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AIX-MARSEILLE UNIVERSITE FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE D'AIX-EN-PROVENCE CENTRE D'ETUDES ET DE RECHERCHES INTERNATIONALES ET COMMUNAUTAIRES Master II Droit international et européen de l'environnement LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DURABLE DE L'UNION EUROPEENNE EN MEDITERRANEE ETUDE DE CAS A PARTIR DES PROJETS DE GESTION INTEGREE DES ZONES COTIERES DE L'ACCORD RAMOGE Mémoire écrit par Benoît PAUL Sous la direction de Madame Sandrine MALJEAN-DUBOIS Directrice du CERIC et Directrice de recherches au CNRS Année universitaire 2011-2012 2 La rédaction de ce mémoire fut une aventure personnelle et intellectuelle toute nouvelle pour moi. Je souhaite ici remercier chaleureusement Madame Sandrine Maljean-Dubois, directrice de recherches au CNRS et directrice du CERIC d’Aix-en-Provence, qui me guida dans cette démarche me permettant d’accéder au plaisir de la recherche et de la rédaction en droit international et européen de l’environnement. Plus particulièrement, et en rapport direct avec le sujet de ce mémoire, il me faut remercier le Commissaire à la Marine Adrien Proal pour ses conseils passionnés sur le développement durable en Méditerranée et les projets de gestion intégrée des zones côtières menés par l’Accord RAMOGE. Et puis pour eux, ceux auxquels je n’ai jamais parlé, desquels je garde en mémoire une voix, un regard, une présence… une évaluation, et qui m’ont fait comprendre dans l’atmosphère étouffée des amphithéâtres ronronnant, que le Droit, étudié le sourire aux lèvres, est un des sentiers qui conduisent l’Homme à sa liberté. Enfin, je ne peux oublier ici ceux qui m’ont permis d’étudier ainsi que ceux qui m’ont offert leur savoir, me permettant d’accéder au goût humble du travail intellectuel. Merci à chacun de m’avoir permis, à sa façon, d’écrire ce mémoire avec plaisir. 3 4 SOMMAIRE PREMIERE PARTIE : UNE IDENTITE ORIGINALE DU CONCEPT DE GESTION INTEGREE DES ZONES COTIERES TAILLEE AUX MESURES DE L’UNION EUROPEENNE CHAPITRE PREMIER : UNE APPROPRIATION EUROPENNE REUSSIE DU CONCEPT DE GESTION INTEGREE DES ZONES COTIERES CHAPITRE SECOND : LE STATUT JURIDIQUE ORIGINAL DU CONCEPT DE GESTION INTEGREE DES ZONES COTIERES DANS L’UNION EUROPENNE SECONDE PARTIE : L'ACCORD RAMOGE UNE ZONE PILOTE INCONTESTABLE DES POLITIQUES EUROPENNES DE DEVELOPPEMENT DURABLE EN MEDITERRANEE CHAPITRE PREMIER : LA CAPACITE DE L'ACCORD RAMOGE A CONSTITUER EN MEDITERRANEE UNE ZONE PILOTE EUROPEENNE DE LA GESTION INTEGREE DES ZONES COTIERES CHAPITRE SECOND : LA CAPACITE DE L'ACCORD RAMOGE A PROMOUVOIR DANS L'UNION EUROPENNE LES INCIDENCES ECONOMIQUES DE SES ACTIONS AU PROFIT DE SES PROPRES PROJETS ENVIRONNEMENTAUX 5 6 LISTE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS AGNU : Assemblée générale des Nations Unies CEE : Communauté Economique Européenne CESE : Comité économique et Social Européen CETE : Centre d’Etudes Technique de l’Equipement CIJ : Cour Internationale de Justice CJCE : Cour de Justice des Communautés Européennes CJUE : Cour de Justice de l’Union Européenne CRIDEAU : Centre de Recherche Interdisciplinaire en Droit de l’Environnement de l’Aménagement et de l’Urbanisme CRPM : Conférence des Régions Périphériques Maritimes DATAR : Délégation interministérielle à l'Aménagement du Territoire et à l'Attractivité Régionale EDF : Electricité De France FAO : Food and Agriculture Organization FEP : Fonds Européen pour la Pêche GIZC : Gestion Intégrée des Zones Côtières IFOP : Instrument Financier d’Orientation de la Pêche IFREMER : Institut Français de Recherches pour l’Exploration de la Mer infra : voir ci-dessous ICES : International Council for the Exploration of the Sea JOCE : Journal Officiel des Communautés Européennes 7 JOUE : Journal Officiel de l’Union Européenne LGDJ : Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence OCDE : Organisation de coopération et de développement économique ONG : Organisation Non Gouvernementale ONU : Organisation des Nations Unies op. cit : opere citato, reprise d’une référence déjà citée PAM : Plan d’Action pour la Méditerranée PMI : Politique Maritime Intégrée PNUE : Programme des Nations Unies pour l’Environnement Rec. : Recueil RAMOGE : Accord RAMOGE supra : voir ci-dessus TCE : Traité instituant la Communauté Européenne TIDM : Tribunal International du Droit de la Mer UE : Union Européenne 8 Le Pape, Venise, Gênes, tous ont abandonné Byzance, oublié l’honneur et les serments qui les lient, occupés qu’ils sont par une pauvre politique de clocher. Dans le cours de l’Histoire se répètent toujours ces instants tragiques où les princes et les Etats se révèlent incapables de mettre fin même pour un moment à leurs petites rivalités, alors qu’ils devraient unir étroitement leurs forces pour la défense de la civilisation européenne. Il semble plus utile à Venise de supplanter Gênes et à Gênes d’abaisser Venise que de s’associer pendant quelque temps pour vaincre l’ennemi commun. La mer est déserte. Stefan Zweig La prise de Byzance dans, Les Très Riches Heures de l’humanité (traduction de l’allemand par Alzir Hella et Hélène Denis) 9 10 INTRODUCTION 11 12 §1. L'Europe en Méditerranée, une place à prendre dans l'Histoire des peuples grâce au développement durable « La mer ajoute beaucoup aux ressources du pays méditerranéen, mais elle ne lui assure pas l'abondance quotidienne. Sans doute, dès qu'il y eu des hommes sur ses rivages, en fait dès le début même de la préhistoire à travers le vieux monde, la pêche a fourni sa contribution de « frutti di mare » ; elle est une industrie aussi vielle que le monde est monde. Mais, en Méditerranée, ces fruits ne surabondent pas. Il ne s'agit ni des richesses du Dogger Bank, en mer du Nord, ni des pêcheries fabuleuses de terre-Neuve ou de Yéso, au nord du Japon, ou des côtes atlantiques de Mauritanie »1. A en croire donc Fernand BRAUDEL 2, il ne faut pas chercher les fondements de la puissance méditerranéenne dans les ressources que la mer a pu offrir à Rome, à Constantinople, à l'Empire ottoman ou encore à l'Europe. Et pourtant c'est là, autour de cet espace aujourd'hui réduit, mais certainement infranchissable aux yeux des premiers pêcheurs d'Orient que se sont joués près de dix millénaires de l'Histoire de l'humanité. Si la Méditerranée ne saurait s'approprier le monopole de l'Histoire, il n'en demeure pas moins, au-delà de la prétendue existence de civilisations incompatibles, qu'elle a eu son rôle à jouer dans la construction du monde cosmopolite tel qu'il nous est offert aujourd'hui. Héritière de cette histoire au XXème et XXIème siècle, l'Union européenne (UE) est une des composantes de cette Histoire qui exige du Nord de la Méditerranée d'être une voix au service de la culture méditerranéenne. Destinée à créer une « solidarité de fait »3, la construction européenne, 1 BRAUDEL (F.), Dir., La Méditerranée : l'espace et l'histoire, Flammarion, Champs histoire, Paris, 1985. 2 Professeur au collège de France et membre de l'Académie française. 3 Déclaration de Robert SCHUMAN du 9 mai 1950, disponible sur : http://europa.eu/about-eu/basic- 13 dans sa version de 1957 ne se préoccupait que peu de la Méditerranée, davantage obnubilée, à des fins pacifiques, par le charbon et l'acier. Dans l'UE des 27 qui bâtissent l'Histoire européenne, pas moins de de 7 Etats membres4 dont la France et l'Italie, pays fondateurs, bordent la Méditerranée. C'est donc tout le sud de l'Europe qui voit dans le bassin méditerranéen un accès sur le monde et le développement. Ce développement économique des pays méditerranéen de l'UE grâce aux ressources de la mer est indéniable. La pêche, puis le commerce maritime grâce aux grands ports de Barcelone, Gênes et Marseille, et enfin le tourisme balnéaire sont à n'en pas douter les trois grâces des pays du Sud de l'Union. Au-delà de ces richesses économiques, la Méditerranée recèle bien d'autres trésors. En dehors de la composante culturelle précieuse née de la diversité des peuples vivant autour de la Méditerranée, le bassin méditerranéen regorge de richesses naturelles. La faune et la flore, marines ou terrestres, accrochées à ce bassin constituent en effet un patrimoine écologique unique à sauvegarder. Consciente de cette richesse économique et environnementale de la Méditerranée, l'UE a fait le choix de s'engager activement sur la voie d'un développement durable, chargé de développer la pêche, le tourisme et le commerce méditerranéens sans toutefois cesser de se préoccuper de la protection de l'environnement maritime et terrestre de la Méditerranée. Après les vicissitudes historiques méditerranéennes, mêlées d'orgueils, d'ambitions sanglantes et de prétentions religieuses, qui ont conduit les peuples méditerranéens à jouer du sabre plus que de la poignée de main, il semblerait que le XXIème siècle puisse se dérouler d'une autre façon. La paix pourrait devenir le nouveau rythme de l'Histoire5. Il est doux d'imaginer avec humilité que l'UE, désireuse « d'approfondir la solidarité entre les peuples dans le respect de leur histoire, de leur culture et de leur tradition »6, saura être l'un des artisans de cette paix, en permettant aux peuples méditerranéens de se développer tout en conservant le patrimoine environnemental qui est le pilier de leur culture. La paix en Méditerranée passera donc peut-être par la mise en place, grâce à l'UE, d'un développement durable méditerranéen. information/symbols/europe-day/schuman-declaration/index_fr.htm. 4 Il s'agit de Chypre, de l'Espagne, de la France, de la Grèce, de l'Italie, de Malte, et de la Slovénie. Le 1er juillet 2013, avec l'adhésion de la Croatie à l'UE, ce seront 8 Etats membres qui borderont le bassin méditerranéen. 5 Il est évident que les situations en Syrie, en Iran ou encore en Palestine ne participent pas de cette utopie pacifiste qu'il faut toutefois conserver comme espoir. Cependant, la paix entre les peuples européens semble être garanties, notamment grâce à la construction européenne. 6 Préambule §6. TUE, disponible sur : http://eur-lex.europa.eu/fr/treaties/index.htm. 14 §2. Le développement durable, un concept contemporain à conserver Le développement durable est « un un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ». Telle est la définition faite de la notion7 de sustainable development8 par le Rapport Brundtland en 1987 intitulé Our Common Future9. Cette définition, claire au demeurant, est issue d'un long processus de réflexion due à une prise de conscience environnementale assez soudaine10. En effet, avant d'aboutir à l'idée qu'un développement durable était nécessaire, il a d'abord fallu admettre le caractère irréversible de certaines activités humaines sur l'environnement 11. Qu'il s'agisse de la forêt, des matières fossiles, des animaux, du climat, de la terre, de la mer ou même encore de l'Homme, chacun a dû prendre conscience que les dégâts causés étaient non seulement irréparables, comme la disparition d'une espèce animale ou végétale, mais étaient également nuisibles au bon fonctionnement des activités humaines. Partant de ce constat, certains ont considéré que la solution résidait dans une décroissance soutenable, sorte de retour progressif de l'Homme à des conditions de vie qui, restant dignes, devaient se détacher progressivement d'une consommation nocive pour l'environnement alors considérée comme superflue12. Cette proposition « des objecteurs de croissance »13 ne fut cependant pas retenue par le droit international de l'environnement ni même par les droits régionaux et nationaux, préférant se concentrer sur la notion de développement durable. 7 8 9 10 11 12 13 En 1897 le développement durable n'est encore qu'une notion et non un concept. La CIJ le considérera comme un concept du droit international de l'environnement dans son arrêt du 25 septembre 1997, Projet GabčíkovoNagymaros, voir infra. La traduction française littérale de sustainable devlopment est développement soutenable. Les traductions françaises des textes rédigés en langue anglaise ont retenu les termes de développement durable. Rapport rédigé sous la direction d'une ancienne premier ministre norvégien, Gro Harlem BRUNDTLAND en 1983 dans le cadre de la Commission des nations Unies sur sur l'environnement et le développement. Ce rapport, intitulé en français « Notre Avenir à Tous » fut adopté par une résolution de l'Assemblée générale des Nations Unies : Résolution AGNU du 4 août 1987, RES/A/42/427, Development and international economic co-operation : environment, pp. 374. La Déclaration de Stockholm adoptée lors de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement le 16 juin 1972 énonce sans toutefois le nommer l'esprit du développement durable dans ses principes 1, 2, 5, 8 et 13. A titre d'exemple, le principe premier de la Déclaration de Stockholm précise que « [l'homme] a le devoir de solennel de protéger et d'améliorer l'environnement pour les générations présentes et futures ». REMOND-GOUILLOUD (M.), L'irréversibilité : de l'optimisme dans l'environnement, Revue juridique de l'environnement, numéro spécial, 1998, p. 7. GOUGUET (J.-J.), Développement durable et décroissance. Deux paradigmes incommensurables, Mélanges en l'honneur de Michel PRIEUR, Dalloz, 2007, p. 123. VAN LANG (A.), Droit de l'environnement, Thémis droit, PUF, Paris, 2011, p. 192. 15 La Déclaration sur l'environnement et le développement adoptée à Rio en 1992 14 insiste volontairement sur cette nouvelle notion qu'est le développement durable en reprenant pas moins de 12 fois cette occurrence à travers ses 27 principes. Parallèlement à cette Déclaration, fut adopté lors du Sommet de la terre de Rio en 1992 l'Agenda 21 15, document proposant pléthore de solutions et d'idées permettant de parvenir au niveau local à la réalisation d'un développement durable. Outre les nombreuses critiques doctrinales dirigées contre le développement durable, considérant avec amertume que si « à Stockholm, le développement économique était conditionné par la protection des ressources naturelles, à Rio, l'ordre des choses est inversé [de sorte que] l'environnement devient tributaire du développement »16, le principal problème de cette Déclaration et de l'Agenda 21 est qu'ils ne constituent, en droit international, aucune norme de droit obligatoire. Par chance, le développement durable proposé en 1987 et mis au grand jour en 1992 fera mouche et s'introduira dans les Conventions internationales sur l'environnement, instruments de droit obligatoire du droit des gens17. A titre d'exemple, la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification de 199418 précise par exemple dans son article premier b. que « l’expression "lutte contre la désertification" désigne les activités qui relèvent de la mise en valeur intégrée des terres dans les zones arides, semi-arides et subhumides sèches, en vue d’un développement durable ». Dans le même sens, les Parties à la Convention de Barcelone sur la protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée 19 conviennent dans l'article 4 que les Etats parties s'engagent à « éliminer la pollution dans la zone de la mer Méditerranée et pour protéger et améliorer le milieu marin dans cette zone en vue de contribuer à son développement durable ». Cette bonne fortune de la notion de développement durable a même fait l'objet d'un sommet mondial pour le développement durable, organisé à Johannesburg du 26 au 4 septembre 2002. Dès lors le développement durable est très vite devenu en droit international un « référentiel commun »20 14 Conférence des Nations Unies pour l'environnement et le développement, Action 21 – Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement, ONU, 1993, pp. 351, disponible sur : http://www.un.org/french/events/rio92/rio-fp.htm. 15 Conférence des Nations Unies pour l'environnement et le développement du 3 au 14 juin 1992, Action 21 – Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement, disponible sur http://www.un.org/french/ga/special/sids/agenda21/. 16 NEURAY (J.-F.), Droit de l'environnement, Précis de la faculté de droit, Université Libre de Bruxelles, Bruylant, 2001, p. 39. 17 Autre façon de nommer le droit international, traduite de l'expression jus gentium du droit romain relative au droit international (DAILLER (P.), FORTEAU (M.), PELLET (A.), Droit international public, L.G.D.J, Paris, 2009, p. 44). 18 Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification, signée à Paris le 17 juillet 1994, disponible sur : http://www.un.org/french/events/desertification/2008/convention.shtml. 19 Convention pour la protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée adoptée à Barcelone le 16 février 1976 suite au PAM de 1975, disponible sur http://www.unepmap.org. 20 MALJEAN-DUBOIS (S.), L’émergence du développement durable comme paradigme et sa traduction juridique sur la scène internationale, VILLABLA (B.), Ed., Appropriations du développement durable. Emergences, diffusions, 16 voire une « matrice conceptuelle »21 que ne sauraient plus écarter les Etats lors de l'adoption d'un instrument de droit international relatif à la protection de l'environnement. La Cour internationale de justice (CIJ), appelée à apprécier la force obligatoire de cette notion en 1997 dans l'affaire relative au projet de barrage sur le Danube a considéré que « le concept de développement durable traduit bien cette nécessité de concilier développement économique et protection de l'environnement »22, sans pour autant préciser s'il s'agissait d'une obligation de droit international sur le fondement de laquelle un Etat pouvait être condamné. Plus habituée à dégager des normes coutumières ou des principes généraux de droit que des concepts 23, la CIJ aurait dû reconnaître le développement durable comme étant une règle coutumière du droit international. Les Etats acceptant la juridiction de la CIJ pour un différend environnemental international auraient dû avoir l'obligation de démontrer qu'ils ont tout mis en œuvre, dans la mesure de leurs moyens, pour parvenir à la réalisation d'un développement durable24. Le droit de l'UE pour sa part ne fut pas non plus insensible à l'émergence en droit des gens de ce concept de développement durable. « [Œuvrant] pour le développement durable de l'Europe fondé sur une croissance économique équilibrée […] et un niveau élevé de protection et d'amélioration de la qualité de l'environnement »25, les institutions de l'UE se sont activement engagées pour créer sur le continent européen les conditions d'un développement durable 26. Ainsi, en matière marine par exemple, la Commission européenne n'hésite pas à proclamer pompeusement que « la préservation de la suprématie européenne en matière de développement durable des activités maritimes » doit continuer à être une réalité27. Partant, la stratégie pour le milieu marin de l'UE28 exige des Etats membres qu'ils « tiennent dûment compte du développement durable »29 lorsqu'ils établissent les programmes de mesures destinés à conserver le « bon état écologique »30 des eaux marines de l'Union. traductions, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2009, p. 67. 21 DUPUY (P.-M.), Où en est le droit international de l’environnement à la fin du siècle ?, Revue générale de droit international public, avril 1997, p 886. 22 CIJ, arrêt du 25 septembre 1997, Projet Gabčíkovo-Nagymaros, Hongrie c/ Slovaquie, §140, Rec. pp. 77-78. 23 Désormais les développements se référeront au concept de développement durable. 24 La normativité de ce concept de développement durable ne fut en rien précisé par la CIJ : CIJ, arrêt du 20 avril 2010, Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay, Argentine c/ Uruguay, Rec. p. 14. 25 Article 3 §3. TUE. 26 Communication de la Commission du 15 mai 2001, Développement durable en Europe pour un monde meilleur: stratégie de l'Union européenne en faveur du développement durable, COM(2001) 264 fina, non publiée au journél officiel ; Communication de la Commission du 13décembre 2005, Révision de la stratégie pour le développement durable - Une plate-forme pour l'action, COM(2005) 658 final, non publiée au Journal officiel. 27 Communication de la Commission européenne du 7 juin 2006, Vers une politique maritime de l'Union : une vision européenne des océans et des mers, COM (2006) 275 final, p. 7. 28 Directive 2008/56/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 établissant un cadre d’action communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin (directive-cadre «stratégie pour le milieu marin»), JOUE L 164 du 25 juin 2008, pp. 19-40. 29 ibidem. article 13 §3. 30 ibidem. article premier §3, et voir infra. 17 Cependant, à l'heure ou le sixième programme d'action pour l'environnement 31 s'achève32, un débat vif est né entre les institutions européennes au sujet du développement durable. Le premier pas dans cette discorde fut fait par la Commission européenne le 3 mars 2010 lorsque celle-ci publia une communication intitulée : « Europe 2020 : une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive »33. L'ambition de la Commission européenne n'apparaît plus ici comme étant le développement durable, mais réside dans une croissance durable destinée à « promouvoir une économie plus efficace dans l’utilisation des ressources, plus verte et plus compétitive »34. Par la suite, le Parlement européen a adopté le 20 avril 2012 une proposition pour l'adoption d'un septième programme d'action communautaire pour l'environnement. Une seule référence à un « développement économique et social durable »35 sera faite dans cette proposition. Préférant parler de « politiques de transports durables », d'« agriculture durable », de « gestion durable des matériaux », de « production durable », de « caractère durable de l'espace foncier », de « gestion durable des forêts » ou d'« utilisation durable des terres »36, le Parlement européen s'inscrit donc dans l'esprit de la « Stratégie Europe 2020 » souhaitée par la Commission. Si toutes ces appellations se rapprochent clairement du concept de développement durable, le fait de ne pas nommer celui-ci directement ne sera pas sans impact politique dans le développement du droit européen de l'environnement. Dans son avis du 25 avril 2012 sur ce septième programme d'action communautaire pour l'environnement, le Comité économique et social européen (CESE) fustige ce choix fait par la Commission et suivi par le Parlement 37. Après avoir sévèrement dénoncé la « Stratégie Europe 2020 », le CESE « réitère ses critiques [...] et affirme haut et fort, une fois de plus, qu'à son avis, laisser la stratégie en faveur du développement durable se fondre quasiment dans la stratégie Europe 2020 est une erreur. [Il ajoute que] maintes fois, il a présenté des arguments étayant son point du vue, sans susciter la moindre réaction de la part de la Commission, du Conseil ou du Parlement »38. Un débat semble donc ouvert : qu'adviendra-t-il du développement durable d'ici 2020 ? L'abandon ou la refonte de celui-ci dans une action politique plus large ne serait pas sans 31 Décision du Parlement européen et du Conseil du 22 juillet 2002 établissant le sixième programme d'action communautaire pour l'environnement (2002-2012), JOCE n° L 242 du 10 septembre 2002, pp. 1-15. 32 ibidem. article premier §3. : « Le programme couvre une période de dix ans à compter du 22 juillet 2002 ». 33 Communication de la Commission européenne du 3 mars 2010, Une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive, COM(2010) 2020 final, pp. 39. 34 ibidem. p. 5. 35 Résolution du Parlement européen 2011/2194(INI) du 20 avril 2012 sur la révision du sixième programme d'action pour l'environnement et la définition des priorités du septième programme d'action pour l'environnement, Un environnement meilleur pour une vie meilleure, §71. 36 ibidem. respectivement §§13, 13, 23,27, 36, 41 et 60. 37 Avis du Comité économique et social européen NAT/538 du 25 avril 2012, 7e programme d'action pour l'environnement et suivi du 6e PAE, Bruxelles, pp. 10. 38 ibidem. p. 6. 18 conséquence à l'heure ou les peuples européens commencent à s'engager pour l'environnement. Bien plus qu'un slogan, le concept de développement durable est avant tout une méthode qui, pas à pas, à fait son chemin dans les consciences collectives, parvenant à convaincre les défenseurs de la nature et les créateurs de richesses d'agir ensemble. Bien que la « Stratégie Europe 2020 » ne constitue en rien une rupture brutale avec le concept de développement durable, il faudra toutefois que le Parlement et le Conseil, au moment d'adopter ce septième programme pour l'environnement aient à l'esprit les conséquences politiques, puis juridiques, et donc environnementales et économiques, de ce changement de cap, alors même que le concept de développement durable s'adapte très bien aux sociétés contemporaines. Si le concept même de développement durable est à préserver et développer c'est qu'il a su s'insérer dans la logique cyclique de l'Histoire. Pour protéger l'environnement, nouvelle vocation des Hommes, il est la solution la plus raisonnable et donc la plus efficace répondant aux deux vocations historiques de l'humanité : l'évolution et la postérité. De tout temps en effet les humains ont cherché à progresser intellectuellement ou matériellement, dans l'espoir de construire l'Histoire en lui confiant gravité ou grandeur, pour que les générations futures s'en nourrissent ou en soient fières. Le concept de développement durable est donc tout à fait adapté aux ambitions de nos sociétés actuelles. C'est dans cette optique que la Chapitre 17 de l'Agenda 21 39 proposa dès 1993 le concept de gestion intégrée des zones côtières (GIZC) pour permettre la réalisation d'un développement durable des espaces côtiers. §3. Le concept de gestion intégrée des zones côtières, une réponse large pour des préoccupations précises Le concept de GIZC fut d'abord consacré par le droit international de l'environnement, même s'il a vocation à être mis en œuvre à un échelon plus local. Développé lors la Conférence des Nations Unies pour l'environnement et le développement tenue à Rio en 1992, le concept de GIZC est appelé à participer à cette démarche de développement durable consacrée par la Déclaration de Rio40. Le Chapitre 17 de l'Agenda 2141 considère que « le milieu marin, y compris les océans et 39 op. cit. conférence des Nations Unies pour l'environnement et le développement, Action 21 – Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement, disponible sur : http://www.un.org/french/events/rio92/rio-fp.htm. 40 op. cit. Déclaration finale de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement réunie à Rio du 3 au 14 juin 1992, disponible sur : http://www.un.org/french/events/rio92/rio-fp.htm. 41 op. cit. conférence des Nations Unies pour l'environnement et le développement du 3 au 14 juin 1992, Action 21– 19 toutes les mers, et les zones côtières adjacentes, forme un tout et constitue un élément essentiel du système permettant la vie sur Terre. C'est un capital qui offre des possibilités de développement durable. [...] Cela suppose l'adoption de nouvelles stratégies de gestion et de mise en valeur des mers et océans et des zones côtières aux niveaux national, sous-régional, régional et mondial, stratégies qui doivent être intégrées et axées à la fois sur la précaution et la prévision, [comme par exemple la] gestion intégrée et [le] développement durable des zones côtières, y compris de la zone économique exclusive »42. Outre la volonté de l'Agenda 21 de voir se créer sur les zones côtières les conditions permettant un développement durable, la première difficulté pour les acteurs de la protection de l'environnement sera de comprendre les buts de ce concept. Deux groupes de termes sont en réalité à définir. Il faut en effet se demander en quoi consiste la gestion intégrée, avant de déterminer les contours des zones côtières. Bien que le concept de GIZC a été formulé pour la première fois par l'Agenda 21, celui-ci ne possède cependant pas le monopole de la définition de ce concept. D'autres instruments de droit international, de droit régional et de droit national ou local œuvrent également à la définition de ce concept43. Dans un article traitant justement du concept de GIZC, Olivier LOZACHMEUR 44, décline la gestion intégrée en cinq catégories45. S'appuyant sur des études relatives à la GIZC46 il estime que la GIZC recoupe l'intégration des composantes spatiales, administratives, temporelles, sectorielles et environnementales de la protection environnementale des zones côtières. Il s'agirait donc d'une mise en commun des faits, des compétences et des ambitions relatives aux zones côtières, destinée à leur protection et à leur développement. Le Conseil de l'Europe, qui fut la première organisation internationale à s'intéresser pour l'Europe au concept de GIZC, a fourni en 1999 une définition longue et complète de ce concept qui fournit un point de vue intéressant sur l'idée d'une gestion intégrée des espaces côtiers. Ainsi selon le Conseil de l'Europe la GIZC consisterait en « l'aménagement et l'utilisation durable des zones côtières prenant en considération le développement économique et social lié à la présence de la mer tout en sauvegardant, pour les générations présentes et futures, les équilibres biologiques et 42 43 44 45 46 Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement, disponible sur : http://www.un.org/french/ga/special/sids/agenda21/. ibidem. p. 124. Voir infra. Docteur en droit public, CERP3E, Faculté de droit de Nantes. LOZACHMEUR (O.), Le concept de « gestion intégrée des zones côtières » en droit international, communautaire et national, Le droit maritime français, mars 2005, pp. 262-263. Nottamment KENCHINGTON (R.) et CRAWFORD (D.), On the meaning of Integration in coastal zone management, Ocean and coastal management, volume 21, n° 1-3, 1993, pp. 114-115 ; BURDRIGE (P.), Planning and management processes : sectoral and territorial cooperation, European demonstration programme on ICZM, University of Newcastls ; 1999, pp. 5-6 ; DATAR, Construire ensemble un développement équilibré du littoral, La documentation française, Paris ; 2004, pp. 129-130. 20 écologiques fragiles de la zone côtière et les paysages. […] [L]a mise en place d'une gestion intégrée des zones côtières exige la création d'instruments institutionnels et normatifs assurant une participation des acteurs et la coordination des objectifs, des politiques et des actions, à la fois sur le plan territorial et décisionnel et impose de traiter les problèmes non pas au coup par coup mais de façon globale et en tenant compte de l'interaction entre tous les éléments qui composent l'environnement »47. Au-delà donc de l'intégration de l'ensemble des éléments composant l'environnement côtier dans la gestion des zones côtières, le concept de GIZC implique également la participation de l'ensemble des acteurs, parties prenantes au développement durable des zones côtières. C'est donc une logique de gouvernance environnementale que préconise ici le Conseil de l'Europe pour gérer de façon intégrée les zones côtières. Malgré les débats nombreux sur la définition de la gouvernance environnementale48, il est tout à fait possible de considérer la gouvernance environnementale comme une démarche caractérisée par « l'élargissement du cercle des acteurs associés aux processus décisionnels et [par] la recherche systématique de solutions de type consensuel »49. Il apparaît finalement que sous l'appellation de gestion intégrée, le concept de GIZC recherche une action concertée de l'ensemble des acteurs ayant un intérêt à la protection et/ou au développement des zones côtières, prenant en compte toutes les données objectives inhérentes à l'environnement naturel de cette zone côtière. Reste à savoir cependant ce qu'est, pour le concept de GIZC, une zone côtière. La tâche est tout aussi délicate pour définir la notion de zone côtière. Outre le sens courant pouvant conférer à la zone côtière une signification semblable à celle de littoral, une zone côtière doit être entendue comme étant la partie terrestre et maritime qui se situe de part et d'autre de la jonction entre la terre et la mer lors de la marée la plus basse50. La Convention de Barcelone sur la protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée de 197651 peut donner, pour l'aspect juridique, une définition sinon courageuse au moins exacte de cette notion de zone côtière. En effet, après avoir défini son champ d'application, 47 Conseil de l'Europe, Modèle de loi sur la gestion durable des zones côtières, Sauvegarde de la nature, n° 101, Editions du Conseil de l'Europe, Strasbourg 1999, p. 13. 48 Voir par exemple LE BARS (B.), La gouvernance environnementale, Environnement, juin 2009, pp. 46-48. 49 CHEVALIER (J.), La gouvernance et le droit, Mélanges Paul Amselek, Bruylant, 2005, p. 189. 50 Colloque sur l'aménagement et la gestion intégrée des zones côtières : aspects juridiques, Boulogne-sur-Mer les 11, 12 et 13 mai 2000, Revue juridique de l'environnement, numéro spécial, 2001, pp. 320 ; et plus particulièrement BLANQUET (M.) et DE GROVE-VALDEYRON (N.), Zone côtière et droit communautaire, p. 60 ; GHEZALI (M.), Rapport national de la France l'aménagement et la gestion intégrée des zones côtières, pp. 177-213. ROCHETTE (J.), thèse MESNARD (A.-H.) et TREVES (T.), Dir., Le traitement juridique d’une singularité territoriale : la zone côtière. Étude en droit international et droit comparé franco-italien,, pp. 33-41, disponible sur : tel.archives-ouvertes.fr/docs/00/17/24/10/PDF/These_J_Rochette_2007.pdf. 51 op. cit. Convention pour la protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée adoptée à Barcelone le 16 février 1976 suite au PAM de 1975, disponible sur : http://www.unepmap.org. 21 l'article premier §2. de la Convention de Barcelone précise que la zone côtière « peut être étendue au littoral tel qu’il est défini par chaque Partie contractante pour ce qui la concerne ». La définition de zone côtière n'est donc pas générale, elle ne peut émaner que de la définition qu'en donnent les Etats possédant un littoral maritime52. Généralement, les Etats ont tendance à considérer que leur bande littorale ou leur zone côtière est constituée en mer jusqu'à la limite de leur mer territoriale 53, et à terre dans la partie dont l'environnement, le climat météorologique et l'économie sont fortement influencés par la présence proche de la mer54. Le concept de GIZC consiste par conséquent à protéger et développer l'espace littoral terrestre et marin en faisant coopérer tous les acteurs qui souhaitent y participer, tout en tenant compte des impératifs environnementaux et juridiques de cet espace littoral. La GIZC est donc, pour la bande littoral, au service du concept de développement durable. Pour le développement durable en général, et pour la GIZC en particulier, l'UE a une place à prendre en Méditerranée. Même si l'UE est consciente de l'intérêt qu'il y a à sauvegarder l'environnement méditerranéen pour que les activités économiques et humaines des européens continuent à prospérer dans le bassin méditerranéen, les préoccupations environnementales de l'Union sont, dans l'histoire de sa construction, assez récente. C'est en tout cas ce qu'il faut avoir à l'esprit lorsque les initiatives de l'Union en matière environnementale seront à analyser. §4. La construction européenne, des préoccupations environnementales non originelles mais non négligées La prise en compte des impératifs environnementaux par l'UE n'est, à l'échelle de la construction européenne, somme toute que très récente. En 1957, l'ambition du Traité de Rome 55 n'était en effet que de créer en Europe un large marché libéré de toute contrainte permettant le 52 GHEZALI (M.), Rapport général : « statut des espaces littoraux », Revue juridique de l'environnement, numéro spécial, 2001, p. 32. 53 L'article 3 de la Convention de Montego Bay de 1982 sur le droit de la mer prévoit que « Tout Etat a le droit de fixer la largeur de sa mer territoriale, cette largeur ne dépasse pas 12 milles marins mesurés à partir de lignes de base établies conformément à la Convention », disponible sur : http://www.un.org/french/law/los/unclos/closindx.htm. 54 op. cit. Colloque sur l'aménagement et la gestion intégrée des zones côtières : aspects juridiques, Boulogne-sur-Mer les 11, 12 et 13 mai 2000, Revue juridique de l'environnement, numéro spécial, 2001, pp. 320 ; et plus particulièrement GHEZALI (M.), Rapport général : « statut des espaces littoraux », p. 32, pp. 40-44 ; BLANQUET (M.) et DE GROVE-VALDEYRON (N.), Zone côtière et droit communautaire, p. 54-62. 55 Traité instituant la Communauté économique européenne, signé à Rome le 25 mars 1957, disponible sur http://eurlex.europa.eu/fr/treaties/index.htm. 22 développement productif et économique. Avant que les institutions européennes ne deviennent réellement compétentes en matière d'environnement, celles-ci avaient toutefois trouvé dans l'article 100 du Traité de Rome le moyen de protéger les impératifs environnementaux européens. Consacré au rapprochement des législations des différents Etats membres. Cet article 100 permettait au Conseil, sur proposition de la Commission, d'arrêter des directives assurant une harmonisation des différents droits nationaux 56. Le fait que le Conseil doive statuer à l'unanimité était également un gage de la volonté des Etats membres à voir la la Communauté économique européenne (CEE) d'alors à statuer dans le domaine environnemental. Autre possibilité offerte aux institutions de la CEE pour légiférer en matière environnementale alors que le Traité de Rome ne leur donnait pas cette compétence : l'article 235. Précisant que « si une action de la Communauté apparaît nécessaire pour réaliser, dans le fonctionnement du marché commun, l'un des objets de la Communauté, sans que le présent Traité ait prévu les pouvoirs d'action requis à cet effet, le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission et après consultation de l'Assemblée, prend les dispositions appropriées ». L'exemple le plus connu d'acte de droit dérivé ayant pour base légale l'article 235 du Traité CEE n'est autre que la directive « Oiseaux » de 197957, témoin des préoccupations environnementales latentes en Europe. Pour mettre fin à cette position juridiquement inconfortable pour les institutions européennes, les Etats membres dotent en 1986 la Communauté européenne d'une réelle compétence environnementale. L'article 130 R de l'Acte Unique Européen 58 confère en effet une compétence environnementale à la CEE, compétence partagée avec les Etats membres. Après cela, tous les Traités bâtisseurs de l'Union européenne (UE), reprennent et précisent la compétence européenne en matière d'environnement. Aujourd'hui, depuis l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne le premier décembre 2009, la compétence environnementale européenne est contenue dans les articles 191 à 193 du titre XX du Traité sur le fonctionnement de l'UE (TFUE) et relève toujours d'une compétence partagée entre l'UE et ses Etats membres au titre de l'article 4 §2 e. du Traité sur l'Union européenne. 56 Article 100 TCE : « Le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission, arrête des directives pour le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres qui ont une incidence directe sur l'établissement ou le fonctionnement du marché commun. L'assemblée et la Comité économique et social sont consultés sur les directives dont l'exécution comporterait, dans un ou plusieurs États membres, une modification de disposition législative », disponible sur : http://eur-lex.europa.eu/fr/treaties/index.htm. 57 Directive 79/409/CEE du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages,JOCE L 103 du 25 avril 1979 pp.1-18. 