Topic 3 – Option 1 : History and Memory of the Second World War in

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Topic 3 – Option 1 : History and Memory of the Second World War in
Histoire-­‐Géographie en langue anglaise Tle HISTORY– Topic 3 : HISTORY & MEMORY OF A US INTERVENTION (environ 4-­‐5h) (Étude au choix) Topic 3 – Option 1 : History and Memory of the Second World War in the U.S. Ü Le professeur peut traiter les deux axes d’étude ou concentrer sa réflexion sur l’un de ces deux axes. 1) Axe d’étude n°1 : Historians and the memory of the atomic bombings MISE AU POINT SCIENTIFIQUE : Le 6 août 1945, à 8 heures 15, le bombardier américain B-­‐29 Enola Gay lance une bombe atomique, « Little Boy », sur l’agglomération japonaise de Hiroshima, causant la mort d’environ 140 000 personnes. Deux jours plus tard, l’URSS annonce une entrée en guerre que le Japon pensait encore évitable ; le matin du 9 août, tandis que l’offensive soviétique commence, le Conseil Suprême japonais se réunit afin de soulever, pour la première fois depuis le début du conflit, la question d’une reddition sans condition, exigée par les Américains. C’est en fin de matinée qu’une seconde bombe atomique (« Fat Man ») s’abat sur Nagasaki. Le 15 août, le Japon capitule. Le texte est signé le 2 septembre, cette date devenant aux États-­‐Unis celle du « V-­‐J Day » sur proposition de Truman. La guerre qui, pour les Américains, avait commencé avec Pearl Harbor, se terminait avec les bombardements atomiques. Au lendemain même du bombardement d’Hiroshima se construit un récit des événements qu’une partie des historiens qualifia plus tard de récit « officiel » (official narrative). La déclaration de Truman dès les heures qui suivent pose déjà les jalons du récit : la décision d’utiliser la bombe contre une cible de nature « militaire » était une nécessité pour contraindre le Japon, sourd à l’ultimatum de Potsdam, à la capitulation. L’acte constituait une forme de vengeance à l’égard d’un adversaire fanatique et « fourbe » qui avait frappé le premier à Pearl Harbor, et qui semblait déterminé à ne rien céder (kamikazes, suicides collectifs, batailles meurtrières d’Iwo Jima et Okinawa). La bombe atomique, prouesse technologique témoignant du degré de puissance atteint par le pays qui en détenait le monopole, était entre de bonnes mains et allait permettre de clore la guerre voire même d’assurer la paix mondiale. Jusqu’à sa mort, Truman n’eut de cesse de répéter ce récit, insistant sur un argument qui n’apparaît pas dans son discours du 6 août 1945 : ces bombardements auraient aussi permis d’économiser des milliers de vies en évitant un coûteux débarquement (l’opération Downfall, prévue pour novembre 1945). C’est à travers les mots de Truman que l’opinion américaine apprend le bombardement d’Hiroshima. L’intervention, diffusée à la radio, inspire fortement l’écriture des journaux du lendemain. La succession rapprochée des événements en ce mois d’août 1945 favorise la popularité d’un récit qui paraît limpide : à Hiroshima, premier avertissement insuffisant, succède Nagasaki, poussant le Japon à prendre le chemin de la capitulation ; la presse salue la victoire qu’elle relie sans mal aux bombardements atomiques. Le « récit officiel » ou « dominant » (dominant / prevailing narravative), qui devint « mémoire dominante », est relayé par les autorités publiques (Henry L. Stimson, The decision to use the atomic bomb, 1947) et les médias, s’imposant durablement dans les manuels scolaires et suscitant, dans un premier temps, peu de remises en cause scientifiques. L’affirmation de cette mémoire est aussi favorisée par une forme de censure qui prévient l’émergence d’un récit alternatif et d’une « contre-­‐
