aix-marseille universite

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aix-marseille universite
AIX-MARSEILLE UNIVERSITE
FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE
D'AIX-EN-PROVENCE
CENTRE D'ETUDES ET DE RECHERCHES INTERNATIONALES ET
COMMUNAUTAIRES
Master II Droit international et européen de l'environnement
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DURABLE
DE L'UNION EUROPEENNE EN MEDITERRANEE
ETUDE DE CAS A PARTIR DES PROJETS DE GESTION INTEGREE DES ZONES COTIERES
DE L'ACCORD RAMOGE
Mémoire écrit par Benoît PAUL
Sous la direction de Madame Sandrine MALJEAN-DUBOIS
Directrice du CERIC
et
Directrice de recherches au CNRS
Année universitaire 2011-2012
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La rédaction de ce mémoire fut une aventure personnelle et intellectuelle toute nouvelle
pour moi.
Je souhaite ici remercier chaleureusement Madame Sandrine Maljean-Dubois, directrice de
recherches au CNRS et directrice du CERIC d’Aix-en-Provence, qui me guida dans cette démarche
me permettant d’accéder au plaisir de la recherche et de la rédaction en droit international et
européen de l’environnement.
Plus particulièrement, et en rapport direct avec le sujet de ce mémoire, il me faut remercier
le Commissaire à la Marine Adrien Proal pour ses conseils passionnés sur le développement durable
en Méditerranée et les projets de gestion intégrée des zones côtières menés par l’Accord RAMOGE.
Et puis pour eux, ceux auxquels je n’ai jamais parlé, desquels je garde en mémoire une voix,
un regard, une présence… une évaluation, et qui m’ont fait comprendre dans l’atmosphère étouffée
des amphithéâtres ronronnant, que le Droit, étudié le sourire aux lèvres, est un des sentiers qui
conduisent l’Homme à sa liberté.
Enfin, je ne peux oublier ici ceux qui m’ont permis d’étudier ainsi que ceux qui m’ont offert
leur savoir, me permettant d’accéder au goût humble du travail intellectuel.
Merci à chacun de m’avoir permis, à sa façon, d’écrire ce mémoire avec plaisir.
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SOMMAIRE
PREMIERE PARTIE : UNE IDENTITE ORIGINALE DU CONCEPT DE
GESTION INTEGREE DES ZONES COTIERES TAILLEE AUX MESURES DE
L’UNION EUROPEENNE
CHAPITRE PREMIER : UNE APPROPRIATION EUROPENNE REUSSIE DU
CONCEPT DE GESTION INTEGREE DES ZONES COTIERES
CHAPITRE SECOND : LE STATUT JURIDIQUE ORIGINAL DU CONCEPT DE
GESTION INTEGREE DES ZONES COTIERES DANS L’UNION EUROPENNE
SECONDE
PARTIE :
L'ACCORD
RAMOGE
UNE
ZONE
PILOTE
INCONTESTABLE DES POLITIQUES EUROPENNES DE DEVELOPPEMENT
DURABLE EN MEDITERRANEE
CHAPITRE PREMIER : LA CAPACITE DE L'ACCORD RAMOGE A CONSTITUER
EN MEDITERRANEE UNE ZONE PILOTE EUROPEENNE DE LA GESTION
INTEGREE
DES ZONES COTIERES
CHAPITRE SECOND : LA CAPACITE DE L'ACCORD RAMOGE A PROMOUVOIR
DANS L'UNION EUROPENNE LES INCIDENCES ECONOMIQUES DE SES ACTIONS
AU PROFIT DE SES PROPRES PROJETS ENVIRONNEMENTAUX
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LISTE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS
AGNU : Assemblée générale des Nations Unies
CEE : Communauté Economique Européenne
CESE : Comité économique et Social Européen
CETE : Centre d’Etudes Technique de l’Equipement
CIJ : Cour Internationale de Justice
CJCE : Cour de Justice des Communautés Européennes
CJUE : Cour de Justice de l’Union Européenne
CRIDEAU : Centre de Recherche Interdisciplinaire en Droit de l’Environnement de
l’Aménagement et de l’Urbanisme
CRPM : Conférence des Régions Périphériques Maritimes
DATAR : Délégation interministérielle à l'Aménagement du Territoire et à l'Attractivité Régionale
EDF : Electricité De France
FAO : Food and Agriculture Organization
FEP : Fonds Européen pour la Pêche
GIZC : Gestion Intégrée des Zones Côtières
IFOP : Instrument Financier d’Orientation de la Pêche
IFREMER : Institut Français de Recherches pour l’Exploration de la Mer
infra : voir ci-dessous
ICES : International Council for the Exploration of the Sea
JOCE : Journal Officiel des Communautés Européennes
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JOUE : Journal Officiel de l’Union Européenne
LGDJ : Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence
OCDE : Organisation de coopération et de développement économique
ONG : Organisation Non Gouvernementale
ONU : Organisation des Nations Unies
op. cit : opere citato, reprise d’une référence déjà citée
PAM : Plan d’Action pour la Méditerranée
PMI : Politique Maritime Intégrée
PNUE : Programme des Nations Unies pour l’Environnement
Rec. : Recueil
RAMOGE : Accord RAMOGE
supra : voir ci-dessus
TCE : Traité instituant la Communauté Européenne
TIDM : Tribunal International du Droit de la Mer
UE : Union Européenne
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Le Pape, Venise, Gênes, tous ont abandonné Byzance, oublié l’honneur et les serments qui
les lient, occupés qu’ils sont par une pauvre politique de clocher. Dans le cours de l’Histoire se
répètent toujours ces instants tragiques où les princes et les Etats se révèlent incapables de mettre
fin même pour un moment à leurs petites rivalités, alors qu’ils devraient unir étroitement leurs
forces pour la défense de la civilisation européenne. Il semble plus utile à Venise de supplanter
Gênes et à Gênes d’abaisser Venise que de s’associer pendant quelque temps pour vaincre l’ennemi
commun. La mer est déserte.
Stefan Zweig
La prise de Byzance
dans, Les Très Riches Heures de l’humanité
(traduction de l’allemand par Alzir Hella et Hélène Denis)
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INTRODUCTION
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§1. L'Europe en Méditerranée, une place à prendre dans l'Histoire des peuples grâce au
développement durable
« La mer ajoute beaucoup aux ressources du pays méditerranéen, mais elle ne lui assure pas
l'abondance quotidienne. Sans doute, dès qu'il y eu des hommes sur ses rivages, en fait dès le début
même de la préhistoire à travers le vieux monde, la pêche a fourni sa contribution de « frutti di
mare » ; elle est une industrie aussi vielle que le monde est monde. Mais, en Méditerranée, ces
fruits ne surabondent pas. Il ne s'agit ni des richesses du Dogger Bank, en mer du Nord, ni des
pêcheries fabuleuses de terre-Neuve ou de Yéso, au nord du Japon, ou des côtes atlantiques de
Mauritanie »1. A en croire donc Fernand BRAUDEL 2, il ne faut pas chercher les fondements de la
puissance méditerranéenne dans les ressources que la mer a pu offrir à Rome, à Constantinople, à
l'Empire ottoman ou encore à l'Europe. Et pourtant c'est là, autour de cet espace aujourd'hui réduit,
mais certainement infranchissable aux yeux des premiers pêcheurs d'Orient que se sont joués près
de dix millénaires de l'Histoire de l'humanité.
Si la Méditerranée ne saurait s'approprier le monopole de l'Histoire, il n'en demeure pas
moins, au-delà de la prétendue existence de civilisations incompatibles, qu'elle a eu son rôle à jouer
dans la construction du monde cosmopolite tel qu'il nous est offert aujourd'hui.
Héritière de cette histoire au XXème et XXIème siècle, l'Union européenne (UE) est une des
composantes de cette Histoire qui exige du Nord de la Méditerranée d'être une voix au service de la
culture méditerranéenne. Destinée à créer une « solidarité de fait »3, la construction européenne,
1 BRAUDEL (F.), Dir., La Méditerranée : l'espace et l'histoire, Flammarion, Champs histoire, Paris, 1985.
2 Professeur au collège de France et membre de l'Académie française.
3 Déclaration de Robert SCHUMAN du 9 mai 1950, disponible sur : http://europa.eu/about-eu/basic-
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dans sa version de 1957 ne se préoccupait que peu de la Méditerranée, davantage obnubilée, à des
fins pacifiques, par le charbon et l'acier.
Dans l'UE des 27 qui bâtissent l'Histoire européenne, pas moins de de 7 Etats membres4 dont
la France et l'Italie, pays fondateurs, bordent la Méditerranée. C'est donc tout le sud de l'Europe qui
voit dans le bassin méditerranéen un accès sur le monde et le développement.
Ce développement économique des pays méditerranéen de l'UE grâce aux ressources de la
mer est indéniable. La pêche, puis le commerce maritime grâce aux grands ports de Barcelone,
Gênes et Marseille, et enfin le tourisme balnéaire sont à n'en pas douter les trois grâces des pays du
Sud de l'Union.
Au-delà de ces richesses économiques, la Méditerranée recèle bien d'autres trésors. En
dehors de la composante culturelle précieuse née de la diversité des peuples vivant autour de la
Méditerranée, le bassin méditerranéen regorge de richesses naturelles. La faune et la flore, marines
ou terrestres, accrochées à ce bassin constituent en effet un patrimoine écologique unique à
sauvegarder.
Consciente de cette richesse économique et environnementale de la Méditerranée, l'UE a fait
le choix de s'engager activement sur la voie d'un développement durable, chargé de développer la
pêche, le tourisme et le commerce méditerranéens sans toutefois cesser de se préoccuper de la
protection de l'environnement maritime et terrestre de la Méditerranée.
Après les vicissitudes historiques méditerranéennes, mêlées d'orgueils, d'ambitions
sanglantes et de prétentions religieuses, qui ont conduit les peuples méditerranéens à jouer du sabre
plus que de la poignée de main, il semblerait que le XXIème siècle puisse se dérouler d'une autre
façon. La paix pourrait devenir le nouveau rythme de l'Histoire5.
Il est doux d'imaginer avec humilité que l'UE, désireuse « d'approfondir la solidarité entre
les peuples dans le respect de leur histoire, de leur culture et de leur tradition »6, saura être l'un des
artisans de cette paix, en permettant aux peuples méditerranéens de se développer tout en
conservant le patrimoine environnemental qui est le pilier de leur culture. La paix en Méditerranée
passera donc peut-être par la mise en place, grâce à l'UE, d'un développement durable
méditerranéen.
information/symbols/europe-day/schuman-declaration/index_fr.htm.
4 Il s'agit de Chypre, de l'Espagne, de la France, de la Grèce, de l'Italie, de Malte, et de la Slovénie. Le 1er juillet
2013, avec l'adhésion de la Croatie à l'UE, ce seront 8 Etats membres qui borderont le bassin méditerranéen.
5 Il est évident que les situations en Syrie, en Iran ou encore en Palestine ne participent pas de cette utopie pacifiste
qu'il faut toutefois conserver comme espoir. Cependant, la paix entre les peuples européens semble être garanties,
notamment grâce à la construction européenne.
6 Préambule §6. TUE, disponible sur : http://eur-lex.europa.eu/fr/treaties/index.htm.
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§2. Le développement durable, un concept contemporain à conserver
Le développement durable est « un un développement qui répond aux besoins du présent
sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ». Telle est la
définition faite de la notion7 de sustainable development8 par le Rapport Brundtland en 1987 intitulé
Our Common Future9. Cette définition, claire au demeurant, est issue d'un long processus de
réflexion due à une prise de conscience environnementale assez soudaine10.
En effet, avant d'aboutir à l'idée qu'un développement durable était nécessaire, il a d'abord
fallu admettre le caractère irréversible de certaines activités humaines sur l'environnement 11. Qu'il
s'agisse de la forêt, des matières fossiles, des animaux, du climat, de la terre, de la mer ou même
encore de l'Homme, chacun a dû prendre conscience que les dégâts causés étaient non seulement
irréparables, comme la disparition d'une espèce animale ou végétale, mais étaient également
nuisibles au bon fonctionnement des activités humaines.
Partant de ce constat, certains ont considéré que la solution résidait dans une décroissance
soutenable, sorte de retour progressif de l'Homme à des conditions de vie qui, restant dignes,
devaient se détacher progressivement d'une consommation nocive pour l'environnement alors
considérée comme superflue12.
Cette proposition « des objecteurs de croissance »13 ne fut cependant pas retenue par le droit
international de l'environnement ni même par les droits régionaux et nationaux, préférant se
concentrer sur la notion de développement durable.
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En 1897 le développement durable n'est encore qu'une notion et non un concept. La CIJ le considérera comme un
concept du droit international de l'environnement dans son arrêt du 25 septembre 1997, Projet GabčíkovoNagymaros, voir infra.
La traduction française littérale de sustainable devlopment est développement soutenable. Les traductions françaises
des textes rédigés en langue anglaise ont retenu les termes de développement durable.
Rapport rédigé sous la direction d'une ancienne premier ministre norvégien, Gro Harlem BRUNDTLAND en 1983
dans le cadre de la Commission des nations Unies sur sur l'environnement et le développement. Ce rapport, intitulé
en français « Notre Avenir à Tous » fut adopté par une résolution de l'Assemblée générale des Nations Unies :
Résolution AGNU du 4 août 1987, RES/A/42/427, Development and international economic co-operation :
environment, pp. 374.
La Déclaration de Stockholm adoptée lors de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement le 16 juin 1972
énonce sans toutefois le nommer l'esprit du développement durable dans ses principes 1, 2, 5, 8 et 13. A titre
d'exemple, le principe premier de la Déclaration de Stockholm précise que « [l'homme] a le devoir de solennel de
protéger et d'améliorer l'environnement pour les générations présentes et futures ».
REMOND-GOUILLOUD (M.), L'irréversibilité : de l'optimisme dans l'environnement, Revue juridique de
l'environnement, numéro spécial, 1998, p. 7.
GOUGUET (J.-J.), Développement durable et décroissance. Deux paradigmes incommensurables, Mélanges en
l'honneur de Michel PRIEUR, Dalloz, 2007, p. 123.
VAN LANG (A.), Droit de l'environnement, Thémis droit, PUF, Paris, 2011, p. 192.
15
La Déclaration sur l'environnement et le développement adoptée à Rio en 1992 14 insiste
volontairement sur cette nouvelle notion qu'est le développement durable en reprenant pas moins de
12 fois cette occurrence à travers ses 27 principes. Parallèlement à cette Déclaration, fut adopté lors
du Sommet de la terre de Rio en 1992 l'Agenda 21 15, document proposant pléthore de solutions et
d'idées permettant de parvenir au niveau local à la réalisation d'un développement durable.
Outre les nombreuses critiques doctrinales dirigées contre le développement durable,
considérant avec amertume que si « à Stockholm, le développement économique était conditionné
par la protection des ressources naturelles, à Rio, l'ordre des choses est inversé [de sorte que]
l'environnement devient tributaire du développement »16, le principal problème de cette Déclaration
et de l'Agenda 21 est qu'ils ne constituent, en droit international, aucune norme de droit obligatoire.
Par chance, le développement durable proposé en 1987 et mis au grand jour en 1992 fera
mouche et s'introduira dans les Conventions internationales sur l'environnement, instruments de
droit obligatoire du droit des gens17. A titre d'exemple, la Convention des Nations Unies sur la lutte
contre la désertification de 199418 précise par exemple dans son article premier b. que
« l’expression "lutte contre la désertification" désigne les activités qui relèvent de la mise en valeur
intégrée des terres dans les zones arides, semi-arides et subhumides sèches, en vue d’un
développement durable ». Dans le même sens, les Parties à la Convention de Barcelone sur la
protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée 19 conviennent dans l'article 4 que les
Etats parties s'engagent à « éliminer la pollution dans la zone de la mer Méditerranée et pour
protéger et améliorer le milieu marin dans cette zone en vue de contribuer à son développement
durable ».
Cette bonne fortune de la notion de développement durable a même fait l'objet d'un sommet
mondial pour le développement durable, organisé à Johannesburg du 26 au 4 septembre 2002. Dès
lors le développement durable est très vite devenu en droit international un « référentiel commun »20
14 Conférence des Nations Unies pour l'environnement et le développement, Action 21 – Déclaration de Rio sur
l'environnement
et
le
développement,
ONU,
1993,
pp.
351,
disponible
sur :
http://www.un.org/french/events/rio92/rio-fp.htm.
15 Conférence des Nations Unies pour l'environnement et le développement du 3 au 14 juin 1992, Action 21 –
Déclaration
de
Rio
sur
l'environnement
et
le
développement,
disponible
sur
http://www.un.org/french/ga/special/sids/agenda21/.
16 NEURAY (J.-F.), Droit de l'environnement, Précis de la faculté de droit, Université Libre de Bruxelles, Bruylant,
2001, p. 39.
17 Autre façon de nommer le droit international, traduite de l'expression jus gentium du droit romain relative au droit
international (DAILLER (P.), FORTEAU (M.), PELLET (A.), Droit international public, L.G.D.J, Paris, 2009, p.
44).
18 Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification, signée à Paris le 17 juillet 1994, disponible sur :
http://www.un.org/french/events/desertification/2008/convention.shtml.
19 Convention pour la protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée adoptée à Barcelone le 16 février
1976 suite au PAM de 1975, disponible sur http://www.unepmap.org.
20 MALJEAN-DUBOIS (S.), L’émergence du développement durable comme paradigme et sa traduction juridique sur
la scène internationale, VILLABLA (B.), Ed., Appropriations du développement durable. Emergences, diffusions,
16
voire une « matrice conceptuelle »21 que ne sauraient plus écarter les Etats lors de l'adoption d'un
instrument de droit international relatif à la protection de l'environnement.
La Cour internationale de justice (CIJ), appelée à apprécier la force obligatoire de cette
notion en 1997 dans l'affaire relative au projet de barrage sur le Danube a considéré que « le
concept de développement durable traduit bien cette nécessité de concilier développement
économique et protection de l'environnement »22, sans pour autant préciser s'il s'agissait d'une
obligation de droit international sur le fondement de laquelle un Etat pouvait être condamné. Plus
habituée à dégager des normes coutumières ou des principes généraux de droit que des concepts 23,
la CIJ aurait dû reconnaître le développement durable comme étant une règle coutumière du droit
international. Les Etats acceptant la juridiction de la CIJ pour un différend environnemental
international auraient dû avoir l'obligation de démontrer qu'ils ont tout mis en œuvre, dans la
mesure de leurs moyens, pour parvenir à la réalisation d'un développement durable24.
Le droit de l'UE pour sa part ne fut pas non plus insensible à l'émergence en droit des gens
de ce concept de développement durable. « [Œuvrant] pour le développement durable de l'Europe
fondé sur une croissance économique équilibrée […] et un niveau élevé de protection et
d'amélioration de la qualité de l'environnement »25, les institutions de l'UE se sont activement
engagées pour créer sur le continent européen les conditions d'un développement durable 26. Ainsi,
en matière marine par exemple, la Commission européenne n'hésite pas à proclamer pompeusement
que « la préservation de la suprématie européenne en matière de développement durable des
activités maritimes » doit continuer à être une réalité27. Partant, la stratégie pour le milieu marin de
l'UE28 exige des Etats membres qu'ils « tiennent dûment compte du développement durable »29
lorsqu'ils établissent les programmes de mesures destinés à conserver le « bon état écologique »30
des eaux marines de l'Union.
traductions, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2009, p. 67.
21 DUPUY (P.-M.), Où en est le droit international de l’environnement à la fin du siècle ?, Revue générale de droit
international public, avril 1997, p 886.
22 CIJ, arrêt du 25 septembre 1997, Projet Gabčíkovo-Nagymaros, Hongrie c/ Slovaquie, §140, Rec. pp. 77-78.
23 Désormais les développements se référeront au concept de développement durable.
24 La normativité de ce concept de développement durable ne fut en rien précisé par la CIJ : CIJ, arrêt du 20 avril 2010,
Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay, Argentine c/ Uruguay, Rec. p. 14.
25 Article 3 §3. TUE.
26 Communication de la Commission du 15 mai 2001, Développement durable en Europe pour un monde meilleur:
stratégie de l'Union européenne en faveur du développement durable, COM(2001) 264 fina, non publiée au journél
officiel ; Communication de la Commission du 13décembre 2005, Révision de la stratégie pour le développement
durable - Une plate-forme pour l'action, COM(2005) 658 final, non publiée au Journal officiel.
27 Communication de la Commission européenne du 7 juin 2006, Vers une politique maritime de l'Union : une vision
européenne des océans et des mers, COM (2006) 275 final, p. 7.
28 Directive 2008/56/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 établissant un cadre d’action
communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin (directive-cadre «stratégie pour le milieu
marin»), JOUE L 164 du 25 juin 2008, pp. 19-40.
29 ibidem. article 13 §3.
30 ibidem. article premier §3, et voir infra.
17
Cependant, à l'heure ou le sixième programme d'action pour l'environnement 31 s'achève32, un
débat vif est né entre les institutions européennes au sujet du développement durable. Le premier
pas dans cette discorde fut fait par la Commission européenne le 3 mars 2010 lorsque celle-ci publia
une communication intitulée : « Europe 2020 : une stratégie pour une croissance intelligente,
durable et inclusive »33. L'ambition de la Commission européenne n'apparaît plus ici comme étant le
développement durable, mais réside dans une croissance durable destinée à « promouvoir une
économie plus efficace dans l’utilisation des ressources, plus verte et plus compétitive »34.
Par la suite, le Parlement européen a adopté le 20 avril 2012 une proposition pour l'adoption
d'un septième programme d'action communautaire pour l'environnement. Une seule référence à un
« développement économique et social durable »35 sera faite dans cette proposition. Préférant parler
de « politiques de transports durables », d'« agriculture durable », de « gestion durable des
matériaux », de « production durable », de « caractère durable de l'espace foncier », de « gestion
durable des forêts » ou d'« utilisation durable des terres »36, le Parlement européen s'inscrit donc
dans l'esprit de la « Stratégie Europe 2020 » souhaitée par la Commission.
Si toutes ces appellations se rapprochent clairement du concept de développement durable,
le fait de ne pas nommer celui-ci directement ne sera pas sans impact politique dans le
développement du droit européen de l'environnement. Dans son avis du 25 avril 2012 sur ce
septième programme d'action communautaire pour l'environnement, le Comité économique et social
européen (CESE) fustige ce choix fait par la Commission et suivi par le Parlement 37. Après avoir
sévèrement dénoncé la « Stratégie Europe 2020 », le CESE « réitère ses critiques [...] et affirme
haut et fort, une fois de plus, qu'à son avis, laisser la stratégie en faveur du développement durable
se fondre quasiment dans la stratégie Europe 2020 est une erreur. [Il ajoute que] maintes fois, il a
présenté des arguments étayant son point du vue, sans susciter la moindre réaction de la part de la
Commission, du Conseil ou du Parlement »38.
Un débat semble donc ouvert : qu'adviendra-t-il du développement durable d'ici 2020 ?
L'abandon ou la refonte de celui-ci dans une action politique plus large ne serait pas sans
31 Décision du Parlement européen et du Conseil du 22 juillet 2002 établissant le sixième programme d'action
communautaire pour l'environnement (2002-2012), JOCE n° L 242 du 10 septembre 2002, pp. 1-15.
32 ibidem. article premier §3. : « Le programme couvre une période de dix ans à compter du 22 juillet 2002 ».
33 Communication de la Commission européenne du 3 mars 2010, Une stratégie pour une croissance intelligente, durable et
inclusive, COM(2010) 2020 final, pp. 39.
34 ibidem. p. 5.
35 Résolution du Parlement européen 2011/2194(INI) du 20 avril 2012 sur la révision du sixième programme d'action
pour l'environnement et la définition des priorités du septième programme d'action pour l'environnement, Un
environnement meilleur pour une vie meilleure, §71.
36 ibidem. respectivement §§13, 13, 23,27, 36, 41 et 60.
37 Avis du Comité économique et social européen NAT/538 du 25 avril 2012, 7e programme d'action pour
l'environnement et suivi du 6e PAE, Bruxelles, pp. 10.
38 ibidem. p. 6.
18
conséquence à l'heure ou les peuples européens commencent à s'engager pour l'environnement.
Bien plus qu'un slogan, le concept de développement durable est avant tout une méthode qui, pas à
pas, à fait son chemin dans les consciences collectives, parvenant à convaincre les défenseurs de la
nature et les créateurs de richesses d'agir ensemble.
Bien que la « Stratégie Europe 2020 » ne constitue en rien une rupture brutale avec le
concept de développement durable, il faudra toutefois que le Parlement et le Conseil, au moment
d'adopter ce septième programme pour l'environnement aient à l'esprit les conséquences politiques,
puis juridiques, et donc environnementales et économiques, de ce changement de cap, alors même
que le concept de développement durable s'adapte très bien aux sociétés contemporaines.
Si le concept même de développement durable est à préserver et développer c'est qu'il a su
s'insérer dans la logique cyclique de l'Histoire. Pour protéger l'environnement, nouvelle vocation
des Hommes, il est la solution la plus raisonnable et donc la plus efficace répondant aux deux
vocations historiques de l'humanité : l'évolution et la postérité. De tout temps en effet les humains
ont cherché à progresser intellectuellement ou matériellement, dans l'espoir de construire l'Histoire
en lui confiant gravité ou grandeur, pour que les générations futures s'en nourrissent ou en soient
fières. Le concept de développement durable est donc tout à fait adapté aux ambitions de nos
sociétés actuelles.
C'est dans cette optique que la Chapitre 17 de l'Agenda 21 39 proposa dès 1993 le concept de
gestion intégrée des zones côtières (GIZC) pour permettre la réalisation d'un développement
durable des espaces côtiers.
§3. Le concept de gestion intégrée des zones côtières, une réponse large pour des
préoccupations précises
Le concept de GIZC fut d'abord consacré par le droit international de l'environnement,
même s'il a vocation à être mis en œuvre à un échelon plus local. Développé lors la Conférence des
Nations Unies pour l'environnement et le développement tenue à Rio en 1992, le concept de GIZC
est appelé à participer à cette démarche de développement durable consacrée par la Déclaration de
Rio40.
Le Chapitre 17 de l'Agenda 2141 considère que « le milieu marin, y compris les océans et
39 op. cit. conférence des Nations Unies pour l'environnement et le développement, Action 21 – Déclaration de Rio sur
l'environnement et le développement, disponible sur : http://www.un.org/french/events/rio92/rio-fp.htm.
40 op. cit. Déclaration finale de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement réunie à Rio
du 3 au 14 juin 1992, disponible sur : http://www.un.org/french/events/rio92/rio-fp.htm.
41 op. cit. conférence des Nations Unies pour l'environnement et le développement du 3 au 14 juin 1992, Action 21–
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toutes les mers, et les zones côtières adjacentes, forme un tout et constitue un élément essentiel du
système permettant la vie sur Terre. C'est un capital qui offre des possibilités de développement
durable. [...] Cela suppose l'adoption de nouvelles stratégies de gestion et de mise en valeur des
mers et océans et des zones côtières aux niveaux national, sous-régional, régional et mondial,
stratégies qui doivent être intégrées et axées à la fois sur la précaution et la prévision, [comme par
exemple la] gestion intégrée et [le] développement durable des zones côtières, y compris de la zone
économique exclusive »42.
Outre la volonté de l'Agenda 21 de voir se créer sur les zones côtières les conditions
permettant un développement durable, la première difficulté pour les acteurs de la protection de
l'environnement sera de comprendre les buts de ce concept.
Deux groupes de termes sont en réalité à définir. Il faut en effet se demander en quoi
consiste la gestion intégrée, avant de déterminer les contours des zones côtières. Bien que le
concept de GIZC a été formulé pour la première fois par l'Agenda 21, celui-ci ne possède cependant
pas le monopole de la définition de ce concept. D'autres instruments de droit international, de droit
régional et de droit national ou local œuvrent également à la définition de ce concept43.
Dans un article traitant justement du concept de GIZC, Olivier LOZACHMEUR 44, décline la
gestion intégrée en cinq catégories45. S'appuyant sur des études relatives à la GIZC46 il estime que la
GIZC recoupe l'intégration des composantes spatiales, administratives, temporelles, sectorielles et
environnementales de la protection environnementale des zones côtières. Il s'agirait donc d'une mise
en commun des faits, des compétences et des ambitions relatives aux zones côtières, destinée à leur
protection et à leur développement.
Le Conseil de l'Europe, qui fut la première organisation internationale à s'intéresser pour
l'Europe au concept de GIZC, a fourni en 1999 une définition longue et complète de ce concept qui
fournit un point de vue intéressant sur l'idée d'une gestion intégrée des espaces côtiers. Ainsi selon
le Conseil de l'Europe la GIZC consisterait en « l'aménagement et l'utilisation durable des zones
côtières prenant en considération le développement économique et social lié à la présence de la
mer tout en sauvegardant, pour les générations présentes et futures, les équilibres biologiques et
42
43
44
45
46
Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement, disponible sur :
http://www.un.org/french/ga/special/sids/agenda21/.
ibidem. p. 124.
Voir infra.
Docteur en droit public, CERP3E, Faculté de droit de Nantes.
LOZACHMEUR (O.), Le concept de « gestion intégrée des zones côtières » en droit international, communautaire
et national, Le droit maritime français, mars 2005, pp. 262-263.
Nottamment KENCHINGTON (R.) et CRAWFORD (D.), On the meaning of Integration in coastal zone
management, Ocean and coastal management, volume 21, n° 1-3, 1993, pp. 114-115 ; BURDRIGE (P.), Planning
and management processes : sectoral and territorial cooperation, European demonstration programme on ICZM,
University of Newcastls ; 1999, pp. 5-6 ; DATAR, Construire ensemble un développement équilibré du littoral, La
documentation française, Paris ; 2004, pp. 129-130.
20
écologiques fragiles de la zone côtière et les paysages. […] [L]a mise en place d'une gestion
intégrée des zones côtières exige la création d'instruments institutionnels et normatifs assurant une
participation des acteurs et la coordination des objectifs, des politiques et des actions, à la fois sur
le plan territorial et décisionnel et impose de traiter les problèmes non pas au coup par coup mais
de façon globale et en tenant compte de l'interaction entre tous les éléments qui composent
l'environnement »47.
Au-delà donc de l'intégration de l'ensemble des éléments composant l'environnement côtier
dans la gestion des zones côtières, le concept de GIZC implique également la participation de
l'ensemble des acteurs, parties prenantes au développement durable des zones côtières. C'est donc
une logique de gouvernance environnementale que préconise ici le Conseil de l'Europe pour gérer
de façon intégrée les zones côtières. Malgré les débats nombreux sur la définition de la gouvernance
environnementale48, il est tout à fait possible de considérer la gouvernance environnementale
comme une démarche caractérisée par « l'élargissement du cercle des acteurs associés aux
processus décisionnels et [par] la recherche systématique de solutions de type consensuel »49.
Il apparaît finalement que sous l'appellation de gestion intégrée, le concept de GIZC
recherche une action concertée de l'ensemble des acteurs ayant un intérêt à la protection et/ou au
développement des zones côtières, prenant en compte toutes les données objectives inhérentes à
l'environnement naturel de cette zone côtière. Reste à savoir cependant ce qu'est, pour le concept de
GIZC, une zone côtière.
La tâche est tout aussi délicate pour définir la notion de zone côtière. Outre le sens courant
pouvant conférer à la zone côtière une signification semblable à celle de littoral, une zone côtière
doit être entendue comme étant la partie terrestre et maritime qui se situe de part et d'autre de la
jonction entre la terre et la mer lors de la marée la plus basse50.
La Convention de Barcelone sur la protection du milieu marin et du littoral de la
Méditerranée de 197651 peut donner, pour l'aspect juridique, une définition sinon courageuse au
moins exacte de cette notion de zone côtière. En effet, après avoir défini son champ d'application,
47 Conseil de l'Europe, Modèle de loi sur la gestion durable des zones côtières, Sauvegarde de la nature, n° 101,
Editions du Conseil de l'Europe, Strasbourg 1999, p. 13.
48 Voir par exemple LE BARS (B.), La gouvernance environnementale, Environnement, juin 2009, pp. 46-48.
49 CHEVALIER (J.), La gouvernance et le droit, Mélanges Paul Amselek, Bruylant, 2005, p. 189.
50 Colloque sur l'aménagement et la gestion intégrée des zones côtières : aspects juridiques, Boulogne-sur-Mer les 11,
12 et 13 mai 2000, Revue juridique de l'environnement, numéro spécial, 2001, pp. 320 ; et plus particulièrement
BLANQUET (M.) et DE GROVE-VALDEYRON (N.), Zone côtière et droit communautaire, p. 60 ; GHEZALI
(M.), Rapport national de la France l'aménagement et la gestion intégrée des zones côtières, pp. 177-213.
ROCHETTE (J.), thèse MESNARD (A.-H.) et TREVES (T.), Dir., Le traitement juridique d’une singularité
territoriale : la zone côtière. Étude en droit international et droit comparé franco-italien,, pp. 33-41, disponible sur :
tel.archives-ouvertes.fr/docs/00/17/24/10/PDF/These_J_Rochette_2007.pdf.
51 op. cit. Convention pour la protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée adoptée à Barcelone le 16
février 1976 suite au PAM de 1975, disponible sur : http://www.unepmap.org.
21
l'article premier §2. de la Convention de Barcelone précise que la zone côtière « peut être étendue
au littoral tel qu’il est défini par chaque Partie contractante pour ce qui la concerne ». La
définition de zone côtière n'est donc pas générale, elle ne peut émaner que de la définition qu'en
donnent les Etats possédant un littoral maritime52.
Généralement, les Etats ont tendance à considérer que leur bande littorale ou leur zone
côtière est constituée en mer jusqu'à la limite de leur mer territoriale 53, et à terre dans la partie dont
l'environnement, le climat météorologique et l'économie sont fortement influencés par la présence
proche de la mer54.
Le concept de GIZC consiste par conséquent à protéger et développer l'espace littoral
terrestre et marin en faisant coopérer tous les acteurs qui souhaitent y participer, tout en tenant
compte des impératifs environnementaux et juridiques de cet espace littoral. La GIZC est donc,
pour la bande littoral, au service du concept de développement durable.
Pour le développement durable en général, et pour la GIZC en particulier, l'UE a une place à
prendre en Méditerranée. Même si l'UE est consciente de l'intérêt qu'il y a à sauvegarder
l'environnement méditerranéen pour que les activités économiques et humaines des européens
continuent à prospérer dans le bassin méditerranéen, les préoccupations environnementales de
l'Union sont, dans l'histoire de sa construction, assez récente. C'est en tout cas ce qu'il faut avoir à
l'esprit lorsque les initiatives de l'Union en matière environnementale seront à analyser.
§4. La construction européenne, des préoccupations environnementales non originelles
mais non négligées
La prise en compte des impératifs environnementaux par l'UE n'est, à l'échelle de la
construction européenne, somme toute que très récente. En 1957, l'ambition du Traité de Rome 55
n'était en effet que de créer en Europe un large marché libéré de toute contrainte permettant le
52 GHEZALI (M.), Rapport général : « statut des espaces littoraux », Revue juridique de l'environnement, numéro
spécial, 2001, p. 32.
53 L'article 3 de la Convention de Montego Bay de 1982 sur le droit de la mer prévoit que « Tout Etat a le droit de fixer
la largeur de sa mer territoriale, cette largeur ne dépasse pas 12 milles marins mesurés à partir de lignes de base
établies conformément à la Convention », disponible sur : http://www.un.org/french/law/los/unclos/closindx.htm.
54 op. cit. Colloque sur l'aménagement et la gestion intégrée des zones côtières : aspects juridiques, Boulogne-sur-Mer
les 11, 12 et 13 mai 2000, Revue juridique de l'environnement, numéro spécial, 2001, pp. 320 ; et plus
particulièrement GHEZALI (M.), Rapport général : « statut des espaces littoraux », p. 32, pp. 40-44 ; BLANQUET
(M.) et DE GROVE-VALDEYRON (N.), Zone côtière et droit communautaire, p. 54-62.
55 Traité instituant la Communauté économique européenne, signé à Rome le 25 mars 1957, disponible sur http://eurlex.europa.eu/fr/treaties/index.htm.
22
développement productif et économique.
Avant que les institutions européennes ne deviennent réellement compétentes en matière
d'environnement, celles-ci avaient toutefois trouvé dans l'article 100 du Traité de Rome le moyen de
protéger les impératifs environnementaux européens. Consacré au rapprochement des législations
des différents Etats membres. Cet article 100 permettait au Conseil, sur proposition de la
Commission, d'arrêter des directives assurant une harmonisation des différents droits nationaux 56.
Le fait que le Conseil doive statuer à l'unanimité était également un gage de la volonté des Etats
membres à voir la la Communauté économique européenne (CEE) d'alors à statuer dans le domaine
environnemental.
Autre possibilité offerte aux institutions de la CEE pour légiférer en matière
environnementale alors que le Traité de Rome ne leur donnait pas cette compétence : l'article 235.
Précisant que « si une action de la Communauté apparaît nécessaire pour réaliser, dans le
fonctionnement du marché commun, l'un des objets de la Communauté, sans que le présent Traité
ait prévu les pouvoirs d'action requis à cet effet, le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition
de la Commission et après consultation de l'Assemblée, prend les dispositions appropriées ».
