquidation de l’Algérie qu’était devenu
Farès et dont de Gaulle voulait faire un usage rentable, devait être protégé à tout prix.
« Ils ne vont tout de même pas nous le tuer celui-là aussi ! »
Mais comment assurer la protection de Farès. C’est tout simple. On le fout en taule. On lui
signifie, sans rire, une inculpation bidon « d’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat ». Dès le
cessez-le-feu, Farès sort de la prison de Fresnes. On le conduit d’urgence à l’Elysée. Il est
reçu par De Gaulle qui l’accueille en ces termes :
« Alors, mon cher président, bien reposé ? »
Voilà comment Farès réussit à survivre au danger qui le menaçait. Il pourra exercer ses
talents faits de duplicité et de roublardise à Alger, lorsqu’il occupera les fonctions de
président de l’Exécutif Provisoire. En accord total avec Jacques Chevallier … et les sousordres de celui-ci récemment recrutés pour mener à son terme, enfin, la mort de l’Algérie
française.
VI – OU ME SITUER DANS « TOUT CA » ?
Dans ce fragment d’étude qui va suivre, j’éprouve la nécessité de faire intervenir un
personnage que vous avez peut-être rencontré dans mes deuxième et troisième livres. Il s’agit
d’un colonel des services spéciaux espagnols.
J’ai tenu et je tiens encore à occulter sa véritable identité. Il m’a informé, au fil des années, de
quelques dessous « noirs » du rôle joué par l’Espagne franquiste, dans les évènements que
nous avons connus en Algérie.
Pendant longtemps, il s’était considéré redevable à mon père d’un appui que celui-ci lui avait
apporté en 1936. Phalangiste militant, Antonio Munoz Cabanillas, avait fui la zone rouge
valencienne au tout début de la guerre civile espagnole. Il avait rejoint Alger, où il fut pris en
compte, par erreur, par des rouges espagnols d’Alger, qui pensaient avoir affaire à un militant
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dont l’ambition était de rejoindre la catalogne que les rouges tenaient entre leurs mains,
depuis le fiasco du coup de force tenté par le général Goded10.
Etudiant en « lettres et philosophie », Antonio s’exprimait dans un français excellent. Il
réussit à donner le change à ceux qui l’accueillaient. Or, l’un d’entre eux, personnalité rouge
très importante de Bab-El-Oued était le frère de ma grand-mère, l’oncle de mon père donc,
Manuel Escobedo Pla.
Quand celui-ci éprouvait une difficulté pour accorder son aide à un réfugié, il avait le plus
souvent recours à son neveu, mon père, pour trouver les solutions adéquates qui allaient
permettre à ces réfugiés de vivre dans les meilleures conditions possibles, à Alger.
Mon père, citoyen français par la naissance et surtout par choix effectué en 1916, était un
franquiste enthousiaste. Il réussit, après avoir détecté les véritables convictions politiques
d’Antonio Munoz Cabanillas, à le faire prendre en charge par un réseau de soutien de Bab-ElOued. Antonio fut acheminé vers l’Oranie puis le Maroc espagnol. Il rejoignit les troupes
franquistes du général Yagüe, qui opéraient dans le sud de l’Espagne à cette époque. Il devint
officier très rapidement et participa à la guerre civile du début à la fin.
Sa connaissance de la langue française en fit l’objet d’un recrutement de choix pour les
services spéciaux espagnols. Il devint un officier de la célèbre Segunda bis. Il participa au
noyautage de tous les réseaux de refugiés communistes qui vivaient en Afrique du Nord.
Ceux-ci furent pris en mains par des officiers de renseignements espagnols qui se faisaient
passer eux-mêmes pour des réfugiés rouges. Ils recrutaient ainsi des agents parmi les rouges
espagnols d’Algérie, qui, contre une promesse d’amnistie, se livraient à des activités pour le
compte des services spéciaux espagnols.
Pendant la guerre d’Algérie, « ces rouges espagnols » intervinrent donc bien en faveur du
FLN. Mais, par dessus tout, et cela nous l’ignorions, ils agissaient dans le cadre des
recherches et opérations mises en œuvre par les services spéciaux franquistes.
Si cet aspect de notre histoire vous intéresse, je vous invite à prendre connaissance de mes
livres « Debout dans ma mémoire » et « Vérités tentaculaires sur l’OAS et la guerre
d’Algérie ». J’y explique, en particulier, comment cet officier m’avait détecté comme le fils
de celui qui lui avait apporté un concours décisif en 1936 à Alger, à travers les différents rôles
que j’ai tenus dans l’action anti-terroriste de 1955 à 1962.
Il n’avait jamais repris contact avec mon géniteur, qui l’avait oublié. Et lorsque je rejoignis
l’Espagne, au mois de juin 1962, il prit l’initiative d’un contact avec moi, dans l’espoir de
s’affranchir, si possible, de la dette qu’il avait contractée vis-à-vis de mon père.
Je l’ai revu à Madrid en 1993. Il souffrait d’un cancer arrivé à la phase terminale.
Il avait manifesté la nécessité de me voir. Comme s’il voulait me transmettre un testament
avant son départ dans l’autre monde. Ce fut une rencontre de quelques jours, très riche en un
enseignement que je tiens à partager avec vous.
Jusqu’à nouvel ordre, je donne la parole à Antonio Munoz Cabanillas, qui s’exprima ainsi :
« J’ai remarqué dans tes ouvrages, que tu évoques avec abondance, le martyre de Ramon
LLULL, ce génie du XIIIème et XIV siècle, qui avait proposé un dialogue entre le Judaïsme,
le Christianisme et l’Islam. Il a été lapidé dans ta ville natale de Bougie, au début du XIVème
siècle, parce qu’il proposait le recours à la « sagesse unitaire de Dieu » pour parvenir à une
convivialité spirituelle nécessaire à la paix du monde.
10
Goded : Condisciple de Franco à l’Académie militaire de Tolède. Normalement, le plan opérationnel prévu lui
attribuait en juillet 1936 la prise de Valence et le contrôle de cette province. Il commandait les forces militaires
espagnoles aux Baléares. Général ambitieux, il voulut tenter, pour son compte personnel, un brillant coup de
force à Barcelone. Il fut trahi par l’armée républicaine qui mit « la crosse en l’air » sous la pression des
anarchistes catalans… qui dans leur immense majorité n’avaient d’ailleurs rien de Catalans. Ils étaient Andalous
et Murciens pour 90 % d’entre eux. Goded fut fusillé ainsi que sa femme.
15
Cinq siècles plus tard, en 1830, la France a pris pied en Algérie.
Puis survint l’abandon.
Tu sais qu’à cette époque, j’étais astreint au devoir d’obéissance inhérent à tout militaire.
Aujourd’hui, avant mon départ définitif de ce pauvre monde, je tiens à te dire que nous,
Espagnols, nous nous sommes trompés.
Notre crétinisme, notre trahison même furent de ne pas voir dans la bataille de l’OAS, un
combat ultime pour la défense d’une position chrétienne et occidentale en Afrique du Nord.
Les combattants de l’OAS, en voulant maintenir cette tête de pont de la France et de l’Europe
qui s’enfonçait jusqu’au fin fond du Sahara, se battaient en réalité pour la Liberté.
La liberté du christianisme et aussi, paradoxalement, la liberté de l’Islam.
Ces deux religions, en effet, auraient pu trouver là-bas, enfin!, l’occasion de créer et de
consolider pour les temps à venir, un « vivre ensemble » qui aurait été élaboré à partir d’une
victoire.
Sur un territoire où le génie français, aidé du génie européen, aurait conféré à ces deux cultes,
la possibilité d’un « avenir géant », comme on le dit aujourd’hui.
Un avenir qui se serait construit grâce à la paix et la liberté françaises. C’était le but du
combat que tu as mené, avec d’autres trop peu nombreux hélas.
Voilà pourquoi je suis fier de t’avoir chez moi et pourquoi je te remercie encore de ton amitié.
Vous avez perdu l’Algérie. C’est vrai. Malgré les victoires indiscutables de son armée, la
France s’est mise en situation de vaincu historique, vis-à-vis des pays du Maghreb.
Cette défaite, c’est toute l’Europe qui devra néanmoins l’assumer. L’Europe ! Cette petite
presqu’île occidentale, cernée, depuis la mort de l’Algérie française, par le fanatisme
religieux. L’Europe, infectée, viciée, gangrénée par l’horrible virus de l’irresponsabilité.
Mais je te le dis, parce que c’est ma conviction, le peuple pied-noir que tu évoques tout le
temps comme le peuple oublié, a gagné la France.
C’est à lui qu’appartient l’obligation du nouveau combat qu’il faudra mener : ne pas subir
demain la loi des fanatismes.
Tu connais, car tu l’as expérimentée à tes dépens, la rigueur de notre police espagnole. Ainsi
que l’efficacité de nos services spéciaux. Tu te souviens qu’en 1960, l’Espagne franquiste
soutenait à fond le FLN. En particulier, le président du GPRA, Ferhat Abbas. En réalité le
soutien espagnol s’était manifesté dès le début de la guerre d’Algérie.
Un de mes chefs, le général Garcia Valino, au nom du général Franco, a rencontré Ferhat
Abbas. Cet officier avait réceptionné à maintes reprises les armes destinées aux rebelles
algériens. C’était sur les plages de Tétouan et de Nador. Elles étaient véhiculées par la suite
en Algérie, par la frontière algéro-marocaine.
A la même époque, toutes les facilités furent accordées aux chefs FLN de circuler et de
séjourner dans notre pays. De comploter contre la France à partir de l’Espagne. En particulier
Yazid, qui semble avoir été, à un moment donné, le préféré du gouvernement franquiste.
Tu rappelles souvent, dans tes écrits, qu’au tout début de l’été 1958, la ville de Barcelone
avait été choisie par Pompidou. Bien avant le retour au pouvoir du général De Gaulle.
Pompidou fut le premier chef de cabinet du général, en particulier lorsque celui-ci devint le
dernier président du conseil de la IVème République.
Barcelone, choisie, pourquoi ?
Pour y entamer des négociations avec l’Organisation Extérieure de la rébellion algérienne.
Les historiens évoquent trop peu ce projet, parce qu’il démontre qu’il existait un accord, bien
avant 1958, entre De Gaulle et Ferhat Abbas. Un document fait foi de cette réalité : c’est le
célèbre document Pompidou.
Barcelone fut donc choisie pour y rechercher les moyens d’aboutir à un cessez-le-feu en
Algérie. Le gouvernement espagnol avait donné son assentiment. Il s’était porté garant de la
sécurité personnelle des représentants du FLN qui auraient participé à ces négociations car,
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évidemment, chez mes confrères gaulois, nombreux étaient ceux qui ne voulaient pas
souscrire à ce qu’ils considéraient comme une capitulation.
Aujourd’hui je les comprends !
Pour les organisateurs franquistes de ces négociations, il fallait empêcher à tout prix, le
déroulement d’une opération identique à celle que ces mêmes services français avaient
montée le 22 octobre 1956. Quand fut organisée l’affaire de l’avion dévié sur Alger, dans
lequel voyageaient Ben Bella, Kidder, Aït Hamed, Boudiaf, c’est-à-dire une brochette
représentative de personnalités révolutionnaires algériennes.
Tout cela démontre, et tu ne l’ignore pas, qu’en 1960, il n’était pas question pour le
gouvernement espagnol de soutenir les partisans de l’Algérie française. A plus forte raison, de
s’incorporer, plus ou moins officieusement, à un complot contre le général De Gaulle.
Les partisans de l’Algérie française ont entrepris, cependant et en plusieurs occasions, un
travail d’approche auprès du gouvernement franquiste. Ils le faisaient au nom de l’anticommunisme. Mais tu le sais, peut-être mieux que les autres : le danger communiste était un
leurre en Algérie. Nous savions que la motivation fondamentale de la guerre d’Algérie, était
raciste et religieuse. Raciste « arabe » et « islamiste-fondamentaliste ».
Nous avions, nous aussi, dans l’oreille, le message du Cheik Ibrahim Bachir, président de
l’association des oulémas d’Algérie. Il avait proclamé que le combat était engagé pour « le
triomphe de l’arabisme et de l’Islam ».
J’ai noté avec quelle vigueur tu insistes sur ce fait historique que l’on s’attache à occulter
aujourd’hui11. Avec une constance qui en dit long sur son importance.
Cependant, il n’était pas question, pour nous, les services secrets, de neutraliser les partisans
de l’Algérie française. Ceux qui faisaient le siège de certains hommes influents du
franquisme. Il fallait au contraire, les circonvenir, les contrôler, bref les rouler.
Parmi ces partisans affirmés de l’Algérie française, se comptaient des « purs », des hommes
sincères pour lesquels j’éprouvais beaucoup de sympathie. Mais certains d’entre eux, une
minorité, étaient parfaitement informés du camp choisi par le gouvernement franquiste.
Cette connaissance qu’ils avaient de la réalité, permet d’affirmer qu’ils se soumettaient de
facto au gouvernement français par Franco interposé.
En 1960, le général Salan s’est replié en Espagne. Il fut l’objet de contacts de la part de notre
gouvernement. Car il nous fallait évaluer ses intentions et surtout ses moyens d’action. Nous
nous sommes aperçus que, jusqu’au procès des barricades, il ne disposait de rien. Quelques
contacts à Paris, au Pays basque ainsi que dans le sud-ouest de la France, à Bayonne, à
Libourne, tout particulièrement. Voilà ce qu’étaient à cette époque les « biscuits » du général
Salan.
Auprès de lui séjournait ce que j’appelle « un poisson pilote », Ferrandi. Un homme très fin,
très cultivé, brillamment intelligent. Lui, n’était pas dupe de l’orientation prise par le
gouvernement espagnol dans le conflit algérien. C’était par excellence, un homme de cabinet.
Il fut l’objet de nos contacts, dont la police de renseignements généraux française fut
évidemment informée par nos soins. Ferrandi ne pouvait pas l’ignorer, compte tenu de sa
finesse politique.
Quand arrivèrent les autres, Lagaillarde tout d’abord puis Susini, Feral, Demarquet et Ronda,
nous nous sommes interrogés. Qui, parmi ces nouveaux arrivants, allaient se brancher sur
Salan et sur Ferrandi ? C’est-à-dire, à son insu, sur les services français.
Lagaillarde ? Certainement pas, car il aspirait à être le chef et n’acceptait pas de bonne grâce
une éventuelle subordination à Salan.
Feral, Ronda ? C’était des militants sincères, courageux, des purs. Des hommes sur lesquels
nous avions les meilleurs renseignements.
11
Je rappelle que ce récit d’Antonio se situe en 1993, peu de temps avant sa mort.
17
Demarquet ? Un fonceur, au profil caractéristique de « bon soldat ». Un pur.
Susini ? Il n’eut de cesse que de séduire Ferrandi d’abord et Salan ensuite. Celui-ci va tomber
sous son charme. Il va se laisser littéralement envoûter. Ces hommes vont bénéficier
rapidement d’un contact privilégié auprès de celui qui jouera le rôle officieux, mais ô combien
réel, de notre honorable correspondant auprès des activistes de l’Algérie française.
J’évoque don Ramon Serrano Suner, le propre beau-frère du général Franco.
Don Ramon était indiscutablement fidèle au général Franco. Jamais il n’aurait accepté de
s’engager dans un parti qui irait à l’encontre de la politique algérienne du chef de l’Etat
espagnol. Les franquistes ne trahissaient pas Franco, de son vivant. Ne trahissaient pas la
politique de Franco. Serrano Suner, moins que les autres. Il s’est contenté d’offrir un concours
dosé, contrôlé sur instructions, à ceux qui allaient comploter contre De Gaulle.
Mais Serrano Suner se prêtait à ce jeu avec un immense plaisir. Car il était violemment antigaulliste et cette pseudo conjuration lui permettait de se livrer à de violentes critiques verbales
contre le général De Gaulle, qu’il détestait.
Sur instructions donc, il a apporta son concours à Salan et à ceux qui gravitaient autour de lui.
Il leur a fait connaître des militants phalangistes, que toi-même a connus par la suite et que tu
as fréquentés dans leur intimité pendant plusieurs années.
Ces hommes étaient sincères. Ils n’étaient pas du tout informés des secrets de la
diplomatie espagnole. Ils étaient vos partisans, parce qu’ils vous identifiaient aux fils
spirituels de Pelayo qui, à partir de Covadonga, a déclenché le combat conquérant de
l’Espagne contre les Maures dès le début du VIIIème siècle.
Le départ du général Salan pour Alger en avril 1961, après le début du putsch d’Alger, ne
s’est pas opéré à l’insu de nos services. Nous contrôlions tout. Les instructions étaient de
laisser filer le général Salan. Le gouvernement du général De Gaulle, évidemment averti, ne
nous a pas tenu rigueur du départ de Salan. Car son action après le putsch, dont tout le monde
savait qu’il allait échouer, aurait été peut-être plus gênante pour les gaullistes à partir de
l’Espagne ou du Portugal, dans l’éventualité où Salan serait resté ici.
Je soupçonne que la compréhension des gaullistes à l’égard de l’Espagne en 1961, était
motivée par un espoir qu’ils nourrissaient à cette époque. Celui d’une opposition entre Challe
et Salan. Une opposition qui allait accélérer la déstabilisation de ce putsch qui partait d’un très
mauvais pied. Il fallait conserver le ver dans le fruit. En l’occurrence Ferrandi, le « poisson
pilote » du général Salan.
Tu as dit récemment que l’OAS avait été l’objet d’une tentative de noyautage. Je préfère dire
qu’elle a été fréquentée par des hommes qui allaient se vanter plus tard, d’avoir joué un
double jeu.
Aujourd’hui, en 1993, nous n’en sommes plus très loin. Pour obtenir le droit de devenir
éventuellement des hommes publics, il leur faudra soutenir qu’ils étaient à l’OAS pour la
freiner, la contrôler, l’empêcher d’aller trop loin.
Tes dispositions naturelles à la violence, ton intransigeance doctrinale, ton refus de t’inclure
dans une formation politique, la pureté de tes convictions, feront de toi un gêneur.
Eventuellement, un homme à abattre. En tout cas, un homme à salir, à démolir, après le 26
avril 1961.
Chose curieuse, tu as tenu bon, comme un roc au sein d’une organisation faisandée au départ.
Une organisation qui finalement, résista contre l’adversité, au-delà des délais prévus.
Une organisation qui, pendant 90 % de son temps de vie, a résisté au reniement. Je suis
certain que, grâce à tes appuis populaires, à ces hommes qui se sont mis à tes ordres, à ces
hommes qui auraient tué n’importe qui pour toi, tu es devenu intouchable. Les autres se sont
méfiés de toi et finalement, ils t’ont ménagé. Puis ils t’ont obéi, quoi qu’ils en disent
aujourd’hui, quoi qu’ils disent éventuellement plus tard, pour un grand nombre d’entre eux.
18
Crois-moi, à la lecture du « Sang d’Algérie » je comprends à quel point tu as su manœuvrer à
la fin, lorsque tu t’es rendu compte que tout était perdu.
Tu as accepté un contact que des Kabyles avaient demandé à des agents du BCR, à partir de la
zone d’implantation de la Wilaya III. Ces kabyles ne voulaient pas de Ben Bella qui était
l’homme choisi par le gouvernement français pour prendre le pouvoir en Algérie, après le
référendum qui allait consacrer l’indépendance du pays.
Tu as donc demandé à Susini, le samedi de Pâques, c’est-à-dire le lendemain de l’arrestation
du général Salan, dans l’appartement d’un chirurgien de tes amis situé au Boulevard SaintSaëns à Alger, d’engager des négociations avec Farès.
C’est-à-dire que tu t’es finalement incorporé à des négociations qui allaient bon train
depuis longtemps entre une aile de l’OAS et le pouvoir exécutif algérien provisoire.
Des négociations qui allaient bon train entre l’ancien maire d’Alger, Jacques Chevallier et
cette même aile de l’OAS qui était en contact avec Farès.
Au sein des deltas Chevallier était représenté par un de ses hommes de confiance, Caruana.
Par ailleurs, Chevallier était représenté dans une autre branche importante de l’OAS, par le
neveu de l’ancien maire de Blida, partisan de la politique d’abandon prônée par Jacques
Chevallier. Tu savais tout cela. Tu l’as toléré, tu me l’as maintes fois précisé, pour des raisons
rigoureusement pratiques et surtout sentimentales : éviter par tous les moyens un massacre
des Pieds-Noirs.
J’imagine aujourd’hui le soulagement de ceux qui ont reçu ton aval. Ils n’avaient pas osé te le
demander auparavant. Ils se méfiaient de tes réactions expéditives. Ce qu’ils ignoraient, c’est
que ton aval avait pour objet d’éviter par tous les moyens, je le répète en insistant, le
génocide des Français d’Algérie».
Antonio s’arrête de parler. Il reprend son souffle. Je le perçois très éprouvé par l’interprétation
qu’il me donne de ce qu’il croit avoir compris de notre combat. En réalité, il m’offre son récit
comme un gage d’adhésion, une adhésion, déjà posthume, à notre lutte. C’est son cadeau
d’agonie.
Son exposé m’a néanmoins replongé dans ce passé encore tout riche de son contenu
douloureux, tragique. De sa vitalité pleine de doutes, pleine de sang.
Effectivement Jacques Chevallier était présent dans notre structure de combat. Le Journal
d’Alger, son quotidien, dont il assumait la publication avec Blachette, côtoyait l’un d’entre
nous, dont nous pensions qu’il était un frère d’armes, par l’intermédiaire du rédacteur en chef
de ce même quotidien.
Dès le mois d’octobre 1961, Susini, Degueldre et Caruana avaient rencontré l’ancien maire
d’Alger, dans sa magnifique villa du Balcon Saint-Raphaël à El-Biar. Caruana était
l’émissaire constant de Jacques Chevallier. En réalité, ce qui fut fomenté, c’était une tentative
de putsch à l’intérieur de l’OAS. Dont je n’ignorais rien. Ce qui m’a conduit, nécessairement
à structurer ma prudence. Organiser un appareil de surveillance à l’intérieur de l’OAS. Ne
confier ma sécurité à personne d’autres qu’aux miens.
Surveiller et contrôler tous les autres et surtout, ne dénoncer personne. Eviter une épreuve de
force. Patienter. Attendre que la logique, sans parler de l’honneur et de la fidélité, puis de la
camaraderie et de l’estime, inspirent à nouveau ces imprudents comploteurs.
En quelques semaines, bien avant l’été 1961, tout finit par s’arranger avec Degueldre.
Caruana me dira plus tard à Paris, en 1972, devant témoins, que Degueldre s’était rendu à
contrecœur à cette réunion d’octobre 1961 avec Jacques Chevallier. Finalement, Roger
19
accepta son rôle dans l’ORO12, au poste qui lui avait été attribué. Parce que l’appareil dont
j’avais la responsabilité, fonctionnait remarquablement.
Tous les jours nous mettions au point nos directives opérationnelles. Et tout a évolué
normalement, jusqu’à son arrestation comme je l’ai relaté dans une étude récente.
Antonio, après avoir dominé son essoufflement, reprend son récit. Il veut me raconter l’OAS.
Il veut me faire sentir qu’il est devenu un partisan de l’OAS. Et le vieux guerrier se remet à
parler.
« Ces négociations entre le FLN, les gaullistes, Jacques Chevallier et une fraction de l’OAS,
ont pris rapidement une orientation radicalement opposée à celle que tu espérais. C’était un
ralliement à Ferhat Abbas, à Fouchet et à Joxe. Avec Farès, qui n’avait fait que reprendre son
rôle d’officier de liaison auprès du général De Gaulle, comme il l’avait fait en 1958, pendant
l’été, entre De Gaulle et Ferhat Abbas.
Lorsque tu as été informé de cet aspect des tractations engagées, du risque que l’on s’apprêtait
à faire courir au peuple pied-noir, tu as manifesté des réserves. Car ce que voulaient les
négociateurs, se résumait dans la volonté de faire rester en Algérie le maximum de PiedsNoirs. C’était prévu dans les accords d’Evian.
Tu étais sur la réserve. Tu as réuni tes fidèles pour connaître leur avis. Et c’est alors que l’on
t’a coupé l’herbe sous les pieds, par le cessez-le-feu des Deltas. Cessez-le-feu décidé à la
demande de Jacques Chevallier.
Le reste des combattants n’étaient pas encore disposés à se soumettre à ce qu’ils considéraient
comme une capitulation. Tu as été soumis de leur part à de fortes pressions pour contrecarrer
ce plan. Si tu réagissais dans leur sens, cela faisait de toi une brute, un jusqu’au boutiste, un
fanatique inconséquent.
Tu n’es pas tombé dans ce piège.
Tu as réussi à leur faire entendre raison. Tu as rédigé ton ordre du jour et tu es parti car ta
mort devenait dès lors une nécessité. D’autant plus que Farès n’ignorait pas qu’en 1956, tu lui
avais donné la chasse.
A cause de cette interruption opérationnelle, plus aucun moyen n’existait pour protéger les
Pieds-Noirs contre les massacres et les enlèvements.
Le cessez-le-feu de l’OAS allait révéler une vérité qui jusque là était encore remarquablement
occultée. Celle de sa faiblesse. Celle du bluff qu’elle représentait. Bluff nécessaire à la
protection des Français d’Algérie. Il aurait fallu que se constituât cette force locale
européenne, armée en guerre dont tu avais exigé la création, comme préalable à ton accord
aux négociations qui étaient engagées.
On t’a laissé croire que c’était possible, que c’était raisonnable … et puis plus rien.
Tu as donc bien fait de ne rien tenter. Ne te reproche rien. Je conçois que ce drame te ronge
encore. Tu avais prévu en effet un dernier combat. Tu aurais voulu mettre en pratique, si
possible, cette maxime de Duguesclin « Mieux vaut terre brûlée que sol abandonné ». Mais tu
as fait le constat d’une insuffisance de moyens pour l’accomplissement de ce projet.
A cause de toi, je me suis intéressé comme le spécialiste que je suis, à la vie de l’OAS. De
toutes les organisations clandestines que j’ai pu connaître, il n’en existe aucune qui n’ait été
autant trahie de l’intérieur. C’est la raison pour laquelle j’exprime mon admiration pour la
vigueur des combattants que tu commandais, qui malgré la trahison ont résisté pendant 15
mois. Alors que le monde entier était contre vous, à l’exception du Portugal.
12
ORO : Organisation du Renseignement et des Opérations composée de deux sous-branches : le BAO (Bureau
d’Action Opérationnelle) et le BCR (Bureau Central du Renseignement)
20
Il n’en reste pas moins vrai que le combat de l’OAS restera le dernier combat qui fut mené
contre les Maures, un combat trahi par la chrétienté et tous les autres.
A quelques jours de la mort, je voudrais répéter ce que je t’ai déjà dit : « le peuple pied-noir
auquel tu as tout sacrifié, était trop civilisé pour cette guerre ».
Il aurait fallu vous comporter en véritables sauvages dès le début de la guerre, car c’était à une
guerre de sauvages que vous étiez confrontés. Ou alors, il fallait partir.
Je te dis aujourd’hui, que tu as bien fait de faire ce que tu as fait, car il n’y a pas de pire
individu que celui qui refuse de défendre sa Terre, sa Patrie, sa Nation.
Nous allons nous dire adieu. Je t’expédierai certainement un courrier avant ma mort pour te
soumettre des questions auxquelles tu devras répondre dans l’espace de temps qui te
conviendra pour le triomphe de la vérité.
Je tiens à affirmer que nous, Espagnols, franquistes ou non, communistes, socialistes,
anarchistes ou séparatistes, en ayant refusé de soutenir l’Algérie française, nous avons renié
Covadonga. Notre merveilleuse épopée de Govadonga. Nous avons trahi le message de
Pelayo. Car nous nous sommes dérobés au combat contre les Maures.
C’est là que se situe la vérité.
Tout le reste n’est que littérature politique, économique ou philosophique. Nous avons déserté
la bataille du XXème siècle contre les Maures »
VII – CONCLUSIONS
Je ne suis victime d’aucun état d’âme particulier. Enrichir, éventuellement, votre information,
tel est le but de cette rédaction.
Mes angoisses et mes espérances, mes doutes parfois, ne constituent pas, loin de là, des sujets
à développer publiquement.
Je me suis engagé dans cette bataille dès 1955 et les nécessités de son déroulement
m’ont projeté finalement à un poste décisionnaire de tout premier ordre.
Le comportement désinvolte parfois de quelques-uns parmi nos opérationnels, qui ne
semblaient pas tous informés du niveau historique de la cause qu’ils défendaient, le
comportement critique et chauvin de quelques militants éloignés d’Alger à l’égard du
commandement central, ont fragilisé certainement notre appareil de combat.
Ces insuffisances ont ouvert la voie à quelques comploteurs pour développer leur jeu
personnel. Ne pas rater l’occasion d’être détectés comme ce qu’ils croyaient être : des
individus capables de tenir un rôle de dimension internationale. Fabriquer un prestige qui
allait les placer tout le temps à un poste privilégié dans le mercenariat politique, tel était le
motif réel de leur participation à l’OAS.
