Le jeu et l`apprentissage d`une langue étrangère
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Le jeu et l`apprentissage d`une langue étrangère
MARIE HONORE Groupe C1 Site de Bonneuil Année 2005-2006 Le jeu et l’apprentissage d’une langue étrangère Directeur de mémoire THERESE ROBIN Sommaire Sommaire............................................................................................................... 1 Remerciements ...................................................................................................... 2 Introduction ........................................................................................................... 3 I. Le jeu et les Instructions Officielles................................................................ 6 1. Qu’est ce que le jeu ? Quelles sont les caractéristiques du jeu de l’enfant ? Pourquoi l’enfant joue-t-il ? ............................................................................... 6 a. Le jeu : définition......................................................................................... 6 b. Les caractéristiques du jeu de l’enfant ........................................................ 7 c. Pourquoi l’enfant joue-t-il ?......................................................................... 8 2. Le jeu en classe............................................................................................. 10 3. Le jeu dans l’enseignement des langues et les Instructions officielles ........ 11 II. De l’intérêt du jeu dans l’apprentissage d’une langue étrangère ................... 14 1. L’effort grâce au jeu ..................................................................................... 14 2. Le jeu permet un travail sur l’oral et sur l’écrit ........................................... 17 a. L’oral.......................................................................................................... 18 b. L’écrit ........................................................................................................ 22 3. Diversité et multiplicité des jeux et des supports......................................... 27 a. Les jeux en autonomie ............................................................................... 27 b. Les jeux en binôme.................................................................................... 27 c. Les jeux sans matériel................................................................................ 27 4. Des jeux qui peuvent être réinvestis............................................................. 28 III. Les limites du jeu dans l’apprentissage d’une langue étrangère................... 30 1. Le jeu est-il l’apprentissage ?...................................................................... 30 2. La gestion du temps, du matériel et des élèves ............................................ 32 3. Les difficultés de l’évaluation dans le jeu.................................................... 33 Conclusion........................................................................................................... 35 Bibliographie ....................................................................................................... 37 Annexes ............................................................................................................... 38 1 Remerciements Je tiens à remercier la direction et le personnel de l’école élémentaire Le Parc de Choisy-le-Roi, en particulier Isabelle Hing pour m’avoir accueillie dans sa classe ainsi que pour ses précieux conseils, sa gentillesse et l’attention qu’elle m’a portée tout au long de mes observations et interventions. 