58 Acte Unique Européen, signé à Luxembourg le 17 février 1986 et à la Haye le 28 février 1986, disponible sur http://eur-lex.europa.eu/fr/treaties/index.htm. 23 Cette compétence des institutions européennes dans le domaine de la protection de l'environnement n'est donc apparue que tardivement dans l'histoire de la construction européenne. Cependant, à l'échelle de l'histoire du droit international de l'environnement, si cet article 130 R de l'Acte Unique Européen apparaît près de quinze ans après la Déclaration de Stockholm de 1972 59, elle apparaît six ans avant la Déclaration de Rio de 199260 qui acte avec plus d'ampleur le commencement des ambitions environnementales sur la scène internationale. Il ne serait donc pas légitime de reprocher à la construction européenne cette compétence environnementale tardive, il faudra toutefois garder cela à l'esprit lorsqu'il s'agira d'examiner les préoccupations de la CEE puis de l'UE à l'égard de leurs zones côtières. Il est donc aisément compréhensible que l'UE n'ait pas pu immédiatement prendre à bras le corps le dossier du développement durable en Méditerranée par la mise en place de projets de GIZC. L'environnement méditerranéen n'en fut pas oublié pour autant, puisque des organisations plus modestes que l'UE, à l'instar de l'Accord RAMOGE, ont fait de la protection du bassin méditerranéen leur objectif principal. §5. L'Accord RAMOGE, la protection de l'environnement méditerranéen notamment par le développement durable et la gestion intégrée des zones côtières En 1970, le Prince Rainier III de Monaco, averti de la nécessité de protéger la mer Méditerranée par l'action concertée des pays limitrophes de la Principauté, formule le souhait lors d'une assemblée plénière de la Commission Internationale pour l'Exploration Scientifique de la Méditerranée de voir les efforts français, italiens et monégasques concentrés dans un dessein environnemental commun61. A cette fin, le 10 mai 1976, la France, l'Italie et Monaco signent à Monaco un accord relatif à la protection de l'environnement marin et côtier d'une zone de la mer Méditerranée : l'Accord RAMOGE62. A l'origine, il s'agissait de protéger l'espace marin et côtier situé entre la ville française de Saint Raphaël et la ville italienne de Gênes en passant par la Principauté de Monaco. L'Accord de 1976 doit alors son nom à la première syllabe de ces trois villes, Saint-RAphaël, MOnaco et 59 Déclaration finale de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement réunie à Stockholm du 5 au 16 juin 1972, disponible sur : http://www.unep.org. 60 op. cit. déclaration finale de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement réunie à Rio du 3 au 14 juin 1992, disponible sur : http://www.un.org/french/events/rio92/rio-fp.htm. 61 http://ramoge.org/fr/historique.aspx. 62 Disponible sur http://www.ramoge.org/documents/accord.pdf. 24 GEnes : RAMOGE. En 1993 les trois Etats parties à l'Accord RAMOGE étendent le champ d'application de l'Accord à la haute mer63 en se lançant dans le plan RamogePol, défini par un texte signé à Monaco par les trois Parties le 11 janvier 200564. L'objectif pour l'Accord RAMOGE est alors « d’établir un plan d’intervention pour la lutte contre les pollutions marines accidentelles en Méditerranée »65. Pour donner un nouveau souffle au plan RamogePol, les trois Etats parties envisagent aujourd'hui de mettre au point une coopération entre les magistrats français, italiens et monégasques appelés à lutter ensemble contre les rejets polluants des navires. L'Accord RAMOGE fut en outre amendé le 27 novembre 2003 en vue de répondre aux nouvelles exigences environnementales imposées par l'espace méditerranéen lui-même 66. Désormais la Zone67 RAMOGE s'étend de Marseille à La Spezia, et l'article 3 de l'Accord précise que « la Commission RAMOGE a pour mission d'établir une collaboration plus étroite entre les services compétents des Gouvernements des trois Parties et des collectivités territoriales en vue de prévenir et lutter contre les pollutions et les dégradations de l'environnement marin et côtier, de préserver la biodiversité et de constituer une zone pilote en Méditerranée pour la réalisation de ces objectifs ». Lors du trentième anniversaire de la création de l'Accord RAMOGE, le Prince Albert II de Monaco rappelait qu'« en trente années d’activités, RAMOGE s’est forgé une solide expérience dans son domaine d’action prioritaire, à savoir, la lutte contre les pollutions marines et littorales. Au delà de cette activité phare, l’Accord s’est également très largement investi en matière de protection de la biodiversité et de sensibilisation des jeunes à l’environnement »68. En matière de protection de la mer Méditerranée, l'Accord RAMOGE s'illustre également dans le domaine du développement durable, notamment en proposant une GIZC de la Zone RAMOGE69. Comme pour toutes ses actions, l'Accord RAMOGE n'envisage de traiter la GIZC que dans l'objectif de devenir une zone pilote de la mise en application de ce concept. 63 Accord RamogePol §1.2, disponible sur http://ramoge.org/fr/ramogepol.aspx. 64 Ce plan RamogePol s'inscrit dans l'esprit qui anime la Convention pour la prévention de la pollution par les navires, dite Convention MARPOL, signée à Londres le 2 novembre 1973. Comme le plan RamogePol, la Convention MARPOL a pour but de lutter contre les rejets en mer par les navires de substance nocives. 65 op. cit. http://ramoge.org/fr/ramogepol.aspx. 66 SCOVAZZI (T.), La révision de l'Accord RAMOGE, Annuaire de droit maritime et océanique, janvier 2004, pp. 107112. 67 L'Accord Ramoge fait bien référence dans son article 2 à la Zone RAMOGE pour définir son champ d'application. La majuscule au mot zone ne doit pas créer de confusion avec la Zone du droit international de la mer dont traite l'article premier de la Convention de Montego Bay précisant qu'elle « on entend par « Zone » les fonds marins et leur sous-sol au-delà des limites de la juridiction nationale » (Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, adoptée à Montego Bay le 10 décembre 1982, disponible sur : http://www.un.org/french/law/los/unclos/closindx.htm). 68 Allocution de S.A.S le Prince Albert II de Monaco du 9 mai 2006, disponible sur http://ramoge.org/Documents/discours_sas_9mai06.pdf. 69 http://ramoge.org/fr/presentation_gizc.aspx. 25 Il semble donc que l'ambition première de l'Accord soit de faire de sa Zone de compétence une zone pilote de la protection de la mer Méditerranée. Une sorte d'espace modèle de ce qui doit être fait en matière de développement durable et de GIZC dans l'ensemble de la Méditerranée. §6. L'objet traité, les politiques de développement durable de l'Union européenne en Méditerranée et le rôle pilote joué par l'Accord RAMOGE en matière de gestion intégrée des zones côtières Après avoir pris conscience de l'importance de l'UE dans la suite à donner à l'Histoire de la Méditerranée, il est apparu que cette nouvelle page à écrire pourrait être dictée par le concept de développement durable. Les préoccupations environnementales de l'UE, certes assez récentes mais très affirmées, font de l'UE et de son peuple l'un des espaces les plus acquis aux impératifs environnementaux. Dans ce concert européen pour l'environnement, d'autres voix s'élèvent, comme par exemple celle de l'Accord RAMOGE, pour œuvrer en commun au développement durable de la Méditerranée. Dans le cadre des relations entre les projets de l'Accord RAMOGE et la politique de développement durable de l'UE en Méditerranée, pourrait légitimement se poser la question des rapports entretenus entre la Principauté de Monaco, pays non membre de l'UE, et le droit européen relatif au développement durable des espaces marins. La Principauté de Monaco et l'UE ayant toujours eu d'excellentes relations, notamment en matière économique70, le droit monégasque accepte assez facilement de s'adapter aux exigences juridiques de ses voisins, et notamment de la France, sans quoi le Rocher se trouverait très vite isolé. Il est donc certain que dans le cadre de l'Accord RAMOGE, qui réunit deux pays fondateurs de l'UE, la Principauté de Monaco saura s'adapter au droit de l'UE en matière de développement durable. Cette précision est importante car le développement durable moteur de l'action environnementale de l'UE est forcément marqué de l'empreinte européenne, lui conférant ainsi une forte identité. Le concept de GIZC, accomplissement du développement durable pour les zones côtières héritera lui aussi nécessairement de cette identité européenne. Dans la Zone RAMOGE, l'Accord ne pourra pas faire fi du poids de l'UE en matière de développement durable s'il souhaite devenir une zone pilote européenne de la GIZC méditerranéennes. Il s'agira donc ici de se demander comment l'UE parvient à créer les conditions 70 L'euro est par exemple la monnaie utilisée à Monaco. 26 d'un développement durable en Méditerranée notamment grâce aux projets de GIZC menés par l'Accord RAMOGE. La réponse à cette interrogation réside certainement dans le fait que l'UE est parvenue à s'approprier le concept de GIZC en lui offrant une identité européenne, ce qui permettra à la GIZC de s'adapter d'autant mieux aux exigences européennes du bassin méditerranéen en matière de développement durable (Première partie). De la même façon, si l'Accord RAMOGE parvient à être une zone pilote européenne de la GIZC en Méditerranée, créant les conditions d'un développement durable méditerranéen, c'est qu'il aura su mettre en œuvre, à sa façon, l'identité européenne de ce concept de GIZC (Seconde partie). 27 PREMIERE PARTIE : UNE IDENTITE ORIGINALE DU CONCEPT DE GESTION INTEGREE DES ZONES COTIERES TAILLEE AUX MESURES DE L’UNION EUROPEENNE 28 29 Echapper à l'omniprésence de l'initiative internationale en matière de protection de l'environnement n'est pas une tâche évidente pour une organisation internationale régionale telle que l'UE. La construction européenne doit être une voix indépendante et audible au milieu de dizaines d'autres, fière des ses ambitions environnementales. Sans rester aveuglée face aux propositions audacieuses du droit international de l'environnement, il n'en demeure pas moins que l'UE doit marquer de son empreinte la protection des intérêts environnementaux. Proposé par le Chapitre 17 de l'Agenda 21 en 199271, le concept de GIZC ne peut demeurer une idée conceptuelle et doit devenir une action concrète. Afin de bâtir ce projet de GIZC européennes, l'UE a su trouver en ellemême les ressources nécessaires pour s'approprier ce concept, fruit du travail du droit international de l'environnement (Ch. Premier). Par la suite, cette démarche européenne d'appropriation du concept de GIZC sera mis en œuvre de façon originale par les institutions de l'Union, n'hésitant pas à se référer à nouveau au droit international dont elle avait eu tant de mal à se démarquer (Ch. Second). CHAPITRE PREMIER : UNE APPROPRIATION EUROPENNE REUSSIE DU CONCEPT DE GESTION INTEGREE DES ZONES COTIERES L'émancipation européenne fut longue en matière de GIZC, et le droit international de l'environnement est longtemps resté sous-jacent lorsque les institutions de l'Union eurent à s'approprier ce concept de issu du droit international (Section première). N'ayant cependant rien d'exceptionnel, le processus européen d'appropriation du concept de GIZC demeure une réussite pour le droit européen de l'environnement (Section seconde). 71 op. cit. Agenda 21 adopté à Rio lors de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement de 1992. 30 SECTION PREMIERE : UN SEVRAGE LONG ET DIFFICILE DE L'UNION EUROPEENNE A L'EGARD DU CONCEPT DE DROIT INTERNATIONAL DE GESTION INTEGREE DES ZONES COTIERES Sherpa du droit international de l'environnement, l'UE restera toujours en retrait des pérégrinations intellectuelles du concept de GIZC (§2.), se contentant de suivre de loin l'élaboration conceptuelle d'un projet qui, au moins dans sa genèse, lui échappa volontairement (§1.). §1. Une attitude européenne circonspecte dans le développement international du concept Malgré la compatibilité entre d'une part l'approche écosystémique promue par le droit international de l'environnement à laquelle répond le concept de GIZC et d'autre part les ambitions politiques de la construction européenne (A.), il s'avère que cette dernière est toutefois restée très en marge du développement, en droit international, du concept de GIZC (B.). A. La Compatibilité évidente des ambitions européennes avec l'approche écosystémique de la gestion intégrée des zones côtières Dès 1972 le droit international de l'environnement et le Principe 2 de la Déclaration de Stockholm72 ont considéré l'approche écosystémique comme la méthode la plus efficace pour répondre aux impératifs environnementaux. Selon Agathe VAN LANG 73, les écosystèmes se définissent comme « des ensembles cohérents dont toutes les composantes sont interdépendantes»74. Le droit international n'envisage donc pas que l'environnement, entité large voire absolue au demeurant, puisse être protégé de façon morcelée, partielle et incomplète. Si l'action peut être ciblée, elle devra tenir compte de l'ensemble de l'espace dans lequel elle s’insère. Afin d'illustrer l'importance de cette approche écosystémique, citons par exemple la 72 op. cit. Déclaration finale de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement réunie à Stockholm du 5 au 16 juin 1972. Le Principe 2 énonce que : « Les ressources naturelles du globe, y compris l'air, l'eau, la terre, la flore et la faune, et particulièrement les échantillons représentatifs des écosystèmes naturels, doivent être préservés dans l'intérêt des générations présentes et à venir par une planification ou une gestion attentive selon que de besoin ». 73 Professeure à l'Université de Nantes. 74 op. cit. VAN LANG (A.), Droit de l'environnement, p. 18. 31 Convention de Ramsar de 197175 qui impose une utilisation tant rationnelle des zones humides que respectueuse des équilibres écosystémiques. De même, la Convention sur la diversité biologique de 199276 fut la première Convention internationale à imposer aux Etats d'adopter une approche écosystémique s'ils souhaitaient agir pour la protection de l'environnement. Dans un cadre plus spécifiquement maritime, la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, dite Convention de Montego Bay de 198277, prévoit dans son préambule, ainsi que dans ses principes généraux et ses principes fondamentaux relatifs à la protection du milieu marin, que « les problèmes des espaces marins sont étroitement liés entre eux et doivent être envisagés dans leur ensemble »78. Enfin, et comme souvent en droit international, de nombreux instruments de droit non obligatoires reprennent pour le milieu marin ce traitement écosystémique des impératifs environnementaux79. Puisqu'il faut néanmoins assurer « la protection des écosystèmes dans l'intérêt des générations présentes et futures »80, on ne saurait imaginer que la protection et le développement des activités humaines soient exclus de cette approche écosystémique. Détachée de l'aspect purement environnemental et scientifique, l'approche écosystémique doit pouvoir s'étendre à tous les acteurs qui bénéficient de l'environnement et participent ou influent sur son fonctionnement, sur son système. Dans un sens plus large donc, l'approche écosystémique doit être en mesure d'englober non seulement l'ensemble du fonctionnement naturel de l'environnement mais sans oublier d'y intégrer les activités que l'Homme mène grâce à lui. L'inspiration première de la construction européenne fût d'« établir les fondements d'une union sans cesse plus étroite entre les peuples européens » et d'« assurer par une action commune le progrès économique et sociale », elle s'est alors fixée « pour but essentiel […] l'amélioration constante des conditions de vie et d'emploi » du peuple européen81. Ainsi, permettre aux activités humaines de prendre part à la protection de l'environnement grâce à l'approche écosystémique n'est 75 Convention relative aux zones humides d'importance internationale, particulièrement comme habitats des oiseaux d'eau, adoptée à Ramsar le 2 février 1971, disponible sur : http://www.ramsar.org. 76 Convention des Nations Unies sur la diversité biologique, adoptée à Rio le 5 juin 1992, disponible sur http://www.cbd.int/doc/legal/cbd-fr.pdf. 77 op. cit. Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, adoptée à Montego Bay le 10 décembre 1982, disponible sur : http://www.un.org/french/law/los/unclos/closindx.htm. 78 Troisième paragraphe du Préambule de la Convention de Montego Bay. 79 Voir par exemple la déclaration de Stockholm de 1972 de la Conférence des Nations Unies sur le développement humain (Principes 2, 4, 7 et 21) ; la Charte mondiale de la nature de 1982 (Principes généraux 2 et 30) ; le Code de conduite de la FAO, pour une pêche responsable de 1995 ; la Déclaration de Reykjavik sur une pêche responsable dans l'écosystème marin (Rapport de la FAO sur la pêche n° 658, Rome, 2002, appendice I.) ; le Plan de mise en œuvre du Sommet mondial pour le développement durable de Johannesburg de 2002 prévoyant d'appliquer pour 2010 une approche écosystémique et une gestion intégrée des côtes et des océans ; la déclaration du Millénaire et Sommet mondial de 2005 ou l'Assemblée générale des Nations Unies insistait sur une gestion intégrée et une mise en valeur durable des océans et des mers (document final du Sommet mondial, résolution 60/1, §56.1). 80 Voir notamment le Principe 2 de la Déclaration de la Conférence de Stockholm de juin 1972 ou le considérant 9 du Préambule de la Charte mondiale de la nature du 28 octobre 1982. 81 Préambule in limine du Traité instituant la Communauté économique européenne du 25 mars 1957, disponible sur : http://eur-lex.europa.eu/fr/treaties/index.htm. 32 en rien contradictoire avec les ambitions humanistes et économique que se sont fixés les peuples européens dès 1957. L'esprit dans lequel la construction européenne fût lancée est donc totalement compatible avec l'approche écosystémique promue par le droit international de l'environnement dès 1972. Au-delà même de cette vocation européenne de considérer les activités humaines et économiques comme le centre de ses intérêts, l'approche écosystémique que le droit international appelle de ses vœux ne saurait aller à l'encontre du concept de développement durable. En effet, si le Principe 7 de la déclaration de Rio 82 rappelle que « les Etats doivent coopérer dans un esprit de partenariat mondial en vue de conserver, de protéger et de rétablir la santé et l'intégrité de l'écosystème terrestre », il ne faut pas oublier que, dans un esprit de développement durable, les préoccupations environnementale ne sauraient faire fi des activités humaines83. Le concept de GIZC, en ce qu'il prône un vision intégrée des questions environnementales, participe également à cette approche écosystémique. Il est donc parfaitement applicable à une organisation politique en construction qui, prétendant à un idéal humaniste et à des objectifs économiques à l'instar de la construction européenne, souhaiterait protéger l'environnement. Mais dans ce bouillonnement d'ambitions politiques et intellectuelles à l'échelle internationale et européenne, l'Europe ne réussira que peu l'alchimie entre ses ambitions économiques et humaines d'une part et sa nécessaire participation au développement du droit international de l'environnement d'autre part, ne gardant qu'un regard lointain, voire passif, sur l'affûtage international du concept de GIZC. B. La participation passive de l'Union européenne au développement en droit international du concept de gestion intégrée des zones côtières Avant que le concept de GIZC ne soit largement proposé par le Chapitre 17 de l'Agenda 2184, celui-ci fut développé tant par les organisations internationales que les agences des Nations Unies85. En Europe par exemple, la première pierre d'une GIZC européennes fut posée non pas par 82 op. cit. Déclaration finale de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement réunie à Rio du 3 au 14 juin 1992. 83 Voir notamment le Principe 4 de la déclaration de Rio : « Pour parvenir à un développement durable, la protection de l'environnement doit faire partie intégrante du processus de développement et ne peut être considérée isolément ». 84 op. cit. Agenda 21 adopté à Rio lors de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement de 1992. 85 LOZACHMEUR (O.), Le concept de « gestion intégrée des zones côtières » en droit international, communautaire et national, Le droit maritime français, mars 2005, p. 259. 33 la CEE d'alors, mais par le Conseil de l'Europe, et ce dès 1973 86. A la suite de cette initiative 87, l'OCDE s'engagea également en faveur d'une GIZC en 197688. Puis, dès 1992, ce mouvement de cristallisation de la GIZC s'accentuera. Si les organisations internationales telles l'OCDE et la banque mondiale 89 ou les agences des Nations Unies comme le PNUE ou la FAO90 ont continué à faire progresser le concept de GIZC, le droit des gens lui-même ne cessera de le définir et de l'affiner. En 1992 déjà, les Etats parties à la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques91 s'engageront par l'article 4-e à « concevoir et à mettre au point des plans appropriés et intégrés pour la gestion des zones côtières ». Sur cette lancée, les Parties à la Convention sur la diversité biologique de 1992 adoptent en 1995 le « mandat de Jakarta » en vue d'agir pour une « gestion intégrée des zones marines et côtières » qui représentent selon elles le « cadre le plus approprié pour s'attaquer au problème de l'incidence des activités humaines sur la diversité biologique marine et côtière et favoriser la conservation et l'utilisation durable de cette diversité »92. De même, en 1996, les Etats signataires de la Convention de Ramsar adopteront une recommandation invitant les Etats à « appliquer des principes de planification stratégique et de GIZC comme préalable à toute prise de décision concernant la conservation et l'utilisation rationnelle des zones humides côtières »93. 86 Conseil de l'Europe, Résolution du 26 octobre 1973 relative à la protection des zones côtières, n° (73) 29. 87 DEJEANT-PONS (V.-M.), Les activités du Conseil de l'Europe en matière de protection de la diversité biologique et paysagère, concernant en particulier les espaces côtiers et marins de la Méditerranée et de la mer Noire, Revue générale de droit international public, 1999, p.946 ; PRIEUR (M.), Modèle de la loi sur la gestion durable des zones côtières, CO-DBP (99) 2, 3ème réunion, Genève, 19 avril 1999, Conseil de l'Europe ; CHEVALIERAS (V.-C.), Le Conseil de l'Europe et l'environnement, thèse PRIEUR (M.), Dir., CRIDEAU-Université de Limoges 2002, Les axes directeurs stratégiques en matière d'écosystèmes côtiers, pp. 184 à 193. 88 OCDE, Recommandation du conseil du 12 octobre 1976 sur les principes relatifs à la gestion des zones côtières, C(76)-161-Final. 89 OCDE, Gestion des zones côtières-Politiques intégrées, Les Editions de l'OCDE, Paris, 1993 ; pp. 140 ; POST (J.), LUNDIN (C.), Guideleines for integrated coastal zone management, Environmentally sustainable development studies and monographs, n° 9, The World Bank, Washington, 1996, pp. 28. 90 PNUE, Directives concernant la gestion intégrée des zones littorales, avec une référence particulière au bassin méditerranéen, Rapports et études des mers régionales, n° 161, Plan d'action pour la Méditerranée, Split, 1995, pp. 99 ; FAO, Integrated coastal area management and agriculture, forestry and fisheries, FAO Guideleines, Rone, 1998, pp. 251. 91 Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, adoptée à New-York le 9 mai 1992, disponible sur : http://unfccc.int/resource/docs/convkp/convfr.pdf. 92 Conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique, Décision II-10 relative à la conservation et à l'utilisation durable de la diversité biologique marine et côtière, Jakarta, 1995, disponible sur www.biodiv.org. En 1998 une seconde décision vient compléter le « mandat de Jakarta » (Conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique, Décision IV-5 relative à la conservation et à l'utilisation durable de la diversité biologique marine et côtière et programme de travail, Bratislava, 1998) avant d'être modifié en 2004 par la 7ème réunion de la Conférence des Parties de février 2004 pour le prolonger jusqu'en 2010 (Conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique, Décision VII-5 relative à la diversité biologique marine et côtière, Kuala Lumpur, 2004). 93 Conférences des Parties contractantes à la Convention de Ramsar sur les zones humides, Recommandation VI-8 relative aux plans stratégiques pour les zones humides côtières, 6ème session, Brisbane, Australie, 19-27 mars 1996, pp. 2. Plus tard, en 2002, la même Conférence des Parties veillera à intégrer la question des zones humides aux impératifs de GIZC (Conférence des Parties contractantes à la Convention de Ramsar sur les zones humides, Résolution VIII-4 relative aux principes et lignes directrices pour inscrire les questions relatives aux zones humides dans la gestion intégrée des zones côtières, 8ème session, Valence, Espagne, 18-26 novembre 2002, pp. 38, disponible sur www.ramsar.org. 34 Toutefois, dans cette effervescence juridique internationale d'un concept de GIZC qui se cherche encore, il est nécessaire de se demander pourquoi l'UE, ou la Communauté de l'époque, n'a pas participé davantage94 à cette « fortune remarquable »95 dont a bénéficié ce concept. Que la critique puisse être formulée à l'égard de l'UE peut d'ailleurs agacer certains, qui considèrent à juste titre sûrement « que [le fait que] la Communauté l'[ait] fait prudemment décevra sans doute les plus volontaristes, ceux qui aiment le droit dur au point de le préférer encore même lorsqu'il ne s'applique pas »96. Partant, la critique à l'égard des institutions communautaires des années 1980 et 1990 seraitelle cependant justifiée ? Il es nécessaire tout d'abord de rappeler que si les préoccupations environnementales en Europe sont anciennes ou originelles dans l'histoire de la construction européenne, la compétence environnementale de la Communauté n'est apparue qu'en 1986 avec l'Acte unique. En Europe donc, la compétence environnementale de la Communauté puis de l'Union, n'est apparue que près de quinze ans après que le Conseil de l'Europe n'ait fait le premier pas en matière de GIZC sur le continent. Il est toutefois important de remarquer que, dès 1976, la CEE a signé la Convention de Barcelone97 et qu'elle la ratifiera le 16 mars 1978 même si son entrée en vigueur n'aura lieu que le 9 juillet 200498. Or l'article 4-3-e de la Convention de Barcelone dispose depuis 1995 99 que les Parties « s'engagent à promouvoir la gestion intégrée du littoral en tenant compte de la protection des zones d'intérêt écologique et paysager et de l'utilisation rationnelle des ressources naturelles ». La CEE n'est donc pas restée totalement inactive en matière de GIZC dans les années 1990 alors même que ce concept se développait encore à l'échelle internationale. Ainsi les critiques pouvant être formulées à l'endroit de la CEE et de l'Union en matière de GIZC ne sont que peu recevables, même si la construction européenne aurait pu faire montre de plus d'initiatives que la simple ratification d'un accord international lui proposant de gérer de façon intégrée ses zones côtières. D'ailleurs, cette attitude européenne en matière de GIZC, à savoir l'adhésion à un instrument 94 L'Union européenne n'est en effet partie pas partie à la Convention de RAMSAR, elle n'est ici partie qu'à la Convention de 1992 sur la diversité biologique. 95 PRIEUR(M.) et GHEZALI (M.), Législations nationales relatives à l'aménagement et à la gestion des zones côtières en Méditerranée et propositions de lignes directrices, Plan d'action pour la Méditerranée CAR/PAP, Split, 2000, p. 13 ; disponible sur : www.pap-thecoastcentre.org. 96 MONEDIAIRE (G.), Politique et droit communautaire des zones côtières, Environnement, octobre 2008, p. 21. Il est vrai que si le droit international fut pionnier en matière de GIZC, la grande majorité des instruments de droit qui en traitent n'ont pas de force obligatoire, à l'instar de l'Agenda 21 ou des différentes Déclarations, Recommandations ou Décisions des Conférences internationales. 97 op. cit. Convention pour la protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée adoptée à Barcelone le 16 février 1976 suite au PAM de 1975, disponible sur : http://www.unepmap.org. 98 Voir le tableau récapitulatif des signatures et ratifications de la Convention de Barcelone disponible sur : http://www.unepmap.org 99 Amendement à la Convention de Barcelone de 1995 consécutive à l'adoption de la phase 2 du PAM. 35 de droit international tentant de proposer et mettre en œuvre ce concept, sera caractéristique de la relation établie par les institutions européennes entre le droit européen de l'environnement d'une part et le droit international de l'environnement en matière de GIZC d'autre part. Dans cette confrontation de deux ordres juridiques qui se développent mutuellement pour protéger l'environnement, les normes européennes en matière de GIZC seront pendant longtemps très, ou trop, influencées par le droit des gens. §2. L'impact fort du droit international dans les programmes d'action communautaire Longtemps fortement influencé par le droit international, notamment au travers des programmes d'action pour l'environnement (A.), le droit de l'UE ne parviendra que tardivement à s'engager dans la voie d'un processus d'appropriation européenne du concept de GIZC (B.). A. Les répliques européennes sur le modèle des initiatives internationales du concept de gestion intégrée des zones côtières « De très nombreux organismes internationaux se préoccupent actuellement, à des titres divers, des problèmes d'environnement. La Communauté suivra leurs travaux avec d'autant plus d'intérêt que les mesures proposées et les procédures mises en œuvre sont, dans la majeure partie des cas, susceptibles d'influer sur le fonctionnement du marché commun, les intérêts économiques de la Communauté et de ses États membres et sur les échanges internationaux en général, et qu'elles relèvent souvent de la compétence de la Communauté »100. Le ton semble ainsi être donné dès le départ avec le premier programme communautaire d'action pour l'environnement (19731976)101 : les projets de protection de l'environnement élaborés à l'échelle internationale seront surveillés de près car susceptibles de distordre les objectifs économiques de la Communauté. L'attitude de méfiance de la Communauté à l'égard des projets environnementaux lui donne dès lors une posture très passive puisqu'elle « suivra les travaux » du droit des gens, au lieu d'y participer. Qu'il s'agisse cependant pour eux d'observer de loin et avec circonspection l'émergence du 100Chapitre 2 du Titre 2 premier programme d'action des Communautés européennes en matière d'environnement, voir les références à la note suivante. 101Déclaration du Conseil des Communautés européennes et des représentants des gouvernements des Etats membres réunis au sein du Conseil du 22 novembre 1973 concernant un Programme d'action des Communautés européennes en matière d'environnement (1973-1976), JOCE n° C 112 du 20 décembre 1973. 36 concept de GIZC, ou qu'ils cherchent par « petits pas »102 à rendre celui-ci compatible avec les obligations internationales et les objectifs politiques de la Communauté, la première attitude des programmes d'action communautaire pour l'environnement à propos du concept de GIZC sera de reprendre vaguement les propositions avancées par le droit international à son sujet. Ainsi, le deuxième programme d'action pour l'environnement (1977-1981) 103, entièrement axé sur l'action préventive, sera innervé du résultat des travaux effectués en matière de protection des zones côtières par le Conseil de l'Europe et l'OCDE 104. De même, bien que le troisième programme d'action communautaire pour l'environnement (1981-1986) 105 use pour la première fois de l'expression « gestion intégrée des régions particulièrement sensibles […] telles que les régions côtières »106, aucune définition ou explication ne sera donnée à ce concept de « gestion intégrée », comme si la Communauté d'alors avait découvert dans le droit international un outil intéressant, sans toutefois en envisager l'utilisation. C'est avec le quatrième programme d'action pour l'environnement (1987-1992) 107, toujours structurellement très influencé par le droit international 108, que les institutions de la CEE admettront que leurs ambitions environnementales peuvent également passer par une gestion intégrée de leurs zones côtières. S'appuyant sur les travaux de la Conférence des régions périphériques maritimes 109, et plus particulièrement sur la Charte européenne du littoral 110 approuvée par le Parlement européen 102 En référence à la stratégie des « petits pas » voulue par Jean MONNET pour la construction européenne. 103Résolution du Conseil des Communautés européennes et des représentants des gouvernements des Etats membres réunis au sein du Conseil du 17 mai 1977 concernant la poursuite et la réalisation d'une politique et d'un programme d'action des Communautés européennes en matière d'environnement (1977-1982), JOCE n° C 139 du 13 juin 1977, pp. 1–46. 104Le paragraphe 130 du deuxième programme d'action des Communauté européennes en matière d'environnement précise qu'au sujet des zones côtières il faut se référer aux : « travaux concernant l'aménagement et la gestion écologique du littoral européen, menés par la Commission dans le cadre du programme d'action de 1973, ainsi que les travaux menés dans le même domaine par différents organismes internationaux, notamment par l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) et le Conseil de l'Europe, ont défini les problèmes spécifiques des régions côtières et souligné l'urgence de la mise en oeuvre de solutions au niveau international ». 105Résolution du Conseil des Communautés européennes et des représentants des gouvernements des Etats membres réunis au sein du Conseil du du 7 février 1983 concernant la poursuite et la réalisation d'une politique et d'un programme d'action des Communautés européennes en matière d'environnement (1982-1986), JOCE n° C 46 du février 1983, pp. 1-22. 106ibidem, paragraphe 26 intitulé « Gestion rationnelle de l'espace ». 107Résolution du Conseil des Communautés européennes et des représentants des gouvernements des États membres, réunis au sein du Conseil du 19 octobre 1987, concernant la poursuite et la réalisation d'une politique et d'un programme d'action des Communautés européennes en matière d'environnement (1987-1992), JOCE n° C 328 du 3 décembre 1987, pp. 1-44. 108ibidem voir notamment le point 7 p. 36. 109« Interlocutrice des Institutions européennes et des Gouvernements nationaux, la [Conférence des Régions Périphériques Maritimes (CRPM)] agit, depuis 1973, pour que les besoins et les intérêts de ses Régions membres soient pris en compte dans toutes les politiques qui ont un fort impact territorial. En particulier, la CRPM met tout en œuvre pour une politique régionale européenne forte destinée à toutes les régions d’Europe, et parallèlement, pour la mise en œuvre d’une politique maritime intégrée qui puisse contribuer à la croissance économique en Europe. La Conférence des Régions Périphériques Maritimes est indépendante des institutions communautaires ». (http://www.crpm.org). 110Charte européenne du littoral adoptée par la CRPM le 8 octobre 1981 . 37 en 1982111, la CEE fera montre à cette occasion de son engagement pour une GIZC européennes. Puisque « le Parlement européen a suivi avec attention ces travaux et a demandé à la Commission de mener sa politique et ses actions dans ce domaine dans l'esprit de la charte »112, la Commission fera très vite part de « la complexité des problèmes affectant les zones côtières [et de] la relative nouveauté du concept de développement intégré qui doit pouvoir s'appuyer, pour être mis en œuvre, sur des méthodologies et des instruments d'application appropriés »113. Le frémissement européen en matière de GIZC n'est donc pas très original puisqu'il consiste avant tout à reprendre ce qui a été pensé sur la scène environnementale internationale. Il n'est néanmoins pas à négliger car il constitue les fondations, certes encore sableuses, des instruments de droit de l'UE à venir en matière de GIZC. B. L'amorce soft du processus d'appropriation européenne du concept de gestion intégrée des zones côtières Le cinquième programme d'action européen pour l'environnement (1992-2001) 114, intitulé « vers un développement soutenable » suite au sommet de la terre de Rio de 1992 115, s’inscrit totalement dans la tendance juridique internationale des années 1990-2000 116 qui connaîtra en droit international de l'environnement la consécration du concept de développement durable. Cependant, l'apport principal de ce cinquième programme d'action en matière de développement durable maritime sera d'avoir su faire le premier pas notable sur la voie de l'appropriation européenne de la GIZC. Rien d'exceptionnel en effet de rappeler comme le firent ses prédécesseurs que « les zones littorales communautaires représentent un patrimoine naturel unique, doté d'irremplaçables ressources écologiques, culturelles et économiques » et que « leur qualité écologique conditionne l'ensemble des richesses marines de la Communauté »... Mais ce cinquième programme d'action 111Communication du Parlement européen du 18 juin 1982, JOCE n° C 182 du 19 juillet 1982. 112Point 5.4.8 du quatrième plan d'action communautaire pour l'environnement. 113Communication de la Commission relative à l'aménagement intégré des zones côtières et à sa place dans la politique communautaire de l'environnement, COM (86) 571 final du 30 octobre 1986. 114Résolution du Conseil des Communautés européennes et des représentants des gouvernements des États membres, réunis au sein du Conseil du 1er février 1993 concernant la poursuite et la réalisation d'une politique et d'un programme d'action des Communautés européennes en matière d'environnement (1992-1997), JOCE n° C 138 du 17 mai 1993, pp. 1-98. 115Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement réunie à Rio du 3 au 14 juin 1992. 116De la Conférence de Rio de 1992 au Sommet de Johannesburg de 2002, le concept de développement durable deviendra le leitmotiv des Etats qui, souhaitant poursuivre leur développement économique, veulent aussi composer avec les impératifs de protection de l'environnement que ce soit par conviction philosophique, politique, économique ou électoraliste. Voir également op. cit. DAILLER (P.), FORTEAU (M.), PELLET (A.), Droit international public, p. 1174. 