Degueldre fut le premier à être tombé, pendant un laps de temps court, très court, entre les
mains de ces intrigants perpétuels. Il lui a fallu quelques semaines pour s’en extirper et pour
apprécier à sa juste valeur, l’attitude de ceux, les plus nombreux, qui n’étaient animés que de
cette ambition :
Algérie française.
Degueldre avait jugé et apprécié la vigueur et la discipline avec lesquelles j’organisais l’ORO.
Il savait que je ne poursuivais aucune perspective de carrière. Sauver cette terre africaine
française, c’était mon but. Ma passion. Ma seule passion.
21
J’ai assumé des décisions terribles que je ne renie pas. J’ai eu, sous mes ordres, des hommes
de toutes origines politiques et sociales, de niveaux intellectuels différents qui m’ont écouté.
Je n’ai jamais accepté d’être contrôlé par un homme politique. J’ai été très attentif à protéger
l’appareil que je commandais contre une prise en mains extérieure, à l’initiative d’une
structure qui ne serait pas en harmonie avec notre but de guerre : la victoire pour l’Algérie
française.
Aujourd’hui, je n’éprouve aucun scrupule à dire que j’accorde un grand intérêt à tout travail
historique consacré à la gloire de nos ennemis les plus féroces : Krim Belkacem, Ben Tobal,
Khodja… parmi beaucoup d’autres.
Je comprends que nos ennemis éprouvent la nécessité de glorifier ceux qui se révélèrent
parmi les plus déterminés à tuer la France Sud-Méditerranéenne.
Cependant, il m’est difficile d’accepter l’attitude suivante : l’éloge ou plutôt la sanctification
des traîtres à la patrie française, prononcée par quelques anciens parmi les nôtres. Traîtres qui
ont obéi aux ambitions géo-politico-économiques d’une fraction perverse, inculte et mal
informée, pour ne pas dire ignare, du capitalisme financier moderne. Traîtres qui ont apporté
un concours opérationnel majeur à l’action de nos ennemis les plus déterminés.
Je n’accuse pas Jacques Chevallier et ses partisans de désertion devant l’ennemi.
Je les accuse, et l’ancien ministre de la guerre député-maire d’Alger en tout premier lieu,
d’avoir renforcé en moyens de guerre, ceux qui tuaient nos soldats, nos femmes et nos
enfants. De les avoir enrichis en renseignements, en soutien logistique, en armement et en
moyens de propagande nationale et internationale.
Je les accuse d’être intervenus dans cette guerre dans le camp de nos ennemis, alors que
l’identité idéologique de ce conflit était connue : car on ne peut nier que l’identité véritable de
la guerre d’Algérie était avant tout et universellement anti-chrétienne. En analyse extrême
et définitive, c’est la Croix qui était l’objectif à abattre au sud de la Méditerranée. Quitte
pour nos ennemis à prendre un risque opérationnel d’une importance très actuelle : le risque
de conférer une vigueur invasive, par le biais d’une perversion orchestrée et sournoise des
mentalités occidentales, à l’arabo-islamisme fondamentaliste révolutionnaire. Araboislamisme qui jouit d’un avantage inappréciable illustré par l’affirmation suivante : il n’est
pas pressé.
L’appauvrissement spirituel des esprits occidentaux définit en effet le véritable allié
opérationnel de ce nouvel envahisseur. Il s’agit d’un vide spirituel, d’un gouffre, que l’araboislamisme fondamentaliste va combler au grand dam, souvent et curieusement, de ceux-là
mêmes qui ont apporté tout leur concours à cette déliquescence spirituelle de l’Occident.
Notre génération, celle de nos enfants, ne subiront pas encore les effets immédiats de cette
révolution arabo-islamiste. Mais les générations futures…
Tout dépend en réalité, du front que le christianisme sera capable d’opposer grâce à une
union universelle et nécessaire des chrétiens.
Union des chrétiens, oui, mais dans quelle perspective opérationnelle ?
- faire la guerre à l’islam ?
- lancer un nouveau manifeste : « Chrétiens de tous les pays unissez-vous » ?
Certainement pas.
Je ne confonds pas la religion musulmane d’une part et le fondamentalisme arabo-islamiste
d’autre part.
Je suis convaincu qu’une possibilité de vie harmonieuse existe entre tous les croyants en Dieu
d’une part, et entre les croyants et les non-croyants d’autre part.
Le véritable révolutionnaire moderne s’identifiera à celui qui saura défendre à outrance la
cause de la convivialité spirituelle universelle.
Nous ne perdons pas de vue, pour autant, les inégalités qui existent entre les hommes à
l’échelon national, continental et universel. Des inégalités qui n’ont pas été résolues et qui,
22
tout au contraire, ont été aggravées par la décolonisation. Il existe des espaces de faim… de
violence … de haine… et de mort. Tels apparaissent, illustrés avec une vigueur indubitable,
les « bienfaits » de la décolonisation.
Nous vivons dans un espace impitoyablement clos. Et c’est, qu’on le veuille ou non, à
l’intérieur de cet espace clos, le globe terrestre, que nous devons rechercher, trouver et
emprunter le chemin d’accès à l’harmonie, à la convivialité des intelligences et des passions
humaines.
En refusant de nous croiser les bras, en analysant le passé avec les yeux bien ouverts. « Le
passé, la seule vérité humaine »13. C’est lui qui nous permettra de comprendre le présent, de
prévoir l’avenir et peut-être de le contrôler.
Cette conviction m’impose, de revenir aujourd’hui encore, sur le passé « Algérie française ».
Sur la thèse historique « Algérie française » qui mérite d’être comprise et enseignée comme la
grande idée des temps modernes. Je précise la grande idée du siècle. Une occasion ratée…
oui, mais de quoi.
Une occasion ratée d’avoir fait de ce territoire, grâce à la France, un espace privilégié capable
de donner vie à une convivialité inter-religieuse nécessaire à la paix et à la survie du monde
moderne.
Tous les gargouillis politiques dont nous régalent les leaders de la Vème République,
détenteurs du pouvoir, ou d’opposants aspirant à le prendre dès que possible, n’y changent
rien. Tous sont riches, avant tout, d’un vide idéologique abyssal. Un vide idéologique porteur
d’un risque complémentaire : celui d’être à l’origine par imprudence ou par imprévision, d’un
ou de plusieurs drames… « néoruandais », avec leurs montagnes de cadavres.
Revenons à l’Algérie. A l’occasion ratée… Algérie française… La grande idée du siècle.
Oui, j’étais convaincu que l’Algérie devait rester française. Comme je suis convaincu
aujourd’hui que la France doit rester française, que l’Europe doit devenir européenne et que
l’Occident doit aspirer à devenir occidental.
Oui j’ai affronté beaucoup de drames dans ma vie personnelle.
« Alors ? » m’a-t-on déclaré un jour « Pourquoi n’as-tu pas fait exécuter Jacques Chevallier
parmi d’autres que tu as fait tuer et qui, sans aucun doute, étaient moins dangereux que
lui ? »
Voilà une question qu’il faut laisser sans réponse… aujourd’hui encore.
Proposer une réponse, c’est prendre le risque de révéler au public, qui ne sait rien, mais qui
juge tout et qui condamne ce qui lui plaît, certaines ambiguïtés apparentes de comportement
opérationnel au sein de cette belle aventure que fut l’OAS.
Il est absolument sûr que l’un d’entre nous a pris contact avec Jacques Chevallier dès le mois
d’octobre 1961. Je n’éprouve aucun plaisir à vous le confirmer une fois de plus. Si vous avez
lu ce que je viens d’écrire tout au long de cette étude 50/38, vous le savez déjà.
Alors, posons une autre question : ceux qui ont contacté, sur leur initiative, Chevallier en
1961, au mois d’octobre, dans une villa du Balcon Saint-Raphaël à El biar, ont-ils trahi ?
Ma réponse est nette : non, ils n’ont pas trahi, en 1961 et au début de l’année 1962.
« Pourquoi cette indulgence de votre part ? » me rétorque-t-on.
Pour la raison suivante : ils n’ont pas trahi jusqu’au Vendredi Saint 1962. Jusqu’à cette date,
ils m’ont soutenu dans les actions que j’ai ordonnées. Ils m’ont transmis des identités
d’individus à abattre. Ils ont applaudi aux opérations dont j’assumais hiérarchiquement la
responsabilité. Ils m’ont soutenu aussi, dans l’organisation des zones opérationnelles voisines
du Grand Alger. Ils ne m’ont pas vendu aux forces de l’ordre.
13
Anatole France : « Le Lys rouge »
23
« Alors, pourquoi ont-ils exploité pour leur compte les contacts qu’ils avaient pris avec
Jacques Chevallier et à travers lui avec Farès et beaucoup d’autres ennemis de l’Algérie
française ? »
Cette dernière question est la bonne question.
A double titre.
Voici ma réponse.
- C’était tout d’abord, pour eux, le moyen de sauver leur vie en cas de défaite
envisageable de l’OAS.
- En second lieu, c’était se libérer pour conduire leur nouvelle mission à bonne fin,
de toute co-responsabilité dans les opérations que j’ai décrites dans une étude
récente, sous la rubrique « la fureur ultime de l’OAS ».
Ce comportement leur a permis d’adopter la position suivante : « ce n’était pas nous, c’était
lui ».
Aujourd’hui certains anciens de notre combat se laissent aller à une initiative assez difficile à
accepter. Ils veulent justifier les trahisons de Jacques Chevallier. Je ne peux les comprendre
que dans la mesure où ils ont changé d’identité. Que dans la mesure où ils se sont ralliés à
l’ennemi FLN.
C’est une raison suffisante pour refuser de dialoguer avec eux. Je suis convaincu d’avoir plus
de chances de m’entendre avec un chef FLN qu’avec un renégat de l’Algérie française.
C’est la raison pour laquelle je crois opportun d’arrêter là cette étude n° 50/38 que j’ai
rédigée, j’insiste encore, pour votre information.
« Sans crainte du malheur, sans espérance de gloire »14
Jean-Claude PEREZ
Nice, le 18 septembre 2010
14
Cervantès
24
Complément à l’étude 50/40 (50/40bis)
Une conjuration De Gaulle – Ferhat Abbas…
Précision rendue nécessaire à la suite d’un message un peu
trop incisif… à propos de l’affaire Si Salah
On a voulu mettre en doute la date de l’arrestation du commandant Si Azzedine,
qui a joué un rôle fondamental dans la mise en route de l’affaire Si Salah.
J’apporte la précision suivante : c’est le 27 mai 1957 que l’affaire Si Azzedine a
été conclue. L’opération militaire avait débuté le 22 mai dans la soirée, dans un
secteur de 100 km², au milieu duquel s’élève le douar d’Agounennda. Ce gros
village placé à proximité de l’oued Boulbane et de ses affluents, se situe dans
une zone de passage où les routes allant de Sakamody à la forêt des BéniMiscera croisent celles qui rejoignent oued-Malah à Blida.
Bigeard avait installé son PC sur la côte 1298, le PC « Bruno ».
A 17 heures, le 22 mai 1957, le départ est donné. Un rassemblement des
effectifs est effectué à Médéa. Les paras s’équipent contre le froid de la nuit et à
20 heures, ils repartent en direction de Champlain. La destination est atteinte à
23 H 30. Celui qui fait face c’est Azzedine avec son commando. Les
hélicoptères sont appelés en renfort, et finalement, 700 parachutistes encerclent
300 fellaghas environ. Ceux-ci se défendent âprement. Des combats au corps à
corps s’engagent pendant 48 H.
Quand les « paras » iront au résultat, ils dénombreront 96 rebelles tués et 12
prisonniers. Les forces de l’ordre ont eu à déplorer la mort de 8 paras et 29
blessés, la plupart très légèrement.
Voici le commentaire de Bigeard, concernant Si Azzedine : « Un chef
énergique. J’aimerais bien l’avoir chez nous ! ».
Donc Si Azzedine a bien été fait prisonnier en mai 1957 et c’est à partir de cette
époque qu’il va jouer un rôle inattendu.
Depuis 1956 en effet, le général De Gaulle, en vacance du pouvoir, complote rue
de Solferino dans le VIIème arrondissement de Paris, dans les locaux de l’ancien
25
RPF15. Un comité de travail a été constitué dirigé par Olivier Guichard. Par
l’intermédiaire de ce comité, De Gaulle entretient des contacts avec
l’organisation extérieure de la rébellion algérienne, par l’intermédiaire de Me
Boumendjel, dont le frère est tué durant la même année, à Alger, lors d’un
interrogatoire par les services spéciaux. C’est à cette époque que De Gaulle
déclare à Boumendjel : « il est bien évident que l’Algérie sera indépendante ».
Cette conjuration entre De Gaulle et l’organisation extérieure de la rébellion
Algérienne, n’a pu se faire que depuis le ralliement de Ferhat Abbas à
l’organisation extérieure de la rébellion algérienne en 1956. Ferhat Abbas était
en relation permanente avec le général De Gaulle depuis 1943, c’est-à-dire
depuis l’arrivée du général à Alger. Celui-ci avait soutenu Ferhat Abbas dans la
constitution de l’AML (l’Association du Manifeste de la Liberté), qui regroupait
4 formations politiques :
1. le Parti communiste algérien,
2. le PPA, le Parti du Peuple Algérien de Messali Hadj. Celui-ci avait été
libéré de Lambèze, où il purgeait une peine de 18 ans de travaux forcés
que lui avait infligée le Tribunal militaire d’Alger en 1941.
3. l’Association des Oulémas dirigée à cette époque par Ibrahim Bachir,
4. le Manifeste Algérien, créé par Ferhat Abbas.
De Gaulle connaît donc bien Ferhat Abbas et il va se développer entre les deux
hommes, une véritable conjuration.
Si on veut bien revenir à l’affaire Si Azzedine, tout se passe comme si celui-ci
avait été capturé à point nommé pour devenir un élément de liaison fondamental
entre le corps d’armée d’Alger, et Ferhat Abbas.
Le colonel Godard m’a déclaré un jour, que Si Azzedine avait été l’objet d’une
tentative de prise en mains de la part du général Massu, pour intoxiquer Ferhat
Abbas. Compte tenu de l’évolution des évènements, on se rend compte que cette
hypothèse ne correspond à rien de sérieux. De toute évidence en effet, les
contacts éventuels entre le pouvoir, par l’intermédiaire du corps d’armée
d’Alger et Ferhat Abbas, n’avaient qu’un but : conférer à Ferhat Abbas les
moyens de s’installer en Algérie. C’est ainsi que fut créé le 10 septembre 1958,
le GPRA (Gouvernement Provisoire de la République Algérienne). Cette
naissance fut célébrée en grande pompe au Caire, en présence de Farès et de
l’écrivain Amerouch, représentant très officieux et clandestin du général De
Gaulle.
15
RPF : Rassemblement du Peuple Français
26
Cette conjuration De Gaulle/Ferhat Abbas s’inscrit dans un plan opérationnel
que l’on néglige d’évoquer aujourd’hui encore.
Il s’agit du « plan Pompidou » qui dès le mois de juin 1958, nourrissait
l’ambition d’organiser une rencontre entre la France et des émissaires de
l’organisation extérieure algérienne, pour aboutir à un cessez-le-feu. Tout se
passe comme si un état major pompidolien, rassemblant des sommités du
capitalisme financier, avait décidé de mettre un terme à la guerre d’Algérie au
plus tôt. En abandonnant l’Algérie à la rébellion.
De Gaulle apparaît, au-delà de tous ses comportements politiques, comme un
exécuteur des hautes œuvres du capitalisme financier international qui voulait
opérer le délestage économique du débouché algérien. L’Algérie les intéressait
par le pétrole qu’elle était capable de produire, ainsi que le gaz. Mais de là à
subvenir aux besoins des Algériens de confession musulmane et au point de
sauver la vie des Français d’Algérie, il y avait un gigantesque « no mans land »
idéologique que les capitalistes n’étaient pas décidé à franchir.
Avec De Gaulle comme leader opérationnel, ils nourriront des contacts
complices, des contacts opérationnels avec le parti communiste français et
algérien pour aboutir à la « libération de l’Algérie ».
Si Azzedine est apparu à un moment donné, comme un agent de liaison, plutôt
comme un officier de liaison entre le GPRA et le gouvernement français … par
l’intermédiaire du corps d’armée d’Alger.
Je sais qu’en affirmant cela, je soulève parfois la colère d’hommes de grande
valeur qui ont été sous les ordres de Massu.
Massu, à un moment donné, par l’enthousiasme qu’il était capable d’inspirer, fut
l’homme qui avait les moyens de sauver l’Algérie française. Il ne l’a pas fait
parce qu’il était étroitement lié au général De Gaulle par une fidélité personnelle
qu’il n’a jamais voulu remettre en question.
« Je râle, je grogne, je proteste, mais je ne suis qu’un grognard, je ne trahirai
jamais le général De Gaulle et il le sait bien ».
Voilà en substance ce qu’il a déclaré au Procès des Barricades.
Il est allé jusqu’au bout de sa fidélité lorsque deux de mes camarades, Serge
Jourdes et un de nos amis, qui ne supporte pas mes critiques contre Massu, sont
allés lui rendre visite pour lui demander de s’incorporer à l’opération salvatrice
qui s’annonçait pour le bénéfice de l’Algérie française.
Il ne les dénoncera pas. Mais il laissa l’Algérie française mourir.
Alors que, lui, avait les moyens de la sauver s’il avait décidé de le faire.
27
Je comprends l’amertume des anciens fidèles de Massu et en particulier de mon
ancien frère d’armes qui met en doute le bien fondé de mes informations. Je le
respecte et je lui conserve mon amitié.
Je lui dis très amicalement qu’au lieu de me livrer un commentaire (qui n’était
par forcément agréable), et compte tenu de ses compétences littéraires, il aurait
dû plutôt corriger une faute de langue que j’ai commise dans la rédaction de
cette étude 50/40 quand j’ai écrit que « les silences battaient leur plein » alors
que tout le monde sait qu’il fallait écrire « les silences battaient son plein ».
Je vous prie de m’accorder votre pardon pour cette erreur d’inattention et j’offre
à tous mes correspondants l’expression de mon estime et de ma totale sincérité.
Encore une fois, bonnes fêtes à tous.
Nice, le 3 décembre 2010
Jean-Claude PEREZ
Complément n° 2 à l’étude 50/40 (50/40ter)
28
Une conjuration De Gaulle – Ferhat Abbas…
(Suite….)
J’ai reçu un message de Philippe QUEYRAT que je remercie de même que je remercie mon
camarade Jean-Marie qui m’a lui aussi adressé un message correctif en ce qui concerne la date
d’arrestation de Si Azzedine.
En résumé, pour l’un comme pour l’autre interlocuteur, Si Azzedine n’a pas été capturé lors
des combats d’Agounenda mais plus tard, en février 1959, pour Philippe Q., alors que le
colonel Trinquier était à la tête du 3ème RPC (3ème RPIMA). Ces deux hommes ayant participé,
à des postes différents, à cette opération, j’ai toutes les raisons de leur faire confiance. Ce que
je fais sans restriction.
Néanmoins, je tiens à communiquer deux extraits d’Historia Magazine n° 226 :
- La première page de l’article avec la photo de Si Azzedine et celle Bigeard
- Puis deux pages dans lesquelles la capture de Si Azzedine est relatée sans ambigüité.
De ces « doutes » il ressort une vérité : Si Azzedine a été un personnage clef dans la mise au
point de l’affaire Si-Salah, affaire montée par la présidence de la République, à l’échelon du
général De Gaulle, et conduite sur le terrain par Tricot, le colonel Mathon, et le procureur
général de la République d’Alger, dès le début de l’année 1960.
Il s’agit d’une conjuration DE GAULLE – FERHAT ABBAS, montée dans le but de libérer
le GPRA d’un danger qu’il encourrait du fait des menaces proférées par les maquisards de
l’intérieur.
Cette opération a été mise au point avec la participation du corps d’armée d’Alger, du GPRA,
Si Azzedine jouant le rôle d’un officier de liaison, dont le but était de faire tomber Si Salah
dans le traquenard illustré par la « Paix des Braves », de manière à provoquer l’extermination
du commandement de la Wilaya IV. Et par voie de conséquence, la soumission des autres
Wilayas, toutes hésitantes, à la volonté du GPRA, c’est-à-dire en dernière analyse, à De
Gaulle.
La responsabilité de Massu, en tant que commandant du corps d’armée d’Alger, est établie
dans les faits. Il n’est pas dit qu’il ait bien supporté ce rôle que son « homme-dieu » lui
imposait de jouer. C’est sans doute la raison pour laquelle on s’est servi de l’affaire de
l’interview Kemski, pour l’éloigner d’Alger. Je persiste dans ma conviction : si Massu avait
été décidé à sauver l’Algérie française, avec ou sans Challe, il avait les moyens de le faire.
Car lui était capable, en Algérie, de soulever des montagnes.
Je reste à la disposition de tous mes correspondants, pour toute observation complémentaire.
Mais croyez-moi, cette recherche historique constante à laquelle je consacre les dernières
années de ma vie, est loin d’être facile. Car aujourd’hui encore, quelques uns n’aiment pas
que l’on affirme certaines vérités.
Quant il s’est agi de défendre l’Algérie française, j’ai engagé ma vie et ma liberté dès les
premières heures de mon retour à la vie civile, en tant que médecin, au mois d’octobre 1955.
Et depuis cette date, il ne se passe pas une journée qui ne soit enrichie par ce combat que j’ai
mené avec foi.
Une précision complémentaire :
Un de mes interlocuteurs m’a écrit fort aimablement, qu’au lieu de critiquer Massu comme je
crois avoir le droit de le faire, je ferais mieux de stigmatiser l’attitude de ceux qui ont
29
véritablement été « dévoyés ». Et il me dit « Attaque Susini, qui ne s’est pas privé de jouer
avec l’ennemi ». Sur ce chapitre, il me semble, aussi bien dans mes livres que dans mes
articles, n’avoir pas pêché par timidité. J’ai toujours dit ce que j’avais à dire et j’ai
suffisamment révélé les scandaleuses trahisons de Farès et de Jacques Chevallier pour que
toute ambigüité soit levée à propos de ce chapitre noir de notre histoire.
A tous mon amitié et mon estime.
Jean-Claude PEREZ
Nice,
Le 10 décembre 2010
30
Complément n° 3 à l’étude 50/40 (50/40quater)
Une conjuration De Gaulle – Ferhat Abbas…
(Suite….)
I – RAPPEL EN CE DEBUT D’ANNEE 2011
Dans cette numération 50/40quater, le chiffre 50 évoque préventivement l’anniversaire qui
s’annonce en 2012 : celui du 50ème anniversaire de la honte gaulliste :
la mort définitive de l’Algérie française,
le « pays méditerranéen » est réduit à l’état géographique « d’une frontière » entre
deux mondes différents,
- le sabotage définitif, irrémédiable d’une implantation européenne sur le continent
africain,
- le 50ème anniversaire, en synthèse, d’une grande défaite subie par notre patrie, et par
voie de conséquence, subie par l’Occident tout entier.
ème
Le 50 anniversaire d’une agression planifiée et concertée contre la Croix, contre le message
de la Croix, fait de tolérance et de respect des convictions religieuses des uns et des autres.
-
Un anniversaire qui nous invite à transmettre, une fois de plus, un message.
Pour garantir aux convictions religieuses différentes une totale liberté de leur expression, il est
nécessaire, tout au moins en France et en Europe, d’instaurer une citoyenneté laïque. Celle-ci,
doit être proclamée certes. Mais aussi, et surtout, elle doit être défendue : ce qui est loin d’être
constaté aujourd’hui, devant le « plat ventre » qui est opposé servilement aux entreprises
envahissantes de l’arabo-islamisme fondamentaliste. Que nous ne confondons pas avec la
religion musulmane.
La citoyenneté laïque doit garantir aux hommes la liberté de vivre leur foi, dans le cadre
administratif, institutionnel et politique qui définit l’identité d’une nation. Liberté de pratiquer
une foi qui exclut toute manifestation autoritaire faite de menaces, plus ou moins exprimée,
faite d’exigences qui ne sont pas conformes à nos institutions.
Cette citoyenneté laïque s’illustre, à l’encontre de ce qui était prévu et planifié, comme le seul
moyen de sauvegarder la liberté religieuse. Celle-ci, soulignons-le encore, doit s’exercer dans
le respect de nos institutions, des impératifs nationaux et des exigences de la sauvegarde
européenne et occidentale.
Nous n’avons aucune raison de nous soumettre sans réagir, à l’anéantissement historique de
nos convictions chrétiennes. Nous sommes encore en situation de combattre.
Cette introduction à la fin de cette étude 50/40quater apparaîtra comme une redite de ma part.
Il m’est apparu opportun de rappeler dans ce complément d’étude ce que j’ai apporté dans
l’étude 50/40 dont vous avez été destinataires.
Etude 50/40 qui concerne l’affaire Si Salah, illustration historique de la conjuration De
Gaulle-Ferhat Abbas. Conjuration dont le but était d’offrir au GPRA les moyens de prendre le
pouvoir en Algérie, après que fut consommée et proclamée, devant le monde entier, la défaite
gaulliste devant le pire ennemi qui n’ait jamais agressé notre Patrie française depuis le début
de son histoire.
31
Cette étude 50/40quater apparaît donc comme une réponse complémentaire à des observations
compétentes et justifiées dont j’ai été destinataire, à propos de l’affaire Si Salah. Je précise
qu’il s’agit de ma dernière réponse car il est important d’élargir le territoire de nos études.
Il me faut en effet respecter les engagements que j’ai pris auprès de Danièle Lopez et de son
Association des « Petits échos de l’écho d’Oran ».
J’ai promis à Danièle une étude sur l’origine réelle du 13 mai 1958 et l’importance du
montage de l’affaire Sakiet-Sidi-Youcef.
Il s’agit effectivement d’une page historique capitale. Elle constituera le thème de l’étude
50/41 que je vous adresserai à la fin du mois de janvier 2011.
II – ENCORE SI AZZEDINE…..
J’ai de la chance.
Je le sais d’ailleurs depuis très longtemps.
J’ai connu, en effet, des dizaines de circonstances au cours desquelles mon parcours de
« médecin - patriote - Algérie française - révolutionnaire par nécessité » aurait dû se terminer
par un exit brutal.
Jusqu’en 1964, en Algérie d’abord, en métropole ensuite, l’ordre du pouvoir était de « ne pas
me ramener vivant dans un commissariat de police ». En 1963, je fus vendu à la police par
Muzzati, lors de son arrestation à Menton. Je fus l’objet, à partir de cette trahison, d’une
traque de 3 mois dans notre belle capitale parisienne.
Toutefois, je me souviens très bien de ce que j’ai vécu. Je précise :
« … ce que j’ai appris, il y a très longtemps, je serais surpris qu’il m’en fût échappé quelque
chose ». (Platon : « Timée », dialogue entre Cristias et Socrate).
Pour le reste de ce que je relate, je suis parfois dans la nécessité de recourir « aux autres ». A
qui je fais crédit de beaucoup de vertu :
- je leur fais crédit d’une bonne foi que je n’ai pas l’intention de marchander, je le leur
conserve ad vitam eternam.
- je fais aussi crédit au bien fondé de leurs propres sources.
Mais à l’instar de Zaccharie, père de Saint Jean-Baptiste, j’affirme ceci :
« …après tout, eux, ne font que raconter, alors que moi, j’ai vécu. Ce sont des chroniqueurs,
ce qui n’est pas rien, je fus un acteur, ce qui est toute autre chose ».
C’est ainsi que j’accorde crédit à Denis Baldensperger, que je ne connais pas et qui a signé un
article d’Historia Magazine (n° 226).
Il relate la capture de Si Azzedine par Bigeard et ses « boys », lors du combat d’Agounnenda
en 1957, avec des détails opérationnels très précis, complétés par des commentaires élogieux
attribués à Bigeard lui-même, en faveur de Si Lakdar et d’Azzedine :
« Voilà des chefs énergiques, j’aurais aimé les avoir chez nous ! »
Or, il semble démontré qu’il s’agit d’une erreur ou d’une confusion … de la part de Bigeard…
ou de l’auteur de l’article.
Un premier interlocuteur m’informe que c’est en février 1959 qu’Azzedine a été capturé après
avoir été blessé au bras.
Un autre interlocuteur confirme cette information en précisant que le 3ème RPC était
commandé, à cette époque, par le colonel Trinquier. Ce 2ème interlocuteur apporte une
information supplémentaire :
Trinquier, sur ordre de Massu a rapatrié Azzedine à Alger où celui-ci fut soigné dans la villa
personnelle du général Massu. (Résumé de citation)
32
Ce qui est important, je veux dire la seule chose qui soit importante est illustrée dans la
précision suivante : Si Azzedine a été confié aux bons soins d’un officier français, le capitaine
Marion. Il s’agit d’un officier opérant très près du général Massu. Patriote aux convictions
« Algérie-française » affirmées, pour lequel j’éprouve une profonde estime. Il est venu
m’encourager dans un de mes PC clandestins de l’ORO, à Alger. PC à partir duquel je tentais
de coordonner les opérations et l’organisation du renseignement de l’OAS à l’échelon
national. C’était au début de l’année 1962. Il avait quitté l’armée. Ayant participé au combat
de la libération dans les forces des FTP16, il s’était engagé dans les SAS en Angleterre. Il avait
été conduit à mon PC par le chef du BCR national de l’OAS, lui-même ancien parachutiste
SAS et ancien compagnon d’armes de Marion.