L'exemple le plus connu d'acte de droit dérivé ayant pour base légale l'article 235 du Traité CEE
n'est autre que la directive « Oiseaux » de 197957, témoin des préoccupations environnementales
latentes en Europe.
Pour mettre fin à cette position juridiquement inconfortable pour les institutions
européennes, les Etats membres dotent en 1986 la Communauté européenne d'une réelle
compétence environnementale. L'article 130 R de l'Acte Unique Européen 58 confère en effet une
compétence environnementale à la CEE, compétence partagée avec les Etats membres. Après cela,
tous les Traités bâtisseurs de l'Union européenne (UE), reprennent et précisent la compétence
européenne en matière d'environnement. Aujourd'hui, depuis l'entrée en vigueur du Traité de
Lisbonne le premier décembre 2009, la compétence environnementale européenne est contenue
dans les articles 191 à 193 du titre XX du Traité sur le fonctionnement de l'UE (TFUE) et relève
toujours d'une compétence partagée entre l'UE et ses Etats membres au titre de l'article 4 §2 e. du
Traité sur l'Union européenne.
56 Article 100 TCE : « Le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission, arrête des directives pour
le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres qui ont une
incidence directe sur l'établissement ou le fonctionnement du marché commun. L'assemblée et la Comité
économique et social sont consultés sur les directives dont l'exécution comporterait, dans un ou plusieurs États
membres, une modification de disposition législative », disponible sur : http://eur-lex.europa.eu/fr/treaties/index.htm.
57 Directive 79/409/CEE du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages,JOCE L 103 du
25 avril 1979 pp.1-18.
58 Acte Unique Européen, signé à Luxembourg le 17 février 1986 et à la Haye le 28 février 1986, disponible sur
http://eur-lex.europa.eu/fr/treaties/index.htm.
23
Cette compétence des institutions européennes dans le domaine de la protection de
l'environnement n'est donc apparue que tardivement dans l'histoire de la construction européenne.
Cependant, à l'échelle de l'histoire du droit international de l'environnement, si cet article 130 R de
l'Acte Unique Européen apparaît près de quinze ans après la Déclaration de Stockholm de 1972 59,
elle apparaît six ans avant la Déclaration de Rio de 199260 qui acte avec plus d'ampleur le
commencement des ambitions environnementales sur la scène internationale.
Il ne serait donc pas légitime de reprocher à la construction européenne cette compétence
environnementale tardive, il faudra toutefois garder cela à l'esprit lorsqu'il s'agira d'examiner les
préoccupations de la CEE puis de l'UE à l'égard de leurs zones côtières.
Il est donc aisément compréhensible que l'UE n'ait pas pu immédiatement prendre à bras le
corps le dossier du développement durable en Méditerranée par la mise en place de projets de
GIZC. L'environnement méditerranéen n'en fut pas oublié pour autant, puisque des organisations
plus modestes que l'UE, à l'instar de l'Accord RAMOGE, ont fait de la protection du bassin
méditerranéen leur objectif principal.
§5. L'Accord RAMOGE, la protection de l'environnement méditerranéen notamment par le
développement durable et la gestion intégrée des zones côtières
En 1970, le Prince Rainier III de Monaco, averti de la nécessité de protéger la mer
Méditerranée par l'action concertée des pays limitrophes de la Principauté, formule le souhait lors
d'une assemblée plénière de la Commission Internationale pour l'Exploration Scientifique de la
Méditerranée de voir les efforts français, italiens et monégasques concentrés dans un dessein
environnemental commun61. A cette fin, le 10 mai 1976, la France, l'Italie et Monaco signent à
Monaco un accord relatif à la protection de l'environnement marin et côtier d'une zone de la mer
Méditerranée : l'Accord RAMOGE62.
A l'origine, il s'agissait de protéger l'espace marin et côtier situé entre la ville française de
Saint Raphaël et la ville italienne de Gênes en passant par la Principauté de Monaco. L'Accord de
1976 doit alors son nom à la première syllabe de ces trois villes, Saint-RAphaël, MOnaco et
59 Déclaration finale de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement réunie à Stockholm du 5 au 16 juin 1972,
disponible sur : http://www.unep.org.
60 op. cit. déclaration finale de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement réunie à Rio
du 3 au 14 juin 1992, disponible sur : http://www.un.org/french/events/rio92/rio-fp.htm.
61 http://ramoge.org/fr/historique.aspx.
62 Disponible sur http://www.ramoge.org/documents/accord.pdf.
24
GEnes : RAMOGE.
En 1993 les trois Etats parties à l'Accord RAMOGE étendent le champ d'application de
l'Accord à la haute mer63 en se lançant dans le plan RamogePol, défini par un texte signé à Monaco
par les trois Parties le 11 janvier 200564. L'objectif pour l'Accord RAMOGE est alors « d’établir un
plan d’intervention pour la lutte contre les pollutions marines accidentelles en Méditerranée »65.
Pour donner un nouveau souffle au plan RamogePol, les trois Etats parties envisagent aujourd'hui
de mettre au point une coopération entre les magistrats français, italiens et monégasques appelés à
lutter ensemble contre les rejets polluants des navires.
L'Accord RAMOGE fut en outre amendé le 27 novembre 2003 en vue de répondre aux
nouvelles exigences environnementales imposées par l'espace méditerranéen lui-même 66. Désormais
la Zone67 RAMOGE s'étend de Marseille à La Spezia, et l'article 3 de l'Accord précise que « la
Commission RAMOGE a pour mission d'établir une collaboration plus étroite entre les services
compétents des Gouvernements des trois Parties et des collectivités territoriales en vue de prévenir
et lutter contre les pollutions et les dégradations de l'environnement marin et côtier, de préserver la
biodiversité et de constituer une zone pilote en Méditerranée pour la réalisation de ces objectifs ».
Lors du trentième anniversaire de la création de l'Accord RAMOGE, le Prince Albert II de
Monaco rappelait qu'« en trente années d’activités, RAMOGE s’est forgé une solide expérience
dans son domaine d’action prioritaire, à savoir, la lutte contre les pollutions marines et littorales.
Au delà de cette activité phare, l’Accord s’est également très largement investi en matière de
protection de la biodiversité et de sensibilisation des jeunes à l’environnement »68.
En matière de protection de la mer Méditerranée, l'Accord RAMOGE s'illustre également
dans le domaine du développement durable, notamment en proposant une GIZC de la Zone
RAMOGE69. Comme pour toutes ses actions, l'Accord RAMOGE n'envisage de traiter la GIZC que
dans l'objectif de devenir une zone pilote de la mise en application de ce concept.
63 Accord RamogePol §1.2, disponible sur http://ramoge.org/fr/ramogepol.aspx.
64 Ce plan RamogePol s'inscrit dans l'esprit qui anime la Convention pour la prévention de la pollution par les navires,
dite Convention MARPOL, signée à Londres le 2 novembre 1973. Comme le plan RamogePol, la Convention
MARPOL a pour but de lutter contre les rejets en mer par les navires de substance nocives.
65 op. cit. http://ramoge.org/fr/ramogepol.aspx.
66 SCOVAZZI (T.), La révision de l'Accord RAMOGE, Annuaire de droit maritime et océanique, janvier 2004, pp. 107112.
67 L'Accord Ramoge fait bien référence dans son article 2 à la Zone RAMOGE pour définir son champ d'application.
La majuscule au mot zone ne doit pas créer de confusion avec la Zone du droit international de la mer dont traite
l'article premier de la Convention de Montego Bay précisant qu'elle « on entend par « Zone » les fonds marins et
leur sous-sol au-delà des limites de la juridiction nationale » (Convention des Nations Unies sur le droit de la mer,
adoptée
à
Montego
Bay
le
10
décembre
1982,
disponible
sur :
http://www.un.org/french/law/los/unclos/closindx.htm).
68 Allocution de S.A.S le Prince Albert II de Monaco du 9 mai 2006, disponible sur
http://ramoge.org/Documents/discours_sas_9mai06.pdf.
69 http://ramoge.org/fr/presentation_gizc.aspx.
25
Il semble donc que l'ambition première de l'Accord soit de faire de sa Zone de compétence
une zone pilote de la protection de la mer Méditerranée. Une sorte d'espace modèle de ce qui doit
être fait en matière de développement durable et de GIZC dans l'ensemble de la Méditerranée.
§6. L'objet traité, les politiques de développement durable de l'Union européenne en
Méditerranée et le rôle pilote joué par l'Accord RAMOGE en matière de gestion intégrée
des zones côtières
Après avoir pris conscience de l'importance de l'UE dans la suite à donner à l'Histoire de la
Méditerranée, il est apparu que cette nouvelle page à écrire pourrait être dictée par le concept de
développement durable. Les préoccupations environnementales de l'UE, certes assez récentes mais
très affirmées, font de l'UE et de son peuple l'un des espaces les plus acquis aux impératifs
environnementaux. Dans ce concert européen pour l'environnement, d'autres voix s'élèvent, comme
par exemple celle de l'Accord RAMOGE, pour œuvrer en commun au développement durable de la
Méditerranée.
Dans le cadre des relations entre les projets de l'Accord RAMOGE et la politique de
développement durable de l'UE en Méditerranée, pourrait légitimement se poser la question des
rapports entretenus entre la Principauté de Monaco, pays non membre de l'UE, et le droit européen
relatif au développement durable des espaces marins.
La Principauté de Monaco et l'UE ayant toujours eu d'excellentes relations, notamment en
matière économique70, le droit monégasque accepte assez facilement de s'adapter aux exigences
juridiques de ses voisins, et notamment de la France, sans quoi le Rocher se trouverait très vite
isolé. Il est donc certain que dans le cadre de l'Accord RAMOGE, qui réunit deux pays fondateurs
de l'UE, la Principauté de Monaco saura s'adapter au droit de l'UE en matière de développement
durable.
Cette précision est importante car le développement durable moteur de l'action
environnementale de l'UE est forcément marqué de l'empreinte européenne, lui conférant ainsi une
forte identité. Le concept de GIZC, accomplissement du développement durable pour les zones
côtières héritera lui aussi nécessairement de cette identité européenne.
Dans la Zone RAMOGE, l'Accord ne pourra pas faire fi du poids de l'UE en matière de
développement durable s'il souhaite devenir une zone pilote européenne de la GIZC
méditerranéennes. Il s'agira donc ici de se demander comment l'UE parvient à créer les conditions
70 L'euro est par exemple la monnaie utilisée à Monaco.
26
d'un développement durable en Méditerranée notamment grâce aux projets de GIZC menés par
l'Accord RAMOGE.
La réponse à cette interrogation réside certainement dans le fait que l'UE est parvenue à
s'approprier le concept de GIZC en lui offrant une identité européenne, ce qui permettra à la GIZC
de s'adapter d'autant mieux aux exigences européennes du bassin méditerranéen en matière de
développement durable (Première partie). De la même façon, si l'Accord RAMOGE parvient à être
une zone pilote européenne de la GIZC en Méditerranée, créant les conditions d'un développement
durable méditerranéen, c'est qu'il aura su mettre en œuvre, à sa façon, l'identité européenne de ce
concept de GIZC (Seconde partie).
27
PREMIERE PARTIE :
UNE IDENTITE ORIGINALE DU CONCEPT DE GESTION
INTEGREE DES ZONES COTIERES TAILLEE AUX
MESURES DE L’UNION EUROPEENNE
28
29
Echapper à l'omniprésence de l'initiative internationale en matière de protection de
l'environnement n'est pas une tâche évidente pour une organisation internationale régionale telle que
l'UE. La construction européenne doit être une voix indépendante et audible au milieu de dizaines
d'autres, fière des ses ambitions environnementales. Sans rester aveuglée face aux propositions
audacieuses du droit international de l'environnement, il n'en demeure pas moins que l'UE doit
marquer de son empreinte la protection des intérêts environnementaux. Proposé par le Chapitre 17
de l'Agenda 21 en 199271, le concept de GIZC ne peut demeurer une idée conceptuelle et doit
devenir une action concrète. Afin de bâtir ce projet de GIZC européennes, l'UE a su trouver en ellemême les ressources nécessaires pour s'approprier ce concept, fruit du travail du droit international
de l'environnement (Ch. Premier). Par la suite, cette démarche européenne d'appropriation du
concept de GIZC sera mis en œuvre de façon originale par les institutions de l'Union, n'hésitant pas
à se référer à nouveau au droit international dont elle avait eu tant de mal à se démarquer (Ch.
Second).
CHAPITRE PREMIER : UNE APPROPRIATION EUROPENNE REUSSIE DU CONCEPT DE
GESTION INTEGREE DES ZONES COTIERES
L'émancipation européenne fut longue en matière de GIZC, et le droit international de
l'environnement est longtemps resté sous-jacent lorsque les institutions de l'Union eurent à
s'approprier ce concept de issu du droit international (Section première). N'ayant cependant rien
d'exceptionnel, le processus européen d'appropriation du concept de GIZC demeure une réussite
pour le droit européen de l'environnement (Section seconde).
71 op. cit. Agenda 21 adopté à Rio lors de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement de
1992.
30
SECTION PREMIERE : UN SEVRAGE LONG ET DIFFICILE DE L'UNION EUROPEENNE A
L'EGARD DU CONCEPT DE DROIT INTERNATIONAL DE GESTION INTEGREE
DES ZONES COTIERES
Sherpa du droit international de l'environnement, l'UE restera toujours en retrait des
pérégrinations intellectuelles du concept de GIZC (§2.), se contentant de suivre de loin l'élaboration
conceptuelle d'un projet qui, au moins dans sa genèse, lui échappa volontairement (§1.).
§1. Une attitude européenne circonspecte dans le développement international du concept
Malgré la compatibilité entre d'une part l'approche écosystémique promue par le droit
international de l'environnement à laquelle répond le concept de GIZC et d'autre part les ambitions
politiques de la construction européenne (A.), il s'avère que cette dernière est toutefois restée très en
marge du développement, en droit international, du concept de GIZC (B.).
A. La Compatibilité évidente des ambitions européennes avec l'approche
écosystémique de la gestion intégrée des zones côtières
Dès 1972 le droit international de l'environnement et le Principe 2 de la Déclaration de
Stockholm72 ont considéré l'approche écosystémique comme la méthode la plus efficace pour
répondre aux impératifs environnementaux. Selon Agathe VAN LANG 73, les écosystèmes se
définissent comme « des ensembles cohérents dont toutes les composantes sont interdépendantes»74.
Le droit international n'envisage donc pas que l'environnement, entité large voire absolue au
demeurant, puisse être protégé de façon morcelée, partielle et incomplète. Si l'action peut être
ciblée, elle devra tenir compte de l'ensemble de l'espace dans lequel elle s’insère.
Afin d'illustrer l'importance de cette approche écosystémique, citons par exemple la
72 op. cit. Déclaration finale de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement réunie à Stockholm du 5 au 16
juin 1972. Le Principe 2 énonce que : « Les ressources naturelles du globe, y compris l'air, l'eau, la terre, la flore et
la faune, et particulièrement les échantillons représentatifs des écosystèmes naturels, doivent être préservés dans
l'intérêt des générations présentes et à venir par une planification ou une gestion attentive selon que de besoin ».
73 Professeure à l'Université de Nantes.
74 op. cit. VAN LANG (A.), Droit de l'environnement, p. 18.
31
Convention de Ramsar de 197175 qui impose une utilisation tant rationnelle des zones humides que
respectueuse des équilibres écosystémiques. De même, la Convention sur la diversité biologique de
199276 fut la première Convention internationale à imposer aux Etats d'adopter une approche
écosystémique s'ils souhaitaient agir pour la protection de l'environnement. Dans un cadre plus
spécifiquement maritime, la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, dite Convention
de Montego Bay de 198277, prévoit dans son préambule, ainsi que dans ses principes généraux et ses
principes fondamentaux relatifs à la protection du milieu marin, que « les problèmes des espaces
marins sont étroitement liés entre eux et doivent être envisagés dans leur ensemble »78. Enfin, et
comme souvent en droit international, de nombreux instruments de droit non obligatoires
reprennent pour le milieu marin ce traitement écosystémique des impératifs environnementaux79.
Puisqu'il faut néanmoins assurer « la protection des écosystèmes dans l'intérêt des
générations présentes et futures »80, on ne saurait imaginer que la protection et le développement
des activités humaines soient exclus de cette approche écosystémique. Détachée de l'aspect
purement environnemental et scientifique, l'approche écosystémique doit pouvoir s'étendre à tous
les acteurs qui bénéficient de l'environnement et participent ou influent sur son fonctionnement, sur
son système. Dans un sens plus large donc, l'approche écosystémique doit être en mesure d'englober
non seulement l'ensemble du fonctionnement naturel de l'environnement mais sans oublier d'y
intégrer les activités que l'Homme mène grâce à lui.
L'inspiration première de la construction européenne fût d'« établir les fondements d'une
union sans cesse plus étroite entre les peuples européens » et d'« assurer par une action commune
le progrès économique et sociale », elle s'est alors fixée « pour but essentiel […] l'amélioration
constante des conditions de vie et d'emploi » du peuple européen81. Ainsi, permettre aux activités
humaines de prendre part à la protection de l'environnement grâce à l'approche écosystémique n'est
75 Convention relative aux zones humides d'importance internationale, particulièrement comme habitats des oiseaux
d'eau, adoptée à Ramsar le 2 février 1971, disponible sur : http://www.ramsar.org.
76 Convention des Nations Unies sur la diversité biologique, adoptée à Rio le 5 juin 1992, disponible sur
http://www.cbd.int/doc/legal/cbd-fr.pdf.
77 op. cit. Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, adoptée à Montego Bay le 10 décembre 1982,
disponible sur : http://www.un.org/french/law/los/unclos/closindx.htm.
78 Troisième paragraphe du Préambule de la Convention de Montego Bay.
79 Voir par exemple la déclaration de Stockholm de 1972 de la Conférence des Nations Unies sur le développement
humain (Principes 2, 4, 7 et 21) ; la Charte mondiale de la nature de 1982 (Principes généraux 2 et 30) ; le Code de
conduite de la FAO, pour une pêche responsable de 1995 ; la Déclaration de Reykjavik sur une pêche responsable
dans l'écosystème marin (Rapport de la FAO sur la pêche n° 658, Rome, 2002, appendice I.) ; le Plan de mise en
œuvre du Sommet mondial pour le développement durable de Johannesburg de 2002 prévoyant d'appliquer pour
2010 une approche écosystémique et une gestion intégrée des côtes et des océans ; la déclaration du Millénaire et
Sommet mondial de 2005 ou l'Assemblée générale des Nations Unies insistait sur une gestion intégrée et une mise
en valeur durable des océans et des mers (document final du Sommet mondial, résolution 60/1, §56.1).
80 Voir notamment le Principe 2 de la Déclaration de la Conférence de Stockholm de juin 1972 ou le considérant 9 du
Préambule de la Charte mondiale de la nature du 28 octobre 1982.
81 Préambule in limine du Traité instituant la Communauté économique européenne du 25 mars 1957, disponible sur :
http://eur-lex.europa.eu/fr/treaties/index.htm.
32
en rien contradictoire avec les ambitions humanistes et économique que se sont fixés les peuples
européens dès 1957. L'esprit dans lequel la construction européenne fût lancée est donc totalement
compatible avec l'approche écosystémique promue par le droit international de l'environnement dès
1972.
Au-delà même de cette vocation européenne de considérer les activités humaines et
économiques comme le centre de ses intérêts, l'approche écosystémique que le droit international
appelle de ses vœux ne saurait aller à l'encontre du concept de développement durable. En effet, si
le Principe 7 de la déclaration de Rio 82 rappelle que « les Etats doivent coopérer dans un esprit de
partenariat mondial en vue de conserver, de protéger et de rétablir la santé et l'intégrité de
l'écosystème terrestre », il ne faut pas oublier que, dans un esprit de développement durable, les
préoccupations environnementale ne sauraient faire fi des activités humaines83.
Le concept de GIZC, en ce qu'il prône un vision intégrée des questions environnementales,
participe également à cette approche écosystémique. Il est donc parfaitement applicable à une
organisation politique en construction qui, prétendant à un idéal humaniste et à des objectifs
économiques à l'instar de la construction européenne, souhaiterait protéger l'environnement.
Mais dans ce bouillonnement d'ambitions politiques et intellectuelles à l'échelle
internationale et européenne, l'Europe ne réussira que peu l'alchimie entre ses ambitions
économiques et humaines d'une part et sa nécessaire participation au développement du droit
international de l'environnement d'autre part, ne gardant qu'un regard lointain, voire passif, sur
l'affûtage international du concept de GIZC.
B. La participation passive de l'Union européenne au développement en droit
international du concept de gestion intégrée des zones côtières
Avant que le concept de GIZC ne soit largement proposé par le Chapitre 17 de l'Agenda
2184, celui-ci fut développé tant par les organisations internationales que les agences des Nations
Unies85. En Europe par exemple, la première pierre d'une GIZC européennes fut posée non pas par
82 op. cit. Déclaration finale de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement réunie à Rio
du 3 au 14 juin 1992.
83 Voir notamment le Principe 4 de la déclaration de Rio : « Pour parvenir à un développement durable, la protection
de l'environnement doit faire partie intégrante du processus de développement et ne peut être considérée
isolément ».
84 op. cit. Agenda 21 adopté à Rio lors de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement de
1992.
85 LOZACHMEUR (O.), Le concept de « gestion intégrée des zones côtières » en droit international, communautaire
et national, Le droit maritime français, mars 2005, p. 259.
33
la CEE d'alors, mais par le Conseil de l'Europe, et ce dès 1973 86. A la suite de cette initiative 87,
l'OCDE s'engagea également en faveur d'une GIZC en 197688.
Puis, dès 1992, ce mouvement de cristallisation de la GIZC s'accentuera. Si les organisations
internationales telles l'OCDE et la banque mondiale 89 ou les agences des Nations Unies comme le
PNUE ou la FAO90 ont continué à faire progresser le concept de GIZC, le droit des gens lui-même
ne cessera de le définir et de l'affiner. En 1992 déjà, les Etats parties à la Convention cadre des
Nations Unies sur les changements climatiques91 s'engageront par l'article 4-e à « concevoir et à
mettre au point des plans appropriés et intégrés pour la gestion des zones côtières ». Sur cette
lancée, les Parties à la Convention sur la diversité biologique de 1992 adoptent en 1995 le « mandat
de Jakarta » en vue d'agir pour une « gestion intégrée des zones marines et côtières » qui
représentent selon elles le « cadre le plus approprié pour s'attaquer au problème de l'incidence des
activités humaines sur la diversité biologique marine et côtière et favoriser la conservation et
l'utilisation durable de cette diversité »92. De même, en 1996, les Etats signataires de la Convention
de Ramsar adopteront une recommandation invitant les Etats à « appliquer des principes de
planification stratégique et de GIZC comme préalable à toute prise de décision concernant la
conservation et l'utilisation rationnelle des zones humides côtières »93.
86 Conseil de l'Europe, Résolution du 26 octobre 1973 relative à la protection des zones côtières, n° (73) 29.
87 DEJEANT-PONS (V.-M.), Les activités du Conseil de l'Europe en matière de protection de la diversité biologique
et paysagère, concernant en particulier les espaces côtiers et marins de la Méditerranée et de la mer Noire, Revue
générale de droit international public, 1999, p.946 ; PRIEUR (M.), Modèle de la loi sur la gestion durable des zones
côtières, CO-DBP (99) 2, 3ème réunion, Genève, 19 avril 1999, Conseil de l'Europe ; CHEVALIERAS (V.-C.), Le
Conseil de l'Europe et l'environnement, thèse PRIEUR (M.), Dir., CRIDEAU-Université de Limoges 2002, Les axes
directeurs stratégiques en matière d'écosystèmes côtiers, pp. 184 à 193.
88 OCDE, Recommandation du conseil du 12 octobre 1976 sur les principes relatifs à la gestion des zones côtières,
C(76)-161-Final.
89 OCDE, Gestion des zones côtières-Politiques intégrées, Les Editions de l'OCDE, Paris, 1993 ; pp. 140 ; POST (J.),
LUNDIN (C.), Guideleines for integrated coastal zone management, Environmentally sustainable development
studies and monographs, n° 9, The World Bank, Washington, 1996, pp. 28.
90 PNUE, Directives concernant la gestion intégrée des zones littorales, avec une référence particulière au bassin
méditerranéen, Rapports et études des mers régionales, n° 161, Plan d'action pour la Méditerranée, Split, 1995, pp.
99 ; FAO, Integrated coastal area management and agriculture, forestry and fisheries, FAO Guideleines, Rone,
1998, pp. 251.
91 Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, adoptée à New-York le 9 mai 1992,
disponible sur : http://unfccc.int/resource/docs/convkp/convfr.pdf.
92 Conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique, Décision II-10 relative à la conservation et à
l'utilisation durable de la diversité biologique marine et côtière, Jakarta, 1995, disponible sur www.biodiv.org. En
1998 une seconde décision vient compléter le « mandat de Jakarta » (Conférence des Parties à la Convention sur la
diversité biologique, Décision IV-5 relative à la conservation et à l'utilisation durable de la diversité biologique
marine et côtière et programme de travail, Bratislava, 1998) avant d'être modifié en 2004 par la 7ème réunion de la
Conférence des Parties de février 2004 pour le prolonger jusqu'en 2010 (Conférence des Parties à la Convention sur
la diversité biologique, Décision VII-5 relative à la diversité biologique marine et côtière, Kuala Lumpur, 2004).
93 Conférences des Parties contractantes à la Convention de Ramsar sur les zones humides, Recommandation VI-8
relative aux plans stratégiques pour les zones humides côtières, 6ème session, Brisbane, Australie, 19-27 mars 1996,
pp. 2. Plus tard, en 2002, la même Conférence des Parties veillera à intégrer la question des zones humides aux
impératifs de GIZC (Conférence des Parties contractantes à la Convention de Ramsar sur les zones humides,
Résolution VIII-4 relative aux principes et lignes directrices pour inscrire les questions relatives aux zones humides
dans la gestion intégrée des zones côtières, 8ème session, Valence, Espagne, 18-26 novembre 2002, pp. 38,
disponible sur www.ramsar.org.
34
Toutefois, dans cette effervescence juridique internationale d'un concept de GIZC qui se
cherche encore, il est nécessaire de se demander pourquoi l'UE, ou la Communauté de l'époque, n'a
pas participé davantage94 à cette « fortune remarquable »95 dont a bénéficié ce concept. Que la
critique puisse être formulée à l'égard de l'UE peut d'ailleurs agacer certains, qui considèrent à juste
titre sûrement « que [le fait que] la Communauté l'[ait] fait prudemment décevra sans doute les
plus volontaristes, ceux qui aiment le droit dur au point de le préférer encore même lorsqu'il ne
s'applique pas »96.
Partant, la critique à l'égard des institutions communautaires des années 1980 et 1990 seraitelle cependant justifiée ?
Il es nécessaire tout d'abord de rappeler que si les préoccupations environnementales en
Europe sont anciennes ou originelles dans l'histoire de la construction européenne, la compétence
environnementale de la Communauté n'est apparue qu'en 1986 avec l'Acte unique. En Europe donc,
la compétence environnementale de la Communauté puis de l'Union, n'est apparue que près de
quinze ans après que le Conseil de l'Europe n'ait fait le premier pas en matière de GIZC sur le
continent.
Il est toutefois important de remarquer que, dès 1976, la CEE a signé la Convention de
Barcelone97 et qu'elle la ratifiera le 16 mars 1978 même si son entrée en vigueur n'aura lieu que le 9
juillet 200498. Or l'article 4-3-e de la Convention de Barcelone dispose depuis 1995 99 que les Parties
« s'engagent à promouvoir la gestion intégrée du littoral en tenant compte de la protection des
zones d'intérêt écologique et paysager et de l'utilisation rationnelle des ressources naturelles ». La
CEE n'est donc pas restée totalement inactive en matière de GIZC dans les années 1990 alors même
que ce concept se développait encore à l'échelle internationale. Ainsi les critiques pouvant être
formulées à l'endroit de la CEE et de l'Union en matière de GIZC ne sont que peu recevables, même
si la construction européenne aurait pu faire montre de plus d'initiatives que la simple ratification
d'un accord international lui proposant de gérer de façon intégrée ses zones côtières.
D'ailleurs, cette attitude européenne en matière de GIZC, à savoir l'adhésion à un instrument
94 L'Union européenne n'est en effet partie pas partie à la Convention de RAMSAR, elle n'est ici partie qu'à la
Convention de 1992 sur la diversité biologique.
95 PRIEUR(M.) et GHEZALI (M.), Législations nationales relatives à l'aménagement et à la gestion des zones
côtières en Méditerranée et propositions de lignes directrices, Plan d'action pour la Méditerranée CAR/PAP, Split,
2000, p. 13 ; disponible sur : www.pap-thecoastcentre.org.
96 MONEDIAIRE (G.), Politique et droit communautaire des zones côtières, Environnement, octobre 2008, p. 21. Il
est vrai que si le droit international fut pionnier en matière de GIZC, la grande majorité des instruments de droit qui
en traitent n'ont pas de force obligatoire, à l'instar de l'Agenda 21 ou des différentes Déclarations, Recommandations
ou Décisions des Conférences internationales.
97 op. cit. Convention pour la protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée adoptée à Barcelone le 16
février 1976 suite au PAM de 1975, disponible sur : http://www.unepmap.org.
98 Voir le tableau récapitulatif des signatures et ratifications de la Convention de Barcelone disponible sur :
http://www.unepmap.org
99 Amendement à la Convention de Barcelone de 1995 consécutive à l'adoption de la phase 2 du PAM.
35
de droit international tentant de proposer et mettre en œuvre ce concept, sera caractéristique de la
relation établie par les institutions européennes entre le droit européen de l'environnement d'une part
et le droit international de l'environnement en matière de GIZC d'autre part. Dans cette
confrontation de deux ordres juridiques qui se développent mutuellement pour protéger
l'environnement, les normes européennes en matière de GIZC seront pendant longtemps très, ou
trop, influencées par le droit des gens.
§2. L'impact fort du droit international dans les programmes d'action communautaire
Longtemps fortement influencé par le droit international, notamment au travers des
programmes d'action pour l'environnement (A.), le droit de l'UE ne parviendra que tardivement à
s'engager dans la voie d'un processus d'appropriation européenne du concept de GIZC (B.).
A. Les répliques européennes sur le modèle des initiatives internationales du
concept de gestion intégrée des zones côtières
« De très nombreux organismes internationaux se préoccupent actuellement, à des titres
divers, des problèmes d'environnement. La Communauté suivra leurs travaux avec d'autant plus
d'intérêt que les mesures proposées et les procédures mises en œuvre sont, dans la majeure partie
des cas, susceptibles d'influer sur le fonctionnement du marché commun, les intérêts économiques
de la Communauté et de ses États membres et sur les échanges internationaux en général, et
qu'elles relèvent souvent de la compétence de la Communauté »100. Le ton semble ainsi être donné
dès le départ avec le premier programme communautaire d'action pour l'environnement (19731976)101 : les projets de protection de l'environnement élaborés à l'échelle internationale seront
surveillés de près car susceptibles de distordre les objectifs économiques de la Communauté.
L'attitude de méfiance de la Communauté à l'égard des projets environnementaux lui donne dès lors
une posture très passive puisqu'elle « suivra les travaux » du droit des gens, au lieu d'y participer.
Qu'il s'agisse cependant pour eux d'observer de loin et avec circonspection l'émergence du
100Chapitre 2 du Titre 2 premier programme d'action des Communautés européennes en matière d'environnement, voir
les références à la note suivante.
101Déclaration du Conseil des Communautés européennes et des représentants des gouvernements des Etats membres réunis
au sein du Conseil du 22 novembre 1973 concernant un Programme d'action des Communautés européennes en matière
d'environnement (1973-1976), JOCE n° C 112 du 20 décembre 1973.
36
concept de GIZC, ou qu'ils cherchent par « petits pas »102 à rendre celui-ci compatible avec les
obligations internationales et les objectifs politiques de la Communauté, la première attitude des
programmes d'action communautaire pour l'environnement à propos du concept de GIZC sera de
reprendre vaguement les propositions avancées par le droit international à son sujet.
Ainsi, le deuxième programme d'action pour l'environnement (1977-1981) 103, entièrement
axé sur l'action préventive, sera innervé du résultat des travaux effectués en matière de protection
des zones côtières par le Conseil de l'Europe et l'OCDE 104. De même, bien que le troisième
programme d'action communautaire pour l'environnement (1981-1986) 105 use pour la première fois
de l'expression « gestion intégrée des régions particulièrement sensibles […] telles que les régions
côtières »106, aucune définition ou explication ne sera donnée à ce concept de « gestion intégrée »,
comme si la Communauté d'alors avait découvert dans le droit international un outil intéressant,
sans toutefois en envisager l'utilisation.
C'est avec le quatrième programme d'action pour l'environnement (1987-1992) 107, toujours
structurellement très influencé par le droit international 108, que les institutions de la CEE admettront
que leurs ambitions environnementales peuvent également passer par une gestion intégrée de leurs
zones côtières. S'appuyant sur les travaux de la Conférence des régions périphériques maritimes 109,
et plus particulièrement sur la Charte européenne du littoral 110 approuvée par le Parlement européen
102 En référence à la stratégie des « petits pas » voulue par Jean MONNET pour la construction européenne.
103Résolution du Conseil des Communautés européennes et des représentants des gouvernements des Etats membres
réunis au sein du Conseil du 17 mai 1977 concernant la poursuite et la réalisation d'une politique et d'un programme
d'action des Communautés européennes en matière d'environnement (1977-1982), JOCE n° C 139 du 13 juin 1977, pp.
1–46.
104Le paragraphe 130 du deuxième programme d'action des Communauté européennes en matière d'environnement
précise qu'au sujet des zones côtières il faut se référer aux : « travaux concernant l'aménagement et la gestion écologique
du littoral européen, menés par la Commission dans le cadre du programme d'action de 1973, ainsi que les travaux menés dans
le même domaine par différents organismes internationaux, notamment par l'Organisation de coopération et de développement
économique (OCDE) et le Conseil de l'Europe, ont défini les problèmes spécifiques des régions côtières et souligné l'urgence de
la mise en oeuvre de solutions au niveau international ».
105Résolution du Conseil des Communautés européennes et des représentants des gouvernements des Etats membres
réunis au sein du Conseil du du 7 février 1983 concernant la poursuite et la réalisation d'une politique et d'un
programme d'action des Communautés européennes en matière d'environnement (1982-1986), JOCE n° C 46 du
février 1983, pp. 1-22.
106ibidem, paragraphe 26 intitulé « Gestion rationnelle de l'espace ».
107Résolution du Conseil des Communautés européennes et des représentants des gouvernements des États membres,
réunis au sein du Conseil du 19 octobre 1987, concernant la poursuite et la réalisation d'une politique et d'un
programme d'action des Communautés européennes en matière d'environnement (1987-1992), JOCE n° C 328 du 3
décembre 1987, pp. 1-44.
108ibidem voir notamment le point 7 p. 36.
109« Interlocutrice des Institutions européennes et des Gouvernements nationaux, la [Conférence des Régions
Périphériques Maritimes (CRPM)] agit, depuis 1973, pour que les besoins et les intérêts de ses Régions membres
soient pris en compte dans toutes les politiques qui ont un fort impact territorial. En particulier, la CRPM met tout
en œuvre pour une politique régionale européenne forte destinée à toutes les régions d’Europe, et parallèlement,
pour la mise en œuvre d’une politique maritime intégrée qui puisse contribuer à la croissance économique en
Europe. La Conférence des Régions Périphériques Maritimes est indépendante des institutions communautaires ».
(http://www.crpm.org).
110Charte européenne du littoral adoptée par la CRPM le 8 octobre 1981 .
37
en 1982111, la CEE fera montre à cette occasion de son engagement pour une GIZC européennes.
Puisque « le Parlement européen a suivi avec attention ces travaux et a demandé à la
Commission de mener sa politique et ses actions dans ce domaine dans l'esprit de la charte »112, la
Commission fera très vite part de « la complexité des problèmes affectant les zones côtières [et de]
la relative nouveauté du concept de développement intégré qui doit pouvoir s'appuyer, pour être mis
en œuvre, sur des méthodologies et des instruments d'application appropriés »113. Le frémissement
européen en matière de GIZC n'est donc pas très original puisqu'il consiste avant tout à reprendre ce
qui a été pensé sur la scène environnementale internationale. Il n'est néanmoins pas à négliger car il
constitue les fondations, certes encore sableuses, des instruments de droit de l'UE à venir en matière
de GIZC.
B. L'amorce soft du processus d'appropriation européenne du concept de gestion
intégrée des zones côtières
Le cinquième programme d'action européen pour l'environnement (1992-2001) 114,
intitulé « vers un développement soutenable » suite au sommet de la terre de Rio de 1992 115,
s’inscrit totalement dans la tendance juridique internationale des années 1990-2000 116 qui connaîtra
en droit international de l'environnement la consécration du concept de développement durable.
Cependant, l'apport principal de ce cinquième programme d'action en matière de développement
durable maritime sera d'avoir su faire le premier pas notable sur la voie de l'appropriation
européenne de la GIZC.