2 Introduction La vision que nous avions de l’enseignement des langues vivantes dans les années 1960-1970 a radicalement changé. Depuis 1989, date à laquelle a été mis en œuvre l’enseignement d’initiation aux langues étrangères (EPLV puis EILE), la place donnée à ces dernières n’a cessé d’augmenter. En effet, l’année 1995 voit la généralisation de l’initiation à une langue vivante au CE1, CE2 et CM1 pour aboutir en 1998 à une réflexion sur l’enseignement des langues au CM2 afin de relier pédagogiquement l’école et le collège. Depuis 1998, les Instructions Officielles concernant l’enseignement des langues vivantes étrangères se sont faites de plus en plus précises et de plus en plus exigeantes. En 2002, sont introduits de nouveaux programmes : les langues vivantes feront partie intégrante des programmes suivant un calendrier progressif (au CM2 en 2000, au CM1 en 2001, etc. jusqu’en grande section).Les langues enseignées à l’école ne doivent pas se limiter à l’anglais mais au contraire se diversifier. Une réelle continuité doit s’établir entre l’école primaire et le collège. Les maîtres en poste devront suivre une formation tandis que l’on prévoit l’exigence d’un niveau de langue validé par le CRPE. Notons que la priorité est donnée à la langue orale et à la communication. Pourquoi avoir choisi une telle priorité ? Conséquence de l’internationalisation des échanges et de la construction européenne, l’aspect pragmatique de cet enseignement est passé au premier plan. Depuis 1990, le but principal de l’apprentissage d’une langue étrangère n’est plus l’acquisition d’un savoir académique mais son utilisation dans la vie quotidienne. C’est donc la langue en tant qu’instrument de communication qui est passée au premier plan. Pour que la langue puisse être utilisée comme instrument de communication, il faut que son enseignement soit efficace et réponde directement à cet objectif. On peut se demander quel est le type d’activités à mettre en place pour atteindre cet objectif. La multiplicité des méthodes pour l’enseignement précoce des langues vivantes peut rendre perplexe par la grande variété des supports mais surtout par les diverses exploitations et approches 3 méthodologiques possibles de ces derniers. Toute activité scolaire a comme stratégie de rendre actif l’élève, en l’incitant à participer directement à son apprentissage : il faut donc que l’apprenant soit attiré par l’enseignement et les activités qu’on lui propose. C’est là qu’il est important de varier les supports afin de rendre les activités attractives. Qu’entend-on par le terme « attractive » ? Concernant l’enfant ce peut-être par le jeu , par les activités ludiques, d’où la question : peut-on apprendre une langue vivante par le jeu ? Cette interrogation en soulève d’autres : qu’est-ce que le jeu en classe de langue ? Le jeu suffit-il pour apprendre une langue vivante ? Répond-il aux besoins des enfants pour cet apprentissage ? Attention aux termes « jeu » et « activités ludiques ». Ces derniers se révèlent être très proches, cependant, il est important de les définir afin qu’il n’y ait pas d’ambiguïté à la lecture de ce mémoire. Par le mot « jeu », l’on entend une activité physique ou intellectuelle visant au plaisir, à la distraction, au divertissement. C’est un terme général à la différence des « activités ludiques », terme beaucoup plus précis et moins neutre. Ainsi, les activités ludiques sont mises en place par l’enseignant pour répondre à un réel objectif d’apprentissage. Elles sont donc « pédagogiquement » pensées. Le fait d’avoir recours à ces activités pour introduire des notions n’est bien sûr pas anodin : il s’agit de donner envie à l’élève d’apprendre, il faut donc qu’il y trouve un certain plaisir. J’ai donc réfléchi sur le « comment » de l’apprentissage d’une langue étrangère à l’école et je me suis interrogée sur les moyens à mettre en œuvre afin que cet apprentissage soit le plus agréable et le plus efficace possible pour l’enfant. Le fait que cet apprentissage doive être ludique m’a paru aller de soi. Durant mes six séances avec deux classes de CM1, j’ai donc essayé de mettre en place des activités ludiques qui visaient l’acquisition ou la révision de notions grammaticales ou lexicales. A travers un va-et-vient constant entre la théorie et ma pratique de classe, j’ai essayé de valider ou de corriger mes idées quant à l’importance du jeu et donc des activités ludiques en classe de langue. 4 Nous tenterons tout d’abord de définir le jeu, plus précisément chez l’enfant avant de nous pencher sur le jeu « en classe » et la place qu’accordent au jeu les Instructions Officielles dans l’enseignement des langues à l’école. Ensuite, nous étudierons les intérêts du jeu et des activités ludiques dans cet apprentissage avant d’en montrer les limites. 