Après sa capture, Si Azzedine a pu évoluer comme un … « prisonnier libre ». Il est escorté
par Marion. Il rend visite à sa famille algéroise. Puis il reprend le maquis une première fois…
il revient à Alger… il repart dans le maquis encore une fois… il revient avant son dernier
départ pour le maquis.
C’est assez anormal pour être souligné. Et pour s’interroger.
J’aurais donc commis deux erreurs :
- l’une concerne le site géographique de la capture de Si Azzedine : ce n’est pas à
Agounnenda qu’il fut capturé ;
- l’autre concerne la date : ce n’est pas en 1957 qu’Azzedine fut capturé.
Je tiens à formuler une précision : c’est en témoignage de courtoisie, de profonde estime et
d’amitié, que j’éprouve à l’égard de mes interlocuteurs, que je m’attache à rédiger ce
complément d’étude 50/40 quater :
- Queyrat,
- Mon copain et frère d’armes du Dauphiné,
- Ainsi qu’à François C.
Ces trois hommes furent des combattants. Ce sont des frères d’armes et je les respecte sans
restriction. Cette question est donc réglée sur le plan personnel. J’ajoute que je les remercie de
leurs observations.
L’un d’entre eux souffre néanmoins des conclusions qui, selon moi, s’imposent d’une manière
impitoyable à l’égard de la responsabilité du général Massu, dans cette « prétendue
manipulation d’Azzedine ».
Mes chers frères d’armes et mes chers lecteurs, permettez-moi de formuler quelques
commentaires que m’inspirent ces mises au point, sur l’affaire Azzedine. N’y voyez aucune
moquerie, aucune ironie. Car l’affaire Azzedine est grave. Elle est riche d’une lourde
signification en termes de mort définitive de l’Algérie française. Toutefois, elle me fait songer
à un épisode universitaire que j’ai vécu en milieu hospitalier lorsque j’étais étudiant en
médecine.
J’étais de garde aux « urgences » de l’hôpital de Mustapha. Je reçus un accidenté et je fus
dans l’obligation d’appeler un chirurgien de garde, brillant opérateur à qui j’ai présenté une
observation de l’état du blessé, rédigée dans le drame de l’urgence :
- enfoncement thoracique bilatéral,
- lésions abdominales avec fracture probable de la rate et d’un rein au moins,
- contusions multiples,
- état de choc, etc…
Ce brillant chirurgien déjeunait chez « Piller » au parc de Galland. Il est donc venu à l’hôpital
un peu contraint pour examiner et opérer cet accidenté. Victime d’une mauvaise digestion
consécutive à l’interruption brutale de son repas dont j’étais responsable, il me déclare, après
16
FTP : Francs Tireurs et Partisans
33
avoir examiné sommairement le malheureux accidenté :« c’est ça que tu appelles une
observation … tu n’as pas noté qu’il avait aussi une fracture du poignet gauche ! »
Ce que je veux souligner par l’évocation de ce souvenir scolaire, c’est que la date et le lieu de
la capture d’Azzedine revêtent une importance certes, mais une importance extrêmement
réduite pour ne pas dire minime.
Ce n’est pas dans le lieu et dans la date de son arrestation que se situe l’intérêt primordial de
l’affaire Si Azzedine. Permettez-moi de m’exprimer en carabin, une fois de plus :
« C’est titiller les mouches par leur orifice anal ! »
Ce qui est réel et important, c’est la constatation suivante : Trinquier n’a pas tué Si Azzedine.
Il l’a fait prisonnier. Il ne se gênera pas pour faire tuer Bellounis lors d’une autre célèbre
opération. Ce soldat de grand courage et de grande valeur qu’était Trinquier, obéissait à
Massu, en cette circonstance très précise de l’arrestation d’Azzedine. Prendre soin de celui-ci,
le faire soigner, le faire héberger dans la maison de Massu, lui permettre de visiter sa famille,
voilà ce qui confère à cette capture une drôle d’identité.
A quoi participe Azzedine lors de sa collaboration avec Massu ?
A la préparation de la « paix des braves » ?
Non.
A se jouer de Si Salah. Le faire tomber en 1960 dans le piège tendu par De Gaulle pour
délivrer Ferhat Abbas et le GPRA, de la menace de mort dont ils étaient l’objet de la part de
l’ALN de l’intérieur.
Une conjuration du GPRA et de l’Elysée pour liquider au plus tôt l’Algérie française, pour le
bénéfice du GPRA, c’était ça l’affaire Azzedine.
Je sais que mon copain du Dauphiné n’admet pas que l’on soupçonne Massu pour lequel il
éprouve estime et affection. On ne peut cependant éviter de constater que Massu, en cette
circonstance, a assumé une très grave responsabilité dans le mécanisme de liquidation de
l’Algérie française.
L’a-t-il fait par inadvertance ? Parce qu’il fut trompé ? Parce qu’il s’en foutait ?
Je n’arrive pas à le croire car je considère que Massu n’était pas un idiot.
- Il ne croyait plus en l’Algérie française.
- Il était un fidèle inconditionnel de De Gaulle.
- Il a obéi à De Gaulle. Peut-être l’a-t-il fait avec répugnance à un moment donné mais il s’est
plié à la volonté de De Gaulle.
- Il disposait cependant, en 1960, des moyens de faire « sauter » le général, car l’armée
l’aurait suivi. En particulier lors de l’occasion unique, exceptionnelle, qui fut offerte aux
officiers « Algérie-française » de sauver l’Algérie française et la France, lors de la journée du
24 janvier 1960. Occasion offerte par le peuple d’Alger.
Son choix fut de rester soumis à De Gaulle. Après tout, il a bien déclaré à propos des Français
d’Algérie :« Ils porteront le fez ».
Oui, nous aurions porté le fez… pour être soumis comme les nouveaux « dhimmis » du
XXème siècle.
Je fais amende honorable pour les inexactitudes concernant les détails subalternes de lieux et
de dates. Inexactitudes qui ne changent rien quant à la signification historique de l’ensemble
de l’étude 50/40.
L’affaire Si Salah, car en réalité, c’est d’elle qu’il s’agit, reste une infamie. Si Azzedine a joué
son rôle dans l’élimination de ses anciens frères d’armes… pour satisfaire à la conjuration
« De Gaulle – Ferhat Abbas » qui amputa l’Europe d’une merveilleuse tête de pont au sud de
la Méditerranée.
34
Si Azzedine a joué son rôle : celui d’un agent spécial du FLN de l’extérieur. Pour le compte
de ceux qui voulaient l’Algérie indépendante. Qui ont eu la possibilité de parvenir à leur but
grâce à De Gaulle.
De Gaulle auteur déterminé et conscient de l’assassinat de la France Sud-Méditerranéenne.
Azzedine a fait son devoir d’ennemi de la France. Il fut aidé dans son entreprise par des
hommes, par des gaullistes qui se sont comportés, en cette circonstance très précise, comme
des alliés opérationnels du FLN.
III – J’AI RECU QUELQUES MESSAGES IMPORTANTS
A/ un texte de Malika Sorel.
J’y ai relevé quelques vérités très fortes : « le racisme anti-blanc est une réalité ».
Malika Sorel évoque les émigrés de confession musulmane :
« … vouloir devenir Français… une honte car assimilé à une traîtrise ».
« … la communauté française reste pour l’instant silencieuse car elle est bâillonnée…. »
« … il y a aujourd’hui, en France, une négation fondamentale du droit des Français à être
Français… «
« … l’intégration, c’est le fait d’assumer l’héritage du peuple français… »
« … aujourd’hui, dans les rues, dans les cours d’école, on ne parle plus français… »
Tout cela signifie quelque chose :
la France est soumise à une conquête … DE L’INTERIEUR.
Merci à Malika Sorel d’avoir exprimé ces convictions.
B/ un autre texte, émanant celui-ci, de Geneviève de Ternant.
13 généraux chiliens ont été condamnés par défaut à Paris, pour la disparition de 4 français.
De 15 ans à perpétuité.
Qu’a-t-on fait pour condamner les responsables du massacre de centaines de nos frères et
sœurs d’Oran, le 5 juillet 1962 ? De nos centaines de disparus ? Des harkis lynchés par
dizaines de milliers ? Des centaines de soldats prisonniers français disparus ?
Les responsables ne sont pas loin.
Ils peuvent parader.
Ils se moquent de nous.
Leur liberté de s’exprimer est une insulte faite à la France, au sang des Français, au sang
d’Algérie.
Merci Geneviève.
C/ Merci à Robert Poinard
« Le christianisme n’est pas violemment éjecté de la place publique mais tranquillement
banni de tous les espaces de la mémoire active, de tout notre inconscient culturel ».
Oui c’est vrai Robert Poinard. Mais il faut tenir bon. Notre tranquillité chrétienne, nous
devons la doter de la vigueur d’une future lame de fond.
Nous tendons la main aux autres, oui. Mais nous ne nous soumettrons jamais.
Un jour viendra où l’Ennemi de la Croix, à l’instar de Julien l’Apostat sera obligé de faire le
constat suivant :
« TU AS GAGNE GALILEEN ! »
35
Comme je l’ai déclaré en pleine église, lors de la célébration des obsèques de mon frère
d’armes Gabriel Dellamonica, en juillet 2010 :
« Nous, les combattants de l’Algérie française, nous les combattants de l’OAS, c’est pour
défendre la Croix en Afrique que nous nous sommes battus ».
FIN DEFINITIVE DE L’ETUDE 50/40
Nice, le 10 janvier 2011
Jean-Claude PEREZ
36
ETUDE REDIGEE A LA DEMANDE DE DANIELE LOPEZ DES « PETITS ECHOS DE
L’ECHO D’ORAN » ET POUR LE BENEFICE ENVENTUEL
DE TOUS MES
CORRESPONDANTS
LA PAROUSIE DU NAUFRAGEUR
DE LA FRANCE SUD-MEDITERRANEENNE
Ou
Retour sur l’étude de la conjuration satanique
du 13 mai 1958
Définition de la Parousie : « retour glorieux du Christ à la fin des temps, en vue du jugement
dernier » (Larousse 2010)
Récusant, à titre préventif, l’accusation de blasphème, nous prétendons assimiler à une
pseudo-parousie le retour au pouvoir du général De Gaulle, en 1958. Retour mis en œuvre
dans le but prioritaire de tuer la France en Algérie.
Pseudo-parousie d’un pseudo-sauveur qui prétendait sauver la patrie française d’un chaos qui
la menaçait.
C’est donc à une nouvelle approche de la genèse « du 13 mai 1958 », que je vous invite en ce
mois de janvier 2011. Avec une arrière-pensée que je tiens, paradoxalement, à situer au
premier plan dès le début de cette étude : ne pas oublier d’évoquer la « seconde parousie »
gaulliste. Celle qui fut ratée, après qu’il eût abandonné le pouvoir en 1969.
Il abandonna l’Elysée, cette année-là, sous la pression, ou plutôt sous l’action politique de
ceux-là mêmes qui l’y avaient installé. Qui avaient fait le constat qu’il ne leur était plus
nécessaire de l’y conserver pour le bon déroulement de leur stratégie, née des exigences du
capitalisme financier moderne.
Il est établi que De Gaulle, mal résigné à cette éviction, était disposé à reprendre le pouvoir
par le moyen d’une nouvelle « parousie ». Il attendait, il espérait que le peuple le réclamât
comme le « sauveur unique et perpétuel de la France ». Mais rien ne vint.
Les pompidoliens régicides avaient décidé de se passer de lui.
Dans cette étude 50/41, nous allons rappeler :
- La conjuration gaulliste mise en site opérationnel, dès 1956, à partir des locaux de
l’ancien RPF, rue Solferino à Paris dans le 7ème arrondissement.
- Le rôle de Bourguiba dans la genèse opérationnelle et tactique du 13 mai 1958, à partir
du drame de Sakiet-Sidi -Youcef.
- Le comportement d’une armée et d’un peuple qui vont se mettre « à plat ventre » devant
le « gourou », organisateur de la mort de la France sud-méditerranéenne.
37
Evoquer l’hystérie collective du 13 mai 1958, la « bouffonnerie » des Comités de Salut
Public, le délire des foules algériennes, ne peut se réaliser en dehors d’un cadre historique,
dont il faut préciser aussi bien les contours que le contenu.
Dans cet esprit, un retour vers le passé s’avère nécessaire.
En 1942, quelques jours avant le débarquement anglo-américain en Afrique du Nord
française, l’amiral Darlan se trouvait à Alger. Il était venu rendre visite à son fils, malade,
soigné à l’hôpital militaire Maillot. Cet hôpital se situait dans le quartier de Bab El Oued, à
quelques dizaines de mètres de l’endroit où j’exercerai la médecine générale, treize ans plus
tard en octobre 1955.
Informé de l’imminence d’un débarquement allié sur le territoire de l’AFN, l’amiral fit une
déclaration qui fut publiée dans la presse locale. Je me souviens très bien d’avoir lu dans un
quotidien algérois les propos suivants :
« L’Empire sans la France ce n’est rien. La France sans l’Empire, ce n’est rien ».
Dans cette déclaration de l’Amiral, nous trouvons exprimées deux inquiétudes.
Tout d’abord, une prévision, une prédiction historique : « l’Empire sans la France, ce n’est
rien ». Effectivement, il est facile de constater que dans sa grande majorité, ce qui fut
l’Empire français représente aujourd’hui encore un ensemble de terres sans perspective. Selon
une terminologie traditionnelle.
Mais dans cette affirmation de l’amiral, s’exprime surtout une terrible angoisse : « la France
sans l’Empire ce n’est rien ». Cette angoisse de l’amiral va trouver un écho, quinze ans plus
tard, dans les propos d’un homme politique français. D’un homme d’Etat, puisqu’il s’agit de
Chaban-Delmas.
En 1957, celui-ci occupait le poste de ministre des armées, dans le gouvernement de Félix
Gaillard. C’est l’époque au cours de laquelle ce ministre installa à Alger, une antenne célèbre.
Celle-ci jouera un rôle fondamental dans le déroulement algérois du 13 mai 1958 : l’antenne
de la défense nationale, avec des hommes comme Guy Ribaud, le commandant Pouget,
Delbecque, Nouvion, Lhostis et Jacques Laquière. Celui-ci mit son cabinet d’avocat à la
disposition de cette antenne.
Dans l’exercice de ses fonctions ministérielles, Chaban-Delmas a rendu visite au général
Salan, commandant en chef en Algérie. Il s’est déplacé à Philippeville, pour inaugurer une
nouvelle école militaire de contre-guérilla. Cette école était installée au casino « Beau
Rivage » tout près de cette belle ville constantinoise, au pied du djebel Filfila. Il était
accompagné du général Gilles, commandant le corps d’armée de Constantine. S’adressant aux
90 capitaines stagiaires qui suivaient le cursus de cette école, le ministre des armées leur tint
en substance ces propos :
« Sachez bien qu’il n’y aura plus d’armée française, parce qu’il n’y aura plus de France, si
par malheur nous manquons notre coup ici, en Algérie ».
Avec le recul du temps, nous pouvons affirmer que pour des hommes politiques de très haute
responsabilité, d’origine et de convictions différentes, parfois même opposées, il était banal et
logique d’affirmer que le sort de notre Patrie, de la Nation française, était intimement lié au
destin que l’on s’apprêtait à élaborer pour ce qui était encore l’Algérie française.
Or, et nous ne le savons que trop, cela n’a pas empêché le général De Gaulle, maître à penser,
s’il en fut, de Chaban-Delmas, de prononcer trois ans plus tard, le célébrissime discours du 4
novembre 1960. Discours dans lequel le président de la Vème République annonce la
naissance prochaine d’une République algérienne.
Nous savons depuis longtemps que ces termes de « République algérienne » n’avaient pas été
prévus dans le texte initial de ce discours. Celui qui avait été préparé par les rédacteurs
officiels. C’est De Gaulle lui-même qui prit l’initiative d’ajouter ces mots de République
algérienne, d’importance décisive et irrévocable, lors de l’enregistrement de cette allocution.
Au grand dam de tous ses collaborateurs.
38
Ce 4 novembre est un vendredi. C’est le week-end qui précède l’ouverture du Procès des
Barricades d’Alger. J’ai donc l’honneur d’écouter ce discours de l’intérieur de la prison de la
Santé, avec mes autres camarades détenus.
La surprise fut très forte, même et surtout dans les sphères gouvernementales. A un point tel,
que Paul Delouvrier, délégué général du gouvernement en Algérie, décide de convoquer
d’urgence ses quatre principaux collaborateurs pour le lendemain. C’est-à-dire pour le samedi
5 novembre à Alger.
Quels sont les collaborateurs convoqués ce jour-là par Paul Delouvrier ?
Tout d’abord Coup de Fréjac, directeur de l’information. Ancien combattant glorieux de la
libération de la France, il regroupait en lui toutes les qualités requises pour s’illustrer comme
un ardent défenseur de la terre française d’Algérie. Mais Coup de Fréjac était avant tout un
inconditionnel du général De Gaulle.
Quelles sont ses fonctions auprès de Delouvrier ?
Museler l’information en Algérie, organiser la censure. Interdire aux Français d’Algérie de
s’exprimer. Les priver d’informations en provenance de l’extérieur.
La deuxième personnalité convoquée ce 5 novembre par Delouvrier est Jean Vaujour. C’est le
chef de cabinet de Delouvrier. Il avait exercé, peu de temps auparavant, les fonctions de
directeur de la police en Algérie, en 1954 tout particulièrement. Il avait reçu, cette année-là,
des offres de services de la part d’un rebelle anti-français. Celui-ci, contre la somme de un
million de francs de l’époque s’était proposé de lui livrer toute l’implantation du CRUA dans
les Aurès. Vaujour rendit compte de cette proposition à François Mitterrand, ministre de
l’intérieur. Sous la forme d’un rapport : le rapport Vaujour du 23 octobre 1954. Mitterrand ne
tint aucun compte de cette information. On aurait pu tuer la guerre d’Algérie dans l’œuf. On a
décidé de ne pas le faire.
La troisième personnalité convoquée ce samedi 5 novembre est François Coulet. Avant la
guerre de 1939, il exerçait des fonctions d’ambassadeur de France. Il fit une guerre brillante,
et évolua vers un statut d’officier de réserve réactivé. Pendant la guerre d’Algérie, il
commanda une célèbre unité : celle des commandos de l’air, unité qui avait été créée
auparavant par le général de Maricourt. Ses convictions, sa formation, auraient dû faire de lui
un défenseur ardent, efficace, acharné même de l’Algérie française. Il le fut effectivement
jusqu’en 1958. A cette date, revient à l’avant-scène de la politique son maître à penser : le
général De Gaulle. Ce dieu dont il a décidé d’être le prêtre. Ses convictions « Algérie
française » vont se convertir en une obéissance inconditionnelle, aveugle, exclusive à l’égard
de l’homme de Colombey.
Coulet, auprès de Delouvrier, tient le poste de directeur des affaires politiques. Termes assez
imprécis, qui permettent de supposer que son rôle s’identifiait à celui d’un commissaire
politique chargé de contrôler le fonctionnement du cabinet de Paul Delouvrier.
Le quatrième personnage convoqué ce 5 novembre 1960 s’appelle André Jacomet, Conseiller
d’Etat, secrétaire général de l’administration. C’est-à-dire qu’il est le patron de tous les
fonctionnaires d’Algérie. André Jacomet ne s’était pas affirmé comme un défenseur
convaincu de l’Algérie française. La tiédeur, le scepticisme, la neutralité administrative, voilà
tout ce qui a commandé chez lui à une attitude de détachement. Un détachement agressif
néanmoins, puisqu’il fut de ces personnalités qui ont reproché au général Challe et à
Delouvrier, de ne pas avoir réduit par la force les Barricades d’Alger, lors de la journée du 24
janvier 1960. Mais ce jour-là, ce samedi 5 novembre 1960, Jacomet est frappé par la grâce. Il
n’accepte pas le discours du 4 novembre. Il lâche une bombe. Il ose affirmer qu’il lui est
impossible de lier le sort de sa Patrie, de la France, au sort d’un homme, fût-il le général De
Gaulle :
« Pour moi la France ce n’est pas De Gaulle et De Gaulle ce n’est pas la France », a-t-il le
cran d’affirmer en langage dépourvu d’ambigüité.
39
A l’Elysée, fureur noire ! De Gaulle exige du Conseil d’Etat qu’il se réunisse au plus tôt en
commission pour statuer comme il se doit sur la carrière de Jacomet. Le Conseil d’Etat se
réunit en commission le 12 novembre 1960 sous la présidence de Monsieur Parodi, Monsieur
Gazier, un notable socialiste, assumant les fonctions de secrétaire général de la commission.
Stupeur ! Le Conseil d’Etat refuse de révoquer André Jacomet comme il lui avait été enjoint
de le faire.
Fait exceptionnel dans les annales des Républiques françaises, un Président de la République
va révoquer purement et simplement un conseiller d’Etat.
Le lendemain, dimanche 13 novembre à Alger, Delouvrier communique à Jacomet la décision
présidentielle. Il lui fait le commentaire suivant :
« Vous avez obéi à votre conscience au lieu d’obéir à votre devoir ! C’est abominable ! »
Ainsi, obéir à sa conscience, c’est abominable ! Par un comportement régalien outrancier on
exige d’hommes et de femmes politiques quelque chose de dégradant. On va leur imposer
d’étouffer leur conscience et de renier leurs convictions. On va leur imposer de satisfaire à un
seul devoir : l’obéissance inconditionnelle à De Gaulle. Un comportement régalien qui va
plonger ces femmes et ces hommes politiques dans un état de déréliction idéologique. Je veux
dire des hommes et des femmes qui vont se trouver amputés de leur idéal premier, de leurs
repères réels. Ils vont étouffer leur conscience pour satisfaire à une nouvelle devise :
« Pour De Gaulle, par De Gaulle, avec De Gaulle »
Et que crève la France en Algérie !
- I - Chaque fois qu’il m’est donné de prendre connaissance d’une relation historique des
évènements du 13 mai 1958, j’éprouve la même surprise. Celle de constater à quel point le
goût de « l’à peu près » voire la désinvolture, a imprégné les rédactions de cette page capitale
de notre histoire. Ils prétendent, aujourd’hui encore, tout simplifier, d’une façon caricaturale.
Ils veulent nous interdire de fouiller ce passé. Ils ne prétendent qu’à une seule chose : nous
contraindre à nous interroger, par lassitude, par résignation, de la façon suivante :
« A quoi bon, à quoi bon chercher à comprendre ! ».
Ils s’inscrivent tous, aujourd’hui plus qu’hier dans une conjuration permanente : la
conjuration contre la mémoire de l’Algérie française. Pourtant, ils devront s’incliner devant
l’Histoire. Celle-ci finit toujours par s’imposer. Sans rigidité, sans trucage, comme « un
tableau de maître » ai-je entendu dire. Mais ce tableau de maître, il ne suffit pas de le
regarder, il faut être capable de voir ce qu’il contient.
Dans ces évènements du 13 mai 1958, nous avons identifié plusieurs intervenants qui se sont
succédés.
A/ Tout d’abord, une volonté stratégique. C’est elle qui a conduit une fraction dominante du
capitalisme financier à organiser « le délestage économique du débouché algérien ».
« L’Algérie ça coûte cher ! Ca ne rapporte rien ! Trop de moricauds à nourrir ! Liquidez-moi
ça et vite ! »
C’est tout bête mais voilà exprimée en termes pragmatiques la motivation stratégique et
unique qui va faire naître la république algérienne.
« La liberté des peuples de disposer d’eux-mêmes, les droits de l’homme », n’apparaissent
jamais dans le libellé de leurs motivations. Ils constituent « la douceur » qui va permettre de
faire passer l’amertume de la décision.
B/ Ensuite, se met en marche, un premier agent d’exécution tactique. Il s’agit du FLN né en
1954, à partir du MTLD, puis de l’OS, puis du CRUA, pour parvenir à sa structure de 1958,
celle qui fut mise en place au congrès de la Soummam durant l’été 1956. C’est-à-dire, je le
rappelle, une structure composée :
40
-
d’une part des maquis de l’intérieur organisés administrativement et militairement en
wilayas,
d’autre part, le CNRA qui siège à l’extérieur de l’Algérie. Celui-ci s’articule avec les
maquis, par l’intermédiaire du CCE. A partir du CNRA et du CCE naîtra le 18
septembre 1958 le GPRA dont le président, à cette date est Ferhat Abbas17
C/ En troisième lieu, nous voyons se mobiliser un groupe de protagonistes tactiques qui va
jouer son rôle dans la conjuration du 13 mai 1958. Ce troisième groupe se divise lui-même en
deux sous-groupes. L’un comme l’autre, se sont donnés pour mission de livrer l’Algérie au
FLN.
Mais dans la réalité des faits, ces deux structures vont dans un premier temps être
concurrentes avant d’être complémentaires et complices dans un second temps.
La première de ces deux structures fonctionne sous le couvert de l’autorité officielle
gouvernementale, mais en grand secret. Elle est constituée par des personnalités de la IVème
République qui ont joué un rôle politique dans ses gouvernements successifs. Ils sont
favorables à un « cessez-le-feu avant la victoire » mais ils recherchent celui-ci en secret, en
catimini, comme des voleurs, comme des traitres tout banalement. Car l’opinion française
dans son ensemble, est encore hostile à l’abandon de l’Algérie. Nous évoquons des hommes
politiques qui s’appuient essentiellement sur les partis de gauche. Mais cette structure de
gauche s’essouffle. Elle n’aboutit à rien de concret. Tout logiquement elle va être
concurrencée par un second sous-groupe qui veut lui damer le pion sur l’échiquier des
contacts, des négociations. Sur l’échiquier où s’élabore la défaite de la France.
Ce second sous-groupe s’identifie à une structure de droite. Elle va s’affirmer comme la seule
capable d’obtenir un « cessez-le-feu en Algérie avant la victoire », seule capable de l’imposer
aux Français. Pourquoi serait-elle seule capable de le faire ?
Parce que, conduisant une fraction importante des Français de droite à souscrire à l’abandon
de l’Algérie française par ruse, par tromperie, par envoûtement, ces manœuvriers conduits par
le général De Gaulle, apporteront à la première structure, c’est-à-dire au FLN, les appuis
décisifs qui lui font défaut.
Appuis fournis par une fraction non négligeable de la France de droite, de la France
traditionnelle. Celle qui va à la messe, qui défend l’école libre, qui parfois a chanté
« Maréchal nous voilà ! », qui a adhéré plus tard, en 1946 au MRP, plus tard encore au RPF et
qui ne veut plus faire face à un conflit. La paix, la tranquillité, voilà ce dont a grand besoin
cette structure. Voilà ce qui va la conduire à être complice, en se couvrant les yeux d’une
main capitularde, de l’assassinat de la province française d’Algérie.
Elle porte une lourde responsabilité, avec De Gaulle, dans les massacres de Harkis par
dizaines de milliers. Dans le massacre d’Alger du 26 mars 196218. Dans les massacres d’Oran
17
Toute la signification de ces sigles sera précisée en fin d’article
A propos du massacre du 26 mars 1962, du massacre de la rue d’Isly, j’ai été destinataire, il y a quelque temps,
d’une information complémentaire. Le lundi 27 mars 1962, à Alger, s’est tenu un déjeuner qui a réuni les
principaux officiers généraux et supérieurs responsables de cette dramatique journée du 26 mars 1962. Tous ont
manifesté leur tristesse, leurs regrets, d’avoir été « obligés de faire couler le sang, par obéissance aux exigences
du gouvernement ».
L’un des officiers généraux a déclaré :
« J’espère que personne ne demandera une barrette pour cette journée ! »
L’origine de cette information : un officier de marine, chef de cabinet de l’amiral Barthélemy, présent à ce
déjeuner et qui me l’a transmise par téléphone.
Voilà qui devrait rassurer ceux qui ont l’impudeur ou l’imprudence de soupçonner une provocation de l’OAS
dans le déclenchement de cette fusillade.
Ce massacre ne fut ni plus ni moins que la traduction de la volonté gouvernementale.
18
41
du 5 juillet 1962. Une structure de droite qui portera sa responsabilité dans l’enlèvement de
dizaines de nos concitoyens qui n’ont jamais été retrouvés.
- II – L’exécuteur est ainsi désigné. Il est volontaire.
C’est De Gaulle.
Comment, dès lors, créer des circonstances qui provoqueront son intervention en la rendant
inéluctable et décisive ?
Car il ne faut pas s’y tromper. Le mouvement gaulliste, dans son immense majorité, en 1956,
1957 et 1958, est farouchement partisan de l’Algérie française. Biaggi, Sanguinetti, anciens
du RPF, sont venus à Alger. Ils ont appelé à la Révolution Nationale. Ils sont déchaînés et
pour eux, le recours à l’homme du 18 juin, c’est l’appel au seul homme capable de réaliser
l’union sacrée dans le but de sauver l’Algérie française.