Rien d'exceptionnel en effet de rappeler comme le firent ses prédécesseurs que « les
zones littorales communautaires représentent un patrimoine naturel unique, doté d'irremplaçables
ressources écologiques, culturelles et économiques » et que « leur qualité écologique conditionne
l'ensemble des richesses marines de la Communauté »... Mais ce cinquième programme d'action
111Communication du Parlement européen du 18 juin 1982, JOCE n° C 182 du 19 juillet 1982.
112Point 5.4.8 du quatrième plan d'action communautaire pour l'environnement.
113Communication de la Commission relative à l'aménagement intégré des zones côtières et à sa place dans la politique
communautaire de l'environnement, COM (86) 571 final du 30 octobre 1986.
114Résolution du Conseil des Communautés européennes et des représentants des gouvernements des États membres,
réunis au sein du Conseil du 1er février 1993 concernant la poursuite et la réalisation d'une politique et d'un
programme d'action des Communautés européennes en matière d'environnement (1992-1997), JOCE n° C 138 du 17
mai 1993, pp. 1-98.
115Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement réunie à Rio du 3 au 14 juin 1992.
116De la Conférence de Rio de 1992 au Sommet de Johannesburg de 2002, le concept de développement durable
deviendra le leitmotiv des Etats qui, souhaitant poursuivre leur développement économique, veulent aussi composer
avec les impératifs de protection de l'environnement que ce soit par conviction philosophique, politique,
économique ou électoraliste. Voir également op. cit. DAILLER (P.), FORTEAU (M.), PELLET (A.), Droit
international public, p. 1174.
38
pour l'environnement aura au moins mis en avant la timide résolution du Conseil des ministres de
l'environnement de 1992 qui invitait la Commission « à proposer [...] une stratégie communautaire
de gestion intégrée de la zone côtière, qui fournira un cadre pour sa conservation et son utilisation
durable »117. Le souhait de cette résolution de voir naître en Europe une « future politique
communautaire concernant la zone côtière européenne » sera réitéré par une autre résolution du
Conseil le 6 mai 1994118, afin de renouveler l'invitation faite à la Commission de proposer « une
stratégie communautaire de gestion intégrée de l'ensemble du littoral communautaire qui tout en
tenant compte des problèmes et potentialités spécifiques des différentes zones fournira un cadre
pour sa conservation et son utilisation durable ». Le coup d'envoi du processus d'appropriation
européenne du concept de GIZC est alors donné, comme un germe de l'idée selon laquelle ce
concept ne peut être pensé puis mis en œuvre dans l'UE qu'à l'aide d'un schéma stratégique.
Favorables à l'émergence d'une GIZC européennes, le cinquième programme d'action
communautaire pour l'environnement et les deux résolutions du Conseil de 1992 et 1994 en matière
de GIZC qui le jalonnent dans le temps auront eu le mérite de mettre la balle dans le camp de la
Commission européenne, siège de l'initiative législative de l'Union. Cependant ce cinquième
programme d'action pour l'environnement, ainsi que les trois l'ayant précédé 119 et les deux initiatives
louables du Conseil, ne sont que des résolutions. Il s'agit donc d'instruments de droit non
obligatoires, de la soft law qui n'engage ni les institutions l'Union, ni les Etats membres, mais
participent quand même à l'évolution du droit.
Le travail d'appropriation européenne de la GIZC sera toutefois réalisé pendant le
sixième programme d'action pour l'environnement (2002-2012)120 adopté par une décision du
Parlement et du Conseil qui est cette fois un instrument de droit obligatoire de l'UE. Même s'il
demeure encore fortement imprégné de droit international 121, le sixième programme communautaire
pour l'environnement confère à la GIZC l'empreinte européenne dont elle avait besoin pour
s'appliquer aux littoraux de l'Europe.
Cet engouement européen pour le développement durable en général et la GIZC en
particulier, consacré au travers du sixième programme d'action communautaire pour
l'environnement, risque cependant de ne pas se poursuivre dans la suite qu'envisage donner l'UE à
117Résolution du Conseil du 25 février 1992 relative à la future politique communautaire concernant la zone côtière
européenne, JOCE n° C 59 du 6 mars 1992, p. 1.
118Résolution du Conseil du 6 mai 1994 concernant une stratégie communautaire, de gestion intégrée des zones
côtières, JOCE n° C 135/2 du 18 juin 1994, p. 2.
119Le premier plan d'action communautaire pour l'environnement était une déclaration du Conseil et des Représentants
des gouvernements des Etats membres. Mais la force juridique d'une déclaration est semblable à celle d'une
résolution : ce sont tous deux des actes de droit non obligatoires.
120op. cit. Décision du Parlement européen et du Conseil du 22 juillet 2002 établissant le sixième programme d'action
communautaire pour l'environnement (2002-2012), JOCE n° L 242 du 10 septembre 2002, pp. 1-15.
121 op. cit. MONEDIAIRE (G.), p. 22.
39
son action environnementale.
Le 22 juillet 2012 en effet, devra entrer en application le septième programme d'action
communautaire pour l'environnement122. Nonobstant le vif débat né entre la Commission et le CESE
autour de la question de savoir si le concept de développement durable doit être fondu dans la
« Stratégie Europe 2020 » ou si celui-ci doit garder une place indépendante et autonome dans le
droit de l'environnement de l'UE123, la proposition du Parlement européen du 20 avril 2012 124 ne fait
aucun cas du concept de GIZC. Il est fortement probable cependant que si le concept de
développement durable au service duquel se plie la GIZC venait à être digéré dans une politique
européenne plus large, détachée de sa spécificité environnementale et économique, l'identité
européenne de la GIZC, encore difficilement apparente, deviendrait si ce n'est effacée, tout au
moins plus que diaphane.
Le risque est cependant palpable, car cette identité européenne de la GIZC, bien
qu’émergente grâce au sixième programme d'action communautaire pour l'environnement demeure
malgré tout fortement marquée par le droit international, devant lequel elle s'est si longtemps
inclinée. En effet, selon Gérard MONEDIAIRE125, il semblerait que l'ambition affichée de l'UE de
« promouvoir l'intégration de la conservation et de la restauration de la valeur esthétique des
paysages dans les autres politiques, y compris le tourisme, compte tenu des instruments
internationaux pertinents »126 se soit largement inspirée de la « belle » Convention européenne du
paysage du Conseil de l'Europe signée le 20 octobre 2000 127 et faisant explicitement référence à la
protection des « espaces terrestres » et des « eaux maritimes »128.
Il ne faut peut être pas trop chercher à découvrir dans les instruments de droit de l'UE
relatifs au développement durable l'émergence claire d'une identité stictement européenne du
concept de GIZC, détachée de toute réminiscence internationale. L'identité européenne de la GIZC
réside certainement dans cette alchimie : conserver le concept dégagé par le droit international, tout
en le soumettant à un processus d'appropriation européenne.
122 op. cit. décision du Parlement européen et du Conseil du 22 juillet 2002 établissant le sixième programme d'action
communautaire pour l'environnement, article premier §3.
123 Voir l'introduction.
124op. cit. Résolution du Parlement européen 2011/2194(INI) du 20 avril 2012 sur la révision du sixième programme
d'action pour l'environnement et la définition des priorités du septième programme d'action pour l'environnement,
Un environnement meilleur pour une vie meilleure, §71.
125Directeur du CRIDEAU, Université de Limoge ; op. cit. MONEDIAIRE (G.), Politiques et droit communautaires
des zones côtières, p. 22.
126op. cit. décision du Parlement européen et du Conseil du 22 juillet 2002 établissant le sixième programme d'action
communautaire pour l'environnement, article 6 §2 e).
127Convention européenne du paysage du 20 octobre 2000, disponible sur : http://conventions.coe.int.
128ibidem. article 2.
40
SECTION SECONDE : LE PROCESSUS CLASSIQUE D’APPROPRIATION EUROPEENNE
APPLIQUE AU CONCEPT DE GESTION INTEGREE DES ZONES COTIERES
Après avoir pris le temps de comprendre le concept de GIZC et d'avoir constaté,
notamment avec le sixième programme d'action communautaire pour l'environnement, qu'il pouvait
très bien s'aclimater aux ambitions économiques et humaines de l'Union, les institutions
européennes sont parvenues non seulement à s'approprier ce concept en l'adaptant à leurs méthodes
de gouvernance environnementales (§1.), mais également à le mettre en cohérence avec des
politiques plus traditionnelles de l'UE (§2.).
§1. Entre gouvernance et stratégie : appropriation sans heurt du concept aux méthodes
européennes d’action environnementale
La gouvernance environnementale et la stratégie d'action sont les deux marques de l'action
environnementale au sein de l'UE. En effet, dotée de la compétence environnementale, l'UE a très
vite compris que la meilleure façon d'atteindre les objectifs de ces nouveaux enjeux était de s'atteler
à ces questions en usant de la gouvernance environnementale(A.). Guère plus originale mais tout
autant efficace, l'UE a en effet pris l'habitude de répondre aux objectifs environnementaux qu'elle
s'était fixés en adoptant des stratégies d'action : le concept de GIZC n'échappera pas à la règle (B.).
A. La gouvernance environnementale : méthode européenne convenue pour toute
action environnementale au sein de l'Union
Si les liens entre la GIZC et l'approche écosystémique sont les activités humaines, ou
l'utilisation anthropique, durable et équitable, des ressources environnementales, ce concept de
GIZC participe à l'approche écosystémique, tel qu'elle devrait être en droit de l'Union, en intégrant
toutes les parties prenantes à la gestion environnementale des zones côtières. Il appartient alors à
l'UE de trouver une méthode pour adapter le caractère écosystémique de la GIZC à ses ambitions
humanistes et économiques traditionnelles. La solution envisageable sera probablement la même
que celle choisie pour la gestion des ressources aquatiques et halieutiques.
En ce qui concerne la gestion durable de l'eau129, la protection des ressources aquatiques
129Voir notamment la Directive 2000/60/CE du Parlement européenne et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un
41
-réalisée par l'association de « la fonction environnementale [de l'eau] liée à la vie et aux
écosystèmes » ainsi qu'aux « besoins fondamentaux des humains et [à la ] fonction à portée
économique [de l'eau] compte tenu des besoins pour la plupart des activités humaines »- passe
nécessairement par une logique de gouvernance environnementale130. Dans le même esprit, la FAO
a proposé dès 2003 de soumettre les décisions sur la pêche à l'approche écosystémique afin de
parvenir à un développement durable protecteur de l'environnement et de la cohésion sociale, tout
en assurant une prospérité économique des ressources 131. Dans le cadre de la politique commune de
la pêche, cette « approche écosystémique des pêches » n'est alors envisageable qu'en suivant un
processus décisionnel de gouvernance132.
Il est vrai que la gouvernance environnementale rencontre, notamment en droit de l'UE
quelques difficultés pratiques, liées notamment à sa définition 133, même si la Commission a tenté
d'en tracer les lignes européenne avec la publication en 2001 d'un Livre blanc134. Il est néanmoins
permis de considérer sans risque que si à l'instar de la gestion des ressources aquatiques et
halieutiques l'UE souhaite mettre en place une GIZC innervée par l'approche écosystémique induite
par le droit international de l'environnement, il faudra qu'elle choisisse pour cela une méthode de
gouvernance environnementale. Ceci n'a toutefois rien d'original, puisque cette logique de
gouvernance environnementale est une méthode classique, mais pertinente, de protection de
l'environnement tant à l'échelle internationale qu'à l'échelle européenne135.
L'approche écosystémique se met donc au service de la GIZC. L'UE, souhaitant faire
participer l'ensemble des parties prenantes à la protection de ses zones côtières pourra donc
s'appuyer sur cette approche écosystémique pour mettre en place une GIZC répondant à ses
ambitions économiques, environnementales et politiques sur les bandes littorales de l'Europe.
cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau, JOCE L 327 du 22 décembre 2000, pp. 1-72.
130DROBENKO (B.), Eau et gouvernance, Environnement, juillet 2005, p. 63.
131Directives techniques de la FAO pour une pêche responsable, L'approche écosystémique des pêches, n° 4,
supplément 2, Rome, FAO, pp. 112.
132LELONG (S.) et PROUTIERE-MAULION (G.), La politique commune de la pêche vue par les chercheurs ou
l'influence des engagements internationaux de l'Union européenne sur la redéfinition de la gouvernance des pêches
à l'horizon 2012, Annuaire de droit maritime et océanique, 2010, pp.269-270.
133 JANSSENS (P.-A.), Quid de la politique maritime intégrée de l'Union annoncée par le livre vert ?, Droit européen
des transports, n°5, 2010, p. 480.
134Communication de la Commission, Gouvernance européenne : un livre blanc, COM(2001) 428 final du 25 juillet
2001.
135KRAMER (L.), L'Union européenne et la gouvernance environnementale mondiale, Revue de droit de l'Union
européenne, décembre 2011, pp. 593-614.
42
B. L’approche stratégique : marque de l'identité européenne dans le cadre des
actions environnementales de l’Union
Admettant que la décision de suivre une approche stratégique en matière de GIZC a été
engagée en 1992 et réitérée en 1994 par deux recommandations du Conseil 136, il est alors possible
de considérer que l'UE a cherché dès le départ à s'approprier ce concept en mettant en place les
conditions d'« une stratégie communautaire globale concernant la gestion intégrée des zones
côtières afin de créer un cadre cohérent du point de vue de l'environnement dans l'optique de modes
de développement intégrés et soutenables »137.
Le 30 mai 2002, la recommandation du Parlement européen et du Conseil relative à la mise
en œuvre d'une stratégie de gestion intégrée des zones côtières en Europe vint sceller le lancement
d'une stratégie européenne en matière de GIZC 138. Souhaitant que « les États membres prennent en
considération la stratégie de développement durable et la décision du Parlement européen et du
Conseil établissant le sixième programme d’action communautaire pour l’environnement 139, et
adoptent à l’égard de la gestion de leurs zones côtières une approche stratégique », le Parlement
européen et le Conseil ont ainsi doté le concept de GIZC d'une réelle identité européenne. Sans le
dire expressément, étant donné que l'UE opte très souvent pour des stratégies d'action en matière
de protection l'environnement140,cette recommandation de 2002 fait entrer la CIZC dans le cercle
des méthodes spécifiquement européennes de protection de l'environnement.
Encore floue, cette identité européenne de la GIZC caractérisée par l'action stratégique sera
définitivement ajustée en 2002 avec le sixième programme d'action communautaire pour
l'environnement141. En effet, si une première ébauche des objectifs européens pour la protection de
136op. cit. résolution du Conseil 25 février 1992 relative à la future politique communautaire concernant la zone côtière
européenne du, et résolution du Conseil du 6 mai 1994 concernant une stratégie communautaire, de gestion intégrée
des zones côtières.
137op. cit. résolution du 1er février 1993 concernant la poursuite et la réalisation d'une politique et d'un programme
d'action des Communautés européennes en matière d'environnement (1992-1997), point 5.7.
138Recommandation du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2002 relative à la mise en œuvre d'une stratégie
de gestion intégrée des zones côtières en Europe, JOCE L 148 du 6 juin 2002, pp. 24-27.
139 Encore non publié à la date de publication de cette recommandation.
140Voir par exemple le sixième programme d'action pour l'environnement qui propose une stratégie sur la protection
des sols, une stratégie sur la prévention et le recyclage des déchets, une stratégie sur l'air, une stratégie sur les
pesticides, une stratégie sur les ressources naturelles, une stratégie sur l'environnement urbain et une stratégie sur
l'environnement marin. Voir également, MATTERA (P.), La nouvelle stratégie de la Commission en matière de
prévention et de recyclage des déchets, Revue de droit de l'Union européenne, octobre 2005, pp. 829-830 ;
MATTERA (P.), Environnement. La nouvelle stratégie en matière de biodiversité, Revue de droit de l'Union
européenne, avril 2006, pp. 442-445 ; BOURRINET (J.), La stratégie européenne d'adaptation aux changements
climatiques, Les petites affiches, avril 2008, pp. 91-103.
141op. cit. décision du 22 juillet 2002 établissant le sixième programme d'action communautaire pour l'environnement
43
l'environnement fut proposée par la Commission européenne dès 1999 142, est revenu au sixième
programme d'action pour l'environnement le rôle de fixer de façon plus approfondie « des objectifs
et des domaines d'actions prioritaires en matière de nature et de diversité biologique »143. L'objectif
à réaliser pour protéger les zones côtières fut donc « d'assurer la conservation, la restauration
appropriée et l'utilisation durable du milieu marin, des côtes et des zones humides » et de
« promouvoir […] la conservation des écosystèmes marins » c'est à dire « les fonds marins, les
estuaires et les zones côtières ». Or, la réalisation concrète de cet objectif passe par la « [promotion
de] la gestion intégrée des zones côtières »144. Pour permettre la réalisation des projets de GIZC
européenne, la Commission propose enfin de financer celle-ci grâce au programme LIFEenvironnement145.
Outre le fait donc de doter la GIZC d'une approche stratégique, l'identité européenne découle
de ce choix en commençant d'une part à concrétiser cette stratégie au travers du sixième programme
communautaire pour l'environnement et en souhaitant d'autre part le financer grâce à un instrument
financier de l'Union. Cependant, et au delà du fait d'attribuer une identité européenne à la GIZC,
rien ne sera possible si ce concept et cette stratégie ne se moulent pas aux exigences traditionnelles
des projets politiques de l'UE.
§2. La mise en cohérence du concept avec les autres domaines d’action de l’Union : étape
primordiale et ultime du processus d’appropriation européenne
Rien ne peut être inséré à l'ordre juridique européen si cet élément nouveau n'est pas
compatible avec l'ensemble du droit de l'Union déjà existant. Il en va de la cohérence du droit de
l'UE. Le concept de GIZC a très bien réussi cette première étape de mise en cohérence avec l'ordre
juridique de l'Union (A.), malgré le fait qu'il ne parviendra jamais à y prospérer, ne faisant jamais
l'objet d'un acte de droit dérivé du droit de l'Union (B.).
(2002-2012).
142Commission européenne, Vers une stratégie européenne d'aménagement intégré des zones côtières (AIZC),
Principes généraux et options politiques, Luxembourg, Office des publications officielles des Communautés
européennes, 1999. Disponible sur : http://ec.europa.eu/environment/iczm/pdf/vol1_fr.pdf.
143op. cit. décision du 22 juillet 2002 établissant le sixième programme d'action communautaire pour l'environnement
(2002-2012) article 6.
144ibidem.
145Lignes directrices pour les projets de démonstration LIFE-environnement 2000/C 308/02, en vertu de l'article 4,
paragraphe 4, du règlement n° 1655/2000/CE du Parlement européen et du Conseil concernant l'instrument financier
pour l'environnement (LIFE).
44
A. L’impératif non négligeable de la compatibilité du concept de gestion intégrée
des zones côtières avec les domaines d’action traditionnels de l’Union
La première étape significative146 sur la voie d'une mise en cohérence européenne de la
GIZC fut à nouveau franchie en 2002, et toujours avec la recommandation du Parlement et du
Conseil « relative à la mise en œuvre d'une stratégie de gestion intégrée des zones côtières en
Europe »147. Texte court au demeurant, il parvient néanmoins à peindre le concept de GIZC aux
couleurs européennes.
Le chapitre III intitulé « inventaire national » invite par exemple les Etats membres à
recenser « les acteurs principaux, les législations et les institutions qui exercent une influence sur la
gestion de leur littoral [afin] de couvrir les secteurs et domaines suivants : pêche et aquaculture148,
transports149, énergie150, gestion des ressources151, protection des espèces et des habitats152,
patrimoine culturel153, emploi154, développement régional155 […], tourisme et loisirs156, industrie157
et exploitation minière, gestion des déchets 158, agriculture159 et enseignement160 »161. Ce sont ainsi
pratiquement tous les secteurs intéressant l'UE, et ayant un rapport avec les zones côtières, qui
doivent être concernés par la stratégie de GIZC européennes. En outre, puisqu'il s'agit de
146Le terme « significative » peut paraître surprenant car une recommandation n'a, selon l'article 288 TFUE, aucune
force obligatoire. Néanmoins, et outre le fait qu'elle propose une réelle identité européenne de la GIZC, cette
recommandation de 2002 reste un acte de droit européen plus important politiquement, si ce n'est juridiquement,
qu'une résolution (BLUMANN (D.) et DUBOUIS (L.), Droit institutionnel de l'Union européenne, Litec, Paris, p.
543).
147op. cit. recommandation du 30 mai 2002 relative à la mise en œuvre d'une stratégie de gestion intégrée des zones
côtières en Europe.
148 Article 4 TUE et articles 38 à 44 TFUE, disponible sur : http://eur-lex.europa.eu/fr/treaties/index.htm.
149 Articles 4, 13, 58, 98, 100, 171 et 207 TFUE.
150 Articles 4, 122, 170, 192 et 194 TFUE.
151 Articles 310 à 314 et article 322 TFUE.
152Directive 79/409/CEE du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages, dite directive
« Oiseaux », JOCE L 103 du 25 avril 1979, pp. 1-18 ; et directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992,
concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, dite directive
« Habitats », JOCE L 206 du 22 juillet 1992, pp.7-50 .
153Articles 6, 107 et 167 TFUE.
154 Article 3 TUE et articles 9, 37, 43, 45, 46, 79, 91, 147, 149, 151, 153, 156, 157 et 162 TFUE.
155Article 13 TUE et articles 182, 263, 300 et 305 à 307 TFUE.
156Articles 6 et 195 TFUE.
157 Articles 6, 46, 57, 96, 162, 166, 173, 174, 176, 179 et 189 TFUE.
158 Directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets et abrogeant
certaines directives, JOCE L 312, pp. 3-22.
159 Article 4 TUE et articles 38 à 44 TFUE.
160 Articles 6, 9, 165, 169 et 207 TFUE.
161S'il peut sembler troublant de justifier les axes choisis par une recommandation européenne en 2002 avec les
dispositions du Traité de Lisbonne du 13 décembre 2007, il faut avoir à l'esprit qu'il s'agit là de politiques que l'on
peut qualifier de traditionnelles puisqu'elles se retrouvent déjà dans le Traité consolidé sur l'Union européenne de
1992 (Voir PRIOLLAUD (F.-X.) et SIRITZKY (D.), Les traités européens après le traité de Lisbonne, textes
comparés, La documentation française, Paris, 2010, pp. 431). Il s'agit également de montrer que la stratégie de
GIZC européenne proposée ici par le Conseil se drape réellement d'identité européenne en ce qu'elle parvient, même
10 ans après sa formulation, à demeurer imprégnée des politiques traditionnelles de l'Union.
45
s'approprier la GIZC « sur la base d'une approche par écosystème » sans oublier de prendre en
compte « la menace que les changements climatiques constituent pour les zones côtières »162, la
mise en cohérence européenne du concept de GIZC ne peut en rien ignorer les engagements
internationaux de protection de l'environnement auxquels l'UE est partie et qu'elle a largement
contribué à établir163.
De même, le Chapitre V de cette recommandation demande aux Etats membres
d'« encourager, entamer ou maintenir le dialogue avec les pays limitrophes, y compris les Etats non
membres de l'Union européenne » afin de créer les conditions d'une GIZC dépassant le cadre
politique de l'Union. Cette mise en perspective internationale de la stratégie européenne de GIZC
vient ainsi parfaire l'appropriation européenne de ce concept tout en accentuant l'approche intégrée
de cette gestion des zones côtières, permettant donc à tous les Etats riverains d'un même espace
maritime d'y participer.
Rien d'exceptionnel dirons certains de voir le concept de GIZC se conformer à l'ensemble
des politiques, des législations et des compétences de l'UE établies depuis 1957. Il ne faudrait
toutefois pas oublier qu'au départ, bien que la CEE souhaitait appliquer le concept de GIZC aux
zones côtières européennes, elle se contentait de reprendre l'idée formulée par le droit des gens au
travers de ses programmes d'action communautaire successifs, sans pour autant envisager de se
l'approprier. Or l'adaptation de la GIZC aux politiques halieutiques, industrielles, culturelles,
régionales ou encore internationales de l'Union ne fût certainement pas évidente, et les institutions
de l'UE ont vraisemblablement eu besoin de temps pour se rendre compte que l'appropriation était
possible et intéressante pour les ambitions environnementales de l'UE. En effet, entre la proposition
faite par l'Agenda 21 et la recommandation de 2002, pas moins de 20 ans se sont écoulés.
Une fois le processus d'appropriation réussi grâce à la gouvernance environnementale, avec
la mise en place d'une approche stratégique et suite à la mise en cohérence de ce concept avec
l'acquis communautaire, il ne restait plus qu'à l'UE à passer à l'acte et en adoptant un instrument de
droit dérivé venant mettre en œuvre cette stratégie de l'Union en matière de GIZC.
162op. cit. recommandation du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2002 relative à la mise en œuvre d'une
stratégie de gestion intégrée des zones côtières en Europe.
163A titre d'exemples notoires : les travaux relatifs à l'élaboration de l'approche écosystémique du traitement des
problèmes environnementaux en droit international de l'environnement d'une part, ou le fait d'autre part que l'UE
soit partie à la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques de 1992 et à son Protocole de
Kyoto relatif à a la déduction des émissions de gaz à effet de serre de 1997.
46
B. La déception légitime mais peut-être injustifiée ressentie face à l'absence
d'instrument de droit dérivé de l'Union reprenant ce concept
Regretter que l'appropriation européenne du concept de GIZC n'ait pas abouti par l'adoption
d'un instrument de droit dérivé de l'UE est à tout égard très légitime. Néanmoins, le travail réalisé
jusque là par les institutions de l'Union n'est en rien superficiel. Il se dégage de cette appropriation
progressive du concept de GIZC aboutie en 2002 une identité européenne très nette de celui-ci.
Certes l'essence du concept est clairement de source internationale, mais la reprise des
préoccupations environnementales littorales et du concept de GIZC au sein des programmes
d'action communautaire pour l'environnement, témoignent de la volonté européenne de s'inscrire
dans cette optique de GIZC.
Cependant, l'ensemble des travaux réalisés depuis la résolution du Conseil du 25 février
1992 relative à la future politique communautaire concernant la zone côtière européenne 164 jusqu'au
sixième programme d'action communautaire pour l'environnement165, en passant par la
recommandation du Parlement et du Conseil de 2002166, sont la preuve que les institutions
européennes ont réussi à attacher la GIZC à une réelle identité européenne environnementale.
La déception pourrait être le premier sentiment ressenti face à l'absence d'instruments de
droit dérivé de l'UE venant imposer aux institutions de l'Union et aux Etats membres d'entrer
rapidement dans une stratégie de GIZC européennes. Un aperçu plus large de la politique
européenne au sujet des zones côtières permettra toutefois de voir si ce sentiment de déception
s'avère justifié.
Le 17 juin 2008 en effet, le Parlement européen et le Conseil adoptent une directive-cadre
établissant un cadre d’action communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin,
choisissant donc de concentrer leurs efforts non plus sur la stratégie européenne en matière de
GIZC, mais sur une nouvelle stratégie : la « stratégie pour le milieu marin »167. Dans le même sens,
l'UE signe le 16 janvier 2009 le Protocole GIZC à la Convention de Barcelone de 1976 relatif à la
protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée 168. Il est intéressant de se pencher sur ces
deux instruments qui, complètement ou partiellement
destinés à protéger les zones côtières
164op. cit. résolution du Conseil du 25 février 1992 relative à la future politique communautaire concernant la zone
côtière européenne.
165op. cit. décision du 22 juillet 2002 établissant le sixième programme d'action communautaire pour l'environnement
(2002-2012).
166op. cit. recommandation du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2002 relative à la mise en œuvre d'une
stratégie de gestion intégrée des zones côtières en Europe.
167op. cit. Directive 2008/56/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 établissant un cadre d’action
communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin.
168Voir notamment le site du PNUE sur le Plan d'action pour la Méditerranée: http://www.unepmap.org. Le Protocole
GIZC entrera en application le 24 mars 2011 au sein de l'UE.
47
européennes, représentent deux instruments de droit de l'UE par lesquels les zones côtières
européennes sont susceptibles d'être gérées de façon intégrée.
Seul le contenu et le statut juridique de ces deux instruments justifieront ou non ce sentiment
de déception induit par l'absence d'instrument de droit dérivé de l'Union en matière de GIZC.
Toutefois, si la directive-cadre « stratégie pour le milieu marin » et le Protocole GIZC venaient à
achever le processus d'appropriation européenne du concept de GIZC, ils participeraient tous deux
de façon très originale à l'aboutissement du processus d'appropriation d'une identité européenne de
la GIZC.
L'identité européenne de la GIZC, constituée donc par l'approche écosystémique incluant
les activités économiques et humaines, par la gouvernance environnementale, par la logique
stratégique et par la mise en cohérence, doit maintenant trouver des supports de droit obligatoire
pour prendre pleinement sa place dans l'UE.
CHAPITRE SECOND : LE STATUT JURIDIQUE ORIGINAL DU CONCEPT DE GESTION
INTEGREE DES ZONES COTIERES DANS L’UNION EUROPENNE
Sans utiliser d'instruments de droit dérivé ni même de nouvelles recommandations ou
résolutions demandant à la Commission européenne de faire une proposition d'acte de droit dérivé
sur une stratégie de GIZC européennes, les institutions de l'Union sont parvenues à faire aboutir de
façon originale cette stratégie de GIZC lancée en 2002 169. Qu'il s'agisse d'un instrument de droit
international auquel l'UE a adhéré, en l’occurrence le Protocole GIZC à la Convention de Barcelone
de 1976 ratifié par l'UE le 29 septembre 2010 170 (Section seconde), ou d'un acte de droit dérivé, ici
la directive-cadre du 17 juin 2008 établissant une stratégie pour le milieu marin de l'UE (Section
première), le concept de GIZC, tel qu'est parvenue à se l'approprier l'UE, parvint à trouver dans
l'espace de l'UE tous les outils nécessaires à son application concrète.
169op. cit. recommandation du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2002 relative à la mise en œuvre d'une
stratégie de gestion intégrée des zones côtières en Europe.
170op. cit. http://www.unepmap.org.
48
SECTION PREMIERE : LA PROTECTION DU MILIEU MARIN DE L’UNION ET LA
CRAINTE INFONDEE D’UNE MARGINALISATION DE LA PROTECTION DES
ZONES COTIERES EUROPENNES
Il serait certainement infondé de croire que la stratégie pour le milieu marin adoptée par l'UE
en 2008 constitue le renoncement à l'établissement d'une GIZC européennes, bien que la mise sur
rail de cette nouvelle stratégie (§1.) ne parvienne à appliquer l'esprit du concept de GIZC qu'à la
partie marine des zones côtières européennes(§2.).
§1. De la stratégie de gestion intégrée des zones côtières à la protection du milieu marin
de l'Union européenne
Bien que les travaux préparatoires à l'établissement au sein de l'UE d'une stratégie pour le
milieu marin ne marginalisent pas le concept de GIZC tel que l'UE était parvenue à se l'approprier
définitivement en 2002 (A.), il n'en demeure pas moins que la stratégie de GIZC européenne a
sensiblement pâti de l'émergence de la stratégie pour le milieu marin de l'UE, devenue le centre
d'intérêt des préoccupations marines des institutions européennes (B.).
A. L'appropriation européenne du concept de gestion intégrée des zones côtières
valorisée par la politique maritime de l'Union
Le 7 juin 2006 la Commission européenne a présenté un Livre vert intitulé « Vers une
politique maritime de l'Union : une vision européenne des océans et des mers »171. Offrant une
place importante à la « gestion de l'interface terre/mer », et donc à la GIZC, cette communication
de la Commission pose la question de savoir « comment faire de la GIZC un succès ? »172
Désireux de « contribuer au développement des zones côtières […] en valorisant les
écosystèmes locaux »173 par l'effort concerté des « autorités publiques, services maritimes,
industries et chercheurs »174, ce Livre vert s'inscrit totalement dans la dynamique stratégique de la
171Communication de la Commission européenne du 7 juin 2006, Vers une politique maritime de l'Union : une vision
européenne des océans et des mers, COM (2006) 275 final .
172ibidem. p. 34.
173ibidem. p. 31.
174ibidem. p. 35.
49
GIZC telle que l'a engagée l'UE.
Après avoir rappelé la recommandation du Parlement et du Conseil de 2002 relative à
l'approche stratégique du projet de GIZC européennes 175, la Commission insiste sur le fait que la
GIZC doit répondre de la logique de gouvernance environnementale en faisant participer « toutes
les parties prenantes » que sont « le secteur privé et les autorités publiques »176.
« Incontestablement, le Livre vert valide, valorise cette stratégie [de l'approche intégrée] :
elle est la condition du développement durable des zones côtières […]. Le Livre vert reprend, donc,
à son compte les principes et les mécanismes de la GIZC : principe de l'intégration des espaces
terrestres de proximité de la mer et des espaces marins de proximité de la terre (recherche du
périmètre pertinent, de l'unité de gestion adaptée) ; principe de l'intégration de toutes les activités
ou usages ; principe de l'intégration des problématiques de développement et de protection ;
principe de l'intégration des niveaux de gouvernance ; principe de participation de toutes les
parties intéressées... mécanismes d'incitation ; instruments réglementaires ; technique de
planification spatiale (aménagement de l'espace) »177.
Le Livre vert consacré à la politique maritime de l'Union s'inscrit donc entièrement dans la
stratégie de GIZC européennes que s'est fixée l'UE en 2002. De cette initiative de la Commission,
politiquement plus engageante qu'une recommandation du Parlement européen et du Conseil, les
institutions de l'Union n'en retireront aucun acte de droit obligatoire dédié uniquement à la GIZC.
Bien au contraire, parallèlement à sa participation à la Convention de Barcelone et à son
Protocole GIZC, l'UE saura retirer l'essentiel de l'identité européenne du concept de GIZC pour
l'introduire au sein d'une stratégie tout aussi ambitieuse : la stratégie pour le milieu marin.
B. Le transfert des efforts européens de la stratégie de gestion intégrée des zones
côtières vers la récente « stratégie pour le milieu marin »
Tout en se préoccupant de la gestion intégrée et stratégique de ses zones côtières, l'UE a
parallèlement développé une approche stratégique pour son espace maritime. En 2005 donc, la
Commission publie une proposition de directive afin d'établir un cadre d'action communautaire dans
175op. cit. recommandation du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2002 relative à la mise en œuvre d'une
stratégie de gestion intégrée des zones côtières en Europe.
176ibid. p. 53.
177LE MORVAN (D.), Livre vert et le développement durable des zones côtières, VertigO, Hors-série n° 5, mai 2009.
50
le domaine de la politique pour le milieu marin178.
Puis, dès 2006 avec la publication du Livre vert, le bouillonnement institutionnel de l'Union,
préalable à toute action politique concrète, aboutira à toute une série d'instruments de droit non
obligatoire qui, se focalisant sur la politique maritime de l'UE, auront tendance à s'écarter
progressivement du concept de GIZC. Négociant en même temps le Protocole GIZC à la
Convention de Barcelone, l'UE ne fera alors que s'inspirer de l'esprit de la GIZC en l'introduisant
dans son nouvel objectif environnemental : la création d'une « vision européenne des mers et des
océans »179.
Le 10 octobre 2007 en effet, la Commission publie une nouvelle communication intitulée :
« Une politique maritime intégrée pour l'Union européenne »180. Considérant « les projets suivant
[comme] particulièrement importants : un espace maritime européen sans barrières ; une stratégie
européenne pour la recherche marine ; des politiques maritimes nationales intégrées, à élaborer
par les États membres ; un réseau européen de surveillance maritime ; une feuille de route pour
l'aménagement de l'espace maritime par les États membres ; une stratégie pour atténuer les
conséquences du changement climatique sur les régions côtières ; une réduction des émissions de
CO2 et de la pollution causée par la navigation;[...] [cette] communication jette les fondements
d'un cadre de gestion et des instruments intersectoriels nécessaires à une politique maritime
intégrée de l'Union européenne »181.
Réitérant quand même la volonté de l'UE de mettre en place une GIZC, l'approche
stratégique n'est toutefois plus reprise pour celle-ci, le Livre bleu182 ne faisant qu'indiquer à propos
de ce concept que « la Commission proposera en 2008 une feuille de route pour faciliter le
développement de l'aménagement de l'espace maritime par les États membres »183.
A ce Livre bleu, la Commission annexe un plan d'action pour une politique maritime
intégrée184 dans lequel il est envisagé qu'« en s’inspirant des initiatives européennes dans le
domaine de l’aménagement du territoire qui accordent une grande importance à la dimension
maritime, notamment la recommandation relative à la mise en œuvre d’une stratégie de gestion
178Communication de la Commission européenne du 24 octobre 2005, proposition de directive du Parlement et du
Conseil établissant un cadre d'action communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin
(directive «Stratégie pour le milieu marin»), COM (2005) 505 final.
179op. cit. Communication de la Commission, Livre vert « Vers une politique maritime de l'Union : une vision
européenne des océans et des mers ».
180Communication de la Commission européenne du 10 octobre 2007, Une politique maritime intégrée pour l'Union
européenne, COM (2007) 575 final.
181ibidem p. 3.
182Autre nom donné à la Communication de la Commission européenne du 10 octobre 2007, Une politique maritime
intégrée pour l'Union européenne.
