Les médicaments utilisés dans la douleur neuropathique

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Les médicaments utilisés dans la douleur neuropathique
D o c t e u r q u ’est- ce q u e
N e u ro l o g i e . c o m 20 09 ; 1 ( 4 ) : 1 - 2
Les médicaments utilisés
dans la douleur neuropathique
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... Nadine Attal
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....
.... Centre d’évaluation
....
.... et de traitement de la douleur,
....
.... Unité Inserm U 792,
....
.... Hôpital Ambroise-Paré,
....
.... Boulogne-Billancourt
.
.. <[email protected]>
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QU’EST-CE QUE LA DOULEUR
NEUROPATHIQUE ?
Une douleur neuropathique est la conséquence
d’une lésion ou d’une maladie d’un nerf ou de la
moelle épinière, ou encore de certaines zones du
cerveau. Ses causes sont très variées, comme le
diabète, le zona, le sida, une complication de
traitement (rayons, médicaments du cancer
notamment), un traumatisme direct d’un nerf,
une intervention chirurgicale même bénigne
(par exemple cure de hernie inguinale, cure de
varices, arthroscopie ou prothèse de genou, cure
de hernie discale…), un traumatisme de la
moelle épinière, la sclérose en plaques, ou un
accident vasculaire cérébral. Certaines douleurs
sont aussi associées à des maladies génétiques.
Malgré ces nombreuses causes, les douleurs
neuropathiques ont de très nombreux points
communs :
– il s’agit de sensations de brûlures, d’étau, de
coups de couteau, de décharges électriques,
associées à des sensations désagréables de type
fourmillements, picotements, engourdissement,
et souvent à une hypersensibilité de la région
douloureuse au contact sur la peau ;
– elles ont des mécanismes communs, qui expliquent l’action des médicaments utilisés pour les
soulager.
À QUOI EST DUE LA DOULEUR
NEUROPATHIQUE ?
Pour qu’une douleur neuropathique apparaisse
après une lésion nerveuse, il faut qu’il y ait une
lésion des voies de transmission de la douleur
elle-même. Ainsi, on peut paradoxalement
l’éprouver alors même que l’on ne sent plus ou
que l’on sent moins le toucher, le chaud ou le
froid sur la zone douloureuse. Certains patients
paraplégiques ou amputés peuvent ressentir une
douleur dans les bras ou les jambes (on parle
alors de membre « fantôme » chez l’amputé).
Cette douleur s’oppose totalement aux autres
douleurs plus familières que l’on peut ressentir
après un abcès dentaire, immédiatement après
une intervention chirurgicale, ou en cas d’arthrose ou d’arthrite, car elle n’a pas les mêmes
mécanismes.
Ces mécanismes sont de deux natures.
D’une part, il existe souvent une excitabilité
excessive des cellules nerveuses partiellement
ou totalement lésées, au sein du nerf lui-même
abı̂mé et souvent, même si la lésion ne touche
DOI : 10.1684/nro.2009.0080
que le nerf, au sein de la moelle épinière et de
certaines structures du cerveau. Cela explique
pourquoi, en cas de lésion d’un nerf, il est inutile, voire dangereux, de chercher à couper ou à
léser davantage le nerf lésé ; le risque dans ce cas
étant l’apparition ultérieure d’une douleur pire
que la douleur initiale. Cela explique également
l’efficacité dans ces douleurs de certains médicaments qui agissent en réduisant cette excitabilité excessive.
D’autre part, une lésion nerveuse peut entraı̂ner
des modifications des systèmes de contrôle de la
douleur qui sont organisés dans le cerveau.
Ces systèmes de contrôle, que l’on appelle aussi
systèmes modulateurs, ont pour mission de filtrer le message douloureux et de réduire son
importance. Certains traitements vont agir en
renforçant ces systèmes de contrôle de la douleur.
QUELS SONT LES MÉDICAMENTS
DE LA DOULEUR NEUROPATHIQUE
ET COMMENT AGISSENT-ILS ?