5 I Le jeu et les Instructions Officielles 1. Qu’est ce que le jeu ? Quelles sont les caractéristiques du jeu de l’enfant ? Pourquoi l’enfant joue-t-il ? a. Le jeu : définition Le jeu est défini dans la plupart des dictionnaires comme une activité physique ou mentale, non imposée, purement gratuite, qui n’a pour celui qui la pratique qu’un seul but : la satisfaction qu’elle procure. Parmi ces particularités, remarquons les notions de gratuité et de plaisir qui font que cette activité semble être dénuée de toute obligation de vie sociale. Si l’on considère le jeu en tant que divertissement et amusement, il s’oppose à la contrainte. Il existe des optiques différentes sur la nature du jeu. Ces conceptions portent sur le jeu en général, plus précisément sur l’action de jouer. J. Huizinga, historien néerlandais, a tenté de donner une définition du jeu dans son livre « Homo ludens » : « le jeu est une action ou une activité volontaire, accomplie dans certaines limites fixées de temps et de lieu, suivant une règle librement consentie mais complètement impérieuse, pourvue d’une fin en soi, accompagnée d’un sentiment de tension ou de joie, et d’une conscience d’être « autrement » que dans la vie courante1.» Pour R. Caillois, le jeu est une « occupation séparée, soigneusement isolée du reste de l’existence2.» C’est donc une activité : « . libre : à laquelle le joueur ne saurait être obligé sans que le jeu perde aussitôt sa nature de divertissement attirant et joyeux ; . séparée : circonscrite dans des limites d’espace et de temps précises et fixées à l’avance ; . incertaine : dont le déroulement ne saurait être déterminé ni le résultat acquis préalablement ; 1 2 www.educreuse23.ac-limoges.fr/cddp_eile/thema/presentationhtm idem 6 . improductive : ne créant ni biens, ni richesses, ni éléments nouveaux d’aucune sorte ;et, sauf déplacement de propriété au sein des joueurs, aboutissant à une situation identique à celle du début de la partie; . réglée : soumise à des conventions qui suspendent les lois ordinaires et qui instaurent momentanément une législation nouvelle, qui seule compte ; . fictive : accompagnée d’une conscience spécifique de réalité seconde ou de franche irréalité par rapport à la vie courante3.» Après lecture de différentes analyses, il semble être difficile de donner une seule définition du jeu car les visions des auteurs et des spécialistes de la question se fondent sur plusieurs perspectives : psychologique, psychopédagogique, anthropologique, empirique et utilitaire. Néanmoins, le jeu de l’enfant est doté de particularités qu’il est important d’expliquer. b. Les caractéristiques du jeu de l’enfant Les auteurs Pierre Ferran, François Mariet et Louis Porcher, auteurs de « A l’école du jeu4 » tentent d’expliquer les traits fondamentaux de l’acte de jouer et donnent six caractéristiques psychologiques du jeu de l’enfant. Tout d’abord, la fiction. Le jeu est décalé par rapport à la réalité. « Le jeu possède des caractéristiques imaginaires, des traits de rupture avec l’empirisme et le réalisme habituels. De ce point de vue, il manifeste un certain pouvoir de liberté créatrice, et, par conséquent la capacité de se mettre à distance par rapport aux événements apparemment nécessaires de l’existence journalière5.» La fiction ne dure que le temps du jeu. Ensuite, la détente. « La fiction du jeu fonctionne pour l’individu joueur comme une détente, c’est à dire un détachement par rapport aux tensions et aux luttes de l’existence 3 www.educreuse23.ac-limoges.fr/cddp_eile/thema/presentationhtm idem 5 idem 4 7 réelle.(…) Cela explique, par exemple, que l’enfant joue souvent contre quelque chose, pour prendre sa revanche sur un sort défavorable6.» Le jeu est un moyen pour l’enfant de se protéger du monde extérieur. Ensuite, l’exploration. « Jouer, c’est explorer le monde, se mesurer à lui, rassembler ses propres forces pour résoudre une difficulté, vaincre un obstacle.» Puis, vient la socialisation. « Le jeu offre la possibilité d’entrer en relation avec autrui sur le mode simultané de l’affrontement et de la collaboration, de l’antagonisme et de la coopération7.» Pendant le jeu, l’enfant entretient des relations avec ses adversaires ou ses partenaires et construit par ce biais sa personnalité. Puis, la compétition. « Le