183ibidem p. 7.
184Document de travail des services de la Commission accompagnant le communication de la Commission, Une
politique maritime intégrée pour l'Union européenne, SEC (2007) 1278/2.
51
intégrée des zones côtières (GIZC) en Europe et la proposition de directive «Stratégie pour le
milieu marin», la Commission proposera une feuille de route en 2008 afin de faciliter et
d’encourager l’approfondissement de la dimension maritime de l’aménagement du territoire dans
les États membres »185.
Livre bleu et plan d'action de 2007 balisent donc les étapes franchies par la Commission en
matière de gouvernance maritime depuis la publication du Livre vert en 2006186. Ces deux travaux
consécutifs de la Commission sont en quelque sorte le laboratoire de la politique de protection des
espaces marins européens qui, comme souvent dans l'UE lorsqu'il s'agit d'une question
environnementale, a vocation à être mise en œuvre par des méthodes de gouvernance. Dans cette
masse d'ambitions, de propositions et d'engagements de la Commission européenne pour protéger
les zones marines européennes, l'approche stratégique de la GIZC doit progressivement apprendre à
cohabiter avec la stratégie pour le milieu marin, la Commission ayant décidé de front ces deux
projets.
La balance entre les deux stratégies, alors jusque là équilibrée, commence à pencher en
faveur de la stratégie pour le milieu marin lorsque est adoptée le 17 juin 2008 la directive-cadre dite
« stratégie pour le milieu marin »187, indiquant de cette façon que l'UE avait décidé d'accentuer son
action sur les espaces marins de l'Union plutôt que sur le concept de GIZC, et ce malgré les efforts
qu'elle avait réalisés pour s'approprier ce concept. Sans pouvoir affirmer que la Commission a
totalement abandonné l'idée de proposer une éventuelle directive GIZC, sachant peut-être déjà que
l'Union allait signer le Protocole GIZC le 16 janvier 2009, celle-ci publie, une dizaine de jours
seulement après l'adoption de la directive-cadre « Stratégie pour le milieu marin », ses lignes
directrices pour une approche intégrée de la politique maritime qu'elle intitule « Vers de meilleures
pratiques en matière de gouvernance maritime intégrée et de consultation des parties prenantes »188.
Bien qu'il ne s'agit là que d'une nouvelle profession de foi de l'initiateur législatif européen
en faveur d'une gouvernance maritime européenne, ce texte ne fait que peu de cas de la stratégie
européenne de GIZC, témoin supplémentaire du choix des institutions européennes d'accentuer
leurs efforts sur la stratégie pour le milieu marin plutôt que sur la stratégie de GIZC de 2002.
Différente de ce qu'aurait pu être une directive-cadre consacrée exclusivement à la GIZC, il
n'en demeure pas moins que la protection du milieu marin voulue par l'UE assure la réalisation
185ibidem p. 8.
186op. cit. JANSSENS (P.- A.), Quid de la politique maritime intégrée de l'Union annoncée par le Livre vert ?, p. 488.
187op. cit. directive du 17 juin 2008 établissant un cadre d’action communautaire dans le domaine de la politique pour
le milieu marin.
188Communication de la Commission européenne du 26 juin 2008, Lignes directrices pour une approche intégrée de la
politique maritime : Vers de meilleures pratiques en matière de gouvernance maritime intégrée et de consultation
des parties prenantes, COM (2008) 395 final.
52
d'une stratégie qui, marginalisant le périmètre terrestre des zones côtières, participe à une protection
incidente mais efficace de l'espace marin de ces même zones côtières, assurant ainsi une application
partielle de la GIZC.
§2. Protection partielle des zones côtières par la « Stratégie pour le milieu marin de
l'Union européenne »
Reprenant en demie teinte les éléments issues du processus d'appropriation européenne du
concept de GIZC, la directive-cadre établissant une stratégie pour le milieu marin de l'UE
n'applique ceux-ci qu'à l'espace marin des zones côtières européennes (A.), négligeant ainsi l'espace
terrestre de ces mêmes zones côtières, mais réitérant l'application du concept de GIZC pour les eaux
marines alors déjà garantie par le Protocole GIZC à la Convention de Barcelone de 1976189 (B.).
A. Champ d'application divergeant entre « zones côtières » et « eaux marines »
Ayant préféré adopter une directive-cadre relative à la « stratégie pour le milieu marin » de
l'UE et non une directive sur la stratégie de GIZC européennes, les institutions de l'Union ont fait le
choix de ne pas faire aboutir le processus d'appropriation européenne du concept de GIZC. Il existe
cependant un miroitement du concept de GIZC dans les disposition de la directive-cadre établissant
une stratégie de l'UE pour son milieu marin.
Toutefois, une divergence notoire entre la GIZC et la stratégie pour le milieu marin existe :
leur champ d'application. Si le champ d'application de la stratégie GIZC ne peut évidemment qu'être
supposé, étant donné qu'il ne fût jamais clairement consacré par l'UE, il est néanmoins possible
d'affirmer sans risque qu'il concernera les « zones côtières ». Outre cette lapalissade, Le Petit
Robert définit une « zone » comme étant une « région, une portion de territoire »190 et il qualifie
l'adjectif « côtier » en le rapportant à ce « qui est relatif aux côtes »191, autrement dit le « rivage de
la mer »192.
Par ailleurs la recommandation du Conseil de 2002 relative à la mise en œuvre d’une
189Infra. Section 2 Ch.2 Partie I.
190op. cit. p. 2762.
191ibidem p. 554.
192ibidem p. 553.
53
stratégie de GIZC en Europe fait souvent référence au terme « littoral »193 pour parler des « zones
côtières »194. Suite aux développements introductifs tentant de définir le concept de GIZC, et plus
particulièrement les zones côtières, il est clairement apparu que le champ d'application de la GIZC
concernera vraisemblablement tant la partie terrestre que la partie maritime de la bande littorale,
constituant l'une grâce à l'autre la zone côtière.
Or l'article 2 de la directive-cadre « stratégie pour le milieu marin » indique que « la
présente directive s'applique à toutes les eaux marines », ce qui exclut donc par définition la partie
terrestre de la zone côtière195. L'article 3 §1. définit d'ailleurs les eaux marines comme les « eaux,
fonds marins et sous-sols situés au-delà de la ligne de base servant pour la mesure de la largeur
des eaux territoriales et s’étendant jusqu’aux confins de la zone où un État membre détient et/ou
exerce sa compétence, conformément à la convention des Nations unies sur le droit de la mer, […]
et [les] eaux côtières telles que définies par la directive 2000/60/CE[196], y compris les fonds
marins et le sous-sol, dans la mesure où les aspects particuliers liés à l’état écologique du milieu
marin ne sont pas déjà couverts par ladite directive ou par un autre acte législatif
communautaire ». Aucune place n'est donc faite pour l'espace terrestre du littoral.
L'esprit du concept de GIZC et la manière dont se l'est appropriée l'UE peuvent néanmoins
tout à fait se retrouver dans l'espace marin des zones côtières. Seule une lecture approfondie de la
directive-cadre « stratégie pour le milieu marin » permettra toutefois de s'assurer de la validité de
cette hypothèse.
193Voir notamment le considérant 15 ; le Chapitre I. a., c. ; le Chapitre III. ; le Chapitre IV. §3. b. i. ; et le Chapitre V.
§2.
194Les termes « zones côtières » et « littoral » sont employés comme synonymes, par soucis de style ou de
simplification du texte, mais recoupent la même définition. Le Petit Robert définit l'adjectif « littoral » comme un
synonyme de l'adjectif « côtier » : « qui appartient, qui est relatif à la zone de contact entre la terre et la mer » ( (Le
Petit Robert, Editions Le Robert, p. 1469).
195 L'article 3 §1 donne la définition suivante des eaux marines : « a) eaux, fonds marins et sous-sols situés au-delà de la
ligne de base servant pour la mesure de la largeur des eaux territoriales et s’étendant jusqu’aux confins de la zone où un
État membre détient et/ou exerce sa compétence, conformément à la convention des Nations unies sur le droit de la mer,
l’exception des eaux adjacentes aux pays et territoires mentionnés à l’annexe II du traité et des collectivités et
départements français d’outre mer, et ; b) eaux côtières telles que définies par la directive 2000/60/CE, y compris les fonds
marins et le sous-sol, dans la mesure où les aspects particuliers liés à l’état écologique du milieu marin ne sont pas déjà
couverts par ladite directive ou par un autre acte législatif communautaire »
196op. cit. directive du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique
communautaire dans le domaine de l'eau, dont l'article 2 §7. définit les eaux côtières comme « les eaux de surface
situées en-deçà d'une ligne dont tout point est situé à une distance d'un mille marin au-delà du point le plus proche
de la ligne de base servant pour la mesure de la largeur des eaux territoriales et qui s'étendent, le cas échéant,
jusqu'à la limite extérieure d'une eau de transition ».
54
B. La double application aux eaux marines du concept de gestion intégrée des
zones côtières induite par la « stratégie pour le milieu marin »
Nonobstant la vocation protectrice de l'environnement que souhaite voir appliquer le concept
européanisé de GIZC, il faudra que la stratégie pour le milieu marin de l'Union reprenne à la fois
l'approche écosystémique incluant les activités humaines, la démarche de gouvernance, la logique
stratégique et la mise en cohérence qui avaient abouti des travaux européens d'appropriation de la
GIZC. Telle est la condition en effet pour convenir que la stratégie pour le milieu marin de l'Union
applique bien pour les eaux marines l'identité européenne de la GIZC.
Premier élément donc que devra assurer la directive-cadre « stratégie pour le milieu marin »
afin de respecter les travaux d'appropriation européenne de la GIZC : la protection de
l'environnement et le développement durable, gages de l'approche écosystémique intégrant le
développement des activités humaines et économiques. Définissant le « bon état écologique »
comme l'« état écologique des eaux marines tel que celles-ci conservent la diversité écologique et
le dynamisme d’océans et de mers qui soient propres, en bon état sanitaire et productifs dans le
cadre de leurs conditions intrinsèques, et que l’utilisation du milieu marin soit durable,
sauvegardant ainsi le potentiel de celui-ci aux fins des utilisations et activités des générations
actuelles et à venir », l'article 3 §5 de la directive-cadre de 2008 inscrit parfaitement la stratégie
pour le milieu marin de l'UE dans l'idée de protection des eaux marines par une approche
écosystémique de développement durable. Elle répond de la sorte au projet envisagé par le concept
de GIZC tel que formulé dès 1992 par l'Agenda 21 et repris par la suite par les institutions de l'UE
dans leurs programmes d'action communautaire pour l'environnement.
Dans un deuxième temps, et afin de répondre aux critères d'appropriation de la GIZC par
l'UE, il faudra se pencher sur les méthodes de travail envisagées pour la stratégie marine de l'Union.
Premier élément notoire de correspondance entre la recommandation de 2002 sur la GIZC et la
directive-cadre de 2008 : toutes deux projettent la mise en œuvre d'une stratégie. En effet, la
directive-cadre pour le milieu marin demande à ce que « chaque Etat membre élabore, pour chaque
région ou sous-région marine une stratégie pour le milieu marin »197 et à cette fin un calendrier
s'étalant de 2008 à 2016 prévoit les étapes à suivre 198. Le choix de la stratégie choisie pour le milieu
197Article 5 §1 de la directive-cadre « Stratégie pour le milieu marin ».
198Ainsi, le 15 juillet 2012 les Etats membres devront avoir établi une évaluation initiale de l'état écologique et de
l'impact environnemental des activités humaines sur les eaux marines, défini le bon état écologique de leurs eaux
marines, fixé les objectifs et outils de mesure permettant de parvenir au bon état écologique. Le 15 juillet 2014 le
programme de surveillance permettant d'évaluer et de mettre à jour les objectifs devra être élaboré et mis en place.
Enfin, en 2015 les mesures relatives à la création ou à la conservation du bon état écologique devront être élaborées
55
marin de l'Union européenne correspond donc complètement à l'axe défini par le Conseil en 2002
lorsque l'UE s'est appropriée le concept de GIZC par le biais d'une approche stratégique.
Dans le même sens, imaginant la mise en œuvre de sa stratégie pour le milieu marin, le
législateur européen a choisi la voie de la gouvernance environnementale. Pour définir les stratégies
nationales l'article 19 impose en effet aux Etats membres de veiller « à ce que toutes les parties
intéressées se voient offrir, à un stade précoce, de réelles possibilités de participer à la mise en
œuvre de la présente directive en mettant à contribution, dans la mesure du possible, les organes ou
les structures de gestion existants, y compris les conventions relatives aux mers régionales, les
organes de consultation scientifiques et les conseils consultatifs régionaux ». La méthode de mise
en application de la stratégie marine de l'UE correspond donc à celle qu'auraient choisie pour la
GIZC les institutions européennes, induite il est vrai par la notion d'intégration dans le concept de
GIZC, et qui n'est autre que la démarche de gouvernance environnementale.
En ce qui concerne le soucis de cohérence des actions de l'Union, la stratégie pour le milieu
marin devait être, à l'instar de la stratégie pour une gestion intégrée des zones côtières européenne,
associée aux autres politiques et ambitions de l'UE. Le paragraphe 3 de l'article 8 de la directivecadre de 2008 sur la stratégie pour le milieu marin de l'Union prévoit que la « pêche, le tourisme,et
les loisirs ainsi que les autres utilisations légitimes de la mer » doivent être pris en compte lors de
la définition du bon état écologique de l'espace marin européen. Bien que plus restreints en raison
d'un champ d'application plus étroit de la directive-cadre de 2008, les activités concernées par la
stratégie pour le milieu marin concernent ainsi, notamment pour la pêche, des domaines
traditionnels d'action politique de l'Union propres aux « eaux marines ». Par ailleurs, cette mise en
cohérence avec les politiques européennes traditionnelles demeure une marque de fabrique de la
stratégie pour le milieu marin de l'UE, puisqu'en associant à cette stratégie tous les Etats membres,
même ceux ne possédant pas de côtes 199, cette directive-cadre « peut contribuer à créer une
conscience maritime européenne au-delà des seuls Etats qui disposent d'un littoral »200 ne mettant
ainsi à l'écart aucun des Etats membres : condition politique indispensable pour une construction
européenne harmonieuse.
Enfin, toujours dans ce soucis de mise en cohérence, et alors que la recommandation de
2002 souhaite intégrer les « pays limitrophes »201 à la stratégie de GZIC européennes, l'article 6 §2
de la directive-cadre sur la stratégie pour le milieu marin prévoit qu'« aux fins de l’établissement et
afin d'être lancées au plus tard en 2016.
199Article 6 §2 in fine.
200AUFFRET (Y.), La directive stratégie pour le milieu marin : contenu et portée dans le contexte de la mise en œuvre
de la politique maritime de l'Union européenne, Revue européenne de droit de l'environnement, p. 179.
201Pays tiers à l'UE, voir le Chapitre V op. cit. recommandation du Conseil de 2002 relative à la mise en oeuvre d’une
stratégie de gestion intégrée des zones côtières en Europe.
56
de la mise en œuvre de stratégies marines, les Etats membres, au sein de chaque région ou sousrégion marine, mettent tout en œuvre, [...] pour coordonner leurs actions avec les pays tiers sous la
souveraineté ou la juridiction desquels sont placées des eaux de la même région ou sous-région
marine ». De cette manière, la directive-cadre de 2008 participe à l'objectif transfrontière proposé
par le Conseil lorsque celui-ci a voulu adapter en 2002 le concept de GIZC aux exigences de
l'UE202.
Finalement, sans toutefois reprendre le concept de GIZC tel que proposé par le droit
international de l'environnement, la directive-cadre « stratégie pour le milieu marin » de 2008 a
repris les critère d'appropriation européenne choisis en 2002 par le Parlement et le Conseil lors de
l'élaboration de la stratégie de GIZC européennes. Malgré le fait cependant que le champ
d'application de la stratégie pour le milieu marin diffère de celui de la GIZC, l'esprit du concept de
GIZC, tel que se l'est approprié l'UE, s'appliquera pleinement aux « eaux marines » grâce à la
directive-cadre de 2008.
Cette application partielle de la GIZC à travers la stratégie pour le milieu marin de l'UE reste
toutefois à nuancer en raison de l'entrée en vigueur au sein de l'UE du Protocole GIZC à la
Convention de Barcelone le 24 mars 2011, appliquant par conséquent deux fois le concept de GIZC
aux « eaux marines » de l'Union.
SECTION SECONDE : LE PROTOCOLE A LA CONVENTION DE BARCELONE SUR LA
GESTION INTEGREE DES ZONES COTIERES FINALISANT L'APPROPRIATION
EUROPENNE DE CE CONCEPT
Dans le cadre du PNUE proposant le PAM fût adoptée le 16 février 1976 la Convention pour
la protection de la mer Méditerranée contre la pollution, dite convention de Barcelone, modifiée le
10 juin 1995 pour devenir la Convention sur la protection du milieu marin et du littoral de la
Méditerranée203. Dans le cadre de cette Convention est adopté le 21 janvier 2008 le Protocole relatif
à la GIZC de la Méditerranée. Partie à cette Convention dès 1978, l'UE a participé à l'élaboration de
ce Protocole, sans toutefois manquer d'y apporter son expérience et ses conceptions en matière de
GIZC (§1.). Soumis au régime des accords mixtes du droit de l'UE, il est alors légitime de se
202op. cit. recommandation du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2002 relative à la mise en œuvre d'une
stratégie de gestion intégrée des zones côtières en Europe, chapitre V. §1.
203op.cit. http://www.unepmap.org.
57
demander si ce protocole ne pourrait pas de cette façon être l'aboutissement idirect de la stratégie de
GIZC européennes lancée en 2002204, palliant ainsi l'absence d'acte de droit dérivé en la matière
(§2.).
§1. La concordance entre l'esprit du Protocole GIZC et le travail d'appropriation
européenne de ce concept
« Tirant profit des expériences existantes des gestion intégrées des zones côtières et des
travaux menés par différentes organisations, notamment les instances européennes »205, le Protocole
GIZC à la Convention de Barcelone correspond parfaitement à l'identité européenne de la GIZC
résultant du processus d'appropriation européenne de ce concept de droit international. En effet, la
gouvernance et l'action stratégique (A.), mais aussi l'approche écosystémique et la mise en
cohérence propres aux projets politiques de l'UE (B.) et repris par le Protocole GIZC ont permis à
l'UE d'y adhérer sans difficulté.
A. La reprise des méthodes européennes d'action environnementale : gouvernance et
approche stratégique
Le paragraphe premier de l'article 14 du Protocole GIZC, intitulé « participation » prévoit
qu'« en vue de garantir une gouvernance efficiente tout au long du processus de gestion intégrée
des zones côtières, les Parties prennent les mesures nécessaires pour assurer, aux phases de
l’élaboration et de la mise en œuvre des stratégies, plans et programmes ou projets côtiers et
marins ainsi que lors de la délivrance des diverses autorisations, la participation appropriée des
diverses parties prenantes, parmi lesquelles : les collectivités territoriales et les entités publiques
concernées; les opérateurs économiques; les organisations non gouvernementales; les acteurs
sociaux; le public concerné ».
Reprenant ici les habitudes de traitement des préoccupations environnementales par le droit
204op. cit. recommandation du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2002 relative à la mise en œuvre d'une
stratégie de gestion intégrée des zones côtières en Europe/
205Préambule du Protocole GIZC à la Convention de Barcelone, disponible sur : http://www.unepmap.org.
58
de l'environnement, le Protocole GIZC associe sans surprise la réalisation de ses objectifs à la
gouvernance environnementale. Sans être originale pour autant, cette remarque permet de
rapprocher l'essence de ce Protocole GIZC à la Convention de Barcelone avec le concept
européanisé de la GIZC. Puisque la gouvernance environnementale ferait vraisemblablement l'objet
du choix des institutions de l'UE si celles-ci avaient à adopter un acte de droit dérivé relatif à la
GIZC, on aurait tort de considérer que ce Protocole n'a aucun rapport avec l'esprit européen de la
GIZC.
Dans le même esprit, l'article 18 du Protocole GIZC, portant sur les stratégies nationales, les
plans et les programmes côtiers que les Etats parties devraient mettre en place pour gérer de
manière intégrée leurs zones côtières, préconise que « chaque Partie renforce ou élabore une
stratégie nationale de gestion intégrée des zones côtières ainsi que des plans et programmes côtiers
de mise en œuvre ». Le pendant européen de cette stratégie nationale de GIZC souhaitée par le
Protocole à la Convention de Barcelone n'est autre que la recommandation du Conseil de 2002 206
relative à la mise en œuvre d'une stratégie européenne de GIZC. Une fois encore donc, le Protocole
GIZC adopté dans le cadre de la Convention sur la protection du milieu marin et du littoral de la
Méditerranée correspond au schéma imaginé par l'UE en matière de GIZC.
Ainsi, l'identité européenne de la GIZC se retrouve dans l'architecture proposée par le
Protocole GIZC. Gouvernance environnementale et stratégie d'action résonnent donc avec
l'appropriation européenne de la GIZC, ce qui permit à l'Union de signer ce Protocole le 16 janvier
2009 sans réelle difficulté.
Cet unisson conceptuel se vérifiera d'ailleurs à nouveau non seulement à propos de
l'intégration des activités économiques humaines à l'approche écosystémique propre au droit de
l'Union mais également de ce qui s'impose de tout outil au service d'une politique européenne : la
mise en cohérence avec les ambitions humaines et économiques de l'UE.
B. La référence aux cadres traditionnels européens : approche écosystémique et mise en
cohérence
206op. cit. recommandation du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2002 relative à la mise en œuvre d'une
stratégie de gestion intégrée des zones côtières en Europe.
59
L'article 9 §2 du Protocole GIZC rattache toutes les activités humaines, et notamment les
activités économiques, à la protection des écosystèmes, se conformant ainsi à l'esprit de
développement durable. A titre d'exemple : « Agriculture et industrie, la localisation et le
fonctionnement des activités agricoles et industrielles doivent garantir un niveau élevé de
protection de l'environnement afin de préserver les écosystèmes et paysages côtiers [...] »207 ou
encore « les activités maritimes doivent être conduites de manière à assurer la préservation des
écosystèmes côtiers, conformément aux règles, normes et procédures des conventions
internationales pertinentes »208.
De cette façon, et ainsi que l'exige le concept de développement durable dans l'approche
écosystémique européenne, le Protocole GIZC à la Convention de Barcelone parvient à insérer les
activités humaines dans l'approche écosystémique traditionnellement promue par le droit
international de l'environnement.
Néanmoins, les activités humaines, et plus particulièrement les activités économiques, sont
trop souvent considérées par le Protocole GIZC comme une menace pour les écosystèmes
méditerranéens dont la GIZC doit assurer la protection. Ce Protocole adopte en effet une position
défensive par rapport à ces activités anthropiques en exigeant que les Parties fassent « en sorte que,
dans les diverses activités économiques, soit réduite au minimum l'utilisation des ressources
naturelles et soient pris en compte les besoins des générations futures 209 [et qu'elles fassent
également] en sorte d'adapter l'économie côtière et maritime à la nature fragile des zones côtières
et de protéger les ressources de la mer contre la pollution 210 ». Alors que le droit de l'UE devra sans
cesse concilier les impératifs environnementaux et les activités humaines s'il souhaite œuvrer
« pour le développement durable de l'Europe fondé sur une croissance économique équilibrée […]
et un niveau élevé de protection et d'amélioration de l'environnement »211, le Protocole GIZC dresse
tristement
les
activités
économiques
côtières
contre
les
impératifs
environnementaux
méditerranéens.
L'opinion inverse pourrait cependant être défendue puisque l'article 6 c. du Protocole GIZC
affirme qu'« une approche écosystémique dans l'aménagement et la gestion des zones côtières afin
d'assurer le développement durable de celles-ci » sera appliquée. Mais cette remarque négative
relève davantage du sentiment qui ressort à la suite d'une lecture complète du Protocole GIZC à la
Convention de Barcelone.
Enfin, il faut encore que ce Protocole GIZC assure le mise en cohérence de ce concept avec
207Article 9 §2 a. du Protocole GIZC à la Convention de Barcelone, disponible sur : http://www.unepmap.org.
208Article 9 §2 g. du Protocole GIZC à la Convention de Barcelone.
209Article 9 §1. c. du Protocole GIZC à la Convention de Barcelone.
210Article 9 §1. d. du Protocole GIZC à la Convention de Barcelone.
211Article 3 §2. TUE.
60
les autres actions des politiques de l'UE. Puisque « dans la mise en œuvre des dispositions du
présent Protocole, les Parties [s'efforcent de] prendre en compte la multiplicité et la diversité des
activités dans les zones côtière»212, il n'est pas envisageable que l'UE mette en œuvre ce Protocole
GIZC sans considérer les autres objectifs qu'elle a formulés pour ses zones côtières. Considérant
que la mise en cohérence du concept de GIZC avec les autres pans de l'action européenne relève
exclusivement de la compétence de l'Union, il faut toutefois noter que ce Protocole possède les
outils susceptibles de faciliter le travail des institutions européennes en la matière.
L'article 9 §2 du Protocole GIZC s'attache en effet à énumérer les activités littorales qui
entrent largement dans le champ des objectifs de l'UE. Il s'agit donc de mettre en cohérence
l'agriculture, l'industrie, la pêche, l'aquaculture, le tourisme et toute autre utilisation des côtes et des
ressources halieutiques avec le concept de GIZC. Dans le même esprit, l'article 28 qui prône la
coopération transfrontière afin de créer les conditions d'une GIZC participe à la démarche de mise
en cohérence de ce concept, engagée dès 2002 grâce à la recommandation du Conseil et du
Parlement européen213.
A l'évidence étant donné qu'un instrument obligatoire de droit international comme ce
Protocole GIZC ne peut et ne doit en aucun cas être fait aux mesures des politiques de l'une de ses
Parties, celui-ci ne saurait bien sûr répondre pleinement aux politiques économiques, sociales et
environnementales inhérentes à la construction européenne, et ce d'autant plus que les Etats parties
tant à la Convention de Barcelone qu'à son Protocole GIZC ne sont pas tous des Etats membres de
l'UE214.
Les Parties sont cependant très libres de gérer leurs zones côtières de façon intégrée en
fonction de leurs contraintes et objectifs internes, puisqu'elles ne sont que « guidées »215 dans la
mise en œuvre de ce concept. Elles sont toutefois soumises à une obligation : atteindre les objectifs
fixés par l'article 5 du Protocole. L'UE peut donc de la sorte faire adhérer assez librement ses
ambitions politiques traditionnelles au concept de GIZC tel que promu par le Protocole de 2008. La
mise en cohérence des politiques de l'Union avec le concept de GIZC par le biais du Protocole à la
Convention de Barcelone qui lui est destiné est alors plus qu'envisageable.
De même que pour la gouvernance environnementale et l'approche stratégique, le Protocole
GIZC offre à l'UE la possibilité de s'exprimer librement au sujet de l'approche écosystémique et de
212Article 6 g. du Protocole GIZC à la Convention de Barcelone.
213op. cit. recommandation du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2002 relative à la mise en œuvre d'une
stratégie de gestion intégrée des zones côtières en Europe.
214Voir « Signatures and Ratifications of the Barcelona Convention for the Protection of the Marine Environment and
the Coastal Region of the Mediterranean and its Protocols as at 31 December 2011 », disponible sur
http://www.unepmap.org.
215Voir notamment l'article 6 du Protocole GIZC à la Convention de Barcelone, disponible sur :
http://www.unepmap.org.
61
la mise en cohérence de ce concept en fonction de ses propres caractéristiques. Seul le statut
juridique de ce Protocole GIZC au sein de l'UE permettra toutefois de dire s'il constitue
l'aboutissement de la stratégie européenne de GIZC amorcée en 2002 par la recommandation du
Conseil et du Parlement216.
§2. La place prépondérante du Protocole GIZC en droit de l'Union pour la gestion
intégrée des zones côtières européennes
Palliant l'absence d'acte de droit dérivé de l'UE exclusivement destiné à la GIZC (B.), le
Protocole GIZC à la Convention de Barcelone parvient, non seulement par son contenu mais surtout
par son statut d'accord mixte (A.), à parachever la stratégie de GIZC engagée par l'UE en 2002217.
A. Le statut privilégié d’accord mixte du Protocole GIZC dans l’ordre juridique
de l’Union européenne
Tous les Etats membres de l'UE bordant la Méditerranée218 sont parties à la Convention de
Barcelone et sont, à l'exception toutefois de Chypre, parties au Protocole GIZC de 2008 219. Il s'agit
donc d'un accord mixte, autrement dit d'un accord conclu à la fois par l'Union et par les Etats
membres.
Cette situation se rencontre souvent lorsque l'UE partage une compétence avec ses Etats
membres220, à l'instar de la compétence environnementale221. Le régime juridique des accords mixtes
fût très clairement établi par les juges de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) depuis
1974. Dans le cadre de l'affaire Haegeman222, les juges de la Cour de justice des Communautés
européennes (CJCE) affirmèrent que les accords internationaux conclus par la Communauté d'alors
216op. cit. recommandation du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2002 relative à la mise en œuvre d'une
stratégie de gestion intégrée des zones côtières en Europe.
217op. cit. recommandation du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2002 relative à la mise en œuvre d'une
stratégie de gestion intégrée des zones côtières en Europe.
218Il s'agit de Chypre, de l'Espagne, de la France, de la Grèce, de l'Italie, de Malte et de la Slovénie.
219op. cit. « Signatures and Ratifications of the Barcelona Convention for the Protection of the Marine Environment
and the Coastal Region of the Mediterranean and its Protocols as at 31 December 2011 ».
220op. cit. BLUMANN (C.) et DUBOUIS (L.), Droit institutionnel de l'Union européenne, pp.172 et 395.
221Article 4 §2 e. TFUE.
222CJCE, arrêt du 30 avril 1974, R. & V. Haegeman c/ Etat belge, aff. C-181/73, Rec. p. 449.
62
font « partie intégrante » de l'ordre juridique européen dès leur entrée en vigueur, et que « la Cour
est dès lors compétente pour statuer à titre préjudiciel sur l'interprétation » d'un tel accord
international. Toujours à propos des accords mixtes, la CJCE adoptera en 1987 la même position
dans son arrêt Demirel, précisant que « les accords mixtes conclus par la Communauté, ses Etats
membres et des pays tiers ont le même statut dans l'ordre juridique communautaire que les accords
purement communautaires, s'agissant des dispositions qui relèvent de la Compétence de la
Communauté »223. Il apparaît donc clairement que la CJUE pourra interpréter les dispositions du
Protocole GIZC de 2008.
Outre ce pouvoir d'interprétation des juges de l'Union, reste maintenant à savoir si ceux-ci
ont la possibilité de sanctionner un Etat membre qui ne respecterait pas le Protocole GIZC. Dans
quelles mesure les accords mixtes sont-ils invocables devant les juges ?
Dans son arrêt Kupferberg de 1981224, la Cour reconnaît le fait qu'un accord mixte puisse
être invoqué devant les juges européens, et donc en premier lieu devant les juges nationaux. Même
si les conditions de cette invocabilité ne sont pas clairement posées en 1981, il est toutefois possible
de se référer au grand arrêt Van Gend en Loos de 1963225 consacrant le principe de l'effet direct du
droit de l'Union pour les normes de droit ne le prévoyant pas explicitement, comme les directives
ou, en ce qui nous concerne, les accords mixtes 226. Cet effet direct, et donc cette invocabilité que le
juge de l'Union reconnaît pour certains actes, doit toutefois remplir certaines conditions.
Traditionnellement, et toujours selon l'arrêt Van Gend en Loos, il faudra que l'acte en question soit
suffisamment clair, précis et inconditionnel afin d'avoir un effet direct dans les ordres juridiques des
Etats membres227.
Les trois conditions de l'effet direct des accords mixtes ne seront cependant reconnues que
plus tardivement, avec en 1987 l'arrêt Demirel puis en 2003 l'arrêt Wählgruppe Gemeinsam,
affirmant qu'« une disposition d'un accord conclu par la Communauté avec les pays tiers doit être
considérée comme étant d'application directe lorsque, eu égard à ses termes ainsi qu'à l'objet et à
la nature de l'accord, elle comporte une obligation claire et précise qui n'est subordonnée, dans son
exécution ou dans ses effets, à l'intervention d'aucun acte ultérieur »228.
La question se pose donc de savoir si le Protocole GIZC à la Convention de Barcelone
223CJCE, arrêt du 30 septembre 1987, Meryem Demirel c/ Ville de Schwäbisch Gmund, aff. C-12/86, Rec. p. 3719,
point 9.
224CJCE, arrêt du 26 octobre 1981, Hauptzollamt Mainz c/ C.A. Kupferberg & Cie KG a.A, aff. C-104/81, Rec.p. 3641.
225CJCE, arrêt du 5 février 1963, NV Algemene Transport- en Expeditie Onderneming van Gend & Loos c/
Administration fiscale néerlandaise, aff. C-26/63, Rec. I. p. 3.
226NEUWAHL (N.), Le droit des particuliers d’invoquer les accords internationaux de la Communauté européenne
devant les cours nationales, Revue québécoise de droit international, juin 2002, n° 15-2, p. 45.
227op. cit. BLUMANN (C.) et DUBOUIS (L.), Droit institutionnel de l'Union européenne, pp. 520 et 521.
228op. cit. CJCE, Meryem Demirel c/ Ville de Schwäbisch Gmund, point14 ; CJCE, arrêt du 8 mai 2003, Wählgruppe
gemeinsam, aff. C-171/01, Rec. I. p. 4301, point 54.
63
pourra en tant qu'accord mixte être invocable directement devant les juges nationaux et si, de cette
façon, son contenu sera susceptible de palier l'absence d'instrument de droit dérivé de l'UE en
matière de GIZC, afin de concrétiser l'ambition stratégique posée en 2002229.
B. Le protocole GIZC comme succédané à l'absence de droit dérivé de l'Union en
matière de gestion intégrée des zones côtières
A propos de la Convention de Barcelone de 1976 et de l'un de ses Protocoles, la CJCE a
justement eu à rendre un arrêt concernant la question de l'effet direct d'une disposition de ce
Protocole qui était invoquée par un requérant devant les juridictions nationales d'un Etat membre. Il
s'agit de l'affaire dite des Pêcheurs de l'étang de Berre du 15 juillet 2004
230
, dans laquelle la Cour
de cassation française dut poser une question préjudicielle aux juges de l'Union dans un litige
opposant le « Syndicat professionnel coordination des pêcheurs de l'étang de Berre et de la région »
à l'entreprise « Electricité de France » (EDF)231.
Le syndicat de pêcheurs de l'étang de Berre considérait que l'usine hydroélectrique d'EDF
située sur la ville de Saint-Chamas déversait des quantités de limon supérieures à celles autorisées
par le Protocole d'Athènes à la Convention de Barcelone, adopté le 17 mai 1980 afin de protéger la
Méditerranée contre les pollutions d'origine tellurique232. C'est à l'égard de ce Protocole d'Athènes
que les juges ont rappelé qu'« une disposition d'un accord conclu par la Communauté avec des pays
tiers doit être considérée comme étant d'application directe lorsque, eu égard à ses termes ainsi
qu'à l'objet et à la nature de l'accord, elle comporte une obligation claire et précise qui n'est pas
subordonnée, dans son exécution ou dans ses effets, à l'intervention d'aucun acte ultérieur »233.
Comme pour tout accord mixte, les conditions de clarté, de précision et d'inconditionnalité sont bien
exigées lorsqu'il s'agit d'examiner l'effet direct d'un Protocole d'application à la Convention de
Barcelone de 1976.
Plus précisément, dans le cas de l'affaire Pêcheurs de l'étang de Berre, la question
préjudicielle posée au juge par la Cour de cassation consistait en l'examen de l'effet direct de
229op. cit. recommandation du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2002 relative à la mise en œuvre d'une
stratégie de gestion intégrée des zones côtières en Europe.
230CJCE, arrêt du 15 juillet 2004, Pêcheurs de l'étang de Berre, aff. C-213/03, Rec. I. p. 7357.
231MALJEAN-DUBOIS (S.) et TRUILHE-MARENGO (E.), Le conflit entre les pêcheurs de l’étang de Berre et EDF,
Droit de l’environnement, septembre 2005, pp. 186-190 ; BERAUD (R.-C.), Note sous arrêt, La gazette du palais,
août 2006, pp. 21-25 ; MORIN (M.), Note sous arrêt, Droit maritime français, avril 2005, pp. 371-374.
232Le Protocole d'Athènes du 17 mai 1980, entré en vigueur le 17 juin 1983, a été modifié par des amendements
adoptés le 7 mars 1996 à Syracuse et s’intitule à présent « Protocole relatif à la protection de la mer Méditerranée
contre la pollution provenant de sources et activités situées à terre ».
233op. cit., CJCE, Pêcheur de l'étang de Berre, point 39.
64
l'article 6 §3 du Protocoles d'Athènes. La CJCE a en l'espèce considéré que les dispositions en cause
prévoyaient « dans des termes clairs, précis et inconditionnels, l'obligation pour les Etats membres
de subordonner les rejets de substances énumérées [par le Protocole d'Athènes] à la délivrance,
par les autorités nationales compétentes, d'une autorisation tenant dûment compte des dispositions
d'[une des annexes du Protocole d'Athènes] »234. Les syndicats professionnels de pêcheurs de l'étang
de Berre pouvaient donc légitimement invoquer ces dispositions du Protocole d'Athènes devant les
juges nationaux français.