mémoire », aux États-­‐Unis comme au Japon1. La dissimulation de l’impact humain des bombardements contribue à la « désincarnation littérale du souvenir d’Hiroshima » (Cécile Pajon). La parution du « blockbuster » de Gar Alperovitz, Atomic Diplomacy : Hiroshima and Potsdam, en 1965, marque un tournant historiographique. Cette étude met à mal la lecture dominante des événements. Pour cet historien, les autorités savaient que d’autres options pouvaient terminer le conflit, au-­‐delà du choix cornélien entre la bombe atomique et l’invasion sanglante. Si les bombardements ont bien accéléré la fin du conflit, Alperovitz estime que les dirigeants japonais avaient l’intention de capituler et l’auraient certainement fait avant novembre 1945. Au final, il considère que ce sont d’abord des raisons politiques qui ont présidé à la décision de Truman : il s’agissait de prendre de vitesse l’URSS, qui s’apprêtait à entrer en guerre et à occuper une partie du Japon, et de donner plus de poids aux États-­‐Unis dans les futures négociations internationales. La bombe atomique était un message envoyé à Staline, inaugurant une « diplomatie de l’atome » visant à contenir les exigences du dirigeant soviétique (thèse discutée). À cet égard, Hiroshima porterait déjà les germes de la guerre froide. L’étude paraît justement en pleine guerre froide, alors que l’engagement au Vietnam s’accélère, donnant du grain à moudre à ceux qui critiquent le gouvernement américain et voient dans cette intervention armée le prolongement d’une politique étrangère aberrante qui, dès août 1945, a attisé la confrontation avec l’URSS. Les thèses d’Alperovitz alimentent un débat sérieux sur l’utilisation de l’arme atomique. Dans son sillon, de nombreux historiens dits « révisionnistes » s’attaquent au récit « officiel », parfois qualifié de « mythe » qu’il s’agit à la fois de déconstruire et d’analyser (M. J. Sherwin, P. Kuznick, W. Wilson etc). Les études se multiplient au milieu des années 1970 et dans les années 1980, à la faveur d’un accès croissant aux sources qui permettent d’affaiblir ou de conforter les thèses d’Alperovitz (journal de Stimson, enregistrements du projet Manhattan, papiers personnels de Roosevelt, de Truman etc.). Le travail des historiens et des acteurs de la mémoire à l’étranger, et en particulier au Japon, influe aussi sur celui des historiens américains2. Ce travail se heurte toutefois à des limites : la plupart des discussions sur le sujet n’ont pas été enregistrées ; des documents manquent, ont été détruits ou manipulés, les témoignages sont parfois contradictoires. Ces nouvelles thèses transparaissent dans le film du réalisateur Oliver Stone et de l’historien Peter Kuznick « Untold History of the United States » (2012), qui présente un président Truman assuré de la capitulation à venir du Japon dès lors qu’il obtient l’assurance d’une entrée en guerre soviétique. Ils y soulignent que, du point de vue japonais, les bombardements atomiques n’ont pas été ressentis comme le choc que l’on imagine car ils s’inscrivaient dans la continuité d’une vague de bombardements conventionnels meurtriers qui avaient déjà détruit une centaine d’agglomérations depuis mars (dont Tokyo) ; en termes simples, Hiroshima et Nagasaki n’étaient qu’une goutte d’eau dans un ouragan qui s’abattait sur le pays. À leurs yeux, c’est bien l’invasion soviétique – mettant fin à l’espoir de faire de Staline un médiateur et impliquant de combattre deux superpuissances attaquant simultanément -­‐ qui a convaincu le Japon de se rendre aux Américains. 1
Sur la mémoire japonaise des bombardements, on se rapportera notamment au chapitre que Cécile Pajon consacre à la mémoire d’Hiroshima dans B. COTTRET et alii, Du Bon usage des commémorations. Histoire, mémoire et identité XVIe-­‐XXIe siècle, 2010. 2
Les travaux de chercheurs japonais concluent ainsi que le Japon a, jusqu’au bout, espéré un maintien de la neutralité soviétique et faire de Staline un médiateur capable d’influer sur les termes de la capitulation ; ils ont aussi montré que l’armée japonaise redoutait plus l’Armée Rouge que la perte d’une énième ville par un bombardement aérien. Il faut toutefois souligner que, face à la vague d’historiens qui s’attaquent aux « mythes » entourant la mémoire des bombardements atomiques, d’autres, qualifiés d’« orthodoxes », valident les arguments exprimés par Truman et Stimson (P.Fussel, Thank God for the atomic bomb). André Kaspi souligne aussi que, si les historiens de la « new left », révisionnistes, posent de bonnes questions, leurs réponses restent souvent exagérément simples. Ces débats entre historiens ont une incidence sur la manière dont l’événement est