jeu a un but et constitue un enjeu. (…) La compétition est donc soit à l’égard de soi-même, soit à l’égard des choses, soit à l‘égard d’autrui8.» Lorsque l’enfant joue, il accepte une épreuve, laquelle ayant comme fin la réussite. Il perd ou il gagne et le plaisir réside dans l’espoir de la victoire. Enfin, la règle. Le jeu fait appel à une organisation et à des règles précises où tricher annule son déroulement. « L‘enfant (comme l’adulte) s’y découvre comme un être social et unique à la fois, gendarme et voleur, législateur et escroc, bourgeois et vagabond9 .» c. Pourquoi l’enfant joue-t-il ? Le jeu est l’activité fondamentale de l’enfant. Ainsi, pour l’auteur Jean Chateau, « l’enfant est un être qui joue et rien d’autre10.» Mais pourquoi l’enfant joue-t-il ? Selon le psychanalyste Winnicott11, l’enfant joue : . par plaisir ; . pour exprimer une certaine agressivité ; . pour maîtriser l’angoisse ; 6 www.educreuse23.ac-limoges.fr/cddp_eile/thema/presentationhtm idem 8 idem 9 idem 10 idem 11 D.W Winicott, L’enfant et le monde extérieur, Payot, 1957, p.123, 124, 125, 126, 127,128 7 8 . pour accroître son expérience ; . pour établir des relations avec les autres ; Ainsi, l’enfant joue pour des raisons bien particulières différentes selon son âge. Plusieurs auteurs ont essayé de proposer un classement. Piaget12 a établi une classification en trois étapes : . les jeux d’exercices ; . les jeux symboliques ; . les jeux à règles (vers 5-6 ans). Château13 s’en rapproche avec une classification en quatre stades : . jeux fonctionnels de la petite enfance ; . jeux symboliques ; . jeux de prouesse ; . jeux sociaux. Caillois14, quant à lui, vise davantage à établir un classement des jeux selon quatre attitudes fondamentales : . jeux de compétition ; .jeux de hasard ; . jeux de simulacre ; . jeux de vertige ; Après avoir tenté de définir le jeu en général, il semble être intéressant et pertinent de se pencher sur la notion du jeu en classe. 12 www.educreuse23.ac-limoges.fr/cddp_eile/thema/presentationhtm Jean Chateau, Le jeu de l’enfant, Paris, Vrin, 1967, p.386, 387 14 www.educreuse23.ac-limoges.fr/cddp_eile/thema/presentationhtm 13 9 2. Le jeu en classe Dans les mentalités, le jeu s’oppose en général au travail. Le premier n’est lié à aucune obligation, seule la recherche du plaisir compte. Par contre, le travail doit aboutir à des résultats, il est contrôlé et évalué. Le jeu et le travail sont tous deux des actions mais n’ont pas la même fonction : le jeu est sans contrainte et ne recherche pas à être rentabilisé contrairement au travail. A l’école, le jeu a été longtemps connoté négativement car il était considéré comme futile puisque ne servant à rien sinon qu’à se détendre, ce qui n’était pas la mission de l’école. Cependant, le jeu motive l’enfant et c’est une des raisons pour lesquelles des pédagogues se sont penchés dès le début du 20ème siècle sur l’intérêt de l’utiliser à l’école. Dès 1899, Groos15 souligne le rôle du jeu comme un exercice préalable au travail. Le jeu peut mener en effet au travail car il y a un parallèle entre le jeu et le travail. Jouer c’est se donner une tâche à accomplir. Dans le jeu, il y a une forme de devoir, des règles à respecter, ce qui nécessite de la rigueur. Nelly Pasquier16, s’appuyant sur l’analyse de Jean Chateau, explique que jouer implique un besoin de règles et d’ordre, d’autant plus que l’enfant fait partie d’une équipe et se trouve intégré à un groupe social. En termes scolaires, on peut dire que l’enfant utilise ses facultés physiques, intellectuelles et morales. Le maître a alors un rôle essentiel : il apporte à l’enfant les règles du jeu et utilise ses réactions pour adapter sa pédagogie. Jean Chateau est un « défenseur » de l’association jeu-travail, et selon lui, le jeu forme l’esprit au travail et est lié à la notion de rentabilité et de sérieux. Néanmoins, bien que le jeu se rapproche du travail, il n’est pas souhaitable de fonder toute une pédagogie sur le jeu17. En effet, le jeu n’appartient pas à la réalité. De plus, il ne produit rien qui dure, s’éloignant ainsi 15 16 www.educreuse23.ac-limoges.fr/cddp_eile/thema/presentationhtm idem 10 du monde réel. Le jeu se déroule en dehors du monde des adultes, à l’écart de la société. Une