Qu'en serait-il cependant du Protocole GIZC de 2008 à la Convention de Barcelone ? Peut-il
également bénéficier de cet effet direct accordé par les juges de l'Union aux accords mixtes qui sont
clairs, précis et inconditionnels ? Naturellement, seule la CJUE est aujourd'hui compétente pour
répondre à cette question, et seules des hypothèses peuvent être ici envisagées.
Il est bien entendu impossible de se pencher sur chaque article du Protocole GIZC à la
Convention de Barcelone, mais un aperçu rapide, confronté à l'article 6 du Protocole d'Athènes
servant ici de support de comparaison, pourra certainement nous révéler l'éventuelle position des
juges de l'Union quant à l'invocabilité des dispositions de ce Protocole GIZC.
La CJCE a donc reconnu que l'article 6 §1 du Protocole d'Athènes, selon lequel « les parties
s'engagent à réduire rigoureusement la pollution d'origine tellurique de la zone du protocole par
les substances ou sources énumérées à l'annexe II au présent protocole », et surtout l'article 6 §3 du
Protocole d'Athènes, précisant que « les rejets sont strictement subordonnés à la délivrance, par les
autorités nationales compétentes, d'une autorisation tenant dûment compte des dispositions de
l'annexe III », bénéficiaient d'un effet direct235. Sans entrer dans les détails des arguments présentés
aux juges de l'Union au sujet de l'article 6 §3 qui selon les syndicats de pêcheurs « comporterait, eu
égard à ses termes ainsi qu'à l'objet et à la nature de celui-ci, l'obligation claire, précise et
inconditionnelle de subordonner les rejets de substances visées à l'annexe II du protocole à la
délivrance d'une autorisation préalable par les autorités nationales compétentes »236, il est possible
de supposer, à titre d'exemple, que le niveau de clarté, de précision et d'inconditionnalité des articles
6, 9 ou 10 du Protocole GIZC permettent parfaitement de témoigner du probable effet direct d'une
grande partie des dispositions du Protocole GIZC237.
L'effet direct que reconnaîtra vraisemblablement la CJUE au Protocole GIZC impose donc
tant à l'Union qu'aux Etats membres de mettre en œuvre celui-ci.
234op. cit. CJCE, Pêcheurs de l'étang de Berre, point 41.
235A noter qu'il ne s'agit plus de l'article 6 §1 et 3 actuel du Protocole d'Athènes, modifié par les amendements adoptés
le 7 mars 1996 à Syracuse.
236op. cit. CJCE, Pêcheurs de l'étang de Berre, point 36.
237 SCOVAZZI (T.à, ROCHETTE (J.), Le projet de protocole méditerranéen relatif à la gestion intégrée des zones
côtières, Annuaire de droit maritime et océanique, janvier 2007, pp. 303-309.
65
Dans l'esprit de l'arrêt Van Gend en Loos, il devient alors possible d'affirmer que ce
Protocole possède le ton et l'ambition de ce qu'aurait pu être une directive en matière de GIZC
européennes. En effet, puisque le Protocole GIZC reprend les aspirations européennes définies lors
du processus d'appropriation européenne du concept de GIZC, si le Conseil et le Parlement venaient
à adopter une directive relative à la stratégie en matière de GIZC, il est fort probable que ceux-ci se
bornent à reprendre les dispositions du Protocole GIZC.
La stratégie de l'Union en matière de GIZC, amorcée en 2002 par la recommandation du
Conseil et du Parlement238, aboutit donc dans ce Protocole GIZC à la Convention de Barcelone,
grâce à l'effet direct reconnu au accords mixte par les juges de l'Union depuis 1974.
238op. cit. recommandation du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2002 relative à la mise en œuvre d'une
stratégie de gestion intégrée des zones côtières en Europe.
66
*
Le processus d'appropriation européenne de la GIZC a donc abouti. Chargé de se pencher
sur le rôle que doit jouer l'UE dans l'Histoire du bassin méditerranéen, les développements qui vont
suivre ce concentreront sur un espace étroit de la Méditerranée : la Zone RAMOGE.
Acteur depuis 1976 de la protection environnementale de la Méditerranée, l'Accord
RAMOGE élève au pinacle le titre de zone pilote de la protection de l'environnement
méditerranéen.
Possédant en lui-même toutes les ressources et tous les talents pour être une zone pilote
européenne du développement durable en Méditerranée, l'Accord RAMOGE peut être considéré
comme acteur de premier ordre de l'identité européenne de la GIZC méditerranéennes. Pour cela, il
devra faire la preuve que ses projets en matière de GIZC sont en mesure de participer à l'approche
écosystémique, de suivre une démarche de gouvernance environnementale, de s'associer aux
stratégies d'action environnementale de l'UE et d'être cohérents avec l'ensemble des actions
politiques de l'Union.
Si la tâche apparaît difficile elle fut accomplie avec succès par l'Accord RAMOGE, ce qui
lui permettra d'ailleurs de développer ses projets de GIZC grâce à l'UE.
*
67
SECONDE PARTIE :
L'ACCORD RAMOGE UNE ZONE PILOTE
INCONTESTABLE DES POLITIQUES EUROPENNES DE
DEVELOPPEMENT DURABLE EN MEDITERRANEE
68
69
En Méditerranée, par exemple, certains Etats se sont organisés pour protéger une partie
d'espace fragile et unique. Tel est le choix qu'ont fait en 1976 la France, l'Italie et Monaco, en
convenant de l'Accord RAMOGE239. Même si l'espace de la Zone RAMOGE dans lequel œuvrent
les actions de l'Accord demeure relativement réduit par rapport à la Méditerranée 240, il n'en reste pas
moins que pour le concept de GIZC, tel qu'est parvenue à se l'approprier l'UE, l'Accord RMOGE
recense toutes les qualités lui permettant d'être une zone pilote241 européenne de la GIZC en
Méditerranée (Ch. Premier). Cette qualité de zone pilote européenne de la GIZC ne doit cependant
pas être qu'un titre honorifique ni même une fin en soi. Bien au contraire, l'Accord RAMOGE devra
démontrer aux institutions de l'UE sa capacité à être cette zone pilote de la GIZC méditerranéenne,
afin d'obtenir de leur part, et en particulier de la Commission européenne, quelques subventions.
Celles-ci seront d'ailleurs d'autant plus faciles à obtenir que l'Accord RAMOGE, sans renier sa
vocation originelle de protecteur de l'environnement, n'hésitera pas à mettre en avant les incidences
économiques positives pour les politiques de l'UE induites par ses actions en matière de GIZC (Ch.
second).
239op. cit. Accord RAMOGE disponible sur : http://www.ramoge.org/documents/accord.pdf.
240 L'article 2 §1. précise que « Le présent Accord s'applique en Méditerranée à la "Zone RAMOGE", c'est-à-dire : a)
aux eaux de la mer territoriale et aux eaux intérieures bordant le littoral continental relevant de la souveraineté
des trois Etats Parties et situées entre, à l'Ouest, le méridien 04 °50',5 de longitude Est et, à l'Est, le méridien
010°01',2 de longitude Est ;b) à terre au littoral continental tel que défini par chacun des Etats Parties, situé dans
les limites visées à la lettre a) ; c) aux îles qui sont situées dans les limites de la mer territoriale du littoral
continental visées à la lettre a) ».
241 op. cit. article 3 de l'Accord RAMOGE, voit infra.
70
CHAPITRE PREMIER : LA CAPACITE DE L'ACCORD RAMOGE A CONSTITUER EN
MEDITERRANEE UNE ZONE PILOTE EUROPEENNE DE LA GESTION INTEGREE
DES ZONES COTIERES
Pour être une zone pilote européenne de la GIZC en Méditerranée, l'Accord RAMOGE doit
répondre aux quatre caractéristiques de l'identité européenne de la GIZC. En dehors de la cohérence
des projets de GIZC de l'Accord avec les politiques traditionnelles de l'UE qui sera étudiée plus
tard, RAMOGE parvient à créer les conditions d'une gouvernance et d'une stratégie d'action en
matière de GIZC, même si des perspectives intéressantes demeurent encore inexploitées (Section
première). De même le choix de protéger les écosystèmes marins en suivant la démarche du
développement durable de la Zone RAMOGE permet d'affirmer que l'Accord participe activement à
l'identité européenne de la GIZC (Section seconde).
SECTION PREMIERE : LES ACQUIS ET LES PERSPECTIVES DE L'ACCORD RAMOGE EN
MATIERE DE GOUVERNANCE ET DE STRATEGIE D'ACTION
Si la logique de gouvernance environnementale paraît être une méthode d'actions largement
adoptée par l'Accord RAMOGE, malgré quelques évolutions à accomplir (§1.), les efforts seront
peut-être plus importants à réaliser si l'Accord souhaite transformer ses simples projets stratégiques
en réelle stratégie d'action européenne(§2.).
§1. La participation évidente de l'Accord RAMOGE à une logique de gouvernance
nécessitant des ouvertures ciblées
L'Accord RAMOGE parvient en effet à très bien inclure les autorités publiques locales dans
la réalisation de ses projets de GIZC (A.), mais devra tendre davantage la main aux organisations
non gouvernementales (ONG) s'il souhaite créer les conditions complètes d'une gouvernance (B.).
71
A. L'Accord RAMOGE et ses partenaires locaux au service d'une gouvernance
environnementale efficace
L'article 6 du Protocole GIZC à la Convention de Barcelone de 1976 précise que « dans la
mise en œuvre des dispositions du présent Protocole, les Parties sont guidées par les principes
suivants de gestions intégrées des zones côtières : [dont le fait d'] assurer une gouvernance
appropriée permettant de faire participer, de manière adéquate et en temps utile, à un processus de
décision transparent les populations locales et les parties prenantes »242. Si la gouvernance est un
« principe » voué à guider les Etats qui souhaitent gérer de façon intégrée leurs zones côtières, l'UE
n'a pas attendu le Protocole GIZC pour traiter les questions environnementales européennes, dont la
GIZC, en faisant usage des techniques de gouvernance environnementale243.
Faisant
écho
à
cette
pratique
devenue
classique
pour
traiter
les
impératifs
environnementaux, l'Accord RAMOGE a également décidé d'agir en faisant participer toutes les
parties prenantes à la prise de décision. Plusieurs de ses projets sont en effet réalisés sur le
fondement d'actions concertées autour des principes de gouvernance environnementale. Le choix
fait par l'Accord de travailler de concert avec l'ensemble des parties prenantes correspond donc aux
caractéristiques choisies par l'UE pour mettre en œuvre la GIZC sur le continent européen.
Premier exemple : le projet de gestion environnementale des sédiments portuaires 244. Celui
-ci prend part à cette logique de gouvernance environnementale voulue par l'Accord RAMOGE
puisqu'il apporte une réponse concertée à l'immersion de déchets d'origine tellurique à proximité
des côtes qui perturbent dans les chenaux, canaux, rivières et fleuves non seulement la circulation
maritime mais également les équilibres physico-chimiques des masses d'eaux douces et salées. Les
solutions les plus efficaces envisagées pour résoudre ce problème sont les opérations de dragage et
la réduction des immersions de déchets telluriques qui ne peuvent manifestement pas être réalisés
par un seul acteur, à savoir RAMOGE. Ainsi, pour mener à bien ce projet, l'Accord RAMOGE fait
intervenir depuis une dizaine d'années la Communauté d'agglomération Toulon Provence
Méditerranée245, acteur primordial dans le domaine de la recherche et de la prévention sur la
problématique de ces sédiments portuaires. Toujours dans un esprit de gouvernance
environnementale, l'Accord RAMOGE traite également cette question des sédiments portuaires en
242Article 6 d. du Protocole GIZC à la Convention de Barcelone, disponible sur http://www.unepmap.org.
243op. cit. notamment au sujet des ressources aquatiques : directive 2000/60/CE du Parlement européenne et du Conseil
du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau. Mais de
manière générale, la gouvernance environnementale est une pratique toujours mise en œuvre par l'UE : voir
notamment op. cit. communication de la Commission, Gouvernance européenne : un livre blanc, COM(2001) 428
final.
244http://ramoge.org/fr/sediments_portuaires.aspx
245http://www.tpm-agglo.fr .
72
partenariat avec le Centre d'Etudes Technique de l'Equipement (CETE) pour la Méditerranée246,
dans le cadre des projets SEDIMARD et SEDIMED247.
La gestion des ports de plaisance de la Zone RAMOGE 248 est un autre exemple d'action de
GIZC méditerranéennes pour laquelle l'Accord fait appel à toutes les parties prenantes. A cet effet,
l'Accord RAMOGE publie en 2001 un guide intitulé « le management environnemental des ports de
plaisance »249, destiné tant aux gérants de ces ports de plaisance qu'à leurs utilisateurs. Associant le
travail et l'effort des exploitants, des plaisanciers et des autorités publiques concernées, cette gestion
environnementale des ports de plaisance, visant à faire de RAMOGE une zone pilote de la
protection de l'environnement marin en Méditerranée, utilise donc pleinement les méthodes d'action
concertée proposées par la gouvernance environnementale.
De même, puisque « la participation accrue des autorités régionales et locales aux
politiques de l'Union reflète aussi, dans certains États membres, leurs responsabilités croissantes et
un engagement plus important des citoyens et des organisations de base dans la démocratie
locale »250, il semble que la participation de l'Accord RAMOGE ne puisse être écartée des projets
européens de protection de la Méditerranée. Dans cet esprit, se sont engagées des réunions
d'échange entre les trois Etats parties de l'Accord au sujet de la directive-cadre de l'UE établissant
une « stratégie pour le milieu marin »251. L'Accord RAMOGE se veut être le lieu de rencontres entre
les autorités françaises, italiennes et monégasques afin d'appliquer cette stratégie au milieu marin de
la Zone RAMOGE. Lieu d'échanges d'expériences et d'informations entre les autorités publiques
des trois Etats, l'Accord RAMOGE est donc un espace d'intégration de la gestion des eaux marines
de la Méditerranée, promue par le concept européanisé de la GIZC qui innerve, pour les eaux
marines seulement, la stratégie de l'UE pour son milieu marin.
La stratégie de GIZC européennes amorcée en 2002 par la recommandation du Parlement et
du Conseil252 n'a aboutit qu'au travers le Protocole GIZC à la Convention de Barcelone de 1976.
Très vraisemblable, le choix de l'UE de traiter la gestion intégrée des ses côtes en faisant usage des
méthodes proposées par la gouvernance environnementale est expressément repris par l'article 6 du
Protocole GIZC. Il est donc possible d'affirmer que les méthodes d'action concertées utilisées par
246Centre d'études dépendant du ministère de l'écologie, du développement durable, du transport et du logement, voir
plus précisément: http://www.cete-aix.fr/fr/.
247Voir infra lorsqu'il s'agira d'examiner la dynamique stratégique envisagée par l'Accord RAMOGE dans le cadre de
l'identité européenne de la GIZC.
248http://ramoge.org/fr/ports_plaisances.aspx.
249Disponible sur : http://ramoge.org/Documents/ports_plaisance.pdf .
250op cit. communication de la Commission européenne Gouvernance européenne : un livre blanc, COM(2001) 428
final p. 15.
251op. cit. directive 2008/56/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 établissant un cadre d’action
communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin.
252op. cit. recommandation du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2002 relative à la mise en œuvre d'une
stratégie de gestion intégrée des zones côtières en Europe.
73
l'Accord RAMOGE classent celui-ci au rang de zone pilote européenne de la GIZC.
Cependant, sans s'endormir sur ses lauriers, l'Accord RAMOGE devra explorer toutes les
pistes qui, faisant participer d'autres parties prenantes au processus de décisions, le conduiront,
grâce à la gouvernance environnementale, à s'ancrer dans l'identité européenne de la GIZC.
B. Le besoin d'intégrer davantage les organisations non gouvernementales pour
établir une gouvernance élargie et plus complète
Le Protocole GIZC à la Convention de Barcelone, dont le statut d'accord mixte en droit de
l'UE pallie l'absence d'instrument de droit dérivé de l'UE en matière de GIZC de l'Union, prévoit en
son article 14 qu'« en vue de garantir une gouvernance efficiente tout au long du processus de
gestion intégrée des zones côtières, les Parties prennent les mesures nécessaires pour assurer […]
la participation appropriée des diverses parties prenantes, parmi lesquelles : les collectivités
territoriales et les entités publiques concernées ; les opérateurs économiques ; les organisations
non gouvernementales ; les acteurs sociaux ; le public concerné ».
Bien que l'Accord RAMOGE soit, sur le plan de la gouvernance environnementale, une
zone pilote européenne en matière de GIZC européennes, il doit toutefois continuer à imaginer les
moyens de faire vivre l'identité européenne de la GIZC. L'Accord doit en effet faire participer
d'autres partenaires, tels ceux proposés par le Protocole GIZC, afin d'acter complètement la
démarche de gouvernance de la GIZC.
L'Accord RAMOGE a compris que la participation des « collectivités territoriales et entités
publiques concernées » était un moyen efficace lui permettant d'être cette zone pilote de la GIZC
européennes. Ainsi que le rappelle la Recommandation de 2002 scellant la base de l'appropriation
européenne de la GIZC253, « la gestion des zones côtières devrait notamment être fondée sur [… le]
soutien et [la] participation des instances administratives compétentes aux niveaux national,
régional et local, entre lesquelles des liens adéquats devraient être établis ou maintenus en vue
d’améliorer la coordination des différentes politiques existantes. [...] »254. D'ailleurs l'UE considère
l'échelon régional comme le niveau idéal de démocratie locale au service de l'intégration de
l'Union255. Sur son site internet en effet, l'Accord publie l'ensemble de ses partenaires français,
italiens, monégasques et même espagnols qui l'aident à construire et réaliser ses projets 256. Il s'agit
253op. cit. recommandation du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2002 relative à la mise en œuvre d'une
stratégie de gestion intégrée des zones côtières en Europe.
254ibidem. Chapitre II f.
255 SZYMCZAK (D.), Les régions, avenir de l'intégration européennes ?..., JCP A, avril 2005, n°16, pp. 674-675.
256 http://ramoge.org/fr/liens.aspx.
74
pour majeure partie de collectivité publiques comme la Conseil général des Alpes Maritimes et le
Département monégasque de l'intérieur, ou d'institutions de droit public à l'instar de l'Université de
Gênes. Une des participations les plus remarquables de ces entités publiques aux actions de
l'Accord RAMOGE est certainement celle de la Communauté d'agglomération Toulon Provence
Méditerranée dans le programme de lutte contre les sédiments portuaires257.
Au regard toutefois des actions menées par RAMOGE pour la GIZC, il apparaît que les
grands perdants de la gouvernance environnementale sont les ONG. Or l'attitude adoptée par l'UE à
l'égard des ONG258 en matière de prise de décision, notamment dans le cadre de la gouvernance 259,
témoigne de l'importance de leur participation aux décisions de l'Union. Dès lors, si l'identité
européenne de la GIZC naît pour partie de la gouvernance environnementale européenne, il faut
veiller à ce que les ONG n'en soient pas exclues des projets RAMOGE. L'Accord ne parviendra
donc à rester cette zone pilote européenne de la GIZC en Méditerranée que s'il parvient à faire
participer certaines ONG pour élaborer et prendre des décisions sur des sujets qui leur sont
communs. La tâche n'est pas impossible à réaliser, puisqu'un bon nombre d'associations partage les
mêmes préoccupations que l'Accord à propos de la Méditerranée 260. A titre d'exemple, l'association
« SOS Grand Bleu »261 dans le sanctuaire PELAGOS262, ayant pour but de protéger les mammifères
marins dans l'espace méditerranéen situé justement entre la France, l'Italie et Monaco, pourrait très
bien être associée à l'Accord RAMOGE lorsque celui-ci est amené à prendre des décisions dans le
cadre de son projet commun mené avec le sanctuaire PELAGOS263.
La gouvernance environnementale, telle que choisie par les institutions de l'UE, constitue
certainement la méthode qui, dans la projection des actions protectrices de l'environnement,
considère
le
mieux
l'ensemble
des
impératifs
humains,
politiques,
économiques
et
environnementaux. Pour demeurer cette zone pilote européenne en Méditerranée répondant à
l'identité de la GIZC dégagée par l'UE elle-même, il faudra alors que l'accord RAMOGE poursuive
ses méthodes de gouvernance environnementale tout en élargissant son cercle de travail à
l'ensemble des parties prenantes qui lui permettront certainement de donner plus de profondeur et et
d'efficacité à ses projets.
257op. cit. http://ramoge.org/fr/sediments_portuaires.aspx.
258Communication de la Commission européenne du18 janvier 2000, La Commission et les organisations non
gouvernementales: le renforcement du partenariat, COM(2000) 11 final.
259op. cit. communication de la Commission européenne, Gouvernance européenne : un livre blanc, COM(2001) 428
final p. 17.
260Pour un recensement des associations dont l'objet réside dans la protection de l'environnement marin :
http://www.environnement-annuaire.net/milieux-naturels/mer.php.
261« SOS Grand Bleu, a pour objet la mise en œuvre, le développement et l’encouragement de toutes actions visant à
protéger la faune et la flore de Méditerranée et plus spécifiquement les espèces menacées par le développement des
activités humaines sur mer ou sur terre telles que les dauphins et les baleines » : http://www.sosgrandbleu.asso.fr/.
262http://www.sanctuaire-pelagos.org.
263http://ramoge.org/fr/pelagos.aspx.
75
Repenser ses méthodes d'action stratégique est également l'une des chose que pourrait
entreprendre l'Accord afin de s'associer au mieux aux stratégies européennes d'action
environnementale qui constituent, au même titre que la gouvernance, l'identité européenne du
concept de GIZC.
§2. La capacité de l'Accord à transformer ses simples actions stratégiques en stratégies
d'action européennes
Le reproche ne pourra pas être fait à l'Accord RAMOGE de ne pas organiser ses actions en
matière de GIZC de façon sérieuse et stratégique (A.), il ne lui reste cependant qu'un pas à faire vers
le « bon état écologique »264 pour entrer complètement dans le cadre de la stratégie marine de l'UE
(B.).
A. Une approche stratégique modeste se résumant davantage à une organisation
sérieuse des projets de l'Accord RAMOGE
Pilier de l'identité européenne de la GIZC elle-même issue du processus d'appropriation
européenne de ce concept de droit international de l'environnement, l'approche stratégique de la
GIZC européennes insufflée le 30 mai 2002 par la recommandation du Parlement européen et du
Conseil265 demeure très centrée sur l'action des Etats membres de l'UE, excluant de fait la
Principauté de Monaco.
Le Chapitre I de cette recommandation prévoit en effet que « les États membres prennent en
considération la stratégie de développement durable et la décision du Parlement européen et du
Conseil établissant le sixième programme d’action communautaire pour l’environnement 266, et
adoptent à l’égard de la gestion de leurs zones côtières une approche stratégique ». Cependant, le
Protocole GIZC à la Convention de Barcelone, que les trois Etats parties à l'Accord RAMOGE ont
signé, prévoit que « dans la mise en œuvre des dispositions du présent Protocole, les Parties sont
guidées par les principes suivants de gestion intégrée des zones côtières [dont le fait de] faire en
264op. cit. directive 2008/56/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 établissant un cadre d’action
communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin, articles premier et deuxième notamment.
265op. cit. recommandation du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2002 relative à la mise en œuvre d'une
stratégie de gestion intégrée des zones côtières en Europe.
266op. cit. décision du Parlement et du Conseil établissant du 22 juillet 2002 établissant le sixième programme d'action
communautaire pour l'environnement.
76
sorte que soient élaboré[e]s des stratégies [...] »267. De cette façon, au même titre que la France et
l'Italie, Monaco doit penser la gestion intégrée des sa zone côtière de façon stratégique. Le souhait
de voir se mettre en place des stratégies d'action de la GIZC n'est donc pas seulement le fruit du
travail de l'UE.
Dans le cadre de ses travaux sur les sédiments portuaires 268, l'Accord RAMOGE participe
depuis 2006 avec la Communauté de l'agglomération Toulon Provence Méditerranée au projet dit
SEDIMARD. Il s'agit d'étudier la nocivité et la toxicité des sédiments portuaires, autrement dit
d'« accorder une place importante aux meilleurs informations scientifiques disponibles et à
l'amélioration des connaissances scientifiques grâce à la recherche et au développement
technologique »269, et de proposer des solutions pour lutter contre leur toxicité, notamment par la
mise en place de « mesures de protection du littoral appropriées et responsables du point de vue
écologique »270.
Cette volonté d'agir contre les sédiments portuaires constitue donc un réel projet organisé
par des objectifs et actions déterminées. De plus, le fait que ce projet SEDIMARD a été prorogé dès
2008 par une seconde phase nommée SEDIMED atteste de la vision à long terme des actions de
l'Accord, caractérisant ainsi des objectifs stratégiques. Cette seconde phase d'ailleurs, davantage
axée sur le traitement et la revalorisation des sédiments portuaires, est rythmée par des réunions
d'échanges entre les différentes parties prenantes des ports de plaisance de la Zone RAMOGE,
organisées sous l'égide de l'Accord271, témoignant encore une fois de la dynamique stratégique de ce
projet.
Toujours dans ce dynamisme stratégique qui anime l'identité européenne des actions
environnementales de l'UE telle la GIZC, il faut se pencher sur les travaux réalisés par l'Accord
RAMOGE au sujet des récifs artificiels 272. Sur ce point, l'action stratégique s'articule autour de la
construction de récifs artificiels et de leur mise au service d'objectifs prédéfinis. Il s'agit en effet
pour l'Accord RAMOGE de s'entretenir avec tous les acteurs et utilisateurs de la mer afin d'obtenir
des autorités publiques françaises, italiennes ou monégasques le droit d'immerger des récifs
artificiels après qu'ont été réalisées les études d'impact nécessaires273.
267 Article 6 f. du Protocole GIZC à la Convention de Barcelone, disponible sur http://www.unepmap.org.
268op. cit. http://ramoge.org/fr/sediments_portuaires.aspx.
269op. cit. décision du Parlement et du Conseil établissant du 22 juillet 2002 établissant le sixième programme d'action
communautaire pour l'environnement, article 2 §3.
270op. cit. recommandation du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2002 relative à la mise en œuvre d'une
stratégie de gestion intégrée des zones côtières en Europe, chapitre I. c.
271En 2008 un colloque sur le thème de « la gestion durable des sédiments une problématique européenne, des
spécificités méditerranéennes » fut organisé par l'Accord RAMOGE. Il s'agissait d'envisager les aspects
opérationnels et scientifiques de la problématique des sédiments portuaires dans le cadre d’une coopération
internationale mettant en avant l’intérêt d’une approche collective.
272http://ramoge.org/fr/recifs_artificiels.aspx .
273LE GUILLOU (A.), Etude sur les récifs artificiels de la zones RAMOGE, Mémoire de Master 2 professionnel
77
Ce qui permet de qualifier ces projets de stratégiques, entrant de cette façon dans le cadre de
l'identité européenne de la GIZC, ce sont les objectifs clairement déterminés dans lesquels ils sont
menés. Chargé de répondre aux objectifs prédéterminés de production halieutique, de reconstitution
et de protection de la biocénose marine, de recherche et de développement des loisirs sous-marins,
ces récifs artificiels se nourrissent de perspectives et d'objectifs, caractères premiers des actions
stratégiques. De cette façon l'Accord RAMOGE participe à la « stratégie méditerranéenne de
GIZC » voulue par l'article 17 du Protocole GIZC à la Convention de Barcelone, « dans le respect
des objectifs […] de gestion intégrée du présent Protocole »274 formulés par l'article 5 de celui-ci.
Au-delà des projets SEDIMED et des objectifs ambitieux de la réalisation de récifs
artificiels dans la zones RAMOGE, d'autres actions de l'Accord en matière de GIZC reprennent
l'esprit du Protocole GIZC. Qu'il s'agisse de la gestion de la problématique de l'algue ostreopsis
ovata275 dans l'objectif de créer des zones de baignade et de pêche propres, des études réalisées sur
les zones de mouillage276 afin de préserver les fonds marins ou encore de l'objectif de protection des
mammifères marins grâce aux projets communs réalisés avec le sanctuaire PELAGOS277, toutes les
actions de l'Accord RAMOGE pourraient être analysées comme étant réalisées de façon stratégique.
Toutefois,l'Accord RAMOGE ne parviendra à se démarquer en tant que zone pilote
européenne de la GIZC méditerranéennes que s'il parvient à organiser ses actions stratégiques
autour de l'établissement et de la protection du « bon état écologique »278 de le Zone.
B. La capacité de l'Accord à devenir une zone pilote européenne en recentrant ses
stratégies d'action autour de la notion de « bon état écologique »
L'UE ne s'est en effet pas contentée d'élaborer une approche stratégique de la GIZC
européennes que les Etats appliqueraient selon leurs disponibilités. Au contraire, les institutions
européennes ont su imposer une marche à suivre, des étapes à franchir, consacrant ainsi une
« Image, multimédia et sciences territoriales », disponible sur :
http://ramoge.org/Documents/rapport_recifs_artificiels.pdf, pp. 27-47.
274op. cit. Protocole GIZC à la Convention de Barcelone, disponible sur http://www.unepmap.org.
275« Ostreopsis ovata est une algue microscopique unicellulaire qui vit habituellement dans les eaux chaudes des mers
tropicales. Le transport par les eaux de ballast des navires et des conditions climatiques très favorables ont permis
à cette microalgue de se développer sous nos latitudes. Les effets toxiques se limitent habituellement à
des symptômes de type grippal tels que fièvre, toux, nausées, rhume, conjonctivite, troubles respiratoires. Les
personnes atteintes n’ont pas forcément été en contact direct avec l’eau ; il suffit d’inhaler les gouttelettes
transportées par le vent pour que les symptômes se manifestent », http://ramoge.org/fr/ostreopsis_ovata.aspx.
276http://ramoge.org/fr/mouillage.aspx .
277op. cit. http://ramoge.org/fr/pelagos.aspx.
278op. cit. directive 2008/56/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 établissant un cadre d’action
communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin, articles premier et deuxième notamment.
78
méthodologie une stratégie d'action environnementale spécifiquement européenne.
L'instrument de droit dérivé de l'Union qui reprend fidèlement l'approche stratégique de la
GIZC européennes telle qu'envisagée au départ par la recommandation de 2002 279 n'est autre que la
directive-cadre de 2008 établissant une stratégie pour le milieu marin de l'UE 280. Outre le fait que le
champ d'application de cette directive ne reprenne que partiellement celui des zones côtières en ne
s'intéressant qu'à la partie marine de celles-ci, la stratégie pour le milieu marin de l'UE hérite
complètement du processus d'appropriation européenne de la GIZC.
De son côté, l'Accord RAMOGE participe activement à la mise en œuvre de la directivecadre « stratégie pour le milieu marin ». En effet, il propose qu'« une réunion [soit organisée] entre
les autorités compétentes chargées de la mise en œuvre de la directive-cadre et précise que cette
réunion devra] être actée par le Comité Technique et être ensuite proposée aux autorités
concernées »281. L'Accord RAMOGE souhaite dans les faits que cette réunion d'échanges
thématiques autour de la directive-cadre de 2008 permette d'une part aux Etats parties à l'Accord de
trouver dans l'espace RAMOGE le lieu de l'application de cet acte de droit de l'Union, et qu'elle
donne d'autre part à l'Accord la possibilité de se mettre techniquement au service des Etats parties
pour mettre en œuvre les projets chargés de réaliser les ambitions de la stratégie européenne pour le
milieu marin.
Cette position originale de l'Accord RAMOGE, notamment pour la Principauté de Monaco,
permet de confirmer le caractère de zone pilote européenne de RAMOGE en matière de GIZC.
Toutefois la logique dans laquelle se bâtit la stratégie pour le milieu marin de l'UE demande à ce
que « chaque Etat membre élabore, pour chaque région ou sous région marine concernée, une
stratégie pour le milieu marin applicable à ses eaux marines en respectant le plan d'action
décrit »282 par la directive elle-même. Entre donc en jeu ici la méthodologie européenne de
l'approche stratégique de la GIZC que l'Accord devra observer s'il souhaite obtenir complètement le
titre de zone pilote européenne de la GIZC méditerranéennes.
Tout d'abord, la stratégie de l'UE pour la protection de son milieu marin reprenant en
filigrane l'esprit de l'appropriation européenne de la GIZC, demande aux Eats membres de réaliser
certains travaux de préparation à savoir une évaluation initiale de l'état écologique, permettant de
définir le « bon état écologique »283 atteignable. Ensuite, cette stratégie se poursuit par l'élaboration
279op. cit. recommandation du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2002 relative à la mise en œuvre d'une
stratégie de gestion intégrée des zones côtières en Europe.
280op. cit. directive 2008/56/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 établissant un cadre d’action
communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin.
281op. cit. http://ramoge.org/fr/reunionsDCSMM.aspx.
282op. cit. directive 2008/56/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 établissant un cadre d’action
communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin, article 5 §1.
283op. cit. directive 2008/56/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 établissant un cadre d’action
79
et la réalisation de programmes de « mesures nécessaires pour parvenir à un bon état écologique ou
conserver celui-ci »284, devant faire l'objet de compte-rendus réguliers mis à disposition du public285.
La stratégie pour le milieu marin de l'UE telle que l'envisage l'UE ne consiste donc pas
seulement à organiser rigoureusement des projets comme le fait consciencieusement l'Accord
RAMOGE. Il semble en effet que le point culminant de cette approche stratégique soit la définition
du « bon état écologique », défini par la directive-cadre comme l'« état écologique des eaux
marines tel que celles-ci conservent la diversité écologique et le dynamisme d’océans et de mers
qui soient propres, en bon état sanitaire et productifs dans le cadre de leurs conditions intrinsèques,
et que l’utilisation du milieu marin soit durable, sauvegardant ainsi le potentiel de celui-ci aux fins
des utilisations et activités des générations actuelles et à venir »286. Les compte-rendus et document
d'information du public découleront dans les faits de ce centre de gravité qu'est le « bon état
écologique » des eaux marines.
Il appartient désormais à l'Accord RAMOGE de rapprocher ses actions en matière de GIZC,
que sont la problématique de l'osteropsis ovata, l'étude des zones de mouillage ou encore la gestion
environnementale des ports de plaisance, de ce point central de l'identité européenne de la
protection des eaux marines. La zone pilote européenne que doit demeurer la Zone RAMOGE a
alors besoin d'établir le « bon état écologique » des espaces qu'elle souhaite protéger et s'engager
sur un travail de relecture de ses travaux tout en tenant informé les habitants et parties prenantes de
cette zone.
D'ailleurs, cet effort à fournir dans les réunions de travail au sujet de la directive-cadre
« stratégie pour le milieu marin » devra être commun à l'effort déjà fourni au sujet de la protection
des écosystèmes, et ce toujours pour permettre à l'Accord de constituer une zone pilote européenne
de la GIZC en Méditerranée.
SECTION SECONDE : LA PROTECTION ENVIRONNEMENTALE INDENIABLE DES
ECOSYSTEMES MARINS PAR L'ACCORD RAMOGE
L'Accord RAMOGE, qui est incontestablement une zone pilote internationale pour la
protection des écosystèmes marins, a la capacité de devenir une zone pilote européenne de la GIZC
communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin, articles premier et deuxième notamment.
284ibidem. article 13 §1.
285ibidem. Chapitre IV.
286op. cit. directive 2008/56/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 établissant un cadre d’action
communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin, article 3 §2.
80
en accordant plus de place aux activités humaines dans ses actions de protection des écosystèmes
marins (§2.), et ce alors même que certains projets de l'Accord sur les fonds marins peuvent, à
première vue, créer des dégâts sur ces mêmes écosystèmes (§1.).
§1. La contradiction apparente de l'objectif de protection des écosystèmes avec les projets
de dragage des sédiments portuaires et d'immersions de récifs artificiels
Qu'il s'agisse du dragage des fonds marins (A.) ou de l'immersion de récifs artificiels (B.)
ces actions de l'Accord pour la GIZC méditerranéennes n'endommagent en rien les écosystèmes
sous-marins malgré les a-priori.
A. La crainte d'une destruction des écosystèmes marins due à la lutte contre les
sédiments portuaires écartée grâce à des études d'impact exigeantes
« Pour permettre le fonctionnement et le développement des établissements portuaires mais
également participer à l’entretien et la restauration des milieux naturels aquatiques, les
gestionnaires de ces derniers doivent entreprendre des opérations de dragage »287. Ces opérations
de dragage qui ont vocation à dégager les fonds marins afin de permettre aux navires de circuler et,
semble-t-il, à la vie aquatique de se développer, correspondent aux projets de lutte contre les
sédiments portuaires engagés par RAMOGE dans le cadre de la GIZC. Néanmoins, une remarque
peut être pertinente : les opérations de dragage n'auront-elles pas des effets néfastes sur les
écosystèmes, privant soudainement les espèces marines d'un habitat constitué peut-être depuis très
longtemps ?
Pour demeurer cette zone pilote de la GIZC grâce à l'attention que porte RAMOGE à la
protection des écosystèmes marins, il est évident que ces opérations de dragage ne peuvent avoir
lieu sans étude d'impact préalable, conformément aux principes de précaution et de prévention 288.