38 pour l'environnement aura au moins mis en avant la timide résolution du Conseil des ministres de l'environnement de 1992 qui invitait la Commission « à proposer [...] une stratégie communautaire de gestion intégrée de la zone côtière, qui fournira un cadre pour sa conservation et son utilisation durable »117. Le souhait de cette résolution de voir naître en Europe une « future politique communautaire concernant la zone côtière européenne » sera réitéré par une autre résolution du Conseil le 6 mai 1994118, afin de renouveler l'invitation faite à la Commission de proposer « une stratégie communautaire de gestion intégrée de l'ensemble du littoral communautaire qui tout en tenant compte des problèmes et potentialités spécifiques des différentes zones fournira un cadre pour sa conservation et son utilisation durable ». Le coup d'envoi du processus d'appropriation européenne du concept de GIZC est alors donné, comme un germe de l'idée selon laquelle ce concept ne peut être pensé puis mis en œuvre dans l'UE qu'à l'aide d'un schéma stratégique. Favorables à l'émergence d'une GIZC européennes, le cinquième programme d'action communautaire pour l'environnement et les deux résolutions du Conseil de 1992 et 1994 en matière de GIZC qui le jalonnent dans le temps auront eu le mérite de mettre la balle dans le camp de la Commission européenne, siège de l'initiative législative de l'Union. Cependant ce cinquième programme d'action pour l'environnement, ainsi que les trois l'ayant précédé 119 et les deux initiatives louables du Conseil, ne sont que des résolutions. Il s'agit donc d'instruments de droit non obligatoires, de la soft law qui n'engage ni les institutions l'Union, ni les Etats membres, mais participent quand même à l'évolution du droit. Le travail d'appropriation européenne de la GIZC sera toutefois réalisé pendant le sixième programme d'action pour l'environnement (2002-2012)120 adopté par une décision du Parlement et du Conseil qui est cette fois un instrument de droit obligatoire de l'UE. Même s'il demeure encore fortement imprégné de droit international 121, le sixième programme communautaire pour l'environnement confère à la GIZC l'empreinte européenne dont elle avait besoin pour s'appliquer aux littoraux de l'Europe. Cet engouement européen pour le développement durable en général et la GIZC en particulier, consacré au travers du sixième programme d'action communautaire pour l'environnement, risque cependant de ne pas se poursuivre dans la suite qu'envisage donner l'UE à 117Résolution du Conseil du 25 février 1992 relative à la future politique communautaire concernant la zone côtière européenne, JOCE n° C 59 du 6 mars 1992, p. 1. 118Résolution du Conseil du 6 mai 1994 concernant une stratégie communautaire, de gestion intégrée des zones côtières, JOCE n° C 135/2 du 18 juin 1994, p. 2. 119Le premier plan d'action communautaire pour l'environnement était une déclaration du Conseil et des Représentants des gouvernements des Etats membres. Mais la force juridique d'une déclaration est semblable à celle d'une résolution : ce sont tous deux des actes de droit non obligatoires. 120op. cit. Décision du Parlement européen et du Conseil du 22 juillet 2002 établissant le sixième programme d'action communautaire pour l'environnement (2002-2012), JOCE n° L 242 du 10 septembre 2002, pp. 1-15. 121 op. cit. MONEDIAIRE (G.), p. 22. 39 son action environnementale. Le 22 juillet 2012 en effet, devra entrer en application le septième programme d'action communautaire pour l'environnement122. Nonobstant le vif débat né entre la Commission et le CESE autour de la question de savoir si le concept de développement durable doit être fondu dans la « Stratégie Europe 2020 » ou si celui-ci doit garder une place indépendante et autonome dans le droit de l'environnement de l'UE123, la proposition du Parlement européen du 20 avril 2012 124 ne fait aucun cas du concept de GIZC. Il est fortement probable cependant que si le concept de développement durable au service duquel se plie la GIZC venait à être digéré dans une politique européenne plus large, détachée de sa spécificité environnementale et économique, l'identité européenne de la GIZC, encore difficilement apparente, deviendrait si ce n'est effacée, tout au moins plus que diaphane. Le risque est cependant palpable, car cette identité européenne de la GIZC, bien qu’émergente grâce au sixième programme d'action communautaire pour l'environnement demeure malgré tout fortement marquée par le droit international, devant lequel elle s'est si longtemps inclinée. En effet, selon Gérard MONEDIAIRE125, il semblerait que l'ambition affichée de l'UE de « promouvoir l'intégration de la conservation et de la restauration de la valeur esthétique des paysages dans les autres politiques, y compris le tourisme, compte tenu des instruments internationaux pertinents »126 se soit largement inspirée de la « belle » Convention européenne du paysage du Conseil de l'Europe signée le 20 octobre 2000 127 et faisant explicitement référence à la protection des « espaces terrestres » et des « eaux maritimes »128. Il ne faut peut être pas trop chercher à découvrir dans les instruments de droit de l'UE relatifs au développement durable l'émergence claire d'une identité stictement européenne du concept de GIZC, détachée de toute réminiscence internationale. L'identité européenne de la GIZC réside certainement dans cette alchimie : conserver le concept dégagé par le droit international, tout en le soumettant à un processus d'appropriation européenne. 122 op. cit. décision du Parlement européen et du Conseil du 22 juillet 2002 établissant le sixième programme d'action communautaire pour l'environnement, article premier §3. 123 Voir l'introduction. 124op. cit. Résolution du Parlement européen 2011/2194(INI) du 20 avril 2012 sur la révision du sixième programme d'action pour l'environnement et la définition des priorités du septième programme d'action pour l'environnement, Un environnement meilleur pour une vie meilleure, §71. 125Directeur du CRIDEAU, Université de Limoge ; op. cit. MONEDIAIRE (G.), Politiques et droit communautaires des zones côtières, p. 22. 126op. cit. décision du Parlement européen et du Conseil du 22 juillet 2002 établissant le sixième programme d'action communautaire pour l'environnement, article 6 §2 e). 127Convention européenne du paysage du 20 octobre 2000, disponible sur : http://conventions.coe.int. 128ibidem. article 2. 40 SECTION SECONDE : LE PROCESSUS CLASSIQUE D’APPROPRIATION EUROPEENNE APPLIQUE AU CONCEPT DE GESTION INTEGREE DES ZONES COTIERES Après avoir pris le temps de comprendre le concept de GIZC et d'avoir constaté, notamment avec le sixième programme d'action communautaire pour l'environnement, qu'il pouvait très bien s'aclimater aux ambitions économiques et humaines de l'Union, les institutions européennes sont parvenues non seulement à s'approprier ce concept en l'adaptant à leurs méthodes de gouvernance environnementales (§1.), mais également à le mettre en cohérence avec des politiques plus traditionnelles de l'UE (§2.). §1. Entre gouvernance et stratégie : appropriation sans heurt du concept aux méthodes européennes d’action environnementale La gouvernance environnementale et la stratégie d'action sont les deux marques de l'action environnementale au sein de l'UE. En effet, dotée de la compétence environnementale, l'UE a très vite compris que la meilleure façon d'atteindre les objectifs de ces nouveaux enjeux était de s'atteler à ces questions en usant de la gouvernance environnementale(A.). Guère plus originale mais tout autant efficace, l'UE a en effet pris l'habitude de répondre aux objectifs environnementaux qu'elle s'était fixés en adoptant des stratégies d'action : le concept de GIZC n'échappera pas à la règle (B.). A. La gouvernance environnementale : méthode européenne convenue pour toute action environnementale au sein de l'Union Si les liens entre la GIZC et l'approche écosystémique sont les activités humaines, ou l'utilisation anthropique, durable et équitable, des ressources environnementales, ce concept de GIZC participe à l'approche écosystémique, tel qu'elle devrait être en droit de l'Union, en intégrant toutes les parties prenantes à la gestion environnementale des zones côtières. Il appartient alors à l'UE de trouver une méthode pour adapter le caractère écosystémique de la GIZC à ses ambitions humanistes et économiques traditionnelles. La solution envisageable sera probablement la même que celle choisie pour la gestion des ressources aquatiques et halieutiques. En ce qui concerne la gestion durable de l'eau129, la protection des ressources aquatiques 129Voir notamment la Directive 2000/60/CE du Parlement européenne et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un 41 -réalisée par l'association de « la fonction environnementale [de l'eau] liée à la vie et aux écosystèmes » ainsi qu'aux « besoins fondamentaux des humains et [à la ] fonction à portée économique [de l'eau] compte tenu des besoins pour la plupart des activités humaines »- passe nécessairement par une logique de gouvernance environnementale130. Dans le même esprit, la FAO a proposé dès 2003 de soumettre les décisions sur la pêche à l'approche écosystémique afin de parvenir à un développement durable protecteur de l'environnement et de la cohésion sociale, tout en assurant une prospérité économique des ressources 131. Dans le cadre de la politique commune de la pêche, cette « approche écosystémique des pêches » n'est alors envisageable qu'en suivant un processus décisionnel de gouvernance132. Il est vrai que la gouvernance environnementale rencontre, notamment en droit de l'UE quelques difficultés pratiques, liées notamment à sa définition 133, même si la Commission a tenté d'en tracer les lignes européenne avec la publication en 2001 d'un Livre blanc134. Il est néanmoins permis de considérer sans risque que si à l'instar de la gestion des ressources aquatiques et halieutiques l'UE souhaite mettre en place une GIZC innervée par l'approche écosystémique induite par le droit international de l'environnement, il faudra qu'elle choisisse pour cela une méthode de gouvernance environnementale. Ceci n'a toutefois rien d'original, puisque cette logique de gouvernance environnementale est une méthode classique, mais pertinente, de protection de l'environnement tant à l'échelle internationale qu'à l'échelle européenne135. L'approche écosystémique se met donc au service de la GIZC. L'UE, souhaitant faire participer l'ensemble des parties prenantes à la protection de ses zones côtières pourra donc s'appuyer sur cette approche écosystémique pour mettre en place une GIZC répondant à ses ambitions économiques, environnementales et politiques sur les bandes littorales de l'Europe. cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau, JOCE L 327 du 22 décembre 2000, pp. 1-72. 130DROBENKO (B.), Eau et gouvernance, Environnement, juillet 2005, p. 63. 131Directives techniques de la FAO pour une pêche responsable, L'approche écosystémique des pêches, n° 4, supplément 2, Rome, FAO, pp. 112. 132LELONG (S.) et PROUTIERE-MAULION (G.), La politique commune de la pêche vue par les chercheurs ou l'influence des engagements internationaux de l'Union européenne sur la redéfinition de la gouvernance des pêches à l'horizon 2012, Annuaire de droit maritime et océanique, 2010, pp.269-270. 133 JANSSENS (P.-A.), Quid de la politique maritime intégrée de l'Union annoncée par le livre vert ?, Droit européen des transports, n°5, 2010, p. 480. 134Communication de la Commission, Gouvernance européenne : un livre blanc, COM(2001) 428 final du 25 juillet 2001. 135KRAMER (L.), L'Union européenne et la gouvernance environnementale mondiale, Revue de droit de l'Union européenne, décembre 2011, pp. 593-614. 42 B. L’approche stratégique : marque de l'identité européenne dans le cadre des actions environnementales de l’Union Admettant que la décision de suivre une approche stratégique en matière de GIZC a été engagée en 1992 et réitérée en 1994 par deux recommandations du Conseil 136, il est alors possible de considérer que l'UE a cherché dès le départ à s'approprier ce concept en mettant en place les conditions d'« une stratégie communautaire globale concernant la gestion intégrée des zones côtières afin de créer un cadre cohérent du point de vue de l'environnement dans l'optique de modes de développement intégrés et soutenables »137. Le 30 mai 2002, la recommandation du Parlement européen et du Conseil relative à la mise en œuvre d'une stratégie de gestion intégrée des zones côtières en Europe vint sceller le lancement d'une stratégie européenne en matière de GIZC 138. Souhaitant que « les États membres prennent en considération la stratégie de développement durable et la décision du Parlement européen et du Conseil établissant le sixième programme d’action communautaire pour l’environnement 139, et adoptent à l’égard de la gestion de leurs zones côtières une approche stratégique », le Parlement européen et le Conseil ont ainsi doté le concept de GIZC d'une réelle identité européenne. Sans le dire expressément, étant donné que l'UE opte très souvent pour des stratégies d'action en matière de protection l'environnement140,cette recommandation de 2002 fait entrer la CIZC dans le cercle des méthodes spécifiquement européennes de protection de l'environnement. Encore floue, cette identité européenne de la GIZC caractérisée par l'action stratégique sera définitivement ajustée en 2002 avec le sixième programme d'action communautaire pour l'environnement141. En effet, si une première ébauche des objectifs européens pour la protection de 136op. cit. résolution du Conseil 25 février 1992 relative à la future politique communautaire concernant la zone côtière européenne du, et résolution du Conseil du 6 mai 1994 concernant une stratégie communautaire, de gestion intégrée des zones côtières. 137op. cit. résolution du 1er février 1993 concernant la poursuite et la réalisation d'une politique et d'un programme d'action des Communautés européennes en matière d'environnement (1992-1997), point 5.7. 138Recommandation du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2002 relative à la mise en œuvre d'une stratégie de gestion intégrée des zones côtières en Europe, JOCE L 148 du 6 juin 2002, pp. 24-27. 139 Encore non publié à la date de publication de cette recommandation. 140Voir par exemple le sixième programme d'action pour l'environnement qui propose une stratégie sur la protection des sols, une stratégie sur la prévention et le recyclage des déchets, une stratégie sur l'air, une stratégie sur les pesticides, une stratégie sur les ressources naturelles, une stratégie sur l'environnement urbain et une stratégie sur l'environnement marin. Voir également, MATTERA (P.), La nouvelle stratégie de la Commission en matière de prévention et de recyclage des déchets, Revue de droit de l'Union européenne, octobre 2005, pp. 829-830 ; MATTERA (P.), Environnement. La nouvelle stratégie en matière de biodiversité, Revue de droit de l'Union européenne, avril 2006, pp. 442-445 ; BOURRINET (J.), La stratégie européenne d'adaptation aux changements climatiques, Les petites affiches, avril 2008, pp. 91-103. 141op. cit. décision du 22 juillet 2002 établissant le sixième programme d'action communautaire pour l'environnement 43 l'environnement fut proposée par la Commission européenne dès 1999 142, est revenu au sixième programme d'action pour l'environnement le rôle de fixer de façon plus approfondie « des objectifs et des domaines d'actions prioritaires en matière de nature et de diversité biologique »143. L'objectif à réaliser pour protéger les zones côtières fut donc « d'assurer la conservation, la restauration appropriée et l'utilisation durable du milieu marin, des côtes et des zones humides » et de « promouvoir […] la conservation des écosystèmes marins » c'est à dire « les fonds marins, les estuaires et les zones côtières ». Or, la réalisation concrète de cet objectif passe par la « [promotion de] la gestion intégrée des zones côtières »144. Pour permettre la réalisation des projets de GIZC européenne, la Commission propose enfin de financer celle-ci grâce au programme LIFEenvironnement145. Outre le fait donc de doter la GIZC d'une approche stratégique, l'identité européenne découle de ce choix en commençant d'une part à concrétiser cette stratégie au travers du sixième programme communautaire pour l'environnement et en souhaitant d'autre part le financer grâce à un instrument financier de l'Union. Cependant, et au delà du fait d'attribuer une identité européenne à la GIZC, rien ne sera possible si ce concept et cette stratégie ne se moulent pas aux exigences traditionnelles des projets politiques de l'UE. §2. La mise en cohérence du concept avec les autres domaines d’action de l’Union : étape primordiale et ultime du processus d’appropriation européenne Rien ne peut être inséré à l'ordre juridique européen si cet élément nouveau n'est pas compatible avec l'ensemble du droit de l'Union déjà existant. Il en va de la cohérence du droit de l'UE. Le concept de GIZC a très bien réussi cette première étape de mise en cohérence avec l'ordre juridique de l'Union (A.), malgré le fait qu'il ne parviendra jamais à y prospérer, ne faisant jamais l'objet d'un acte de droit dérivé du droit de l'Union (B.). (2002-2012). 142Commission européenne, Vers une stratégie européenne d'aménagement intégré des zones côtières (AIZC), Principes généraux et options politiques, Luxembourg, Office des publications officielles des Communautés européennes, 1999. Disponible sur : http://ec.europa.eu/environment/iczm/pdf/vol1_fr.pdf. 143op. cit. décision du 22 juillet 2002 établissant le sixième programme d'action communautaire pour l'environnement (2002-2012) article 6. 144ibidem. 145Lignes directrices pour les projets de démonstration LIFE-environnement 2000/C 308/02, en vertu de l'article 4, paragraphe 4, du règlement n° 1655/2000/CE du Parlement européen et du Conseil concernant l'instrument financier pour l'environnement (LIFE). 44 A. L’impératif non négligeable de la compatibilité du concept de gestion intégrée des zones côtières avec les domaines d’action traditionnels de l’Union La première étape significative146 sur la voie d'une mise en cohérence européenne de la GIZC fut à nouveau franchie en 2002, et toujours avec la recommandation du Parlement et du Conseil « relative à la mise en œuvre d'une stratégie de gestion intégrée des zones côtières en Europe »147. Texte court au demeurant, il parvient néanmoins à peindre le concept de GIZC aux couleurs européennes. Le chapitre III intitulé « inventaire national » invite par exemple les Etats membres à recenser « les acteurs principaux, les législations et les institutions qui exercent une influence sur la gestion de leur littoral [afin] de couvrir les secteurs et domaines suivants : pêche et aquaculture148, transports149, énergie150, gestion des ressources151, protection des espèces et des habitats152, patrimoine culturel153, emploi154, développement régional155 […], tourisme et loisirs156, industrie157 et exploitation minière, gestion des déchets 158, agriculture159 et enseignement160 »161. Ce sont ainsi pratiquement tous les secteurs intéressant l'UE, et ayant un rapport avec les zones côtières, qui doivent être concernés par la stratégie de GIZC européennes. En outre, puisqu'il s'agit de 146Le terme « significative » peut paraître surprenant car une recommandation n'a, selon l'article 288 TFUE, aucune force obligatoire. Néanmoins, et outre le fait qu'elle propose une réelle identité européenne de la GIZC, cette recommandation de 2002 reste un acte de droit européen plus important politiquement, si ce n'est juridiquement, qu'une résolution (BLUMANN (D.) et DUBOUIS (L.), Droit institutionnel de l'Union européenne, Litec, Paris, p. 543). 147op. cit. recommandation du 30 mai 2002 relative à la mise en œuvre d'une stratégie de gestion intégrée des zones côtières en Europe. 148 Article 4 TUE et articles 38 à 44 TFUE, disponible sur : http://eur-lex.europa.eu/fr/treaties/index.htm. 149 Articles 4, 13, 58, 98, 100, 171 et 207 TFUE. 150 Articles 4, 122, 170, 192 et 194 TFUE. 151 Articles 310 à 314 et article 322 TFUE. 152Directive 79/409/CEE du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages, dite directive « Oiseaux », JOCE L 103 du 25 avril 1979, pp. 1-18 ; et directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, dite directive « Habitats », JOCE L 206 du 22 juillet 1992, pp.7-50 . 153Articles 6, 107 et 167 TFUE. 154 Article 3 TUE et articles 9, 37, 43, 45, 46, 79, 91, 147, 149, 151, 153, 156, 157 et 162 TFUE. 155Article 13 TUE et articles 182, 263, 300 et 305 à 307 TFUE. 156Articles 6 et 195 TFUE. 157 Articles 6, 46, 57, 96, 162, 166, 173, 174, 176, 179 et 189 TFUE. 158 Directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets et abrogeant certaines directives, JOCE L 312, pp. 3-22. 159 Article 4 TUE et articles 38 à 44 TFUE. 160 Articles 6, 9, 165, 169 et 207 TFUE. 161S'il peut sembler troublant de justifier les axes choisis par une recommandation européenne en 2002 avec les dispositions du Traité de Lisbonne du 13 décembre 2007, il faut avoir à l'esprit qu'il s'agit là de politiques que l'on peut qualifier de traditionnelles puisqu'elles se retrouvent déjà dans le Traité consolidé sur l'Union européenne de 1992 (Voir PRIOLLAUD (F.-X.) et SIRITZKY (D.), Les traités européens après le traité de Lisbonne, textes comparés, La documentation française, Paris, 2010, pp. 431). Il s'agit également de montrer que la stratégie de GIZC européenne proposée ici par le Conseil se drape réellement d'identité européenne en ce qu'elle parvient, même 10 ans après sa formulation, à demeurer imprégnée des politiques traditionnelles de l'Union. 45 s'approprier la GIZC « sur la base d'une approche par écosystème » sans oublier de prendre en compte « la menace que les changements climatiques constituent pour les zones côtières »162, la mise en cohérence européenne du concept de GIZC ne peut en rien ignorer les engagements internationaux de protection de l'environnement auxquels l'UE est partie et qu'elle a largement contribué à établir163. De même, le Chapitre V de cette recommandation demande aux Etats membres d'« encourager, entamer ou maintenir le dialogue avec les pays limitrophes, y compris les Etats non membres de l'Union européenne » afin de créer les conditions d'une GIZC dépassant le cadre politique de l'Union. Cette mise en perspective internationale de la stratégie européenne de GIZC vient ainsi parfaire l'appropriation européenne de ce concept tout en accentuant l'approche intégrée de cette gestion des zones côtières, permettant donc à tous les Etats riverains d'un même espace maritime d'y participer. Rien d'exceptionnel dirons certains de voir le concept de GIZC se conformer à l'ensemble des politiques, des législations et des compétences de l'UE établies depuis 1957. Il ne faudrait toutefois pas oublier qu'au départ, bien que la CEE souhaitait appliquer le concept de GIZC aux zones côtières européennes, elle se contentait de reprendre l'idée formulée par le droit des gens au travers de ses programmes d'action communautaire successifs, sans pour autant envisager de se l'approprier. Or l'adaptation de la GIZC aux politiques halieutiques, industrielles, culturelles, régionales ou encore internationales de l'Union ne fût certainement pas évidente, et les institutions de l'UE ont vraisemblablement eu besoin de temps pour se rendre compte que l'appropriation était possible et intéressante pour les ambitions environnementales de l'UE. En effet, entre la proposition faite par l'Agenda 21 et la recommandation de 2002, pas moins de 20 ans se sont écoulés. Une fois le processus d'appropriation réussi grâce à la gouvernance environnementale, avec la mise en place d'une approche stratégique et suite à la mise en cohérence de ce concept avec l'acquis communautaire, il ne restait plus qu'à l'UE à passer à l'acte et en adoptant un instrument de droit dérivé venant mettre en œuvre cette stratégie de l'Union en matière de GIZC. 162op. cit. recommandation du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2002 relative à la mise en œuvre d'une stratégie de gestion intégrée des zones côtières en Europe. 163A titre d'exemples notoires : les travaux relatifs à l'élaboration de l'approche écosystémique du traitement des problèmes environnementaux en droit international de l'environnement d'une part, ou le fait d'autre part que l'UE soit partie à la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques de 1992 et à son Protocole de Kyoto relatif à a la déduction des émissions de gaz à effet de serre de 1997. 46 B. La déception légitime mais peut-être injustifiée ressentie face à l'absence d'instrument de droit dérivé de l'Union reprenant ce concept Regretter que l'appropriation européenne du concept de GIZC n'ait pas abouti par l'adoption d'un instrument de droit dérivé de l'UE est à tout égard très légitime. Néanmoins, le travail réalisé jusque là par les institutions de l'Union n'est en rien superficiel. Il se dégage de cette appropriation progressive du concept de GIZC aboutie en 2002 une identité européenne très nette de celui-ci. Certes l'essence du concept est clairement de source internationale, mais la reprise des préoccupations environnementales littorales et du concept de GIZC au sein des programmes d'action communautaire pour l'environnement, témoignent de la volonté européenne de s'inscrire dans cette optique de GIZC. Cependant, l'ensemble des travaux réalisés depuis la résolution du Conseil du 25 février 1992 relative à la future politique communautaire concernant la zone côtière européenne 164 jusqu'au sixième programme d'action communautaire pour l'environnement165, en passant par la recommandation du Parlement et du Conseil de 2002166, sont la preuve que les institutions européennes ont réussi à attacher la GIZC à une réelle identité européenne environnementale. La déception pourrait être le premier sentiment ressenti face à l'absence d'instruments de droit dérivé de l'UE venant imposer aux institutions de l'Union et aux Etats membres d'entrer rapidement dans une stratégie de GIZC européennes. Un aperçu plus large de la politique européenne au sujet des zones côtières permettra toutefois de voir si ce sentiment de déception s'avère justifié. Le 17 juin 2008 en effet, le Parlement européen et le Conseil adoptent une directive-cadre établissant un cadre d’action communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin, choisissant donc de concentrer leurs efforts non plus sur la stratégie européenne en matière de GIZC, mais sur une nouvelle stratégie : la « stratégie pour le milieu marin »167. Dans le même sens, l'UE signe le 16 janvier 2009 le Protocole GIZC à la Convention de Barcelone de 1976 relatif à la protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée 168. Il est intéressant de se pencher sur ces deux instruments qui, complètement ou partiellement destinés à protéger les zones côtières 164op. cit. résolution du Conseil du 25 février 1992 relative à la future politique communautaire concernant la zone côtière européenne. 165op. cit. décision du 22 juillet 2002 établissant le sixième programme d'action communautaire pour l'environnement (2002-2012). 166op. cit. recommandation du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2002 relative à la mise en œuvre d'une stratégie de gestion intégrée des zones côtières en Europe. 167op. cit. Directive 2008/56/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 établissant un cadre d’action communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin. 168Voir notamment le site du PNUE sur le Plan d'action pour la Méditerranée: http://www.unepmap.org. Le Protocole GIZC entrera en application le 24 mars 2011 au sein de l'UE. 47 européennes, représentent deux instruments de droit de l'UE par lesquels les zones côtières européennes sont susceptibles d'être gérées de façon intégrée. Seul le contenu et le statut juridique de ces deux instruments justifieront ou non ce sentiment de déception induit par l'absence d'instrument de droit dérivé de l'Union en matière de GIZC. Toutefois, si la directive-cadre « stratégie pour le milieu marin » et le Protocole GIZC venaient à achever le processus d'appropriation européenne du concept de GIZC, ils participeraient tous deux de façon très originale à l'aboutissement du processus d'appropriation d'une identité européenne de la GIZC. L'identité européenne de la GIZC, constituée donc par l'approche écosystémique incluant les activités économiques et humaines, par la gouvernance environnementale, par la logique stratégique et par la mise en cohérence, doit maintenant trouver des supports de droit obligatoire pour prendre pleinement sa place dans l'UE. CHAPITRE SECOND : LE STATUT JURIDIQUE ORIGINAL DU CONCEPT DE GESTION INTEGREE DES ZONES COTIERES DANS L’UNION EUROPENNE Sans utiliser d'instruments de droit dérivé ni même de nouvelles recommandations ou résolutions demandant à la Commission européenne de faire une proposition d'acte de droit dérivé sur une stratégie de GIZC européennes, les institutions de l'Union sont parvenues à faire aboutir de façon originale cette stratégie de GIZC lancée en 2002 169. Qu'il s'agisse d'un instrument de droit international auquel l'UE a adhéré, en l’occurrence le Protocole GIZC à la Convention de Barcelone de 1976 ratifié par l'UE le 29 septembre 2010 170 (Section seconde), ou d'un acte de droit dérivé, ici la directive-cadre du 17 juin 2008 établissant une stratégie pour le milieu marin de l'UE (Section première), le concept de GIZC, tel qu'est parvenue à se l'approprier l'UE, parvint à trouver dans l'espace de l'UE tous les outils nécessaires à son application concrète. 169op. cit. recommandation du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2002 relative à la mise en œuvre d'une stratégie de gestion intégrée des zones côtières en Europe. 170op. cit. http://www.unepmap.org. 48 SECTION PREMIERE : LA PROTECTION DU MILIEU MARIN DE L’UNION ET LA CRAINTE INFONDEE D’UNE MARGINALISATION DE LA PROTECTION DES ZONES COTIERES EUROPENNES Il serait certainement infondé de croire que la stratégie pour le milieu marin adoptée par l'UE en 2008 constitue le renoncement à l'établissement d'une GIZC européennes, bien que la mise sur rail de cette nouvelle stratégie (§1.) ne parvienne à appliquer l'esprit du concept de GIZC qu'à la partie marine des zones côtières européennes(§2.). §1. De la stratégie de gestion intégrée des zones côtières à la protection du milieu marin de l'Union européenne Bien que les travaux préparatoires à l'établissement au sein de l'UE d'une stratégie pour le milieu marin ne marginalisent pas le concept de GIZC tel que l'UE était parvenue à se l'approprier définitivement en 2002 (A.), il n'en demeure pas moins que la stratégie de GIZC européenne a sensiblement pâti de l'émergence de la stratégie pour le milieu marin de l'UE, devenue le centre d'intérêt des préoccupations marines des institutions européennes (B.). A. L'appropriation européenne du concept de gestion intégrée des zones côtières valorisée par la politique maritime de l'Union Le 7 juin 2006 la Commission européenne a présenté un Livre vert intitulé « Vers une politique maritime de l'Union : une vision européenne des océans et des mers »171. Offrant une place importante à la « gestion de l'interface terre/mer », et donc à la GIZC, cette communication de la Commission pose la question de savoir « comment faire de la GIZC un succès ? »172 Désireux de « contribuer au développement des zones côtières […] en valorisant les écosystèmes locaux »173 par l'effort concerté des « autorités publiques, services maritimes, industries et chercheurs »174, ce Livre vert s'inscrit totalement dans la dynamique stratégique de la 171Communication de la Commission européenne du 7 juin 2006, Vers une politique maritime de l'Union : une vision européenne des océans et des mers, COM (2006) 275 final . 172ibidem. p. 34. 173ibidem. p. 31. 174ibidem. p. 35. 49 GIZC telle que l'a engagée l'UE. Après avoir rappelé la recommandation du Parlement et du Conseil de 2002 relative à l'approche stratégique du projet de GIZC européennes 175, la Commission insiste sur le fait que la GIZC doit répondre de la logique de gouvernance environnementale en faisant participer « toutes les parties prenantes » que sont « le secteur privé et les autorités publiques »176. « Incontestablement, le Livre vert valide, valorise cette stratégie [de l'approche intégrée] : elle est la condition du développement durable des zones côtières […]. Le Livre vert reprend, donc, à son compte les principes et les mécanismes de la GIZC : principe de l'intégration des espaces terrestres de proximité de la mer et des espaces marins de proximité de la terre (recherche du périmètre pertinent, de l'unité de gestion adaptée) ; principe de l'intégration de toutes les activités ou usages ; principe de l'intégration des problématiques de développement et de protection ; principe de l'intégration des niveaux de gouvernance ; principe de participation de toutes les parties intéressées... mécanismes d'incitation ; instruments réglementaires ; technique de planification spatiale (aménagement de l'espace) »177. Le Livre vert consacré à la politique maritime de l'Union s'inscrit donc entièrement dans la stratégie de GIZC européennes que s'est fixée l'UE en 2002. De cette initiative de la Commission, politiquement plus engageante qu'une recommandation du Parlement européen et du Conseil, les institutions de l'Union n'en retireront aucun acte de droit obligatoire dédié uniquement à la GIZC. Bien au contraire, parallèlement à sa participation à la Convention de Barcelone et à son Protocole GIZC, l'UE saura retirer l'essentiel de l'identité européenne du concept de GIZC pour l'introduire au sein d'une stratégie tout aussi ambitieuse : la stratégie pour le milieu marin. B. Le transfert des efforts européens de la stratégie de gestion intégrée des zones côtières vers la récente « stratégie pour le milieu marin » Tout en se préoccupant de la gestion intégrée et stratégique de ses zones côtières, l'UE a parallèlement développé une approche stratégique pour son espace maritime. En 2005 donc, la Commission publie une proposition de directive afin d'établir un cadre d'action communautaire dans 175op. cit. recommandation du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2002 relative à la mise en œuvre d'une stratégie de gestion intégrée des zones côtières en Europe. 176ibid. p. 53. 177LE MORVAN (D.), Livre vert et le développement durable des zones côtières, VertigO, Hors-série n° 5, mai 2009. 50 le domaine de la politique pour le milieu marin178. Puis, dès 2006 avec la publication du Livre vert, le bouillonnement institutionnel de l'Union, préalable à toute action politique concrète, aboutira à toute une série d'instruments de droit non obligatoire qui, se focalisant sur la politique maritime de l'UE, auront tendance à s'écarter progressivement du concept de GIZC. Négociant en même temps le Protocole GIZC à la Convention de Barcelone, l'UE ne fera alors que s'inspirer de l'esprit de la GIZC en l'introduisant dans son nouvel objectif environnemental : la création d'une « vision européenne des mers et des océans »179. Le 10 octobre 2007 en effet, la Commission publie une nouvelle communication intitulée : « Une politique maritime intégrée pour l'Union européenne »180. Considérant « les projets suivant [comme] particulièrement importants : un espace maritime européen sans barrières ; une stratégie européenne pour la recherche marine ; des politiques maritimes nationales intégrées, à élaborer par les États membres ; un réseau européen de surveillance maritime ; une feuille de route pour l'aménagement de l'espace maritime par les États membres ; une stratégie pour atténuer les conséquences du changement climatique sur les régions côtières ; une réduction des émissions de CO2 et de la pollution causée par la navigation;[...] [cette] communication jette les fondements d'un cadre de gestion et des instruments intersectoriels nécessaires à une politique maritime intégrée de l'Union européenne »181. Réitérant quand même la volonté de l'UE de mettre en place une GIZC, l'approche stratégique n'est toutefois plus reprise pour celle-ci, le Livre bleu182 ne faisant qu'indiquer à propos de ce concept que « la Commission proposera en 2008 une feuille de route pour faciliter le développement de l'aménagement de l'espace maritime par les États membres »183. A ce Livre bleu, la Commission annexe un plan d'action pour une politique maritime intégrée184 dans lequel il est envisagé qu'« en s’inspirant des initiatives européennes dans le domaine de l’aménagement du territoire qui accordent une grande importance à la dimension maritime, notamment la recommandation relative à la mise en œuvre d’une stratégie de gestion 178Communication de la Commission européenne du 24 octobre 2005, proposition de directive du Parlement et du Conseil établissant un cadre d'action communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin (directive «Stratégie pour le milieu marin»), COM (2005) 505 final. 179op. cit. Communication de la Commission, Livre vert « Vers une politique maritime de l'Union : une vision européenne des océans et des mers ». 180Communication de la Commission européenne du 10 octobre 2007, Une politique maritime intégrée pour l'Union européenne, COM (2007) 575 final. 181ibidem p. 3. 182Autre nom donné à la Communication de la Commission européenne du 10 octobre 2007, Une politique maritime intégrée pour l'Union européenne. 183ibidem p. 7. 184Document de travail des services de la Commission accompagnant le communication de la Commission, Une politique maritime intégrée pour l'Union européenne, SEC (2007) 1278/2. 51 intégrée des zones côtières (GIZC) en Europe et la proposition de directive «Stratégie pour le milieu marin», la Commission proposera une feuille de route en 2008 afin de faciliter et d’encourager l’approfondissement de la dimension maritime de l’aménagement du territoire dans les États membres »185. Livre bleu et plan d'action de 2007 balisent donc les étapes franchies par la Commission en matière de gouvernance maritime depuis la publication du Livre vert en 2006186. Ces deux travaux consécutifs de la Commission sont en quelque sorte le laboratoire de la politique de protection des espaces marins européens qui, comme souvent dans l'UE lorsqu'il s'agit d'une question environnementale, a vocation à être mise en œuvre par des méthodes de gouvernance. Dans cette masse d'ambitions, de propositions et d'engagements de la Commission européenne pour protéger les zones marines européennes, l'approche stratégique de la GIZC doit progressivement apprendre à cohabiter avec la stratégie pour le milieu marin, la Commission ayant décidé de front ces deux projets. La balance entre les deux stratégies, alors jusque là équilibrée, commence à pencher en faveur de la stratégie pour le milieu marin lorsque est adoptée le 17 juin 2008 la directive-cadre dite « stratégie pour le milieu marin »187, indiquant de cette façon que l'UE avait décidé d'accentuer son action sur les espaces marins de l'Union plutôt que sur le concept de GIZC, et ce malgré les efforts qu'elle avait réalisés pour s'approprier ce concept. Sans pouvoir affirmer que la Commission a totalement abandonné l'idée de proposer une éventuelle directive GIZC, sachant peut-être déjà que l'Union allait signer le Protocole GIZC le 16 janvier 2009, celle-ci publie, une dizaine de jours seulement après l'adoption de la directive-cadre « Stratégie pour le milieu marin », ses lignes directrices pour une approche intégrée de la politique maritime qu'elle intitule « Vers de meilleures pratiques en matière de gouvernance maritime intégrée et de consultation des parties prenantes »188. Bien qu'il ne s'agit là que d'une nouvelle profession de foi de l'initiateur législatif européen en faveur d'une gouvernance maritime européenne, ce texte ne fait que peu de cas de la stratégie européenne de GIZC, témoin supplémentaire du choix des institutions européennes d'accentuer leurs efforts sur la stratégie pour le milieu marin plutôt que sur la stratégie de GIZC de 2002. Différente de ce qu'aurait pu être une directive-cadre consacrée exclusivement à la GIZC, il n'en demeure pas moins que la protection du milieu marin voulue par l'UE assure la réalisation 185ibidem p. 8. 186op. cit. JANSSENS (P.- A.), Quid de la politique maritime intégrée de l'Union annoncée par le Livre vert ?, p. 488. 187op. cit. directive du 17 juin 2008 établissant un cadre d’action communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin. 188Communication de la Commission européenne du 26 juin 2008, Lignes directrices pour une approche intégrée de la politique maritime : Vers de meilleures pratiques en matière de gouvernance maritime intégrée et de consultation des parties prenantes, COM (2008) 395 final. 