raconté. L’analyse des manuels scolaires montre, surtout à partir des années 1990 -­‐ lorsqu’on s’efforce de retracer les origines d’une guerre froide qui s’achève -­‐ un effort pour rendre compte des débats, intégrant l’apport des études récentes pour contrebalancer les arguments traditionnels. Une partie des études menées s’inscrit, à partir des années 1980, dans le sillon de la nouvelle Histoire culturelle qui favorise l’étude des mémoires aux États-­‐Unis. Les travaux portent d’abord sur la mémoire comme construction sociale et sur les efforts déployés par l’Etat ou par des groupes politiques influents pour imposer une certaine vision du passé ; il s’agit d’étudier des mémoires collectives, idéalisées, plus ou moins durables selon la capacité d’émergence de mémoires alternatives ou de « contre-­‐mémoires » (cf. M. J. Hogan). La mémoire, distinguée de l’Histoire, devient un objet d’étude des sciences sociales. C’est notamment le cas dans Hiroshima in America : 50 years of denial (1995) : le psychiatre R. J. Lifton et le journaliste G. Mitchell proposent d’analyser ce sujet sensible qui hante la conscience américaine et la construction d’une mythologie d’Hiroshima depuis 1945. Certains historiens (W. Wilson), aux États-­‐Unis comme au Japon, s’interrogent sur les tentatives de supprimer l’Histoire (d’Hiroshima en particulier) au profit d’une mémoire officielle participant à l’identité nationale. Ils notent d’ailleurs que la mémoire de Nagasaki est systématiquement négligée. Illustration des troubles de la mémoire américaine, dans un article de The Guardian en 2010, le journaliste R. Bergan souligne l’étonnant silence d’Hollywood à propos des bombes atomiques. Parmi les rares films consacrés à ces événements, Above and Beyond (1952) reprend la thèse d’un bombardement justifié qui a permis de terminer la guerre ; les seuls effets des bombardements abordés ici sont ceux qui affectent la vie sentimentale du pilote d’Enola Gay, Paul Tibbets. Dans les années 1990, plusieurs historiens s’interrogent aussi sur l’absence de musée consacré, sur le sol américain, aux victimes d’un « l’holocauste nucléaire » dont le pays aurait été l’auteur. L’opposition entre le travail d’une partie des Historiens et la mémoire dominante à laquelle reste attachée l’opinion a donné lieu à des débats mémoriels parfois vigoureux et répétés depuis les années 1990. La querelle liée à l’exposition consacrée à Enola Gay et aux bombardements atomiques au National Air and Space Museum de Washington fut sans doute la plus médiatisée. À l’occasion du 50e anniversaire de la fin de la guerre, la Smithsonian Institution entendait montrer au public Enola gay dans le cadre d’une exposition centrée sur la décision d’utiliser la bombe, censée rendre compte des avancées et des débats historiographiques. Ce projet se heurta à l’indignation des groupes de vétérans, appuyés par certains médias (Wall Street Journal) et une partie du Congrès, jugeant le projet « anti-­‐américain » et prétexte à une victimisation des Japonais. Il est symptomatique qu’un membre du Congrès répondit alors aux conservateurs du musée : « Votre travail n’est pas de réécrire l’Histoire mais de la raconter ». On mesure ici à quel point certains groupes assimilent une mémoire avec l’Histoire, nécessairement figée à leurs yeux. Face aux critiques, un toilettage du script est effectué, plus fidèle au récit dominant : la bombe fut nécessaire pour éviter une invasion japonaise coûteuse et sauver des milliers de vies. Cette fois, ce sont les historiens qui protestent contre une forme de censure, y compris ceux qui ne partagent pas les thèses « révisionnistes » mais qui estiment que le projet initial rendait compte de manière honnête et équilibrée des débats historiographiques. Face à cette double exigence de l’histoire et de la mémoire, la Smithsonian annule l’exposition et se contente d’exposer la carlingue de l’Enola Gay, célébrant l’exploit technique sans montrer les destructions ni les victimes. Signe d’une évolution des mentalités, la nouvelle exposition lancée au musée de l’American University de Washington en 2015, où sont exposés 20 objets -­‐ prêtés par des musées de Hiroshima et de Nagasaki -­‐ ayant