Ainsi, outre la question de la technique de dragage utilisée, entrera aussi en jeu la question de savoir
287http://www.ramoge.org/fr/sediments_portuaires.aspx.
288Les principes de précaution et de prévention sont des obligations de droit international et de droit de l'UE très
souvent reprises par les droits nationaux. Le principe de prévention « suppose […] la connaissance du risque
menaçant tel ou tel élément de l'environnement, ce risque pouvant être qualifié de certain, contrairement à celui
abordé dans le cadre du principe de précaution » (op. cit. VAN LANG (A.), Droit de l'environnement, p. 70) alors
que le principe de précaution « prend en compte des menaces [caractérisées par] l'incertitude [de leur
survenance] » (ibidem p. 97).
81
comment sera organisé le clapage en mer de ces limons. De cette série de questions que devra se
poser l'Accord RAMOGE dépendra la réponse fournie par les autorités publiques françaises,
italiennes ou monégasques sur autorisation des opérations de dragage dans le cadre de la GIZC, et
plus précisément dans le cadre de la lutte contre les sédiments portuaires dans la zone RAMOGE.
Si les trois Etats de l'Accord RAMOGE liés notamment par le droit international 289 de
l'environnement aux principes de précaution290 et de prévention291 sont très attentifs au respect de
ceux-ci, il n'en demeure pas moins que leurs juges sont très exigeants quant à l'examen des recours
en annulation formés contre des autorisations administratives de dragage et de clapage en mer 292,
conférant ainsi à ces actions l'assurance d'un effet environnemental limité ou nul.
En témoigne le récent arrêt du Tribunal administratif français 293 de Fort-de-France du 24 mai
2011 qui, « considérant que si l'exécution des travaux autorisés par l'arrêté [du Préfet de la région
Martinique] comporte un impact négatif sur l'environnement pendant la phase du chantier,
notamment par mise en suspension d'une partie des matériaux lors du dragage puis du clapage en
mer, [remarque qu'] aucune pièce versée au dossier ne démontre que cet impact est important et
irréversible ; que, de même, aucune pièce versée au dossier ne démontre que c'est à tort que les
études préliminaires sur le fondement desquelles les travaux ont été autorisés font état d'un impact
289 Il est en effet impossible, en raison de la participation de Monaco à l'Accord RAMOGE, de rattacher l'Accord
RAMOGE à l'obligation formulée par l'article 191 §2 TFUE selon lequel « la politique de l'Union dans le domaine
de l'environnement [...] est fondée sur les principes de précaution et d'action préventive ». Il est en effet plus
pertinent de se référer aux obligations de droit international, malgré leur effectivité toute relative. Sinon, en droit de
l'UE, les obligations d'études d'impact sont soumises à la directive 85/337/CE du Conseil du 27 juin 1985
concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement, JOCE L 175 du 5
juillet 1985, pp. 40-48.
290 En droit international le principe de précaution est notamment né du principe 15 de la Déclaration de Rio de 1992
qui proclame que « pour protéger l'environnement, des mesures de précaution doivent être largement appliquées
par les Etats selon leurs capacités. En cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l'absence de certitude
scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures effectives visant à
prévenir la dégradation de l'environnement », op. cit. disponible sur : http://www.un.org/french/events/rio92/riofp.htm. La normativité de ce principe est notamment assurée par des Conventions internationales comme par
exemple l'article 3 §3. de la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, op. cit. disponible
sur : http://unfccc.int/resource/docs/convkp/convfr.pdf, ou l'article 23 de la Convention des Nations Unies sur le
droit de la mer, op. cit. disponible sur : http://www.un.org/french/law/los/unclos/closindx.htm. Si la CIJ n'a pas
reconnu le principe de précaution comme étant une norme coutumière de droit international, ( op. cit. CIJ, arrêt du
20 avril 2010, Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay, Argentine c/ Uruguay) le Tribunal international du
droit de la mer (TIDM) a pour sa part reconnu en droit international de la mer la valeur coutumière du principe de
précaution (TIDM, avis consultatif du 1er février 2011, Responsabilité des Etats qui patronnent des personnes et
entités dans le cadre d'activités menées dans la Zone, disponible sur : http://www.itlos.org).
291De la même façon, le principe de prévention se trouve consacré par le principe 17 de la Déclaration de Rio et réside
dans l'obligation pour les Etat de procéder à des études d'impact : « Une étude d'impact sur l'environnement, en tant
qu'instrument national, doit être entreprise dans le cas des activités envisagées qui risquent d'avoir des effets nocifs
importants sur l'environnement et dépendent de la décision d'une autorité nationale compétente ». Consacré
notamment par la Convention d'Espoo du 25 février 1991 sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement dans un
contexte transfrontière (disponible sur : http://www.unece.org) la CIJ a cette fois reconnu la valeur coutumière en
droit international de cette obligation d'études d'impact et donc du principe de prévention ( op. cit. CIJ, arrêt du 20
avril 2010, Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay, Argentine c/ Uruguay).
292Le clapage en mer est une technique qui consiste à déverser en mer les limons dragués près des côtes.
293 En droit français, l'obligation d'études d'impact est contenu à l'article L 122-1 I. du Code de l'environnement,
imposant des études d'impact à tous « les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagement publics et privés ».
82
positif durable de ces travaux sur l'environnement, consistant en la réduction de l'envasement et en
l'amélioration de la qualité des eaux de la baie du Marin »294. Ces critères de l'importance et de
l'irréversibilité de l'impact examinés par le juge français seront vraisemblablement les mêmes que
ceux que seraient amenés à dégager des juges italiens ou monégasques, appelés à trancher une telle
question de droit, puisque les trois Etats de l'Accord RAMOGE sont soumis aux mêmes obligations
de droit international en matière d'études d'impact.
Dès lors, devant les juges français, italiens ou monégasques appelés à connaître de la légalité
des autorisations de dragage et de clapage en mer, l'Accord RAMOGE ne pourra conserver son
statut de zone pilote européenne de la GIZC que s'il est en mesure de produire des études d'impact
environnemental démontrant la faible importance et la réversibilité des impacts environnementaux
causés par ses opération de dragage et de clapage. La même démarche devra d'ailleurs être adoptée
au sujet des immersions de récifs artificiels.
B. La protection juridique des écosystèmes face aux immersions de récifs
artificiels
Toujours dans le cadre de ses actions pour la GIZC de la Zone RAMOGE, l'Accord fut
amené à créer des récifs artificiels, afin de lutter contre la dégradation des biotopes et de permettre
aux activités basées sur la faune sous-marine de prospérer. Ces récifs artificiels sont des
« ensembles solides d'architectures appropriées, choisies à l'avance, avec pour effet d'augmenter
[la] productivité biologique »295. « En France et en Région ligure on trouve des récifs de
production, en objets recyclés tels que les pneus, les épaves, des portes d’écluses, le parpaing et
divers matériaux de construction de BTP. Actuellement les récifs en béton sont les plus couramment
utilisés »296.
Les récifs artificiels proposés par l'Accord sont donc en majorité construits avec des
matériaux à première vue polluant. Au-delà de l'esthétique, il n'est pas évident d'admettre que le
ciment, l'acier ou le caoutchouc ne soient pas nocifs pour l'environnement marin se développant
autour d'eux, surtout s'ils sont utilisés en grande quantité. L'approche écosystémique de la
protection des fonds marins par l'Accord RAMOGE pourrait alors être sensiblement remise en
cause.
294Arrêt du Tribunal administratif de Fort-de-France du 24 mai 2011, ASSAUPAMAR, n° 1000282.
295LAMARRE (J.-P.) et SIRE (A.), Intérêt d'une gestion halieutique du milieu littoral marin par l'implantation de
récifs artificiels, Aqua Revue, Officie régional de la mer de Provence-Alpes-Côtes-d'Azur, 1986, pp. 10-14.
296op.cit. http://ramoge.org/fr/recifs_artificiels.aspx.
83
Seule solution pour éviter que se développent abusivement les récifs artificiels : encadrer
leur création. C'est au droit, qu'il soit international, européen ou national, que reviendra la tâche
d'encadrer et de réglementer l'implantation de ces récifs artificiels.
Nonobstant l'obligation de réaliser des études d'impact, et bien qu'au départ le
développement des récifs artificiels ne fut pas accompagné d'outil juridique permettant de
réglementer et gérer ces installations297, la France, l'Italie et Monaco ont rapidement compris que,
tant pour la construction de récifs artificiels que pour la bonne gestion du domaine public,
l'immersion de ces installations devait être strictement réglementée.
En droit international, et en dehors du cadre fixé par la Convention OSPAR de 1992 sur la
protection du milieu marin de l'Atlantique Nord-Est 298 strictement applicable aux côtes atlantiques
françaises, la question de la protection et de la gestion des fonds marins méditerranéens est abordée
par la Convention de Montego Bay299 et par la Convention de Barcelone300 .
Puisque les Etats sont tenus d'accorder « une attention particulière à la nécessité de protéger
[le milieu marin] des effets nocifs d'activités telles que forages, dragages, excavations, élimination
de déchets, construction et exploitation ou entretien d'installations, de pipelines et d'autres engins
utilisés pour ces activités »301, ils doivent alors « protéger, préserver et gérer de manière durable et
respectueuse de l’environnement les espaces ayant une valeur naturelle ou culturelle particulière,
notamment par la création d’aires spécialement protégées »302. Sans reprendre donc de façon
explicite le cas de la création de récifs artificiels pour la protection et le développement des
ressources halieutiques, le droit international impose toutefois aux Etats de faire en sorte que les
projets relatifs à leurs fonds marins respectent l'environnement. Les récifs artificiels ne sauraient
donc induire un effet contraire à leur vocation première en dégradant l'écosystème marin.
Cette protection de l'espace marin contre un développement trop important de l'immersion
de matériaux pour créer des récifs artificiels est également encadrée par les droits nationaux des
Etats parties à l'Accord RAMOGE.
En droit français, la loi « immersion » du 7 juillet 1976303 et son décret d'application du 29
297O'LEARY (E.), Artificial reefs feasability study prepared for the Marine Institute, National University of Ireland,
Cork 2001, pp. 12-13.
298Convention relative à protection du milieu marin de l'Atlantique Nord-Est, dite Convention OSPAR, adoptée à Paris
le 22 septembre 1992, disponible sur http://www.ospar.org.
299op. cit. Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, adoptée à Montego Bay le 10 décembre 1982,
disponible sur : http://www.un.org/french/law/los/unclos/closindx.htm.
300op. cit. Convention pour la protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée adoptée à Barcelone le 16
février 1976 suite au PAM de 1975, disponible sur: http://www.unepmap.org
301Article 145 a. de la Convention de Montego Bay.
302Article 3 §1 a. du Protocole relatif au aires spécialement protégées et à la diversité biologique en Méditerranée.
303Loi n° 76-599 du 7 juillet 1976 relative à la prévention et à la répression de la pollution marine par les opérations
d'immersion effectuées par les navires et aéronefs, et à la lutte contre la pollution marine accidentelle, version
consolidée au 22 octobre 2004.
84
septembre 1982304 donnent au Ministre de l'environnement la compétence d'attribuer un permis
d'immersion après la réalisation d'une étude d'impact selon le modèle de la loi « Bouchardeau » de
1983305.
La législation italienne en matière de protection du milieu marin par rapport aux immersions
est contenue à l’article 109 du décret législatif 152/2006 et à l’article 21 de la loi 179/2002 qui
préconisent pour la défense de l’environnement marin la nécessité d’une autorisation
environnementale administrative. Toujours conditionnée à la réalisation d'une étude d'impact,
l'immersion d'un récif artificiel en Italie peut être autorisée par les autorités étatiques 306 ou par les
autorités de la région Ligure307.
Enfin, en droit monégasque, la demande d’une autorisation d’immersion de récifs artificiels
dans un objectif de production de biomasse est prévue par l’article L 210-1 du Code de la Mer. Seul
un arrêté ministériel peut permettre l'immersion d'un récif artificiel, après qu'une étude d'impact a
été réalisée.
Par conséquent, si après réflexion les projets de l'Accord RAMOGE relatifs à la création de
récifs artificiels peuvent sembler contraires à l'idée d'un environnement dénué de toute pollution, et
ce malgré les avantages notoires des récifs artificiels308, il faut toutefois noter que la législation des
trois pays parties à l'Accord assure un respect complet des fonds marins, notamment grâce à la
réalisation d'études d'impact et à l'obtention d'autorisations administratives.
Ces inquiétudes estompées permettent maintenant d'envisager certains projets de l'Accord
comme outils de la protection des écosystèmes marins de la Zones RAMOGE.
304Décret n°82-842 du 29 septembre 1982 relatif à la prévention et à la répression de la pollution marine par les
opérations d'immersion effectuées par les navires et aéronefs et à la lutte contre la pollution marine accidentelle, JO
du 3 octobre 1982, p.2949 et 2950.
305Loi n°83-630 du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation des enquêtes publiques et à la protection de
l'environnement, version consolidée au 01 janvier 2001. Voir également : QUIMBERT (M.), Les récifs artificiels :
autorisation d'immersion, régime d'occupation du domaine public et cadre d'exploitation en droit français, Revue
juridique de l'environnement, n°2, 2005, pp. 121-129 ; PIOCH (S.), thèse DOUMENGE (J.-P.), Dir., Les habitats
artificiels : éléments de stratégie pour une gestion intégrée des zones côtières ? Essai de méthodologie
d’aménagement en récifs artificiels adaptés à la pêche artisanale côtière, 2008.
306Dans l'hypothèse où l'immersion de matériaux dans les fonds marins peut avoir des conséquences sur le réseau
énergétique sous-marin d’intérêt national ou sur des structures en connexion avec ce réseau énergétique.
307Dans l'hypothèse où il s'agit de matériaux provenant déjà des fonds marins et disposés dans des contenants pouvant
être immergés ou s'il s'agit du clapage en mer de matières telluriques
308Voir infra.
85
§2. La protection des écosystèmes de la Zone : une zone pilote internationale incontestable
mais une zone pilote européenne en devenir
Le droit international de l'environnement a choisi de placer l'approche écosystémique au
cœur de ses obligations environnementales. Les projets de l'Accord RAMOGE, indéniablement
orientés vers la protection des écosystèmes marins, sont donc éligibles au rang de zone pilote
internationale (A.). Cependant, dans l'esprit de la construction européenne et du concept de
développement durable, les activités humaines et économiques seront davantage à prendre en
compte si l'Accord souhaite rester une zone pilote européenne de la GIZC méditerranéennes (B.).
A. La protection de la biocénose et du biotope marins comme voies d'accès
évidente au rang de zone pilote internationale en Méditerranée
Dès 1972 et le Principe 2 de la Déclaration de Stockholm, le choix du traitement
écosystémique des questions environnementales est clairement établi par le droit international de
l'environnement alors naissant309.
Passant en revue les actions de l'Accord RAMOGE en matière de GIZC, il est frappant
d'observer l'importance donnée à la protection de la biocénose. En effet, qu'il s'agisse des études sur
les zones de mouillage qui « ont […] mis en évidence des destructions des biocénoses marines dans
les zones de mouillages par de grosses unités de plaisance »310, ou des projets sur les récifs
artificiels ayant vocation à « reconstituer au bénéfice des biocénoses marines les conditions
d’habitats nécessaires à leur développement »311, le dénominateur commun de ses actions est
caractérisé par la protection de la biocénose marine.
La définition que donne Le Petit Robert de la biocénose correspond parfaitement à
l'approche écosystémique prônée par le droit international de l'environnement. « Ensemble des êtres
vivants d'un biotope ou d'une station donnés », « la biocénose et le biotope constituent un
écosystème »312.
De cette définition, il semble que l'accent mis sur la biocénose par les actions de l'Accord
309op. cit. Déclaration finale de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement réunie à Stockholm du 5 au 16
juin 1972. Le Principe 2 énonce que : « Les ressources naturelles du globe, y compris l'air, l'eau, la terre, la flore et
la faune, et particulièrement les échantillons représentatifs des écosystèmes naturels, doivent être préservés dans
l'intérêt des générations présentes et à venir par une planification ou une gestion attentive selon que de besoin ».
310op. cit. http://ramoge.org/fr/mouillage.aspx.
311op. cit. http://ramoge.org/fr/recifs_artificiels.aspx.
312op. cit. Le Petit Robert, p. 255.
86
RAMOGE en matière de GIZC ne réponde que partiellement à l'approche écosystémique, fer de
lance de l'action environnementale du droit des gens et repris par le droit de l'UE. Le biotope marin,
« milieu biologique offrant à une biocénose des conditions de vie relativement stables »313, doit
également attirer l'attention des projets de GIZC de l'Accord si celui-ci souhaite demeurer une zone
pilote de la protection de l'environnement méditerranéen.
Affirmer que l'Accord RAMOGE ne participe pas à la protection des espaces de vie des
animaux marins constituerait toutefois une erreur. En effet, une grande partie des actions menées
par l'Accord RAMOGE se penche sur la problématique de la protection des espaces de vie marine.
Qu'il s'agisse de l'immersion de récifs artificiels pour la protection ou la production halieutique 314,
de la gestion des zones de mouillage en vue de protéger les fonds marins 315 ou encore d'un projet
commun avec le sanctuaire PELAGOS visant à protéger les mammifères marins en leur dédiant des
espaces de vie sûrs316, tous ces projets de RAMOGE en faveur de la GIZC concernent la protection
du biotope sous-marin.
Les actions de l'Accord pour la GIZC de la zone RAMOGE, se préoccupant à la fois de la
biocénose et du biotope sous-marins, répondent ainsi aux engagements internationaux relatifs à
l'approche écosystémique, plus spécialement formulés pour le milieu marin par la Convention de
Montego Bay317 en son article 194 §5. En effet, la France, l'Italie et Monaco, soumis à l'obligation
de droit international selon laquelle « les mesures prises conformément à la [protection et
préservation du milieu marin] comprennent les mesures nécessaires pour protéger et préserver les
écosystèmes rares ou délicats ainsi que l'habitat des espèces et autres organismes marins en
régression, menacés ou en voie d'extinction », trouvent dans l'Accord RAMOGE un interlocuteur
disposé à honorer leurs engagements environnementaux.
Cependant, inséré dans une organisation politique qui, souhaitant « établir les fondements
d'une union sans cesse plus étroite entre les peuples européens » et « assurer par une action
commune le progrès économique et sociale », s'est fixée « pour but essentiel […] l'amélioration
constante des conditions de vie et d'emploi » du peuple européen318 grâce au concept de
développement durable, l'Accord RAMOGE ne saurait demeurer une zone pilote européenne de la
GIZC sans insérer davantage les activités anthropiques à l'approche écosystémique de ses travaux.
313ibidem. p. 257.
314op. cit. http://ramoge.org/fr/recifs_artificiels.aspx.
315op. cit. http://ramoge.org/fr/mouillage.aspx.
316op. cit. http://ramoge.org/fr/pelagos.aspx.
317op. cit. Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, adoptée à Montego Bay le 10 décembre
1982,disponible sur : http://www.un.org/french/law/los/unclos/closindx.htm.
318op. cit. préambule in limine du Traité instituant la Communauté économique européenne du 25 mars 1957,
disponible sur http://eur-lex.europa.eu/fr/treaties/index.htm.
87
B. La nécessité d'intégrer davantage les activités économiques et humaines pour
devenir une zone pilote européenne de la gestion intégrée des zones côtières
La logique développée depuis 1957 par le droit de l'UE consiste à ouvrir des voies aux
activités humaines afin de permettre le développement social de ses populations, en matière
environnementale, l'idée est substantiellement la même avec le concept de développement durable.
En se penchant avec attention sur les actions de l'Accord RAMOGE en matière de GIZC, il
apparaît que les activités humaines, et plus particulièrement les activités économiques, sont peu
prises en compte. Bien que le concept de GIZC s'inscrit dans la logique de développement durable
des activités humaines, et qu'ainsi la protection de l'environnement marin par la GIZC européennes
puisse être au final bénéfique pour les activités humaines, il ne semble pas que l'ambition première
des actions de l'Accord participe de cette vision des choses.
Dans les faits, qu'il s'agisse de traiter la problématique de l'osteropsis ovata, de mettre en
commun des compétences dans le cadre du sanctuaire PELAGOS, de protéger les fonds marins
contre les mouillages excessifs ou d'être l'occasion d'échanger sur des points de vues et projets
relatifs à la la directive-cadre établissant une stratégie de l'UE pour le milieu marin 319, le centre de
gravité des actions de RAMOGE pour la GIZC tend exclusivement à la protection de
l'environnement marin pour lui-même.
Cependant, les actions de l'Accord RAMOGE pour la GIZC relatives à la gestion
environnementale des ports de plaisance, au dragage des sédiments portuaires, ou aux études sur les
récifs artificiels constituent pour leur part une mine d'actions qui, permettant le tourisme, la
circulation des bateaux ou la reconstitution des stocks de poissons, assurent indirectement le
développement durable des activités économiques liées à la mer.
Nonobstant les propos introductifs à ces développements qui proposaient une définition de
la GIZC basée sur les travaux du Conseil de l'Europe, définissant dès 1999 ce concept comme étant
« l'aménagement et l'utilisation durable des zones côtières prenant en considération le
développement économique et social lié à la présence de la mer tout en sauvegardant, pour les
générations présentes et futures, les équilibres biologiques et écologiques fragiles de la zone côtière
et les paysages »320, il est important de se demander si cette intégration des activités économiques
au caractère écosystémique de la GIZC est nécessaire pour que l'Accord RAMOGE demeure
319op. cit. directive 2008/56/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 établissant un cadre d’action
communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin, article 3 §2.
320op. cit. Conseil de l'Europe, Modèle de loi sur la gestion durable des zones côtières, Sauvegarde de la nature, n°
101, Editions du Conseil de l'Europe, Strasbourg 1999, p.13.
88
reconnu en tant que zone pilote européenne.
Dans le long processus d'appropriation européenne de la GIZC les travaux des institutions de
l'UE s'intéressant à la GIZC n'ont pas établi l'identité européenne de la GIZC sans tenir compte des
ambitions traditionnelles de la construction européenne, à savoir son dessein de développement
économique et humain, répondant au concept de développement durable. Initiant l'approche
stratégique de la GIZC, le Parlement européen et le Conseil ont indiqué dès 2002 l'importance des
« perspectives économiques et possibilités d'emploi durables »321 de la GIZC européenne. De son
côté, rappelant le soucis de cohérence des actions de l'Union, la directive-cadre « stratégie pour le
milieu marin » a imposé que ces stratégies tiennent compte des « répercussions sociales et
économiques des mesures envisagées »322. Enfin, utilisant le Protocole GIZC à la Convention de
Barcelone de 1976 sur la protection du milieu marin et du littoral méditerranéen comme succédané
à l'absence d'instrument de droit dérivé de l'UE en matière de GIZC, l'identité européenne de la
GIZC s'est également construite autour de l'idée que
la GIZC devait « faciliter, par une
planification rationnelle des activités, le développement durable des zones côtières en garantissant
la prise en compte de l'environnement et des paysages et en la conciliant avec le développement
économique, social et culturel »323.
S'il n'est donc pas concevable que la GIZC se développe en marge du développement
durable, fermé aux facteurs humains et économiques, il ne s'agit toutefois pas d'accuser ici l'Accord
dans ses travaux de mise en œuvre de la GIZC dans la zone RAMOGE. Il s'agit juste de faire
remarquer que pour rester une zone pilote européenne de la GIZC conformément à l'article 3 de
l'Accord l'instituant324, RAMOGE devra mettre l'accent sur les répercussions économiques pouvant
naître des actions de RAMOGE en matière de GIZC.
Les projets de GIZC pour la Zone RAMOGE menés par l'Accord répondent donc
entièrement à l'identité européenne de la GIZC, issue du processus d'appropriation européenne de
ce concept. Sans renier ses ambitions environnementalistes, l'Accord RAMOGE devra néanmoins
mettre l'accent sur les incidences économiques positives des ses actions, ce qui lui permettra de
321op. cit. recommandation du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2002 relative à la mise en œuvre d'une
stratégie de gestion intégrée des zones côtières en Europe, Chapitre I. a..
322op. cit. directive du 17 juin 2008 établissant un cadre d’action communautaire dans le domaine de la politique pour
le milieu marin, article 13 §3.
323Article 5 a. du Protocole GIZC à la Convention de Barcelone, disponible sur http://www.unepmap.org.
324 op. cit. Accord RAMOGE, disponible sur http://www.ramoge.org/documents/accord.pdf.
89
devenir une zone pilote européenne de premier plan en matière de GIZC, atout non négligeable
pour trouver des sources européennes de financement pour ses projets environnementaux.
CHAPITRE SECOND : LA CAPACITE DE L'ACCORD RAMOGE A PROMOUVOIR DANS
L'UNION EUROPENNE LES INCIDENCES ECONOMIQUES DE SES ACTIONS AU
PROFIT DE SES PROPRES PROJETS ENVIRONNEMENTAUX
En tant que zone pilote européenne de la GIZC, la Zone RAMOGE et les institutions de
l'Accord détiennent le potentiel nécessaire pour renforcer ce caractère pilote en valorisant les effets
incidents que leurs projets de GIZC confèrent aux ambitions économiques maritimes de l'UE
(Section première). Grâce à cela, et pour accomplir pleinement sa vocation originelle visant à
« prévenir et lutter contre les pollutions et les dégradations de l'environnement marin et côtier »325,
l'Accord RAMOGE pourra légitimement mettre en avant cette qualité de zone pilote européenne de
la GIZC pour faire participer l'UE au financement de ses projets de développement durable
méditerranéen (Section seconde).
SECTION PREMIERE : L'ACCORD RAMOGE COMME ZONE PILOTE EUROPENNE
PLEINEMENT
APTE
A
REPONDRE
INCIDEMMENT
AUX
AMBITIONS
ECONOMIQUES DE L'UNION
Qu'il s'agisse en particulier de l'immersion des récifs artificiels (§1.) ou plus généralement de
l'ensemble des actions de GIZC de l'Accord RAMOGE (§2.), il apparaît clairement que le potentiel
économique de ces projets ne peut laisser indifférentes les ambitions économiques de l'UE dans ses
espaces marins.
§1. La cohérence remarquable entre les ambitions économiques de l'Union et les récifs
artificiels de la Zone RAMOGE
Au-delà des avantages économiques tirés de l'immersion des récifs artificiels que peut
indiquer l'Accord RAMOGE à l'UE (A.), ces récifs artificiels se révèlent pleinement compatibles
325ibidem. article 3.
90
avec l'identité européenne de la GIZC, assurant la cohérence entre les projets RAMOGE pour la
GIZC et les actions politiques traditionnelles de l'UE, et concrétisant donc l'ensemble des aspects de
l'identité européenne de la GIZC (B.).
A. Les bénéfices économiques évidents tirés de l'immersion des récifs artificiels
dans la Zone RAMOGE
L'objectif des développements qui vont suivre n'est pas de faire la promotion des récifs
artificiels comme étant la meilleure réponse apportée aux actions de RAMOGE en matière de
développement durable. L'objet de cette étude consistera avant tout à décrire le potentiel que
représentent les projets de construction de récifs artificiels dans la zone RAMOGE, pour qu'en ce
domaine, l'Accord devienne une zone pilote européenne complète de la GIZC.
L'Accord RAMOGE se targue d'affirmer que « l’aménagement des fonds par des récifs
artificiels peut s’avérer être un outil efficace de la mise en œuvre de la Gestion Intégrée des Zones
Côtières. En effet, ils permettent de concilier la conservation des écosystèmes marins côtiers, avec
l’intérêt économique (la pêche) et avec d’autres activités permettant une gestion durable de la
bande côtière. Les récifs artificiels doivent à la fois répondre, dans le cadre d’une GIZC, à la
régulation des conflits d’usages, la préservation de l’environnement, et à l’assurance d’un
développement durable de la zone côtière »326. Sans remettre en cause les arguments avancés par
l'Accord RAMOGE, il faut toutefois trouver les fondements scientifiques de ces affirmations que
sont la conservation des écosystèmes marins, le développement économique de la pêche et la
conciliation de la création de récifs artificiels avec d'autres projets de développement durable.
Au sujet de la conservation des écosystèmes marins, un rapport de l''Institut Français de
Recherche pour l'Exploitation de la Mer (IFREMER) publié en 2000 définit les récifs artificiels
comme « des structures immergées volontairement dans le but de créer, protéger ou restaurer un
écosystème riche et diversifié. Ces structures peuvent induire chez les animaux des réponses
d’attraction, de concentration, de protection et, dans certains cas, une augmentation de la
biomasse de certaines espèces »327. Outre cette définition, de nombreuses études démontrent la
capacité des récifs artificiels à être des lieux de création et de protection des écosystèmes marins 328,
326 op. cit. http://ramoge.org/fr/recifs_artificiels.aspx.
327 LACROIX (D.), Coord., Rapport final du groupe de réflexion sur les aménagements physiques en zone côtière et
leur gestion pour la pêche et l’aquaculture, IFREMER, 2000, pp. 140.
328NAKAMURA (M.), Evolution of artificial fishing reef concepts in Japan, Bulletin of Marine Science, n° 37, 1985,
pp. 271-278 ; POLOVINA (J.-J.), Fisheries applications and biological impacts of artificial habitats, in Artificial
Habitats for Marine and Freshwater Fisheries, 1991, pp. 153-176 ; BOHNSACK (J.-A.), HARPER (D.-E.), MC
CELLAN (D.-B.) et HULSBECK (M.), Effects of reef size on colonization and assemblage structure of fishes at
91
attestant ainsi les informations de l'Accord RAMOGE.
De la même façon, de nombreuses études démontrent les effets positifs des récifs artificiels
sur les quantités de poissons et donc sur la pêche 329, même si parfois ces récifs artificiels peuvent
avoir des effets contraires à ceux escomptés. Les études réalisées par Sylvain PIOCH 330 sur un
échantillon de 560 récifs méditerranéens révèlent en moyenne que seuls 60% des récifs parviennent
à faire augmenter sensiblement la quantité de poissons, alors que sur 35% des récifs la quantité de
poissons a diminué de façon significative et que sur seulement 5% d'entre eux, ces quantités ont
diminué de plus de la moitié331. Les principales causes de ces désagréments selon Sylvain PIOCH
sont notamment liées à des erreurs de conception des récifs sur les matériaux utilisés, sur les
techniques choisies ou sur leur implantation332. L'efficacité des récifs artificiels semble dépendre
principalement de leurs caractéristiques techniques. Il appartiendra alors à l'Accord RAMOGE de
mettre en place des études d'impact poussées pour démontrer l'efficacité environnementale puis
économique de telles installations. Ces études accréditent néanmoins ce qu'avance l'Accord
RAMOGE sur la capacité des récifs artificiels à augmenter les quantités de poissons et à être donc
bénéfiques pour les activités de pêche.
De cette façon, en conciliant la protection des écosystèmes marins à l'accroissement des
activités économiques de pêche, les actions de RAMOGE sur les récifs artificiels semblent bien
disposées à pouvoir s'accorder avec d'autres actions de développement durable, comme l'avait alors
annoncé l'Accord.
Cependant,
même si l'incidence économique positive de ces récifs artificiels semble
indéniable, encore faut-il que ces projets d'immersion participent à un développement durable de la
Méditerranée, sans quoi la vocation environnementale de l'Accord serait bafouée. Si RAMOGE
parvenait par ses projets de récifs artificiels à mettre à nouveau en œuvre l'identité européenne de la
GIZC, il parviendrait non seulement à créer les conditions d'un développement durable
méditerranéen, mais également à conforter son rang de zone pilote européenne de la GIZC.
Or il ne reste plus qu'un pas à faire en direction de l'approche stratégique, de la démarche de
gouvernance et de la mise en cohérence avec les autres actions européennes pour que les projets
artificial reefs off Southeastern Florida, U.S.A. Bulletin of Marine Science, n° 55, 1994, pp. 796-823.
329DALIAS (N.), BLOUET (S.), FOULQUIE (M.), DUPUY DE LA GRANDRIVE (R.), LENFANT (P.), Suivi
scientifique des récifs artificiels de Valras-Plage, Contrat Mairie de Valras-Plage et OCEANIDE – ADENA –
Laboratoire Ecosystèmes Aquatiques Tropicaux et Méditerranéens UMR 5244 CNRS – UPVD, OCEANIDE
publications françaises, 2008, pp. 54-64.
330Maître de conférences, Université Paul Valéry-Montpellier III.
331op. cit. PIOCH (S.), Les habitats artificiels : éléments de stratégie pour une gestion intégrée des zones côtières ?
332Sylvain PIOCH met aussi en avant des soucis liés à ses recherches comme la réduction de l'effort de pêche ou le
fait que les pêcheurs ne connaissent pas les lieux exacts d'implantation des récifs, ce qui ne permet pas de compter
avec précisions les quantités de poissons pêchées.
92
RAMOGE sur les récifs artificiels deviennent le fer de lance d'une zone pilote européenne de la
GIZC que souhaite devenir l'Accord en Méditerranée.
B. Les projets RAMOGE d'immersion de récifs artificiels pleinement compatibles
avec l'identité européenne de la gestion intégrée des zones côtières
Les avantages économiques et environnementaux découlant de l'installation de récifs
artificiels venant d'être démontrés, il s'agit désormais de les rattacher aux sources de droit de
l'Union établissant l'identité européenne de la GIZC, pour démontrer le caractère de zone pilote
européenne de la Zone RAMOGE en matière de développement durable méditerranéen.
Répondant au chapitre I. a) de la recommandation de 2002 désireux de voir naître au sein de
l'UE une « protection du milieu côtier sur la base d’une approche par écosystème préservant son
intégrité et son fonctionnement »333 tout en permettant de « garantir la préservation de l'intégrité
des écosystèmes côtiers »334, conformément aux objectifs du Protocole GIZC à la Convention de
Barcelone, les projets de réalisation de récifs artificiels proposés par l'Accord RAMOGE participent
bien de cette approche écosystémique. De plus, assurant le développement et la protection des
ressources halieutiques, nécessaires à la pêche, ces récifs artificiels suivent la spécificité européenne
de cette approche écosystémique qui ne saurait se construire sans les activités humaines et
économiques. De cette façon, la participation incidente de ces projets RAMOGE de protection de
l'environnement marin à la politique commune de la pêche de l'Union, de plus en plus orientée sur
une gestion durable des ressources halieutiques 335, est donc un gage européen supplémentaire pour
l'Accord336.
Moins évidentes cependant sont les aptitudes des récifs artificiels conçus par l'Accord
RAMOGE à répondre aux attentes européennes en matière de stratégie d'action, de gouvernance
environnementale européenne et de cohérence des politiques de l'Union.
Les récifs artificiels, concernant exclusivement la partie marine des zones côtières, sont
333op. cit. recommandation du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2002 relative à la mise en œuvre d'une
stratégie de gestion intégrée des zones côtières en Europe.
334Article 5 d. du Protocole GIZC à la Convention de Barcelone, disponible sur http://www.unepmap.org.
335Règlement 2371/2002/CE du Conseil du 20 décembre 2002 relatif à la conservation et à l’exploitation durable des
ressources halieutiques dans le cadre de la politique commune de la pêche, JOCE L 358 du 31 décembre 2002 pp.
59-80 ; Communication de la Commission européenne du 22 avril 2009, Réforme de la politique commune de la
pêche, COM(2009)163 final, p. 6 ; voir également PIERMARIO (M.), Le livre vert sur l'avenir de la politique
commune de la pêche de l'Union européenne, Revue du droit de l'Union européenne, juillet 2009, pp. 310-311.
336 PIERMARIO (M.), Le règlement de la Commission européenne sur les possibilités de pêche durables sur la base
des avis scientifiques pour 2011, Revue du droit de l'Union européenne, octobre 2010, p. 853.
93
concernés en droit de l'UE par la directive-cadre « stratégie pour le milieu marin » de 2008337
reprenant l'essentiel de l'esprit du concept de GIZC mais ne l'appliquant qu'aux eaux marines
européennes. L'article 3 §1 a. de cette directive définit en effet les eaux marines comme les « eaux,
fonds marins et sous-sols situés au-delà de la ligne de base servant pour la mesure de la largeur
des eaux territoriales et s’étendant jusqu’aux confins de la zone où un État membre détient et/ou
exerce sa compétence, conformément à la convention des Nations unies sur le droit de la mer ». Il
s'agit donc bel et bien ici de l'espace dans lequel seront immergés les récifs artificiels de l'Accord
RAMOGE. Par ailleurs, il faut se remémorer la structure de cette directive qui, organisant la
stratégie pour le milieu marin de l'Union autour de la notion du « bon état écologique », est
parfaitement accessible aux actions de RAMOGE dans le domaine de la GIZC, lui permettant de
devenir une zone pilote européenne338. Les récifs artificiels RAMOGE sont donc en mesure de
s'inscrire parfaitement dans la dynamique de la stratégie pour le milieu marin de l'Union.