52 d'une stratégie qui, marginalisant le périmètre terrestre des zones côtières, participe à une protection incidente mais efficace de l'espace marin de ces même zones côtières, assurant ainsi une application partielle de la GIZC. §2. Protection partielle des zones côtières par la « Stratégie pour le milieu marin de l'Union européenne » Reprenant en demie teinte les éléments issues du processus d'appropriation européenne du concept de GIZC, la directive-cadre établissant une stratégie pour le milieu marin de l'UE n'applique ceux-ci qu'à l'espace marin des zones côtières européennes (A.), négligeant ainsi l'espace terrestre de ces mêmes zones côtières, mais réitérant l'application du concept de GIZC pour les eaux marines alors déjà garantie par le Protocole GIZC à la Convention de Barcelone de 1976189 (B.). A. Champ d'application divergeant entre « zones côtières » et « eaux marines » Ayant préféré adopter une directive-cadre relative à la « stratégie pour le milieu marin » de l'UE et non une directive sur la stratégie de GIZC européennes, les institutions de l'Union ont fait le choix de ne pas faire aboutir le processus d'appropriation européenne du concept de GIZC. Il existe cependant un miroitement du concept de GIZC dans les disposition de la directive-cadre établissant une stratégie de l'UE pour son milieu marin. Toutefois, une divergence notoire entre la GIZC et la stratégie pour le milieu marin existe : leur champ d'application. Si le champ d'application de la stratégie GIZC ne peut évidemment qu'être supposé, étant donné qu'il ne fût jamais clairement consacré par l'UE, il est néanmoins possible d'affirmer sans risque qu'il concernera les « zones côtières ». Outre cette lapalissade, Le Petit Robert définit une « zone » comme étant une « région, une portion de territoire »190 et il qualifie l'adjectif « côtier » en le rapportant à ce « qui est relatif aux côtes »191, autrement dit le « rivage de la mer »192. Par ailleurs la recommandation du Conseil de 2002 relative à la mise en œuvre d’une 189Infra. Section 2 Ch.2 Partie I. 190op. cit. p. 2762. 191ibidem p. 554. 192ibidem p. 553. 53 stratégie de GIZC en Europe fait souvent référence au terme « littoral »193 pour parler des « zones côtières »194. Suite aux développements introductifs tentant de définir le concept de GIZC, et plus particulièrement les zones côtières, il est clairement apparu que le champ d'application de la GIZC concernera vraisemblablement tant la partie terrestre que la partie maritime de la bande littorale, constituant l'une grâce à l'autre la zone côtière. Or l'article 2 de la directive-cadre « stratégie pour le milieu marin » indique que « la présente directive s'applique à toutes les eaux marines », ce qui exclut donc par définition la partie terrestre de la zone côtière195. L'article 3 §1. définit d'ailleurs les eaux marines comme les « eaux, fonds marins et sous-sols situés au-delà de la ligne de base servant pour la mesure de la largeur des eaux territoriales et s’étendant jusqu’aux confins de la zone où un État membre détient et/ou exerce sa compétence, conformément à la convention des Nations unies sur le droit de la mer, […] et [les] eaux côtières telles que définies par la directive 2000/60/CE[196], y compris les fonds marins et le sous-sol, dans la mesure où les aspects particuliers liés à l’état écologique du milieu marin ne sont pas déjà couverts par ladite directive ou par un autre acte législatif communautaire ». Aucune place n'est donc faite pour l'espace terrestre du littoral. L'esprit du concept de GIZC et la manière dont se l'est appropriée l'UE peuvent néanmoins tout à fait se retrouver dans l'espace marin des zones côtières. Seule une lecture approfondie de la directive-cadre « stratégie pour le milieu marin » permettra toutefois de s'assurer de la validité de cette hypothèse. 193Voir notamment le considérant 15 ; le Chapitre I. a., c. ; le Chapitre III. ; le Chapitre IV. §3. b. i. ; et le Chapitre V. §2. 194Les termes « zones côtières » et « littoral » sont employés comme synonymes, par soucis de style ou de simplification du texte, mais recoupent la même définition. Le Petit Robert définit l'adjectif « littoral » comme un synonyme de l'adjectif « côtier » : « qui appartient, qui est relatif à la zone de contact entre la terre et la mer » ( (Le Petit Robert, Editions Le Robert, p. 1469). 195 L'article 3 §1 donne la définition suivante des eaux marines : « a) eaux, fonds marins et sous-sols situés au-delà de la ligne de base servant pour la mesure de la largeur des eaux territoriales et s’étendant jusqu’aux confins de la zone où un État membre détient et/ou exerce sa compétence, conformément à la convention des Nations unies sur le droit de la mer, l’exception des eaux adjacentes aux pays et territoires mentionnés à l’annexe II du traité et des collectivités et départements français d’outre mer, et ; b) eaux côtières telles que définies par la directive 2000/60/CE, y compris les fonds marins et le sous-sol, dans la mesure où les aspects particuliers liés à l’état écologique du milieu marin ne sont pas déjà couverts par ladite directive ou par un autre acte législatif communautaire » 196op. cit. directive du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau, dont l'article 2 §7. définit les eaux côtières comme « les eaux de surface situées en-deçà d'une ligne dont tout point est situé à une distance d'un mille marin au-delà du point le plus proche de la ligne de base servant pour la mesure de la largeur des eaux territoriales et qui s'étendent, le cas échéant, jusqu'à la limite extérieure d'une eau de transition ». 54 B. La double application aux eaux marines du concept de gestion intégrée des zones côtières induite par la « stratégie pour le milieu marin » Nonobstant la vocation protectrice de l'environnement que souhaite voir appliquer le concept européanisé de GIZC, il faudra que la stratégie pour le milieu marin de l'Union reprenne à la fois l'approche écosystémique incluant les activités humaines, la démarche de gouvernance, la logique stratégique et la mise en cohérence qui avaient abouti des travaux européens d'appropriation de la GIZC. Telle est la condition en effet pour convenir que la stratégie pour le milieu marin de l'Union applique bien pour les eaux marines l'identité européenne de la GIZC. Premier élément donc que devra assurer la directive-cadre « stratégie pour le milieu marin » afin de respecter les travaux d'appropriation européenne de la GIZC : la protection de l'environnement et le développement durable, gages de l'approche écosystémique intégrant le développement des activités humaines et économiques. Définissant le « bon état écologique » comme l'« état écologique des eaux marines tel que celles-ci conservent la diversité écologique et le dynamisme d’océans et de mers qui soient propres, en bon état sanitaire et productifs dans le cadre de leurs conditions intrinsèques, et que l’utilisation du milieu marin soit durable, sauvegardant ainsi le potentiel de celui-ci aux fins des utilisations et activités des générations actuelles et à venir », l'article 3 §5 de la directive-cadre de 2008 inscrit parfaitement la stratégie pour le milieu marin de l'UE dans l'idée de protection des eaux marines par une approche écosystémique de développement durable. Elle répond de la sorte au projet envisagé par le concept de GIZC tel que formulé dès 1992 par l'Agenda 21 et repris par la suite par les institutions de l'UE dans leurs programmes d'action communautaire pour l'environnement. Dans un deuxième temps, et afin de répondre aux critères d'appropriation de la GIZC par l'UE, il faudra se pencher sur les méthodes de travail envisagées pour la stratégie marine de l'Union. Premier élément notoire de correspondance entre la recommandation de 2002 sur la GIZC et la directive-cadre de 2008 : toutes deux projettent la mise en œuvre d'une stratégie. En effet, la directive-cadre pour le milieu marin demande à ce que « chaque Etat membre élabore, pour chaque région ou sous-région marine une stratégie pour le milieu marin »197 et à cette fin un calendrier s'étalant de 2008 à 2016 prévoit les étapes à suivre 198. Le choix de la stratégie choisie pour le milieu 197Article 5 §1 de la directive-cadre « Stratégie pour le milieu marin ». 198Ainsi, le 15 juillet 2012 les Etats membres devront avoir établi une évaluation initiale de l'état écologique et de l'impact environnemental des activités humaines sur les eaux marines, défini le bon état écologique de leurs eaux marines, fixé les objectifs et outils de mesure permettant de parvenir au bon état écologique. Le 15 juillet 2014 le programme de surveillance permettant d'évaluer et de mettre à jour les objectifs devra être élaboré et mis en place. Enfin, en 2015 les mesures relatives à la création ou à la conservation du bon état écologique devront être élaborées 55 marin de l'Union européenne correspond donc complètement à l'axe défini par le Conseil en 2002 lorsque l'UE s'est appropriée le concept de GIZC par le biais d'une approche stratégique. Dans le même sens, imaginant la mise en œuvre de sa stratégie pour le milieu marin, le législateur européen a choisi la voie de la gouvernance environnementale. Pour définir les stratégies nationales l'article 19 impose en effet aux Etats membres de veiller « à ce que toutes les parties intéressées se voient offrir, à un stade précoce, de réelles possibilités de participer à la mise en œuvre de la présente directive en mettant à contribution, dans la mesure du possible, les organes ou les structures de gestion existants, y compris les conventions relatives aux mers régionales, les organes de consultation scientifiques et les conseils consultatifs régionaux ». La méthode de mise en application de la stratégie marine de l'UE correspond donc à celle qu'auraient choisie pour la GIZC les institutions européennes, induite il est vrai par la notion d'intégration dans le concept de GIZC, et qui n'est autre que la démarche de gouvernance environnementale. En ce qui concerne le soucis de cohérence des actions de l'Union, la stratégie pour le milieu marin devait être, à l'instar de la stratégie pour une gestion intégrée des zones côtières européenne, associée aux autres politiques et ambitions de l'UE. Le paragraphe 3 de l'article 8 de la directivecadre de 2008 sur la stratégie pour le milieu marin de l'Union prévoit que la « pêche, le tourisme,et les loisirs ainsi que les autres utilisations légitimes de la mer » doivent être pris en compte lors de la définition du bon état écologique de l'espace marin européen. Bien que plus restreints en raison d'un champ d'application plus étroit de la directive-cadre de 2008, les activités concernées par la stratégie pour le milieu marin concernent ainsi, notamment pour la pêche, des domaines traditionnels d'action politique de l'Union propres aux « eaux marines ». Par ailleurs, cette mise en cohérence avec les politiques européennes traditionnelles demeure une marque de fabrique de la stratégie pour le milieu marin de l'UE, puisqu'en associant à cette stratégie tous les Etats membres, même ceux ne possédant pas de côtes 199, cette directive-cadre « peut contribuer à créer une conscience maritime européenne au-delà des seuls Etats qui disposent d'un littoral »200 ne mettant ainsi à l'écart aucun des Etats membres : condition politique indispensable pour une construction européenne harmonieuse. Enfin, toujours dans ce soucis de mise en cohérence, et alors que la recommandation de 2002 souhaite intégrer les « pays limitrophes »201 à la stratégie de GZIC européennes, l'article 6 §2 de la directive-cadre sur la stratégie pour le milieu marin prévoit qu'« aux fins de l’établissement et afin d'être lancées au plus tard en 2016. 199Article 6 §2 in fine. 200AUFFRET (Y.), La directive stratégie pour le milieu marin : contenu et portée dans le contexte de la mise en œuvre de la politique maritime de l'Union européenne, Revue européenne de droit de l'environnement, p. 179. 201Pays tiers à l'UE, voir le Chapitre V op. cit. recommandation du Conseil de 2002 relative à la mise en oeuvre d’une stratégie de gestion intégrée des zones côtières en Europe. 56 de la mise en œuvre de stratégies marines, les Etats membres, au sein de chaque région ou sousrégion marine, mettent tout en œuvre, [...] pour coordonner leurs actions avec les pays tiers sous la souveraineté ou la juridiction desquels sont placées des eaux de la même région ou sous-région marine ». De cette manière, la directive-cadre de 2008 participe à l'objectif transfrontière proposé par le Conseil lorsque celui-ci a voulu adapter en 2002 le concept de GIZC aux exigences de l'UE202. Finalement, sans toutefois reprendre le concept de GIZC tel que proposé par le droit international de l'environnement, la directive-cadre « stratégie pour le milieu marin » de 2008 a repris les critère d'appropriation européenne choisis en 2002 par le Parlement et le Conseil lors de l'élaboration de la stratégie de GIZC européennes. Malgré le fait cependant que le champ d'application de la stratégie pour le milieu marin diffère de celui de la GIZC, l'esprit du concept de GIZC, tel que se l'est approprié l'UE, s'appliquera pleinement aux « eaux marines » grâce à la directive-cadre de 2008. Cette application partielle de la GIZC à travers la stratégie pour le milieu marin de l'UE reste toutefois à nuancer en raison de l'entrée en vigueur au sein de l'UE du Protocole GIZC à la Convention de Barcelone le 24 mars 2011, appliquant par conséquent deux fois le concept de GIZC aux « eaux marines » de l'Union. SECTION SECONDE : LE PROTOCOLE A LA CONVENTION DE BARCELONE SUR LA GESTION INTEGREE DES ZONES COTIERES FINALISANT L'APPROPRIATION EUROPENNE DE CE CONCEPT Dans le cadre du PNUE proposant le PAM fût adoptée le 16 février 1976 la Convention pour la protection de la mer Méditerranée contre la pollution, dite convention de Barcelone, modifiée le 10 juin 1995 pour devenir la Convention sur la protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée203. Dans le cadre de cette Convention est adopté le 21 janvier 2008 le Protocole relatif à la GIZC de la Méditerranée. Partie à cette Convention dès 1978, l'UE a participé à l'élaboration de ce Protocole, sans toutefois manquer d'y apporter son expérience et ses conceptions en matière de GIZC (§1.). Soumis au régime des accords mixtes du droit de l'UE, il est alors légitime de se 202op. cit. recommandation du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2002 relative à la mise en œuvre d'une stratégie de gestion intégrée des zones côtières en Europe, chapitre V. §1. 203op.cit. http://www.unepmap.org. 57 demander si ce protocole ne pourrait pas de cette façon être l'aboutissement idirect de la stratégie de GIZC européennes lancée en 2002204, palliant ainsi l'absence d'acte de droit dérivé en la matière (§2.). §1. La concordance entre l'esprit du Protocole GIZC et le travail d'appropriation européenne de ce concept « Tirant profit des expériences existantes des gestion intégrées des zones côtières et des travaux menés par différentes organisations, notamment les instances européennes »205, le Protocole GIZC à la Convention de Barcelone correspond parfaitement à l'identité européenne de la GIZC résultant du processus d'appropriation européenne de ce concept de droit international. En effet, la gouvernance et l'action stratégique (A.), mais aussi l'approche écosystémique et la mise en cohérence propres aux projets politiques de l'UE (B.) et repris par le Protocole GIZC ont permis à l'UE d'y adhérer sans difficulté. A. La reprise des méthodes européennes d'action environnementale : gouvernance et approche stratégique Le paragraphe premier de l'article 14 du Protocole GIZC, intitulé « participation » prévoit qu'« en vue de garantir une gouvernance efficiente tout au long du processus de gestion intégrée des zones côtières, les Parties prennent les mesures nécessaires pour assurer, aux phases de l’élaboration et de la mise en œuvre des stratégies, plans et programmes ou projets côtiers et marins ainsi que lors de la délivrance des diverses autorisations, la participation appropriée des diverses parties prenantes, parmi lesquelles : les collectivités territoriales et les entités publiques concernées; les opérateurs économiques; les organisations non gouvernementales; les acteurs sociaux; le public concerné ». Reprenant ici les habitudes de traitement des préoccupations environnementales par le droit 204op. cit. recommandation du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2002 relative à la mise en œuvre d'une stratégie de gestion intégrée des zones côtières en Europe/ 205Préambule du Protocole GIZC à la Convention de Barcelone, disponible sur : http://www.unepmap.org. 58 de l'environnement, le Protocole GIZC associe sans surprise la réalisation de ses objectifs à la gouvernance environnementale. Sans être originale pour autant, cette remarque permet de rapprocher l'essence de ce Protocole GIZC à la Convention de Barcelone avec le concept européanisé de la GIZC. Puisque la gouvernance environnementale ferait vraisemblablement l'objet du choix des institutions de l'UE si celles-ci avaient à adopter un acte de droit dérivé relatif à la GIZC, on aurait tort de considérer que ce Protocole n'a aucun rapport avec l'esprit européen de la GIZC. Dans le même esprit, l'article 18 du Protocole GIZC, portant sur les stratégies nationales, les plans et les programmes côtiers que les Etats parties devraient mettre en place pour gérer de manière intégrée leurs zones côtières, préconise que « chaque Partie renforce ou élabore une stratégie nationale de gestion intégrée des zones côtières ainsi que des plans et programmes côtiers de mise en œuvre ». Le pendant européen de cette stratégie nationale de GIZC souhaitée par le Protocole à la Convention de Barcelone n'est autre que la recommandation du Conseil de 2002 206 relative à la mise en œuvre d'une stratégie européenne de GIZC. Une fois encore donc, le Protocole GIZC adopté dans le cadre de la Convention sur la protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée correspond au schéma imaginé par l'UE en matière de GIZC. Ainsi, l'identité européenne de la GIZC se retrouve dans l'architecture proposée par le Protocole GIZC. Gouvernance environnementale et stratégie d'action résonnent donc avec l'appropriation européenne de la GIZC, ce qui permit à l'Union de signer ce Protocole le 16 janvier 2009 sans réelle difficulté. Cet unisson conceptuel se vérifiera d'ailleurs à nouveau non seulement à propos de l'intégration des activités économiques humaines à l'approche écosystémique propre au droit de l'Union mais également de ce qui s'impose de tout outil au service d'une politique européenne : la mise en cohérence avec les ambitions humaines et économiques de l'UE. B. La référence aux cadres traditionnels européens : approche écosystémique et mise en cohérence 206op. cit. recommandation du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2002 relative à la mise en œuvre d'une stratégie de gestion intégrée des zones côtières en Europe. 59 L'article 9 §2 du Protocole GIZC rattache toutes les activités humaines, et notamment les activités économiques, à la protection des écosystèmes, se conformant ainsi à l'esprit de développement durable. A titre d'exemple : « Agriculture et industrie, la localisation et le fonctionnement des activités agricoles et industrielles doivent garantir un niveau élevé de protection de l'environnement afin de préserver les écosystèmes et paysages côtiers [...] »207 ou encore « les activités maritimes doivent être conduites de manière à assurer la préservation des écosystèmes côtiers, conformément aux règles, normes et procédures des conventions internationales pertinentes »208. De cette façon, et ainsi que l'exige le concept de développement durable dans l'approche écosystémique européenne, le Protocole GIZC à la Convention de Barcelone parvient à insérer les activités humaines dans l'approche écosystémique traditionnellement promue par le droit international de l'environnement. Néanmoins, les activités humaines, et plus particulièrement les activités économiques, sont trop souvent considérées par le Protocole GIZC comme une menace pour les écosystèmes méditerranéens dont la GIZC doit assurer la protection. Ce Protocole adopte en effet une position défensive par rapport à ces activités anthropiques en exigeant que les Parties fassent « en sorte que, dans les diverses activités économiques, soit réduite au minimum l'utilisation des ressources naturelles et soient pris en compte les besoins des générations futures 209 [et qu'elles fassent également] en sorte d'adapter l'économie côtière et maritime à la nature fragile des zones côtières et de protéger les ressources de la mer contre la pollution 210 ». Alors que le droit de l'UE devra sans cesse concilier les impératifs environnementaux et les activités humaines s'il souhaite œuvrer « pour le développement durable de l'Europe fondé sur une croissance économique équilibrée […] et un niveau élevé de protection et d'amélioration de l'environnement »211, le Protocole GIZC dresse tristement les activités économiques côtières contre les impératifs environnementaux méditerranéens. L'opinion inverse pourrait cependant être défendue puisque l'article 6 c. du Protocole GIZC affirme qu'« une approche écosystémique dans l'aménagement et la gestion des zones côtières afin d'assurer le développement durable de celles-ci » sera appliquée. Mais cette remarque négative relève davantage du sentiment qui ressort à la suite d'une lecture complète du Protocole GIZC à la Convention de Barcelone. Enfin, il faut encore que ce Protocole GIZC assure le mise en cohérence de ce concept avec 207Article 9 §2 a. du Protocole GIZC à la Convention de Barcelone, disponible sur : http://www.unepmap.org. 208Article 9 §2 g. du Protocole GIZC à la Convention de Barcelone. 209Article 9 §1. c. du Protocole GIZC à la Convention de Barcelone. 210Article 9 §1. d. du Protocole GIZC à la Convention de Barcelone. 211Article 3 §2. TUE. 60 les autres actions des politiques de l'UE. Puisque « dans la mise en œuvre des dispositions du présent Protocole, les Parties [s'efforcent de] prendre en compte la multiplicité et la diversité des activités dans les zones côtière»212, il n'est pas envisageable que l'UE mette en œuvre ce Protocole GIZC sans considérer les autres objectifs qu'elle a formulés pour ses zones côtières. Considérant que la mise en cohérence du concept de GIZC avec les autres pans de l'action européenne relève exclusivement de la compétence de l'Union, il faut toutefois noter que ce Protocole possède les outils susceptibles de faciliter le travail des institutions européennes en la matière. L'article 9 §2 du Protocole GIZC s'attache en effet à énumérer les activités littorales qui entrent largement dans le champ des objectifs de l'UE. Il s'agit donc de mettre en cohérence l'agriculture, l'industrie, la pêche, l'aquaculture, le tourisme et toute autre utilisation des côtes et des ressources halieutiques avec le concept de GIZC. Dans le même esprit, l'article 28 qui prône la coopération transfrontière afin de créer les conditions d'une GIZC participe à la démarche de mise en cohérence de ce concept, engagée dès 2002 grâce à la recommandation du Conseil et du Parlement européen213. A l'évidence étant donné qu'un instrument obligatoire de droit international comme ce Protocole GIZC ne peut et ne doit en aucun cas être fait aux mesures des politiques de l'une de ses Parties, celui-ci ne saurait bien sûr répondre pleinement aux politiques économiques, sociales et environnementales inhérentes à la construction européenne, et ce d'autant plus que les Etats parties tant à la Convention de Barcelone qu'à son Protocole GIZC ne sont pas tous des Etats membres de l'UE214. Les Parties sont cependant très libres de gérer leurs zones côtières de façon intégrée en fonction de leurs contraintes et objectifs internes, puisqu'elles ne sont que « guidées »215 dans la mise en œuvre de ce concept. Elles sont toutefois soumises à une obligation : atteindre les objectifs fixés par l'article 5 du Protocole. L'UE peut donc de la sorte faire adhérer assez librement ses ambitions politiques traditionnelles au concept de GIZC tel que promu par le Protocole de 2008. La mise en cohérence des politiques de l'Union avec le concept de GIZC par le biais du Protocole à la Convention de Barcelone qui lui est destiné est alors plus qu'envisageable. De même que pour la gouvernance environnementale et l'approche stratégique, le Protocole GIZC offre à l'UE la possibilité de s'exprimer librement au sujet de l'approche écosystémique et de 212Article 6 g. du Protocole GIZC à la Convention de Barcelone. 213op. cit. recommandation du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2002 relative à la mise en œuvre d'une stratégie de gestion intégrée des zones côtières en Europe. 214Voir « Signatures and Ratifications of the Barcelona Convention for the Protection of the Marine Environment and the Coastal Region of the Mediterranean and its Protocols as at 31 December 2011 », disponible sur http://www.unepmap.org. 215Voir notamment l'article 6 du Protocole GIZC à la Convention de Barcelone, disponible sur : http://www.unepmap.org. 61 la mise en cohérence de ce concept en fonction de ses propres caractéristiques. Seul le statut juridique de ce Protocole GIZC au sein de l'UE permettra toutefois de dire s'il constitue l'aboutissement de la stratégie européenne de GIZC amorcée en 2002 par la recommandation du Conseil et du Parlement216. §2. La place prépondérante du Protocole GIZC en droit de l'Union pour la gestion intégrée des zones côtières européennes Palliant l'absence d'acte de droit dérivé de l'UE exclusivement destiné à la GIZC (B.), le Protocole GIZC à la Convention de Barcelone parvient, non seulement par son contenu mais surtout par son statut d'accord mixte (A.), à parachever la stratégie de GIZC engagée par l'UE en 2002217. A. Le statut privilégié d’accord mixte du Protocole GIZC dans l’ordre juridique de l’Union européenne Tous les Etats membres de l'UE bordant la Méditerranée218 sont parties à la Convention de Barcelone et sont, à l'exception toutefois de Chypre, parties au Protocole GIZC de 2008 219. Il s'agit donc d'un accord mixte, autrement dit d'un accord conclu à la fois par l'Union et par les Etats membres. Cette situation se rencontre souvent lorsque l'UE partage une compétence avec ses Etats membres220, à l'instar de la compétence environnementale221. Le régime juridique des accords mixtes fût très clairement établi par les juges de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) depuis 1974. Dans le cadre de l'affaire Haegeman222, les juges de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) affirmèrent que les accords internationaux conclus par la Communauté d'alors 216op. cit. recommandation du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2002 relative à la mise en œuvre d'une stratégie de gestion intégrée des zones côtières en Europe. 217op. cit. recommandation du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2002 relative à la mise en œuvre d'une stratégie de gestion intégrée des zones côtières en Europe. 218Il s'agit de Chypre, de l'Espagne, de la France, de la Grèce, de l'Italie, de Malte et de la Slovénie. 219op. cit. « Signatures and Ratifications of the Barcelona Convention for the Protection of the Marine Environment and the Coastal Region of the Mediterranean and its Protocols as at 31 December 2011 ». 220op. cit. BLUMANN (C.) et DUBOUIS (L.), Droit institutionnel de l'Union européenne, pp.172 et 395. 221Article 4 §2 e. TFUE. 222CJCE, arrêt du 30 avril 1974, R. & V. Haegeman c/ Etat belge, aff. C-181/73, Rec. p. 449. 62 font « partie intégrante » de l'ordre juridique européen dès leur entrée en vigueur, et que « la Cour est dès lors compétente pour statuer à titre préjudiciel sur l'interprétation » d'un tel accord international. Toujours à propos des accords mixtes, la CJCE adoptera en 1987 la même position dans son arrêt Demirel, précisant que « les accords mixtes conclus par la Communauté, ses Etats membres et des pays tiers ont le même statut dans l'ordre juridique communautaire que les accords purement communautaires, s'agissant des dispositions qui relèvent de la Compétence de la Communauté »223. Il apparaît donc clairement que la CJUE pourra interpréter les dispositions du Protocole GIZC de 2008. Outre ce pouvoir d'interprétation des juges de l'Union, reste maintenant à savoir si ceux-ci ont la possibilité de sanctionner un Etat membre qui ne respecterait pas le Protocole GIZC. Dans quelles mesure les accords mixtes sont-ils invocables devant les juges ? Dans son arrêt Kupferberg de 1981224, la Cour reconnaît le fait qu'un accord mixte puisse être invoqué devant les juges européens, et donc en premier lieu devant les juges nationaux. Même si les conditions de cette invocabilité ne sont pas clairement posées en 1981, il est toutefois possible de se référer au grand arrêt Van Gend en Loos de 1963225 consacrant le principe de l'effet direct du droit de l'Union pour les normes de droit ne le prévoyant pas explicitement, comme les directives ou, en ce qui nous concerne, les accords mixtes 226. Cet effet direct, et donc cette invocabilité que le juge de l'Union reconnaît pour certains actes, doit toutefois remplir certaines conditions. Traditionnellement, et toujours selon l'arrêt Van Gend en Loos, il faudra que l'acte en question soit suffisamment clair, précis et inconditionnel afin d'avoir un effet direct dans les ordres juridiques des Etats membres227. Les trois conditions de l'effet direct des accords mixtes ne seront cependant reconnues que plus tardivement, avec en 1987 l'arrêt Demirel puis en 2003 l'arrêt Wählgruppe Gemeinsam, affirmant qu'« une disposition d'un accord conclu par la Communauté avec les pays tiers doit être considérée comme étant d'application directe lorsque, eu égard à ses termes ainsi qu'à l'objet et à la nature de l'accord, elle comporte une obligation claire et précise qui n'est subordonnée, dans son exécution ou dans ses effets, à l'intervention d'aucun acte ultérieur »228. La question se pose donc de savoir si le Protocole GIZC à la Convention de Barcelone 223CJCE, arrêt du 30 septembre 1987, Meryem Demirel c/ Ville de Schwäbisch Gmund, aff. C-12/86, Rec. p. 3719, point 9. 224CJCE, arrêt du 26 octobre 1981, Hauptzollamt Mainz c/ C.A. Kupferberg & Cie KG a.A, aff. C-104/81, Rec.p. 3641. 225CJCE, arrêt du 5 février 1963, NV Algemene Transport- en Expeditie Onderneming van Gend & Loos c/ Administration fiscale néerlandaise, aff. C-26/63, Rec. I. p. 3. 226NEUWAHL (N.), Le droit des particuliers d’invoquer les accords internationaux de la Communauté européenne devant les cours nationales, Revue québécoise de droit international, juin 2002, n° 15-2, p. 45. 227op. cit. BLUMANN (C.) et DUBOUIS (L.), Droit institutionnel de l'Union européenne, pp. 520 et 521. 228op. cit. CJCE, Meryem Demirel c/ Ville de Schwäbisch Gmund, point14 ; CJCE, arrêt du 8 mai 2003, Wählgruppe gemeinsam, aff. C-171/01, Rec. I. p. 4301, point 54. 63 pourra en tant qu'accord mixte être invocable directement devant les juges nationaux et si, de cette façon, son contenu sera susceptible de palier l'absence d'instrument de droit dérivé de l'UE en matière de GIZC, afin de concrétiser l'ambition stratégique posée en 2002229. B. Le protocole GIZC comme succédané à l'absence de droit dérivé de l'Union en matière de gestion intégrée des zones côtières A propos de la Convention de Barcelone de 1976 et de l'un de ses Protocoles, la CJCE a justement eu à rendre un arrêt concernant la question de l'effet direct d'une disposition de ce Protocole qui était invoquée par un requérant devant les juridictions nationales d'un Etat membre. Il s'agit de l'affaire dite des Pêcheurs de l'étang de Berre du 15 juillet 2004 230 , dans laquelle la Cour de cassation française dut poser une question préjudicielle aux juges de l'Union dans un litige opposant le « Syndicat professionnel coordination des pêcheurs de l'étang de Berre et de la région » à l'entreprise « Electricité de France » (EDF)231. Le syndicat de pêcheurs de l'étang de Berre considérait que l'usine hydroélectrique d'EDF située sur la ville de Saint-Chamas déversait des quantités de limon supérieures à celles autorisées par le Protocole d'Athènes à la Convention de Barcelone, adopté le 17 mai 1980 afin de protéger la Méditerranée contre les pollutions d'origine tellurique232. C'est à l'égard de ce Protocole d'Athènes que les juges ont rappelé qu'« une disposition d'un accord conclu par la Communauté avec des pays tiers doit être considérée comme étant d'application directe lorsque, eu égard à ses termes ainsi qu'à l'objet et à la nature de l'accord, elle comporte une obligation claire et précise qui n'est pas subordonnée, dans son exécution ou dans ses effets, à l'intervention d'aucun acte ultérieur »233. Comme pour tout accord mixte, les conditions de clarté, de précision et d'inconditionnalité sont bien exigées lorsqu'il s'agit d'examiner l'effet direct d'un Protocole d'application à la Convention de Barcelone de 1976. Plus précisément, dans le cas de l'affaire Pêcheurs de l'étang de Berre, la question préjudicielle posée au juge par la Cour de cassation consistait en l'examen de l'effet direct de 229op. cit. recommandation du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2002 relative à la mise en œuvre d'une stratégie de gestion intégrée des zones côtières en Europe. 230CJCE, arrêt du 15 juillet 2004, Pêcheurs de l'étang de Berre, aff. C-213/03, Rec. I. p. 7357. 231MALJEAN-DUBOIS (S.) et TRUILHE-MARENGO (E.), Le conflit entre les pêcheurs de l’étang de Berre et EDF, Droit de l’environnement, septembre 2005, pp. 186-190 ; BERAUD (R.-C.), Note sous arrêt, La gazette du palais, août 2006, pp. 21-25 ; MORIN (M.), Note sous arrêt, Droit maritime français, avril 2005, pp. 371-374. 232Le Protocole d'Athènes du 17 mai 1980, entré en vigueur le 17 juin 1983, a été modifié par des amendements adoptés le 7 mars 1996 à Syracuse et s’intitule à présent « Protocole relatif à la protection de la mer Méditerranée contre la pollution provenant de sources et activités situées à terre ». 233op. cit., CJCE, Pêcheur de l'étang de Berre, point 39. 64 l'article 6 §3 du Protocoles d'Athènes. La CJCE a en l'espèce considéré que les dispositions en cause prévoyaient « dans des termes clairs, précis et inconditionnels, l'obligation pour les Etats membres de subordonner les rejets de substances énumérées [par le Protocole d'Athènes] à la délivrance, par les autorités nationales compétentes, d'une autorisation tenant dûment compte des dispositions d'[une des annexes du Protocole d'Athènes] »234. Les syndicats professionnels de pêcheurs de l'étang de Berre pouvaient donc légitimement invoquer ces dispositions du Protocole d'Athènes devant les juges nationaux français. Qu'en serait-il cependant du Protocole GIZC de 2008 à la Convention de Barcelone ? Peut-il également bénéficier de cet effet direct accordé par les juges de l'Union aux accords mixtes qui sont clairs, précis et inconditionnels ? Naturellement, seule la CJUE est aujourd'hui compétente pour répondre à cette question, et seules des hypothèses peuvent être ici envisagées. Il est bien entendu impossible de se pencher sur chaque article du Protocole GIZC à la Convention de Barcelone, mais un aperçu rapide, confronté à l'article 6 du Protocole d'Athènes servant ici de support de comparaison, pourra certainement nous révéler l'éventuelle position des juges de l'Union quant à l'invocabilité des dispositions de ce Protocole GIZC. La CJCE a donc reconnu que l'article 6 §1 du Protocole d'Athènes, selon lequel « les parties s'engagent à réduire rigoureusement la pollution d'origine tellurique de la zone du protocole par les substances ou sources énumérées à l'annexe II au présent protocole », et surtout l'article 6 §3 du Protocole d'Athènes, précisant que « les rejets sont strictement subordonnés à la délivrance, par les autorités nationales compétentes, d'une autorisation tenant dûment compte des dispositions de l'annexe III », bénéficiaient d'un effet direct235. Sans entrer dans les détails des arguments présentés aux juges de l'Union au sujet de l'article 6 §3 qui selon les syndicats de pêcheurs « comporterait, eu égard à ses termes ainsi qu'à l'objet et à la nature de celui-ci, l'obligation claire, précise et inconditionnelle de subordonner les rejets de substances visées à l'annexe II du protocole à la délivrance d'une autorisation préalable par les autorités nationales compétentes »236, il est possible de supposer, à titre d'exemple, que le niveau de clarté, de précision et d'inconditionnalité des articles 6, 9 ou 10 du Protocole GIZC permettent parfaitement de témoigner du probable effet direct d'une grande partie des dispositions du Protocole GIZC237. L'effet direct que reconnaîtra vraisemblablement la CJUE au Protocole GIZC impose donc tant à l'Union qu'aux Etats membres de mettre en œuvre celui-ci. 234op. cit. CJCE, Pêcheurs de l'étang de Berre, point 41. 235A noter qu'il ne s'agit plus de l'article 6 §1 et 3 actuel du Protocole d'Athènes, modifié par les amendements adoptés le 7 mars 1996 à Syracuse. 236op. cit. CJCE, Pêcheurs de l'étang de Berre, point 36. 237 SCOVAZZI (T.à, ROCHETTE (J.), Le projet de protocole méditerranéen relatif à la gestion intégrée des zones côtières, Annuaire de droit maritime et océanique, janvier 2007, pp. 303-309. 65 Dans l'esprit de l'arrêt Van Gend en Loos, il devient alors possible d'affirmer que ce Protocole possède le ton et l'ambition de ce qu'aurait pu être une directive en matière de GIZC européennes. En effet, puisque le Protocole GIZC reprend les aspirations européennes définies lors du processus d'appropriation européenne du concept de GIZC, si le Conseil et le Parlement venaient à adopter une directive relative à la stratégie en matière de GIZC, il est fort probable que ceux-ci se bornent à reprendre les dispositions du Protocole GIZC. La stratégie de l'Union en matière de GIZC, amorcée en 2002 par la recommandation du Conseil et du Parlement238, aboutit donc dans ce Protocole GIZC à la Convention de Barcelone, grâce à l'effet direct reconnu au accords mixte par les juges de l'Union depuis 1974. 238op. cit. recommandation du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2002 relative à la mise en œuvre d'une stratégie de gestion intégrée des zones côtières en Europe. 