éducation basée essentiellement sur le jeu resterait « hors du temps et de l’espace. » Selon Chateau, le travail à l’école doit se trouver à mi-chemin entre le jeu et le travail. Le pédagogue Célestin Freinet a, quant à lui une tout autre approche : le jeu n’est pas une activité pédagogique. « Baser toute une pédagogie sur le jeu, c’est admettre implicitement que le travail est impuissant à assurer l’éducation des jeunes générations18. » Freinet différencie le « jeu-travail» et le « travail-jeu ». Sa pédagogie repose sur le « travail-jeu » : un travail qui apporte autant de satisfaction que le jeu. Il lui oppose le « jeutravail » ou jeu dit éducatif, stratégie pédagogique élaborée par l’adulte. Actuellement, la distinction entre « travail-jeu » et « jeu-travail » semble difficile à cerner car cela dépend de la façon dont on considère ces deux notions et dont on veut les mettre en place à l’école. Cela étant, il reste intéressant de considérer le jeu comme une activité ponctuelle de l’apprentissage dans sa globalité. Voyons justement à présent, comment les Instructions Officielles envisagent-elles d’intégrer le jeu dans l’enseignement d’une langue étrangère à l’école. 3. Le jeu dans l’enseignement des langues et les Instructions officielles L’enseignement des langues étrangères prend une place de plus en plus importante dans le parcours scolaire d’un élève. Déjà, les programmes de 1995 ouvraient la voie à un enseignement des langues de plus en plus précoce (CM2 puis CM1...) et de plus en plus précis dans ses contenus et dans la façon de les transmettre. L’enseignement des langues prend aujourd’hui une dimension supérieure grâce aux nouveaux programmes de 2002. On y mentionne l’apprentissage d’une langue dès le cycle des apprentissages fondamentaux, et même dès le cycle des apprentissages premiers où une première découverte d’une langue étrangère ne pourrait être que bénéfique. 17 idem 11 Les Instructions Officielles françaises intègrent les résultats des recherches conduites ces quinze dernières années par le conseil de l’Europe. Ainsi, dès 1989, il est nettement perceptible dans les Instructions Officielles que le primat est accordé à la compétence de communication : « Connaître une langue, c’est d’abord être capable de comprendre un message parlé et de s’exprimer verbalement19.» A première vue, l’on peut se demander où intervient le jeu dans ce discours. Cela étant, à la lecture des Bulletins Officiels de 1998 et de 2002, l’on devine que le jeu a un rôle qu’il ne faut pas négliger dans la transmission des savoirs liés à une langue étrangère. Dans le Bulletin Officiel de 1998, il est clairement énoncé que la priorité est accordée à la langue orale afin de faciliter et de mettre en place la communication avec autrui. Même si le jeu n’est pas mentionné en tant que tel concernant certains objectifs, (ex. : « amener les élèves à s’approprier, dans l’intention de s’exprimer, des fonctions langagières de base présentées dans des situations de communication simples, variées, motivantes et ayant du sens pour les enfants.» ), il y est nettement perceptible. En effet, la motivation est un des éléments clés de cet apprentissage : l’élève doit y trouver du plaisir et saisir l’utilité de cet apprentissage. Celui-ci doit leur donner le désir d’apprendre la langue. Les thèmes retenus doivent donc être motivants pour l’élève, les tâches proposées avoir du sens, être réalistes, utiles et réalisables. L’on voit mal comment le jeu ne s’y prêterait pas. En effet, les situations ludiques sont certes fictives mais c’est justement parce qu’elles sont fictives qu’elles peuvent être réalisées en classe. De plus, l’utilisation de contextes réels est grandement recommandée car les enfants seront peut-être amenés un jour à communiquer en langue étrangère dans les contextes étudiés, d’où l’utilité d’une telle approche qui favorise déjà l’immersion dans l’environnement étranger. Ainsi, concilier dimension fictive et dimension réelle s’avère être nécessaire pour que l’apprentissage puisse se faire en classe et pour que ce dernier ait du sens pour l’enfant. Ce sera l’objet de la deuxième partie. 