Devraient-ils pour cela, tuer la république.
Cette chute de la République, ils n’hésitent pas à la revendiquer de tous leurs vœux. Je les ai
entendus à Alger.
Par ailleurs, Roger Frey, Jacques Soustelle, clament eux aussi leur foi dans l’avenir de
l’Algérie. Ils appellent De Gaulle. Ils condamnent avec férocité les manœuvres d’abandon. Ils
menacent. Chaban-Delmas, qui n’a aucun talent, qui ne dégage aucune chaleur humaine dans
ses propos, et qui ne peut s’empêcher de flirter avec la gauche, a lié, lui aussi, en 1957, le sort
de la France au sort de l’Algérie Française : « il n’y aura plus d’armée française parce qu’il
n’y aura plus de France, si nous manquons notre coup en Algérie », a-t-il déclaré. Nous avons
rappelé ce propos dès le début de cette étude.
Et que dire des appels aux armes de Michel Debré qui réclame la révolution ! Oui, la
révolution purement et simplement.
De Gaulle est intervenu, historiquement et dialectiquement, comme « l’élu secret du FLN ».
Sa mission ne pourra s’accomplir que dans le cadre d’une opération qui va se proposer un
premier but, prioritaire : canaliser le torrent de la foi révolutionnaire en l’Algérie française.
Faire sortir ce torrent de son lit dans un premier temps. Il faut laisser à cette dynamique
révolutionnaire, du temps pour qu’elle puisse démolir un objectif : la IVème République.
Dans un deuxième temps, on va s’employer à contenir ce torrent impétueux de l’Algérie
française. On va le domestiquer, puis le réintégrer dans son lit, le transformer par ce procédé
en un tortillard rampant, sans vigueur, totalement émasculé. Un torrent qui va être soumis à la
volonté du mage De Gaulle, au nom du devoir d’obéissance. Au nom de la fidélité au
gaullisme qui prend ainsi le rayonnement d’une religion enseignée par une secte.
« En étouffant vos consciences messieurs ! En reniant vos convictions ! »
Comment faire naître l’événement ou les évènements qui vont neutraliser le courant « Algérie
française » grâce à l’intervention de De Gaulle ?
C’est le FLN qui va jouer le rôle de détonateur. C’est lui qui va s’employer, avec l’aide
décisive de son prestigieux allié tunisien Bourguiba, à déclencher une succession
d’évènements tragiques et sanglants qui aboutiront au 13 mai 1958.
III – Rôle de Bourguiba
Celui-ci, chef de l’Etat tunisien, accorde au début de l’année 1958, une interview à un
journaliste français. Celle-ci est publiée dans la « Revue des Deux Mondes » avant le 13 mai
1958. Peut-être au mois de février ou mars de cette même année. J’implore votre pardon car
ma mémoire est exceptionnellement défaillante sur ce détail. Je me souviens très bien d’avoir
lu le contenu de cette interview donnée par « le combattant suprême ». Je ne peux préciser le
nom de l’auteur de cet article.
42
Dans cet article, Bourguiba divisait les Français en deux catégories : les Sudistes et les
Nordistes.
Les Nordistes acceptent la perte de l’Algérie française.
Les Sudistes ne l’accepteront jamais.
Chose curieuse à cette époque, le gouverneur général de l’Algérie, Lacoste, socialiste, se
trouve inclus par Bourguiba dans le camp des Sudistes.
Pourtant, nous avions combattu Robert Lacoste lorsqu’il avait présenté son projet de loi-cadre
en 1957. Elle se proposait de faire des musulmans d’Algérie, des citoyens français, tout en
leur accordant de n’être soumis qu’à la seule législation civile prévue par le droit coranique.
Nous considérions que s’il fallait, et il le fallait sous peine de mort pour l’Algérie française,
accorder la citoyenneté française aux musulmans, il fallait aussi, de la façon la plus
impérative, soumettre les musulmans d’Algérie aux mêmes règles et aux mêmes devoirs en
terme de droit civil, que ceux auxquels était soumise la totalité des autres citoyens français.
Une juridiction civile identique pour tous, en vertu du Code Napoléon.
Il n’était pas possible d’accorder aux musulmans d’être régis par une juridiction civile
différente de la nôtre. Nous avons accepté la laïcité avec les restrictions auxquelles elle nous a
contraints à propos de notre vécu de catholiques. Nous avions le droit d’attendre que cette
exigence fut identique avec les musulmans.
Une précision : pour nous, un gouvernement laïc c’est un gouvernement qui exerce ses
pouvoirs en toute indépendance à l’égard des grands courants religieux. Nous rejetons cette
tendance qui tend à s’imposer aujourd’hui dans un but révolutionnaire nouveau : celui de faire
de la laïcité un moyen de combattre exclusivement le christianisme et tout particulièrement le
catholicisme romain.
La France est encore une république laïque : il était exclu à cette époque, en Algérie française
et il est exclu aujourd’hui, sur le sol national français, d’imposer à notre Patrie une partition
cléricalo-juridique. C’est-à-dire une partition motivée par une exigence confessionnelle, celle
d’une nouvelle majorité par exemple.
Ce que proposait Robert Lacoste, se situait en réalité, à l’opposé de l’intégration. Celle-ci
imposait, et aujourd’hui encore elle impose au préalable, une SECULARISATION de tous les
comportements religieux. Voilà un terme qui justifie une réflexion complémentaire à laquelle
je propose de me livrer très brièvement néanmoins.
Il y a peu de temps encore, d’après une encyclopédie des termes religieux, on séparait, fort
justement, deux notions qui en réalité étaient contraires. Il s’agit des notions de
« sécularisme » et de « sécularité ».
- Le sécularisme est une attitude philosophique qui absolutise la composante matérielle
de la vie. Qui refuse de la soumettre à Dieu.
- La sécularité reconnaît la réalité des valeurs matérielles de la vie. Mais elle refuse de
les absolutiser. Elle les soumet à Dieu.
- La sécularisation apparaît comme le cheminement intellectuel qui permet d’arriver à la
sécularité.
Aujourd’hui, il semble que l’on ait pris quelques libertés avec le sens premier de ce terme de
sécularisation. On la définit aujourd’hui comme un concordat qui doit s’établir entre
l’expression publique d’une religion et les lois qui régissent un pays au sein duquel cette
religion a la volonté de se manifester. Une religion qui refuse de se séculariser est donc une
religion qui prétend se manifester publiquement en opposition avec les lois d’un pays.
Sur le plan pratique la sécularisation impose à une religion d’exercer sa liberté de culte en
France, dans le cadre prévu par nos lois. C’est-à-dire des lois votées majoritairement par le
peuple français.
Dans le cadre de l’intégration que nous voulions établir en Algérie française et dont la
nécessité s’exprime encore de nos jours sur le territoire métropolitain, il n’est pas question de
43
permettre à un culte de violer nos lois et nos règlements. Le « vivre-ensemble » implique une
adhésion préalable aux lois de notre pays et à une pratique de nos cultes respectifs dans le
cadre de ces lois.
C’était ce qui en Algérie devait constituer avant toute autre notion, la base de l’intégration. Ce
que prévoyait Robert Lacoste était fondamentalement contraire à nos institutions. Il exprimait
en réalité par son projet de loi-cadre de 1957, une négation philosophique de l’Algérie
française.
Les juifs, pour être français, avaient renoncé en 1870, aux prérogatives du droit mosaïque. Ils
sont restés néanmoins fidèles à leur foi.
Nous, chrétiens, avons accepté un grand nombre d’aggiornamentos à l’échelon de la planète.
Nous n’avons pas renié notre foi pour autant.
Les musulmans devaient eux-aussi, en Algérie, et doivent aujourd’hui en France, satisfaire à
cette exigence ou plutôt à cette nécessité pour accéder aux avantages et surtout à l’honneur
d’être Français.
C’était pour nous, en Algérie, et c’est pour nous aujourd’hui en France, une condition sine
qua non pour assurer la pérennité de notre pays.
Dans cet article de la Revue des Deux Mondes, Bourguiba avait flairé chez Rober Lacoste,
malgré son erreur, une indiscutable faim d’Algérie française. Il le rangea donc dans le camp
des Sudistes et Bourguiba ajouta, je ne fais que traduire ses propos :
« Les Sudistes sont prêts à tout, y compris à un coup de force militaire pour garder l’Algérie
Française ».
Puis il précisa, toujours en traduisant son propos :
« Seul, le général De Gaulle sera capable de les mâter en les contrôlant. D’autant plus
facilement que les partisans de l’Algérie française, c’est-à-dire ces mêmes Sudistes, feront
appel à lui, ils l’installeront au pouvoir. Mais ils ne savent pas que lui seul est capable
d’imposer aux Sudistes de se soumettre à sa volonté de séparer la France de l’Algérie
française ».
Comment mettre la machine en marche ?
Voici la succession des évènements.
IV – LA MACHINE INFERNALE SE MET EN ROUTE
Sakiet-Sidi-Youcef
Voici schématiquement la succession des évènements.
Un capitaine français commande « un quartier » tout près de la frontière tunisienne. Un
quartier est une subdivision opérationnelle et géographique « d’un secteur ». Plusieurs
secteurs constituent « une zone ». Plusieurs zones aboutissent à la constitution « d’un corps
d’armée ».
Ce quartier est situé tout près d’un cantonnement de rebelles algériens. La particularité de ce
cantonnement ennemi est illustrée par sa situation en territoire tunisien. Près de Sakiet-SidiYoucef.
Dans la nuit du 10 au 11 janvier 1958, ce capitaine est destinataire d’un renseignement
transmis par son commandant de secteur : une tentative de passage de la frontière par une
bande rebelle est prévue. On lui certifie que le renseignement est parfaitement recoupé. Il
implique donc une prise de dispositions opérationnelles immédiates. On lui commande de
monter une embuscade pour intercepter ce détachement ennemi.
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Pour ce capitaine, ce n’est pas un problème. Officier aguerri, il dispose d’un effectif de
soldats du contingent expérimentés. Il réunit une troupe sélectionnée de 43 hommes composée
de soldats du 23ème R.I. et du 18ème Dragon. Ces hommes sont entraînés, courageux. C’est un
effectif suffisant pour monter une embuscade.
Mais surprise ! Ils tombent sur une force de 300 fellouzes ! Pratiquement 3 compagnies
fortement armées.
En réalité, un traquenard est bien monté. Mais ce sont nos soldats qui tombent « en plein
dedans ». Car le renseignement était indiscutablement un piège tendu par le FLN et la
Tunisie. Dans quel but ? Dans le seul but de faire du bilan.
Ces 300 fellouzes jouissent de toute la logistique fournie par une armée conventionnelle :
liaisons-radio, renseignements transmis par le commandement militaire tunisien. 300 hommes
véhiculés dans des camions de la garde nationale tunisienne jusqu’à l’extrême limite de la
frontière algéro-tunisienne.
L’accrochage est dur. Fort heureusement, des unités de parachutistes, alertées, sont avisées et
transportées de toute urgence sur ce site opérationnel. Les fells sont repoussés avec de lourdes
pertes. Dans leur fuite, ils sont protégés par des tirs de mitrailleuses et de mortiers qui partent
des crêtes tunisiennes.
14 de nos soldats sont tués et retrouvés horriblement mutilés. Mais une anomalie est
constatée : 4 hommes sont emportés par le FLN comme prisonniers. Quatre fils de France
qu’une pudeur véritablement ressentie à l’égard des familles, nous interdit de nommer. Ces
fils de France faisaient partie de l’effectif du 23ème R.I. et du 18ème Dragon.
Insistons sur l’anomalie de la part des forces rebelles de ramener des prisonniers en Tunisie.
En effet, l’accrochage a été dur. Pour nous comme pour eux. Les fells ont eu néanmoins le
temps de massacrer, d’émasculer et d’éventrer 14 soldats français. Pourquoi s’encombrer de
prisonniers ?
Qu’importaient pour le FLN, 4 morts de plus ?
Nous verrons l’usage tactique qui sera fait de 3 de ces 4 malheureux soldats.
A la suite de ce drame, le commandant de l’aviation du Corps d’Armée de Constantine, le
colonel Duval, ordonne un renforcement des opérations de reconnaissance aérienne sur la
Tunisie. Tout près de la frontière. Il veut, à tout prix, localiser d’où sont venus les assassins de
nos soldats. Il espère découvrir le lieu de détention de ces malheureux prisonniers.
Mais en Tunisie, tout est prévu pour contrecarrer les dispositions opérationnelles du colonel
Duval. Le 13 janvier 1958, un de nos avions est abattu par un tir de DCA tunisienne.
L’équipage est sauvé. Au début du mois de février 1958, un autre appareil est sévèrement
touché. Il réussit néanmoins à atterrir en territoire algérien tout près de la frontière tunisienne.
Son équipage est recueilli et sauvé par une patrouille française.
Il faut savoir que ces tirs de la DCA tunisienne constituent en eux-mêmes une véritable
provocation. Car, lors du survol d’un territoire national par des appareils étrangers, les tirs de
défense anti-aérienne, doivent obéir à une procédure qui est prévue par les Nations Unies. Les
avions français n’étaient pas agressifs. Ils ne tiraient pas. Ils ne bombardaient pas. Ils
relevaient des informations dans le but de mettre, si possible, nos soldats à l’abri
d’embuscades et de mutilations sauvages.
Le général Jouhaud, commandant l’aviation en AFN, demande à son supérieur le général
Salan, un ordre pour organiser un raid de riposte. Le général en chef se trouve dans
l’obligation de solliciter l’autorisation du chef d’état-major général de l’armée, le général Ely.
Celui-ci ne peut transmettre un tel ordre sans l’accord préalable du gouvernement. Très
rapidement, il transmet son feu vert pour un raid de représailles en territoire tunisien. Le
gouvernement de la IVème République est donc d’accord pour un raid de représailles en
Tunisie.
45
Le raid contre la base ennemie de Sakiet-Sidi-Youcef, se déroule le 8 février 1958. Des
informations sérieuses nous permettent d’affirmer qu’une très forte escadrille française
intervient : elle est composée de 11 B25, 6 Corvair, 8 Mistral. La base est détruite.
D’après le général Jouhaud, plusieurs dizaines de fellaghas sont tués. D’après le service
d’information de Bourguiba, ne sont tués que des femmes, des enfants, des fellaghas blessés.
Il est tout à fait raisonnable d’accorder un crédit préférentiel à la relation de ce raid par RadioTunis. En effet, ce raid étant le résultat d’une provocation montée de toute pièce par une
collusion FLN-Bourguiba, il me paraît impensable d’envisager qu’un effectif de combattants
valides aient été volontairement soumis aux bombardements, au mitraillage, au massacre de la
part de nos avions.
Il fallait exhiber, pour nos ennemis, des victimes innocentes, que l’on a fait massacrer
volontairement pour les besoins de cette conjuration.
Bourguiba va offrir à l’humanité toute entière, une exploitation démentielle de cet événement.
« Un crime contre l’humanité ». « Un crime contre l’honneur ». La France est mise en
accusation. Bourguiba appelle à la haine contre la France. Il réclame des sanctions contre
cette « agression impérialiste ».
L’ébranlement émotionnel atteint un tel niveau que les anglo-saxons, comme par hasard,
osent proposer « leurs bons offices ».
-VColère à Paris ! Colère en Algérie !
Cette intervention de l’étranger dans nos affaires françaises, est inacceptable ! L’ambiance est
telle qu’à Alger, des manifestations s’organisent. Elles aboutiront au gentil défilé du 26 avril
1958 qui regroupe des associations d’anciens combattants, des mouvements nationaux, et des
individualités qui s’étaient déjà signalées par des activités anti-FLN, par des actions directes à
Alger, dès 1955.
Alger gronde. Alger gueule. Mais Alger « ne se déclenche pas ».
Tout se déroule « dans le calme et la dignité ». Cette dernière expression va connaître une
belle fortune dans le monde de l’information. Elle signifiera « qu’une manifestation se
déclenche pour n’aboutir à rien ». Elle évoque une notion d’incapacité, d’impuissance, et
surtout de ridicule.
Qui sont les plus déçus ? Ce sont les membres du commandement FLN. Il faut donner un
coup d’accélérateur. Ces Algérois sont vraiment trop mous ! Quand vont-ils se décider à faire
la révolution ? Car il faut absolument qu’un coup de force se déclenche à Alger. Un coup de
force dont le plus grand bénéficiaire sera évidemment le FLN… après la prise du pouvoir par
Charles De Gaulle.
Tout s’accomplit le 9 mai 1958 : le FLN publie à grands renforts de supports médiatiques un
effroyable communiqué. Il nous annonce l’exécution de 3 soldats français, du 23ème R.I. et du
18ème Dragon. L’exécution s’est déroulée le 30 avril 1958. C’est-à-dire 4 jours après la
manifestation jugée trop molle du 26 avril 1958.
Ces 4 soldats avaient été faits prisonniers, nous l’avons vu, lors de l’accrochage du 11 janvier
1958. Ils ont été jugés par un tribunal militaire du FLN pour une accusation fantaisiste,
opportuniste, dénué de tout fondement, de viol collectif. Le Tribunal FLN condamne à mort 3
soldats et acquitte un quatrième prisonnier. Cet acquittement permet au FLN, le plus
sérieusement du monde, de démontrer son objectivité dans le jugement et la condamnation
ainsi que dans l’exécution de ces « criminels de guerre ».
46
A Alger, un sentiment d’horreur nous étreint immédiatement. Une douleur qui nous écrase
tous ! Elle se transforme en bouffée de haine. Nous réclamons justice. Nous réclamons
vengeance. Nous fonçons dans la rue. Alger explose ! Alger se mobilise en masse pour venger
nos 3 soldats assassinés.
Pour mettre à bas un gouvernement qui baisse culotte devant les terroristes qui se permettent
d’assassiner publiquement et officiellement nos soldats prisonniers en territoire étranger.
VI – LE VOICI !
IL EST ARRIVE CE MAUDIT 13 MAI 1958 !
Il est bien là avec tout ce que l’on vous a décrit. L’enthousiasme, le délire, l’ignorance, la
connerie !
Nous sommes un taureau qui fonce dans une arène et c’est le FLN qui agite la muleta. C’est le
FLN qui intervient pour le compte de son mentor, de son fondé de pouvoir, de son élu
historique, le général De Gaulle.
Je participe bien évidemment à cette manifestation. Je pénètre avec la première vague
d’émeutiers dans les locaux du Gouvernement Général d’Algérie. Le fameux GG. En accord
avec mon camarade Ortiz, j’essaie de limiter la casse.
« Occupez les lieux, mais ne détruisez rien ! »
Je balance quelques claques et quelques marrons ! Dépassé par les évènements, je laisse faire.
La foule est déchaînée. Je n’avais jamais encore vu ça. Ca gueule, ça chante la Marseillaise,
les Africains et ça continue de casser !
Ce que je tiens à souligner par-dessus tout, c’est ceci : la fureur, la haine ainsi que
l’enthousiasme que nous éprouvions, ne nous ont pas incités, nous, les manifestants, à
commettre des actes de violence contre les Français musulmans d’Algérie. Dans sa fureur, le
peuple d’Alger n’a pas tué un seul arabe ce jour-là.
Au GG, dans un coin, je remarque un général en uniforme. 4 étoiles. Il s’agit du général
Allard en personne, commandant du Corps d’Armée d’Alger. Je le vois immobile, dans
l’angle d’un escalier, observant la manifestation. A mon grand étonnement, il manifeste un
calme hautain. Plutôt sceptique. Je me permets de l’interpeller avec la correction qu’implique
la discipline militaire. Le chahut est tel que je suis obligé de hurler pour lui dire :
« Mon général, l’armée doit mettre à la porte tous les fossoyeurs de l’Algérie française ! ».
En toute sincérité, ce jour-là, le 13 mai 1958, j’ai l’impression d’avoir formulé une
imprécation digne d’un Caton ! J’ose demander à un général que l’armée foute en l’air un
gouvernement !
Aujourd’hui, quand il m’arrive d’évoquer le souvenir de cette phrase, j’éclate de rire devant
ma naïveté, mon idiotie.
« L’armée doit mettre à la porte tous les fossoyeurs de l’Algérie française »
Quelle stupidité dans la forme et dans le ton !
J’aurais dû crier :
« Mon général, faîtes fusiller tous les traitres et assassins présents en Algérie. Exigez la
capitulation immédiate du FLN sous peine d’un massacre ! Faîtes baisser culotte à
Bourguiba pour l’assassinat de nos soldats ! Faîtes défiler dans les rues d’Algérie, toute la
population française de toutes confessions ! Mobilisez en masse les pieds-noirs et les
musulmans ! Faites la révolution ! »
Mais le général Allard, hautain et sceptique, se situait à des années-lumière de ces
considérations martiales et révolutionnaires.
Il me répond néanmoins avec pondération et courtoisie :
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« Mon cher monsieur, si nous faisons tuer nos garçons en Algérie, c’est bien pour la garder.
Mais… dites-moi… avez-vous une idée de l’origine de cette journée que nous sommes en train
de vivre ? Qui se situe derrière tout cela ? C’est trop beau pour être vrai ! ».
J’aurai l’occasion de le rencontrer plus tard, quand je siègerai, pendant très peu de temps, au
Comité de Salut Public du Corps d’Armée d’Alger dont il assumera la présidence…
nominale. En 1960, cité par l’accusation, il viendra témoigner au Procès des Barricades où il
fera l’éloge du patriotisme et du désintéressement de ceux qui étaient jugés et dont je faisais
partie.
VII –
Quelques heures plus tard, on entend le général Massu. On veut nous faire croire encore
aujourd’hui, qu’il n’était au courant de rien. Qu’il a pris en marche le train du 13 mai 1958. Il
s’adresse à la foule du haut du balcon du GG :
« Nous n’accepterons jamais les décisions d’un gouvernement d’abandon… Nous supplions
le général De Gaulle, de faire entendre sa voix ! ».
Puis intervient le général Salan, le général en chef :
« Vive l’Algérie française ! »
Et parce que Léon Delbecque le lui souffle, il ajoute :
« Vive De Gaulle ! »
J’ai évoqué le rôle qu’a joué Delbecque dans le fonctionnement d’une « antenne de la défense
nationale » qui avait été créée à Alger en 1957 par Chaban-Delmas, et dont l’un des sièges
était le cabinet de Me Jacques Lacquière. Delbecque était un gaulliste. Il était convaincu que
De Gaulle allait intervenir pour le sauvetage de l’Algérie française et le renouveau de la
France dans la victoire. Il ignorait tout de l’opération de haute trahison dont venait d’être
victime la France en Algérie.
Delbecque paiera un lourd tribu à l’Algérie française car son fils se fera tuer au combat. Il est
venu lui aussi témoigner au Procès des Barricades. Ecrasé par l’émotion, il n’a pas hésité à
souligner l’infâme trahison dont nous, Français, dont nous fils de France parmi les meilleurs,
avons été victimes en Algérie française.
Mais à Paris, dans un bureau silencieux de la DST existe un dossier. Bourré de dynamite.
C’est le dossier de la collusion De Gaulle/FLN de 1956. Le dossier des contacts secrets que le
général De Gaulle entretient avec les rebelles depuis cette date. Le dossier de la conjuration
contre la France Sud-Méditerranéenne. Des influences extrêmement lourdes ont interdit que
l’on sorte l’affaire sur le plan juridique. Pour ces fonctionnaires il est scientifiquement établi
que l’avènement de De Gaulle est le résultat d’une manœuvre montée en tout premier lieu par
le FLN avec l’appui de Bourguiba.
Manœuvre payée tout d’abord par le sang des 14 soldats français massacrés le 11 janvier
1958.
Massacre complété par l’assassinat de 3 soldats français, le 30 avril 1958.
Ont participé à cette manœuvre de haute trahison, des personnalités gaullistes comme
Monsieur l’ambassadeur de France au Vatican, Gaston Palewski et un futur ministre de la
Vème République, Olivier Guichard. C’est lui qui fut chargé d’organiser le cabinet privé de
De Gaulle, rue Solferino, dès 1956, pour préparer la liquidation de l’Algérie française.
Un grand patron de la sécurité du territoire entretient des relations privilégiées dans les
milieux des services de renseignements français. Il expédie à Alger 2 officiers parachutistes
anciens SAS, amis d’un autre officier parachutiste SAS que j’ai connu, le commandant
Botella.
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C’est lui, Botella, qui m’a transmis une information. Celle-ci m’a été confirmée plus tard par
Pierre Debizet, patron du SAC depuis 1968. Pierre avait accepté ce poste avec mon accord,
qu’il avait sollicité, dès mon retour en France en 1968. Voici l’information telle que me l’a
transmise Botella en 1974, à Argenteuil, dans l’appartement d’un autre ancien parachutiste
SAS : ces deux officiers étaient amis de Massu. Ils arrivent à Alger avant le 13 mai pour
prévenir Massu de la conjuration que De Gaulle est en train de mettre en route.
« Quand De Gaulle arrive, liquide-le ! »
Massu ne veut rien entendre. Il est fidèle à De Gaulle. Il lui sera fidèle jusqu’à la mort de la
France en Algérie.
VIII – CONCLUSION
De Gaulle a réussi son coup en Algérie.
De Gaulle a réussi à mener à bonne fin la mission que lui avaient commandé de mettre en
œuvre, les nouveaux lombards qui aspirent à contrôler l’humanité. Je précise :
il a donné toute satisfaction technique ou plutôt tactique à ceux qui furent :
- ses inspirateurs,
- ses exécuteurs,
- ses orientateurs…. discrets, disciplinés…. soumis en apparence à sa personne.
Des hommes chargés de conférer une réalité concrète aux perspectives impérialistes du
capitalisme financier moderne. Dont je rappelle une définition telle qu’elle fut proposée par le
professeur Jacques Marseille :
« Un processus de concentration et de fusion au niveau des grandes banques de tous les
moyens qui permettent de contrôler la production ».
Je me permets d’ajouter, qui contrôlent aussi tous les circuits de consommation.
En Orient, ce processus impérialiste est illustré historiquement par le maoïsme moderne.
Celui-ci a généré une Chine capitaliste, impérialiste et conquérante qui procure d’immenses
profits à une société bourgeoise minoritaire. Celle-ci tire le plus grand profit des services
fournis, à très bas prix, par un prolétariat de serfs représenté par le milliard d’individus qui ne
jouissent pas des richesses de la République Populaire de Chine.
En Occident, les révolutionnaires du capitalisme financier ont détecté De Gaulle dès 1940. Ils
l’ont détecté comme un agent d’exécution de tout premier choix, à travers ses premiers
ouvrages militaires. Ouvrages écrits et publiés dans le but de discréditer ses anciens chefs
d’abord, et de s’attribuer ensuite, sans gêne ni pudeur, les découvertes d’officiers-généraux
qui, avant lui, avaient proposé des techniques modernes de faire la guerre.
De Gaulle était en homme dont l’avenir risquait d’être médiocre, compte tenu d’une carrière
militaire banale, dépourvue de panache. Il accéda à une certaine célébrité par ses écrits à
prétention innovante.
En 1940, la maîtresse du Président du Conseil en fonction, Paul Reynaud, « la Du Barry de la
IIIème République » était intervenue pour le faire nommer général de brigade à titre
temporaire puis sous-secrétaire d’Etat à la guerre. Elle agissait dans le sens voulu par le
mouvement synarchique international. Elle le fit d’autant mieux que De Gaulle avait
manifesté par lettre, une adhésion sans réserve, une adhésion servile à Paul Reynaud, l’amant
en titre de cette Du Barry à cette époque. De Gaulle avait manifesté dans cette adhésion son
approbation militaire au plan de campagne mis en route conjointement par le Président du
Conseil et le général en chef.
De Gaulle fut un carriériste à l’ambition vengeresse, car tout va se passer comme s’il allait
prendre le pouvoir pour régler des comptes.
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Cette avidité de pouvoir fut exploitée par ceux qui cherchaient à faire donner des hommes de
pouvoir en activité, ou des individus en potentiel de le devenir un jour.
Soumis à la « volonté ovarienne » de la Du Barry de la République, De Gaulle s’est apprêté à
partir avec Paul Reynaud, en Angleterre, quand celui-ci manifesta l’intention de rejoindre
Churchill à Londres. Mais Paul Reynaud fut blessé et sa maîtresse tuée dans un accident de la
route. De Gaulle resta seul et fut embarqué presque de force à Mérignac par le général
britannique Spears. Il fut conduit à Londres, où Churchill attendait Reynaud, qui ne vint pas à
cause d’un accident de la route.
A Londres, De Gaulle apporta grand soin à l’élaboration de sa personnalité nouvelle : celle
d’un agent disponible ou plutôt indispensable pour ceux qui avaient décidé de se servir de lui
dans la perspective de satisfaire aux exigences opérationnelles du capitalisme financier.
Exigences qui s’exprimaient à bas-bruit par des groupements politiques que, schématiquement
mais surtout avec conviction, nous identifions au « pompidolisme ».