66 * Le processus d'appropriation européenne de la GIZC a donc abouti. Chargé de se pencher sur le rôle que doit jouer l'UE dans l'Histoire du bassin méditerranéen, les développements qui vont suivre ce concentreront sur un espace étroit de la Méditerranée : la Zone RAMOGE. Acteur depuis 1976 de la protection environnementale de la Méditerranée, l'Accord RAMOGE élève au pinacle le titre de zone pilote de la protection de l'environnement méditerranéen. Possédant en lui-même toutes les ressources et tous les talents pour être une zone pilote européenne du développement durable en Méditerranée, l'Accord RAMOGE peut être considéré comme acteur de premier ordre de l'identité européenne de la GIZC méditerranéennes. Pour cela, il devra faire la preuve que ses projets en matière de GIZC sont en mesure de participer à l'approche écosystémique, de suivre une démarche de gouvernance environnementale, de s'associer aux stratégies d'action environnementale de l'UE et d'être cohérents avec l'ensemble des actions politiques de l'Union. Si la tâche apparaît difficile elle fut accomplie avec succès par l'Accord RAMOGE, ce qui lui permettra d'ailleurs de développer ses projets de GIZC grâce à l'UE. * 67 SECONDE PARTIE : L'ACCORD RAMOGE UNE ZONE PILOTE INCONTESTABLE DES POLITIQUES EUROPENNES DE DEVELOPPEMENT DURABLE EN MEDITERRANEE 68 69 En Méditerranée, par exemple, certains Etats se sont organisés pour protéger une partie d'espace fragile et unique. Tel est le choix qu'ont fait en 1976 la France, l'Italie et Monaco, en convenant de l'Accord RAMOGE239. Même si l'espace de la Zone RAMOGE dans lequel œuvrent les actions de l'Accord demeure relativement réduit par rapport à la Méditerranée 240, il n'en reste pas moins que pour le concept de GIZC, tel qu'est parvenue à se l'approprier l'UE, l'Accord RMOGE recense toutes les qualités lui permettant d'être une zone pilote241 européenne de la GIZC en Méditerranée (Ch. Premier). Cette qualité de zone pilote européenne de la GIZC ne doit cependant pas être qu'un titre honorifique ni même une fin en soi. Bien au contraire, l'Accord RAMOGE devra démontrer aux institutions de l'UE sa capacité à être cette zone pilote de la GIZC méditerranéenne, afin d'obtenir de leur part, et en particulier de la Commission européenne, quelques subventions. Celles-ci seront d'ailleurs d'autant plus faciles à obtenir que l'Accord RAMOGE, sans renier sa vocation originelle de protecteur de l'environnement, n'hésitera pas à mettre en avant les incidences économiques positives pour les politiques de l'UE induites par ses actions en matière de GIZC (Ch. second). 239op. cit. Accord RAMOGE disponible sur : http://www.ramoge.org/documents/accord.pdf. 240 L'article 2 §1. précise que « Le présent Accord s'applique en Méditerranée à la "Zone RAMOGE", c'est-à-dire : a) aux eaux de la mer territoriale et aux eaux intérieures bordant le littoral continental relevant de la souveraineté des trois Etats Parties et situées entre, à l'Ouest, le méridien 04 °50',5 de longitude Est et, à l'Est, le méridien 010°01',2 de longitude Est ;b) à terre au littoral continental tel que défini par chacun des Etats Parties, situé dans les limites visées à la lettre a) ; c) aux îles qui sont situées dans les limites de la mer territoriale du littoral continental visées à la lettre a) ». 241 op. cit. article 3 de l'Accord RAMOGE, voit infra. 70 CHAPITRE PREMIER : LA CAPACITE DE L'ACCORD RAMOGE A CONSTITUER EN MEDITERRANEE UNE ZONE PILOTE EUROPEENNE DE LA GESTION INTEGREE DES ZONES COTIERES Pour être une zone pilote européenne de la GIZC en Méditerranée, l'Accord RAMOGE doit répondre aux quatre caractéristiques de l'identité européenne de la GIZC. En dehors de la cohérence des projets de GIZC de l'Accord avec les politiques traditionnelles de l'UE qui sera étudiée plus tard, RAMOGE parvient à créer les conditions d'une gouvernance et d'une stratégie d'action en matière de GIZC, même si des perspectives intéressantes demeurent encore inexploitées (Section première). De même le choix de protéger les écosystèmes marins en suivant la démarche du développement durable de la Zone RAMOGE permet d'affirmer que l'Accord participe activement à l'identité européenne de la GIZC (Section seconde). SECTION PREMIERE : LES ACQUIS ET LES PERSPECTIVES DE L'ACCORD RAMOGE EN MATIERE DE GOUVERNANCE ET DE STRATEGIE D'ACTION Si la logique de gouvernance environnementale paraît être une méthode d'actions largement adoptée par l'Accord RAMOGE, malgré quelques évolutions à accomplir (§1.), les efforts seront peut-être plus importants à réaliser si l'Accord souhaite transformer ses simples projets stratégiques en réelle stratégie d'action européenne(§2.). §1. La participation évidente de l'Accord RAMOGE à une logique de gouvernance nécessitant des ouvertures ciblées L'Accord RAMOGE parvient en effet à très bien inclure les autorités publiques locales dans la réalisation de ses projets de GIZC (A.), mais devra tendre davantage la main aux organisations non gouvernementales (ONG) s'il souhaite créer les conditions complètes d'une gouvernance (B.). 71 A. L'Accord RAMOGE et ses partenaires locaux au service d'une gouvernance environnementale efficace L'article 6 du Protocole GIZC à la Convention de Barcelone de 1976 précise que « dans la mise en œuvre des dispositions du présent Protocole, les Parties sont guidées par les principes suivants de gestions intégrées des zones côtières : [dont le fait d'] assurer une gouvernance appropriée permettant de faire participer, de manière adéquate et en temps utile, à un processus de décision transparent les populations locales et les parties prenantes »242. Si la gouvernance est un « principe » voué à guider les Etats qui souhaitent gérer de façon intégrée leurs zones côtières, l'UE n'a pas attendu le Protocole GIZC pour traiter les questions environnementales européennes, dont la GIZC, en faisant usage des techniques de gouvernance environnementale243. Faisant écho à cette pratique devenue classique pour traiter les impératifs environnementaux, l'Accord RAMOGE a également décidé d'agir en faisant participer toutes les parties prenantes à la prise de décision. Plusieurs de ses projets sont en effet réalisés sur le fondement d'actions concertées autour des principes de gouvernance environnementale. Le choix fait par l'Accord de travailler de concert avec l'ensemble des parties prenantes correspond donc aux caractéristiques choisies par l'UE pour mettre en œuvre la GIZC sur le continent européen. Premier exemple : le projet de gestion environnementale des sédiments portuaires 244. Celui -ci prend part à cette logique de gouvernance environnementale voulue par l'Accord RAMOGE puisqu'il apporte une réponse concertée à l'immersion de déchets d'origine tellurique à proximité des côtes qui perturbent dans les chenaux, canaux, rivières et fleuves non seulement la circulation maritime mais également les équilibres physico-chimiques des masses d'eaux douces et salées. Les solutions les plus efficaces envisagées pour résoudre ce problème sont les opérations de dragage et la réduction des immersions de déchets telluriques qui ne peuvent manifestement pas être réalisés par un seul acteur, à savoir RAMOGE. Ainsi, pour mener à bien ce projet, l'Accord RAMOGE fait intervenir depuis une dizaine d'années la Communauté d'agglomération Toulon Provence Méditerranée245, acteur primordial dans le domaine de la recherche et de la prévention sur la problématique de ces sédiments portuaires. Toujours dans un esprit de gouvernance environnementale, l'Accord RAMOGE traite également cette question des sédiments portuaires en 242Article 6 d. du Protocole GIZC à la Convention de Barcelone, disponible sur http://www.unepmap.org. 243op. cit. notamment au sujet des ressources aquatiques : directive 2000/60/CE du Parlement européenne et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau. Mais de manière générale, la gouvernance environnementale est une pratique toujours mise en œuvre par l'UE : voir notamment op. cit. communication de la Commission, Gouvernance européenne : un livre blanc, COM(2001) 428 final. 244http://ramoge.org/fr/sediments_portuaires.aspx 245http://www.tpm-agglo.fr . 72 partenariat avec le Centre d'Etudes Technique de l'Equipement (CETE) pour la Méditerranée246, dans le cadre des projets SEDIMARD et SEDIMED247. La gestion des ports de plaisance de la Zone RAMOGE 248 est un autre exemple d'action de GIZC méditerranéennes pour laquelle l'Accord fait appel à toutes les parties prenantes. A cet effet, l'Accord RAMOGE publie en 2001 un guide intitulé « le management environnemental des ports de plaisance »249, destiné tant aux gérants de ces ports de plaisance qu'à leurs utilisateurs. Associant le travail et l'effort des exploitants, des plaisanciers et des autorités publiques concernées, cette gestion environnementale des ports de plaisance, visant à faire de RAMOGE une zone pilote de la protection de l'environnement marin en Méditerranée, utilise donc pleinement les méthodes d'action concertée proposées par la gouvernance environnementale. De même, puisque « la participation accrue des autorités régionales et locales aux politiques de l'Union reflète aussi, dans certains États membres, leurs responsabilités croissantes et un engagement plus important des citoyens et des organisations de base dans la démocratie locale »250, il semble que la participation de l'Accord RAMOGE ne puisse être écartée des projets européens de protection de la Méditerranée. Dans cet esprit, se sont engagées des réunions d'échange entre les trois Etats parties de l'Accord au sujet de la directive-cadre de l'UE établissant une « stratégie pour le milieu marin »251. L'Accord RAMOGE se veut être le lieu de rencontres entre les autorités françaises, italiennes et monégasques afin d'appliquer cette stratégie au milieu marin de la Zone RAMOGE. Lieu d'échanges d'expériences et d'informations entre les autorités publiques des trois Etats, l'Accord RAMOGE est donc un espace d'intégration de la gestion des eaux marines de la Méditerranée, promue par le concept européanisé de la GIZC qui innerve, pour les eaux marines seulement, la stratégie de l'UE pour son milieu marin. La stratégie de GIZC européennes amorcée en 2002 par la recommandation du Parlement et du Conseil252 n'a aboutit qu'au travers le Protocole GIZC à la Convention de Barcelone de 1976. Très vraisemblable, le choix de l'UE de traiter la gestion intégrée des ses côtes en faisant usage des méthodes proposées par la gouvernance environnementale est expressément repris par l'article 6 du Protocole GIZC. Il est donc possible d'affirmer que les méthodes d'action concertées utilisées par 246Centre d'études dépendant du ministère de l'écologie, du développement durable, du transport et du logement, voir plus précisément: http://www.cete-aix.fr/fr/. 247Voir infra lorsqu'il s'agira d'examiner la dynamique stratégique envisagée par l'Accord RAMOGE dans le cadre de l'identité européenne de la GIZC. 248http://ramoge.org/fr/ports_plaisances.aspx. 249Disponible sur : http://ramoge.org/Documents/ports_plaisance.pdf . 250op cit. communication de la Commission européenne Gouvernance européenne : un livre blanc, COM(2001) 428 final p. 15. 251op. cit. directive 2008/56/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 établissant un cadre d’action communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin. 252op. cit. recommandation du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2002 relative à la mise en œuvre d'une stratégie de gestion intégrée des zones côtières en Europe. 73 l'Accord RAMOGE classent celui-ci au rang de zone pilote européenne de la GIZC. Cependant, sans s'endormir sur ses lauriers, l'Accord RAMOGE devra explorer toutes les pistes qui, faisant participer d'autres parties prenantes au processus de décisions, le conduiront, grâce à la gouvernance environnementale, à s'ancrer dans l'identité européenne de la GIZC. B. Le besoin d'intégrer davantage les organisations non gouvernementales pour établir une gouvernance élargie et plus complète Le Protocole GIZC à la Convention de Barcelone, dont le statut d'accord mixte en droit de l'UE pallie l'absence d'instrument de droit dérivé de l'UE en matière de GIZC de l'Union, prévoit en son article 14 qu'« en vue de garantir une gouvernance efficiente tout au long du processus de gestion intégrée des zones côtières, les Parties prennent les mesures nécessaires pour assurer […] la participation appropriée des diverses parties prenantes, parmi lesquelles : les collectivités territoriales et les entités publiques concernées ; les opérateurs économiques ; les organisations non gouvernementales ; les acteurs sociaux ; le public concerné ». Bien que l'Accord RAMOGE soit, sur le plan de la gouvernance environnementale, une zone pilote européenne en matière de GIZC européennes, il doit toutefois continuer à imaginer les moyens de faire vivre l'identité européenne de la GIZC. L'Accord doit en effet faire participer d'autres partenaires, tels ceux proposés par le Protocole GIZC, afin d'acter complètement la démarche de gouvernance de la GIZC. L'Accord RAMOGE a compris que la participation des « collectivités territoriales et entités publiques concernées » était un moyen efficace lui permettant d'être cette zone pilote de la GIZC européennes. Ainsi que le rappelle la Recommandation de 2002 scellant la base de l'appropriation européenne de la GIZC253, « la gestion des zones côtières devrait notamment être fondée sur [… le] soutien et [la] participation des instances administratives compétentes aux niveaux national, régional et local, entre lesquelles des liens adéquats devraient être établis ou maintenus en vue d’améliorer la coordination des différentes politiques existantes. [...] »254. D'ailleurs l'UE considère l'échelon régional comme le niveau idéal de démocratie locale au service de l'intégration de l'Union255. Sur son site internet en effet, l'Accord publie l'ensemble de ses partenaires français, italiens, monégasques et même espagnols qui l'aident à construire et réaliser ses projets 256. Il s'agit 253op. cit. recommandation du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2002 relative à la mise en œuvre d'une stratégie de gestion intégrée des zones côtières en Europe. 254ibidem. Chapitre II f. 255 SZYMCZAK (D.), Les régions, avenir de l'intégration européennes ?..., JCP A, avril 2005, n°16, pp. 674-675. 256 http://ramoge.org/fr/liens.aspx. 74 pour majeure partie de collectivité publiques comme la Conseil général des Alpes Maritimes et le Département monégasque de l'intérieur, ou d'institutions de droit public à l'instar de l'Université de Gênes. Une des participations les plus remarquables de ces entités publiques aux actions de l'Accord RAMOGE est certainement celle de la Communauté d'agglomération Toulon Provence Méditerranée dans le programme de lutte contre les sédiments portuaires257. Au regard toutefois des actions menées par RAMOGE pour la GIZC, il apparaît que les grands perdants de la gouvernance environnementale sont les ONG. Or l'attitude adoptée par l'UE à l'égard des ONG258 en matière de prise de décision, notamment dans le cadre de la gouvernance 259, témoigne de l'importance de leur participation aux décisions de l'Union. Dès lors, si l'identité européenne de la GIZC naît pour partie de la gouvernance environnementale européenne, il faut veiller à ce que les ONG n'en soient pas exclues des projets RAMOGE. L'Accord ne parviendra donc à rester cette zone pilote européenne de la GIZC en Méditerranée que s'il parvient à faire participer certaines ONG pour élaborer et prendre des décisions sur des sujets qui leur sont communs. La tâche n'est pas impossible à réaliser, puisqu'un bon nombre d'associations partage les mêmes préoccupations que l'Accord à propos de la Méditerranée 260. A titre d'exemple, l'association « SOS Grand Bleu »261 dans le sanctuaire PELAGOS262, ayant pour but de protéger les mammifères marins dans l'espace méditerranéen situé justement entre la France, l'Italie et Monaco, pourrait très bien être associée à l'Accord RAMOGE lorsque celui-ci est amené à prendre des décisions dans le cadre de son projet commun mené avec le sanctuaire PELAGOS263. La gouvernance environnementale, telle que choisie par les institutions de l'UE, constitue certainement la méthode qui, dans la projection des actions protectrices de l'environnement, considère le mieux l'ensemble des impératifs humains, politiques, économiques et environnementaux. Pour demeurer cette zone pilote européenne en Méditerranée répondant à l'identité de la GIZC dégagée par l'UE elle-même, il faudra alors que l'accord RAMOGE poursuive ses méthodes de gouvernance environnementale tout en élargissant son cercle de travail à l'ensemble des parties prenantes qui lui permettront certainement de donner plus de profondeur et et d'efficacité à ses projets. 257op. cit. http://ramoge.org/fr/sediments_portuaires.aspx. 258Communication de la Commission européenne du18 janvier 2000, La Commission et les organisations non gouvernementales: le renforcement du partenariat, COM(2000) 11 final. 259op. cit. communication de la Commission européenne, Gouvernance européenne : un livre blanc, COM(2001) 428 final p. 17. 260Pour un recensement des associations dont l'objet réside dans la protection de l'environnement marin : http://www.environnement-annuaire.net/milieux-naturels/mer.php. 261« SOS Grand Bleu, a pour objet la mise en œuvre, le développement et l’encouragement de toutes actions visant à protéger la faune et la flore de Méditerranée et plus spécifiquement les espèces menacées par le développement des activités humaines sur mer ou sur terre telles que les dauphins et les baleines » : http://www.sosgrandbleu.asso.fr/. 262http://www.sanctuaire-pelagos.org. 263http://ramoge.org/fr/pelagos.aspx. 75 Repenser ses méthodes d'action stratégique est également l'une des chose que pourrait entreprendre l'Accord afin de s'associer au mieux aux stratégies européennes d'action environnementale qui constituent, au même titre que la gouvernance, l'identité européenne du concept de GIZC. §2. La capacité de l'Accord à transformer ses simples actions stratégiques en stratégies d'action européennes Le reproche ne pourra pas être fait à l'Accord RAMOGE de ne pas organiser ses actions en matière de GIZC de façon sérieuse et stratégique (A.), il ne lui reste cependant qu'un pas à faire vers le « bon état écologique »264 pour entrer complètement dans le cadre de la stratégie marine de l'UE (B.). A. Une approche stratégique modeste se résumant davantage à une organisation sérieuse des projets de l'Accord RAMOGE Pilier de l'identité européenne de la GIZC elle-même issue du processus d'appropriation européenne de ce concept de droit international de l'environnement, l'approche stratégique de la GIZC européennes insufflée le 30 mai 2002 par la recommandation du Parlement européen et du Conseil265 demeure très centrée sur l'action des Etats membres de l'UE, excluant de fait la Principauté de Monaco. Le Chapitre I de cette recommandation prévoit en effet que « les États membres prennent en considération la stratégie de développement durable et la décision du Parlement européen et du Conseil établissant le sixième programme d’action communautaire pour l’environnement 266, et adoptent à l’égard de la gestion de leurs zones côtières une approche stratégique ». Cependant, le Protocole GIZC à la Convention de Barcelone, que les trois Etats parties à l'Accord RAMOGE ont signé, prévoit que « dans la mise en œuvre des dispositions du présent Protocole, les Parties sont guidées par les principes suivants de gestion intégrée des zones côtières [dont le fait de] faire en 264op. cit. directive 2008/56/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 établissant un cadre d’action communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin, articles premier et deuxième notamment. 265op. cit. recommandation du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2002 relative à la mise en œuvre d'une stratégie de gestion intégrée des zones côtières en Europe. 266op. cit. décision du Parlement et du Conseil établissant du 22 juillet 2002 établissant le sixième programme d'action communautaire pour l'environnement. 76 sorte que soient élaboré[e]s des stratégies [...] »267. De cette façon, au même titre que la France et l'Italie, Monaco doit penser la gestion intégrée des sa zone côtière de façon stratégique. Le souhait de voir se mettre en place des stratégies d'action de la GIZC n'est donc pas seulement le fruit du travail de l'UE. Dans le cadre de ses travaux sur les sédiments portuaires 268, l'Accord RAMOGE participe depuis 2006 avec la Communauté de l'agglomération Toulon Provence Méditerranée au projet dit SEDIMARD. Il s'agit d'étudier la nocivité et la toxicité des sédiments portuaires, autrement dit d'« accorder une place importante aux meilleurs informations scientifiques disponibles et à l'amélioration des connaissances scientifiques grâce à la recherche et au développement technologique »269, et de proposer des solutions pour lutter contre leur toxicité, notamment par la mise en place de « mesures de protection du littoral appropriées et responsables du point de vue écologique »270. Cette volonté d'agir contre les sédiments portuaires constitue donc un réel projet organisé par des objectifs et actions déterminées. De plus, le fait que ce projet SEDIMARD a été prorogé dès 2008 par une seconde phase nommée SEDIMED atteste de la vision à long terme des actions de l'Accord, caractérisant ainsi des objectifs stratégiques. Cette seconde phase d'ailleurs, davantage axée sur le traitement et la revalorisation des sédiments portuaires, est rythmée par des réunions d'échanges entre les différentes parties prenantes des ports de plaisance de la Zone RAMOGE, organisées sous l'égide de l'Accord271, témoignant encore une fois de la dynamique stratégique de ce projet. Toujours dans ce dynamisme stratégique qui anime l'identité européenne des actions environnementales de l'UE telle la GIZC, il faut se pencher sur les travaux réalisés par l'Accord RAMOGE au sujet des récifs artificiels 272. Sur ce point, l'action stratégique s'articule autour de la construction de récifs artificiels et de leur mise au service d'objectifs prédéfinis. Il s'agit en effet pour l'Accord RAMOGE de s'entretenir avec tous les acteurs et utilisateurs de la mer afin d'obtenir des autorités publiques françaises, italiennes ou monégasques le droit d'immerger des récifs artificiels après qu'ont été réalisées les études d'impact nécessaires273. 267 Article 6 f. du Protocole GIZC à la Convention de Barcelone, disponible sur http://www.unepmap.org. 268op. cit. http://ramoge.org/fr/sediments_portuaires.aspx. 269op. cit. décision du Parlement et du Conseil établissant du 22 juillet 2002 établissant le sixième programme d'action communautaire pour l'environnement, article 2 §3. 270op. cit. recommandation du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2002 relative à la mise en œuvre d'une stratégie de gestion intégrée des zones côtières en Europe, chapitre I. c. 271En 2008 un colloque sur le thème de « la gestion durable des sédiments une problématique européenne, des spécificités méditerranéennes » fut organisé par l'Accord RAMOGE. Il s'agissait d'envisager les aspects opérationnels et scientifiques de la problématique des sédiments portuaires dans le cadre d’une coopération internationale mettant en avant l’intérêt d’une approche collective. 272http://ramoge.org/fr/recifs_artificiels.aspx . 273LE GUILLOU (A.), Etude sur les récifs artificiels de la zones RAMOGE, Mémoire de Master 2 professionnel 77 Ce qui permet de qualifier ces projets de stratégiques, entrant de cette façon dans le cadre de l'identité européenne de la GIZC, ce sont les objectifs clairement déterminés dans lesquels ils sont menés. Chargé de répondre aux objectifs prédéterminés de production halieutique, de reconstitution et de protection de la biocénose marine, de recherche et de développement des loisirs sous-marins, ces récifs artificiels se nourrissent de perspectives et d'objectifs, caractères premiers des actions stratégiques. De cette façon l'Accord RAMOGE participe à la « stratégie méditerranéenne de GIZC » voulue par l'article 17 du Protocole GIZC à la Convention de Barcelone, « dans le respect des objectifs […] de gestion intégrée du présent Protocole »274 formulés par l'article 5 de celui-ci. Au-delà des projets SEDIMED et des objectifs ambitieux de la réalisation de récifs artificiels dans la zones RAMOGE, d'autres actions de l'Accord en matière de GIZC reprennent l'esprit du Protocole GIZC. Qu'il s'agisse de la gestion de la problématique de l'algue ostreopsis ovata275 dans l'objectif de créer des zones de baignade et de pêche propres, des études réalisées sur les zones de mouillage276 afin de préserver les fonds marins ou encore de l'objectif de protection des mammifères marins grâce aux projets communs réalisés avec le sanctuaire PELAGOS277, toutes les actions de l'Accord RAMOGE pourraient être analysées comme étant réalisées de façon stratégique. Toutefois,l'Accord RAMOGE ne parviendra à se démarquer en tant que zone pilote européenne de la GIZC méditerranéennes que s'il parvient à organiser ses actions stratégiques autour de l'établissement et de la protection du « bon état écologique »278 de le Zone. B. La capacité de l'Accord à devenir une zone pilote européenne en recentrant ses stratégies d'action autour de la notion de « bon état écologique » L'UE ne s'est en effet pas contentée d'élaborer une approche stratégique de la GIZC européennes que les Etats appliqueraient selon leurs disponibilités. Au contraire, les institutions européennes ont su imposer une marche à suivre, des étapes à franchir, consacrant ainsi une « Image, multimédia et sciences territoriales », disponible sur : http://ramoge.org/Documents/rapport_recifs_artificiels.pdf, pp. 27-47. 274op. cit. Protocole GIZC à la Convention de Barcelone, disponible sur http://www.unepmap.org. 275« Ostreopsis ovata est une algue microscopique unicellulaire qui vit habituellement dans les eaux chaudes des mers tropicales. Le transport par les eaux de ballast des navires et des conditions climatiques très favorables ont permis à cette microalgue de se développer sous nos latitudes. Les effets toxiques se limitent habituellement à des symptômes de type grippal tels que fièvre, toux, nausées, rhume, conjonctivite, troubles respiratoires. Les personnes atteintes n’ont pas forcément été en contact direct avec l’eau ; il suffit d’inhaler les gouttelettes transportées par le vent pour que les symptômes se manifestent », http://ramoge.org/fr/ostreopsis_ovata.aspx. 276http://ramoge.org/fr/mouillage.aspx . 277op. cit. http://ramoge.org/fr/pelagos.aspx. 278op. cit. directive 2008/56/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 établissant un cadre d’action communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin, articles premier et deuxième notamment. 78 méthodologie une stratégie d'action environnementale spécifiquement européenne. L'instrument de droit dérivé de l'Union qui reprend fidèlement l'approche stratégique de la GIZC européennes telle qu'envisagée au départ par la recommandation de 2002 279 n'est autre que la directive-cadre de 2008 établissant une stratégie pour le milieu marin de l'UE 280. Outre le fait que le champ d'application de cette directive ne reprenne que partiellement celui des zones côtières en ne s'intéressant qu'à la partie marine de celles-ci, la stratégie pour le milieu marin de l'UE hérite complètement du processus d'appropriation européenne de la GIZC. De son côté, l'Accord RAMOGE participe activement à la mise en œuvre de la directivecadre « stratégie pour le milieu marin ». En effet, il propose qu'« une réunion [soit organisée] entre les autorités compétentes chargées de la mise en œuvre de la directive-cadre et précise que cette réunion devra] être actée par le Comité Technique et être ensuite proposée aux autorités concernées »281. L'Accord RAMOGE souhaite dans les faits que cette réunion d'échanges thématiques autour de la directive-cadre de 2008 permette d'une part aux Etats parties à l'Accord de trouver dans l'espace RAMOGE le lieu de l'application de cet acte de droit de l'Union, et qu'elle donne d'autre part à l'Accord la possibilité de se mettre techniquement au service des Etats parties pour mettre en œuvre les projets chargés de réaliser les ambitions de la stratégie européenne pour le milieu marin. Cette position originale de l'Accord RAMOGE, notamment pour la Principauté de Monaco, permet de confirmer le caractère de zone pilote européenne de RAMOGE en matière de GIZC. Toutefois la logique dans laquelle se bâtit la stratégie pour le milieu marin de l'UE demande à ce que « chaque Etat membre élabore, pour chaque région ou sous région marine concernée, une stratégie pour le milieu marin applicable à ses eaux marines en respectant le plan d'action décrit »282 par la directive elle-même. Entre donc en jeu ici la méthodologie européenne de l'approche stratégique de la GIZC que l'Accord devra observer s'il souhaite obtenir complètement le titre de zone pilote européenne de la GIZC méditerranéennes. Tout d'abord, la stratégie de l'UE pour la protection de son milieu marin reprenant en filigrane l'esprit de l'appropriation européenne de la GIZC, demande aux Eats membres de réaliser certains travaux de préparation à savoir une évaluation initiale de l'état écologique, permettant de définir le « bon état écologique »283 atteignable. Ensuite, cette stratégie se poursuit par l'élaboration 279op. cit. recommandation du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2002 relative à la mise en œuvre d'une stratégie de gestion intégrée des zones côtières en Europe. 280op. cit. directive 2008/56/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 établissant un cadre d’action communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin. 281op. cit. http://ramoge.org/fr/reunionsDCSMM.aspx. 282op. cit. directive 2008/56/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 établissant un cadre d’action communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin, article 5 §1. 283op. cit. directive 2008/56/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 établissant un cadre d’action 79 et la réalisation de programmes de « mesures nécessaires pour parvenir à un bon état écologique ou conserver celui-ci »284, devant faire l'objet de compte-rendus réguliers mis à disposition du public285. La stratégie pour le milieu marin de l'UE telle que l'envisage l'UE ne consiste donc pas seulement à organiser rigoureusement des projets comme le fait consciencieusement l'Accord RAMOGE. Il semble en effet que le point culminant de cette approche stratégique soit la définition du « bon état écologique », défini par la directive-cadre comme l'« état écologique des eaux marines tel que celles-ci conservent la diversité écologique et le dynamisme d’océans et de mers qui soient propres, en bon état sanitaire et productifs dans le cadre de leurs conditions intrinsèques, et que l’utilisation du milieu marin soit durable, sauvegardant ainsi le potentiel de celui-ci aux fins des utilisations et activités des générations actuelles et à venir »286. Les compte-rendus et document d'information du public découleront dans les faits de ce centre de gravité qu'est le « bon état écologique » des eaux marines. Il appartient désormais à l'Accord RAMOGE de rapprocher ses actions en matière de GIZC, que sont la problématique de l'osteropsis ovata, l'étude des zones de mouillage ou encore la gestion environnementale des ports de plaisance, de ce point central de l'identité européenne de la protection des eaux marines. La zone pilote européenne que doit demeurer la Zone RAMOGE a alors besoin d'établir le « bon état écologique » des espaces qu'elle souhaite protéger et s'engager sur un travail de relecture de ses travaux tout en tenant informé les habitants et parties prenantes de cette zone. D'ailleurs, cet effort à fournir dans les réunions de travail au sujet de la directive-cadre « stratégie pour le milieu marin » devra être commun à l'effort déjà fourni au sujet de la protection des écosystèmes, et ce toujours pour permettre à l'Accord de constituer une zone pilote européenne de la GIZC en Méditerranée. SECTION SECONDE : LA PROTECTION ENVIRONNEMENTALE INDENIABLE DES ECOSYSTEMES MARINS PAR L'ACCORD RAMOGE L'Accord RAMOGE, qui est incontestablement une zone pilote internationale pour la protection des écosystèmes marins, a la capacité de devenir une zone pilote européenne de la GIZC communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin, articles premier et deuxième notamment. 284ibidem. article 13 §1. 285ibidem. Chapitre IV. 286op. cit. directive 2008/56/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 établissant un cadre d’action communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin, article 3 §2. 80 en accordant plus de place aux activités humaines dans ses actions de protection des écosystèmes marins (§2.), et ce alors même que certains projets de l'Accord sur les fonds marins peuvent, à première vue, créer des dégâts sur ces mêmes écosystèmes (§1.). §1. La contradiction apparente de l'objectif de protection des écosystèmes avec les projets de dragage des sédiments portuaires et d'immersions de récifs artificiels Qu'il s'agisse du dragage des fonds marins (A.) ou de l'immersion de récifs artificiels (B.) ces actions de l'Accord pour la GIZC méditerranéennes n'endommagent en rien les écosystèmes sous-marins malgré les a-priori. A. La crainte d'une destruction des écosystèmes marins due à la lutte contre les sédiments portuaires écartée grâce à des études d'impact exigeantes « Pour permettre le fonctionnement et le développement des établissements portuaires mais également participer à l’entretien et la restauration des milieux naturels aquatiques, les gestionnaires de ces derniers doivent entreprendre des opérations de dragage »287. Ces opérations de dragage qui ont vocation à dégager les fonds marins afin de permettre aux navires de circuler et, semble-t-il, à la vie aquatique de se développer, correspondent aux projets de lutte contre les sédiments portuaires engagés par RAMOGE dans le cadre de la GIZC. Néanmoins, une remarque peut être pertinente : les opérations de dragage n'auront-elles pas des effets néfastes sur les écosystèmes, privant soudainement les espèces marines d'un habitat constitué peut-être depuis très longtemps ? Pour demeurer cette zone pilote de la GIZC grâce à l'attention que porte RAMOGE à la protection des écosystèmes marins, il est évident que ces opérations de dragage ne peuvent avoir lieu sans étude d'impact préalable, conformément aux principes de précaution et de prévention 288. Ainsi, outre la question de la technique de dragage utilisée, entrera aussi en jeu la question de savoir 287http://www.ramoge.org/fr/sediments_portuaires.aspx. 288Les principes de précaution et de prévention sont des obligations de droit international et de droit de l'UE très souvent reprises par les droits nationaux. Le principe de prévention « suppose […] la connaissance du risque menaçant tel ou tel élément de l'environnement, ce risque pouvant être qualifié de certain, contrairement à celui abordé dans le cadre du principe de précaution » (op. cit. VAN LANG (A.), Droit de l'environnement, p. 70) alors que le principe de précaution « prend en compte des menaces [caractérisées par] l'incertitude [de leur survenance] » (ibidem p. 97). 81 comment sera organisé le clapage en mer de ces limons. De cette série de questions que devra se poser l'Accord RAMOGE dépendra la réponse fournie par les autorités publiques françaises, italiennes ou monégasques sur autorisation des opérations de dragage dans le cadre de la GIZC, et plus précisément dans le cadre de la lutte contre les sédiments portuaires dans la zone RAMOGE. Si les trois Etats de l'Accord RAMOGE liés notamment par le droit international 289 de l'environnement aux principes de précaution290 et de prévention291 sont très attentifs au respect de ceux-ci, il n'en demeure pas moins que leurs juges sont très exigeants quant à l'examen des recours en annulation formés contre des autorisations administratives de dragage et de clapage en mer 292, conférant ainsi à ces actions l'assurance d'un effet environnemental limité ou nul. En témoigne le récent arrêt du Tribunal administratif français 293 de Fort-de-France du 24 mai 2011 qui, « considérant que si l'exécution des travaux autorisés par l'arrêté [du Préfet de la région Martinique] comporte un impact négatif sur l'environnement pendant la phase du chantier, notamment par mise en suspension d'une partie des matériaux lors du dragage puis du clapage en mer, [remarque qu'] aucune pièce versée au dossier ne démontre que cet impact est important et irréversible ; que, de même, aucune pièce versée au dossier ne démontre que c'est à tort que les études préliminaires sur le fondement desquelles les travaux ont été autorisés font état d'un impact 289 Il est en effet impossible, en raison de la participation de Monaco à l'Accord RAMOGE, de rattacher l'Accord RAMOGE à l'obligation formulée par l'article 191 §2 TFUE selon lequel « la politique de l'Union dans le domaine de l'environnement [...] est fondée sur les principes de précaution et d'action préventive ». Il est en effet plus pertinent de se référer aux obligations de droit international, malgré leur effectivité toute relative. Sinon, en droit de l'UE, les obligations d'études d'impact sont soumises à la directive 85/337/CE du Conseil du 27 juin 1985 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement, JOCE L 175 du 5 juillet 1985, pp. 40-48. 290 En droit international le principe de précaution est notamment né du principe 15 de la Déclaration de Rio de 1992 qui proclame que « pour protéger l'environnement, des mesures de précaution doivent être largement appliquées par les Etats selon leurs capacités. En cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l'environnement », op. cit. disponible sur : http://www.un.org/french/events/rio92/riofp.htm. La normativité de ce principe est notamment assurée par des Conventions internationales comme par exemple l'article 3 §3. de la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, op. cit. disponible sur : http://unfccc.int/resource/docs/convkp/convfr.pdf, ou l'article 23 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, op. cit. disponible sur : http://www.un.org/french/law/los/unclos/closindx.htm. Si la CIJ n'a pas reconnu le principe de précaution comme étant une norme coutumière de droit international, ( op. cit. CIJ, arrêt du 20 avril 2010, Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay, Argentine c/ Uruguay) le Tribunal international du droit de la mer (TIDM) a pour sa part reconnu en droit international de la mer la valeur coutumière du principe de précaution (TIDM, avis consultatif du 1er février 2011, Responsabilité des Etats qui patronnent des personnes et entités dans le cadre d'activités menées dans la Zone, disponible sur : http://www.itlos.org). 291De la même façon, le principe de prévention se trouve consacré par le principe 17 de la Déclaration de Rio et réside dans l'obligation pour les Etat de procéder à des études d'impact : « Une étude d'impact sur l'environnement, en tant qu'instrument national, doit être entreprise dans le cas des activités envisagées qui risquent d'avoir des effets nocifs importants sur l'environnement et dépendent de la décision d'une autorité nationale compétente ». Consacré notamment par la Convention d'Espoo du 25 février 1991 sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement dans un contexte transfrontière (disponible sur : http://www.unece.org) la CIJ a cette fois reconnu la valeur coutumière en droit international de cette obligation d'études d'impact et donc du principe de prévention ( op. cit. CIJ, arrêt du 20 avril 2010, Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay, Argentine c/ Uruguay). 292Le clapage en mer est une technique qui consiste à déverser en mer les limons dragués près des côtes. 293 En droit français, l'obligation d'études d'impact est contenu à l'article L 122-1 I. du Code de l'environnement, imposant des études d'impact à tous « les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagement publics et privés ». 