résisté aux deux bombardements n’a pas provoqué la polémique alors qu’ils avaient été retirés du projet d’exposition de 1995. D’autres polémiques sont tout autant révélatrices de cette tension tenace entre mémoire et histoire, telle celle née du projet d’émission par l’US Postal, d’un timbre montrant le champignon nucléaire avec l’inscription « Les bombes atomiques ont accéléré la fin de la guerre, août 1945 », qui a suscité des réactions indignées d’associations et même du gouvernement japonais. Plus récemment, la visite de Barack Obama à Hiroshima a réactivé les mêmes débats entre ceux qui craignaient une remise en cause du récit dominant ou une forme d’ « apology diplomacy », tandis que d’autres y voyaient une bonne occasion d’intégrer les apports de l’historiographie récente. Soucieuse d’échapper à la polémique, la Maison Blanche prend soin de préciser rapidement qu’il n’y aura pas d’excuse ni de condamnation de la décision de Truman. Le discours d’Obama se tient d’ailleurs à distance des débats ; il s’agissait ici de rendre hommage à la mémoire des victimes, à la fois japonaises, coréennes, et américaines, et de relancer un appel à l’élimination des armes nucléaires, formulé une première fois à Prague en 2009. La présence des Hibakusha, victimes longtemps oubliées et marginalisées, l’accolade à Shigeaki Mori, survivant d’Hiroshima et historien, l’hommage aux victimes, marquent tout de même une inflexion du discours officiel. MISE EN ŒUVRE DE LA QUESTION : v Cette question s’inscrit dans le thème 1 du programme d’Histoire, commun aux trois séries générales, « Le rapport des sociétés à leur passé ». Elle fait écho à la question « L’historien et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale en France ». On peut, dans le cadre de la DNL, consacrer 4 à 5 heures au traitement de la question « History and Memory of the Second World War in the USA », soit 2 à 3 heures pour ce second axe intitulé « Historians and the memory of the atomic bombings ». v Conformément aux recommandations de la fiche Eduscol rédigée pour le programme français, il s’agirait de centrer la réflexion sur le travail des historiens, qu’il conviendra de distinguer des acteurs des mémoires. Les historiens américains identifient et examinent ce qui apparaît comme une mémoire dominante des bombardements atomiques ; ils en mettent en évidence le discours, en validant ou invalidant les éléments en les confrontant aux faits et aux sources. Ils s’interrogent aussi sur la place de cette mémoire au sein de l’opinion américaine et aux raisons pour lesquelles elle reste dominante. La question permet aussi de montrer la difficulté du travail de l’historien et les débats qui persistent entre spécialistes. Surtout, on insistera sur la tension qui existe entre Histoire et Mémoire, pouvant déboucher sur des débats mémoriels. v Cette question doit favoriser la mobilisation d’un vocabulaire spécifique, à maîtriser et à distinguer, autour des concepts d’Histoire et de Mémoire : memory / commemoration / remembrance / History / witness / testimony / archives etc. L’étude pourrait permettre de mettre en évidence les idées suivantes : v Si la question proposée ne porte pas sur les faits eux-­‐mêmes, elle implique que les élèves aient un minimum de repères concernant la Seconde Guerre mondiale qui, du point de vue américain, démarre avec l’attaque de Pearl Harbour et s’achève avec les bombardements atomiques. Une fiche distribuée en amont, un petit travail réalisé à la maison ou un récit succinct peut suffire à rappeler les quelques événements-­‐clés qui permettront de comprendre les termes du débat entre historiens (guerre du Pacifique, conférence de Potsdam, bombardements des 6 et 9 août 1945, entrée en guerre de l’URSS, V-­‐J Day ...). v Un premier temps de l’étude peut être consacré au récit, plus tard qualifié par une partie des historiens de « official narrative », qui se construit dès les heures qui suivent Hiroshima et constitue le cœur d’une mémoire dominante des événements. L’analyse de la déclaration de Truman du 6 août 1945 permet de dégager les principaux jalons qui structurent durablement ce récit ; on peut ainsi s’interroger sur la construction, sur la portée