Eu égard à la gouvernance environnementale que la Commission appelle de ses vœux 339
dans le cadre de la pêche avec son Livre vert consacré à la réforme de la politique commune de la
pêche340, les projets d'installations de récifs artificiels détiennent en eux toutes les ressources
nécessaires pour mettre en place une réelle démarche de gouvernance. Après avoir recensé les
différents parcs de récifs artificiels mis en place par la France, l'Italie et Monaco, l'Accord
RAMOGE considère à juste titre certainement qu'« à travers les expériences riches et diversifiées
de la France de l’Italie et de Monaco, la zone RAMOGE est représentative des initiatives
méditerranéennes en matière de récifs artificiels »341, et qu'elle constitue ainsi une entité « idéale
pour partager, étudier et comparer les connaissances de chacun dans ce domaine »342. Cette volonté
de RAMOGE de mener ses actions en matière de récifs artificiels de façon concertée témoigne de sa
capacité à mettre en place, sur ce point, une logique de gouvernance environnementale, ainsi que
l'exige l'identité européenne de la GIZC.
Par conséquent, en se penchant notamment sur les études qui considèrent que l'immersion de
récifs artificiels, permettant le développement et la protection des ressources halieutiques, résulte de
projets communs conçus et réalisés par différents acteurs que sont les associations de protection de
l'environnement, les pêcheurs professionnels, les collectivités publiques locales et les utilisateurs
337op. cit. directive du 17 juin 2008 établissant un cadre d’action communautaire dans le domaine de la politique pour
le milieu marin.
338op. cit. directive 2008/56/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 établissant un cadre d’action
communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin, articles premier et deuxième notamment.
339op. cit. communication de la Commission, Gouvernance européenne : un livre blanc, COM(2001) 428 final.
340op. cit. communication de la Commission européenne, Réforme de la politique commune de la pêche,
COM(2009)163 final, p. 25-26.
341 op. cit. http://ramoge.org/fr/recifs_artificiels.aspx.
342op. cit. http://www.ramoge.org/fr/recifs_artificiels.aspx.
94
récréatifs des zones côtières343, il est possible d'affirmer que ces récifs artificiels participent bien à la
GIZC méditerranéennes suivant une démarche de gouvernance.
Enfin, la mise en cohérence de ces projets de construction de récifs artificiels avec les
objectifs politiques de l'UE ne semble pas poser de difficultés sérieuses. Les démonstrations qui
viennent d'être faites montrent que dans le cadre des ambitions de l'UE désirant voir s'établir un «
développement durable de l'Europe fondé sur une croissance économique équilibrée […] et un
niveau élevé de protection et d'amélioration de l'environnement »344, les récifs artificiels de l'Accord
s'accordent parfaitement avec les politiques économiques et environnementales traditionnelles de
l'Union.
Tous les éléments sont donc réunis pour faire de RAMOGE une zone pilote européenne de
la GIZC grâce à ses projets d'immersion de récifs artificiels. Si ces derniers permettent encore une
fois d'illustrer la capacité de RAMOGE à se hisser à ce rang de zone pilote de l'Union pour le
développement durable de la Méditerranée, les récifs artificiels ne sont toutefois pas les seuls
projets de l'Accord à pouvoir être économiquement bénéfiques.
§2. La prise de conscience nécessaire des incidences économiques des actions
environnementales actuelles ou potentielles de l'Accord RAMOGE
Autre manne économique de premier ordre incidemment engendrée par les actions
environnementales de l'Accord RAMOGE : la gestion environnementale des ports de plaisance
(A.), et la gestion des zones de mouillage (B.) permettant toutes deux de faire du tourisme
plaisancier un atout économique respectueux de l'environnement.
A. L'atout économique non négligeable de la gestion environnementale des ports
de plaisance
« En France, la filière de la navigation de plaisance représente un poids économique
important, qu'il s'agisse de la construction navale ou de l'accueil des navires de plaisance dans les
343SEAMAN (W.) et HOOVER (A.), Artificial reefs : the Florida Sea Grant connection – science serving Florida's
coast, Florida Sea Grant, SGEF n°144, pp. 4 ; Wilson (K.-D.-P.), LEUNG (A.-W.-Y.) et KENNISH (R.), Restoration
of Hong Kong fisheries through deployment of artificial reefs in marine protected areas, ICES Journal of Marine
Science ,° 59, pp. 157-163.
344op. cit. TUE article 3 §2.
95
ports, et de toutes les activités industrielles et commerciales connexes »345. En 2005, la croissance
annuelle européenne dans le secteur de la navigation de plaisance, englobant la construction de
bateaux, de moteurs et d'outils électroniques de navigation, prenant également en compte le
financement de la construction et de l'exploitation des ports de plaisance, était de 5 à 6% 346.
L'automne 2008 et les difficultés rencontrées tant par l'économie mondiale que par les peuples
européens n'ont que peu entamé cette formidable mine d'or économique que représente le secteur
de la plaisance maritime347.
Dans ses travaux relatifs à la GIZC, l'Accord RAMOGE consacre une partie de ses efforts à
ce qu'il nomme la « gestion environnementale des ports de plaisance », supposant qu'« aucune autre
forme de loisirs de groupe ne couvre un tel éventail d’âges, de centres d’intérêt et d’endroits »348.
Dans ses préoccupations environnementales sur les ports de plaisance 349, l'Accord
RAMOGE « reconnaît le littoral méditerranéen comme un milieu de très haute valeur patrimoniale
et [se] fixe un objectif permanent de préservation ou de restauration des écosystèmes littoraux ». Il
considère en conséquence que « les façades maritimes de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, de
la Principauté de Monaco et de la région Ligure constituent une zone pilote de lutte et de
prévention contre les pollutions du milieu marin ». Or selon les institutions de l'Accord, « cet
objectif général intègre d’autres préoccupations que la qualité de l’eau en considérant
[notamment] les trois enjeux économiques majeurs que constituent le tourisme, la pêche et les
cultures marines, [qui représentent des] usages très directement dépendants du maintien de
l’intégrité du milieu ».
Gardant pour ambition première la protection environnementale du milieu marin de la Zone
RAMOGE, l'Accord est arrivé à la conclusion que les avantages environnementaux découlant de la
gestion environnementale des ports de plaisance ne pourraient être effectifs que si les acteurs et
utilisateurs de la plaisance trouvaient dans ces actions quelque avantage économique.
Actant cette idée les institutions de l'Accord RAMOGE ont publié un guide chargé de
promouvoir cette logique et intitulé « Le management environnemental des ports de plaisance »350.
Dans la Zone RAMOGE, cet outil est l'aboutissement de l'identité européenne de la GIZC
dans le cadre de la protection des écosystèmes côtiers. En effet, si le terme de « management » fait
345REZENTHEL (R.), L'accueil de la grande plaisance dans les ports, Le droit maritime français, février 2009, p. 174.
346op. cit. Communication de la Commission, Livre vert du 7 juin 2006, Vers une politique maritime de l'Union : une
vision européenne des océans et des mers p. 8, et plus précisément, Union Recreational Marine Industry Group
(EURMIG), contribuant à ce Livre vert.
347REZENTHEL (R.), L'accueil de la grande plaisance dans les ports, p. 177.
348op. cit. Communication de la Commission, Livre vert du 7 juin 2006, Vers une politique maritime de l'Union : une
vision européenne des océans et des mers, et plus précisément, European Boating Association (EBA), contribuant à
ce Livre vert.
349http://ramoge.org/fr/ports_plaisances.aspx.
350 op. cit. disponible sur : http://ramoge.org/Documents/ports_plaisance.pdf.
96
référence au monde de l'entreprise et à l'idée d'une activité économique source de développement et
de profits, ce guide s'articule néanmoins autour d'une question plus axée sur l'environnement :
« Mon port présente-t-il une situation à risques pour l’environnement ? Comment l’évaluer ? »351
Il s'agit en fait d'une liste de méthodes d'évaluation du niveau de pollution des ports de
plaisance afin de différencier les pollutions organiques des pollutions bactériennes, de lister le
matériel disponible pour les plaisanciers, comme les dispositifs de vidange, les systèmes de
ramassage d'ordure ou encore les informations reçues par les plaisanciers à leur arrivée dans un
nouvel espace de mouillage. A la suite de quoi sont listées toute une série de mesures permettant de
diminuer les effets nocifs pouvant être causés par un port de plaisance comme par exemple
l'organisation des espaces de carénage, les méthodes d'assainissement des eaux usées des bateaux ou
encore les moyens utilisables pour informer et sensibiliser les plaisanciers jetant l'ancre dans le port.
Présenté comme un outil mis au service de la pêche, du tourisme et de la culture marine, ce
« management environnemental des ports de plaisance » proposé par l'Accord RAMOGE
correspond parfaitement à l'obligation formulée par l'article 9 §2 b. et d. du Protocole GIZC à la
Convention de Barcelone de 1976 relatifs au développement des activités économiques de la pêche
et du tourisme352.
Grâce à cet outil que constitue le guide de RAMOGE sur la gestion environnementale des
ports de plaisance, l'Accord s'inscrit entièrement dans l'identité européenne de la GIZC en parvenant
à impliquer les effets économiques positifs dans la dynamique de protection écosystémique voulue
tant par RAMOGE que par le concept de GIZC, suivant ainsi le concept de développement durable.
Puisque les activités humaines et économiques ne sauraient être exclues des domaines
d'action environnementale de l'UE, le choix du management environnemental fait par l'Accord hisse
encore celui-ci à l'échelle de zone pilote européenne de la GIZC. L'idée de rédiger un guide qui
-reprenant en toile de fond les ambitions environnementales originelles de l'Accord en « ayant à
l'esprit la nécessité de préserver la diversité biologique comme constituant essentiel du patrimoine
naturel méditerranéen »353- intègre les activités économiques et humaines liées à l'exploitation de la
mer, pourra sûrement être le moyen, pour d'autres actions de GIZC établies par l'Accord, de devenir
une zone pilote européenne développement durable en Méditerranée.
D'autres instruments que les guides seront néanmoins peut-être en mesure d'assurer par
exemple un développement durable des zones de mouillage.
351ibidem p. 5.
352op. cit. disponible sur http://www.unepmap.org.
353Préambule de l'Accord RAMOGE de 1976, op. cit. disponible sur : http://ramoge.org/documents/accord.pdf.
97
B. La proposition de création d'un « contrat de baie RAMOGE » au service de la
gestion environnementale et économique des zones de mouillage
Rêveur peut-être, le passager nonchalant qui divague sur les côtes sèches de la Méditerranée,
restera sans voix à la vue des nombreux navires de plaisance, tous plus grands les uns que les autres,
qui mouillent dans le turquoise. Impressionnantes ou désolantes, telles sont en effet les images des
calanques et baies qui constituent la Zone RAMOGE354.
Dégradation des fonds marins et notamment des herbiers de posidonie, rejets d'eaux usées et
de déchets en tout genre tels sont, selon l'Accord RAMOGE, les impacts du mouillage excessif des
bateaux de plaisance355. Toujours selon l'Accord, ces dégradations ne sont pas causées en majorité
par la petite et moyenne plaisance que constituent les petits bateaux de pêcheurs amateurs ou les
bateaux à moteurs et voiliers de moins de 24 mètres. C'est prioritairement la grande plaisance,
autrement dit les yachts privés de plus de 20 mètres qui font le plus de dégâts. Souvent utilisés par
des personnes peu familiarisées au milieu marin, ces bateaux, en raison de leur taille, de leur ancre
et de leur temps de mouillage, plus long qu'une embarcation de pêche de loisir, sont en effet
dévastateurs pour les écosystèmes marins.
Néanmoins, ils sont une source économique importante pour la vie des zones côtières.
Relativement aisés, les propriétaires ou locataires des ces gros navires de plaisance se rendent
fréquemment à terre grâce à de petites embarcations, ne se servant de leur yacht que comme d'un
hôtel flottant. « Il existe donc une demande de la part des collectivités françaises et de la
Principauté de Monaco de mieux connaître le mouillage de la grande plaisance pour mieux gérer
cette activité »356, avec en toile de fond toujours, l'idée d'un développement durable.
Un exemple de solution, cité par l'Accord RAMOGE lui-même 357, sont les contrats de baie.
S'agissant plutôt de chartes de bonne conduite auxquelles se soumettent les gestionnaires de ports
de plaisance, ces contrats de baie ont vocation à promouvoir le développement durable des espaces
marins, permettant le développement de l'économie côtière fondée sur le tourisme de plaisance et
préservant les espaces côtiers et sous-marins utilisés comme lieux de mouillage 358. Un des contrats
de baie de la zone RAMOGE est celui qui fut adopté par la Communauté d'agglomération Toulon
354Voir par exemple sur le site de l'Accord RAMOGE les photos des baies de Saint-Jean Cap Ferrat, de Villefranche ou
encore du Cap d'Ail, disponible sur : http://ramoge.org/fr/mouillage.aspx.
355op. cit. http://ramoge.org/fr/mouillage.aspx/
356ibidem.
357op. cit. http://www.ramoge.org/fr/sediments_portuaires.aspx.
358SIRONNEAU (J.), Développement du tourisme et protection de l'environnement sont-ils conciliables ou
contradictoires: une application au domaine très évolutif de l'eau en France, Revue de droit rural, n° 219, janvier
1994, p. 11.
98
Provence Méditerranée pour la rade de Toulon 359. Associant les efforts de l'Etat, des collectivités
territoriales, des chambres consulaires et des associations de protection de l'environnement marin, le
contrat de baie toulonnais s'engage « à restaurer la qualité des eaux de baignade, à contrôler et
protéger les eaux pour toutes les formes d’aquaculture, à améliorer les traitements pour l’épuration
des effluents urbains, à préserver la faune et la flore aquatique en mer et en eau douce, à
reconquérir la frange littorale, à réduire la pollution toxique comme celle des métaux lourds, à
contrôler et réduire les pollutions d’origine agricole définir et appliquer le meilleur traitement
possible des vases portuaires »360.
Nonobstant l'attention portée à l'aquaculture, peu de place est donnée semble-t-il dans le
contrat de baie de la rade de Toulon à la promotion des facteurs de développement économique et
donc au développement durable. Une place est donc à prendre pour l'Accord RAMOGE, s'il
souhaite devenir une zone pilote européenne de la GIZC dans ses actions relatives aux zones de
mouillage, en intégrant le facteur économique de la grande plaisance à la protection de
l'environnement marin utilisé comme lieu d'ancrage.
Ainsi, « face au manque de connaissance, les membres de la Commission de l’Accord
RAMOGE ont décidé, dans le cadre des activités du groupe de travail « Gestion Intégrée des Zones
Côtières », de lancer une étude sur les mouillages de la grande plaisance. L’étude RAMOGE
établira ainsi un état des lieux de cette activité et proposera des solutions envisageables pour la
mise en place de zones de mouillages adaptées à la grande plaisance »361. C'est donc dans le cadre
de ces propositions de solutions qu'il faut maintenant réfléchir.
Les propositions qu'envisagera l'Accord RAMOGE ne devront pas omettre de trouver les
solutions lui permettant de devenir une zone pilote européenne de la GIZC. Pour cela, l'Accord
RAMOGE pourrait proposer aux autorités françaises, italiennes et monégasques la création d'un
« contrat de baie RAMOGE » qui, en faisant la synthèse des impératifs environnementaux et
économiques inhérents aux zones de mouillage, se mettrait au service du développement durable
dans la Zone.
Ce « contrat de baie RAMOGE » ne devra pas être une simple charte de bonne conduite. Il
s'agira d'un réel contrat passé entre le plaisancier et le concessionnaire de l'espace publique marin
chargé de ces zones de mouillage. Chargé de créer de véritables zones de mouillage
environnemental362, on pourrait imaginer que ces points d'ancrage bénéficient du même régime
359http://www.contratdebaie-tpm.org.
360ibidem.
361op. cit. http://ramoge.org/fr/mouillage.aspx/.
362La solution pourrait alors résider dans la mise en place de zones de mouillage environnementales, suivant la
technique de l'amarrage sur bouées ou sur coffres. Ce procédé consiste à fixer au fond de l'eau des blocs de béton, ou
coffres, auxquels sont reliées des chaînes dont un anneau flotte en surface grâce à une grosse bouée. Il peut
99
juridique que les places payantes de stationnement dans les villes, permettant une rotation des
véhicules363. Ainsi, une concession de service public sur un espace déterminé de la mer territoriale
respectant les règles fixées par la directive relative aux procédures de passation de marchés publics
de services364 pourrait très bien être envisagée. Il faudra juste veiller à respecter les règles de
concurrence, de non-discrimination, d'égalité de traitement et de transparence qu'impose le droit de
l'UE, ainsi que l'a rappelé la CJCE en 2005 au sujet d'un parking payant en Allemagne365.
Dès lors, s'il n'est plus besoin de démontrer la capacité de l'Accord à développer des voies
pour le développement économique de la Zone RAMOGE tout en assurant la protection de son
environnement, il faut maintenant que RAMOGE mette à profit sa qualité de zone pilote pour
obtenir de l'UE des moyens lui permettant de financer ces nouveaux projets de GIZC
méditerranéennes.
SECTION SECONDE : LE STATUT DE ZONE PILOTE EUROPENNE DE RAMOGE AU
SERVICE
DU
FINANCEMENT
PAR
L'UNION
DES
ACTIONS
ENVIRONNEMENTALES DE L'ACCORD DANS LA ZONE
Prévues pour être destinées aux projets portant sur la protection de l'environnement (§1.) ou
aux projets participant à la politique commune de la pêche de l'UE (§2.), il est évident que les
projets de GIZC de l'Accord sont parfaitement éligibles aux critères d'attribution des subventions
européennes prévues pour ces deux domaines d'action de l'Union. .
§1. Les actions de l'Accord pour la gestion intégrée des zones côtières clairement
éligibles aux subventions européennes environnementales
Eu égard aux projets de RAMOGE en matière de GIZC méditerranéennes, l'instrument
financier Life + (A.) et les fonds destinés à la politique maritime intégrée (PMI) de l'UE sont les
également s'agir de visses fixées sur des fonds rocheux auxquelles sont ensuite attachées les chaînes selon le même
procédé. Les navires de plaisance viennent se fixer à ces anneaux-bouées sans jeter l'ancre. Ceci permet donc de
préserver les fonds marins en choisissant les zones les moins fragiles tout en permettant aux navires de plaisance de
continuer à fréquenter les côtes de la Zone RAMOGE
363Cette rotation des véhicules a d'ailleurs une vocation économique, permettant aux clients potentiels des commerces
des villes de trouver facilement une place pour laisser leur véhicule. C'est sur cette idée que devraient être organisés
les lieux d'amarrage de la Zone RAMOGE.
364Directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés
publics de services, JOCE L 209 du 24 juillet1992 pp.1-24.
365CJCE, arrêt du 13 octobre 2005, Parking Brixen GmbH contre Gemeinde Brixen, Stadtwerke Brixen AG, aff. C458/03, Rec.I. p. 8585.
100
deux sources de financement susceptibles d'intéresser la zone pilote européenne que représente
l'Accord RAMOGE.
A. L'utilisation du titre de zone pilote européenne pour bénéficier des subventions
de l'instrument financier Life +
Rien ne servirait en effet à l'Accord RAMOGE d'être une zone pilote européenne de la
GIZC, si cela ne lui permettait pas de mettre cette qualité à profit pour obtenir de l'UE des fonds
pour financer ses projets.
L'instrument financier européen susceptible d'intéresser le plus l'Accord RAMOGE dans ses
actions de protection de l'environnement, n'est autre que l'instrument financier Life +366. Chargé de
contribuer « à l’actualisation et au développement de la politique et du droit communautaires en
matière d’environnement, notamment à la prise en compte de l’environnement dans d’autres
politiques, et de participer ainsi au développement durable », l'instrument financier Life + souhaite
avant tout mettre l'accent sur « la mise en œuvre du 6ème PAE[367], y compris les stratégies
thématiques, et assure le financement de mesures et de projets à valeur ajoutée européenne dans les
États membres »368.
Pour l'année 2012,le budget européen a doté l'instrument financier Life + de 316.255.000
euros369, dont 78% doivent être alloués à des subventions d'action pour des projets370. Pour l'exercice
budgétaire de 2013, une augmentation de seulement 1% du budget européen en faveur de
l'instrument financier Life + est à envisager371. Ce sont justement ces subventions qui doivent
intéresser l'Accord RAMOGE dans ses projets de GIZC.
Cependant, la sélection est draconienne. L'article 3 du règlement établissant l'instrument
financier Life + est en effet très strict quant aux critères d'éligibilité des projets de subvention. Outre
366Règlement n° 614/2007/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 mai 2007 concernant l’instrument financier
pour l’environnement (LIFE+), JOUE L 149 du 9 juin 2007, pp. 1-16.
367op. cit. décision du Parlement européen et du Conseil du 22 juillet 2002 établissant le sixième programme d'action
communautaire pour l'environnement (2002-2012).
368op. cit. Règlement du Parlement européen et du Conseil du 23 mai 2007 concernant l’instrument financier pour
l’environnement (LIFE+), article premier §2.
369Acte législatif établissant le budget général de l’Union européenne pour l’exercice 2012, JOUE du 29 février 20012,
Tome II., Section III., p. 366.
370op. cit. Règlement du Parlement européen et du Conseil du 23 mai 2007 concernant l’instrument financier pour
l’environnement (LIFE+), article 6 §1.
371op. cit. Commission européenne, Etat prévisionnel de la Commission européenne pour l'exercice 2013 (Préparation
du projet de budget 2013), Luxembourg: Office des publications officielles de l’Union européenne, 2012, p. 74,
disponible sur le site Europa http://ec.europa.eu.
101
l'intérêt européen des projets proposés et le fait qu'ils doivent être techniquement et financièrement
cohérents, réalisables et offrir un bon rapport coût-efficacité, les projets soumis à l'examen de
l'instrument financier Life + doivent, tout en apportant une valeur ajoutée européenne, également
proposer les meilleures techniques disponibles ou avoir un caractère novateur.
En se penchant à nouveau sur les actions de l'Accord visant à gérer de façon intégrée les
zones côtières de la Zone RAMOGE, il apparaît qu'une analyse réalisée de toutes ces actions en
comparaison avec l'identité européenne de la GIZC témoigne d'un contenu qui permet à l'Accord
RAMOGE d'être reconnu comme zone pilote européenne de la GIZC en Méditerranée. En effet,
puisqu'il a été démontré que les actions de l'Accord pour la GIZC répondent à la logique de
gouvernance
environnementale
européenne,
participent
à
l'approche
écosystémique
de
développement durable de l'UE, assurent une démarche cohérente des actions de l'UE et sont en
mesure de pouvoir s'organiser stratégiquement autour de la notion de « bon état écologique »372, il
est alors possible de conclure que celles-ci seront capables « de contribuer à la mise en œuvre, à
l’actualisation et au développement de la politique et du droit communautaires en matière
d’environnement […] et de participer [...] au développement durable »373.
Le défis pour RAMOGE sera donc de convaincre maintenant la Commission européenne
que l'immersion de récifs artificiels374, la tenue de réunion d'échanges relatives à la stratégie pour le
milieu marin de l'UE375 ou la résolution de la problématique de l'osteropsis ovata 376 « sont
techniquement et financièrement cohérents et faisables et offrent un bon rapport coût-efficacité »377.
De plus si chaque projet doit avoir une caractéristique supplémentaire exigée par l'article 3
§2378 du règlement Life +, il est fortement vraisemblable que chaque action de l'Accord RAMOGE
saura répondre à cette seconde exigence en proposant les meilleures techniques disponibles ou en
revêtant un caractère novateur.
372op. cit. directive 2008/56/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 établissant un cadre d’action
communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin, articles premier et deuxième notamment.
373 ibidem article 3 §1 a. renvoyant à l'article premier §2.
374op. cit. http://ramoge.org/fr/recifs_artificiels.aspx.
375op. cit. http://ramoge.org/fr/reunionsDCSMM.aspx.
376op. cit. http://ramoge.org/fr/ostreopsis_ovata.aspx.
377ibidem.article 3 §1 b.
378 op. cit. Règlement du Parlement européen et du Conseil du 23 mai 2007 concernant l’instrument financier pour
l’environnement (LIFE+), dont l'article 3 §2. dispose : « En outre, afin de garantir qu’ils offrent une valeur ajoutée
européenne et d’éviter de financer des activités récurrentes, les projets satisfont au minimum l’un des critères
suivants: a) ils sont des projets relatifs aux meilleures pratiques ou de démonstration aux fins de la mise en œuvre
de la directive 79/409/CEE ou 92/43/CEE; b) ils sont des projets ayant un caractère novateur, ou de démonstration
au niveau communautaire se rapportant aux objectifs de la Communauté dans le domaine de l’environnement, y
compris en termes d’élaboration et de diffusion des techniques, des savoir-faire ou des technologies les meilleurs;
c) ils sont des campagnes de sensibilisation et de formations spéciales à l’intention des agents participant à la
prévention des incendies de forêts; d) ils sont des projets visant à la définition et à la mise en œuvre d’objectifs
communautaires portant sur une surveillance étendue, harmonisée, globale et à long terme des forêts et des
interactions environnementales ».
102
En outre, Life + s'organise autour de trois objectifs spécifiques déterminés par l'article 4 du
règlement de 2007, à savoir un volet « nature et biodiversité », un volet « politique et gouvernance
en matière d'environnement » et un volet « information et communication ». Il est fort à parier que
la question de l'osteropsis ovata pourra entrer dans le cadre des actions de « nature et
biodiversité » ; que les guides utilisés comme outil de la concrétisation des projets RAMOGE se
rattacheront parfaitement au volet « information et communication » ; que l'étude des zones de
mouillage et la mise en place de lieu de stationnement réglementés des navires de grande plaisance
sera doté d'un réel caractère novateur ; que la lutte contre les sédiments portuaires, strictement
encadrées par des études d'impact sérieuses, proposera les meilleures techniques de dragage et de
clapage en mer alors disponibles ; que les réunions d'échange organisées par les organes techniques
de l'Accord RAMOGE autour de de la directive-cadre « stratégie pour le milieu marin »379
participeront largement à toute politique et gouvernance en matière d'environnement voulue par
Life + ; et que les immersions de récifs artificiels pouront, si elles proposent les meilleures
techniques alors disponibles en matière de protection des écosystèmes et de reconstitution des
stocks de poissons, entrer parfaitement dans le camp d'application de l'instrument financier Life +
L'instrument financier Life +, défini par le règlement de 2007 est prévu pour s'appliquer
avec le sixième programme d'action communautaire pour l'environnement380, autrement dit pour la
période allant de 2002 à 2012 381. A partir du 22 juillet 2012, l'UE devra adopter un septième
programme d'action pour l'environnement382, la question se pose alors de savoir quel sera l'avenir de
l'instrument financier Life +. A la date où sont rédigées ces lignes 383, seuls deux documents
permettent de répondre à cette interrogation. Tout d'abord la proposition de règlement de la
Commission du 12 décembre 2011 qui propose que l'instrument financier Life + soit maintenu384,
ensuite la résolution du Parlement européen du 20 avril 2012 qui souhaite que l'instrument Life +,
en raison de son succès soit non seulement poursuivi mais aussi développé 385. L'avenir de cet
379op. cit. directive du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 établissant un cadre d’action communautaire
dans le domaine de la politique pour le milieu marin.
380op. cit. décision du Parlement et du Conseil établissant du 22 juillet 2002 établissant le sixième programme d'action
communautaire pour l'environnement.
381op. cit. Règlement du Parlement européen et du Conseil du 23 mai 2007 concernant l’instrument financier pour
l’environnement (LIFE+), article premier §2.
382op. cit. décision du Parlement et du Conseil établissant du 22 juillet 2002 établissant le sixième programme d'action
communautaire pour l'environnement dont l'article premier §3 dispose que « le programme couvre une période de
dix ans à compter du 22 juillet 2002 ».
383Soit le 4 juin 2012.
384Proposition de la Commission européenne pour un règlement du Parlement européen et du Conseil relative à
l'établissement d'un programme pour l'environnement et l'action pour le climat (LIFE), COM(2011) 874 final, p. 11,
§3.
385 op. cit. résolution du Parlement européen du 20 avril 2012 sur la révision du sixième programme d'action pour
l'environnement et la définition des priorités du septième programme d'action pour l'environnement, Un
environnement meilleur pour une vie meilleure, §73.
103
instrument financier semble donc assuré, et ce outre les débats institutionnels sur la poursuite du
développement durable dans l'UE. L'Accord RAMOGE peut donc mobiliser ses forces pour faire
financer, au titre de sa qualité de zone pilote européenne, ses actions de GIZC méditerranéennes.
La qualité de zone pilote européenne de l'Accord en matière de GIZC ne doit donc pas être
qu'une qualification, elle doit être mise au service des actions actuelles ou à venir de RAMOGE la
GIZC méditerranéennes. D'ailleurs, l'Accord RAMOGE peut trouver dans le budget de l'UE d'autres
sources de financement que le seul instrument financier Life +.
B. La Zone RAMOGE comme zone pilote européenne pouvant légitimement
participer de la politique maritime intégrée de l'Union
Peu avant l'adoption de la directive-cadre établissant une audacieuse stratégie pour le milieu
marin de l'Union386, la Commission européenne publiait un Livre vert justement destiné à
promouvoir une PMI387.
Désireuse de « régler le problème qui découle d'utilisations de plus en plus concurrentes de
la mer allant du transport maritime, à la pêche, en passant par l'aquaculture, les activités de
loisirs, la production d'énergie en mer et d'autres formes d'exploitation du sous-sol marin »388, le
budget de l'UE permet la mise en place de cette politique maritime intégrée grâce à une enveloppe
qui fut en 2012 de 16.560.000 euros389 et qui sera vraisemblablement en 2013 de 15.240.000
euros390.
L'objet de cette PMI, tel que définit par le règlement de 2011 établissant un programme de
soutien pour le développement d'une politique maritime intégrée 391 est « de favoriser au maximum
le développement durable, la croissance économique [...] des États membres, en particulier dans
les régions côtières[...] de l’Union, ainsi que les secteurs maritimes, grâce à des politiques
cohérentes dans le domaine maritime […]. Le programme appuie l’utilisation durable des mers et
386op. cit. directive 2008/56/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 établissant un cadre d’action
communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin.
387op. cit. communication de la Commission européenne, Une politique maritime intégrée pour l'Union européenne,
COM(2007) 575 final.
388Ibidem. p. 6.
389op. cit. Acte législatif établissant le budget général de l’Union européenne pour l’exercice 2012, JOUE du 29 février
20012, Tome II., Section III., p. 539.
390op. cit. Commission européenne, Etat prévisionnel de la Commission européenne pour l'exercice 2013 (Préparation
du projet de budget 2013), p. 177.
391Règlement 1255/2011/UE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2011 établissant un programme de
soutien pour le développement d’une politique maritime intégrée, JOUE L 321 du 5 décembre 2011, pp. 1-10.
104
des océans et la diffusion des connaissances scientifiques »392. Constatant avec son article 3 que « la
gestion intégrée des zones côtières [constitue un instrument important] pour le développement
durable des zones marines et des régions côtières et [contribue] aux objectifs de la gestion fondée
sur l’écosystème »393 , le règlement relatif à la PMI précise que les bénéficiaires peuvent être « des
personnes physiques ou morales régies par le droit privé ou public d’un État membre ou par le
droit de l’Union [,] les pays tiers et les parties concernées dans les pays tiers partageant un bassin
maritime avec les États membres de l’Union ainsi que les organisations ou organismes
internationaux qui poursuivent un ou plusieurs objectifs [énoncés par le règlement PMI] »394.
Pour concrétiser l'identité européenne de la GIZC, ces objectifs de la PMI de l'UE seront de
« développer des synergies et de soutenir les politiques concernant[...] les zones côtières,
notamment dans les domaines du développement économique, de l’emploi [et] de la protection de
l’environnement ; [de] soutenir l’élaboration et la mise en œuvre de stratégies ; [d']améliorer et
[d']accroître la coopération et la coordination ; [et de] soutenir une croissance économique
durable […] dans les régions côtières »395.
A première vue donc, les actions de l'Accord RAMOGE pour la GIZC de la Zone semblent
correspondre aux objectifs définis par ce règlement de 2011 et l'Accord RAMOGE, même constitué
d'un Etat partie tiers à l'UE, doit pouvoir bénéficier des subventions européennes accordées au titre
de la PMI.
Seulement, il faudra en plus de cela que les projets de GIZC envisagés par l'Accord dans la
Zone RAMOGE correspondent aux critères d'éligibilité prévus par l'article 4 du règlement PMI.
Si l'Accord RAMOGE reprend pour les zones de mouillage l'idée d'établir un guide, les
études et les frais de rédaction, de publication et de diffusion de celui-ci pourront être financés au
titre des projets permettant « l’information du public et le partage des meilleures pratiques, la
sensibilisation et les activités associées de communication et de diffusion ». De même, les réunions
d'échanges autour de la stratégie pour le milieu marin de l'Union fondée sur la directive-cadre de
2008 pourront être multipliées et seront d'autant plus faciles à organiser qu'elles seront présentées à
la Commission comme des « conférences, séminaires, ateliers et forums de parties concernées »
par la GIZC dans la Zone RAMOGE. Enfin, tous « les projets, y compris les projets pilotes, les
études, les programmes de recherche et de coopération opérationnelle » destinés à évaluer les
impacts positifs et négatifs des récifs artificiels sur l'environnement marin, à mettre en place des
espaces de mouillage définis mettant fin aux effets néfastes de la grande plaisance, ou encore
392ibidem article premier § 2 et 3.
393ibidem article 3 §2 b.
394ibidem article 6 §1 et 2.
395ibidem article 2.
105
destinés à étudier les meilleures techniques disponibles pour désensabler les ports du littoral
RAMOGE pourront être éligibles aux subventions proposées par le règlement PMI.
Le financement européen de projets par la PMI de l'UE est encore tout récent, puisque le
règlement ne fut adopté qu'en 2011. Toutes les voies sont donc encore ouvertes pour RAMOGE, il
faudra juste que l'Accord parvienne à démontrer à la Commission européenne, outre l'intérêt
européen de ses projets pour la Zone, que ceux-ci répondent bien aux objectifs de la PMI fixés par
les articles 2 et 3 de son règlement.
En dehors des bénéfices environnementaux notoires des projets de GIZC de l'Accord, la
Zone constitue, toujours grâce à ces mêmes projets de GIZC, un espace privilégié pour le
développement économique de la pêche. C'est cette espace privilégié que les institutions de
l'Accord devront savoir mettre en avant et exploiter auprès de l'UE.
§2. Les incidences positives sur la pêche de la protection des fonds marins de la Zone par
l'Accord RAMOGE
Même si l'idée n'a vraisemblablement jamais traversé l'esprit des acteurs de l'Accord
RAMOGE chargé de permettre le développement durable de la Zone, il demeure évident
aujourd'hui que les actions de GIZC de l'Accord participent, même modestement, à la politique
commune de la pêche de l'Union(A.). De ce fait indiscutable, les institutions de l'Accord devraient
pouvoir retirer quelque subvention européenne issues notamment du Fonds Européen pour la Pêche
(FEP) (B.).
A. Les incidences évidentes des actions de l'Accord en faveur de la politique
commune de la pêche dans la Zone RAMOGE
Participant à la GIZC méditerranéennes par la gestion environnementale des ports de
plaisance, l'Accord RAMOGE tient à préciser que cet objectif répond également à « d’autres
préoccupations que la qualité de l’eau en considérant [...] les trois enjeux économiques majeurs
que constituent le tourisme, la pêche et les cultures marines, usages très directement dépendants du
maintien de l’intégrité du milieu »396. Si la question du tourisme est appelée à être réglée par
l'organisation structurée du mouillage de grande plaisance et par la protection de l'espace marin des
396op. cit. http://ramoge.org/fr/ports_plaisances.aspx.
106
zones côtières, les propositions sur la pêche et les cultures marines doivent être approfondies car
susceptibles de permettre une fois de plus à l'Accord RAMOGE d'être considéré comme zone pilote
européenne de la GIZC.
Naturellement, il ne s'agit pas de demander à RAMOGE de se mettre au service des
politiques de l'Union en matière d'économie marine. L'article 2 §1. du règlement européen du 20
novembre 2002 relatif à la politique commune de la pêche 397 précise toutefois que l'objectif de celleci est avant tout de garantir « une exploitation des ressources aquatiques vivantes qui crée les
conditions de durabilité nécessaires tant sur le plan économique, environnemental qu'en matière
sociale ».
Visant le « maintien ou l'amélioration de l'état de conservation des écosystèmes marins »398,
par l'utilisation de méthodes de « bonne gouvernance »399, la politique commune de la pêche ne
saurait alors nier le soutien, même modeste et indirect, que lui apportent les projets de GIZC de
l'Accord RAMOGE. Il semble en effet que les immersions de récifs artificiels, le contrôle des zones
de mouillage ou encore les réunions d'échange autour de la stratégie de l'Union pour son milieu
marin participent humblement et de façon non déclarée à cette ambition qu'est l'« exploitation
durable des stocks [de poissons] et le maintien des effets des activités de pêche sur les écosystèmes
marins à des niveaux viables »400.
Consciente du besoin d'adapter le secteur européen de la pêche aux exigences nouvelles du
commerce international et de la protection de l'environnement qui s'imposent à lui, la Commission
européenne s'est engagée dès 2009 sur la voie d'une troisième réforme de la politique commune de
la pêche401. Pour se faire, elle publie un Livre vert relatif à cette nouvelle réforme destinée à
s'appliquer sur la période allant de 2012 à 2020 402. C'est dans ce créneau que la vigilance de
l'Accord ne doit pas être distraite. Il doit s'organiser pour apparaître comme un élément réunissant
les conditions idéales pour la mise en œuvre des ambitions de ce Livre vert dans la Zone RAMOGE.