82 positif durable de ces travaux sur l'environnement, consistant en la réduction de l'envasement et en l'amélioration de la qualité des eaux de la baie du Marin »294. Ces critères de l'importance et de l'irréversibilité de l'impact examinés par le juge français seront vraisemblablement les mêmes que ceux que seraient amenés à dégager des juges italiens ou monégasques, appelés à trancher une telle question de droit, puisque les trois Etats de l'Accord RAMOGE sont soumis aux mêmes obligations de droit international en matière d'études d'impact. Dès lors, devant les juges français, italiens ou monégasques appelés à connaître de la légalité des autorisations de dragage et de clapage en mer, l'Accord RAMOGE ne pourra conserver son statut de zone pilote européenne de la GIZC que s'il est en mesure de produire des études d'impact environnemental démontrant la faible importance et la réversibilité des impacts environnementaux causés par ses opération de dragage et de clapage. La même démarche devra d'ailleurs être adoptée au sujet des immersions de récifs artificiels. B. La protection juridique des écosystèmes face aux immersions de récifs artificiels Toujours dans le cadre de ses actions pour la GIZC de la Zone RAMOGE, l'Accord fut amené à créer des récifs artificiels, afin de lutter contre la dégradation des biotopes et de permettre aux activités basées sur la faune sous-marine de prospérer. Ces récifs artificiels sont des « ensembles solides d'architectures appropriées, choisies à l'avance, avec pour effet d'augmenter [la] productivité biologique »295. « En France et en Région ligure on trouve des récifs de production, en objets recyclés tels que les pneus, les épaves, des portes d’écluses, le parpaing et divers matériaux de construction de BTP. Actuellement les récifs en béton sont les plus couramment utilisés »296. Les récifs artificiels proposés par l'Accord sont donc en majorité construits avec des matériaux à première vue polluant. Au-delà de l'esthétique, il n'est pas évident d'admettre que le ciment, l'acier ou le caoutchouc ne soient pas nocifs pour l'environnement marin se développant autour d'eux, surtout s'ils sont utilisés en grande quantité. L'approche écosystémique de la protection des fonds marins par l'Accord RAMOGE pourrait alors être sensiblement remise en cause. 294Arrêt du Tribunal administratif de Fort-de-France du 24 mai 2011, ASSAUPAMAR, n° 1000282. 295LAMARRE (J.-P.) et SIRE (A.), Intérêt d'une gestion halieutique du milieu littoral marin par l'implantation de récifs artificiels, Aqua Revue, Officie régional de la mer de Provence-Alpes-Côtes-d'Azur, 1986, pp. 10-14. 296op.cit. http://ramoge.org/fr/recifs_artificiels.aspx. 83 Seule solution pour éviter que se développent abusivement les récifs artificiels : encadrer leur création. C'est au droit, qu'il soit international, européen ou national, que reviendra la tâche d'encadrer et de réglementer l'implantation de ces récifs artificiels. Nonobstant l'obligation de réaliser des études d'impact, et bien qu'au départ le développement des récifs artificiels ne fut pas accompagné d'outil juridique permettant de réglementer et gérer ces installations297, la France, l'Italie et Monaco ont rapidement compris que, tant pour la construction de récifs artificiels que pour la bonne gestion du domaine public, l'immersion de ces installations devait être strictement réglementée. En droit international, et en dehors du cadre fixé par la Convention OSPAR de 1992 sur la protection du milieu marin de l'Atlantique Nord-Est 298 strictement applicable aux côtes atlantiques françaises, la question de la protection et de la gestion des fonds marins méditerranéens est abordée par la Convention de Montego Bay299 et par la Convention de Barcelone300 . Puisque les Etats sont tenus d'accorder « une attention particulière à la nécessité de protéger [le milieu marin] des effets nocifs d'activités telles que forages, dragages, excavations, élimination de déchets, construction et exploitation ou entretien d'installations, de pipelines et d'autres engins utilisés pour ces activités »301, ils doivent alors « protéger, préserver et gérer de manière durable et respectueuse de l’environnement les espaces ayant une valeur naturelle ou culturelle particulière, notamment par la création d’aires spécialement protégées »302. Sans reprendre donc de façon explicite le cas de la création de récifs artificiels pour la protection et le développement des ressources halieutiques, le droit international impose toutefois aux Etats de faire en sorte que les projets relatifs à leurs fonds marins respectent l'environnement. Les récifs artificiels ne sauraient donc induire un effet contraire à leur vocation première en dégradant l'écosystème marin. Cette protection de l'espace marin contre un développement trop important de l'immersion de matériaux pour créer des récifs artificiels est également encadrée par les droits nationaux des Etats parties à l'Accord RAMOGE. En droit français, la loi « immersion » du 7 juillet 1976303 et son décret d'application du 29 297O'LEARY (E.), Artificial reefs feasability study prepared for the Marine Institute, National University of Ireland, Cork 2001, pp. 12-13. 298Convention relative à protection du milieu marin de l'Atlantique Nord-Est, dite Convention OSPAR, adoptée à Paris le 22 septembre 1992, disponible sur http://www.ospar.org. 299op. cit. Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, adoptée à Montego Bay le 10 décembre 1982, disponible sur : http://www.un.org/french/law/los/unclos/closindx.htm. 300op. cit. Convention pour la protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée adoptée à Barcelone le 16 février 1976 suite au PAM de 1975, disponible sur: http://www.unepmap.org 301Article 145 a. de la Convention de Montego Bay. 302Article 3 §1 a. du Protocole relatif au aires spécialement protégées et à la diversité biologique en Méditerranée. 303Loi n° 76-599 du 7 juillet 1976 relative à la prévention et à la répression de la pollution marine par les opérations d'immersion effectuées par les navires et aéronefs, et à la lutte contre la pollution marine accidentelle, version consolidée au 22 octobre 2004. 84 septembre 1982304 donnent au Ministre de l'environnement la compétence d'attribuer un permis d'immersion après la réalisation d'une étude d'impact selon le modèle de la loi « Bouchardeau » de 1983305. La législation italienne en matière de protection du milieu marin par rapport aux immersions est contenue à l’article 109 du décret législatif 152/2006 et à l’article 21 de la loi 179/2002 qui préconisent pour la défense de l’environnement marin la nécessité d’une autorisation environnementale administrative. Toujours conditionnée à la réalisation d'une étude d'impact, l'immersion d'un récif artificiel en Italie peut être autorisée par les autorités étatiques 306 ou par les autorités de la région Ligure307. Enfin, en droit monégasque, la demande d’une autorisation d’immersion de récifs artificiels dans un objectif de production de biomasse est prévue par l’article L 210-1 du Code de la Mer. Seul un arrêté ministériel peut permettre l'immersion d'un récif artificiel, après qu'une étude d'impact a été réalisée. Par conséquent, si après réflexion les projets de l'Accord RAMOGE relatifs à la création de récifs artificiels peuvent sembler contraires à l'idée d'un environnement dénué de toute pollution, et ce malgré les avantages notoires des récifs artificiels308, il faut toutefois noter que la législation des trois pays parties à l'Accord assure un respect complet des fonds marins, notamment grâce à la réalisation d'études d'impact et à l'obtention d'autorisations administratives. Ces inquiétudes estompées permettent maintenant d'envisager certains projets de l'Accord comme outils de la protection des écosystèmes marins de la Zones RAMOGE. 304Décret n°82-842 du 29 septembre 1982 relatif à la prévention et à la répression de la pollution marine par les opérations d'immersion effectuées par les navires et aéronefs et à la lutte contre la pollution marine accidentelle, JO du 3 octobre 1982, p.2949 et 2950. 305Loi n°83-630 du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation des enquêtes publiques et à la protection de l'environnement, version consolidée au 01 janvier 2001. Voir également : QUIMBERT (M.), Les récifs artificiels : autorisation d'immersion, régime d'occupation du domaine public et cadre d'exploitation en droit français, Revue juridique de l'environnement, n°2, 2005, pp. 121-129 ; PIOCH (S.), thèse DOUMENGE (J.-P.), Dir., Les habitats artificiels : éléments de stratégie pour une gestion intégrée des zones côtières ? Essai de méthodologie d’aménagement en récifs artificiels adaptés à la pêche artisanale côtière, 2008. 306Dans l'hypothèse où l'immersion de matériaux dans les fonds marins peut avoir des conséquences sur le réseau énergétique sous-marin d’intérêt national ou sur des structures en connexion avec ce réseau énergétique. 307Dans l'hypothèse où il s'agit de matériaux provenant déjà des fonds marins et disposés dans des contenants pouvant être immergés ou s'il s'agit du clapage en mer de matières telluriques 308Voir infra. 85 §2. La protection des écosystèmes de la Zone : une zone pilote internationale incontestable mais une zone pilote européenne en devenir Le droit international de l'environnement a choisi de placer l'approche écosystémique au cœur de ses obligations environnementales. Les projets de l'Accord RAMOGE, indéniablement orientés vers la protection des écosystèmes marins, sont donc éligibles au rang de zone pilote internationale (A.). Cependant, dans l'esprit de la construction européenne et du concept de développement durable, les activités humaines et économiques seront davantage à prendre en compte si l'Accord souhaite rester une zone pilote européenne de la GIZC méditerranéennes (B.). A. La protection de la biocénose et du biotope marins comme voies d'accès évidente au rang de zone pilote internationale en Méditerranée Dès 1972 et le Principe 2 de la Déclaration de Stockholm, le choix du traitement écosystémique des questions environnementales est clairement établi par le droit international de l'environnement alors naissant309. Passant en revue les actions de l'Accord RAMOGE en matière de GIZC, il est frappant d'observer l'importance donnée à la protection de la biocénose. En effet, qu'il s'agisse des études sur les zones de mouillage qui « ont […] mis en évidence des destructions des biocénoses marines dans les zones de mouillages par de grosses unités de plaisance »310, ou des projets sur les récifs artificiels ayant vocation à « reconstituer au bénéfice des biocénoses marines les conditions d’habitats nécessaires à leur développement »311, le dénominateur commun de ses actions est caractérisé par la protection de la biocénose marine. La définition que donne Le Petit Robert de la biocénose correspond parfaitement à l'approche écosystémique prônée par le droit international de l'environnement. « Ensemble des êtres vivants d'un biotope ou d'une station donnés », « la biocénose et le biotope constituent un écosystème »312. De cette définition, il semble que l'accent mis sur la biocénose par les actions de l'Accord 309op. cit. Déclaration finale de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement réunie à Stockholm du 5 au 16 juin 1972. Le Principe 2 énonce que : « Les ressources naturelles du globe, y compris l'air, l'eau, la terre, la flore et la faune, et particulièrement les échantillons représentatifs des écosystèmes naturels, doivent être préservés dans l'intérêt des générations présentes et à venir par une planification ou une gestion attentive selon que de besoin ». 310op. cit. http://ramoge.org/fr/mouillage.aspx. 311op. cit. http://ramoge.org/fr/recifs_artificiels.aspx. 312op. cit. Le Petit Robert, p. 255. 86 RAMOGE en matière de GIZC ne réponde que partiellement à l'approche écosystémique, fer de lance de l'action environnementale du droit des gens et repris par le droit de l'UE. Le biotope marin, « milieu biologique offrant à une biocénose des conditions de vie relativement stables »313, doit également attirer l'attention des projets de GIZC de l'Accord si celui-ci souhaite demeurer une zone pilote de la protection de l'environnement méditerranéen. Affirmer que l'Accord RAMOGE ne participe pas à la protection des espaces de vie des animaux marins constituerait toutefois une erreur. En effet, une grande partie des actions menées par l'Accord RAMOGE se penche sur la problématique de la protection des espaces de vie marine. Qu'il s'agisse de l'immersion de récifs artificiels pour la protection ou la production halieutique 314, de la gestion des zones de mouillage en vue de protéger les fonds marins 315 ou encore d'un projet commun avec le sanctuaire PELAGOS visant à protéger les mammifères marins en leur dédiant des espaces de vie sûrs316, tous ces projets de RAMOGE en faveur de la GIZC concernent la protection du biotope sous-marin. Les actions de l'Accord pour la GIZC de la zone RAMOGE, se préoccupant à la fois de la biocénose et du biotope sous-marins, répondent ainsi aux engagements internationaux relatifs à l'approche écosystémique, plus spécialement formulés pour le milieu marin par la Convention de Montego Bay317 en son article 194 §5. En effet, la France, l'Italie et Monaco, soumis à l'obligation de droit international selon laquelle « les mesures prises conformément à la [protection et préservation du milieu marin] comprennent les mesures nécessaires pour protéger et préserver les écosystèmes rares ou délicats ainsi que l'habitat des espèces et autres organismes marins en régression, menacés ou en voie d'extinction », trouvent dans l'Accord RAMOGE un interlocuteur disposé à honorer leurs engagements environnementaux. Cependant, inséré dans une organisation politique qui, souhaitant « établir les fondements d'une union sans cesse plus étroite entre les peuples européens » et « assurer par une action commune le progrès économique et sociale », s'est fixée « pour but essentiel […] l'amélioration constante des conditions de vie et d'emploi » du peuple européen318 grâce au concept de développement durable, l'Accord RAMOGE ne saurait demeurer une zone pilote européenne de la GIZC sans insérer davantage les activités anthropiques à l'approche écosystémique de ses travaux. 313ibidem. p. 257. 314op. cit. http://ramoge.org/fr/recifs_artificiels.aspx. 315op. cit. http://ramoge.org/fr/mouillage.aspx. 316op. cit. http://ramoge.org/fr/pelagos.aspx. 317op. cit. Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, adoptée à Montego Bay le 10 décembre 1982,disponible sur : http://www.un.org/french/law/los/unclos/closindx.htm. 318op. cit. préambule in limine du Traité instituant la Communauté économique européenne du 25 mars 1957, disponible sur http://eur-lex.europa.eu/fr/treaties/index.htm. 87 B. La nécessité d'intégrer davantage les activités économiques et humaines pour devenir une zone pilote européenne de la gestion intégrée des zones côtières La logique développée depuis 1957 par le droit de l'UE consiste à ouvrir des voies aux activités humaines afin de permettre le développement social de ses populations, en matière environnementale, l'idée est substantiellement la même avec le concept de développement durable. En se penchant avec attention sur les actions de l'Accord RAMOGE en matière de GIZC, il apparaît que les activités humaines, et plus particulièrement les activités économiques, sont peu prises en compte. Bien que le concept de GIZC s'inscrit dans la logique de développement durable des activités humaines, et qu'ainsi la protection de l'environnement marin par la GIZC européennes puisse être au final bénéfique pour les activités humaines, il ne semble pas que l'ambition première des actions de l'Accord participe de cette vision des choses. Dans les faits, qu'il s'agisse de traiter la problématique de l'osteropsis ovata, de mettre en commun des compétences dans le cadre du sanctuaire PELAGOS, de protéger les fonds marins contre les mouillages excessifs ou d'être l'occasion d'échanger sur des points de vues et projets relatifs à la la directive-cadre établissant une stratégie de l'UE pour le milieu marin 319, le centre de gravité des actions de RAMOGE pour la GIZC tend exclusivement à la protection de l'environnement marin pour lui-même. Cependant, les actions de l'Accord RAMOGE pour la GIZC relatives à la gestion environnementale des ports de plaisance, au dragage des sédiments portuaires, ou aux études sur les récifs artificiels constituent pour leur part une mine d'actions qui, permettant le tourisme, la circulation des bateaux ou la reconstitution des stocks de poissons, assurent indirectement le développement durable des activités économiques liées à la mer. Nonobstant les propos introductifs à ces développements qui proposaient une définition de la GIZC basée sur les travaux du Conseil de l'Europe, définissant dès 1999 ce concept comme étant « l'aménagement et l'utilisation durable des zones côtières prenant en considération le développement économique et social lié à la présence de la mer tout en sauvegardant, pour les générations présentes et futures, les équilibres biologiques et écologiques fragiles de la zone côtière et les paysages »320, il est important de se demander si cette intégration des activités économiques au caractère écosystémique de la GIZC est nécessaire pour que l'Accord RAMOGE demeure 319op. cit. directive 2008/56/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 établissant un cadre d’action communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin, article 3 §2. 320op. cit. Conseil de l'Europe, Modèle de loi sur la gestion durable des zones côtières, Sauvegarde de la nature, n° 101, Editions du Conseil de l'Europe, Strasbourg 1999, p.13. 88 reconnu en tant que zone pilote européenne. Dans le long processus d'appropriation européenne de la GIZC les travaux des institutions de l'UE s'intéressant à la GIZC n'ont pas établi l'identité européenne de la GIZC sans tenir compte des ambitions traditionnelles de la construction européenne, à savoir son dessein de développement économique et humain, répondant au concept de développement durable. Initiant l'approche stratégique de la GIZC, le Parlement européen et le Conseil ont indiqué dès 2002 l'importance des « perspectives économiques et possibilités d'emploi durables »321 de la GIZC européenne. De son côté, rappelant le soucis de cohérence des actions de l'Union, la directive-cadre « stratégie pour le milieu marin » a imposé que ces stratégies tiennent compte des « répercussions sociales et économiques des mesures envisagées »322. Enfin, utilisant le Protocole GIZC à la Convention de Barcelone de 1976 sur la protection du milieu marin et du littoral méditerranéen comme succédané à l'absence d'instrument de droit dérivé de l'UE en matière de GIZC, l'identité européenne de la GIZC s'est également construite autour de l'idée que la GIZC devait « faciliter, par une planification rationnelle des activités, le développement durable des zones côtières en garantissant la prise en compte de l'environnement et des paysages et en la conciliant avec le développement économique, social et culturel »323. S'il n'est donc pas concevable que la GIZC se développe en marge du développement durable, fermé aux facteurs humains et économiques, il ne s'agit toutefois pas d'accuser ici l'Accord dans ses travaux de mise en œuvre de la GIZC dans la zone RAMOGE. Il s'agit juste de faire remarquer que pour rester une zone pilote européenne de la GIZC conformément à l'article 3 de l'Accord l'instituant324, RAMOGE devra mettre l'accent sur les répercussions économiques pouvant naître des actions de RAMOGE en matière de GIZC. Les projets de GIZC pour la Zone RAMOGE menés par l'Accord répondent donc entièrement à l'identité européenne de la GIZC, issue du processus d'appropriation européenne de ce concept. Sans renier ses ambitions environnementalistes, l'Accord RAMOGE devra néanmoins mettre l'accent sur les incidences économiques positives des ses actions, ce qui lui permettra de 321op. cit. recommandation du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2002 relative à la mise en œuvre d'une stratégie de gestion intégrée des zones côtières en Europe, Chapitre I. a.. 322op. cit. directive du 17 juin 2008 établissant un cadre d’action communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin, article 13 §3. 323Article 5 a. du Protocole GIZC à la Convention de Barcelone, disponible sur http://www.unepmap.org. 324 op. cit. Accord RAMOGE, disponible sur http://www.ramoge.org/documents/accord.pdf. 89 devenir une zone pilote européenne de premier plan en matière de GIZC, atout non négligeable pour trouver des sources européennes de financement pour ses projets environnementaux. CHAPITRE SECOND : LA CAPACITE DE L'ACCORD RAMOGE A PROMOUVOIR DANS L'UNION EUROPENNE LES INCIDENCES ECONOMIQUES DE SES ACTIONS AU PROFIT DE SES PROPRES PROJETS ENVIRONNEMENTAUX En tant que zone pilote européenne de la GIZC, la Zone RAMOGE et les institutions de l'Accord détiennent le potentiel nécessaire pour renforcer ce caractère pilote en valorisant les effets incidents que leurs projets de GIZC confèrent aux ambitions économiques maritimes de l'UE (Section première). Grâce à cela, et pour accomplir pleinement sa vocation originelle visant à « prévenir et lutter contre les pollutions et les dégradations de l'environnement marin et côtier »325, l'Accord RAMOGE pourra légitimement mettre en avant cette qualité de zone pilote européenne de la GIZC pour faire participer l'UE au financement de ses projets de développement durable méditerranéen (Section seconde). SECTION PREMIERE : L'ACCORD RAMOGE COMME ZONE PILOTE EUROPENNE PLEINEMENT APTE A REPONDRE INCIDEMMENT AUX AMBITIONS ECONOMIQUES DE L'UNION Qu'il s'agisse en particulier de l'immersion des récifs artificiels (§1.) ou plus généralement de l'ensemble des actions de GIZC de l'Accord RAMOGE (§2.), il apparaît clairement que le potentiel économique de ces projets ne peut laisser indifférentes les ambitions économiques de l'UE dans ses espaces marins. §1. La cohérence remarquable entre les ambitions économiques de l'Union et les récifs artificiels de la Zone RAMOGE Au-delà des avantages économiques tirés de l'immersion des récifs artificiels que peut indiquer l'Accord RAMOGE à l'UE (A.), ces récifs artificiels se révèlent pleinement compatibles 325ibidem. article 3. 90 avec l'identité européenne de la GIZC, assurant la cohérence entre les projets RAMOGE pour la GIZC et les actions politiques traditionnelles de l'UE, et concrétisant donc l'ensemble des aspects de l'identité européenne de la GIZC (B.). A. Les bénéfices économiques évidents tirés de l'immersion des récifs artificiels dans la Zone RAMOGE L'objectif des développements qui vont suivre n'est pas de faire la promotion des récifs artificiels comme étant la meilleure réponse apportée aux actions de RAMOGE en matière de développement durable. L'objet de cette étude consistera avant tout à décrire le potentiel que représentent les projets de construction de récifs artificiels dans la zone RAMOGE, pour qu'en ce domaine, l'Accord devienne une zone pilote européenne complète de la GIZC. L'Accord RAMOGE se targue d'affirmer que « l’aménagement des fonds par des récifs artificiels peut s’avérer être un outil efficace de la mise en œuvre de la Gestion Intégrée des Zones Côtières. En effet, ils permettent de concilier la conservation des écosystèmes marins côtiers, avec l’intérêt économique (la pêche) et avec d’autres activités permettant une gestion durable de la bande côtière. Les récifs artificiels doivent à la fois répondre, dans le cadre d’une GIZC, à la régulation des conflits d’usages, la préservation de l’environnement, et à l’assurance d’un développement durable de la zone côtière »326. Sans remettre en cause les arguments avancés par l'Accord RAMOGE, il faut toutefois trouver les fondements scientifiques de ces affirmations que sont la conservation des écosystèmes marins, le développement économique de la pêche et la conciliation de la création de récifs artificiels avec d'autres projets de développement durable. Au sujet de la conservation des écosystèmes marins, un rapport de l''Institut Français de Recherche pour l'Exploitation de la Mer (IFREMER) publié en 2000 définit les récifs artificiels comme « des structures immergées volontairement dans le but de créer, protéger ou restaurer un écosystème riche et diversifié. Ces structures peuvent induire chez les animaux des réponses d’attraction, de concentration, de protection et, dans certains cas, une augmentation de la biomasse de certaines espèces »327. Outre cette définition, de nombreuses études démontrent la capacité des récifs artificiels à être des lieux de création et de protection des écosystèmes marins 328, 326 op. cit. http://ramoge.org/fr/recifs_artificiels.aspx. 327 LACROIX (D.), Coord., Rapport final du groupe de réflexion sur les aménagements physiques en zone côtière et leur gestion pour la pêche et l’aquaculture, IFREMER, 2000, pp. 140. 328NAKAMURA (M.), Evolution of artificial fishing reef concepts in Japan, Bulletin of Marine Science, n° 37, 1985, pp. 271-278 ; POLOVINA (J.-J.), Fisheries applications and biological impacts of artificial habitats, in Artificial Habitats for Marine and Freshwater Fisheries, 1991, pp. 153-176 ; BOHNSACK (J.-A.), HARPER (D.-E.), MC CELLAN (D.-B.) et HULSBECK (M.), Effects of reef size on colonization and assemblage structure of fishes at 91 attestant ainsi les informations de l'Accord RAMOGE. De la même façon, de nombreuses études démontrent les effets positifs des récifs artificiels sur les quantités de poissons et donc sur la pêche 329, même si parfois ces récifs artificiels peuvent avoir des effets contraires à ceux escomptés. Les études réalisées par Sylvain PIOCH 330 sur un échantillon de 560 récifs méditerranéens révèlent en moyenne que seuls 60% des récifs parviennent à faire augmenter sensiblement la quantité de poissons, alors que sur 35% des récifs la quantité de poissons a diminué de façon significative et que sur seulement 5% d'entre eux, ces quantités ont diminué de plus de la moitié331. Les principales causes de ces désagréments selon Sylvain PIOCH sont notamment liées à des erreurs de conception des récifs sur les matériaux utilisés, sur les techniques choisies ou sur leur implantation332. L'efficacité des récifs artificiels semble dépendre principalement de leurs caractéristiques techniques. Il appartiendra alors à l'Accord RAMOGE de mettre en place des études d'impact poussées pour démontrer l'efficacité environnementale puis économique de telles installations. Ces études accréditent néanmoins ce qu'avance l'Accord RAMOGE sur la capacité des récifs artificiels à augmenter les quantités de poissons et à être donc bénéfiques pour les activités de pêche. De cette façon, en conciliant la protection des écosystèmes marins à l'accroissement des activités économiques de pêche, les actions de RAMOGE sur les récifs artificiels semblent bien disposées à pouvoir s'accorder avec d'autres actions de développement durable, comme l'avait alors annoncé l'Accord. Cependant, même si l'incidence économique positive de ces récifs artificiels semble indéniable, encore faut-il que ces projets d'immersion participent à un développement durable de la Méditerranée, sans quoi la vocation environnementale de l'Accord serait bafouée. Si RAMOGE parvenait par ses projets de récifs artificiels à mettre à nouveau en œuvre l'identité européenne de la GIZC, il parviendrait non seulement à créer les conditions d'un développement durable méditerranéen, mais également à conforter son rang de zone pilote européenne de la GIZC. Or il ne reste plus qu'un pas à faire en direction de l'approche stratégique, de la démarche de gouvernance et de la mise en cohérence avec les autres actions européennes pour que les projets artificial reefs off Southeastern Florida, U.S.A. Bulletin of Marine Science, n° 55, 1994, pp. 796-823. 329DALIAS (N.), BLOUET (S.), FOULQUIE (M.), DUPUY DE LA GRANDRIVE (R.), LENFANT (P.), Suivi scientifique des récifs artificiels de Valras-Plage, Contrat Mairie de Valras-Plage et OCEANIDE – ADENA – Laboratoire Ecosystèmes Aquatiques Tropicaux et Méditerranéens UMR 5244 CNRS – UPVD, OCEANIDE publications françaises, 2008, pp. 54-64. 330Maître de conférences, Université Paul Valéry-Montpellier III. 331op. cit. PIOCH (S.), Les habitats artificiels : éléments de stratégie pour une gestion intégrée des zones côtières ? 332Sylvain PIOCH met aussi en avant des soucis liés à ses recherches comme la réduction de l'effort de pêche ou le fait que les pêcheurs ne connaissent pas les lieux exacts d'implantation des récifs, ce qui ne permet pas de compter avec précisions les quantités de poissons pêchées. 92 RAMOGE sur les récifs artificiels deviennent le fer de lance d'une zone pilote européenne de la GIZC que souhaite devenir l'Accord en Méditerranée. B. Les projets RAMOGE d'immersion de récifs artificiels pleinement compatibles avec l'identité européenne de la gestion intégrée des zones côtières Les avantages économiques et environnementaux découlant de l'installation de récifs artificiels venant d'être démontrés, il s'agit désormais de les rattacher aux sources de droit de l'Union établissant l'identité européenne de la GIZC, pour démontrer le caractère de zone pilote européenne de la Zone RAMOGE en matière de développement durable méditerranéen. Répondant au chapitre I. a) de la recommandation de 2002 désireux de voir naître au sein de l'UE une « protection du milieu côtier sur la base d’une approche par écosystème préservant son intégrité et son fonctionnement »333 tout en permettant de « garantir la préservation de l'intégrité des écosystèmes côtiers »334, conformément aux objectifs du Protocole GIZC à la Convention de Barcelone, les projets de réalisation de récifs artificiels proposés par l'Accord RAMOGE participent bien de cette approche écosystémique. De plus, assurant le développement et la protection des ressources halieutiques, nécessaires à la pêche, ces récifs artificiels suivent la spécificité européenne de cette approche écosystémique qui ne saurait se construire sans les activités humaines et économiques. De cette façon, la participation incidente de ces projets RAMOGE de protection de l'environnement marin à la politique commune de la pêche de l'Union, de plus en plus orientée sur une gestion durable des ressources halieutiques 335, est donc un gage européen supplémentaire pour l'Accord336. Moins évidentes cependant sont les aptitudes des récifs artificiels conçus par l'Accord RAMOGE à répondre aux attentes européennes en matière de stratégie d'action, de gouvernance environnementale européenne et de cohérence des politiques de l'Union. Les récifs artificiels, concernant exclusivement la partie marine des zones côtières, sont 333op. cit. recommandation du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2002 relative à la mise en œuvre d'une stratégie de gestion intégrée des zones côtières en Europe. 334Article 5 d. du Protocole GIZC à la Convention de Barcelone, disponible sur http://www.unepmap.org. 335Règlement 2371/2002/CE du Conseil du 20 décembre 2002 relatif à la conservation et à l’exploitation durable des ressources halieutiques dans le cadre de la politique commune de la pêche, JOCE L 358 du 31 décembre 2002 pp. 59-80 ; Communication de la Commission européenne du 22 avril 2009, Réforme de la politique commune de la pêche, COM(2009)163 final, p. 6 ; voir également PIERMARIO (M.), Le livre vert sur l'avenir de la politique commune de la pêche de l'Union européenne, Revue du droit de l'Union européenne, juillet 2009, pp. 310-311. 336 PIERMARIO (M.), Le règlement de la Commission européenne sur les possibilités de pêche durables sur la base des avis scientifiques pour 2011, Revue du droit de l'Union européenne, octobre 2010, p. 853. 93 concernés en droit de l'UE par la directive-cadre « stratégie pour le milieu marin » de 2008337 reprenant l'essentiel de l'esprit du concept de GIZC mais ne l'appliquant qu'aux eaux marines européennes. L'article 3 §1 a. de cette directive définit en effet les eaux marines comme les « eaux, fonds marins et sous-sols situés au-delà de la ligne de base servant pour la mesure de la largeur des eaux territoriales et s’étendant jusqu’aux confins de la zone où un État membre détient et/ou exerce sa compétence, conformément à la convention des Nations unies sur le droit de la mer ». Il s'agit donc bel et bien ici de l'espace dans lequel seront immergés les récifs artificiels de l'Accord RAMOGE. Par ailleurs, il faut se remémorer la structure de cette directive qui, organisant la stratégie pour le milieu marin de l'Union autour de la notion du « bon état écologique », est parfaitement accessible aux actions de RAMOGE dans le domaine de la GIZC, lui permettant de devenir une zone pilote européenne338. Les récifs artificiels RAMOGE sont donc en mesure de s'inscrire parfaitement dans la dynamique de la stratégie pour le milieu marin de l'Union. Eu égard à la gouvernance environnementale que la Commission appelle de ses vœux 339 dans le cadre de la pêche avec son Livre vert consacré à la réforme de la politique commune de la pêche340, les projets d'installations de récifs artificiels détiennent en eux toutes les ressources nécessaires pour mettre en place une réelle démarche de gouvernance. Après avoir recensé les différents parcs de récifs artificiels mis en place par la France, l'Italie et Monaco, l'Accord RAMOGE considère à juste titre certainement qu'« à travers les expériences riches et diversifiées de la France de l’Italie et de Monaco, la zone RAMOGE est représentative des initiatives méditerranéennes en matière de récifs artificiels »341, et qu'elle constitue ainsi une entité « idéale pour partager, étudier et comparer les connaissances de chacun dans ce domaine »342. Cette volonté de RAMOGE de mener ses actions en matière de récifs artificiels de façon concertée témoigne de sa capacité à mettre en place, sur ce point, une logique de gouvernance environnementale, ainsi que l'exige l'identité européenne de la GIZC. Par conséquent, en se penchant notamment sur les études qui considèrent que l'immersion de récifs artificiels, permettant le développement et la protection des ressources halieutiques, résulte de projets communs conçus et réalisés par différents acteurs que sont les associations de protection de l'environnement, les pêcheurs professionnels, les collectivités publiques locales et les utilisateurs 337op. cit. directive du 17 juin 2008 établissant un cadre d’action communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin. 338op. cit. directive 2008/56/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 établissant un cadre d’action communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin, articles premier et deuxième notamment. 339op. cit. communication de la Commission, Gouvernance européenne : un livre blanc, COM(2001) 428 final. 340op. cit. communication de la Commission européenne, Réforme de la politique commune de la pêche, COM(2009)163 final, p. 25-26. 341 op. cit. http://ramoge.org/fr/recifs_artificiels.aspx. 342op. cit. http://www.ramoge.org/fr/recifs_artificiels.aspx. 94 récréatifs des zones côtières343, il est possible d'affirmer que ces récifs artificiels participent bien à la GIZC méditerranéennes suivant une démarche de gouvernance. Enfin, la mise en cohérence de ces projets de construction de récifs artificiels avec les objectifs politiques de l'UE ne semble pas poser de difficultés sérieuses. Les démonstrations qui viennent d'être faites montrent que dans le cadre des ambitions de l'UE désirant voir s'établir un « développement durable de l'Europe fondé sur une croissance économique équilibrée […] et un niveau élevé de protection et d'amélioration de l'environnement »344, les récifs artificiels de l'Accord s'accordent parfaitement avec les politiques économiques et environnementales traditionnelles de l'Union. Tous les éléments sont donc réunis pour faire de RAMOGE une zone pilote européenne de la GIZC grâce à ses projets d'immersion de récifs artificiels. Si ces derniers permettent encore une fois d'illustrer la capacité de RAMOGE à se hisser à ce rang de zone pilote de l'Union pour le développement durable de la Méditerranée, les récifs artificiels ne sont toutefois pas les seuls projets de l'Accord à pouvoir être économiquement bénéfiques. §2. La prise de conscience nécessaire des incidences économiques des actions environnementales actuelles ou potentielles de l'Accord RAMOGE Autre manne économique de premier ordre incidemment engendrée par les actions environnementales de l'Accord RAMOGE : la gestion environnementale des ports de plaisance (A.), et la gestion des zones de mouillage (B.) permettant toutes deux de faire du tourisme plaisancier un atout économique respectueux de l'environnement. A. L'atout économique non négligeable de la gestion environnementale des ports de plaisance « En France, la filière de la navigation de plaisance représente un poids économique important, qu'il s'agisse de la construction navale ou de l'accueil des navires de plaisance dans les 343SEAMAN (W.) et HOOVER (A.), Artificial reefs : the Florida Sea Grant connection – science serving Florida's coast, Florida Sea Grant, SGEF n°144, pp. 4 ; Wilson (K.-D.-P.), LEUNG (A.-W.-Y.) et KENNISH (R.), Restoration of Hong Kong fisheries through deployment of artificial reefs in marine protected areas, ICES Journal of Marine Science ,° 59, pp. 157-163. 344op. cit. TUE article 3 §2. 95 ports, et de toutes les activités industrielles et commerciales connexes »345. En 2005, la croissance annuelle européenne dans le secteur de la navigation de plaisance, englobant la construction de bateaux, de moteurs et d'outils électroniques de navigation, prenant également en compte le financement de la construction et de l'exploitation des ports de plaisance, était de 5 à 6% 346. L'automne 2008 et les difficultés rencontrées tant par l'économie mondiale que par les peuples européens n'ont que peu entamé cette formidable mine d'or économique que représente le secteur de la plaisance maritime347. Dans ses travaux relatifs à la GIZC, l'Accord RAMOGE consacre une partie de ses efforts à ce qu'il nomme la « gestion environnementale des ports de plaisance », supposant qu'« aucune autre forme de loisirs de groupe ne couvre un tel éventail d’âges, de centres d’intérêt et d’endroits »348. Dans ses préoccupations environnementales sur les ports de plaisance 349, l'Accord RAMOGE « reconnaît le littoral méditerranéen comme un milieu de très haute valeur patrimoniale et [se] fixe un objectif permanent de préservation ou de restauration des écosystèmes littoraux ». Il considère en conséquence que « les façades maritimes de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, de la Principauté de Monaco et de la région Ligure constituent une zone pilote de lutte et de prévention contre les pollutions du milieu marin ». Or selon les institutions de l'Accord, « cet objectif général intègre d’autres préoccupations que la qualité de l’eau en considérant [notamment] les trois enjeux économiques majeurs que constituent le tourisme, la pêche et les cultures marines, [qui représentent des] usages très directement dépendants du maintien de l’intégrité du milieu ». Gardant pour ambition première la protection environnementale du milieu marin de la Zone RAMOGE, l'Accord est arrivé à la conclusion que les avantages environnementaux découlant de la gestion environnementale des ports de plaisance ne pourraient être effectifs que si les acteurs et utilisateurs de la plaisance trouvaient dans ces actions quelque avantage économique. Actant cette idée les institutions de l'Accord RAMOGE ont publié un guide chargé de promouvoir cette logique et intitulé « Le management environnemental des ports de plaisance »350. Dans la Zone RAMOGE, cet outil est l'aboutissement de l'identité européenne de la GIZC dans le cadre de la protection des écosystèmes côtiers. En effet, si le terme de « management » fait 345REZENTHEL (R.), L'accueil de la grande plaisance dans les ports, Le droit maritime français, février 2009, p. 174. 