mais aussi sur les silences de ce discours ; à ces arguments s’ajouta très vite celui du nombre de vies sauvées, devenu l’élément fondamental du récit. La réflexion peut également être menée en mobilisant de manière critique les « unes » de la presse américaine d’août-­‐septembre 1945, les récits ou interviews postérieurs d’acteurs des événements (Truman, le secrétaire d’Etat Stimson etc.), les sondages réalisés dès la fin de la guerre. L’analyse de dessins de presse américains rend bien compte de l’association spontanée entre les bombardements atomiques et la victoire américaine, même si certains permettent aussi d’aborder les menaces que l’arme atomique fait planer sur le futur de l’humanité ou, plus rarement, le rôle joué par l’URSS. Le récit s’impose durablement pour des raisons complexes et par des vecteurs divers. Les supports mobilisables sont ici nombreux. On peut par exemple s’appuyer sur le cinéma, ou plus exactement sur des silences du cinéma américain à propos des bombardements atomiques (Above and Beyond, The Beginning or the End, dont des extraits sont disponibles en ligne). On peut également tirer profit du docu-­‐fiction consacré au président Truman en 1995, et en particulier à la scène présentant la « tempête sous un crâne » qui s’empare d’un président héroïsé à la veille d’Hiroshima. Le cinéma, à la fois reflet et vecteur d’un récit dominant, peut également faciliter le travail avec le professeur d’anglais. L’étude des analyses d’opinion depuis 1945, d’extraits de manuels scolaires, de discours et récits officiels ou de vétérans, de travaux d’historiens d’après-­‐guerre sont d’autres supports ici envisageables. v Le cœur de la séquence porte toutefois sur le travail des historiens américains. Le cas de Gar Alperovitz, et en particulier de son œuvre de 1965, constitue un exemple privilégié. L’étude d’extraits de ses travaux (ou de commentaires) permet de cerner la façon dont travaille l’historien (le recours aux sources, aux témoignages, la formulation d’hypothèses, la fréquentation des archives) ; il n’est pas peu dire que les thèses de cet historien ont suscité un débat loin d’être clos. Il n’est pas question, avec des lycéens de section européenne, de se noyer dans l’ensemble des questionnements évoqués dans la mise au point scientifique. L’élève doit simplement comprendre qu’il existe des désaccords, légitimes, entre historiens, que l’Histoire n’est pas figée. On pourra alors aborder le rôle des historiens « révisionnistes », en distinguant clairement les termes révisionnisme (historical revisionism) et négationnisme (negationism). L’évolution des travaux des historiens se fait à la faveur d’un accès facilité aux sources, aux archives, de l’influence d’études menées par les chercheurs d’autres nationalités, de l’évolution du contexte national et international (remise en cause du gouvernement américain dans les années 1960, fin de la guerre froide dans les années 1990, affirmation des mouvements pacifistes et angoisse liée à la prolifération nucléaire etc.). L’appui nécessairement critique sur des extraits du documentaire « Untold History of the US » (Oliver Stone) permettrait de souligner l’évolution du regard porté par les historiens sur les bombardements et les débats qui agitent toujours la discipline. v Les historiens s’interrogent sur une Mémoire dominante, parfois qualifiée de « mythe », devenue objet d’Histoire. Un temps plus important devrait être consacré à l’étude de la tension entre ces deux concepts. Il serait judicieux de travailler sur le cas du projet d’exposition consacré à Enola Gay au Musée de l’air et de l’espace de Washington en 1995, en montrant les acteurs en jeu, les motivations divergentes, la tension médiatisée ; si les récits et images de cette controverse sont nombreux, elle a aussi alimenté la réflexion des historiens sur le hiatus entre Histoire et Mémoire. D’autres exemples sont évidemment possibles, notamment la visite du président Obama à Hiroshima en mai 2016 et les réactions auxquelles elle a donné lieu dans les médias comme au sein de la communauté des historiens. On notera ici qu’il est tout à fait possible d’adopter une démarche inductive en partant de l’étude d’une polémique