Témoin de la direction prise par cette nouvelle réforme souhaitant axer son attention sur les
397op. cit. règlement 2371/2002/CE du Conseil relatif à la conservation et à l’exploitation durable des ressources
halieutiques dans le cadre de la politique commune de la pêche.
398ibidem. article 6.
399ibidem. article 2 §2.
400ibidem. article 5 §3.
401Jusqu'alors en effet furent adoptés trois règlement en matière de pêche : règlement 170/83/CEE du Conseil du 25
janvier 1983, instituant un régime communautaire de conservation des ressources de pêches, JOCE L 24 du 27
janvier 1983 pp. 1-13 ; règlement 3760/92/CEE du Conseil du 20 décembre 1992, instituant un régime
communautaire de la pêche et de l'aquaculture, JOCE L 389 du 31 décembre 1992, pp. 1-14 ; et op. cit. règlement
2371/2002/CE du Conseil relatif à la conservation et à l’exploitation durable des ressources halieutiques dans le
cadre de la politique commune de la pêche. L'UE a en effet décidé d'organiser sa politique en matière de pêche en
dynamique décennale.
402op. cit. Communication de la Commission, Livre vert du 7 juin 2006, Vers une politique maritime de l'Union : une
vision européenne des océans et des mers.
107
écosystèmes marins403, les actions de l'Accord relatifs à la protection de la biocénose et du biotope
de la Zone, à l'instar des études sur les zones de mouillage 404 ou de la gestion environnementale des
ports de plaisance405, trouveront un écho favorable dans l'ambition affichée de faire en sorte que
« les écosystèmes marins des eaux européennes offrent des conditions propices à une productivité
élevée des stocks halieutiques »406.
De la même façon, et souhaitant être à la hauteur des ambitions environnementales et
commerciales de la pêche, la Commission souhaite voir cette politique commune « relever de
nouveaux défis, comme la nécessité de favoriser les synergies aux niveaux européen, national et
régional, d’intégrer la politique de la pêche aux autres questions maritimes (en particulier
l’approche écosystémique et le changement climatique) et de développer plus avant les instruments
stratégiques et la gouvernance »407. L'apport de l'Accord RAMOGE à la future politique commune
de la pêche est alors clairement défini, les actions menées dans la Zone participant à la GIZC
méditerranéennes seront une part de ces « synergies régionales » que le Livre vert appelle de ses
vœux.
Il n'appartient bien sûr pas aux institutions de l'Accord RAMOGE de se faire vassal de la
politique commune de la pêche de l'UE. L'objectif doit naturellement demeurer « de prévenir et
lutter contre les pollutions et les dégradations de l'environnement marin et côtier, de préserver la
biodiversité et de constituer une zone pilote en Méditerranée pour la réalisation de ces
objectifs »408. L'objectif ici fut donc de démontrer que l'Accord RAMOGE, zone pilote européenne
de la GIZC en Méditerranée, peut incidemment agir en faveur de la politique commune de la pêche.
Ce rôle joué par l'Accord dans la Zone RAMOGE ne doit cependant pas demeurer sans
contrepartie, et les institutions de l'UE devraient pouvoir financer à ce titre certains projets de GIZC
méditerranéennes réalisés par l'Accord.
403LELONG (S.) et PROUTIERE-MAULION (G.), La politique commune de la pêche vue par les chercheurs ou
l'influence des engagements internationaux de l'Union européenne sur la redéfinition de al gouvernance des pêches
à l'horizon 2012, Annuaire de droit maritime et océanique, 2010, pp.265-268.
404op. cit. http://ramoge.org/fr/mouillage.aspx.
405op. cit. http://ramoge.org/fr/ports_plaisances.aspx.
406op. cit. Communication de la Commission, Livre vert du 7 juin 2006, Vers une politique maritime de l'Union : une
vision européenne des océans et des mers, p. 7.
407op. cit. Livre vert du 7 juin 2006, Vers une politique maritime de l'Union : une vision européenne des océans et des
mers, p. 22 ; op. cit. LELONG (S.) et PROUTIERE-MAULION (G.), La politique commune de la pêche vue par les
chercheurs ou l'influence des engagements internationaux de l'Union européenne sur la redéfinition de al
gouvernance des pêches à l'horizon 2012, 281-284.
408Article 3 de l'Accord RAMOGE.
108
B. Les actions de l'Accord RAMOGE éligibles au titre du Fonds Européen pour la
Pêche
Il n'est peut-être pas nécessaire de rappeler ici toutes les incidences positives que peuvent
avoir les actions de l'Accord RMAOGE sur la protection et le développement des stocks de
poissons. Démonstration en a été faite : toutes les actions de l'Accord -qu'il s'agisse de l'immersion
de récifs artificiels409, de l'organisation des zones de mouillage410, le la lutte contre l'algue ostreopsis
ovata411 ou du management environnemental des ports de plaisance412- favorisent indirectement le
développement halieutique, tant par la reconstitution et la protection de la biocénose marine, que
par la lutte contre toute forme de pollution du littoral de la Zone RAMOGE.
Tirant profit de cela les institutions de la Zone ont tout intérêt à mettre l'accent sur les
bénéfices économiques de leurs actions, pourtant originellement non voulus par le texte de l'Accord,
afin d'acter l'identité européenne de la GIZC. S'il ne saurait y avoir d'approche écosystémique
européenne sans préoccupation économique, il ne saurait non plus y avoir de déni européen refusant
de voir l'impact économique des actions de RAMOGE en matière de pêche.
Cette position privilégiée de la Zone RAMOGE ne doit pas demeurer stérile. Elle doit être
mise au service de demandes de subventions européennes permettant le développement et la
continuation de tels projets.
Le Fonds Européen pour la Pêche. Ce sont les mots qui doivent venir à la bouche des
dirigeants de l'Accord RAMOGE pour demander à la Commission européenne des subventions en
matière de politique de la pêche. Pour l'année 2012, le budget de l'Union européenne mettait au
service de la politique commune de la pêche une enveloppe de 850.000 euros pour cet instrument
financier, budget commun avec l'Instrument Financier d'Orientation de la Pêche (IFOP)413. Pour
2013, ces deux instruments financiers recevront la même dotation 414, même si l'IFOP risque de
disparaître au profit du seul FEP suite à la réforme de la politique commune de la pêche415.
L'instrument financier FEP, organisé par un règlement du Conseil de 2006 416, est destiné à
409op. cit. http://ramoge.org/fr/recifs_artificiels.aspx.
410op. cit. http://ramoge.org/fr/mouillage.aspx.
411op. cit. http://ramoge.org/fr/ostreopsis_ovata.aspx.
412op. cit. http://ramoge.org/fr/ports_plaisances.aspx.
413 Acte législatif établissant le budget général de l’Union européenne pour l’exercice 2012, JOUE du 29 février
20012, Tome II., Section III., p. 506.
414op. cit. Commission européenne, Etat prévisionnel de la Commission européenne pour l'exercice 2013 (Préparation
du projet de budget 2013), p. 175.
415op. cit. communication de la Commission européenne, Réforme de la politique commune de la pêche,
COM(2009)163 final, p. 21-23. Le Livre vert ne fait en effet référence qu'au FEP, il semble que la Commission
européenne ait fait le choix de se concentrer seulement sur cet instrument financier en matière de politique
commune de pêche.
416Règlement 1198/2006/CE du Conseil du 27 juillet 2006 relatif au Fonds européen pour la pêche, JOUE L 223 du
109
être mis en œuvre dans « le cadre du soutien communautaire en faveur du développement durable
du secteur de la pêche, des zones de pêche et de la pêche dans les eaux intérieures »417. De premier
abord donc, les projets de l'Accord RAMOGE en matière de GIZC permettant le développement
durable des activités de pêche semblent être éligibles pour obtenir des subventions de la part de la
Commission.
Mais la disposition qui intéressera tout particulièrement l'Accord RAMOGE est l'article 38
du règlement FEP. Traitant des « mesures destinées à la protection et au développement de la faune
et de la flore aquatiques », cette disposition prévoit que « le FEP peut intervenir en faveur de
mesures d’intérêt commun destinées à la protection et au développement de la faune et de la flore
aquatiques et, parallèlement, à l’amélioration de l’environnement aquatique ». Visant « la
construction ou la mise en place d’installations fixes ou mobiles destinées à protéger et à
développer la faune et la flore aquatiques; [...] la réhabilitation des eaux intérieures,[...]; ou la
protection ou l’amélioration de l’environnement [dans le cadre du réseau Natura 2000] », cet
article 38 semble être écrit sur mesures pour les projets d'immersion de récifs artificiels 418, pour la
lutte contre les sédiments portuaires419 ou encore pour la protection des fonds marins contre le
mouillage excessif de la grande plaisance420.
En outre, « le repeuplement direct ne [pouvant] donner lieu à une aide », ce qui na jamais
été le type d'actions menées par l'Accord dans le cadre de la GIZC, « les actions doivent être mises
en œuvre par des organismes publics ou parapublics [...] ou d’autres organismes désignés à cet
effet par l’État membre ». La Commission RAMOGE, établie par « le Gouvernement de la
République Française, le Gouvernement de la République Italienne et le Gouvernement de Son
Altesse Sérénissime le Prince Souverain de Monaco »421 constitue certainement l'« organisme
public » dont traite l'article 38 du règlement FEP, éligible donc pour demander à la Commission
européenne quelques subventions au titre du FEP.
Plus que légitime, l'Accord RAMOGE ne doit donc pas se priver de demander à l'UE de
subventionner ses projets. S'il n'est plus besoin de démontrer comment l'Accord peut être une zone
pilote européenne de la GIZC méditerranéennes dans la Zone RAMOGE, celui-ci ne doit pas hésiter
à mettre en avant les atouts économiques de ses actions en matière de GIZC afin de pouvoir
continuer à les financer.
Au risque de se méprendre, il faut peut-être ici prendre le temps de préciser à nouveau un
15.8.2006, pp. 1-44.
417ibidem. article premier.
418op. cit. http://ramoge.org/fr/recifs_artificiels.aspx.
419op. cit. http://ramoge.org/fr/sediments_portuaires.aspx.
420op. cit. http://ramoge.org/fr/mouillage.aspx.
421 Préambule de l'Accord RAMOGE in limine.
110
point important. Rien n'appelle l'Accord RAMOGE dans ces développements à changer de position
pour devenir une institution au service du développement économique de l'espace marin de l'Union.
Il s'agit bien plus de faire prendre conscience à RAMOGE que ses projets de protection de
l'environnement marin par la GIZC ont des retombées économiques non négligeables qui, pouvant
être sources de subventions, ne doivent pas être oubliées. Ces atouts économiques des actions de
RAMOGE doivent lui permettre de financer des projets de protection de l'environnement grâce
notamment à son statut de zone pilote européenne.
Acteur de l'identité européenne de la GIZC en Méditerranée, l'Accord RAMOGE parvient
entièrement à créer les conditions d'un développement durable méditerranéen grâce aux incidences
économiques de ses projets environnementaux. De cette façon, pouvant légitimement être qualifié
de zone pilote européenne de la GIZC, l'Accord participe sans aucun doute aux politiques de l'UE
relatives au développement durable en Méditerranée.
111
CONCLUSION
112
113
L'identité européenne de la GIZC n'est plus à décrire. Ont été passées en revue l'approche
écosystémique, la démarche de gouvernance, la dynamique stratégique et la cohérence européenne
du concept de GIZC, faisant de l'UE un acteur de premier plan du développement durable,
notamment en Méditerranée.
N'est plus à décrire non plus la capacité de l'Accord RAMOGE à être une zone pilote
européenne de la GIZC, même si des voies encore inexplorées lui permettront de conserver ce
caractère pilote du développement durable en Méditerranée grâce à ses projets de GIZC.
Nonobstant l'accomplissement complet de cette identité européenne du développement
durable en Méditerranée, très bien relayée par l'Accord RAMOGE, il n'en demeure pas moins que
l'Accord RAMOGE devrait pouvoir se détacher de l'omniprésence marine dans ses projets de GIZC
(§1.) ainsi que l'UE devrait savoir ne pas douter de la nécessité de faire perdurer cette situation de
développement durable, en Méditerranée et ailleurs(§2.).
§1. Les perspectives terrestres des actions de l'Accord RAMOGE à l'égard des zones
côtières méditerranéennes
Un aspect n'est pas envisagé dans les projets de l'Accord RAMOGE relatifs à la GIZC
méditerranéennes : l'aspect terrestre. La bande terrestre des zones côtières n'est en effet pas
concernée par les actions de l'Accord dans la Zone.
Or l'article 2 e. du Protocole GIZC à la Convention de Barcelone pour la protection du
milieu marin et du littoral méditerranéen définit la zone côtière comme étant « l'espace
géomorphologique de part et d'autre du rivage de la mer où se manifeste l'interaction entre la
114
partie marine et la partie terrestre à travers des systèmes écologiques et systèmes de ressources
complexes comprenant des composantes biotiques et abiotiques coexistant et interagissant avec les
communautés humaines et les activités socio-économiques pertinentes ».
De même, le Chapitre premier paragraphe premier. de la recommandation de 2002 fixant les
bases d'une action stratégique en matière de GIZC européennes considère que la « protection du
milieu côtier [doit être réalisée] sur la base d’une approche par écosystème préservant son
intégrité et son fonctionnement, et [d'une] gestion durable des ressources naturelles des
composantes marines et terrestres du littoral »422.
Toujours dans le même esprit, la genèse du concept de GIZC en droit international de
l'environnement n'a pas manqué de préciser, dans le cadre notamment du mandat de Jakarta que la
« gestion intégrée des zones marines et côtières [représentait le] cadre le plus approprié pour
s'attaquer au problème de l'incidence des activités humaines sur la diversité biologique marine et
côtière et favoriser la conservation et l'utilisation durable de cette diversité »423. Le Conseil de
l'Europe a lui-même précisé que la GIZC permettait de « combiner les éléments physiques,
biologiques et humains pour former un cadre unique de gestion englobant les zones terrestres et
marines du littoral » ce qui induit « l'intégration de l'aménagement et de la gestion des différentes
composantes géographiques de la zone littorale, englobant les zones terrestres et maritimes, ainsi
que les zones à l'intérieur des terres »424.
L'Accord RAMOGE, intitulé « Accord relatif à la protection de l'environnement marin et
côtier d'une zone de la Méditerranée », prévoit dans sa version amendée de 2003 que « la
Commission RAMOGE a pour mission [...] de prévenir et lutter contre les pollutions et les
dégradations de l'environnement marin et côtier, de préserver la biodiversité et de constituer une
zone pilote en Méditerranée pour la réalisation de ces objectifs »425. A cette fin d'ailleurs, l'article 2
§1. b) prévoit que « le présent Accord s'applique en Méditerranée à la "Zone RAMOGE"[ 426], c'està-dire à terre au littoral continental tel que défini par chacun des Etats Parties, situé dans les
limites [de la Zone RAMOGE] ».
Par conséquent, si la GIZC définie par le droit international et le droit de l'UE attache autant
422op. cit. recommandation du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2002 relative à la mise en œuvre d'une
stratégie de gestion intégrée des zones côtières en Europe.
423op. cit. Conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique, Décision II-10 relative à la conservation
et à l'utilisation durable de la diversité biologique marine et côtière, Jakarta, 1995, disponible sur www.biodiv.org.
424 Conseil de l'Europe, Code de conduite européen des zones côtières, Sauvegarde de la nature, n°101, Editions du
Conseil de l'Europe, Strasbourg, 1999, p. 109.
425 Article 3 de l'Accord RAMOGE.
426L'article 2 §1. b) de l'Accord RAMOGE définit géographiquement la Zone RAMOGE comme étant constituée des
eaux de la mer territoriale et des eaux intérieures bordant le littoral continental relevant de la souveraineté des trois
Etats Parties et situées entre, à l'Ouest, le méridien 04°50',5 de longitude Est et, à l'Est, le méridien 010°01',2 de
longitude Est.
115
d'importance à la partie terrestre des zones côtières qu'à la partie marine de celles-ci, l'Accord
RAMOGE prévoit expressément dans ses dispositions que son action peut également être dirigée
sur la partie terrestre des zones côtières. Or toutes les actions de l'Accord en matière de GIZC
européennes ne concernent que l'espace marin, délaissant quelque peu le pan terrestre du littoral,
pourtant concerné par les objectifs environnementaux de l'Accord.
L'occasion se présente donc à nouveau pour l'Accord d'être reconnu comme zone pilote
européenne complète de la GIZC répondant totalement aux ambitions du concept de GIZC. Pour
cela, il doit associer à ses actions de GIZC la protection et le développement de la bande littorale
terrestre.
Les trois fléaux427 de l'environnement de ces zones côtières méditerranéennes qui s'étendent
de Marseille à La Spezia, en Passant par Saint Raphaël, Monaco et Gênes, ne sont autres que le
tourisme, les incendies et le bétonnage des côtes. En effet, chaque été voit un flot de touristes venus
de toute l'Europe pour découvrir cet espace côtier, touristes qui se logent souvent dans de grandes
barres d'immeubles construites toujours au plus près de la mer. C'est également l'été que des
incendies attisés par le mistral ou la tramontane dévastent les pinèdes et garrigues
méditerranéennes.
Si le tourisme constitue une manne économique indiscutable pour les côtes
méditerranéennes, on pourrait imaginer que l'Accord RAMOGE, conscient de la composante
néfaste du tourisme de masse, rédige comme pour la gestion environnementale des ports de
plaisance, un guide à l'attention des exploitants et utilisateurs des côtes de la Zone RAMOGE. Ce
guide, qui pourrait s'intituler « Management environnemental du littoral terrestre méditerranéen »,
s'adressant tant aux touristes qu'aux commerçants et collectivités publiques de la Zone, viserait à
informer et prévenir ceux-ci des problèmes environnementaux liés aux feux, à la construction
intensives et au tourisme massif incontrôlé.
De cette façon, en se penchant sur l'espace terrestre se sa Zone, l'Accord RAMOGE pourrait
renforcer sa position de zone pilote européenne pour le développement durable du bassin
méditerranéen, répondant complètement au concept de GIZC tel que se l'est approprié l'UE.
L'Accord RAMOGE et plus particulièrement ses actions de GIZC dans la Zone RAMOGE
correspondant à l'identité européenne de ce concept témoignent de l'effectivité des politiques de
l'UE en matière de développement durable en Méditerranée. Cette réussite notoire demeure
toutefois à relativiser en raison des débats actuels qui animent les travaux préparatoires du septième
plan d'action communautaire pour l'environnement.
427En référence aux trois fléaux traditionnellement attachés à la Provence que sont mistral, le Parlement d'Aix et la
Durance.
116
§2. Les ambitions politiques de la construction européenne à préserver sous l'égide du
développement durable
La politique de l'UE en Méditerranée en matière de développement durable est bien réelle. Il
n'est plus nécessaire de dresser la liste des instruments de droit obligatoires ou non obligatoires qui
témoignent de la volonté de l'UE de voir se créer en Méditerranée les conditions d'un
développement durable.
Traiter de l'ensemble des mesures relatives développement durable méditerranéen mises en
place par l'UE n'aurait peut-être pas été pertinent, car le concept de développement durable doit être
un fluide qui se diffuse dans l'ensemble des branches du droit de l'UE. Tel est d'ailleurs l'esprit du
principe d'intégration en droit européen de l'environnement consacré par l'article 11 TFUE : « les
exigences de la protection de l'environnement doivent être intégrées dans la définition et la mise en
œuvre des politiques et actions de l'Union, en particulier afin de promouvoir le développement
durable »428.
Il a donc fallu, en ne s'attachant qu'à la GIZC, cibler un aspect du développement durable
méditerranéen. Le processus d'appropriation européenne de ce concept de droit international révèle
toute son originalité à travers ses moyens juridiques de mise en œuvre au sein de l'UE, notamment
par le Protocole GIZC à la Convention de Barcelone429. Le statut d'Accord mixte de ce Protocole et
sa capacité à reprendre l'identité européenne de la GIZC dispensent en effet le Parlement européen
et le Conseil d'adopter un acte de droit dérivé relatif à la stratégie européenne de GIZC. Le
développement durable de la Méditerranée grâce à la GIZC est donc parfaitement assuré, et ce
d'autant plus que de petites organisations comme l'Accord RAMOGE parviennent à réaliser
pleinement et volontairement cet objectif politique de l'Union.
Ce satisfecit est toutefois à nuancer au regard des dissensions européennes existant
actuellement autour du concept même de développement durable.
La volonté de la Commission européenne de fondre le concept de développement durable
428op. cit. TFUE, disponible sur : http://eur-lex.europa.eu/fr/treaties/index.htm.
429op. cit. http://eur-lex.europa.eu/fr/treaties/index.htm.
117
dans une vaste « Stratégie Europe 2020 »430, idée semble-t-il approuvée par le Parlement européen
dans sa résolution d'avril 2012 proposant les grandes lignes du septième plan d'action
communautaire pour l'environnement431, ne sera pas sans effet sur la politique européenne à venir en
matière d'environnement. Outre la mise en garde du CESE et dans l'attente de l'adoption par le
Conseil et le Parlement européen d'une décision sur la suite à donner à la politique
environnementale de l'UE432, ce choix de la Commission et du Parlement reste contestable à
plusieurs égards.
Le juriste connaît trop l'importance des mots pour ne pas voir dans la disparition du terme
« développement durable » au profit des notions de croissance durable, d'agriculture durable, de
pêche durable ou encore de gestion durable des matières premières un changement de portée
juridique significatif. En effet, le concept de développement durable, comme le rappelle l'article 11
TFUE précité, a l'avantage de pouvoir s'intégrer sans se modifier à l'ensemble des politiques de
l'UE. Il n'est pas évident que le principe d'intégration sera aussi efficace avec l'adoption de
politiques sectorielles durables au détriment du seul développement durable.
Certains diront qu'il ne s'agit que de mots. Et ils auront certainement raison, puisqu'ils auront
oublié l'importance des mots dans la construction des systèmes politiques. La construction
européenne ne peut pas se faire sans mots, repris, adoptés, brandis, débattus ou pensés qui
permettent d'ancrer le sentiment d'appartenance européenne dans l'esprit des peuples des Etats
membres.
L'action environnementale européenne est devenue au même titre que la politique
économique et sociale de l'Union une politique prioritaire pour l'UE. En effet, il faut avoir à l'esprit
que si « l'Union établit un marché intérieur [,] elle œuvre [également] pour le développement
durable de l'Europe fondé sur une croissance économique équilibrée […] un économie sociale de
marché hautement compétitive […] et un niveau élevé de protection et d'amélioration de la qualité
de l'environnement »433. A ce titre, l'environnement et surtout le développement durable représentent
des instruments politiques qui doivent permettre à l'UE de poursuivre sa construction.
Diluer le leitmotiv du développement durable, dans des stratégies toujours plus techniques
risque donc de priver l'UE d'un outil politique que l'inconscient collectif européen, toujours plus
préoccupé par les questions environnementales, était en train de faire sien, œuvrant ainsi à la
430op. cit. Communication de la Commission européenne du 3 mars 2010, Une stratégie pour une croissance intelligente,
durable et inclusive.
431op. cit. résolution du Parlement européen du 20 avril 2012 sur la révision du sixième programme d'action pour
l'environnement et la définition des priorités du septième programme d'action pour l'environnement, Un
environnement meilleur pour une vie meilleure, §71.
432op. cit. Avis du Comité économique et social européen, 7e programme d'action pour l'environnement et suivi du
6e PAE.
433op. cit. article 3 §3. TFUE, disponible sur : http://eur-lex.europa.eu/fr/treaties/index.htm.
118
création du sentiment européen.
Le rôle politique que doit jouer l'UE dans la poursuite de l'Histoire de la Méditerranée par la
construction d'un espace de paix, réalisé en partie grâce à la mise en place d'un développement
durable, ne doit pas lui faire oublier son ambition politique de construction d'une « union sans cesse
plus étroite entre les peuples de l'Europe »434.
La politique de l'UE pour un développement durable méditerranéen, réalisée localement
comme par exemple avec l'Accord RAMOGE, doit en conséquence demeurer une priorité au
service des desseins actuels et futurs de la construction européenne.
434op. cit. article premier TUE, disponible sur : http://eur-lex.europa.eu/fr/treaties/index.htm.
119
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gouvernance maritime intégrée et de consultation des parties prenantes, COM (2008) 395 final.
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- Résolution du Parlement européen
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Résolution du Conseil des Communautés européennes et des représentants des gouvernements des
États membres, réunis au sein du Conseil du 6 mai 1994 concernant une stratégie communautaire,
de gestion intégrée des zones côtières, JOCE n° C 135/2 du 18 juin 1994, p. 2.
Résolution du Conseil des Communautés européennes et des représentants des gouvernements des
États membres, réunis au sein du Conseil du 1er février 1993 concernant la poursuite et la
réalisation d'une politique et d'un programme d'action des Communautés européennes en matière
d'environnement (1992-1997), JOCE n° C 138 du 17 mai 1993, pp. 1-98.
Résolution du Conseil des Communautés européennes et des représentants des gouvernements des
États membres, réunis au sein du Conseil du 25 février 1992 relative à la future politique
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Résolution du Conseil des Communautés européennes et des représentants des gouvernements des
États membres, réunis au sein du Conseil du 19 octobre 1987, concernant la poursuite et la
réalisation d'une politique et d'un programme d'action des Communautés européennes en matière
d'environnement (1987-1992), JOCE n° C 328 du 3 décembre 1987, pp. 1-44.
Résolution du Conseil des Communautés européennes et des représentants des gouvernements des
Etats membres réunis au sein du Conseil du 7 février 1983 concernant la poursuite et la réalisation
d'une politique et d'un programme d'action des Communautés européennes en matière
d'environnement (1982-1986), JOCE n° C 46 du février 1983, pp. 1-22.
Résolution du Conseil des Communautés européennes et des représentants des gouvernements des
Etats membres réunis au sein du Conseil du 17 mai 1977 concernant la poursuite et la réalisation
d'une politique et d'un programme d'action des Communautés européennes en matière
d'environnement (1977-1982), JOCE n° C 139 du 13 juin 1977, pp. 1–46.
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économique
http://www.ospar.org : site internet de la Commission Ospar
http://www.contratdebaie-tpm.org : site internet du Contrat de baie de la rade de Toulon
129
130
Table des matières
INTRODUCTION
................................................................................................................................................................
…........................................................................................................................................................11
§1. L'Europe en Méditerranée, une place à prendre dans l'Histoire des peuples grâce au
développement durable..............................................................................................…......13
§2. Le développement durable, un concept contemporain à conserver....................…......15
§3. Le concept de gestion intégrée des zones côtières, une réponse large pour des
préoccupations précises..............................................................................................…......19
§4. La construction européenne, des préoccupations environnementales non originelles
mais non négligées.......................................................................................................…....22
§5. L'Accord RAMOGE, la protection de l'environnement méditerranéen notamment par
le développement durable et la gestion intégrée des zones côtières.........................…......24
§6. L'objet traité, les politiques de développement durable de l'Union européenne en
Méditerranée et le rôle pilote joué par l'Accord RAMOGE en matière de gestion intégrée
des zones côtières.......................................................................................................…......26
PREMIERE PARTIE :UNE IDENTITE ORIGINALE DU CONCEPT DE GESTION INTEGREE
DES ZONES COTIERES TAILLEE AUX MESURES DE L’UNION EUROPEENNE..................28
CHAPITRE PREMIER : UNE APPROPRIATION EUROPENNE REUSSIE DU CONCEPT
DE GESTION INTEGREE DES ZONES COTIERES ..........................................................30
SECTION PREMIERE : UN SEVRAGE LONG ET DIFFICILE DE L'UNION
EUROPEENNE A L'EGARD DU CONCEPT DE DROIT INTERNATIONAL DE GESTION
INTEGREE DES ZONES COTIERES...............................................................................….31
§1. Une attitude européenne circonspecte dans le développement international
du concept.............................................................................................................................31
A. La Compatibilité évidente des ambitions européennes avec l'approche
écosystémique de la gestion intégrée des zones côtières..................................….........31
B. La participation passive de l'Union européenne au développement en droit
international du concept de gestion intégrée des zones côtières ….................................33
131
§2. L'impact fort du droit international dans les programmes d'action communautaire.....36
A. Les répliques européennes sur le modèle des initiatives internationales du concept
de gestion intégrée des zones côtières .............................................................…..........36
B. L'amorce soft du processus d'appropriation européenne du concept de gestion
intégrée des zones côtières................................................................................…..........38
SECTION SECONDE : LE PROCESSUS CLASSIQUE D’APPROPRIATION
EUROPEENNE APPLIQUE AU CONCEPT DE GESTION INTEGREE DES ZONES
COTIERES..........................................................................................................................….41
§1. Entre gouvernance et stratégie : appropriation sans heurt du concept aux méthodes
européennes d’action environnementale....................................................................…......41
A. La gouvernance environnementale : méthode européenne convenue pour toute
action environnementale au sein de l'Union.....................................................…..........41
B. L’approche stratégique : marque de l'identité européenne dans le cadre des actions
environnementales de l’Union..........................................................................….........43
§2. La mise en cohérence du concept avec les autres domaines d’action de l’Union : étape
primordiale et ultime du processus d’appropriation européenne …....................................44
A. L’impératif non négligeable de la compatibilité du concept de gestion intégrée des
zones côtières avec les domaines d’action traditionnels de l’Union ..............…..........45
B. La déception légitime mais peut-être injustifiée ressentie face à l'absence
d'instrument de droit dérivé de l'Union reprenant ce concept...........................…..........47
CHAPITRE SECOND : LE STATUT JURIDIQUE ORIGINAL DU CONCEPT DE
GESTION INTEGREE DES ZONES COTIERES DANS L’UNION EUROPENNE ….......48
SECTION PREMIERE : LA PROTECTION DU MILIEU MARIN DE L’UNION ET LA
CRAINTE INFONDEE D’UNE MARGINALISATION DE LA PROTECTION DES
ZONES COTIERES EUROPENNES........................................................................….....49
132
§1. De la stratégie de gestion intégrée des zones côtières à la protection du milieu marin
de l'Union européenne................................................................................................….....49
A. L'appropriation européenne du concept de gestion intégrée des zones côtières
valorisée par la politique maritime de l'Union..................................................…..........49
B. Le transfert des efforts européens de la stratégie de gestion intégrée des zones
côtières vers la récente « stratégie pour le milieu marin »................................…..........50
§2. Protection partielle des zones côtières par la « Stratégie pour le milieu marin de
l'Union européenne »..................................................................................................…......53
A. Champ d'application divergeant entre « zones côtières » et « eaux marines ».........53
B. La double application aux eaux marines du concept de gestion intégrée des
zones
côtières induite par la « stratégie pour le milieu marin »..................................…..........55
SECTION SECONDE : LE PROTOCOLE A LA CONVENTION DE BARCELONE SUR
LA GESTION INTEGREE DES ZONES COTIERES FINALISANT L'APPROPRIATION
EUROPENNE DE CE CONCEPT .....................................................................................….57
§1. La concordance entre l'esprit du Protocole GIZC et le travail d'appropriation
européenne de ce concept ..........................................................................................…......58
A. La reprise des méthodes européennes d'action environnementale : gouvernance et
approche stratégique.........................................................................................…..........58
B. La référence aux cadres traditionnels européens : approche écosystémique et mise
en cohérence....................................................................................................…..........59
§2. La place prépondérante du Protocole GIZC en droit de l'Union pour la gestion
intégrée des zones côtières européennes....................................................................…......62
A. Le statut privilégié d’accord mixte du Protocole GIZC dans l’ordre juridique
de
l’Union européenne ..........................................................................................…..........62
B. Le protocole GIZC comme succédané à l'absence de droit dérivé de l'Union en
matière de gestion intégrée des zones côtières ................................................…..........64
*
133
SECONDE PARTIE : L'ACCORD RAMOGE UNE ZONE PILOTE INCONTESTABLE DES
POLITIQUES EUROPENNES DE DEVELOPPEMENT DURABLE EN MEDITERRANEE......68
CHAPITRE PREMIER : LA CAPACITE DE L'ACCORD RAMOGE A CONSTITUER EN
MEDITERRANEE UNE ZONE PILOTE EUROPEENNE DE LA GESTION INTEGREE
DES ZONES COTIERES....................................................................................................….71
SECTION PREMIERE : LES ACQUIS ET LES PERSPECTIVES DE L'ACCORD
RAMOGE EN MATIERE DE GOUVERNANCE ET DE STRATEGIE D'ACTION.......….71
§1. La participation évidente de l'Accord RAMOGE à une logique de gouvernance
nécessitant des ouvertures ciblées..............................................................................…......71
A. L'Accord RAMOGE et ses partenaires locaux au service d'une gouvernance
environnementale efficace................................................................................…..........71
B. Le besoin d'intégrer davantage les organisations non gouvernementales pour établir
une gouvernance élargie et plus complète........................................................…..........74
§2. La capacité de l'Accord à transformer ses simples actions stratégiques en stratégies
d'action européennes .................................................................................................…......76
A. Une approche stratégique modeste se résumant davantage à une organisation
sérieuse des projets de l'Accord RAMOGE......................................................…..........76
B. La capacité de l'Accord à devenir une zone pilote européenne en recentrant ses
stratégies d'action autour de la notion de « bon état écologique »....................…..........78
SECTION SECONDE : LA PROTECTION ENVIRONNEMENTALE INDENIABLE DES
ECOSYSTEMES MARINS PAR L'ACCORD RAMOGE.................................................….80
§1. La contradiction apparente de l'objectif de protection des écosystèmes avec les projets
de dragage des sédiments portuaires et d'immersions de récifs artificiels.................…......81
A. La crainte d'une destruction des écosystèmes marins due à la lutte contre les
sédiments portuaires écartée grâce à des études d'impact exigeantes...............….........81
134
B. La protection juridique des écosystèmes face aux immersions de récifs artificiels. 83
§2. La protection des écosystèmes de la Zone : une zone pilote internationale incontestable
mais une zone pilote européenne en devenir..............................................................…......85
A. La protection de la biocénose et du biotope marins comme voies d'accès
évidente
au rang de zone pilote internationale en Méditerranée ....................................…..........86
B. La nécessité d'intégrer davantage les activités économiques et humaines pour
devenir une zone pilote européenne de la gestion intégrée des zones côtières. .............88
CHAPITRE SECOND : LA CAPACITE DE L'ACCORD RAMOGE A PROMOUVOIR
DANS L'UNION EUROPENNE LES INCIDENCES ECONOMIQUES DE SES ACTIONS
AU PROFIT DE SES PROPRES PROJETS ENVIRONNEMENTAUX...........................….90
SECTION PREMIERE : L'ACCORD RAMOGE COMME ZONE PILOTE EUROPENNE
PLEINEMENT APTE A REPONDRE INCIDEMMENT AUX AMBITIONS
ECONOMIQUES DE L'UNION.........................................................................................90
§1. La cohérence remarquable entre les ambitions économiques de l'Union et les récifs
artificiels de la Zone RAMOGE.................................................................................…......90
A. Les bénéfices économiques évidents tirés de l'immersion des récifs artificiels
dans
la Zone RAMOGE............................................................................................…..........91
B. Les projets RAMOGE d'immersion de récifs artificiels pleinement compatibles avec
l'identité européenne de la gestion intégrée des zones côtières ......................…..........93
§2. La prise de conscience nécessaire des incidences économiques des actions
environnementales actuelles ou potentielles de l'Accord RAMOGE........................…......95
A. L'atout économique non négligeable de la gestion environnementale des ports de
plaisance ..........................................................................................................…..........95
B. La proposition de création d'un « contrat de baie RAMOGE » au service de la
gestion environnementale et économique des zones de mouillage ..................…..........98
135
SERVICE DU FINANCEMENT PAR L'UNION DES ACTIONS ENVIRONNEMENTALES
DE L'ACCORD DANS LA ZONE .......................................................................................100
§1. Les actions de l'Accord pour la gestion intégrée des zones côtières clairement éligibles
aux subventions européennes environnementales......................................................…....100
A. L'utilisation du titre de zone pilote européenne pour bénéficier des subventions de
l'instrument financier Life +.............................................................................…........101
B. La Zone RAMOGE comme zone pilote européenne pouvant légitimement participer
de la politique maritime intégrée de l'Union …........104
§2. Les incidences positives sur la pêche de la protection des fonds marins de la Zone par
l'Accord RAMOGE....................................................................................................…....106
A. Les incidences évidentes des actions de l'Accord en faveur de la politique
commune de la pêche dans la Zone RAMOGE................................................…........106
B. Les actions de l'Accord RAMOGE éligibles au titre du Fonds Européen pour la
Pêche.................................................................................................................…........109
CONCLUSION
................................................................................................................................................................
112
§1. Les perspectives terrestres des actions de l'Accord RAMOGE à l'égard des zones
côtières méditerranéennes..........................................................................................…....114
§2. Les ambitions politiques de la construction européenne à préserver sous l'égide du
développement durable..............................................................................................…....117
136