C’est-à-dire la réunion d’hommes politiques d’origines diverses, animés du souci majeur de
faire usage d’une terminologie prudente, sans pour autant priver leur conduite opérationnelle
d’une efficacité redoutable… satanique.
De Gaulle ne fut que leur agent d’exécution, lorsqu’il assassina l’Algérie française. Lorsqu’il
assassina la France en Algérie.
Plus tard, lorsque De Gaulle prétendit mettre en pratique une orientation politique trop
personnelle, ils l’exécutèrent purement et simplement.
Ce sont eux qui l’installèrent au pouvoir en 1958, à partir de la conjuration De Gaulle-Ferhat
Abbas, mise en route dès 1956 par l’intermédiaire de Maître Boumendjel.
Ce sont eux qui le contraignirent au départ en 1969… et qui finalement provoquèrent sa mort.
Paradoxalement, aujourd’hui encore, le mythe gaulliste leur est nécessaire pour conférer une
justification historique à leurs initiatives catastrophiques. Initiatives illustrées par un échec
économique évident. Echec ressenti à l’échelon du peuple, des entreprises, mais échec non
ressenti à l’échelon de hauts intérêts privés bancaires, au niveau de quelques consortiums
financiers.
Le délestage économique de l’Algérie aboutit à la désertion de l’Occident en Afrique.
La tête de pont en Algérie était nécessaire à la santé du monde. Elle permettait de conférer à la
Méditerranée l’identité qui devait être la sienne : celle d’un pays.
On a voulu en faire une frontière avec de part et d’autre, deux mondes différents. Mais seul le
monde du Sud possède pour le moment, un potentiel envahisseur. Potentiel entretenu,
suractivé même, par la misère de ses peuples et la corruption mafieuse de ses dirigeants. Ce
potentiel envahisseur, généré par la misère est dynamisé, potentialisé et même structuré, par
une expression religieuse. Par une tactique opérationnelle qui s’identifie à l’arabo-islamisme
fondamentaliste auquel le monde occidental n’oppose, actuellement, qu’une redoutable
déliquescence spirituelle.
Il est établi que la volonté du capitalisme financier était de ne plus assumer la survie des
anciens peuples colonisés. Il a fallu se défaire de ces peuples. Il a fallu renoncer à les faire
évoluer.
La valeur ajoutée des investissements que l’on recherchait à développer par tous les moyens
exigeait que l’on mît en route, d’abord le délestage économique du débouché colonial, et en
dernier lieu, le délestage économique du débouché algérien.
Un beau jour, les comptables de nos grands argentiers décidèrent que l’Algérie ne rapportait
pas assez de bénéfices. Que les investissements protégés, bien que productifs, étaient devenus
routiniers.
En conséquence, ils prirent une décision qui leur paraissait logique : il valait mieux
abandonner cette terre, quitte à la faire retourner à la friche.
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Au moment de prendre cette décision, vers les années 30, car elle était en gestation depuis fort
longtemps, ils manifestèrent étonnement et même stupeur devant une constatation : celle
d’une réalité qu’ils avaient négligée. La réalité de ce peuple qui vivait en harmonie avec la
France, qui se sentait et qui était français au plus profond de ses tripes et qui constituait en
potentiel une base de départ pour un nouveau rayonnement européen vers l’ensemble du
continent africain.
Je me souviens avoir lu que le 11 novembre 1923, cinq ans après la fin de la première guerre
mondiale, s’était déroulée au lycée d’Alger qui sera plus tard mon lycée, une cérémonie
commémorative à la gloire des élèves morts pour la France pendant cette guerre imbécile de
1914-1918. On commença l’appel et ce furent :
- 50 noms : morts pour la Patrie !
- 100 noms : morts pour la Patrie !
- 200 noms : morts pour la Patrie !
- 300 noms et plus encore : morts pour la Patrie !
L’émotion était intense parmi l’assistance. Des familles entières s’effondraient écrasées par
leur peine, certes, mais aussi rayonnantes de fierté et d’orgueil.
La Patrie se percevait vivante dans ce lycée illustrée par le sacrifice de mes anciens
condisciples. Le don à la France avait été total de la part de ces jeunes hommes. Qui pouvait
imaginer qu’un jour, la France abandonnerait leur famille, leurs enfants !
Au moment de la liquidation cela n’a pas compté. Aucun de ces sacrifices ne fut retenu dans
les calculs de ceux qui avaient décidé de larguer l’Algérie. Qui la liquidèrent comme on se
débarrasse d’une entreprise déficitaire.
Après le début du conflit algérien, quand, avec De Gaulle, il devint évident que l’Algérie
allait être immolée sur l’autel des grandes banques, il apparut que l’obstacle majeur à cette
liquidation s’identifiait au peuple pied-noir. C’est-à-dire un sang nouveau, mais un sang
français au sud de la Méditerranée et au nord de l’Afrique.
Les liquidateurs s’employèrent dès lors à convaincre nos concitoyens de Métropole que les
Pieds-Noirs étaient porteurs de tous les défauts de la terre : esclavagistes, négriers, racistes. Il
fallait faire croire que ce peuple que l’on voulait anéantir, était collectivement porteur de la
rage.
Progressivement, une rupture de contact sentimental s’est établie entre les Français de
métropole et les Français d’Algérie. Peuple français d’Algérie dont on espérait qu’il crèverait
sur place ou qu’il resterait là-bas pour aider les nouveaux investisseurs à gagner de l’argent
sur le dos de cette belle province.
C’est à un massacre que l’on acceptait éventuellement de nous vouer.
Voilà ce qui a motivé fondamentalement notre désespoir, notre colère et notre violence.
Dr Jean-Claude PEREZ
Nice,
Le 24 janvier 2011
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INDEX
MTLD Mouvement pour le triomphe des Libertés Démocratiques
OS
Organisation Secrète
CCE
Comité de Coordination et d’Exécution
CNRA Conseil National de la Révolution Algérienne
CRUA Comité Révolutionnaire d’Unité d’Action
FLN
Font de Libération Nationale
GPRA Gouvernement Provisoire de la République Algérienne
MRP
Mouvement Républicain Populaire
RPF
Rassemblement du Peuple français
52
A PROPOS DU CINQUANTENAIRE
« LE PUTSCH DES GENERAUX »,
22- 26 avril 1961
« Après tous, eux ne font que raconter, alors que moi j’ai vécu. Ce sont des chroniqueurs,
ce qui n’est pas rien ; je fus un acteur, ce qui est tout autre chose ».
Propos prêtés à Zacharie, père de Saint Jean-Baptiste
A propos d’un « Royaume Arabe » auquel l’Algérie aurait été identifiée par Napoléon III,
nous tenons à préciser qu’il n’a jamais tenu un tel propos.
En 1851, il déclare : « L’Algérie est un boulet attaché à la France »
En 1852, « L’Algérie est un royaume arabe que la France doit assimiler ».
En 1865 : « L’Algérie est : un Royaume arabe, une colonie européenne, un camp
français »
*
Ce chapitre de notre histoire, qui se réfère à l’intervention de généraux, privés de
commandement, dans une tentative de sauvetage de l’Algérie française, est aujourd’hui
encore riche d’une aura douloureuse. Tout au moins pénible, désagréable. J’ajoute qu’il
m’inspire, après cinquante ans, un profond ressentiment à l’égard de ceux qui ont anéanti une
occasion merveilleuse de sauver l’Algérie française.
De libérer la France des effets catastrophiques pour elle, du chamanisme gaulliste.
Les officiers de quelque grade que ce fût, qui sont intervenus dans ce putsch, sont
indiscutablement des héros. C’est ainsi que je les considère, je tiens à le souligner. Je ne porte
aucune atteinte à la valeur morale et militaire de tous ces intervenants, officiers, sous-officiers
et soldats qui ont levé l’étendard de la délivrance de la France et de l’Algérie française contre
le malheur qui les menaçait.
La première à travers la mort de l’autre.
Nous n’avons pas fini de payer les conséquences de la défaite de la Vème République en
Algérie. Nous, Français, Européens et Occidentaux.
Je vais m’exprimer avec franchise avec sévérité peut-être, mais animé avant tout, d’un grand
respect, d’une haute considération, pour les auteurs et conducteurs de ce désastreux scénario.
I – INCURSION NECESSAIRE DANS UN EPISODE TRES COURT DE LA GUERRE
D’ESPAGNE
En 1936, la situation est explosive en Espagne.
Après l’exécution du lieutenant Castillo, officier des gardes d’assaut républicains, par des
militants phalangistes, Calvo Sotelo, leader de la droite monarchiste espagnole, est abattu.
Parce qu’il était un opposant présidentiable, dirait-on aujourd’hui.
53
José Antonio, créateur et chef de la Phalange Espagnole, avait été arrêté et incarcéré à la
prison d’Alicante. Ledesma Ramos, fondateur de la Junte du National-Syndicalisme
Espagnol, était enfermé à la « Prison modèle » de Madrid.
Toute l’opposition civile et révolutionnaire de la droite espagnole, se trouvait ainsi décapitée.
Pendant ce temps, les assassinats se multipliaient partout en Espagne, tout particulièrement
aux dépens du monde catholique.
La colère grondait dans les états-majors militaires. Ceux-ci, comme plus tard les officiers de
l’Algérie française, étaient à la recherche d’un chef. Eux-aussi confondaient, à cette époque,
velléité et détermination. Il est important de dire qu’aucun chef ne paraissait moralement
armé, au mois de juillet 1936 pour lever l’étendard de la révolte.
Le général Sanjurjo, connu pour avoir tenté un putsch monarchiste en 1932, vivait au
Portugal, en exil. Franco occupait le poste de gouverneur militaire aux Canaries. Il avait été
éloigné des turbulences péninsulaires par le gouvernement du Front Populaire Espagnol. Au
mois de juillet 1936, son activité essentielle consistait en l’étude de l’anglais… du moins en
apparence.
Ses camarades de promotion, anciens de l’académie militaire de Tolède, commandaient la
plupart des places du Maroc espagnol. Ils se trouvaient à la tête des plus belles unités de la
Légion Etrangère, et des Tabors Marocains, « Los Regulares ».
L’histoire officielle a fait commencer la guerre d’Espagne le 18 juillet 1936. C’était officiel
du temps de Franco car celui-ci prit en marche, le 18 juillet, le train de la révolution qui
s’était déclenchée en réalité le 16 juillet pendant la nuit.
Le 5ème Régiment de Tabors Marocains se met en mouvement, ce jour-là, en ordre de
bataille, vers Melilla. Il interrompt toutes les transmissions avec le commandement. Il ne
« répond plus ». Des échanges téléphoniques perturbent tous les différents PC. Cette activité
est fébrile, désordonnée. Elle évoque plutôt une inquiétude qu’une détermination à un coup de
force. Les colonels pataugent. Ils ne savent plus quel plan suivre. Finalement, c’est la
République espagnole qui leur offre une occasion, le 17 juillet 1936, de déclencher la
première opération de rébellion, proprement militaire.
A Melilla, le colonel Gazapo Valdès, responsable de la mise en mouvement des Tabors, reçoit
notification des autorités judiciaires espagnoles, qu’une perquisition va être effectuée dans les
locaux de son PC.
C’est une catastrophe !
Car, dans ces locaux, sont réunis tous les détails de la conjuration qui s’est mise en place. Il
n’existe certes pas de plan opérationnel établi. Mais des codes sont prêts, des contacts
préparés, bref, tous les ingrédients sont rassemblés dans le bureau de cet officier supérieur
espagnol pour le conduire devant un conseil de guerre…
Son bureau, est effectivement cerné par les gardes d’assaut du gouvernement rouge espagnol.
La perquisition va se déclencher. En désespoir de cause, ne sachant que faire, se voyant déjà
incarcéré, voire fusillé, ce lieutenant-colonel prend contact par téléphone avec le piquet
d’intervention de la garnison de Melilla. Un détachement de vingt légionnaires est rassemblé
de toute urgence par un lieutenant. Il s’agit du lieutenant Latorre dont on peut dire qu’il
restera la figure emblématique de la révolution espagnole.
En effet, sans avoir reçu d’ordres précis, il déclenche la première opération de guerre. Ses
légionnaires armés comme pour un combat, franchissent les 200 mètres qui les séparent des
policiers qui investissent le bureau du lieutenant-colonel Gazapo.
Quelques minutes d’angoisse… Elles vont se conclure par un ordre bref lancé par Latorre :
« A terre ! En joue ! Prêts à tirer ! »
Le drame va-t-il éclater ? Non, car les gardes d’assaut fraternisent avec la Légion ! Ils
s’engagent physiquement dans ce premier acte de rébellion militaire. C’est l’ouverture des
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hostilités d’une guerre civile qui avaient débuté la veille par le mouvement du 5ème
Régiment de Tabors Marocains.
Je relate ce fait historique, pour une raison bien précise.
Il évoque un événement qui a failli survenir à Alger, le soir du 26 avril 1961. C’était avant
l’échec définitif du putsch des Généraux. Un événement qui fut sur le point de bouleverser
l’Histoire. Car il aurait pu rendre caduque ou plutôt impossible la décision du général Challe,
de se rendre aux autorités gaullistes.
Ce soir-là, en vertu des ordres de Challe, les parachutistes, les commandos de chasse, réunis à
Alger pour effectuer le putsch, s’apprêtent à quitter Alger. Fous de rage. Toutes ces unités
sont amères d’avoir laissé passer une si belle occasion de sauver l’Algérie française. Mais en
partant, leurs chefs prennent soin de proclamer :
« Au premier coup de feu nous revenons immédiatement, et cette fois on ne plaisantera
pas ! ».
Le 1er REP19 reçoit l’ordre de repli et se prépare à rejoindre ses cantonnements de Zeralda.
Pendant ce temps, la foule algéroise s’amasse autour du forum. Elle gronde. Il suffirait d’une
étincelle pour mettre à la raison les gendarmes, un peu désemparés et craintifs, qui se
demandent à quelle sauce ils risquent d’être mangés. Car, au milieu de la foule, des dizaines
d’hommes sont armés en guerre. Des unités du REC20, qui ont participé au putsch, ne sont pas
loin et sont hésitantes quant à l’attitude à observer à l’égard des ordres de Challe.
Mais, on a oublié quelque chose.
On a oublié de rappeler une section de légionnaires qui tient sous son contrôle le PC d’Alger
Sahel. Celui-ci se trouve au bas de la casbah. Tout près de la cathédrale et de l’archevêché. La
rue de la Lyre fait partie de son territoire de surveillance. Jusqu’à cette heure, les ordres sont
formels :
Ouvrir le feu sans sommation sur tout véhicule de gendarmerie qui emprunterait la rue
de la Lyre et se dirigerait vers les Tournants Rovigo.
A l’heure où Challe s’apprête à se soumettre à De Gaulle, aucun contre-ordre n’a été transmis
au sergent-chef qui commande cette section de légionnaires. Tout logiquement, lorsqu’arrive
un peloton d’automitrailleuses de la gendarmerie, qui s’apprêtent à rejoindre le forum d’Alger
où la foule est amassée, ce chef de section dispose ses légionnaires en position de tir pour
neutraliser les automitrailleuses.
Ils prennent leur position de combat. C’est à ce moment là que la discipline légendaire des
légionnaires va être mortelle pour l’Algérie française : dans un souci de discipline extrême,
en effet, le sergent chef informe le PC du régiment qu’il va ouvrir le feu !
Panique au PC du régiment !
On donne très vite à ce vaillant sergent-chef, un ordre d’abstention et de repli.
C’est une balle dans la tête de l’Algérie française qui, à cette minute là, a été tirée.
La guerre d’Algérie était gagnée cependant. Elle était gagnée sur le terrain.
Il aurait suffi de l’affirmer et de mettre la foule dans la rue le 24 janvier 1960, la plus belle
occasion de sauver l’Algérie française qui s’est offerte à l’histoire.
La guerre était non seulement gagnée sur le terrain, mais elle l’était aussi psychologiquement
et spirituellement. Cette vérité est confirmée par des auteurs très bien informés, sanctificateurs
du gaullisme de l’époque, c’est-à-dire nécessairement, des sanctificateurs du FLN. Ils vont
oser écrire que la conclusion donnée à la guerre d’Algérie, fut une conclusion paradoxale.
Ils ont écrit en effet, en 1992 :
« Le paradoxe de la paix en Algérie est connu, cultivé même, par certains inconditionnels
du général et de sa mémoire ».21
19
1er REP : 1er Régiment Etranger Parachutiste
REC : Régiment Etranger de Cavalerie
21
« LES ACCORDS D’EVIAN ». Jérôme HELIE (1992)
20
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Ainsi, aujourd’hui, nous sommes victimes de ceux qui ont réussi à concrétiser, dans la réalité
historique, la fin paradoxale de la guerre d’Algérie. Une fin paradoxale, c’est-à-dire une
décision inattendue, une décision qui n’était pas en conformité avec le sens de l’histoire.
Ce sens de l’histoire avec lequel on a décérébré, avec lequel on continue de décérébrer
aujourd’hui encore, le peuple de France, dans sa manière d’appréhender le drame algérien.
Voilà ce qui donna naissance mais beaucoup, beaucoup trop tard, à la réaction guerrière des
Français d’Algérie qui mirent tous leurs espoirs dans l’OAS. Protestation sanglante, appel
pressant à la mère-patrie, l’OAS ce fut avant tout le refus de la soumission, le refus de
l’esclavage, le refus de la mort. C’était cela l’identité profonde et fondamentale de ce
mouvement qui est né trop tardivement.
C’est avec amertume et surtout avec fureur que je l’affirme encore et encore.
Le style de combat qu’elle imposait nécessitait une longue préparation psychologique et
spirituelle. Une préparation technique nécessaire pour transformer des citoyens normaux en
citoyens combattants de tous les jours, de tous les instants. C’est en 1955 que le peuple
d’Alger aurait dû comprendre, que tout, en dernier recours, allait dépendre de lui.
Un peuple qui fut ignoré, négligé, méprisé par des militaires qui, uniquement pour ne pas être
en contradiction avec leur serment de garder l’Algérie française, ont pris l’initiative de
déclencher dans un style riche d’une naïveté puérile, ce putsch du mois d’avril 1961.
Sur lequel il me faut revenir sans tarder, en enrichissant cette relation de ce qui fut ma
participation à ces évènements, à partir de la fin du Procès des Barricades (fin mars 1961).
II – APRES LE PROCES DES BARRICADES
Le Haut Tribunal des Forces Armées avait ceci de particulier : le verdict est lu à huis clos aux
accusés. Quand nous retournâmes dans la salle d’audience, étaient uniquement présents :
-
les accusés,
les avocats,
le commissaire du gouvernement,
les greffiers et les gendarmes.
Aucun juge. Pas de presse ni de public. Tous avaient été informés du verdict en notre absence.
Le Commissaire du Gouvernement s’approcha du box des accusés et nous annonça :
« Messieurs, le Tribunal vous a acquittés ».
Mon soulagement se passe de commentaire, car, parmi les présents, j’étais le seul qui risquait
une condamnation « à de la prison ferme ». Mais ce qui, pour nous, revêtait une importance
majeure, se situait dans la décision des juges militaires. Ils avaient manifesté leur esprit
d’indépendance à l’égard du pouvoir. Cela nous entretenait dans l’espoir qu’une majorité
d’officiers de l’armée française de métropole et d’Algérie n’était pas encore disposée à
ramper devant le pouvoir gaulliste.
Me voilà donc parisien. Libre. Interdit de retour en Algérie, je le rappelle. Un confrère
parisien dans le souci de m’aider dans mon action parisienne, me propose une association.
Celle-ci me permet une inscription à l’Ordre des Médecins de Paris.
Grace à la normalisation « officielle » de ma situation sociale et professionnelle, je pus me
consacrer à une activité militante très dense.
Ne faisant partie d’aucune organisation parisienne et métropolitaine qui militait pour l’Algérie
française, je fus accepté partout. On me présentait comme un élément fédérateur de toutes les
énergies. Cela me permit de rencontrer des noms célèbres de la politique et d’ailleurs, dont je
56
m’interdis de diffuser les identités. Je voyais très souvent les colonels Gardes et Godard. J’eus
avec Godard, de fréquents entretiens au cours desquels il m’apprit beaucoup de choses. Il
précisa après ma sortie de prison :
«Ton acquittement est une sacrée surprise. Si j’avais été à la place des juges, te connaissant
comme je te connais, tu es le seul que j’aurais conservé en taule ! Les gaullistes apprendront
très vite l’importance de leur connerie. J’espère que tu prends ça pour un compliment ».
C’était l’ancien patron de toutes les polices d’Algérie qui s’exprimait en ces termes sur mon
acquittement.
« - Où en sont nos affaires ? » Ce fut la question par laquelle je l’interrompis.
« - L’âme du complot c’est Argoud. Il est secondé par Broizat ».
« - Que font-ils ? » demandai-je avec impatience.
«- Il y a quelques semaines, je t’aurais répondu que leur obsession était : je cherche un
général. Ils sont même allés chez Massu. Ce dernier ne veut pas intervenir. D’après Argoud,
il leur aurait dit : les Pieds-Noirs pourront rester en Algérie même s’il leur faut coiffer le
fez ».
- « A-t-on trouvé un général volontaire ? » Rétorquai-je.
Godard réfléchit quelques secondes et me transmit le message suivant :
« - Faure, pas sérieux, Salan, pas confiance, Gracieux, se débine, Challe, marche ».
Voilà ce que fut sa réponse.
En décembre 1960, à l’occasion des fêtes de fin d’année, j’avais refusé de fuir vers l’étranger
et de me soustraire aux audiences du Haut Tribunal Militaire qui me jugeait. Pour la raison
suivante : j’étais convaincu que c’était à Paris qu’il fallait construire une action décisive.
S’il existait une opportunité de sauver l’Algérie française, elle se situait avant tout à Paris.
J’insiste sur ce « avant tout ».
Je m’employai donc, d’une part à fédérer, si possible et à leur demande les mouvements
nationaux favorables à l’Algérie française, d’autre part à uniformiser le militantisme
étonnamment riche et disponible dans la capitale et en province. J’ai eu la possibilité d’établir
des contacts avec des hommes d’action de grande valeur opérationnelle. Dans le but
prioritaire d’organiser avec ces derniers l’opération salvatrice : l’exécution ou l’assassinat de
De Gaulle, inutile de craindre la violence ou la vérité des mots.
En réalité, j’ai participé avec Descaves, Jourdes, Lauzier, Sergent et beaucoup d’autres, à
l’entrée en action progressive de ce qui plus tard est devenue l’ossature de l’OAS
métropolitaine, plus particulièrement parisienne. Bien avant que l’OAS ne fut créée à Madrid
par Pierre Lagaillarde.
Celui-ci avait reçu à Paris, durant les quelques jours qui ont précédé l’interruption du Procès
des Barricades, à l’occasion des fêtes de la Toussaint, un capitaine, chef du 3ème Bureau du 1er
REP. Le colonel commandant ce prestigieux régiment semblait animé de la velléité d’engager
son unité dans un acte de rébellion pour le salut de l’Algérie française, à l’occasion du voyage
de De Gaulle en Algérie, prévu pour le début du mois de décembre 1960. Ce colonel avait
formulé l’exigence, pour se déterminer, tout au moins en paroles, la présence d’un notable
politique à Alger. Refusant de me fier depuis les Barricades d’Alger, à la parole, aux vagues
promesses et surtout aux informations de beaucoup de militaires, j’étais personnellement très
sceptique quant à la détermination réelle de ce glorieux combattant.
Lagaillarde me fit connaître son projet de « s’en aller vers le sud ». Il me proposa :
« Tu viens avec moi ? »
Je lui ai manifesté mon refus, car encore une fois, je considérais que c’était à Paris que devait
s’exercer le maximum de pressions. Mais je tins secrète l’information de son départ.
Si j’avais été à la place de Lagaillarde, je n’aurais pas été pressé de me placer dans une
situation compromettante en me fiant au message transmis par ce capitaine. Car la perspective
d’un coup de force militaire n’était pas envisageable à l’automne 1960.
57
Le 1er REP avait raté son coup à Alger le 24 janvier 1960, quand son colonel refusa de faire
pression sur la 10ème DP22 pour engager cette unité parachutiste dans l’action des Barricades.
Le général Gracieux commandant la division était tout à fait favorable à cette action, qui
aurait forcé la main au général Challe. Celui-ci disposait par ailleurs de la complicité active
du général Faure qui commandait en Kabylie, des colonels Vaudrey et Romain-des-Fossés qui
commandaient deux secteurs-clefs dans le Constantinois, du colonel Bigeard qui commandait
à Saïda, du général Mirambaud qui commandait les Territoires du sud, du colonel Argoud
surtout, qui était chef d’état major en fonction du corps d’armée d’Alger. Tout était prêt, y
compris la masse du peuple d’Alger dans la rue pour vaincre De Gaulle.
Le colonel commandant ce régiment aurait dû s’assurer de la personne du 1er ministre Michel
Debré, quand celui-ci vint à Alger pour ramener les militaires à plus de confiance « dans la
volonté du général De Gaulle de mettre en œuvre en Algérie, la solution la plus française ».
C’était une belle occasion de faire, de Debré, la tête politique, malgré lui, de l’opération
salvatrice.
Bref, le peuple d’Alger avait mis à la disposition du général Challe tous les moyens pour
que le sauvetage de l’Algérie française, de la France et de l’Occident fût mis en œuvre par le
commandant en chef en Algérie.
J’étais donc méfiant quant à la volonté de ce colonel du 1er REP à prendre l’initiative d’un
coup de force à la fin de l’année 1960.
Au début du mois de décembre de cette même année 1960, se déclenchèrent en Algérie les
dramatiques évènements provoqués par le voyage de De Gaulle sur ce territoire où la France
était encore souveraine.
Le gouvernement gaulliste n’avait pas hésité à appeler le FLN à la rescousse :
« Yahia De Gaulle ! Yahia FLN ! » . « Vive De Gaulle ! Vive le FLN ! ».
Ainsi, le nom de De Gaulle était exhibé par les tueurs de Français, comme l’homme qui allait
accomplir historiquement la révolution du FLN.
Dans le but d’entraîner l’adhésion à sa politique de nos concitoyens de métropole très mal
informés, De Gaulle prétendait exhiber l’Algérie comme une terre de feu et de sang parce
qu’elle était empoisonnée par les excités que nous étions, nous les défenseurs de l’Algérie
française, selon la propagande gouvernementale officielle.
Les foules musulmanes manipulées et fanatisées par des chefs FLN se répandirent dans Alger,
appelées au secours par les gaullistes, dans le but de massacrer des Français avec la
complicité particulièrement bienveillante du commissariat central et de la gendarmerie. Le
drapeau FLN fut déployé en public pour la première fois. C’était pour rendre les honneurs
à De Gaulle qui s’imposait chaque jour davantage, en Algérie française, comme
l’incarnation de l’anti-France et de l’anti-Occident.
Les régiments favorables à cette belle cause « Algérie française » sont restés figés dans leur
discipline traditionnelle. L’Algérie française, ils ne la défendaient que dans le cadre de la
légalité. Ils osèrent laisser De Gaulle repartir vivant d’Algérie.
Le déroulement de ces évènements de 1960, sur lequel je viens de m’exprimer très
brièvement, explique a posteriori la réticence que j’avais eue de me joindre à Lagaillarde et de
me rendre à Madrid avec lui. Après la dérobade du 24 janvier, les militaires d’Algérie, en
effet, n’étaient pas encore prêts, une fois de plus, à lever l’étendard de la révolte pour sauver
cette belle terre de France, pour sauver la France Sud-Méditerranéenne.
C’est donc à Paris que l’action devait être prioritairement conduite, grâce aux groupes de
volontaires qui avaient demandé mon contact. Groupes de volontaires d’autant plus précieux
pour notre combat, qu’ils étaient constitués, dans leur immense majorité de Français
métropolitains. Ce n’était pas des Pieds-Noirs. Leur volonté de sauver l’Algérie française
22
10ème DP : 10ème Division Parachutiste
58
s’inscrivait, tout logiquement dans un idéal très pur : l’idéal de la Nation. Je tiens à leur
manifester, aujourd’hui encore, mon respect et surtout, mon immense gratitude.
Je fus constamment secondé, dans cette action parisienne, je le rappelle par mes camarades de
combat Serge Jourdes et Pierre Sergent.
D’autres combattants, animés d’un courage exceptionnel, s’étaient associés à ce travail de
mise en place d’un dispositif opérationnel. Le souci de la discrétion, les évolutions politiques
et électorales ultérieures de quelques uns de ces combattants, ne me permettent pas de citer
tous les noms. S’ils désirent un jour évoquer leur rôle dans le combat « Algérie française »,
qu’ils le fassent eux-mêmes. Néanmoins, je leur rends un hommage fraternel. Tout
particulièrement à Pierre Descaves, qui tint un rôle majeur dans le combat de l’OAS à un
poste de responsabilité nationale et qui depuis lors ne s’est jamais désolidarisé de ces frères
d’armes du combat « Algérie française ». Combat au cours duquel sa famille avait payé le
prix du sang en Algérie.
Cette action parisienne, ces complots de chaque jour, ne m’ont pas permis de connaître Paris.