346op. cit. Communication de la Commission, Livre vert du 7 juin 2006, Vers une politique maritime de l'Union : une vision européenne des océans et des mers p. 8, et plus précisément, Union Recreational Marine Industry Group (EURMIG), contribuant à ce Livre vert. 347REZENTHEL (R.), L'accueil de la grande plaisance dans les ports, p. 177. 348op. cit. Communication de la Commission, Livre vert du 7 juin 2006, Vers une politique maritime de l'Union : une vision européenne des océans et des mers, et plus précisément, European Boating Association (EBA), contribuant à ce Livre vert. 349http://ramoge.org/fr/ports_plaisances.aspx. 350 op. cit. disponible sur : http://ramoge.org/Documents/ports_plaisance.pdf. 96 référence au monde de l'entreprise et à l'idée d'une activité économique source de développement et de profits, ce guide s'articule néanmoins autour d'une question plus axée sur l'environnement : « Mon port présente-t-il une situation à risques pour l’environnement ? Comment l’évaluer ? »351 Il s'agit en fait d'une liste de méthodes d'évaluation du niveau de pollution des ports de plaisance afin de différencier les pollutions organiques des pollutions bactériennes, de lister le matériel disponible pour les plaisanciers, comme les dispositifs de vidange, les systèmes de ramassage d'ordure ou encore les informations reçues par les plaisanciers à leur arrivée dans un nouvel espace de mouillage. A la suite de quoi sont listées toute une série de mesures permettant de diminuer les effets nocifs pouvant être causés par un port de plaisance comme par exemple l'organisation des espaces de carénage, les méthodes d'assainissement des eaux usées des bateaux ou encore les moyens utilisables pour informer et sensibiliser les plaisanciers jetant l'ancre dans le port. Présenté comme un outil mis au service de la pêche, du tourisme et de la culture marine, ce « management environnemental des ports de plaisance » proposé par l'Accord RAMOGE correspond parfaitement à l'obligation formulée par l'article 9 §2 b. et d. du Protocole GIZC à la Convention de Barcelone de 1976 relatifs au développement des activités économiques de la pêche et du tourisme352. Grâce à cet outil que constitue le guide de RAMOGE sur la gestion environnementale des ports de plaisance, l'Accord s'inscrit entièrement dans l'identité européenne de la GIZC en parvenant à impliquer les effets économiques positifs dans la dynamique de protection écosystémique voulue tant par RAMOGE que par le concept de GIZC, suivant ainsi le concept de développement durable. Puisque les activités humaines et économiques ne sauraient être exclues des domaines d'action environnementale de l'UE, le choix du management environnemental fait par l'Accord hisse encore celui-ci à l'échelle de zone pilote européenne de la GIZC. L'idée de rédiger un guide qui -reprenant en toile de fond les ambitions environnementales originelles de l'Accord en « ayant à l'esprit la nécessité de préserver la diversité biologique comme constituant essentiel du patrimoine naturel méditerranéen »353- intègre les activités économiques et humaines liées à l'exploitation de la mer, pourra sûrement être le moyen, pour d'autres actions de GIZC établies par l'Accord, de devenir une zone pilote européenne développement durable en Méditerranée. D'autres instruments que les guides seront néanmoins peut-être en mesure d'assurer par exemple un développement durable des zones de mouillage. 351ibidem p. 5. 352op. cit. disponible sur http://www.unepmap.org. 353Préambule de l'Accord RAMOGE de 1976, op. cit. disponible sur : http://ramoge.org/documents/accord.pdf. 97 B. La proposition de création d'un « contrat de baie RAMOGE » au service de la gestion environnementale et économique des zones de mouillage Rêveur peut-être, le passager nonchalant qui divague sur les côtes sèches de la Méditerranée, restera sans voix à la vue des nombreux navires de plaisance, tous plus grands les uns que les autres, qui mouillent dans le turquoise. Impressionnantes ou désolantes, telles sont en effet les images des calanques et baies qui constituent la Zone RAMOGE354. Dégradation des fonds marins et notamment des herbiers de posidonie, rejets d'eaux usées et de déchets en tout genre tels sont, selon l'Accord RAMOGE, les impacts du mouillage excessif des bateaux de plaisance355. Toujours selon l'Accord, ces dégradations ne sont pas causées en majorité par la petite et moyenne plaisance que constituent les petits bateaux de pêcheurs amateurs ou les bateaux à moteurs et voiliers de moins de 24 mètres. C'est prioritairement la grande plaisance, autrement dit les yachts privés de plus de 20 mètres qui font le plus de dégâts. Souvent utilisés par des personnes peu familiarisées au milieu marin, ces bateaux, en raison de leur taille, de leur ancre et de leur temps de mouillage, plus long qu'une embarcation de pêche de loisir, sont en effet dévastateurs pour les écosystèmes marins. Néanmoins, ils sont une source économique importante pour la vie des zones côtières. Relativement aisés, les propriétaires ou locataires des ces gros navires de plaisance se rendent fréquemment à terre grâce à de petites embarcations, ne se servant de leur yacht que comme d'un hôtel flottant. « Il existe donc une demande de la part des collectivités françaises et de la Principauté de Monaco de mieux connaître le mouillage de la grande plaisance pour mieux gérer cette activité »356, avec en toile de fond toujours, l'idée d'un développement durable. Un exemple de solution, cité par l'Accord RAMOGE lui-même 357, sont les contrats de baie. S'agissant plutôt de chartes de bonne conduite auxquelles se soumettent les gestionnaires de ports de plaisance, ces contrats de baie ont vocation à promouvoir le développement durable des espaces marins, permettant le développement de l'économie côtière fondée sur le tourisme de plaisance et préservant les espaces côtiers et sous-marins utilisés comme lieux de mouillage 358. Un des contrats de baie de la zone RAMOGE est celui qui fut adopté par la Communauté d'agglomération Toulon 354Voir par exemple sur le site de l'Accord RAMOGE les photos des baies de Saint-Jean Cap Ferrat, de Villefranche ou encore du Cap d'Ail, disponible sur : http://ramoge.org/fr/mouillage.aspx. 355op. cit. http://ramoge.org/fr/mouillage.aspx/ 356ibidem. 357op. cit. http://www.ramoge.org/fr/sediments_portuaires.aspx. 358SIRONNEAU (J.), Développement du tourisme et protection de l'environnement sont-ils conciliables ou contradictoires: une application au domaine très évolutif de l'eau en France, Revue de droit rural, n° 219, janvier 1994, p. 11. 98 Provence Méditerranée pour la rade de Toulon 359. Associant les efforts de l'Etat, des collectivités territoriales, des chambres consulaires et des associations de protection de l'environnement marin, le contrat de baie toulonnais s'engage « à restaurer la qualité des eaux de baignade, à contrôler et protéger les eaux pour toutes les formes d’aquaculture, à améliorer les traitements pour l’épuration des effluents urbains, à préserver la faune et la flore aquatique en mer et en eau douce, à reconquérir la frange littorale, à réduire la pollution toxique comme celle des métaux lourds, à contrôler et réduire les pollutions d’origine agricole définir et appliquer le meilleur traitement possible des vases portuaires »360. Nonobstant l'attention portée à l'aquaculture, peu de place est donnée semble-t-il dans le contrat de baie de la rade de Toulon à la promotion des facteurs de développement économique et donc au développement durable. Une place est donc à prendre pour l'Accord RAMOGE, s'il souhaite devenir une zone pilote européenne de la GIZC dans ses actions relatives aux zones de mouillage, en intégrant le facteur économique de la grande plaisance à la protection de l'environnement marin utilisé comme lieu d'ancrage. Ainsi, « face au manque de connaissance, les membres de la Commission de l’Accord RAMOGE ont décidé, dans le cadre des activités du groupe de travail « Gestion Intégrée des Zones Côtières », de lancer une étude sur les mouillages de la grande plaisance. L’étude RAMOGE établira ainsi un état des lieux de cette activité et proposera des solutions envisageables pour la mise en place de zones de mouillages adaptées à la grande plaisance »361. C'est donc dans le cadre de ces propositions de solutions qu'il faut maintenant réfléchir. Les propositions qu'envisagera l'Accord RAMOGE ne devront pas omettre de trouver les solutions lui permettant de devenir une zone pilote européenne de la GIZC. Pour cela, l'Accord RAMOGE pourrait proposer aux autorités françaises, italiennes et monégasques la création d'un « contrat de baie RAMOGE » qui, en faisant la synthèse des impératifs environnementaux et économiques inhérents aux zones de mouillage, se mettrait au service du développement durable dans la Zone. Ce « contrat de baie RAMOGE » ne devra pas être une simple charte de bonne conduite. Il s'agira d'un réel contrat passé entre le plaisancier et le concessionnaire de l'espace publique marin chargé de ces zones de mouillage. Chargé de créer de véritables zones de mouillage environnemental362, on pourrait imaginer que ces points d'ancrage bénéficient du même régime 359http://www.contratdebaie-tpm.org. 360ibidem. 361op. cit. http://ramoge.org/fr/mouillage.aspx/. 362La solution pourrait alors résider dans la mise en place de zones de mouillage environnementales, suivant la technique de l'amarrage sur bouées ou sur coffres. Ce procédé consiste à fixer au fond de l'eau des blocs de béton, ou coffres, auxquels sont reliées des chaînes dont un anneau flotte en surface grâce à une grosse bouée. Il peut 99 juridique que les places payantes de stationnement dans les villes, permettant une rotation des véhicules363. Ainsi, une concession de service public sur un espace déterminé de la mer territoriale respectant les règles fixées par la directive relative aux procédures de passation de marchés publics de services364 pourrait très bien être envisagée. Il faudra juste veiller à respecter les règles de concurrence, de non-discrimination, d'égalité de traitement et de transparence qu'impose le droit de l'UE, ainsi que l'a rappelé la CJCE en 2005 au sujet d'un parking payant en Allemagne365. Dès lors, s'il n'est plus besoin de démontrer la capacité de l'Accord à développer des voies pour le développement économique de la Zone RAMOGE tout en assurant la protection de son environnement, il faut maintenant que RAMOGE mette à profit sa qualité de zone pilote pour obtenir de l'UE des moyens lui permettant de financer ces nouveaux projets de GIZC méditerranéennes. SECTION SECONDE : LE STATUT DE ZONE PILOTE EUROPENNE DE RAMOGE AU SERVICE DU FINANCEMENT PAR L'UNION DES ACTIONS ENVIRONNEMENTALES DE L'ACCORD DANS LA ZONE Prévues pour être destinées aux projets portant sur la protection de l'environnement (§1.) ou aux projets participant à la politique commune de la pêche de l'UE (§2.), il est évident que les projets de GIZC de l'Accord sont parfaitement éligibles aux critères d'attribution des subventions européennes prévues pour ces deux domaines d'action de l'Union. . §1. Les actions de l'Accord pour la gestion intégrée des zones côtières clairement éligibles aux subventions européennes environnementales Eu égard aux projets de RAMOGE en matière de GIZC méditerranéennes, l'instrument financier Life + (A.) et les fonds destinés à la politique maritime intégrée (PMI) de l'UE sont les également s'agir de visses fixées sur des fonds rocheux auxquelles sont ensuite attachées les chaînes selon le même procédé. Les navires de plaisance viennent se fixer à ces anneaux-bouées sans jeter l'ancre. Ceci permet donc de préserver les fonds marins en choisissant les zones les moins fragiles tout en permettant aux navires de plaisance de continuer à fréquenter les côtes de la Zone RAMOGE 363Cette rotation des véhicules a d'ailleurs une vocation économique, permettant aux clients potentiels des commerces des villes de trouver facilement une place pour laisser leur véhicule. C'est sur cette idée que devraient être organisés les lieux d'amarrage de la Zone RAMOGE. 364Directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services, JOCE L 209 du 24 juillet1992 pp.1-24. 365CJCE, arrêt du 13 octobre 2005, Parking Brixen GmbH contre Gemeinde Brixen, Stadtwerke Brixen AG, aff. C458/03, Rec.I. p. 8585. 100 deux sources de financement susceptibles d'intéresser la zone pilote européenne que représente l'Accord RAMOGE. A. L'utilisation du titre de zone pilote européenne pour bénéficier des subventions de l'instrument financier Life + Rien ne servirait en effet à l'Accord RAMOGE d'être une zone pilote européenne de la GIZC, si cela ne lui permettait pas de mettre cette qualité à profit pour obtenir de l'UE des fonds pour financer ses projets. L'instrument financier européen susceptible d'intéresser le plus l'Accord RAMOGE dans ses actions de protection de l'environnement, n'est autre que l'instrument financier Life +366. Chargé de contribuer « à l’actualisation et au développement de la politique et du droit communautaires en matière d’environnement, notamment à la prise en compte de l’environnement dans d’autres politiques, et de participer ainsi au développement durable », l'instrument financier Life + souhaite avant tout mettre l'accent sur « la mise en œuvre du 6ème PAE[367], y compris les stratégies thématiques, et assure le financement de mesures et de projets à valeur ajoutée européenne dans les États membres »368. Pour l'année 2012,le budget européen a doté l'instrument financier Life + de 316.255.000 euros369, dont 78% doivent être alloués à des subventions d'action pour des projets370. Pour l'exercice budgétaire de 2013, une augmentation de seulement 1% du budget européen en faveur de l'instrument financier Life + est à envisager371. Ce sont justement ces subventions qui doivent intéresser l'Accord RAMOGE dans ses projets de GIZC. Cependant, la sélection est draconienne. L'article 3 du règlement établissant l'instrument financier Life + est en effet très strict quant aux critères d'éligibilité des projets de subvention. Outre 366Règlement n° 614/2007/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 mai 2007 concernant l’instrument financier pour l’environnement (LIFE+), JOUE L 149 du 9 juin 2007, pp. 1-16. 367op. cit. décision du Parlement européen et du Conseil du 22 juillet 2002 établissant le sixième programme d'action communautaire pour l'environnement (2002-2012). 368op. cit. Règlement du Parlement européen et du Conseil du 23 mai 2007 concernant l’instrument financier pour l’environnement (LIFE+), article premier §2. 369Acte législatif établissant le budget général de l’Union européenne pour l’exercice 2012, JOUE du 29 février 20012, Tome II., Section III., p. 366. 370op. cit. Règlement du Parlement européen et du Conseil du 23 mai 2007 concernant l’instrument financier pour l’environnement (LIFE+), article 6 §1. 371op. cit. Commission européenne, Etat prévisionnel de la Commission européenne pour l'exercice 2013 (Préparation du projet de budget 2013), Luxembourg: Office des publications officielles de l’Union européenne, 2012, p. 74, disponible sur le site Europa http://ec.europa.eu. 101 l'intérêt européen des projets proposés et le fait qu'ils doivent être techniquement et financièrement cohérents, réalisables et offrir un bon rapport coût-efficacité, les projets soumis à l'examen de l'instrument financier Life + doivent, tout en apportant une valeur ajoutée européenne, également proposer les meilleures techniques disponibles ou avoir un caractère novateur. En se penchant à nouveau sur les actions de l'Accord visant à gérer de façon intégrée les zones côtières de la Zone RAMOGE, il apparaît qu'une analyse réalisée de toutes ces actions en comparaison avec l'identité européenne de la GIZC témoigne d'un contenu qui permet à l'Accord RAMOGE d'être reconnu comme zone pilote européenne de la GIZC en Méditerranée. En effet, puisqu'il a été démontré que les actions de l'Accord pour la GIZC répondent à la logique de gouvernance environnementale européenne, participent à l'approche écosystémique de développement durable de l'UE, assurent une démarche cohérente des actions de l'UE et sont en mesure de pouvoir s'organiser stratégiquement autour de la notion de « bon état écologique »372, il est alors possible de conclure que celles-ci seront capables « de contribuer à la mise en œuvre, à l’actualisation et au développement de la politique et du droit communautaires en matière d’environnement […] et de participer [...] au développement durable »373. Le défis pour RAMOGE sera donc de convaincre maintenant la Commission européenne que l'immersion de récifs artificiels374, la tenue de réunion d'échanges relatives à la stratégie pour le milieu marin de l'UE375 ou la résolution de la problématique de l'osteropsis ovata 376 « sont techniquement et financièrement cohérents et faisables et offrent un bon rapport coût-efficacité »377. De plus si chaque projet doit avoir une caractéristique supplémentaire exigée par l'article 3 §2378 du règlement Life +, il est fortement vraisemblable que chaque action de l'Accord RAMOGE saura répondre à cette seconde exigence en proposant les meilleures techniques disponibles ou en revêtant un caractère novateur. 372op. cit. directive 2008/56/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 établissant un cadre d’action communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin, articles premier et deuxième notamment. 373 ibidem article 3 §1 a. renvoyant à l'article premier §2. 374op. cit. http://ramoge.org/fr/recifs_artificiels.aspx. 375op. cit. http://ramoge.org/fr/reunionsDCSMM.aspx. 376op. cit. http://ramoge.org/fr/ostreopsis_ovata.aspx. 377ibidem.article 3 §1 b. 378 op. cit. Règlement du Parlement européen et du Conseil du 23 mai 2007 concernant l’instrument financier pour l’environnement (LIFE+), dont l'article 3 §2. dispose : « En outre, afin de garantir qu’ils offrent une valeur ajoutée européenne et d’éviter de financer des activités récurrentes, les projets satisfont au minimum l’un des critères suivants: a) ils sont des projets relatifs aux meilleures pratiques ou de démonstration aux fins de la mise en œuvre de la directive 79/409/CEE ou 92/43/CEE; b) ils sont des projets ayant un caractère novateur, ou de démonstration au niveau communautaire se rapportant aux objectifs de la Communauté dans le domaine de l’environnement, y compris en termes d’élaboration et de diffusion des techniques, des savoir-faire ou des technologies les meilleurs; c) ils sont des campagnes de sensibilisation et de formations spéciales à l’intention des agents participant à la prévention des incendies de forêts; d) ils sont des projets visant à la définition et à la mise en œuvre d’objectifs communautaires portant sur une surveillance étendue, harmonisée, globale et à long terme des forêts et des interactions environnementales ». 102 En outre, Life + s'organise autour de trois objectifs spécifiques déterminés par l'article 4 du règlement de 2007, à savoir un volet « nature et biodiversité », un volet « politique et gouvernance en matière d'environnement » et un volet « information et communication ». Il est fort à parier que la question de l'osteropsis ovata pourra entrer dans le cadre des actions de « nature et biodiversité » ; que les guides utilisés comme outil de la concrétisation des projets RAMOGE se rattacheront parfaitement au volet « information et communication » ; que l'étude des zones de mouillage et la mise en place de lieu de stationnement réglementés des navires de grande plaisance sera doté d'un réel caractère novateur ; que la lutte contre les sédiments portuaires, strictement encadrées par des études d'impact sérieuses, proposera les meilleures techniques de dragage et de clapage en mer alors disponibles ; que les réunions d'échange organisées par les organes techniques de l'Accord RAMOGE autour de de la directive-cadre « stratégie pour le milieu marin »379 participeront largement à toute politique et gouvernance en matière d'environnement voulue par Life + ; et que les immersions de récifs artificiels pouront, si elles proposent les meilleures techniques alors disponibles en matière de protection des écosystèmes et de reconstitution des stocks de poissons, entrer parfaitement dans le camp d'application de l'instrument financier Life + L'instrument financier Life +, défini par le règlement de 2007 est prévu pour s'appliquer avec le sixième programme d'action communautaire pour l'environnement380, autrement dit pour la période allant de 2002 à 2012 381. A partir du 22 juillet 2012, l'UE devra adopter un septième programme d'action pour l'environnement382, la question se pose alors de savoir quel sera l'avenir de l'instrument financier Life +. A la date où sont rédigées ces lignes 383, seuls deux documents permettent de répondre à cette interrogation. Tout d'abord la proposition de règlement de la Commission du 12 décembre 2011 qui propose que l'instrument financier Life + soit maintenu384, ensuite la résolution du Parlement européen du 20 avril 2012 qui souhaite que l'instrument Life +, en raison de son succès soit non seulement poursuivi mais aussi développé 385. L'avenir de cet 379op. cit. directive du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 établissant un cadre d’action communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin. 380op. cit. décision du Parlement et du Conseil établissant du 22 juillet 2002 établissant le sixième programme d'action communautaire pour l'environnement. 381op. cit. Règlement du Parlement européen et du Conseil du 23 mai 2007 concernant l’instrument financier pour l’environnement (LIFE+), article premier §2. 382op. cit. décision du Parlement et du Conseil établissant du 22 juillet 2002 établissant le sixième programme d'action communautaire pour l'environnement dont l'article premier §3 dispose que « le programme couvre une période de dix ans à compter du 22 juillet 2002 ». 383Soit le 4 juin 2012. 384Proposition de la Commission européenne pour un règlement du Parlement européen et du Conseil relative à l'établissement d'un programme pour l'environnement et l'action pour le climat (LIFE), COM(2011) 874 final, p. 11, §3. 385 op. cit. résolution du Parlement européen du 20 avril 2012 sur la révision du sixième programme d'action pour l'environnement et la définition des priorités du septième programme d'action pour l'environnement, Un environnement meilleur pour une vie meilleure, §73. 103 instrument financier semble donc assuré, et ce outre les débats institutionnels sur la poursuite du développement durable dans l'UE. L'Accord RAMOGE peut donc mobiliser ses forces pour faire financer, au titre de sa qualité de zone pilote européenne, ses actions de GIZC méditerranéennes. La qualité de zone pilote européenne de l'Accord en matière de GIZC ne doit donc pas être qu'une qualification, elle doit être mise au service des actions actuelles ou à venir de RAMOGE la GIZC méditerranéennes. D'ailleurs, l'Accord RAMOGE peut trouver dans le budget de l'UE d'autres sources de financement que le seul instrument financier Life +. B. La Zone RAMOGE comme zone pilote européenne pouvant légitimement participer de la politique maritime intégrée de l'Union Peu avant l'adoption de la directive-cadre établissant une audacieuse stratégie pour le milieu marin de l'Union386, la Commission européenne publiait un Livre vert justement destiné à promouvoir une PMI387. Désireuse de « régler le problème qui découle d'utilisations de plus en plus concurrentes de la mer allant du transport maritime, à la pêche, en passant par l'aquaculture, les activités de loisirs, la production d'énergie en mer et d'autres formes d'exploitation du sous-sol marin »388, le budget de l'UE permet la mise en place de cette politique maritime intégrée grâce à une enveloppe qui fut en 2012 de 16.560.000 euros389 et qui sera vraisemblablement en 2013 de 15.240.000 euros390. L'objet de cette PMI, tel que définit par le règlement de 2011 établissant un programme de soutien pour le développement d'une politique maritime intégrée 391 est « de favoriser au maximum le développement durable, la croissance économique [...] des États membres, en particulier dans les régions côtières[...] de l’Union, ainsi que les secteurs maritimes, grâce à des politiques cohérentes dans le domaine maritime […]. Le programme appuie l’utilisation durable des mers et 386op. cit. directive 2008/56/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 établissant un cadre d’action communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin. 387op. cit. communication de la Commission européenne, Une politique maritime intégrée pour l'Union européenne, COM(2007) 575 final. 388Ibidem. p. 6. 389op. cit. Acte législatif établissant le budget général de l’Union européenne pour l’exercice 2012, JOUE du 29 février 20012, Tome II., Section III., p. 539. 390op. cit. Commission européenne, Etat prévisionnel de la Commission européenne pour l'exercice 2013 (Préparation du projet de budget 2013), p. 177. 391Règlement 1255/2011/UE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2011 établissant un programme de soutien pour le développement d’une politique maritime intégrée, JOUE L 321 du 5 décembre 2011, pp. 1-10. 104 des océans et la diffusion des connaissances scientifiques »392. Constatant avec son article 3 que « la gestion intégrée des zones côtières [constitue un instrument important] pour le développement durable des zones marines et des régions côtières et [contribue] aux objectifs de la gestion fondée sur l’écosystème »393 , le règlement relatif à la PMI précise que les bénéficiaires peuvent être « des personnes physiques ou morales régies par le droit privé ou public d’un État membre ou par le droit de l’Union [,] les pays tiers et les parties concernées dans les pays tiers partageant un bassin maritime avec les États membres de l’Union ainsi que les organisations ou organismes internationaux qui poursuivent un ou plusieurs objectifs [énoncés par le règlement PMI] »394. Pour concrétiser l'identité européenne de la GIZC, ces objectifs de la PMI de l'UE seront de « développer des synergies et de soutenir les politiques concernant[...] les zones côtières, notamment dans les domaines du développement économique, de l’emploi [et] de la protection de l’environnement ; [de] soutenir l’élaboration et la mise en œuvre de stratégies ; [d']améliorer et [d']accroître la coopération et la coordination ; [et de] soutenir une croissance économique durable […] dans les régions côtières »395. A première vue donc, les actions de l'Accord RAMOGE pour la GIZC de la Zone semblent correspondre aux objectifs définis par ce règlement de 2011 et l'Accord RAMOGE, même constitué d'un Etat partie tiers à l'UE, doit pouvoir bénéficier des subventions européennes accordées au titre de la PMI. Seulement, il faudra en plus de cela que les projets de GIZC envisagés par l'Accord dans la Zone RAMOGE correspondent aux critères d'éligibilité prévus par l'article 4 du règlement PMI. Si l'Accord RAMOGE reprend pour les zones de mouillage l'idée d'établir un guide, les études et les frais de rédaction, de publication et de diffusion de celui-ci pourront être financés au titre des projets permettant « l’information du public et le partage des meilleures pratiques, la sensibilisation et les activités associées de communication et de diffusion ». De même, les réunions d'échanges autour de la stratégie pour le milieu marin de l'Union fondée sur la directive-cadre de 2008 pourront être multipliées et seront d'autant plus faciles à organiser qu'elles seront présentées à la Commission comme des « conférences, séminaires, ateliers et forums de parties concernées » par la GIZC dans la Zone RAMOGE. Enfin, tous « les projets, y compris les projets pilotes, les études, les programmes de recherche et de coopération opérationnelle » destinés à évaluer les impacts positifs et négatifs des récifs artificiels sur l'environnement marin, à mettre en place des espaces de mouillage définis mettant fin aux effets néfastes de la grande plaisance, ou encore 392ibidem article premier § 2 et 3. 393ibidem article 3 §2 b. 394ibidem article 6 §1 et 2. 395ibidem article 2. 105 destinés à étudier les meilleures techniques disponibles pour désensabler les ports du littoral RAMOGE pourront être éligibles aux subventions proposées par le règlement PMI. Le financement européen de projets par la PMI de l'UE est encore tout récent, puisque le règlement ne fut adopté qu'en 2011. Toutes les voies sont donc encore ouvertes pour RAMOGE, il faudra juste que l'Accord parvienne à démontrer à la Commission européenne, outre l'intérêt européen de ses projets pour la Zone, que ceux-ci répondent bien aux objectifs de la PMI fixés par les articles 2 et 3 de son règlement. En dehors des bénéfices environnementaux notoires des projets de GIZC de l'Accord, la Zone constitue, toujours grâce à ces mêmes projets de GIZC, un espace privilégié pour le développement économique de la pêche. C'est cette espace privilégié que les institutions de l'Accord devront savoir mettre en avant et exploiter auprès de l'UE. §2. Les incidences positives sur la pêche de la protection des fonds marins de la Zone par l'Accord RAMOGE Même si l'idée n'a vraisemblablement jamais traversé l'esprit des acteurs de l'Accord RAMOGE chargé de permettre le développement durable de la Zone, il demeure évident aujourd'hui que les actions de GIZC de l'Accord participent, même modestement, à la politique commune de la pêche de l'Union(A.). De ce fait indiscutable, les institutions de l'Accord devraient pouvoir retirer quelque subvention européenne issues notamment du Fonds Européen pour la Pêche (FEP) (B.). A. Les incidences évidentes des actions de l'Accord en faveur de la politique commune de la pêche dans la Zone RAMOGE Participant à la GIZC méditerranéennes par la gestion environnementale des ports de plaisance, l'Accord RAMOGE tient à préciser que cet objectif répond également à « d’autres préoccupations que la qualité de l’eau en considérant [...] les trois enjeux économiques majeurs que constituent le tourisme, la pêche et les cultures marines, usages très directement dépendants du maintien de l’intégrité du milieu »396. Si la question du tourisme est appelée à être réglée par l'organisation structurée du mouillage de grande plaisance et par la protection de l'espace marin des 396op. cit. http://ramoge.org/fr/ports_plaisances.aspx. 106 zones côtières, les propositions sur la pêche et les cultures marines doivent être approfondies car susceptibles de permettre une fois de plus à l'Accord RAMOGE d'être considéré comme zone pilote européenne de la GIZC. Naturellement, il ne s'agit pas de demander à RAMOGE de se mettre au service des politiques de l'Union en matière d'économie marine. L'article 2 §1. du règlement européen du 20 novembre 2002 relatif à la politique commune de la pêche 397 précise toutefois que l'objectif de celleci est avant tout de garantir « une exploitation des ressources aquatiques vivantes qui crée les conditions de durabilité nécessaires tant sur le plan économique, environnemental qu'en matière sociale ». Visant le « maintien ou l'amélioration de l'état de conservation des écosystèmes marins »398, par l'utilisation de méthodes de « bonne gouvernance »399, la politique commune de la pêche ne saurait alors nier le soutien, même modeste et indirect, que lui apportent les projets de GIZC de l'Accord RAMOGE. Il semble en effet que les immersions de récifs artificiels, le contrôle des zones de mouillage ou encore les réunions d'échange autour de la stratégie de l'Union pour son milieu marin participent humblement et de façon non déclarée à cette ambition qu'est l'« exploitation durable des stocks [de poissons] et le maintien des effets des activités de pêche sur les écosystèmes marins à des niveaux viables »400. Consciente du besoin d'adapter le secteur européen de la pêche aux exigences nouvelles du commerce international et de la protection de l'environnement qui s'imposent à lui, la Commission européenne s'est engagée dès 2009 sur la voie d'une troisième réforme de la politique commune de la pêche401. Pour se faire, elle publie un Livre vert relatif à cette nouvelle réforme destinée à s'appliquer sur la période allant de 2012 à 2020 402. C'est dans ce créneau que la vigilance de l'Accord ne doit pas être distraite. Il doit s'organiser pour apparaître comme un élément réunissant les conditions idéales pour la mise en œuvre des ambitions de ce Livre vert dans la Zone RAMOGE. Témoin de la direction prise par cette nouvelle réforme souhaitant axer son attention sur les 397op. cit. règlement 2371/2002/CE du Conseil relatif à la conservation et à l’exploitation durable des ressources halieutiques dans le cadre de la politique commune de la pêche. 398ibidem. article 6. 399ibidem. article 2 §2. 400ibidem. article 5 §3. 401Jusqu'alors en effet furent adoptés trois règlement en matière de pêche : règlement 170/83/CEE du Conseil du 25 janvier 1983, instituant un régime communautaire de conservation des ressources de pêches, JOCE L 24 du 27 janvier 1983 pp. 1-13 ; règlement 3760/92/CEE du Conseil du 20 décembre 1992, instituant un régime communautaire de la pêche et de l'aquaculture, JOCE L 389 du 31 décembre 1992, pp. 1-14 ; et op. cit. règlement 2371/2002/CE du Conseil relatif à la conservation et à l’exploitation durable des ressources halieutiques dans le cadre de la politique commune de la pêche. L'UE a en effet décidé d'organiser sa politique en matière de pêche en dynamique décennale. 402op. cit. Communication de la Commission, Livre vert du 7 juin 2006, Vers une politique maritime de l'Union : une vision européenne des océans et des mers. 107 écosystèmes marins403, les actions de l'Accord relatifs à la protection de la biocénose et du biotope de la Zone, à l'instar des études sur les zones de mouillage 404 ou de la gestion environnementale des ports de plaisance405, trouveront un écho favorable dans l'ambition affichée de faire en sorte que « les écosystèmes marins des eaux européennes offrent des conditions propices à une productivité élevée des stocks halieutiques »406. De la même façon, et souhaitant être à la hauteur des ambitions environnementales et commerciales de la pêche, la Commission souhaite voir cette politique commune « relever de nouveaux défis, comme la nécessité de favoriser les synergies aux niveaux européen, national et régional, d’intégrer la politique de la pêche aux autres questions maritimes (en particulier l’approche écosystémique et le changement climatique) et de développer plus avant les instruments stratégiques et la gouvernance »407. L'apport de l'Accord RAMOGE à la future politique commune de la pêche est alors clairement défini, les actions menées dans la Zone participant à la GIZC méditerranéennes seront une part de ces « synergies régionales » que le Livre vert appelle de ses vœux. Il n'appartient bien sûr pas aux institutions de l'Accord RAMOGE de se faire vassal de la politique commune de la pêche de l'UE. L'objectif doit naturellement demeurer « de prévenir et lutter contre les pollutions et les dégradations de l'environnement marin et côtier, de préserver la biodiversité et de constituer une zone pilote en Méditerranée pour la réalisation de ces objectifs »408. L'objectif ici fut donc de démontrer que l'Accord RAMOGE, zone pilote européenne de la GIZC en Méditerranée, peut incidemment agir en faveur de la politique commune de la pêche. Ce rôle joué par l'Accord dans la Zone RAMOGE ne doit cependant pas demeurer sans contrepartie, et les institutions de l'UE devraient pouvoir financer à ce titre certains projets de GIZC méditerranéennes réalisés par l'Accord. 403LELONG (S.) et PROUTIERE-MAULION (G.), La politique commune de la pêche vue par les chercheurs ou l'influence des engagements internationaux de l'Union européenne sur la redéfinition de al gouvernance des pêches à l'horizon 2012, Annuaire de droit maritime et océanique, 2010, pp.265-268. 404op. cit. http://ramoge.org/fr/mouillage.aspx. 405op. cit. http://ramoge.org/fr/ports_plaisances.aspx. 406op. cit. Communication de la Commission, Livre vert du 7 juin 2006, Vers une politique maritime de l'Union : une vision européenne des océans et des mers, p. 7. 407op. cit. Livre vert du 7 juin 2006, Vers une politique maritime de l'Union : une vision européenne des océans et des mers, p. 22 ; op. cit. LELONG (S.) et PROUTIERE-MAULION (G.), La politique commune de la pêche vue par les chercheurs ou l'influence des engagements internationaux de l'Union européenne sur la redéfinition de al gouvernance des pêches à l'horizon 2012, 281-284. 408Article 3 de l'Accord RAMOGE. 108 B. Les actions de l'Accord RAMOGE éligibles au titre du Fonds Européen pour la Pêche Il n'est peut-être pas nécessaire de rappeler ici toutes les incidences positives que peuvent avoir les actions de l'Accord RMAOGE sur la protection et le développement des stocks de poissons. Démonstration en a été faite : toutes les actions de l'Accord -qu'il s'agisse de l'immersion de récifs artificiels409, de l'organisation des zones de mouillage410, le la lutte contre l'algue ostreopsis ovata411 ou du management environnemental des ports de plaisance412- favorisent indirectement le développement halieutique, tant par la reconstitution et la protection de la biocénose marine, que par la lutte contre toute forme de pollution du littoral de la Zone RAMOGE. Tirant profit de cela les institutions de la Zone ont tout intérêt à mettre l'accent sur les bénéfices économiques de leurs actions, pourtant originellement non voulus par le texte de l'Accord, afin d'acter l'identité européenne de la GIZC. S'il ne saurait y avoir d'approche écosystémique européenne sans préoccupation économique, il ne saurait non plus y avoir de déni européen refusant de voir l'impact économique des actions de RAMOGE en matière de pêche. Cette position privilégiée de la Zone RAMOGE ne doit pas demeurer stérile. Elle doit être mise au service de demandes de subventions européennes permettant le développement et la continuation de tels projets. Le Fonds Européen pour la Pêche. Ce sont les mots qui doivent venir à la bouche des dirigeants de l'Accord RAMOGE pour demander à la Commission européenne des subventions en matière de politique de la pêche. Pour l'année 2012, le budget de l'Union européenne mettait au service de la politique commune de la pêche une enveloppe de 850.000 euros pour cet instrument financier, budget commun avec l'Instrument Financier d'Orientation de la Pêche (IFOP)413. Pour 2013, ces deux instruments financiers recevront la même dotation 414, même si l'IFOP risque de disparaître au profit du seul FEP suite à la réforme de la politique commune de la pêche415. L'instrument financier FEP, organisé par un règlement du Conseil de 2006 416, est destiné à 409op. cit. http://ramoge.org/fr/recifs_artificiels.aspx. 410op. cit. http://ramoge.org/fr/mouillage.aspx. 411op. cit. http://ramoge.org/fr/ostreopsis_ovata.aspx. 412op. cit. http://ramoge.org/fr/ports_plaisances.aspx. 413 Acte législatif établissant le budget général de l’Union européenne pour l’exercice 2012, JOUE du 29 février 20012, Tome II., Section III., p. 506. 414op. cit. Commission européenne, Etat prévisionnel de la Commission européenne pour l'exercice 2013 (Préparation du projet de budget 2013), p. 175. 415op. cit. communication de la Commission européenne, Réforme de la politique commune de la pêche, COM(2009)163 final, p. 21-23. Le Livre vert ne fait en effet référence qu'au FEP, il semble que la Commission européenne ait fait le choix de se concentrer seulement sur cet instrument financier en matière de politique commune de pêche. 