18 19 www.educreuse23.ac-limoges.fr/cddp_eile/thema/presentationhtm Bulletin officiel n° 11 du 16 mars 1989 12 D’ailleurs, il est précisé encore une fois dans ce Bulletin Officiel que les activités d’apprentissage peuvent s’appuyer sur les éléments de la vie quotidienne, l’imaginaire et le jeu. L’on pense immédiatement au jeu de rôle qui permet d’envisager différentes situations de communication et donne l’occasion de s’exprimer en langue étrangère. Les Instructions Officielles mettent l’accent sur la nécessité d’avoir recours à des activités contrastées en s’appuyant sur des supports variées (albums, affiches, photographies, magazines, supports sonores, vidéos et multimédias), supports exploitables par les activités ludiques, permettant ainsi de rendre « vivante » la langue, de susciter la curiosité et de motiver les élèves. Comme nous l’avons déjà évoqué, l’utilisation de contextes connus (vie de classe, actions quotidiennes,…) favorise l’intérêt de l’élève pour cet apprentissage. Ainsi, introduire ces contextes dans des activités ludiques ne peut qu’encourager l’élève et lui donner envie de poursuivre la découverte d’une langue étrangère. Les nouveaux programmes de 2002 poursuivent dans ce sens. Nous pouvons y distinguer trois objectifs principaux : . des objectifs généraux (intérêt pour la langue, développement de compétences transversales) . des objectifs culturels (intérêt pour une culture et une civilisation différente) . des objectifs linguistiques (compréhension et expression orale, compréhension et expression écrite). Il semblerait que les activités ludiques puissent se retrouver dans la réalisation de ces différents objectifs. C’est ce que nous tâcherons de démontrer dans la partie suivante. 13 II. De l’intérêt du jeu dans l’apprentissage d’une langue étrangère Est-il possible de jouer en apprenant ?, d’apprendre en jouant ? Telles sont les questions que je me suis posées lorsque j’ai réfléchi à ce problème. Le jeu offre la possibilité aux enfants d’établir des contacts avec les autres enfants. Que ces enfants soient coéquipiers ou adversaires, ils devront s’échanger des informations et donc utiliser la langue. En cela, le jeu paraît être approprié pour faire parler les élèves. Cependant, on ne peut pas choisir n’importe quel jeu pour eux. Ne risque t-on pas de tomber dans des activités extra-scolaires qui ont comme but principal d’amener les enfants à se socialiser ? Peut-on mettre en place des activités ludiques avec l’objectif d’apprendre aux élèves une langue ? Est-il possible donc de jouer et d’apprendre en même temps ? 1. L’effort grâce au jeu Le jeu procure avant tout du plaisir chez l’enfant. De plus, pour la plupart des enfants, l’allemand reste une discipline nouvelle qu’ils vont découvrir et cette nouveauté suscite en général la motivation chez ces derniers. Travailler une nouvelle discipline avec des supports originaux que les enfants n’ont pas l’habitude d’utiliser ne peut qu’aiguiser leur curiosité, ce qu’à mon avis les activités ludiques et le jeu peuvent permettre, d’où ce travail de recherche. Plus les enfants sont motivés, plus l’apprentissage est facile. Nous pouvons citer quelques activités ludiques qui seront traitées dans ce mémoire : chanter, deviner, dessiner, jouer un rôle. De plus, la majorité des enfants entre dans cet apprentissage avec un niveau débutant. La plupart du temps, la langue allemande leur est totalement inconnue. Il se peut que leurs frères et sœurs en fassent au cours de leur scolarité mais à l’inverse de l’anglais qui est de plus en plus présent dans notre quotidien, ils n’ont probablement jamais entendu qui que ce soit 14 parler allemand. Ainsi, tous les enfants sont au même niveau et n’ont aucune raison de se sentir inférieurs et cela peut les motiver. Cette motivation dont je viens de parler peut être suscitée par les jeux. Quand on joue, on travaille sans en avoir l’impression. L’auteur Susan Halliwell parle d’un « apprentissage indirect20», c’est à dire que l’enfant fixe son attention sur le jeu et pas sur la langue. Lors des séances d’allemand que j’ai pu effectuer, j’ai donc essayé entre autres de faire jouer les enfants autour de la notion « se présenter ». J’avais prévu environ 10 couples de bandes dessinées connues des enfants. (Exemple : Tintin et Milou, Boule et Bill…). Chaque membre du couple était dessiné