J’étais véhiculé clandestinement, d’un site opérationnel vers un autre. Mobiliser des volontés,
préparer des codes, évaluer des moyens, recenser des armes et des effectifs, c’était surtout
cela mon activité. Confirmer l’ordre, et surtout le couvrir de mon autorité, des premiers
attentats parisiens du 31 mars 1961 dont j’ai accepté la responsabilité pénale. Premier acte de
guerre de l’OAS métropolitain.
Ce nouvel activisme parisien, provoqua mon arrestation très peu de temps après le procès des
Barricades. C’était au début du mois d’avril 1961. Ce qui vous permet de ne pas oublier un
détail important :
Cet activisme en faveur de l’Algérie française, je l’ai mis en œuvre alors que j’étais encore un
accusé au Procès des Barricades. L’après-midi j’assistais aux audiences. Le soir je préparais
un complot contre De Gaulle. J’ai poursuivi ces activités, évidemment, après mon
acquittement.
Je suis donc arrêté.
Je ne suis pas inculpé.
Je suis interrogé par le commissaire Bouvier qui veut savoir quel est mon rôle dans les
plasticages qui commencent à se faire entendre à Paris et ailleurs. Il s’efforce d’être
sympathique.
« Je vous comprends…. Moi aussi je suis patriote… »
Puis il ajoute d’un ton de conspirateur :
« Vos camarades madrilènes ne sont pas très gentils avec vous. Ils ont été prodigues
d’informations qui nous permettent de vous détenir aujourd’hui ».
Il me laisse digérer l’information que j’enregistre sous toute réserve, puis il ajoute sur un ton
détaché :
« Mais moi, que voulez-vous ! J’ai un patron : c’est De Gaulle. C’est lui qui me paie et c’est
lui qui va m’assurer un bel avancement. Alors je vous informe que c’est pour lui que je vais
me battre ».
Je ne suis pas ébranlé par ce propos qui se veut déstabilisant. Le commissaire Bouvier devait
savoir que mon caractère s’était forgé dans l’action directe depuis 1955 et que lui, en tant que
fonctionnaire de police, n’était pas suffisamment armé psychologiquement pour me
déstabiliser dans mes convictions.
« Alors, quel est le motif de mon inculpation ? Quand allez-vous me déférer ? »
Il me répond par un haussement d’épaules, suivi d’un geste vague de la main qui me fait
comprendre qu’il ne dispose d’aucun moyen juridique de me déférer devant un magistrat
instructeur.
59
Je suis néanmoins mis dans un avion avec deux autres camarades et de Villacoublay on me
transporte à l’aéroport de Maison Blanche à Alger. Je suis « assigné à résidence » dans un
camp de concentration, à Tefeschoun sur les Hauts d’Alger.
C’est au début du mois d’avril 1961. Je rappelle pour la millième fois, que je suis en cette
occurrence l’objet d’une mesure frappée du sceau de la plus totale illégalité.
En effet, je jouis d’un statut de résident normal en France. Je suis inscrit au Conseil
départemental de l’Ordre des Médecins de Paris. Les dispositions administratives
« d’expulsion » et « d’internement administratif » ne sont applicables à cette date, que sur le
territoire des 15 départements français d’Algérie. Aucune disposition pénale de ce type n’est
encore prévue au mois de mars et au début du mois d’avril 1961, sur le territoire de la MèrePatrie. N’étant pas inculpé, j’aurais dû être remis en liberté.
On me ramène en Algérie par la force, terre sur laquelle je ne réside plus depuis le mois de
février 1960. Depuis que l’on m’a notifié, à l’intérieur de la prison de la Santé, mon
interdiction de résidence en Algérie. Une décision des plus arbitraires. Mais qui pouvait
s’imaginer que De Gaulle allait faire de la dentelle avec les défenseurs de l’Algérie française !
Le putsch me libère le 22 avril au matin. Comme je l’ai souligné dans mon livre « le Sang
d’Algérie », c’est De Gaulle lui-même qui se charge de m’incorporer à l’OAS, où j’assume
très rapidement, à l’échelon national, la responsabilité opérationnelle et surtout la
responsabilité pénale, morale et spirituelle de tous les actes de guerre imputables à
l’OAS.
Avant mon arrestation, j’avais entendu évoquer l’inévitable participation du général Challe à
l’acte suprême de rébellion pour sauver l’Algérie Française. C’était effectivement la seule
carte à jouer. J’informai, au cours de nos réunions, Godard, Broizat et Gardes, des projets
parisiens et métropolitains qui devaient appuyer un coup de force militaire en Algérie. Je
soulignai à ces mêmes officiers l’importance primordiale de la neutralisation de De Gaulle. Et
du rôle que devait tenir le peuple français d’Algérie dans le déroulement opérationnel de cette
tentative de sauvetage de l’Algérie française.
Le chef d’escadron Cazati que je rencontrais fréquemment dans le cabinet d’un médecinophtalmologiste de l’avenue Pierre 1er de Serbie, lieu dans lequel il m’arrivait de retrouver les
trois colonels que je viens d’évoquer, se chargeait des contacts militaires métropolitains avec
Sergent tout particulièrement.
Pierre Sergent, avec le général Faure qui occupait un poste à l’école militaire de Paris et le
colonel De Blignières, mettait au point des actions qui devaient donner un écho militaire
métropolitain à l’opération qui allait être entreprise en Algérie. C’était une conjuration
sérieuse. Elle était animée surtout de l’enthousiasme qui nous portait vers la tentative de
sauvetage de la France en Algérie.
D’autres vous raconteront, avec moi, lors de la table ronde du 23 avril ici à Nice, le
déroulement de ces contacts et l’espérance dont ils étaient porteurs.
Pendant ce séjour à Tefeschoun, j’eus l’occasion d’écouter la conférence de presse du
président de la république du 11 avril 1961. Conférence de presse dont je souligne à quel
point, aujourd’hui, elle est passée sous silence. Cynisme, brutalité, désinvolture, méchanceté,
trouvèrent l’occasion de se donner libre cours à travers les propos du chef de l’Etat :
« La France n’a aucun intérêt à porter à bout de bras l’existence de populations dans une
Algérie qui n’offrirait rien en échange de ce qu’elle aurait à demander. C’est pourquoi la
France considérerait avec le plus grand sang froid et d’un cœur tranquille que l’Algérie
cessât d’appartenir à son domaine ».
Cette phrase mérite que l’on s’y intéresse.
On remarque tout d’abord que le général s’exprime en grande partie au conditionnel.
« Ce que l’Algérie offrirait » : voilà une réflexion qui aurait mérité une étude approfondie.
Car bien évidemment, on le sait maintenant, l’Algérie avait beaucoup à offrir. Le pétrole, le
60
gaz, l’indépendance énergétique de la France et surtout une rive sud de la Méditerranée,
sereine, sous le contrôle franco-européen.
« La France n’a aucun intérêt » : il s’agit là d’un commentaire qui s’adresse uniquement au
portefeuille de nos compatriotes, à l’instinct « grippe-sou » qui dort au tréfonds de tout être
humain. En parlant d’argent, on oublie tout ce qui avait été donné par l’Algérie pour la
France. Le sang versé, de la Crimée au Mexique, dans les campagnes du Tonkin, sur les
champs de batailles d’Europe et d’Indochine. Tout cela ne compte plus. Puisque l’Algérie est
pauvre !
L’Algérie est pauvre ! C’est lui qui le dit. On n’en veut plus parce que ça nous coûterait cher :
il se trompe deux fois :
- parce que l’Algérie n’est pas pauvre,
- parce qu’elle coûtera plus cher à la France quand elle sera indépendante.
« Porter à bout de bras l’existence de populations » : c’est la contrepartie humaine du
commentaire. Dépourvue de la plus petite portion d’amour. On en revient toujours à ce rejet, à
ce mépris et à ce dégoût, qu’il éprouve à l’égard du peuple français d’Algérie de toutes
confessions. En aucun cas, en tant que chef d’Etat, il n’a le droit de le désigner sous le terme
de « populations ». Dans sa bouche, ce terme est injurieux. Ce que lui, De Gaulle, veut dire,
c’est ce bas peuple, cette racaille.
« Algérie, partie du domaine de la France » : c’est une vision étriquée du territoire national.
L’Algérie est présentée dans ce propos, comme un bien foncier que l’on acquiert un jour et
qui, parce qu’il est supposé ne pas rapporter assez, est abandonné aux enchères publiques.
Cette terminologie simpliste, révélatrice d’inculture, lui suffit pour formuler des élucubrations
sur ce que représentait pour lui, le problème algérien. Elucubrations qui vont lui permettre de :
- chloroformer le peuple de métropole,
- disloquer la droite française, la gangréner,
- faire impression sur les militaires, on s’en rendra compte dans les jours suivants.
Le putsch se déclenche dans la nuit du 21 au 22 avril 1961.
Godard me fait libérer immédiatement de Tefeschoun et me réclame auprès de lui, à la
caserne Pélissier. Nous avions appris, à l’intérieur du camp d’internement, que le général
Challe avait pris la tête de ce coup de force, accompagné des généraux Jouhaud et Zeller.
Comment et pourquoi Challe s’est-il décidé à prendre la tête de ce mouvement ? Lisons
ensemble quelques extraits de son livre pour faire connaissance avec celui qui, à l’étonnement
de tous, décida de lever l’étendard de la révolte. Il évoque, avec maladresse, le 13 mai 1958 et
la situation de l’Algérie :
_… « La surprise du 13 mai c’est qu’on attendait trois à quatre mille personnes de la Casbah
à la manifestation, c’est quatre-vingt mille hommes et femmes qui déferlent, libres, français,
joyeux, déstressés…. »
_… « au printemps (1960), il n’y a plus de Katibas… »
_… « sauf dans les Aurès, il n’y a plus partout que des embryons de sections occupés surtout
à échapper à nos troupes… »
_... « les européens sont attachés très étroitement à l’intégration parce que c’est évidemment
une garantie pour eux, parce qu’ils sont la minorité qui veut se joindre à la Métropole de
façon à reconstituer une majorité vis-à-vis des Musulmans23… »
_ … « avec l’affaire Si Salah, c’est les trois-quarts de l’Algérie qui bascule… »
_ … « la paix que l’armée avait véritablement fabriquée était manquée par le gouvernement,
manquée volontairement… »
23
Il s’agit là d’une interprétation étriquée et surtout peu savante du thème de l’intégration
61
_ … « mais le respect de la parole donnée doit être l’alpha et l’oméga de la vie en société, le
fondement de toute éthique sociale.
Sinon, il n’y a plus que des marchés de dupes et règnes de coupe-jarrets. Et ce n’est jamais ni
une excuse ni une justification politique que de se vouloir puissant, quitte à se placer au
niveau des hommes et des sociétés sans honneur… »
_ … « il n’y a pas de raison d’Etat, il n’y a pas de loi au monde qui puisses obliger un homme
à faire du parjure son pain quotidien… ».
Il ressort de ces lignes un jugement sans appel sur l’homme en qui Challe avait mis toute sa
confiance, toute sa foi. Les mots ne sont pas tendres, « homme sans honneur », « parjure »,
voilà les termes qu’il emploie. Il apparaît évident à la lecture de son ouvrage que Challe était
un homme d’honneur. Certes.
Mais Challe avait gagné la guerre, et il ne savait pas pourquoi il l’avait faite.
A la lecture de ce livre, on est frappé, aussi, par le ton presque désinvolte avec lequel il
raconte son aventure algéroise. Point de colère contre ceux qui l’ont trahi, qui l’ont abandonné
en pleine action malgré leurs engagements, malgré la parole donnée de participer à l’opération
du 22 avril. Dans son écrit, ne s’affirme jamais la trempe d’un officier révolutionnaire.
III – COMMENT J’AI VECU LE PUTSCH
Je ne vais certes pas couvrir d’éloges les officiers qui ont conduit ce putsch. Je ne vais pas le
faire mais je refuse par dessus tout, de porter atteinte à leur courage, à leur honneur et à leur
compétence d’hommes de guerre.
Il s’agit d’officiers qui passaient leur temps à proclamer urbi et orbi qu’ils étaient spécialistes
de la guerre révolutionnaire. Or, s’il est une opération qui ne confirme pas, loin de là,
leurs compétences d’officiers spécialistes de la guerre révolutionnaire, c’est la manière
dont ils ont conduit le putsch.
Une chose reste difficile à comprendre et à accepter : c’est leur refus d’utiliser des dizaines de
milliers de civils pieds-noirs. Le refus de les engager en ordre militaire, sous leur
commandement. Le refus d’utiliser, pour mieux asseoir leur intervention, le découpage qui
était à leur disposition par la structure géographique des unités territoriales.
Aujourd’hui encore, quand il m’arrive de rencontrer un officier qui a participé au putsch, il
me déclare avec entêtement :
« Nous avions exigé que ce fût une affaire exclusivement militaire ».
Au matin du 22 avril, quand je vis Godard à la caserne Pélissier, il me déclara d’un ton
presque suffisant :
« Je ne pensais pas que ce serait si facile ! »
Il fut étonné de ma réaction. Car c’est avec violence que je lui ai rétorqué :
« Et les civils, qu’en fais-tu ? ».
Il me répondit par un regard ahuri suivi d’un silence résigné.
Je poursuivis avec violence :
« Il faut mobiliser tout de suite les 22.000 UT du Grand Alger. Il faut les intégrer aux
légionnaires, aux parachutistes, aux effectifs du commandant Robin, du colonel de la
Chapelle et du commandant de Saint-Marc. Chaque section doit devenir un gros bataillon. Il
faut réaliser un amalgame. 22.000 hommes c’est énorme ! S’ils sont bien encadrés. En
utilisant les fanfares de quartiers, cela suffira à faire sortir les Arabes de la Casbah. Ils
défileront en chantant la Marseillaise. Ils vont agiter le drapeau français, tu n’auras pas à les
forcer. Ils te livreront, s’ils sont encore là, les meneurs FLN locaux. Tu les foutras en prison
62
ou tu les retourneras, ce sera facile ! Tu feras filmer tout cela par la presse, si tu veux, mais
surtout, il ne faut pas perdre de temps. C’est l’enthousiasme populaire qui doit être le support
essentiel de ce coup de force. Les militaires qui doutent encore seront sensibles à la
Marseillaise chantée par des dizaines de milliers de volontaires. L’enthousiasme est
contagieux, il suffit d’un rien pour le réveiller à Alger et partout. Je suis disposé à m’engager
à fond dans cette partie de ce qui reste à faire ».
Godard lève les bras au plafond et me rétorque.
« Je ne te le conseille pas. Challe ne veut rien savoir des civils et Denoix de Saint-Marc non
plus, lui surtout ».
J’étais fou de rage. Je retourne vers la sortie et quel n’est pas mon étonnement de tomber sur
Sergent :
« Que fous-tu ici ? Et Paris ? Et ce que nous avions prévu là-bas ? »
« Challe a voulu tout le monde ici ».
Et voilà la réponse de Sergent !
J’aurais dû prendre mes responsabilités. Désobéir. Faire descendre les civils dans la rue en
uniforme avec toutes les fanfares locales. Mettre Challe devant le fait accompli. Tout tenter
dès le premier jour. Utiliser tous les moyens de liaisons possibles pour que les masses
européennes se jettent dans la rue et cela, dans le maximum de localités et de villes d’Algérie.
Il fallait envoyer le peuple vers les casernes douteuses. Il fallait faire honte à ceux qui étaient
sur le point de nous trahir et qui n’osaient pas encore le faire. Mais qui vont s’y résoudre 48
heures plus tard devant le coma qui accompagnera ce misérable putsch. Coma militaire. Coma
civil. Car le peuple a déserté, lui aussi, le putsch d’avril 1961.
J’expliquerai dans le IVème chapitre ce que j’aurais fait si j’avais été à la place du
commandement militaire. Même si cela paraît prétentieux et déplacé, je tiens à le dire parce
que je veux démontrer que le succès était possible. Dans ce propos, je ne ferai que rappeler ce
que j’avais exposé à Paris à Godard, Gardes, Broizat et Cazati. Ainsi qu’à d’autres
responsables civils de la conjuration parisienne. Mes camarades Sergent et Jourdes, étaient
évidemment d’accord avec moi.
Il ne s’agissait pas de faire une guerre lourde. Il s’agissait de mettre au moins tout l’Algérois
et toute l’Oranie en situation de rébellion. Argoud, à Oran, avec les deux colonels Masselot et
Leconte auraient dû transformer les deux régiments de parachutistes en deux divisions. Mettre
l’Oranie dans la rue à Oran, Sidi Bel Abbès, Mostaganem et ailleurs. Sous la pression de la
foule et de ses légionnaires Brothier aurait marché. C’est une nouvelle fraternisation qui aurait
donné à Challe les moyens et la volonté de vaincre. Les « tièdes » auraient foncé à leur tour.
Les opposants auraient abandonné leur poste.
De Gaulle, en décembre 1960, avait montré le chemin. Il avait organisé « l’anti 13 mai ». Il
nous appartenait d’organiser « l’anti décembre ». Un coup de force qui veut se passer des
civils est un coup de force mal pensé.
Nous voulions un putsch qui fût vainqueur grâce à une contagion de l’enthousiasme, à une
contagion de la fidélité à la parole donnée. A une contagion du sentiment de l’honneur. Je le
redis, il fallait créer l’ambiance nécessaire à une nouvelle fraternisation dont le monde aurait
été témoin.
La question qui se pose est la suivante :
- Les officiers conducteurs du putsch n’auraient-ils pas été conditionnés avant tout, par
un manque d’estime à l’égard du peuple pied-noir ?
- Les officiers conducteurs du putsch auraient-ils été suffisamment prétentieux pour
s’imaginer que tous les autres militaires allaient se plier à leur volonté, parce qu’ils
étaient les officiers prestigieux qu’ils étaient véritablement ?
63
Tout cela n’a aucun sens. Il fallait imposer au général De Pouilly à Oran, de rester fidèle à son
serment. Il fallait imposer au colonel Brothier, à Sidi Bel Abbès, de rester fidèle à la parole
donnée à Argoud.
C’était tout banalement de la France et de son avenir, de l’Occident et de sa sauvegarde dont
il était question.
Une cause qui méritait bien que l’on jouât sa tête et sa liberté.
IV – QUE FALLAIT-IL FAIRE ?
A – A ALGER
Plus que tout, il fallait exhiber la force dont les putschistes pouvaient disposer et surtout ne
pas rester les bras croisés, à attendre qu’un miracle se produisît au sein des unités militaires
qui n’étaient pas averties de cette tentative de sauvetage de l’Algérie française.
Le 1er REP tenait quelques postes-clef. C’était nécessaire, bien évidemment. A mon avis, ce
qui était le plus important, c’était d’exhiber les légionnaires en arme et en uniforme un peu
partout dans le grand Alger. Il fallait que l’imprégnation putschiste fût ressentie par le peuple
et par le reste de l’armée.
Sans perdre de temps, il fallait lancer un appel à la mobilisation générale de tous les hommes
d’Algérie en situation de se battre pour la patrie, pour l’Algérie française.
Le peuple d’Algérie entendu dans son sens « total » : je précise, peuple français d’Algérie de
toutes confessions.
Comme il avait été convenu avec le colonel Gardes, à Paris, dans le bureau d’un
ophtalmologiste de l’avenue Pierre 1er de Serbie, il importait, dès la première heure, de donner
l’ordre aux commandants de compagnies et aux chefs de bataillons des Unités territoriales, de
convoquer leurs effectifs en uniforme, et en arme si possible, animés de la discipline militaire
la plus totale.
Il fallait donner l’ordre à tous les policiers, quels que fussent leurs grades et fonctions, de se
tenir à la disposition du général Challe pour assurer l’ordre et protéger le peuple français et
musulman d’Algérie contre une agression FLN.
Il était important de convoquer tous ceux parmi les civils qui s’investissaient du prestige et
des pouvoirs de leaders de l’Algérie française. Ces derniers n’avaient pas laissé passer
l’occasion de notre incarcération après les barricades du 24 janvier, pour occuper des postes
de responsabilité, dont je tiens à souligner qu’ils étaient dignes. Il fallait immédiatement leur
attribuer des fonctions précises dans le cadre de la nouvelle hiérarchie qu’il fallait mettre en
place d’urgence, pour garantir l’harmonisation des opérations prévues.
En particulier, il fallait interdire les attentats contre les ennemis de l’Algérie française, les
règlements de compte et les plasticages. Aucune initiative opérationnelle n’était concevable,
si ce n’est dans le cadre des opérations prévues par les officiers putschistes.
Il était important de lancer un ultimatum au FLN, du Grand Alger en particulier. Lui imposer
de se rallier dans les 24 heures. Demander aux musulmans de la casbah, de l’Aguiba de
Belcourt, du boulevard Cervantès, de la Cité Mahieddine, du Clos Salembier et d’ailleurs, de
se rallier à l’armée pour la sauvegarde de l’Algérie française et de la France.
Il fallait lancer un appel aux religieux musulmans d’Algérie et leur demander d’invoquer la
protection du Seigneur pour le sauvetage et le bonheur de l’Algérie française.
Mais le plus important était d’organiser dès le 22 avril, un amalgame des unités d’active
avec les réservistes d’Algérie. Chaque section du REP, des commandos de chasse et des
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pelotons du REC, devait devenir des bataillons par l’adjonction des UT qui auraient été
soumises aux commandants militaires de ces mêmes unités.
Cette tâche, qui à mon avis était urgente et primordiale, aurait été confiée au commandant
Robin et aux officiers des commandos de chasse qui avaient participé à la première opération.
Il fallait faire d’Alger une cité en armes dont le rayonnement aurait été perçu dans toute
l’Algérie et au delà de la Méditerranée.
L’organisation de défilés devait être envisagée en faisant appel à toutes les fanfares locales.
C’était le cri de la patrie en danger qui devait jeter dans la rue les foules algéroises de toutes
confessions, dans une ambiance d’uniformes, de musique militaire et de proclamations
patriotiques.
Le commandement à Alger, plus précisément sur le territoire du corps d’armée d’Alger,
n’aurait pas dû être confié à Godard mais au colonel Argoud. Celui-ci aurait dû rester à Alger.
Il aurait été en mesure de ne pas laisser une seconde de liberté au général Challe. Car celui-ci
souffrait en effet d’un manque d’inspiration et d’enthousiasme. Il rêvait, dans sa naïveté, d’un
ralliement spontané de toute l’armée, à ses cinq étoiles, parce qu’il s’appelait Challe.
Argoud, ancien et tout récent chef d’Etat-major du corps d’armée d’Alger, disposait de tous
les contacts pour convaincre ceux qui, en 1959, étaient sous son contrôle lorsqu’il exerçait ces
mêmes fonctions jusqu’au mois de janvier 1960. En particulier au sein des commandements
de la ZSA24 et de la ZOA25, ainsi qu’en Kabylie.
Godard, aurait été chargé de mettre en place un quadrillage policier dans tous les
départements en affectant dans chaque commissariat de police des militants Algérie française
qui seraient venus porter leur concours à la protection de la population civile contre toutes
exactions d’où qu’elles vinssent.
Gardes, comme il avait été convenu à Paris avec moi-même et surtout avec Serge Jourdes,
aurait été chargé de coordonner la mobilisation de toutes les UT d’Algérie et de les mettre
sous le commandement des unités putschistes, par l’intermédiaire de l’amalgame militaire que
j’ai évoqué précédemment.
Broizat aurait dû être chargé des relations avec toutes les unités parachutistes d’Algérie. En
particulier, on aurait dû lui confier la mission de rappeler à la raison le colonel commandant
du 3ème RPIMA. Ce régiment, qu’on me pardonne l’expression, faisait « la gueule » à
l’Algérie Française depuis le 24 janvier 1960. C’est-à-dire depuis le jour où il n’avait pu
interdire le passage de la masse des manifestants de Bab-El-Oued qui avaient réussi à forcer le
barrage que ce régiment avait opposé à ces mêmes manifestants. Manifestants de Bab-ElOued, de Saint-Eugène et des Hauts d’Alger, qui ont conféré une réalité révolutionnaire à
cette journée du 24 janvier 1960.
Il fallait aussi prendre un contrôle réel et parfaitement organisé, de l’aéroport de Maison
Blanche, et surtout du port d’Alger. L’UT Orléans-Marine aurait dû se charger de
l’occupation et du contrôle des structures portuaires.
C’est plus de 30.000 hommes en arme qui auraient pu être enrégimentés à Alger. Qui auraient
participé à l’action, au chant de la Marseillaise et des Africains. Cet enthousiasme populaire
devait être communiqué, « parce que c’est dans la logique des choses » aux unités militaires
tièdes, irrésolues, velléitaires peut-être, mais qui avaient toutes besoin d’une poussée
d’enthousiasme, pour s’y incorporer elles-mêmes. Les musulmans de la Casbah auraient
défilé, eux-aussi, avec le drapeau tricolore et se seraient ralliés en masse au général Challe.
B/ A ORAN
24
ZSA : Zone Sud-Algéroise
25
ZOA : Zone Ouest-Algéroise
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L’immense erreur fut d’expédier Argoud à Oran, avec ces deux magnifiques régiments
qu’étaient le 18ème RCP, et le 14ème RCP. Le colonel Leconte du 14ème, le colonel Masselot du
18ème étaient des officiers d’une immense valeur.
Je tiens à souligner que Masselot était natif comme moi, de Bougie, dont le port avait été
construit sous l’autorité technique de son père. On peut donc dire que dans le cœur de ce
putsch, il y avait au moins deux Bougiotes, mon aîné le colonel Masselot, le brave des braves
et Jean-Claude Perez, médecin engagé dans le combat clandestin pour l’Algérie française
depuis le 5 octobre 1955. A travers ce souvenir, c’est un hommage à la Petite Kabylie que je
lance par ce rappel.
J’ai dit, je viens de dire, qu’il ne fallait surtout pas expédier Argoud à Oran. J’ai même précisé
le rôle qui aurait dû être le sien à la tête du corps d’armée d’Alger. Certes, cet officier avait
établi des contacts extrêmement précieux avec des officiers d’Oranie. En particulier avec le
colonel Brothier qui commandait la légion étrangère à Sidi Bel Abbès. Avec d’autres officiers
commandant de secteurs et d’unités prestigieuses qui opéraient en Oranie. Nombreux étaient
ceux qui s’étaient engagés sur l’honneur à se rallier au général Challe dès les premières heures
du putsch. Mais, plus que tout, c’était l’appui du général Le Pouilly, commandant du corps
d’armée d’Oran qui semblait acquis au colonel Argoud. Il semble que c’est l’épouse de ce
général qui réussit à le faire douter. Celui-ci ne tint pas parole, à l’instar des autres. Il
exprimera ses regrets plus tard… trop tard.
Argoud, au-delà de son intelligence et de ses compétences, n’était pas un officier
révolutionnaire. Il s’est contenté d’obéir strictement aux ordres du général Challe et de
satisfaire aux desiderata de Denoix de Saint-Marc, commandant le 1er REP, qui avait refusé,
avec obstination, toute participation de civils à ce putsch, qu’il voulait exclusivement
militaire.
Qui aurait dû prendre la tête du putsch en Oranie ? C’est évident. C’était le général Edmond
Jouhaud. Natif d’Oranie, il aurait été suivi par ses compatriotes Oraniens, avec
enthousiasme.
En réalité, c’est lui que les Oraniens attendaient.
C’est lui qui aurait dû arriver à Oran avec ces deux régiments, le 18ème et le 14ème RCP.
C’est lui qui aurait dû prendre l’initiative, même contre les ordres de Challe, d’appeler à la
mobilisation générale toutes les UT d’Oranie, c’est-à-dire d’Oran, de Sidi Bel Abbès, de
Mostaganem, de Mers-el-Kébir et de toutes les autres cités de cette province.
Avec l’aide des leaders de l’Algérie française d’Oran, avec mon vieux copain Yvan Santini en
particulier, parmi d’autres, la population d’Oranie l’aurait suivi. Une population riche
d’enthousiasme et de vigueur dont l’Algérie française ne pouvait pas se passer.
Cette confiance que j’avais dans le peuple d’Oranie, je rappelle que je l’avais manifestée en
public à Saint-Eugène, tout près d’Oran, en automne 1959. J’avais souligné lors de ma brève
intervention, combien le peuple d’Oranie par sa vigueur, et son potentiel d’actions, était
indispensable au sauvetage de l’Algérie française.
Jouhaud aurait dû mettre en route ce qu’il fallait faire en même temps dans l’Algérois. La
mobilisation des UT. Organiser l’amalgame avec ses deux régiments. Les transformer en deux
divisions et prendre le pouvoir dans tous les départements de l’ouest Algérien. Le général De
Pouilly se serait rallié, dans le cas contraire il aurait été facile de le neutraliser. Le colonel
Brothier qui commandait à Sidi Bel Abbès aurait vu ses unités ressentir l’enthousiasme de la
patrie en danger. De nombreux sous-officiers de la légion étrangère avaient fondé des familles
en se mariant avec des filles d’Oranie et ne demandaient qu’à s’incorporer au combat. La
sauvegarde de la patrie était un cri de guerre contagieux et je ne vois pas les Oraniens rester
les bras croisés devant l’appel du général Jouhaud, leur frère de terroir.