mettant en évidence la tension entre la mémoire toujours dominante des bombardements atomiques et les évolutions des travaux menés par les historiens américains depuis les années 1960. Une telle démarche serait sans doute plus efficace et moins chronophage. LEXIQUE SPECIFIQUE (NOTIONS ET VOCABULAIRE UTILES) : Vocabulaire lié aux faits : The Pacific War The atomic bomb (A-­‐Bomb) / Enola Gay / Little Boy & Fat Man / The Manhattan Project The atomic monopoly / the nuclear age To surrender / capitulation / V-­‐J Day (Victory Over Japan Day) Operation Downfall Casualties / Radiation / Mushroom cloud / ground zero Vocabulaire lié à la mémoire : An official OR prevailing narrative / a dominant memory Memory / remembrance / commemoration / anniversary Censorship Vocabulaire lié à l’Histoire : History / Historians Sources, archives, testimonies, evidence, objective / unbiased Atomic diplomacy Thesis / hypothesis Revisionism / negationism – conspiracy theories “Myth”, “good war” Vocabulaire lié aux débats mémoriels A memorial debate / controversy Apology diplomacy Hibakusha RESSOURCES POUR ALLER PLUS LOIN DANS LA MISE EN ŒUVRE : Ü Bibliographie : Ouvrages généraux sur la question : Gar ALPEROVITZ, Atomic Diplomacy : Hiroshima and Potsdam, 1965 (ouvrage de reference). Gar ALPEROVITZ, The Decision to use the Atomic Bomb & the Architecture of an American Myth, 1995. Ian BURUMA, The Missionary & the Libertine : Love & War in East and West, 2001 (le chapitre “The War over the Bomb” fait le point sur les débats historiographiques et répond notamment aux thèses révisionnistes de Gar Alperovitz) Barthélémy COURMONT, Pourquoi Hiroshima ? La decision d’utiliser la bombe, L’Harmattan 2007. Barthélémy COURMONT, Mémoires d’un champignon. Penser Hiroshima, Lemieux Editeur, 2016. Bernard COTTRET et Lauric HENNETON (dir.), Du Bon usage des commémorations. Histoire, mémoire et identité XVIe-­‐XXIe siècle, P.U. de Rennes, 2010 (chapitre rédigé par Cécile PAJON, « 1945-­‐2005 : Hiroshima, vers la reconnaissance d’une mémoire ambivalente »). Herbert FEIS, The Atomic Bomb & the End of World War II, 1966 (exemple d’historien dit “orthodoxe”) Peter KUZNICK et Oliver STONE, Untold History of the United States, 2012 (ouvrage publié parallèlement à la sortie du documentaire dont le chapitre 3 est consacré à “the Bomb”). Beatrice HEUSER, The Bomb (Nuclear Weapons in their historical, strategic and ethical context, Routledge, 1999 (cette historienne de l’université de Reading, au Royaume-­‐Uni, signe un tableau clair et synthétique des débats historiographiques outre-­‐Atlantique). Michael J. HOGAN, Hiroshima in History and Memory, Cambridge University Press, 1996 (cet ouvrage, signé par un universitaire américain renommé, spécialiste de diplomatie américaine, constitue l’une des études les plus utiles pour traiter ce thème). André KASPI, Les Américains, Tome 2 : les Etats-­‐Unis de 1945 à nos jours, Points Histoire, 2014 (le chapitre « Terminer la guerre, rétablir la paix » constitue un rappel utile des événements et évoque l’apport des historiens révisionnistes). Robert Jay LIFTON & Greg MITCHELL, Hiroshima in America : Fifty Years of denial, 1995 (cet ouvrage, discuté, est rédigé par un psychanalyste et un journaliste ; il propose une réflexion stimulante sur la place d’Hiroshima dans la mémoire américaine ; l’introduction, consultable en ligne, constitue une lecture suffisante). Maya Morioka Todeschini (dir.), Hiroshima 50 ans (Japon-­‐Amérique : mémoires au nucléaire), Autrement, 1995. Wilson D. MISCAMBLE, The Most Controversial Decision : Truman, the Atomic Bombs and the Defeat of Japan, Cambridge University Press, 2011 (ce révérend, enseignant à l’université de Notre-­‐Dame, est un farouche opposant aux thèses révisionnistes). Dennis WAINSTOCK, The Decision to drop the atomic bomb, 1996 Howard ZINN (historien US), , A people’s History of the United States (1492-­‐present), 1980 (traduction française « Une histoire populaire des Etats-­‐Unis » -­‐ vaste projet qui entend offrir une grille de lecture alternative de l’histoire américaine). Articles signés par des historiens : Gar ALPEROVITZ, « Hiroshima After Sixty Years : The Debate Continues », article paru sur le site de l’historien le 3 août 2005 : http://www.garalperovitz.com/2005/08/hiroshima-­‐after-­‐sixty-­‐years-­‐the-­‐