Compte tenu des caractéristiques particulières
de la douleur neuropathique par rapport aux
autres douleurs, il n’est pas étonnant que cette
douleur ne réponde pas bien aux traitements
habituels tels que l’aspirine, les antiinflammatoires ou le paracétamol. Les traitements utilisés pour soulager cette douleur
appartiennent essentiellement à deux classes
thérapeutiques : les antidépresseurs qui agissent
sur le contrôle de la douleur, et les antiépileptiques qui agissent sur l’excitabilité des cellules
nerveuses. Ces traitements n’agissent pas nécessairement très rapidement, et leur efficacité est
souvent incomplète. C’est pourquoi, il peut être
nécessaire d’associer plusieurs médicaments
entre eux. En outre, certaines personnes ne
répondent pas du tout à ces traitements, soit
du fait d’une mauvaise tolérance, soit pour d’autres raisons. Dans la plupart des cas, ces traitements doivent être utilisés à des doses progressives, que l’on ajuste ensuite selon l’efficacité sur
la douleur et selon les effets indésirables. Ainsi,
il n’existe pas une dose unique efficace mais une
gamme de doses efficaces, souvent variable
d’une personne à l’autre.
Les antidépresseurs
L’efficacité des antidépresseurs dans le traitement de la douleur neuropathique est connue
de longue date. Il est bien établi que ces traite-
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ments agissent sur la douleur de façon indépendante de
leur effet sur la dépression. Ainsi, le médecin peut prescrire ces produits à des patients non déprimés. Les antidépresseurs les plus efficaces agissent en renforçant les
systèmes de contrôle de la douleur, dont nous avons vu
plus haut qu’ils sont souvent défaillants en cas de lésion
nerveuse. Tous n’ont pas la même efficacité sur la douleur :
ainsi des produits comme le Laroxyl®, l’Anafranil® et le
Cymbalta® sont parmi les plus efficaces, et disposent
d’une autorisation de l’Agence française du médicament
(Afssaps) dans la douleur neuropathique en général, ou
dans la douleur neuropathique du diabète pour le
Cymbalta®. En effet, cette efficacité ne dépend pas de leur
effet antidépresseur, mais de leur plus ou moins grande
capacité à renforcer les systèmes de contrôle de la douleur.
Les antidépresseurs peuvent entraı̂ner des effets indésirables, qui sont variables selon les produits et qui peuvent
comporter le plus souvent une somnolence, des nausées,
une fatigue et, avec certains produits seulement, une prise
de poids, une baisse de la tension, une sécheresse buccale,
une constipation, et une rétention d’urine chez les hommes
porteurs d’un adénome de prostate. Tous ces effets secondaires sont réversibles à l’arrêt de ces traitements.
Les antiépileptiques
Les antiépileptiques sont également efficaces dans la douleur neuropathique. Comme pour les antidépresseurs, tous
n’ont pas la même efficacité et certains (Neurontin®,
Lyrica®) le sont plus que d’autres et disposent d’une autorisation de l’Agence française du médicament pour le traitement de la douleur neuropathique. Ces traitements agissent en réduisant l’excitabilité excessive des cellules
nerveuses, soit au niveau du nerf, soit au niveau de la
moelle ou de certaines régions du cerveau, qui est un
mécanisme important des douleurs neuropathiques (voir
plus haut). Les effets indésirables de ces deux traitements
comportent une somnolence, une fatigue, une impression
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vertigineuse, mais aussi parfois une prise de poids et un
gonflement (œdème) des pieds. Tous ces effets secondaires
sont réversibles à l’arrêt de ces traitements.
Autres traitements
D’autres traitements médicamenteux peuvent être proposés dans certains cas de douleur neuropathique. Ainsi, des
patchs d’anesthésiques locaux (Versatis®) viennent d’obtenir une autorisation de l’Agence française du médicament
dans le traitement de la douleur neuropathique après un
zona. Ils agissent en réduisant l’excitabilité nerveuse au
niveau du nerf. Leur intérêt est leur facilité d’utilisation
(sur la zone douloureuse) et leur absence d’effets indésirables graves (le seul risque étant une allergie ou une irritation de la peau), mais ces produits n’agissent pas chez toutes les personnes et ne sont pas encore disponibles en
officine (ils le sont à l’hôpital). La morphine et ses dérivés
peuvent aussi être efficaces, mais dans l’ensemble ils sont
réservés aux douleurs rebelles ou difficiles.
S’AGIT-IL D’UN TRAITEMENT À VIE ?
Il ne s’agit pas d’un traitement à vie. Si les traitements sont
efficaces, ils doivent être maintenus au moins six mois
avant d’envisager leur arrêt progressif. En cas d’échec, les
traitements doivent être arrêtés progressivement.