416Règlement 1198/2006/CE du Conseil du 27 juillet 2006 relatif au Fonds européen pour la pêche, JOUE L 223 du 109 être mis en œuvre dans « le cadre du soutien communautaire en faveur du développement durable du secteur de la pêche, des zones de pêche et de la pêche dans les eaux intérieures »417. De premier abord donc, les projets de l'Accord RAMOGE en matière de GIZC permettant le développement durable des activités de pêche semblent être éligibles pour obtenir des subventions de la part de la Commission. Mais la disposition qui intéressera tout particulièrement l'Accord RAMOGE est l'article 38 du règlement FEP. Traitant des « mesures destinées à la protection et au développement de la faune et de la flore aquatiques », cette disposition prévoit que « le FEP peut intervenir en faveur de mesures d’intérêt commun destinées à la protection et au développement de la faune et de la flore aquatiques et, parallèlement, à l’amélioration de l’environnement aquatique ». Visant « la construction ou la mise en place d’installations fixes ou mobiles destinées à protéger et à développer la faune et la flore aquatiques; [...] la réhabilitation des eaux intérieures,[...]; ou la protection ou l’amélioration de l’environnement [dans le cadre du réseau Natura 2000] », cet article 38 semble être écrit sur mesures pour les projets d'immersion de récifs artificiels 418, pour la lutte contre les sédiments portuaires419 ou encore pour la protection des fonds marins contre le mouillage excessif de la grande plaisance420. En outre, « le repeuplement direct ne [pouvant] donner lieu à une aide », ce qui na jamais été le type d'actions menées par l'Accord dans le cadre de la GIZC, « les actions doivent être mises en œuvre par des organismes publics ou parapublics [...] ou d’autres organismes désignés à cet effet par l’État membre ». La Commission RAMOGE, établie par « le Gouvernement de la République Française, le Gouvernement de la République Italienne et le Gouvernement de Son Altesse Sérénissime le Prince Souverain de Monaco »421 constitue certainement l'« organisme public » dont traite l'article 38 du règlement FEP, éligible donc pour demander à la Commission européenne quelques subventions au titre du FEP. Plus que légitime, l'Accord RAMOGE ne doit donc pas se priver de demander à l'UE de subventionner ses projets. S'il n'est plus besoin de démontrer comment l'Accord peut être une zone pilote européenne de la GIZC méditerranéennes dans la Zone RAMOGE, celui-ci ne doit pas hésiter à mettre en avant les atouts économiques de ses actions en matière de GIZC afin de pouvoir continuer à les financer. Au risque de se méprendre, il faut peut-être ici prendre le temps de préciser à nouveau un 15.8.2006, pp. 1-44. 417ibidem. article premier. 418op. cit. http://ramoge.org/fr/recifs_artificiels.aspx. 419op. cit. http://ramoge.org/fr/sediments_portuaires.aspx. 420op. cit. http://ramoge.org/fr/mouillage.aspx. 421 Préambule de l'Accord RAMOGE in limine. 110 point important. Rien n'appelle l'Accord RAMOGE dans ces développements à changer de position pour devenir une institution au service du développement économique de l'espace marin de l'Union. Il s'agit bien plus de faire prendre conscience à RAMOGE que ses projets de protection de l'environnement marin par la GIZC ont des retombées économiques non négligeables qui, pouvant être sources de subventions, ne doivent pas être oubliées. Ces atouts économiques des actions de RAMOGE doivent lui permettre de financer des projets de protection de l'environnement grâce notamment à son statut de zone pilote européenne. Acteur de l'identité européenne de la GIZC en Méditerranée, l'Accord RAMOGE parvient entièrement à créer les conditions d'un développement durable méditerranéen grâce aux incidences économiques de ses projets environnementaux. De cette façon, pouvant légitimement être qualifié de zone pilote européenne de la GIZC, l'Accord participe sans aucun doute aux politiques de l'UE relatives au développement durable en Méditerranée. 111 CONCLUSION 112 113 L'identité européenne de la GIZC n'est plus à décrire. Ont été passées en revue l'approche écosystémique, la démarche de gouvernance, la dynamique stratégique et la cohérence européenne du concept de GIZC, faisant de l'UE un acteur de premier plan du développement durable, notamment en Méditerranée. N'est plus à décrire non plus la capacité de l'Accord RAMOGE à être une zone pilote européenne de la GIZC, même si des voies encore inexplorées lui permettront de conserver ce caractère pilote du développement durable en Méditerranée grâce à ses projets de GIZC. Nonobstant l'accomplissement complet de cette identité européenne du développement durable en Méditerranée, très bien relayée par l'Accord RAMOGE, il n'en demeure pas moins que l'Accord RAMOGE devrait pouvoir se détacher de l'omniprésence marine dans ses projets de GIZC (§1.) ainsi que l'UE devrait savoir ne pas douter de la nécessité de faire perdurer cette situation de développement durable, en Méditerranée et ailleurs(§2.). §1. Les perspectives terrestres des actions de l'Accord RAMOGE à l'égard des zones côtières méditerranéennes Un aspect n'est pas envisagé dans les projets de l'Accord RAMOGE relatifs à la GIZC méditerranéennes : l'aspect terrestre. La bande terrestre des zones côtières n'est en effet pas concernée par les actions de l'Accord dans la Zone. Or l'article 2 e. du Protocole GIZC à la Convention de Barcelone pour la protection du milieu marin et du littoral méditerranéen définit la zone côtière comme étant « l'espace géomorphologique de part et d'autre du rivage de la mer où se manifeste l'interaction entre la 114 partie marine et la partie terrestre à travers des systèmes écologiques et systèmes de ressources complexes comprenant des composantes biotiques et abiotiques coexistant et interagissant avec les communautés humaines et les activités socio-économiques pertinentes ». De même, le Chapitre premier paragraphe premier. de la recommandation de 2002 fixant les bases d'une action stratégique en matière de GIZC européennes considère que la « protection du milieu côtier [doit être réalisée] sur la base d’une approche par écosystème préservant son intégrité et son fonctionnement, et [d'une] gestion durable des ressources naturelles des composantes marines et terrestres du littoral »422. Toujours dans le même esprit, la genèse du concept de GIZC en droit international de l'environnement n'a pas manqué de préciser, dans le cadre notamment du mandat de Jakarta que la « gestion intégrée des zones marines et côtières [représentait le] cadre le plus approprié pour s'attaquer au problème de l'incidence des activités humaines sur la diversité biologique marine et côtière et favoriser la conservation et l'utilisation durable de cette diversité »423. Le Conseil de l'Europe a lui-même précisé que la GIZC permettait de « combiner les éléments physiques, biologiques et humains pour former un cadre unique de gestion englobant les zones terrestres et marines du littoral » ce qui induit « l'intégration de l'aménagement et de la gestion des différentes composantes géographiques de la zone littorale, englobant les zones terrestres et maritimes, ainsi que les zones à l'intérieur des terres »424. L'Accord RAMOGE, intitulé « Accord relatif à la protection de l'environnement marin et côtier d'une zone de la Méditerranée », prévoit dans sa version amendée de 2003 que « la Commission RAMOGE a pour mission [...] de prévenir et lutter contre les pollutions et les dégradations de l'environnement marin et côtier, de préserver la biodiversité et de constituer une zone pilote en Méditerranée pour la réalisation de ces objectifs »425. A cette fin d'ailleurs, l'article 2 §1. b) prévoit que « le présent Accord s'applique en Méditerranée à la "Zone RAMOGE"[ 426], c'està-dire à terre au littoral continental tel que défini par chacun des Etats Parties, situé dans les limites [de la Zone RAMOGE] ». Par conséquent, si la GIZC définie par le droit international et le droit de l'UE attache autant 422op. cit. recommandation du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2002 relative à la mise en œuvre d'une stratégie de gestion intégrée des zones côtières en Europe. 423op. cit. Conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique, Décision II-10 relative à la conservation et à l'utilisation durable de la diversité biologique marine et côtière, Jakarta, 1995, disponible sur www.biodiv.org. 424 Conseil de l'Europe, Code de conduite européen des zones côtières, Sauvegarde de la nature, n°101, Editions du Conseil de l'Europe, Strasbourg, 1999, p. 109. 425 Article 3 de l'Accord RAMOGE. 426L'article 2 §1. b) de l'Accord RAMOGE définit géographiquement la Zone RAMOGE comme étant constituée des eaux de la mer territoriale et des eaux intérieures bordant le littoral continental relevant de la souveraineté des trois Etats Parties et situées entre, à l'Ouest, le méridien 04°50',5 de longitude Est et, à l'Est, le méridien 010°01',2 de longitude Est. 115 d'importance à la partie terrestre des zones côtières qu'à la partie marine de celles-ci, l'Accord RAMOGE prévoit expressément dans ses dispositions que son action peut également être dirigée sur la partie terrestre des zones côtières. Or toutes les actions de l'Accord en matière de GIZC européennes ne concernent que l'espace marin, délaissant quelque peu le pan terrestre du littoral, pourtant concerné par les objectifs environnementaux de l'Accord. L'occasion se présente donc à nouveau pour l'Accord d'être reconnu comme zone pilote européenne complète de la GIZC répondant totalement aux ambitions du concept de GIZC. Pour cela, il doit associer à ses actions de GIZC la protection et le développement de la bande littorale terrestre. Les trois fléaux427 de l'environnement de ces zones côtières méditerranéennes qui s'étendent de Marseille à La Spezia, en Passant par Saint Raphaël, Monaco et Gênes, ne sont autres que le tourisme, les incendies et le bétonnage des côtes. En effet, chaque été voit un flot de touristes venus de toute l'Europe pour découvrir cet espace côtier, touristes qui se logent souvent dans de grandes barres d'immeubles construites toujours au plus près de la mer. C'est également l'été que des incendies attisés par le mistral ou la tramontane dévastent les pinèdes et garrigues méditerranéennes. Si le tourisme constitue une manne économique indiscutable pour les côtes méditerranéennes, on pourrait imaginer que l'Accord RAMOGE, conscient de la composante néfaste du tourisme de masse, rédige comme pour la gestion environnementale des ports de plaisance, un guide à l'attention des exploitants et utilisateurs des côtes de la Zone RAMOGE. Ce guide, qui pourrait s'intituler « Management environnemental du littoral terrestre méditerranéen », s'adressant tant aux touristes qu'aux commerçants et collectivités publiques de la Zone, viserait à informer et prévenir ceux-ci des problèmes environnementaux liés aux feux, à la construction intensives et au tourisme massif incontrôlé. De cette façon, en se penchant sur l'espace terrestre se sa Zone, l'Accord RAMOGE pourrait renforcer sa position de zone pilote européenne pour le développement durable du bassin méditerranéen, répondant complètement au concept de GIZC tel que se l'est approprié l'UE. L'Accord RAMOGE et plus particulièrement ses actions de GIZC dans la Zone RAMOGE correspondant à l'identité européenne de ce concept témoignent de l'effectivité des politiques de l'UE en matière de développement durable en Méditerranée. Cette réussite notoire demeure toutefois à relativiser en raison des débats actuels qui animent les travaux préparatoires du septième plan d'action communautaire pour l'environnement. 427En référence aux trois fléaux traditionnellement attachés à la Provence que sont mistral, le Parlement d'Aix et la Durance. 116 §2. Les ambitions politiques de la construction européenne à préserver sous l'égide du développement durable La politique de l'UE en Méditerranée en matière de développement durable est bien réelle. Il n'est plus nécessaire de dresser la liste des instruments de droit obligatoires ou non obligatoires qui témoignent de la volonté de l'UE de voir se créer en Méditerranée les conditions d'un développement durable. Traiter de l'ensemble des mesures relatives développement durable méditerranéen mises en place par l'UE n'aurait peut-être pas été pertinent, car le concept de développement durable doit être un fluide qui se diffuse dans l'ensemble des branches du droit de l'UE. Tel est d'ailleurs l'esprit du principe d'intégration en droit européen de l'environnement consacré par l'article 11 TFUE : « les exigences de la protection de l'environnement doivent être intégrées dans la définition et la mise en œuvre des politiques et actions de l'Union, en particulier afin de promouvoir le développement durable »428. Il a donc fallu, en ne s'attachant qu'à la GIZC, cibler un aspect du développement durable méditerranéen. Le processus d'appropriation européenne de ce concept de droit international révèle toute son originalité à travers ses moyens juridiques de mise en œuvre au sein de l'UE, notamment par le Protocole GIZC à la Convention de Barcelone429. Le statut d'Accord mixte de ce Protocole et sa capacité à reprendre l'identité européenne de la GIZC dispensent en effet le Parlement européen et le Conseil d'adopter un acte de droit dérivé relatif à la stratégie européenne de GIZC. Le développement durable de la Méditerranée grâce à la GIZC est donc parfaitement assuré, et ce d'autant plus que de petites organisations comme l'Accord RAMOGE parviennent à réaliser pleinement et volontairement cet objectif politique de l'Union. Ce satisfecit est toutefois à nuancer au regard des dissensions européennes existant actuellement autour du concept même de développement durable. La volonté de la Commission européenne de fondre le concept de développement durable 428op. cit. TFUE, disponible sur : http://eur-lex.europa.eu/fr/treaties/index.htm. 429op. cit. http://eur-lex.europa.eu/fr/treaties/index.htm. 117 dans une vaste « Stratégie Europe 2020 »430, idée semble-t-il approuvée par le Parlement européen dans sa résolution d'avril 2012 proposant les grandes lignes du septième plan d'action communautaire pour l'environnement431, ne sera pas sans effet sur la politique européenne à venir en matière d'environnement. Outre la mise en garde du CESE et dans l'attente de l'adoption par le Conseil et le Parlement européen d'une décision sur la suite à donner à la politique environnementale de l'UE432, ce choix de la Commission et du Parlement reste contestable à plusieurs égards. Le juriste connaît trop l'importance des mots pour ne pas voir dans la disparition du terme « développement durable » au profit des notions de croissance durable, d'agriculture durable, de pêche durable ou encore de gestion durable des matières premières un changement de portée juridique significatif. En effet, le concept de développement durable, comme le rappelle l'article 11 TFUE précité, a l'avantage de pouvoir s'intégrer sans se modifier à l'ensemble des politiques de l'UE. Il n'est pas évident que le principe d'intégration sera aussi efficace avec l'adoption de politiques sectorielles durables au détriment du seul développement durable. Certains diront qu'il ne s'agit que de mots. Et ils auront certainement raison, puisqu'ils auront oublié l'importance des mots dans la construction des systèmes politiques. La construction européenne ne peut pas se faire sans mots, repris, adoptés, brandis, débattus ou pensés qui permettent d'ancrer le sentiment d'appartenance européenne dans l'esprit des peuples des Etats membres. L'action environnementale européenne est devenue au même titre que la politique économique et sociale de l'Union une politique prioritaire pour l'UE. En effet, il faut avoir à l'esprit que si « l'Union établit un marché intérieur [,] elle œuvre [également] pour le développement durable de l'Europe fondé sur une croissance économique équilibrée […] un économie sociale de marché hautement compétitive […] et un niveau élevé de protection et d'amélioration de la qualité de l'environnement »433. A ce titre, l'environnement et surtout le développement durable représentent des instruments politiques qui doivent permettre à l'UE de poursuivre sa construction. Diluer le leitmotiv du développement durable, dans des stratégies toujours plus techniques risque donc de priver l'UE d'un outil politique que l'inconscient collectif européen, toujours plus préoccupé par les questions environnementales, était en train de faire sien, œuvrant ainsi à la 430op. cit. Communication de la Commission européenne du 3 mars 2010, Une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive. 431op. cit. résolution du Parlement européen du 20 avril 2012 sur la révision du sixième programme d'action pour l'environnement et la définition des priorités du septième programme d'action pour l'environnement, Un environnement meilleur pour une vie meilleure, §71. 432op. cit. Avis du Comité économique et social européen, 7e programme d'action pour l'environnement et suivi du 6e PAE. 433op. cit. article 3 §3. TFUE, disponible sur : http://eur-lex.europa.eu/fr/treaties/index.htm. 118 création du sentiment européen. Le rôle politique que doit jouer l'UE dans la poursuite de l'Histoire de la Méditerranée par la construction d'un espace de paix, réalisé en partie grâce à la mise en place d'un développement durable, ne doit pas lui faire oublier son ambition politique de construction d'une « union sans cesse plus étroite entre les peuples de l'Europe »434. La politique de l'UE pour un développement durable méditerranéen, réalisée localement comme par exemple avec l'Accord RAMOGE, doit en conséquence demeurer une priorité au service des desseins actuels et futurs de la construction européenne. 434op. cit. article premier TUE, disponible sur : http://eur-lex.europa.eu/fr/treaties/index.htm. 119 BIBLIOGRAPHIE Ouvrages : BLUMANN (D.) et DUBOUIS (L.), Droit institutionnel de l'Union européenne, Litec, Paris, 2010, pp. 828. DAILLER (P.), FORTEAU (M.), PELLET (A.), Droit international public, L.G.D.J, Paris, 2009, pp. 1709. 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Le traitement juridique d’une singularité territoriale : la zone côtière. Étude en droit international et droit comparé francoitalien, 2007. 123 Instruments de droit : Droit de l’Union européenne : - Règlements Règlement 1255/2011/UE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2011 établissant un programme de soutien pour le développement d’une politique maritime intégrée, JOUE L 321 du 5 décembre 2011, pp. 1-10. Règlement n° 614/2007/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 mai 2007 concernant l’instrument financier pour l’environnement (LIFE+), JOUE L 149 du 9 juin 2007, pp. 1-16. Règlement 1198/2006/CE du Conseil du 27 juillet 2006 relatif au Fonds européen pour la pêche, JOUE L 223 du 15.8.2006, pp. 1-44. Règlement 2371/2002/CE du Conseil du 20 décembre 2002 relatif à la conservation et à l’exploitation durable des ressources halieutiques dans le cadre de la politique commune de la pêche, JOCE L 358 du 31 décembre 2002 pp. 59-80. 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Directive 2000/60/CE du Parlement européenne et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un 124 cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau, JOCE L 327 du 22 décembre 2000, pp. 1-72. - Décision Décision du Parlement européen et du Conseil du 22 juillet 2002 établissant le sixième programme d'action communautaire pour l'environnement (2002-2012), JOCE n° L 242 du 10 septembre 2002, pp. 1-15. - Recommandations Recommandation du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2002 relative à la mise en œuvre d'une stratégie de gestion intégrée des zones côtières en Europe, JOCE L 148 du 6 juin 2002, pp. 24-27. - Communications de la Commission Communication de la Commission européenne du 3 mars 2010, Une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive, COM(2010) 2020 final. Communication de la Commission européenne du 22 avril 2009, Réforme de la politique commune de la pêche, COM(2009)163 final. Communication de la Commission européenne du 26 juin 2008, Lignes directrices pour une approche intégrée de la politique maritime : Vers de meilleures pratiques en matière de gouvernance maritime intégrée et de consultation des parties prenantes, COM (2008) 395 final. Communication de la Commission européenne du 10 octobre 2007, Une politique maritime intégrée pour l'Union européenne, COM (2007) 575 final. Communication de la Commission européenne du 7 juin 2006, Vers une politique maritime de l'Union : une vision européenne des océans et des mers, COM (2006) 275 final 125 Communication de la Commission du 13décembre 2005, Révision de la stratégie pour le développement durable - Une plate-forme pour l'action, COM(2005) 658 final, non publiée au Journal officiel. Communication de la Commission du 25 juillet 2001, Gouvernance européenne : un livre blanc, COM(2001) 428 final. Communication de la Commission du18 janvier 2000, La Commission et les organisations non gouvernementales: le renforcement du partenariat, COM(2000) 11 final. Communication de la Commission du 30 octobre 1986 relative à l'aménagement intégré des zones côtières et à sa place dans la politique communautaire de l'environnement, COM (86) 571 final. - Résolution du Parlement européen Résolution du Parlement européen 2011/2194(INI) du 20 avril 2012 sur la révision du sixième programme d'action pour l'environnement et la définition des priorités du septième programme d'action pour l'environnement, Un environnement meilleur pour une vie meilleure. - Résolution du Conseil Résolution du Conseil des Communautés européennes et des représentants des gouvernements des États membres, réunis au sein du Conseil du 6 mai 1994 concernant une stratégie communautaire, de gestion intégrée des zones côtières, JOCE n° C 135/2 du 18 juin 1994, p. 2. Résolution du Conseil des Communautés européennes et des représentants des gouvernements des États membres, réunis au sein du Conseil du 1er février 1993 concernant la poursuite et la réalisation d'une politique et d'un programme d'action des Communautés européennes en matière d'environnement (1992-1997), JOCE n° C 138 du 17 mai 1993, pp. 1-98. Résolution du Conseil des Communautés européennes et des représentants des gouvernements des États membres, réunis au sein du Conseil du 25 février 1992 relative à la future politique 126 communautaire concernant la zone côtière européenne, JOCE n° C 59 du 6 mars 1992, p. 1. Résolution du Conseil des Communautés européennes et des représentants des gouvernements des États membres, réunis au sein du Conseil du 19 octobre 1987, concernant la poursuite et la réalisation d'une politique et d'un programme d'action des Communautés européennes en matière d'environnement (1987-1992), JOCE n° C 328 du 3 décembre 1987, pp. 1-44. Résolution du Conseil des Communautés européennes et des représentants des gouvernements des Etats membres réunis au sein du Conseil du 7 février 1983 concernant la poursuite et la réalisation d'une politique et d'un programme d'action des Communautés européennes en matière d'environnement (1982-1986), JOCE n° C 46 du février 1983, pp. 1-22. Résolution du Conseil des Communautés européennes et des représentants des gouvernements des Etats membres réunis au sein du Conseil du 17 mai 1977 concernant la poursuite et la réalisation d'une politique et d'un programme d'action des Communautés européennes en matière d'environnement (1977-1982), JOCE n° C 139 du 13 juin 1977, pp. 1–46. - Avis du Comité économique et social européen Avis du Comité économique et social européen NAT/538 du 25 avril 2012, 7e programme d'action pour l'environnement et suivi du 6e PAE, Bruxelles, pp. 10. Droit international : - Conventions Convention pour la protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée adoptée à Barcelone le 16 février 1976. 127 Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, adoptée à Montego Bay le 10 décembre 1982. Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, adoptée à New-York le 9 mai 1992. Convention des Nations Unies sur la diversité biologique, adoptée à Rio le 5 juin 1992. Convention européenne du paysage du 20 octobre 2000. Protocole GIZC à la Convention de Barcelone pour la protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée du 21 janvier 2008. - Déclarations Déclaration finale de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement réunie à Stockholm du 5 au 16 juin 1972. Déclaration finale de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement réunie à Rio du 3 au 14 juin 1992. 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Sites internet consultés en date du 3 juin 2012 : http://europa.eu : site internet de l’Union européenne http://eur-lex.europa.eu : site internet du droit de l’Union européenne http://www.un.org : site internet des Nations Unies http://www.unepmap.org : site internet du plan d’action pour la Méditerranée et de la Convention de Barcelone pour la protection du milieu marin et du littoral méditerranéen 128 http://www.unep.org : site internet du programme des Nations Unies pour l’environnement http://ramoge.org : site internet de l’Accord RAMOGE http://www.ramsar.org : site internet de la Convention de Ramsar http://www.cbd.int et www.biodiv.org: site internet de la Convention sur la diversité biologique http://unfccc.int : site internet de la Convention cadre sur les changements climatiques http://www.crpm.org : site internet de la Conférence des régions périphériques maritimes http://www.tpm-agglo.fr : site internet de la Communauté d’agglomération Toulon Provence Méditerranée http://www.sanctuaire-pelagos.org : site internet du sanctuaire Pelagos http://www.oecd.org : site internet de l’Organisation de coopération et de développement économique http://www.ospar.org : site internet de la Commission Ospar http://www.contratdebaie-tpm.org : site internet du Contrat de baie de la rade de Toulon 129 130 Table des matières INTRODUCTION ................................................................................................................................................................ …........................................................................................................................................................11 §1. L'Europe en Méditerranée, une place à prendre dans l'Histoire des peuples grâce au développement durable..............................................................................................…......13 §2. Le développement durable, un concept contemporain à conserver....................…......15 §3. Le concept de gestion intégrée des zones côtières, une réponse large pour des préoccupations précises..............................................................................................…......19 §4. La construction européenne, des préoccupations environnementales non originelles mais non négligées.......................................................................................................…....22 §5. L'Accord RAMOGE, la protection de l'environnement méditerranéen notamment par le développement durable et la gestion intégrée des zones côtières.........................…......24 §6. L'objet traité, les politiques de développement durable de l'Union européenne en Méditerranée et le rôle pilote joué par l'Accord RAMOGE en matière de gestion intégrée des zones côtières.......................................................................................................…......26 PREMIERE PARTIE :UNE IDENTITE ORIGINALE DU CONCEPT DE GESTION INTEGREE DES ZONES COTIERES TAILLEE AUX MESURES DE L’UNION EUROPEENNE..................28 CHAPITRE PREMIER : UNE APPROPRIATION EUROPENNE REUSSIE DU CONCEPT DE GESTION INTEGREE DES ZONES COTIERES ..........................................................30 SECTION PREMIERE : UN SEVRAGE LONG ET DIFFICILE DE L'UNION EUROPEENNE A L'EGARD DU CONCEPT DE DROIT INTERNATIONAL DE GESTION INTEGREE DES ZONES COTIERES...............................................................................….31 §1. Une attitude européenne circonspecte dans le développement international du concept.............................................................................................................................31 A. La Compatibilité évidente des ambitions européennes avec l'approche écosystémique de la gestion intégrée des zones côtières..................................….........31 B. La participation passive de l'Union européenne au développement en droit international du concept de gestion intégrée des zones côtières ….................................33 131 §2. L'impact fort du droit international dans les programmes d'action communautaire.....36 A. Les répliques européennes sur le modèle des initiatives internationales du concept de gestion intégrée des zones côtières .............................................................…..........36 B. L'amorce soft du processus d'appropriation européenne du concept de gestion intégrée des zones côtières................................................................................…..........38 SECTION SECONDE : LE PROCESSUS CLASSIQUE D’APPROPRIATION EUROPEENNE APPLIQUE AU CONCEPT DE GESTION INTEGREE DES ZONES COTIERES..........................................................................................................................….41 §1. Entre gouvernance et stratégie : appropriation sans heurt du concept aux méthodes européennes d’action environnementale....................................................................…......41 A. La gouvernance environnementale : méthode européenne convenue pour toute action environnementale au sein de l'Union.....................................................…..........41 B. L’approche stratégique : marque de l'identité européenne dans le cadre des actions environnementales de l’Union..........................................................................….........43 §2. La mise en cohérence du concept avec les autres domaines d’action de l’Union : étape primordiale et ultime du processus d’appropriation européenne …....................................44 A. L’impératif non négligeable de la compatibilité du concept de gestion intégrée des zones côtières avec les domaines d’action traditionnels de l’Union ..............…..........45 B. La déception légitime mais peut-être injustifiée ressentie face à l'absence d'instrument de droit dérivé de l'Union reprenant ce concept...........................…..........47 CHAPITRE SECOND : LE STATUT JURIDIQUE ORIGINAL DU CONCEPT DE GESTION INTEGREE DES ZONES COTIERES DANS L’UNION EUROPENNE ….......48 SECTION PREMIERE : LA PROTECTION DU MILIEU MARIN DE L’UNION ET LA CRAINTE INFONDEE D’UNE MARGINALISATION DE LA PROTECTION DES ZONES COTIERES EUROPENNES........................................................................….....49 132 §1. De la stratégie de gestion intégrée des zones côtières à la protection du milieu marin de l'Union européenne................................................................................................….....49 A. L'appropriation européenne du concept de gestion intégrée des zones côtières valorisée par la politique maritime de l'Union..................................................…..........49 B. Le transfert des efforts européens de la stratégie de gestion intégrée des zones côtières vers la récente « stratégie pour le milieu marin »................................…..........50 §2. Protection partielle des zones côtières par la « Stratégie pour le milieu marin de l'Union européenne »..................................................................................................…......53 A. Champ d'application divergeant entre « zones côtières » et « eaux marines ».........53 B. La double application aux eaux marines du concept de gestion intégrée des zones côtières induite par la « stratégie pour le milieu marin »..................................…..........55 SECTION SECONDE : LE PROTOCOLE A LA CONVENTION DE BARCELONE SUR LA GESTION INTEGREE DES ZONES COTIERES FINALISANT L'APPROPRIATION EUROPENNE DE CE CONCEPT .....................................................................................….57 §1. La concordance entre l'esprit du Protocole GIZC et le travail d'appropriation européenne de ce concept ..........................................................................................…......58 A. La reprise des méthodes européennes d'action environnementale : gouvernance et approche stratégique.........................................................................................…..........58 B. La référence aux cadres traditionnels européens : approche écosystémique et mise en cohérence....................................................................................................…..........59 §2. La place prépondérante du Protocole GIZC en droit de l'Union pour la gestion intégrée des zones côtières européennes....................................................................…......62 A. Le statut privilégié d’accord mixte du Protocole GIZC dans l’ordre juridique de l’Union européenne ..........................................................................................…..........62 B. Le protocole GIZC comme succédané à l'absence de droit dérivé de l'Union en matière de gestion intégrée des zones côtières ................................................…..........64 * 133 SECONDE PARTIE : L'ACCORD RAMOGE UNE ZONE PILOTE INCONTESTABLE DES POLITIQUES EUROPENNES DE DEVELOPPEMENT DURABLE EN MEDITERRANEE......68 CHAPITRE PREMIER : LA CAPACITE DE L'ACCORD RAMOGE A CONSTITUER EN MEDITERRANEE UNE ZONE PILOTE EUROPEENNE DE LA GESTION INTEGREE DES ZONES COTIERES....................................................................................................….71 SECTION PREMIERE : LES ACQUIS ET LES PERSPECTIVES DE L'ACCORD RAMOGE EN MATIERE DE GOUVERNANCE ET DE STRATEGIE D'ACTION.......….71 §1. La participation évidente de l'Accord RAMOGE à une logique de gouvernance nécessitant des ouvertures ciblées..............................................................................…......71 A. L'Accord RAMOGE et ses partenaires locaux au service d'une gouvernance environnementale efficace................................................................................…..........71 B. Le besoin d'intégrer davantage les organisations non gouvernementales pour établir une gouvernance élargie et plus complète........................................................…..........74 §2. La capacité de l'Accord à transformer ses simples actions stratégiques en stratégies d'action européennes .................................................................................................…......76 A. Une approche stratégique modeste se résumant davantage à une organisation sérieuse des projets de l'Accord RAMOGE......................................................…..........76 B. La capacité de l'Accord à devenir une zone pilote européenne en recentrant ses stratégies d'action autour de la notion de « bon état écologique »....................…..........78 SECTION SECONDE : LA PROTECTION ENVIRONNEMENTALE INDENIABLE DES ECOSYSTEMES MARINS PAR L'ACCORD RAMOGE.................................................….80 §1. La contradiction apparente de l'objectif de protection des écosystèmes avec les projets de dragage des sédiments portuaires et d'immersions de récifs artificiels.................…......81 A. La crainte d'une destruction des écosystèmes marins due à la lutte contre les sédiments portuaires écartée grâce à des études d'impact exigeantes...............….........81 134 B. La protection juridique des écosystèmes face aux immersions de récifs artificiels. 83 §2. La protection des écosystèmes de la Zone : une zone pilote internationale incontestable mais une zone pilote européenne en devenir..............................................................…......85 A. La protection de la biocénose et du biotope marins comme voies d'accès évidente au rang de zone pilote internationale en Méditerranée ....................................…..........86 B. La nécessité d'intégrer davantage les activités économiques et humaines pour devenir une zone pilote européenne de la gestion intégrée des zones côtières. .............88 CHAPITRE SECOND : LA CAPACITE DE L'ACCORD RAMOGE A PROMOUVOIR DANS L'UNION EUROPENNE LES INCIDENCES ECONOMIQUES DE SES ACTIONS AU PROFIT DE SES PROPRES PROJETS ENVIRONNEMENTAUX...........................….90 SECTION PREMIERE : L'ACCORD RAMOGE COMME ZONE PILOTE EUROPENNE PLEINEMENT APTE A REPONDRE INCIDEMMENT AUX AMBITIONS ECONOMIQUES DE L'UNION.........................................................................................90 §1. La cohérence remarquable entre les ambitions économiques de l'Union et les récifs artificiels de la Zone RAMOGE.................................................................................…......90 A. Les bénéfices économiques évidents tirés de l'immersion des récifs artificiels dans la Zone RAMOGE............................................................................................…..........91 B. Les projets RAMOGE d'immersion de récifs artificiels pleinement compatibles avec l'identité européenne de la gestion intégrée des zones côtières ......................…..........93 §2. La prise de conscience nécessaire des incidences économiques des actions environnementales actuelles ou potentielles de l'Accord RAMOGE........................…......95 A. L'atout économique non négligeable de la gestion environnementale des ports de plaisance ..........................................................................................................…..........95 B. La proposition de création d'un « contrat de baie RAMOGE » au service de la gestion environnementale et économique des zones de mouillage ..................…..........98 135 SERVICE DU FINANCEMENT PAR L'UNION DES ACTIONS ENVIRONNEMENTALES DE L'ACCORD DANS LA ZONE .......................................................................................100 §1. Les actions de l'Accord pour la gestion intégrée des zones côtières clairement éligibles aux subventions européennes environnementales......................................................…....100 A. L'utilisation du titre de zone pilote européenne pour bénéficier des subventions de l'instrument financier Life +.............................................................................…........101 B. La Zone RAMOGE comme zone pilote européenne pouvant légitimement participer de la politique maritime intégrée de l'Union …........104 §2. Les incidences positives sur la pêche de la protection des fonds marins de la Zone par l'Accord RAMOGE....................................................................................................…....106 A. Les incidences évidentes des actions de l'Accord en faveur de la politique commune de la pêche dans la Zone RAMOGE................................................…........106 B. Les actions de l'Accord RAMOGE éligibles au titre du Fonds Européen pour la Pêche.................................................................................................................…........109 CONCLUSION ................................................................................................................................................................ 112 §1. Les perspectives terrestres des actions de l'Accord RAMOGE à l'égard des zones côtières méditerranéennes..........................................................................................…....114 §2. Les ambitions politiques de la construction européenne à préserver sous l'égide du développement durable..............................................................................................…....117 136