66
C/ DANS LE CONSTANTINOIS
Avant toute chose, il faut apporter une précision : ce que nous venons de décrire, c’est-à-dire
ce qui aurait dû se passer dans l’Algérois et en Oranie, en 24 heures, aurait été contagieux
pour l’ensemble des départements voisins de l’est algérien. Le général Gouraud, commandant
le corps d’armée de Constantine, s’est rallié au putsch. Il lui appartenait de prendre les mêmes
dispositions que celles qui auraient été prises dans cette merveilleuse éventualité par les
putschistes d’Alger et d’Oran.
Il disposait en particulier, et il ne fallait surtout pas la négliger, de l’adhésion active d’un
officier général des Tirailleurs algériens, qui ne demandait qu’à se rallier avec ses troupes, à
une opération de sauvetage de l’Algérie française.
Le général Challe aurait dû se servir de cet enthousiasme et faire de l’Algérie française une
terre qui s’offrait à la France par la victoire. Car les bandes rebelles résiduelles des djebels,
auraient été isolées du peuple et auraient rallié la France, comme elles avaient été sur le point
de le faire, au moment de la fausse affaire Si Salah, au début de l’année 1960.
D/ EN METROPOLE
Le général Faure aurait dû être plus prudent. Il lui appartenait de se mettre à l’abri d’une
arrestation et de conserver des liaisons bien structurées avec les officiers métropolitains qui
s’étaient engagés à suivre le putsch d’Algérie.
Le colonel de Blignières, que je ne connaissais pas à cette époque, le commandant Cazati que
je voyais très souvent avant mon arrestation à Paris, avaient établi tout un échelon de contacts
qui normalement, auraient dû se manifester au moment du putsch. Mes camarades parisiens,
Descaves, Lauzier, Jourdes, ont tout tenté pour mettre en route une opération parisienne qui
psychologiquement, aurait été payante.
J’avais prévu avec un groupe de patriotes, de la paroisse Saint Léon du XVème
arrondissement parisien, que seraient déclenchées des opérations de sabotage visant à
interdire à De Gaulle d’apparaître à la télévision. Ce groupe, organisé à partir de la rue
d’Ouessant, avait envisagé aussi une opération-commando sur la personne du général De
Gaulle.
De tout ce qui était prévu, rien ne fut amorcé parce que le putsch d’Algérie s’est rapidement
essoufflé. L’enthousiasme n’a pas été communiqué parce que des officiers d’active,
indiscutables héros, avaient méprisé le peuple français d’Algérie et lui avaient refusé de jouer
son rôle dans le sauvetage de l’Algérie française.
C’était la France, l’Occident qu’il fallait sauver du naufrage devenu chronique aujourd’hui.
Naufrage qui les menace en permanence depuis la défaite française du 19 mars 1962.
Naufrage organisé, conçu et mis en route par De Gaulle que « des chasseurs de têtes » avaient
mis en place dès le printemps 1940, pour servir en temps voulu les perspectives désastreuses
du capitalisme financier moderne.
J’ai exposé ce qui, à mon point de vue, et en le relatant très schématiquement, aurait dû
constituer le déroulement du putsch d’Alger. Il s’agit aujourd’hui, objectera-t-on et pour
beaucoup d’entre vous, d’une vue de l’esprit. Mais sachez qu’en ce qui concerne l’Algérois et
l’Oranie, j’avais fait part de ce projet de déroulement opérationnel à Godard, Gardes, Broizat,
Sergent et Cazati, ainsi qu’à tous mes camarades parisiens qui sont intervenus dans notre
combat.
Je l’avais fait au mois de mars 1961, toujours avenue Pierre 1er de Serbie à Paris, dans
l’appartement de cet ophtalmologiste parisien qui, lui aussi, connut les « joies » de la Santé,
pour avoir défendu l’Algérie française à Paris.
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Beaucoup d’autres métropolitains connaîtront plus tard le « bonheur » de la prison et de l’exil.
Merci à tous ces compatriotes lointains, à qui je tiens, une fois de plus, à transmettre un salut
de frère d’arme.
V – CHAPITRE DE CONCLUSION…. QUEL DOMMAGE !
La guerre d’Algérie, aujourd’hui encore, voit son identité méconnue par la majorité de ceux
qui s’y réfèrent.
Ce fut avant tout, une guerre de religion, aux perspectives extra-algériennes négligées, ou
plutôt volontairement passées sous silence par le monde occidental.
Ces perspectives extra-algériennes avaient été cependant clairement précisées en langage
dépourvu d’équivoque, en 1957, par le chef FLN Larbi ben M’Hidi, lorsque peu avant sa mort
il déclara :
« Vous voulez la France de Dunkerque à Tamanrasset, je vous prédis, moi, que vous aurez
l’Algérie de Tamanrasset à Dunkerque. »
Prévision « impérialiste » avant tout qu’il faut rappeler maintes et maintes fois, de la part d’un
combattant courageux qui prenait soin de nous avertir.
Prévision qui nous délivre le moyen de bien comprendre, entre autres choses, les intentions
des promoteurs et exécuteurs français de l’abandon de l’Algérie française. Nous en détectons
deux, antagonistes pour certains, rigoureusement complémentaires pour d’autres.
La première de ces deux intentions, est riche d’imprécision. Celle-ci illustre pour une grande
part, le comportement du monde français, rallié à De Gaulle. C’est-à-dire du monde français
qui applaudit, aujourd’hui encore, à la mort de l’Algérie française, parce que c’est « le
général » qui l’a imposée, et uniquement pour cette raison.
Ce monde politique, altéré dans ses facultés de jugement à cause du gaullisme, a oublié et
oublie encore, que l’histoire est avant tout « mouvement ». Ils n’ont pas voulu croire au feedback négatif, et surtout désastreux, que la France allait subir.
En effet, l’évacuation du christianisme d’Algérie par le « fer » c’est-à-dire par la force, allait
faire naître tout logiquement un courant d’imprégnation islamiste orienté dans le sens de
l’évacuation du christianisme, c’est-à-dire du sud vers le nord.
Mais, aujourd’hui encore, ils refusent d’accepter leur responsabilité dans cette nouvelle
imprégnation. Ils contribuent, par l’intermédiaire de la fidélité au néant ou plutôt à
« l’insubstance » gaulliste, à accepter l’islamisme en le mettant à la mode.
La deuxième intention s’oppose catégoriquement à la précédente.
Une fraction non négligeable d’entre eux avait prévu ce feed-back. En toute connaissance de
cause, ils ont contribué volontairement à mettre en œuvre une déchristianisation de la France
et de l’Europe. Dans cette perspective opérationnelle, ils ont importé la révolution islamiste à
l’échelon de la France, de l’Europe et de l’Occident tout entier. Ils ont prétendu faire de ces
territoires, dans un avenir reculé certes mais pas très lointain, les nouveaux sites de la
révolution mondiale. De la révolution arabo-islamiste fondamentaliste. Animés de la volonté
de vaincre une fois pour toute, le christianisme et tout particulièrement le catholicisme.
Une fois de plus, il ne faut pas perdre de vue le crédo de Ben M’Hidi auquel ils ont adhéré
sans réserve. Ce crédo, tel que nous l’avons rappelé, exprime une donnée fondamentale de ce
feed-back :
« Vous aurez l’Algérie de Tamanrasset à Dunkerque »,
Il aurait pu ajouter jusqu’à Madrid, Amsterdam, Stockholm, Varsovie, Londres, et plus
encore.
68
Nos convictions politiques étaient certes rudimentaires. Mais elles étaient basales. J’emploie
ce qualificatif dans son sens géométrique : à la base de notre volonté de combattre, nous
trouvions la France. La seule France. C’est elle qui nous unissait, quelles que fussent nos
origines et nos religions respectives. Le drapeau, la Patrie, la France, nous n’avions que ces
mots à la bouche.
C’est par la magie de ce mot, « la France », que je me suis laissé prendre, dès 1955, au
charme et à la folie de l’action. Par amour de l’Algérie. Parce que c’était un morceau de
France.
Aujourd’hui, j’ai franchi généreusement le seuil de la première vieillesse. J’affirme que rien
ne m’incite à modifier mes convictions d’hier. Je me suis laissé prendre, sans effort, avec
volupté même, à l’envoûtement de l’Algérie française. Je me suis laissé happer par l’odeur
obsédante d’enthousiasmes dangereux.
S’agissait-il d’enthousiasmes illusoires, trompeurs ?
En toute objectivité je persiste miraculeusement dans un état d’esprit qui me permet de
répondre par la négative.
Il n’en reste pas moins vrai, je le souligne aujourd’hui encore avec amertume, que ces
enthousiasmes n’ont pas été partagés par une fraction importante de nos compatriotes de làbas.
J’évoque évidemment nos compatriotes pieds-noirs qui, dans une très forte proportion, sont
restés étrangers au combat. Terrible solitude vécue et ressentie au sein de ces enthousiasmes
par les combattants de l’Algérie française !
Solitude génératrice dès le début de l’action, d’une agonie intérieure que j’ai souvent
ressentie. Celle-ci s’est confirmée par la suite, chez moi, sous la forme d’une amertume qui
j’éprouve encore. Ce qui permet de comprendre que la manière qui est la mienne d’évoquer
l’Algérie française à jamais disparue, me situe une fois de plus, aujourd’hui encore, à part des
autres.
Je refuse de retrouver notre Algérie française d’hier dans l’Algérie d’aujourd’hui.
Je refuse d’y rechercher des racines qui elles-aussi, ont disparu lorsque j’ai quitté l’Algérie.
L’Algérie française, je la vis comme une Atlantide, c’est-à-dire comme une valeur abstraite,
donc permanente, que rien ne pourra jamais plus atteindre. Elle représente la cause de mon
engagement dans la lutte armée. J’ai joué pour elle ma liberté, mon confort matériel, ma vie et
plus encore j’ai joué mon âme. Je refuse que l’Algérie devienne un jour l’objet de ma
malédiction.
Oui, l’Algérie Française s’identifie à une valeur permanente, à ce qu’un pape avait appelé
« une vérité incluse par Dieu dans la nature des choses ». Une vérité combattue avec une
férocité sournoise par le gaullisme déstructurant
L’Algérie Française reste aujourd’hui encore, une plateforme d’études à partir de laquelle je
peux comprendre l’histoire du monde actuel. Monde actuel, monde moderne, au milieu
duquel s’est élaboré puis implanté le problème qui fut le nôtre hier, qui est le nôtre
aujourd’hui, et que personne ne peut escamoter. Le problème de l’Occident chrétien… en
danger.
L’astre à jamais éteint « Algérie française » nous transmet encore une lumière qui n’est pas
épuisée. Tant pis pour les aveugles qui ne veulent pas tirer profit de cette lumière. Tant pis
pour les hommes politiques qui l’ignorent, parce qu’ils sont plongés dans un autisme
politique dont ils refusent de s’extirper.
J’ai adoré l’Algérie française et ses multiples visages.
Son université sérieuse, brillante, parfois perverse et traîtresse.
La casbah d’Alger avec ses charmes maléfiques et nauséabonds. Grouillante de conjurations
mortelles. La casbah, une place forte de l’ennemi, fonctionnant sur nos arrières, repaire de
haines et de malédictions.
69
Bab-El-Oued, secouée de ses sincérités spontanées avec son cœur « gros comme ça » où la
France vivait passionnément dans tous les recoins de ce quartier plein de couleurs et parfois
secoué de violences ultimes.
La campagne algérienne, arrachée par nos colons à un néant pestilentiel. Campagne
algérienne magistralement organisée par ces mêmes colons. Un exploit, qu’hypocritement on
s’est empressé d’oublier. Exploit riche de la mort d’enfants et de nourrissons qui ont
succombé au paludisme, aux fièvres. Pour ne retenir que les orgueilleuses allées d’orangers,
les champs de céréales âprement défendus contre climat et sauterelles. Ou encore les
vignobles resplendissant d’une capiteuse richesse.
Le temps a passé. Le recul d’un demi-siècle que m’a miraculeusement octroyé un destin
généreux m’offre une possibilité : celle d’étudier le phénomène historique Algérie française
avec sérénité. Vivrai-je assez longtemps pour l’étudier un jour avec indifférence, avec
détachement ? Je ne le crois pas.
Ferveur, mépris, rancune, haine, regrets, déception…. Tout se mélange encore.
A propos de la guerre d’Algérie, il m’arrive trop souvent d’écrire ce qui me passe par la tête.
Pardon Jean-Jacques de Genève26, ce sont les rêveries non pas « d’un promeneur solitaire »
mais plutôt celles d’un exilé perpétuel.
En exil on dispose d’une immense richesse : c’est le temps. J’ai connu l’exil. J’ai connu la
situation d’un homme qui était refusé dans tous les pays du monde jusqu’en 1966. Sauf au
Paraguay qui m’avait offert l’asile en 1963 mais qui attendait de moi des fonctions
incompatibles avec ma qualité de Français.
J’ai eu le loisir durant cette période de ma vie, malgré mes ennuis matériels, malgré mes
recherches perpétuelles d’argent pour moi et avant tout pour les autres, de réfléchir en me
laissant imprégner, malgré le temps qui passait, par les émanations du corps encore tout chaud
de l’Algérie française.
Ce n’était pas de la nostalgie. C’était plutôt la volonté de savoir et de comprendre.
En réalité, grâce à cette mémoire exclusivement sensorielle, mais enrichie, étoffée de
nouvelles connaissances, c’est pendant mon exil que je suis né. C’est pendant mon séjour
espagnol que ma conscience politique s’est développée. Pragmatiquement. Grâce aux contacts
universels dont j’ai eu la chance de bénéficier. Avec des hommes politiques, des personnalités
militaires, des écrivains, des fonctionnaires de police de très hauts grades et de tous pays. Des
membres des services spéciaux espagnols, américains et latino-américains. Ils m’ont fait
profiter de leur savoir. Ils ont apporté leurs lumières complémentaires sur le drame que nous
avons vécu en Algérie.
Parmi tous ces contacts, nombreux étaient ceux qui évaluaient, très logiquement mais surtout
silencieusement, le départ de la France d’Algérie, comme une défaite militaire infligée à notre
pays, à l’Europe et à l’Occident. Ils n’en parlaient pas parce que la bienséance politique et
diplomatique imposait de faire silence sur cette vérité. Sur cette évidence. Ils m’ont fait
toucher du doigt, cependant, tout un capital de vérités que j’avais mal perçues ou plutôt que je
m’interdisais d’exprimer :
Vous vous imaginiez à l’OAS, avoir derrière vous le monde chrétien ? C’était faux !
Vous vous imaginiez avoir derrière vous la France résistante et patriote ? C’était faux !
Vous vous imaginiez avoir derrière vous la France catholique ? C’était faux !
Vous vous imaginiez avoir derrière vous l’armée française ? C’était faux !
Vous vous imaginiez avoir derrière vous le peuple pieds-noirs tout entier ? C’était faux !
Votre structure de combat, l’OAS, était seule au monde.
26
Jean-Jacques de Genève : Jean-Jacques Rousseau
70
Malgré cet isolement, malgré cette terrible solitude, elle n’a jamais été ridicule. Elle a
intrigué tout d’abord. Puis elle a fait peur. Elle a obligé le monde occidental à se renier, à se
trahir lui-même.
Aujourd’hui, la communauté internationale, dans l’exil que vous êtes en train de vivre, vous
impose de vous taire, de vous replier sur vous-même. Mais en réalité, regardez-les bien : qui
vous donne la chasse ? Qui prétend vous tuer, ici en Espagne, en 1963 ? Personne.
Ils sont lâches, non pas parce qu’ils vous épargnent mais parce qu’ils n’osent pas vous dire
ce qu’ils ont envie de vous dire en réalité et que nous vous disons nous, aujourd’hui : quel
dommage que celui de votre échec !
Voilà ce que j’ai entendu dire des centaines de fois : quel dommage !
Il m’est arrivé durant mon exil espagnol, de rencontrer quelques Pieds-Noirs qui avaient
côtoyé notre combat, en refusant de s’y incorporer. Qui se permettaient de nous juger, sans
nuance. Sans amour. Qui parfois, nous toisaient ou plutôt me toisaient comme un reliquat
gênant d’un passé qu’ils ne voulaient plus connaître. D’un passé qu’ils n’avaient pas connu en
réalité.
Ils évoluaient en toute méconnaissance des dangers que nous avions courus. Et dans le
domaine des risques pris, permettez-moi d’insister tout particulièrement sur les miens.
Alors quoi ? C’était pour ça que j’avais tourné le dos à une vie qui aurait pu être facile et que
beaucoup m’enviaient ? C’était pour ça que j’avais donné des ordres de tuer ? C’était pour ça
que j’avais joué mon âme ?
J’ai répondu non. Evidemment.
Mais j’ai éprouvé une nécessité mordante : reconstruire, restructurer ma conviction « Algérie
française ». J’ai voulu analyser l’aliment de cet instinct qui m’avait jeté dans le combat
clandestin dès mon retour à la vie civile en octobre 1955. De cet instinct qui m’avait inspiré
pour faire campagne en faveur du NON au référendum du 28 septembre 1958. Un instinct qui
m’avait propulsé dans la mêlée, un instinct profond exprimé et vécu en termes de refus de la
mort, en termes de refus de la capitulation.
Nos ennemis avaient raison. Oui, ils avaient été frappés par la grâce opérationnelle lorsqu’ils
nous ont proposé : la valise ou le cercueil.
C’était le seul choix qui s’imposait à nous. J’ose le dire encore et encore.
Ou bien notre valise, ou bien le cercueil…. de nos ennemis.
L’équation était simple. En réalité, elle n’existait plus car elle était résolue dès sa formulation.
Si nous voulions éviter de faire notre valise, il fallait nous préparer à faire descendre au
cercueil ceux-là même qui nous menaçaient, qui nous proposaient la mort comme seconde et
définitive alternative. Ceux qui exigeaient la mort partielle de la France en Algérie. Ceux qui
voulaient imposer la mort de la France Sud-Méditerranéenne.
Nous avons néanmoins fait notre valise et nous avons survécu. Ce qui peu paraître
inconvenant, inesthétique. Ce qui l’est effectivement si nous restons silencieux.
Connaître et contrôler le passé de l’Algérie française, ce n’est pas devenir un introverti
mélancolique. Ce n’est pas se soumettre à une confession, à une autocritique publique.
Contrôler le passé de notre combat impose deux nécessités permanentes :
- sur le plan géopolitique démontrer que ce sont les crispations confessionnelles
implantées en Algérie par un pouvoir constamment et obsessionnellement antichrétien,
qui ont conduit cette terre vers son exclusion de la France et de l’Occident
géopolitique,
- sur le plan plus direct de notre participation au combat, de la mienne en particulier,
assumer ses responsabilités aujourd’hui encore.
En ce qui me concerne, je dois assumer la responsabilité des actes de guerre de l’OAS. C’est
une obligation qui nait de mes fonctions à l’échelon le plus élevé de la hiérarchie
71
opérationnelle de l’OAS. D’après le général Salan, que je me permets de citer, je fus « pilier
du combat pour l’Algérie française ».
C’était ceci, avant tout, être « le chef de l’ORO27 » à l’échelon national : prendre la
responsabilité de tout ce qu’il est difficile d’assumer aujourd’hui.
Cette responsabilité, je l’assume encore pour deux motifs au moins :
- le premier, c’est pour rendre hommage à tous ceux qui ont participé à notre combat ;
- le second, c’est pour dire de ceux qui furent nos victimes, que nous ne les avons pas
agressées par plaisir ou par sadisme.
Je n’ai jamais nourri d’ambitions politiques pour moi personnellement. Je me suis engagé
dans ce combat avec des idées claires et précises de ce que nous avions à défendre. Je l’ai fait
par amour de cette terre. Je l’ai fait parce que c’était mon devoir de Français et de Pied-noir.
Je ne me suis jamais posé de problème : la France était attaquée, en Algérie, sur l’une de ses
plus larges frontières, je devais défendre la France. C’était normal, c’était banal.
Qu’on ne s’y trompe pas. Cette absence d’ambition carriériste n’a pas fait de moi un
inconscient, un arriéré mental, ou tout banalement un imbécile.
On dit souvent, que « seuls les cons n’ont pas d’ennemis ! ». En ce qui me concerne, si je
devais évaluer mon QI par rapport au nombre de mes ennemis, je pourrais être rassuré quant
au niveau de ce QI.
Le refus obstiné de l’Algérie française fut révélateur en réalité, d’une volonté stratégique :
créer les conditions d’une confrontation inéluctable entre le monde islamiste et le monde non
musulman. Avant toute chose, pour nos ennemis, il a fallu vaincre le christianisme en Algérie.
On l’a effectivement vaincu, là-bas en attendant de le vaincre ici au nord de la
Méditerranée.
Les hommes politiques contemporains refusent d’enregistrer cette identité de la guerre
d’Algérie. Ils côtoient, ils subissent, ils observent parfois la révolution islamiste
fondamentaliste sans faire l’effort de l’analyser. Ils ne sont pas en mesure de l’affronter, parce
qu’ils ne jouissent pas de la richesse intellectuelle et spirituelle qui leur permettrait de la
comprendre. Ils exhibent tout au contraire une carence d’informations et une carence
d’inspiration qui les situent en permanence à côté de cette révolution.
Nous, les anciens du combat pour l’Algérie française, tirons encore profit de la lumière
générée par l’astre que fut l’Algérie française. C’est cette lumière qui nous permet d’éviter
une plongée dans l’autisme politique ambiant et actuel.
Que l’on se serve de notre vécu. Nous vous l’offrons en toute sincérité et en toute humilité. Ce
fut un combat symbole, un combat avertisseur.
C’était le temps de l’Algérie française.
Une grande page d’histoire que je refuse de tourner à jamais. Car elle est « riche d’hier »
mais surtout riche « riche de demain ».
Et le putsch d’avril 1961 vient ternir d’une ombre presque puérile, cette magnifique
page que fut l’histoire de l’Algérie française.
Jean-Claude Perez
Le 17 février 2011
27
ORO Organisation du Renseignement et des Opérations
72
ETUDE 50.43
A propos de la SOUMISSION tactique de De Gaulle au parti
communiste…
…en A.F.N. (1943-1944)…
…l’affaire PUCHEU…
…début de l’accomplissement de l’assassinat de la France SudMéditerranéenne
CHAPITRE I
Le gaullisme, pierre philosophale politique des « bien-pensants » modernes
Comment envisager une étude du drame, vilainement sordide et historiquement très
significatif, que fut l’affaire Pucheux, si ce n’est en faisant l’effort de la situer dans la
dynamique historique de son accomplissement (1942-1944) ?
Je vais reprendre dans un premier temps, quelques propos rapportés par mon frère d’armes et
condisciple des lycées d’Alger, François Vernet.
Il faut s’affranchir, quand on évoque l’Algérie française, d’une mauvaise habitude : celle de
recourir à une terminologie tout banalement salonnarde. Terminologie qui traduit en réalité
une oligophrénie28 collective dont souffre chroniquement le monde politique français et
européen… tout au moins. Monde politique au sein duquel continue de s’exprimer avec
constance et avec outrance, un « must » perpétuel. Le must gaulliste, la référence nécessaire à
De Gaulle. De l’extrême droite à … l’extrême opposée.
A quel niveau rudimentaire d’âge mental sont parvenus grand nombre de nos contemporains
pour, aujourd’hui encore, se référer en dernier et inutile recours, à l’ignorant de tout qu’était
De Gaulle ?
Pourquoi s’entêter à rechercher encore des réponses à des questions dépourvues d’intérêt
majeur, comme celle-ci par exemple :
« Quelle fut la pensée maîtresse de De Gaulle, pendant la seconde guerre mondiale ? »
Pourquoi gaspiller son temps dans un effort inutile : attacher du prix à des commentaires que
l’on entend formuler parfois dans le récitatif pieux et soumis des gaullistes persévérants,
entêtés et complément décérébrés ?
Il ne s’agit, en cette occurrence, que d’une attitude de recours ultime, observée par ceux qui
peuplent encore une intelligentsia affectée, hélas pour elle et pour nous, d’une redoutable,
parce que sénile, longévité.
On a vu récemment un homme politique de la Vème, parangon de l’élégance sportive et
vestimentaire, qui s’estime présidentiable et qui s’est attribué une compétence exclusive de
28
Oligophrénie : déficience mentale globale
73
diriger la France désormais, faire précéder chacune de ses propositions de la précaution
verbale et dogmatique suivante : « en tant que gaulliste… ».
De Gaulle, c’est encore pour lui le sésame qui ouvre les portes du pouvoir.
« En tant que gaulliste », voilà la pierre philosophale idéologique qui va conférer au
crétinisme politique, la possibilité de se transmuter en comportement politique d’avant-garde
et de sauvegarde.
A Alger, De Gaulle, soumis aux communistes par nécessité, pour écarter voire éliminer le
général Giraud, bénéficia néanmoins et en tout premier lieu de l’appui préalable, efficace, et
surtout décisif d’un faisceau d’énergie droitière.
Mon camarade et frère d’armes Jean-Marc Chef, dans son remarquable travail « De Gaulle et
le Sens de l’Histoire », cite Alain Decaux. Je rappelle cette citation en substance :
« Alain Decaux raconte, comment s’est déroulé le ralliement d’une partie de l’action
française à De Gaulle, dans l’espoir d’une restauration… le Comte de Paris, toujours en
réserve de la monarchie, était en étroite relation avec les milieux gaullistes d’Alger lors de
l’affaire Darlan. On faisait espérer un retour du roi ».
Comme il est rappelé aussi dans le numéro 193, février 2011, du mensuel « Pieds Noirs d’hier
et d’aujourd’hui » :
« .. Dans tous les camps de la gauche à la droite la plus dure, il se trouve des hommes
politiques … pour revendiquer l’héritage du gaullisme… »
Et l’auteur, non révélé de cet article rappelle que :
« De Gaulle est entré 119ème sur 221 à Saint-Cyr en 1908, promotion dont le major fut le futur
maréchal Juin ».
Le maréchal Juin, qui après avoir été capturé et enfermé par les conjurés du 8 novembre 1942
à Alger, fut libéré, manu-militari, par un officier, le commandant Dorange.
Ce qui offrit l’occasion pour le général Juin, commandant la totalité des forces françaises en
A.F.N. en 1942, de se soumettre à De Gaulle avant l’arrivée ultérieure et programmée de
celui-ci à Alger.
La conjuration d’Alger du 8 novembre 1942 !
Evoquons-la, une fois de plus, si vous le permettez.
Après avoir neutralisé Juin politiquement, après l’avoir pris en mains, en gardant en réserve la
participation du général Juin à la conférence de Berlin du 20 décembre 1941, présidée par le
maréchal Goering, ils vont s’employer d’urgence à éliminer Darlan.
Un officier de marine, retraité, avec lequel j’ai établi un contact personnel il y a deux ans,
aujourd’hui très âgé, m’a confié qu’au moment du débarquement allié en A.F.N. le 8
novembre 1942, Darlan avait téléphoné au maréchal Pétain à Vichy, pour lui demander de
rejoindre immédiatement Alger. D’après mon interlocuteur qui en 1942 avait été
l’interlocuteur de Darlan, et dont je ne puis me permettre de révéler l’identité, la réponse de
Pétain à Darlan fut celle-ci en substance :
« Si vous me garantissez que 200.000 soldats américains sont sur le point de débarquer en
A.F.N., j’arrive ! »
La réponse de l’amiral :
« Non. Pour le moment, une division américaine va débarquer. Elle est commandée par le
général Clark ».
« Alors je reste ici… Je dois partager les souffrances du peuple et limiter, dans la mesure de
mes possibilités, les drames que nous allons connaître ».
Je n’ai aucune raison de douter de la véracité, dans leur fond, des propos rapportés par cet
officier de marine. D’autant plus qu’ils confirment ce que le commandant Botella m’avait
affirmé en 1974 à Argenteuil. Le commandant Botella, ancien officier parachutiste SAS, fut
74
un résistant opérationnel contre l’occupant de la première heure et en tant que spécialiste du
renseignement, on doit accorder un crédit total à son affirmation.
La conjuration gaulliste était ainsi mise en place à Alger, sous couvert d’une restauration des
Orléans. D’un projet allégué et trompeur d’une restauration monarchique.
C’était très souvent rue Ampère, dans le centre d’Alger que se réunissaient les conjurés
monarchistes, qui se soumirent à De Gaulle, parce qu’il leur avait été promis un retour aux
affaires du Comte de Paris. Retour dont De Gaulle allait être l’instrument. Ils n’hésitèrent pas,
en conséquence de cette soumission, à aller jusqu’au bout de leur crime contre la France et
contre l’Algérie française. De leur crime contre l’Occident. L’excuse de l’ignorance ne doit
pas être retenue en faveur de ces comploteurs. Ce serait trop facile.
Après avoir neutralisé le général Juin sur le plan politique, Juin qui, ultérieurement ne fera
jamais rien contre De Gaulle, ils ont fait assassiner l’avant dernier obstacle à la prise du
pouvoir par De Gaulle. Ils ont assassiné l’amiral Darlan, en décembre 1942.