debate-­‐continues/ (l’article amorce une réflexion utile sur les limites du travail de l’historien) Barton J Bernstein, « Understand the atomic bomb & the Japanese surrender », in Diplomatic History, vol. 19, n°2 (spring 1995). Kai BIRD & Martin J. SHERWIN, “The Myths of Hiroshima”, in Los Angeles Times, August 5, 2005 : http://articles.latimes.com/2005/aug/05/opinion/oe-­‐bird5 (article qui répond au suivant) Max BOOT, “Why feel guilty about Hiroshima ?”, Los Angeles Times, August 3, 2005 Ian BURUMA, “The War Over the Bomb”, 1995 : http://www.nybooks.com/articles/1995/09/21/the-­‐
war-­‐over-­‐the-­‐bomb/ Frédéric F. CLAIRMONT (journaliste et économiste), « Les véritables raisons de la destruction d’Hiroshima », dans Le Monde diplomatique, 1990 http://www.monde-­‐
diplomatique.fr/1990/08/CLAIRMONT/42824 Gregg HERKEN, « Five myths about the Atomic Bomb », Washinton Post, July 31, 2015 : https://www.washingtonpost.com/opinions/five-­‐myths-­‐about-­‐the-­‐atomic-­‐
bomb/2015/07/31/32dbc15c-­‐3620-­‐11e5-­‐b673-­‐1df005a0fb28_story.html Victor Davis HANSON (historien américain néo-­‐conservateur), « The Horrors of Hiroshima in context », 2016 : http://townhall.com/columnists/victordavishanson/2016/04/21/draft-­‐n2151484 , Peter KUZNICK &Oliver STONE, “The U.S. and Japan : Partners in Historical Falsification”, sur Huffingtonpost.com, 9 octobre 2013 : http://www.huffingtonpost.com/oliver-­‐stone/the-­‐us-­‐and-­‐
japan-­‐partners_b_3902034.html Rufus E Miles Junior, ‘Hiroshima : the strange myth of half a million American lives saved’, International Security, Vol. 10, n°2 (Fall 1985, pp. 121-­‐140) Wilson D. MISCAMBLE, “Obama, Truman & Hiroshima”, Wall Street Journal, 5.11.2016 : http://historynewsnetwork.org/article/162807#sthash.o45MjF7i.dpuf Ward Hayes WILSON (membre honoraire du think tank British-­‐American Security Information Council, spécialisé dans le désarmement nucléaire), The Bomb didn’t Beat Japan ... Stalin did, foreignpolicy.com, 30 Mai 2013 : http://foreignpolicy.com/2013/05/30/the-­‐bomb-­‐didnt-­‐beat-­‐japan-­‐
stalin-­‐did/ Une querelle d’historiens à l’œuvre, en 1995 : ‘« The New War Over Hiroshima » : an exchange’, Gal Alperovitz, Robert Jay Lifton, Greg Mitchell / Ian Buruma (écrivain et historien néerlandais vivant aux USA). http://www.nybooks.com/articles/1995/11/30/the-­‐new-­‐war-­‐over-­‐hiroshima-­‐an-­‐exchange/ Articles de presse utiles : Article du Washington Post, “Obama’s Hiroshima visit can’t undo the past but it can change the future”, May 17, 2016 : https://www.washingtonpost.com/opinions/obamas-­‐hiroshima-­‐visit-­‐cant-­‐
undo-­‐the-­‐past-­‐but-­‐it-­‐can-­‐change-­‐the-­‐future/2016/05/17/f10b30e8-­‐1b96-­‐11e6-­‐9c81-­‐
4be1c14fb8c8_story.html Article publié sur le site de CNN, “Why President Obama needs to go to Hiroshima”, April 23, 2016 : http://edition.cnn.com/2016/04/23/opinions/obama-­‐should-­‐visit-­‐hiroshima-­‐sherman/ Article publié sur le site de ABC, « Obama’s Hiroshima trip stirs debate on Truman’s fateful choice, May, 17, 2016 : http://www.abc.net.au/news/2016-­‐05-­‐17/obama-­‐hiroshima-­‐trip-­‐stirs-­‐debate-­‐on-­‐
trumans-­‐fateful-­‐choice/7422086 Article de The Guardian, « Why Hollywood ignores Hiroshima’, August 15, 2010 : http://www.theguardian.com/film/2010/aug/15/hollywood-­‐hiroshima-­‐ronald-­‐bergan-­‐films Ü Ressources, documents consultables sur le Net : Discours et interviews de Truman Discours de Truman après Hiroshima : https://www.youtube.com/watch?v=FN_UJJ9ObDs Sur le travail des historiens : Interview radiophonique du journaliste Greg Mitchell, 2014 : https://www.youtube.com/watch?v=ZiNOS1AjqD4 Sur l’évolution de l’opinion : L’enquête « US Strategic Bombing Survey » qui interroge 700 militaires et responsables politiques après la guerre : https://catalog.hathitrust.org/Record/001621986 Gallup pol, March 1995 : “would you have dropped the atomic bomb on Hiroshima ?” http://www.gallup.com/poll/17677/majority-­‐supports-­‐use-­‐atomic-­‐bomb-­‐japan-­‐wwii.aspx https://www.rt.com/usa/311711-­‐americans-­‐hiroshima-­‐bombing-­‐justified/ Ü Films, téléfilms et autres supports exploitables : ● The Beginning or the End, directed by Norman Tauroa, 1947 (centré sur le projet Manhattan) ● Above and Beyong , by Melvin Frank and Norman Panama, 1952 (centré sur le Colonel Paul Tibbets, pilote d’Enola Gay) ● Truman, Frank Pierson, téléfilm HBO en 1995 à succès (reprend les arguments du président) ● Peter KUZNICK et Oliver STONE, Untold History of the US (documentary series), 2012 (un ouvrage fut publié en parallèle) ; chapitre 3 « The Bomb » (nourri d’images d’archives, de témoignages et reprenant les theses des historiens révisionnistes ; à charge contre Truman). Lien Internet : https://vimeo.com/136256488 LA COLLABORATION POSSIBLE AVEC LE PROFESSEUR DE LV : Un travail collaboratif peut être mené avec le professeur d’anglais qui peut s’appuyer sur le cas de New York dans le cadre des thématiques suivantes : The Idea of
Progress
Spaces and exchanges
Myths and heroes
The atomic bomb : does it Commemorations, how to -­‐ President Truman, make the world a safer place ? commemorate ? Colonel Paul Tibbets The effects of scientific and -­‐ Museums -­‐ Anti-­‐Nuclear activism technological progress -­‐ Memorials -­‐ The Atomic bomb -­‐ Days of Remembrance … -­‐ GMO -­‐ Drones -­‐ Clones -­‐ The Internet … LES PIÈGES À ÉVITER : Ü Entrer dans le détail des faits pour eux-­‐mêmes Ü Entrer dans le détail des querelles d’Historiens Ü Adopter inconsciemment les thèses « révisionnistes » en adoptant sans recul l’expression « official narrative » et sans rendre compte des débats encore en cours Ü Sortir du cadre géographique et entrer dans une étude des mémoires japonaises Ü Ne pas distinguer clairement mémoire et histoire et ne pas centrer la question sur le travail de l’historien EXEMPLES DE SUJETS: Ce thème peut donner lieu à plusieurs types de consignes telles que : -­‐ To what extent have US Historians challenged the Memory of the atomic bombings ? / to what extent have US historians questioned the way the atomic bombings are remembered ? Auteur : Nicolas MARICHEZ, lycée Anatole France, LILLERS Baccalauréat – D.N.L. – Epreuve spécifique Histoire-­‐Géographie-­‐anglais, sujet zéro HISTORY AND MEMORY Comment on the following two documents GUIDELINE To what extent have US Historians challenged the Memory of the atomic bombings ? Source 1. Cartoon by Carl Somdal, in Chicago Tribune, August 11, 1945
Source 2 : Robert Jay Lifton and Greg Mitchell), Hiroshima in America : Fifty years of denial, 1995. The Hiroshima raw nerve was responsible for the recent dispute that erupted over an exhibit at the National Air and Space Museum in Washington, D.C. Officials called the exhibit – scheduled to mark the fiftieth anniversary of the atomic bombings […]. Curators planned to put on display the Enola Gay […] and designed an exhibit around it that would fully explore the decision to use the bomb, and its effects. They would present both the justification for, and doubts about, the atomic attack, based on the latest scholarship; and they would not flinch from showing what happened at ground zero. Soon, veterans’ groups were claiming that the planned exhibit was pro-­‐Japanese and dishonored U.S. servicemen. Columnist George Will accused the curators of being anti-­‐American. Both houses of Congress passed resolutions condemning the exhibit. Yielding to pressure, the museum made massive deletions and revisions in the script for the show, culminating in a two-­‐day negotiating session with representatives of the American Legion. What emerged was an exhibit that endorsed in every detail the official version of Hiroshima that has endured since 1945 : The atomic bombings were necessary to prevent an invasion of Japan and save up to a million American lives. Now historians and disarmament activists were angry. A delegation of scholars met with the museum director to protest the censorship, labeling it “historical cleaning” and “patriotic correctness”. […] Finally, on January 30, 1995, the Smithsonian announced that it was, in effect, canceling the exhibit. Now there would be displayed only the plane, a plaque, and a tape of the flight crew recounting the mission. Hiroshima would be excluded altogether.