Des patronymes très connus comme Faivre et Rosfelder, se sont illustrés au cours de cet
assassinat d’inspiration gaulliste, de Noël 1942.
Et lorsque je posai la question à l’un d’eux, c’était à l’Algérienne de Paris, à l’occasion de la
signature de mon premier livre « le Sang d’Algérie » en 1992, Faivre me répondit :
« Nous craignions que, rejeté par les anglo-saxons, De Gaulle rejoignît l’URSS ! »
Il fallait à tout prix que De Gaulle, d’après eux, restât dans le camp occidental ! Pousser
l’oligophrénie politique jusqu’à ce point, c’est une véritable performance.
Le plan opérationnel, en 1942, s’étale devant nous :
1.
On tue Darlan et les patronymes que j’ai évoqués ont participé directement à cet
assassinat. En véhiculant l’auteur de l’assassinat, Bonnier de la Chapelle, sur le lieu du crime.
2.
On marginalise le général Giraud qui faillit, lui aussi, être victime d’un attentat
gaulliste.
3.
On neutralise Juin préventivement. Juin que Bidault essaya de tirer d’affaire à partir
du Ministère des Affaires Etrangères en 1946. Bidault s’employa à faire rechercher, dans les
archives du Quai d’Orsay des documents établissant les relations entre le général Juin et le
général allemand Warlimont.
4.
Le bonheur pour la France allait se déployer, avec éclat, désormais :
- De Gaulle, pris en mains par les communistes à Alger en 1943, qui vont le
soutenir contre Giraud,
- ultérieurement, les lynchages de la libération,
- puis tout logiquement, plus tard, l’assassinat de la France SudMéditerranéenne, accompagné du lynchage des Harkis, du massacre d’Oran,
du drame de nos disparus, de nos soldats éventrés, émasculés, des prisonniers
de guerre qui ne furent jamais rendus à la France et qui ne furent jamais
réclamés par la France.
Une illustration parmi les plus éclatantes et surtout les plus déterminantes de cette
conjuration, ou plutôt de cette malédiction gaulliste fut l’assassinat de Pucheu.
C’est-à-dire : l’assassinat commandé par les gaullo-communistes algérois d’un homme qui
faisait partie en réalité de la même conjuration synarchique que ces mêmes conjurés
synarquo-monarchistes d’Alger, qui avait fait tuer Darlan.
Des synarquo-monarchistes illustrés par les patronymes que j’ai évoqués et qui ont tenu, en
toute servilité, à participer à l’assassinat de Darlan en décembre 1942 : d’Astier de la Vigerie,
Faivre, Rosfelder, Lemaigre-Dubreuil, l’abbé Cordier, Jean Girault…
75
CHAPITRE II
L’affaire Weiss – Pucheu – PCA – De Gaulle
Nous sommes quelques uns à connaître le général d’aviation Weiss.
Celui-ci, sur l’ordre du ministre communiste Tillon et du gouvernement provisoire de la
République française présidé par De Gaulle, a fait donner l’aviation, nos bombardiers
Douglas en l’occurrence contre les rebelles Kabyles.
C’était le 8 mai 1945, lors des émeutes des Hauts-Plateaux Sétifiens, de Sétif et de Guelma.
Emeutes vécues et connues dans le détail de leur déroulement quotidien, voire horaire, par nos
concitoyens victimes de cette rébellion.
Mais, paradoxalement, méconnues, plus encore négligées, par ces mêmes victimes en ce qui
concerne leur origine.
En ce qui concerne la recherche d’une réponse à deux questions essentielles :
- pourquoi le 8 mai 1945 ?
- pourquoi « là » c’est-à-dire dans cette partie de la Petite Kabylie et de la terre
des Babors ?
Questions obsédantes pour moi. Mais curieusement, questions que je fus le seul à avoir
posées. Depuis très longtemps.
Curieusement, ces questions provoquent des réponses ou plutôt des attitudes d’une pauvreté
navrante, quand on les formule devant des concitoyens d’Algérie et plus particulièrement
devant ceux qui ont vécu ce drame.
Ces émeutes sanguinaires, prétendument « spontanées » furent « élaborées » en effet le 16
avril 1945 tout près de Constantine. C’était lors de la célébration du 5ème anniversaire de la
mort du cheikh berbère Abdelhamid Ben Baddis, né dans la capitale constantinoise en 1889.
Président de l’association arabo-islamiste fondamentaliste des Oulémas, fondée en 1931 avec
la bénédiction très laïque de la IIIème République. Il était décédé le 16 avril 1940 dans un
camp de concentration français. Il avait observé en temps de guerre, un comportement hostile
et dangereux pour la France, ce qui provoqua son internement. Il fut remplacé à la présidence
de l’association des Oulémas, « un Etat dans l’Etat » soulignent les commentateurs algériens
modernes, par son vice-président.
Il s’agissait du cheikh Ibrahim Bachir ou El Bachir El Ibrahimi, né lui aussi en 1889.
Je précise : né à Tocqueville, Ras-El-Oued aujourd’hui, en plein milieu des Hauts-Plateaux
sétifiens.
C’est-à-dire en pleine zone insurrectionnelle.
En tant que lieutenant de Ben Baddis, El Bachir, en mai 1945, était déjà astreint à résidence.
C’était à Aflou en Oranie, au sud de Tiaret. Il restait libre cependant de ses mouvements et de
ses contacts dans les limites de ces territoires, ce qui lui permit, grâce aux émissaires qui
venaient lui rendre visite depuis son terroir natal, c’est-à-dire la future zone de rébellion, de
faire célébrer le 5ème anniversaire du décès de Ben Baddis par une gigantesque cérémonie
commémorative, tout près de Constantine.
Cette cérémonie du 16 avril 1945 servit de prétexte au regroupement d’une énorme foule de
croyants, préalablement et intentionnellement conditionnés pour cette commémoration.
Au cours de cette manifestation, le fanatisme religieux atteignit des paroxysmes qui n’avaient
jamais été expérimentés jusqu’à cette date. L’appel au Jihad, la malédiction de la France,
furent psalmodiés dans une cadence infernale et pardessus tout obsédante. La haine, en cette
76
occasion fut scientifiquement « transfusée » dans les esprits. Les préparant ainsi,
biologiquement au déclenchement d’une émeute, dès que l’occasion en serait offerte.
Le 8 mai 1945, à l’appel transmis de Genève dès le 7 mai 1945 par l’émir libanais Chekib
Arslan, qui avait séjourné pendant 3 ans auprès d’Adolphe Hitler, les Kabyles se sont
soulevés, animés d’une impressionnante fureur sanguinaire. Celle-ci avait été savamment
élaborée soulignons-le une fois de plus, à l’occasion du rassemblement commémoratif des
jours précédents. Celui du 16 avril 1945 : pour le 5ème anniversaire de la mort de Ben Baddis.
Un incident violent fut provoqué à Sétif le 8 mai 1945, à l’occasion de la célébration de la fête
de la victoire. Par l’exhibition d’un drapeau nationaliste algérien. Un drapeau « providentiel »
puisqu’il fut l’occasion « attendue » du déclenchement d’une tuerie qui était espérée. Qui était
déjà planifiée.
Pour éviter un génocide de notre peuple français d’une part, des Kabyles fidèles à la France
d’autre part, le gouvernement provisoire de la République française mit en œuvre une riposte
qui prétendait par-dessus tout stopper l’émeute dans les plus rapides délais.
Qui prétendait avant toute autre préoccupation, éviter sa généralisation à tout le territoire
nord-africain français.
Emeutes rythmées par ce cri de guerre ou plutôt ce cri de haine rapporté par la presse de
l’époque et surtout volontairement oublié aujourd’hui :
« Qatlan n’sara ! » « Tuez les chrétiens ! »
Dans le cadre de ces opérations, le général Weiss fit intervenir des avions français sur ordre
de son ministre de l’air communiste Tillon, rappelons-le, provoquant 200 morts d’après les
comptes-rendus officiels.
Mais en Algérie, tout particulièrement à Alger, nous connaissions le général Weiss, depuis un
peu plus longtemps. Homme de gauche, il avait exercé les fonctions de commissaire du
gouvernement, en 1944, lors du procès Pucheu.
Celui-ci avait été, deux ans plus tôt, lâchement abandonné à son infortune.
Nous voulons dire qu’il fut purement et simplement trahi par les conjurés d’Alger.
Par ceux qui avaient préparé, là-bas, le débarquement allié en novembre 1942.
Par ceux qui, un peu plus tard, firent assassiner l’amiral Darlan, au mois de décembre de la
même année.
Ces conjurés d’Alger avaient demandé à Pucheu de rejoindre l’Algérie via le Maroc. Ils
espéraient de lui, qu’il mît ses compétences et surtout ses relations internationales au service
de la patrie occupée.
Né en 1899, ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure en section Lettres, Pucheu fut
débauché de son école par un administrateur de la société métallurgique Pont-à-Mousson,
Camille Cavallier qui se faisait appelé parfois Chevallier.
D’une intelligence riche et variée, d’une vigueur physique peu commune, Pucheu se signala
d’emblée par une voracité politique polyvalente, qui ne demandait qu’à s’exercer dans tous
les domaines. Il fut très rapidement détecté comme agent utilisable et pris en mains par le
groupe bancaire Worms. Ce groupe bancaire désigne en réalité un organisme international de
« chasseurs de têtes ». Toujours en quête de mercenaires politiques disponibles, capables de
changer de cap politique, de pavillon, du jour au lendemain, disposés en permanence à se
soumettre aux exigences de ces mêmes chasseurs de têtes.
En Algérie, se sont manifestés les derniers effets de ces chasseurs de tête en 1961, lorsque
Jacques Chevallier, l’ancien maire FLN d’Alger, mit en œuvre avec des complices connus,
une conjuration anti-OAS, au sein de l’OAS.
Pucheu, propulsé, nous nous permettons de le rappeler, dans la politique par ces chasseurs de
têtes, fut très rapidement détecté comme agent utilisable et pris en mains par le groupe
bancaire Worms.
77
Engagé dans la politique par ces recruteurs professionnels, il occupa différentes fonctions,
dans les ministères de la collaboration. Dans le but constant pour lui, de combattre les deux
ennemis qu’il haïssait : l’Allemagne et le parti communiste.
Lors de l’affaire de Syrie, en juin 1941, il prit position violemment et résolument, au cours
d’un conseil des ministres, contre la cession de Bizerte aux Allemands.
Plus tard, en tant que Secrétaire d’Etat à l’intérieur, il accepta un marchandage avec les
Allemands, à propos d’otages français à fusiller. Une décision avait été prise par le
commandement militaire occupant, à la suite de l’exécution d’un militaire de la Wehrmacht,
par des partisans. Pucheu orienta le commandement allemand vers un choix préférentiel de
communistes parmi les otages susceptibles d’être fusillés.
Et qui furent fusillés.
Pucheu passa au Maroc un peu plus tard, appelé par des conjurés d’Alger pour reprendre la
lutte contre l’Allemagne. Il fut arrêté en terre chérifienne et transféré à Alger pour y être jugé.
C’était une exigence du parti communiste algérien. Celui-ci soumit à De Gaulle le marché
suivant : faire fusiller Pucheu s’il voulait bénéficier de l’appui du parti communiste pour
éliminer Giraud.
Pucheu, depuis sa prise en mains par le groupe Worms, s’inscrivait politiquement et
philosophiquement ou plutôt avait été incorporé, dans une dynamique assez nébuleuse en
apparence. La Synarchie, ou mieux dit, le Mouvement Synarchique International. Il s’agissait
d’une société universelle, plus ou moins secrète dont il était habituel de dire que son origine
remontait au XIXème siècle, en 1865, selon certains documents. D’après d’autres sources,
sérieuses, elles-aussi, le « Synarchisme » fut le nom adopté au début du XIXème siècle par
une secte franc-maçonne dont les convictions reposaient sur le culte de l’empereur Napoléon
Ier.
Les sociétés secrètes illustrent une expression très particulière de l’intelligence de certains
hommes politiques. D’hommes qui aspirent à exercer le pouvoir dans quelque but que ce soit
et pour n’importe qui.
Elles expriment un comportement qui évoque un instinct grégaire, qu’irrespectueusement
j’appelle « l’instinct grégaire des grosses têtes ». Elles se structurent sous la forme d’étatsmajors secrets que nous assimilons à l’instar de Pauwels et Bergier, à « des centrales
d’énergies » (Le Matin des Magiciens).
Centrales d’énergies fascistes ? Communistes ?
Elles sont fondamentalement capitalistes et par-dessus tout, anti-catholiques.
Des centrales « orientatrices » le plus souvent. Entre les années 1920 et 1945, ce courant de
pensées synarchique a été officiellement classé par les services de renseignements américains
et par ceux d’autres pays dans la rubrique « Synarchisme, nazi-communisme ».
Ce mouvement, a déployé aussi bien des forces d’opposition pro-communistes que des forces
d’extrême droite, dans le but de contrôler certains gouvernements. D’autres auteurs sont allés
plus loin. Sans aucun état d’âme particulier, ils ont affirmé que la plupart des mouvements
terroristes étaient des créations synarchiques.
La Synarchie, semble bien avoir été en ultime analyse, une centrale d’énergie capitaliste. Un
appareil opérationnel du capitalisme financier. Elle semblait dirigée, en tout cas inspirée, par
de grands groupements bancaires américains très connus.
Pucheu a voulu se rendre en Algérie, appelé par des conjurés, eux-mêmes instruments
synarchiques, actifs ou passifs, conscients ou inconscients, dans le but de combattre
l’occupant allemand à un poste de responsabilité.
On comptait sur lui, indiscutable tête politique, pour barrer la route en même temps à De
Gaulle et aux communistes.
Mission qu’il aurait dû accomplir aux côtés du général Giraud, qui, c’est absolument certain,
ignorait tout de cette conjuration synarchique.
78
Son affiliation à la Synarchie n’a pas protégé Pucheu.
Bien au contraire.
De Gaulle, qui lui-même fut à un moment donné une création synarchique, le fit fusiller après
une parodie de procès, sur exigence des communistes. Ceux-ci ont voulu faire payer à Pucheu
l’exécution des otages communistes de Châteaubriant en 1941.
Les synarques d’Alger furent autoritairement contraints après ce procès, de se soumettre à De
Gaulle. De Gaulle qui, dès son arrivée à Alger, dut accéder sans réserve aux exigences des
communistes. Il en avait grand besoin pour évincer Giraud et l’éliminer éventuellement.
Pucheu fut défendu par un brillant et jeune avocat d’Alger, Jean Trape. Celui-ci, plus tard, à
partir de 1959, prit une part active au combat de l’Algérie française au sein du FNF, le Front
National Français créé en 1959 par Joseph Ortiz.
Mouvement au sein duquel je tenais un rôle déterminant certes. Mais un rôle ingrat dans le
cadre de l’action, dans le cadre de son organisation intérieure.
CHAPITRE III
Ce combat « Algérie française » était justifié. Pourquoi ?
L’Algérie française, d’autres l’ont écrit avant moi et remercions-les de l’avoir fait, fut une
merveilleuse œuvre d’art.
Il s’y mêlait peut-être, sûrement même, du naïf et du surréalisme.
C’était une œuvre d’art en gestation, encore très évolutive, qui était loin d’être achevée.
Ce que nous espérions, dans notre combat « Algérie française », c’était la parachever grâce à
une intégration sans réserve. Une intégration polarisée du nord vers le sud, en utilisant un
moyen efficace quand il est utilisé à bon escient.
Ce moyen c’est la laïcité et son corollaire logique, pour ne pas dire sa condition « sine qua
non », la sécularisation préalable de l’islam.
Il est classique et abusif surtout, d’écrire que l’islam ne peut-être concerné par la
sécularisation. Avec une conviction inébranlable, nous affirmons que celle-ci doit s’imposer
tout naturellement à sa pratique quotidienne, sur les terres où l’islam est encore minoritaire.
La sécularité, comme la sécularisation, ne sont pas synonymes d’athéisme, tout au contraire.
Il y a peu de temps encore, il était classique de bien différencier le sécularisme de la
sécularité, qui, en réalité, sont des termes de sens contraire.
Le sécularisme propose d’absolutiser la composante matérielle de la vie. Mais il refuse de la
soumettre à Dieu. Dieu qui est nié par les tenants du sécularisme.
La sécularité reconnaît la valeur des composantes matérielles de la vie. Elle ne les nie pas.
Mais elle les soumet à Dieu.
La sécularisation c’est le cheminement intellectuel, social et politique qui permet à une
collectivité religieuse d’accéder à la sécularité.
La sécularisation apparaît ainsi comme un concordat établi entre un pouvoir politique et une
collectivité religieuse qui veut s’exprimer sur le territoire qui est sous la dépendance de ce
même pouvoir politique. Donc, ce concordat, c’est-à-dire la sécularisation, confère une liberté
citoyenne à l’expression d’une religion qui doit rester citoyenne en toutes occasions.
Les conjurés permanents de la mort de la France en Algérie, ou plutôt les conjurés antioccidentaux d’inspiration gaulliste tels que nous les connaissons, ont détruit cette œuvre d’art,
encore naissante, qu’était l’Algérie française. Ils en ont interdit l’épanouissement historique.
79
Celui-ci n’aurait pas manqué de se révéler, dans un temps ultérieur, comme un facteur capital
de la paix et de la santé du monde.
L’Algérie française symbolisait en effet, un glacis géopolitique de toute première importance
entre l’Europe et le continent africain.
Un glacis de communication très ouverte dans le but d’enrichir un dialogue intelligent entre
l’Occident et le monde musulman. L’Algérie, terre de la Sainte Rencontre telle qu’elle avait
été identifiée par Ramon Llull. Terre vouée, désormais, à un avenir encore trop riche
d’incertitudes.
Ce ne sont pas les visites effectuées par un président de la République française, sur la terre
algérienne en 2005, qui atténueront notre conviction. Il y fut accueilli, en effet, par des
revendications bruyamment scandées et dépourvues d’équivoque : « Visas ! Visas ! ».
Des visas…. Pour aller où ? Pourquoi faire ?
Pour fuir l’Algérie, venir en France, à la recherche de bien-être.
Le quémander dans un premier temps.
Exiger ce bien-être dans un deuxième temps.
Dans un troisième temps, subir l’influence et les diktats de la guérilla islamiste, antioccidentale, qui exerce ses effets invasifs et protéiformes au sein de la collectivité musulmane
implantée sur notre territoire.
J’ai toujours été soutenu par une grande foi dans ma patrie. Une foi dans ce qu’elle signifiait.
Une foi dans ce qu’elle exigeait de moi. La France se révélait, à chaque instant, dans l’intimité
de ma personne, comme le point de confluence ultime de toutes mes aspirations, de tous mes
enthousiasmes.
Je sentais, je prévoyais le danger qu’elle courait si, par inconscience, on l’obligeait à
s’amputer de l’Algérie.
J’aimais l’Algérie. J’adhérais à l’Algérie française. A sa réalité historique.
Cependant, je n’ignorais pas que ma patrie s’était établie là-bas, par le biais d’une occupation
d’abord et de conquêtes successives ensuite. Conquêtes nécessaires à la consolidation de cette
occupation.
Mais j’avais enregistré que ce « droit de conquête » ne deviendrait respectable et légitime,
puis secondairement ne deviendrait indélébile et inaliénable, que dans la mesure où l’on
s’emploierait, le moment venu, à intégrer l’Algérie à la Nation française.
La Nation française, de même que les nations voisines, britannique, allemande, espagnole,
italienne, s’était construite dans la douleur, dans la cruauté, dans la sauvagerie, parfois dans
des bains de sang durant des siècles.
Intégrer l’Algérie dans la France, faire de la France une Nation présente au Nord et au Sud de
la Méditerranée, c’était le seul moyen d’enrichir historiquement, et le seul moyen de protéger
en même temps, un passé qui risquait de prêter le flanc à de redoutables condamnations.
Nous voulons dire un passé qui, après une défaite de la France en Algérie, serait rapporté et
décrit comme un passé coupable devant la pseudo-conscience internationale. Ce qui
aujourd’hui s’effectue devant nous ostensiblement et à chaque instant.
Cette condamnation de la France serait inéluctable si on refusait que l’Algérie devînt une
province française.
Oui, insistons encore : abandonner l’Algérie française inachevée, c’était exposer notre pays à
de futures accusations insultantes, blasphématoires et sans appel. La France serait soumise,
dans l’éventualité de l’abandon de l’Algérie française, au jugement de ceux qui, en
condamnant la colonisation d’abord, l’espérance déçue d’intégration ensuite, essaieraient de
mettre notre pays au banc des Nations. Officiellement. Publiquement.
Puis, par perversion intellectuelle et surtout par lâcheté, nos propres gouvernants français ne
manqueraient pas, à leur tour et pendant longtemps, de hurler avec les loups.
80
Intégrer l’Algérie, c’était l’ultime mission qu’il fallait accomplir pour sublimer et glorifier la
période préalable. La période nécessaire de colonisation. L’intégration c’était la justification
ultime de la colonisation.
L’intégration seule aurait symbolisé ou plutôt illustré le triomphe final de l’égalité. Une
égalité qui parfois exige des décennies pour être atteinte sur un territoire.
C’était, en 1955, le seul moyen de sortir vainqueur de ce présent redoutable qu’illustrait
tragiquement la guerre d’Algérie.
C’était le seul moyen de se protéger contre des lendemains maudits, qui menaceraient cette
fois le destin de la Nation française, amputée d’une terre qu’elle aurait ainsi reniée. Qu’elle
aurait dédaignée.
Futur qui s’annoncerait alourdi d’une condamnation émanant aussi et paradoxalement, d’une
nation algérienne qui oublierait qu’elle était née exclusivement du renoncement de la France.
La France, c’est la mère accoucheuse de l’Algérie. L’Algérie, y compris l’Algérie actuelle,
c’est une œuvre française, qu’on le veuille ou non.
Nous pressentions que les responsables de cette amputation ouvriraient les frontières de notre
pays à une invasion de style nouveau. Sous la forme d’un risque de mutation idéologique,
culturel, religieux et identitaire de la mère patrie. Sous la forme d’une imprégnation, souvent
pateline en apparence, mais progressivement dynamisée, progressivement fanatisée, qui
risquerait, à moyen et à long terme, de porter atteinte à la réalité profonde, à la réalité
séculaire de notre pays.
La majorité de nos concitoyens, ou pour le moins une très grande partie d’entre eux, ne se
rend pas compte qu’elle est conditionnée pour se soumettre, dans des délais relativement
proches, à la loi du « géant qui est en train de se mettre debout sur notre territoire »29, c’està-dire à la loi de l’islamisme invasif et conquérant, qui conditionne certainement le
comportement des musulmans de France.
Je m’explique : lorsqu’ils se déclarent ennemis du fondamentalisme et de l’intégrisme, ils en
subissent tout de même les effets. Ils leur arrivent de goûter parfois, à leur insu, les
enthousiasmes pervers, véhicules de mort, que ce fondamentalisme peut générer. Bercés par
de nouveaux rythmes musicaux, nos concitoyens non musulmans apparaissent prêts,
physiologiquement, à se soumettre eux-aussi, à un récitatif cadencé qui, petit à petit, modifie
le style du « parler » moderne. Cadence très rythmée, parfois accompagnée d’un balancement
rituel du corps qui finit par aliéner toute volonté de résistance. De toute évidence, ils acceptent
le risque, dans le courant du XXIème siècle, de se soumettre à l’emprise physiologique de
l’islamisme subversif, par habitude, par inertie, par mimétisme. Par résignation. Si l’on n’y
prend garde.
Echappant quant à nous, aux effets lénifiant de l’énarque logique, affichée par les promoteurs
conscients ou inconscients de cette nouvelle situation, échappant à leur agressivité sanctifiante
et à leur réprobation compatissante, nous affirmons que notre combat pour l’Algérie française
illustre notre soumission à une tentation. Oui, quand nous nous sommes battus pour l’Algérie
française, nous n’avons fait que céder à la tentation perpétuelle de l’Occident.
De l’Occident, c’est-à-dire un espace géopolitique à l’intérieur duquel la pensée chrétienne
peut s’exprimer à chaque instant et n’importe où sans risque de mort, sans risque
d’oppression.
29
D’après un Imam de la région parisienne il y a plusieurs années déjà.
81
CHAPITRE IV
Il faut transmettre, encore et encore.
Le souvenir de l’Algérie française, la véritable intelligence que nous en possédons, ne peut
pas s’exprimer tout le temps et uniquement à travers une résurgence réconfortante des
mémoires petitement enfouies, dans les replis d’une interprétation agréable et flatteuse du
passé. C’est-à-dire par l’intermédiaire d’une réactivation « exclusivement » élogieuse de notre
vécu sur la terre d’Algérie.
L’effort que nous devons accomplir exige, avant tout, d’adapter la transmission de cette
mémoire au monde actuel. Une adaptation qui soit en conformité avec une terminologie qui se
prétend révolutionnaire et qui cependant, est devenue banalement conventionnelle. Monde
actuel riche de ses nouveaux critères de cotation dans le domaine de la morale politique, de la
morale des nations… si toutefois elles existent l’une et l’autre. Il faut faire l’effort d’imaginer
la signification que les souvenirs réactivés de notre vécu, peut avoir pour une intelligence
moderne.
Le plus souvent, celle-ci rejette le passé avec mépris, avec aigreur. Mais aussi et surtout,
d’une manière péremptoire, magistralement dogmatique, irréfutable.
Une intelligence moderne, nous voulons dire une intelligence alimentée très largement, pour
ne pas dire exclusivement, de tous les reniements systématiques, de tous les reniements
banalisés.
Cette intelligence moderne ne veut plus rien savoir des valeurs de référence, génératrices des
enthousiasmes qui ont alimenté notre action. D’autant plus que cette intelligence moderne
dispose, tout au moins en théorie, d’un énorme potentiel d’accession au savoir ou plutôt à
l’information. Au savoir documentaliste. Grâce, avant tout, aux techniques modernes de
l’électronique et de l’informatique.
Cette intelligence actuelle, nouvellement et « cybernétiquement » élaborée de la vérité
historique, se révèle à son tour dépendante, esclave même, des techniques et des sources qui
la nourrissent. En effet, cette somme de connaissances, telle qu’elle est transmise, est réunie à
partir d’un capital d’informations basiques, stockées dans des banques de données
particulièrement bien approvisionnées.
Or, ces dernières, y compris les archives les plus officielles, sont enrichies très souvent, et en
ce qui concerne l’Algérie française le plus souvent, d’un capital de fausses informations « de
fausses vérités ». De vérités déformées. De vérités « gauches » dirait peut-être un
mathématicien.
Une intelligence actuelle qui accède à une connaissance profondément pervertie, en tout cas
fictionnelle de l’événement. Une connaissance qui, pour ces raisons, n’a plus rien de commun
avec celle que nous prétendons posséder. Une connaissance qui s’appuie pour quelques uns
d’entre nous, sur un vécu qui souvent, fut riche de tragédies.
Mes ambitions sont de faire savoir ce que je crois être vrai, à propos du drame de l’Algérie
française. A propos de ce contre-sens historique que fut la mort de la France SudMéditerranéenne.
Avoir rappelé le rôle décisif joué par De Gaulle, dans ce contre-sens historique, c’était une
nécessité pour moi qui fus, d’après le général Salan, un pilier du combat pour l’Algérie
française.
Nice, le 18 mars 2011
82
Bibliographie de l’article
Abbas Ferhat
Autopsie d’une guerre. L’Aurore (Garnier, 1980)
Bertuel Joseph
L’islam. Ses véritables origines. 3 tomes (Paris,
Nouvelles Editions Latines 1981)
Bidault Suzanne
Souvenirs, l’histoire et nous (Ouest-France,
1996)
Conte Arthur
L’épopée coloniale de la France (Plon, 1992)
Corbin Henry
1986)
Histoire de la philosophie islamique (Gallimard,
Deloire Christophe
guerre
Dubois Christophe
Les islamistes sont déjà là, enquête sur une
secrète (Albin Michel, 2004)
Drieu La Rochelle Pierre
Fragments de mémoires (Gallimard, Paris 1982)
Faligot Roger
de
Kauffer Rémi
Le Croissant et la Croix gammées – Les secrets
Jacquin Henry
1977)
La guerre secrète en Algérie (Olivier Orban,
Laurent Eric
La corde pour les pendre. Relations entre
milieux d’affaires occidentaux et régimes
communistes de 1917 à nos jours (Fayard, 1985)
Marseille Jacques
Empire colonial et capitalisme financier.
Histoire d’un divorce (Albin Michel, 1984)
Ordioni Pierre
1972)
Tout commence à Alger-40-44 (Editions Stock,
Perez Jean-Claude
Attaques et contre-attaques (Dualpha, 2006),
l’alliance entre l’islam et le nazisme d’Hitler à
nos jours (Albin Michel, 1990)
83
2ème édition 2011
Villard Maurice
La Vérité sur l’insurrection du 8 mai 1945 dans
le Constantinois, menaces sur l’Algérie
française (Amicale des Hauts-Plateaux de Sétif,
1997)
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