sur une étiquette et chaque enfant avait donc une étiquette et représentait un des membres du couple. Il s’agissait de retrouver son partenaire parmi ses camarades. Pour cela, les élèves ont été amenés à utiliser les structures déjà connues : « ich bin21 » afin de se présenter et la question « wer bist du22 ? » afin d’interroger leurs camarades sur leur identité. A cette question, ils répondaient « ich bin » et en fonction de la réponse, le couple était réuni ou les recherches continuaient jusqu’à trouver l’autre membre. Pour que les élèves comprennent bien ce que j’attendais d’eux, j’ai pris une vignette représentant un des membres d’un couple et j’ai fait venir un élève au tableau avec la vignette de l’autre membre du couple. J’ai dit « ich bin Tintin. Wer bist du ? ». L’enfant devait répondre : « Ich bin Milou. ». Je pense que cela a été judicieux de montrer un exemple afin que tout soit clair pour les enfants. De plus, l’intervention d’un élève à mes côtés a permis de capter l’attention de toute la classe sur ce qui se passait au tableau car n’importe quel élève aurait pu être à sa place. Je me suis rendu compte que le temps de recherche était parfois trop long et j’ai proposé d’introduire la question « wer ist X23 ? » afin de retrouver le partenaire. L’enfant concerné levait la main et je disais « Paul ist X24 ». 20 Susan Halliwell, Enseigner l’anglais à l’école primaire, Longman, ,p.5, 6 « Je suis » 22 « Qui es-tu ? » 23 « Qui est X ? » 24 « Paul est X » 21 15 Les enfants ont tout de suite su réinvestir cette démarche. Concernant l’organisation de la classe, j’indiquais aux élèves qui avaient la parole de se lever afin d’être bien vus du reste de la classe et afin qu’ils aient une meilleure perception du groupe classe, c’est à dire de ceux à qui ils s’adressaient. Autrement dit, ils devaient adapter leur manière de s’exprimer et donc parler fort et distinctement. Si cette situation d’apprentissage avait pour but la révision de la notion « se présenter », je ne l’ai jamais fait ressentir comme telle aux élèves. Ils ne s’en sont d’ailleurs pas rendus compte car ce qui les passionnait était de retrouver leur partenaire. Le choix des héros de bandes dessinées n’est pas anodin. En effet, l’on sait à quel point les enfants aiment s’identifier à leurs personnages préférés et je crois pouvoir dire que cela s’est ressenti pendant la séance : ils ont fait part d’une grande motivation et avaient envie, une fois le jeu terminé, de s’échanger les vignettes et de recommencer. De plus, le fait que les enfants ne sachent pas qui de leurs camarades est leur partenaire contribue à les tenir en haleine et leur donne envie de savoir qui se cache derrière tel personnage. Ils se sont donc réellement investis et ont, je pense, appris en s’amusant. En revanche, la gestion des élèves m’a posé un peu problème dans la mesure où ce jeu a suscité un grand enthousiasme et de ce fait, les enfants avaient du mal à attendre leur tour pour s’exprimer. Ce concept de jeu de devinette me rappelle une activité que j’ai mis en place lors de mon premier stage en responsabilité dans une classe de CP. Cette séance n’avait rien à voir avec l’apprentissage d’une langue puisqu’il s’agissait de mathématiques. Cela dit, j’ai eu recours au « jeu du château » et ce dernier a quelques similitudes avec ce dont je viens de parler en classe de langue. J’avais mis au tableau une grande affiche représentant un tableau de nombres où certaines cases étaient cachées volontairement. J’ai raconté aux enfants qu’il s’agissait d’un château avec différentes pièces numérotées et qu’il fallait retrouver le numéro de certaines pièces. Si l’on trouvait le bon numéro, l’on avait droit à un trésor. L’objectif de cette activité ludique était que les enfants parviennent à situer les nombres dans la comptine numérique. Tout comme mon activité en langue où j’ai eu recours à un contexte ludique (celui 16 de la bande dessinée), j’ai utilisé le contexte du château et des trésors pour motiver les élèves afin qu’ils soient actifs et acteurs de leur apprentissage. Il en est de même pour l’utilisation de la devinette. L’on imagine assez facilement l’enthousiasme des enfants de CP qui ont parfaitement réussi à atteindre mon objectif d’apprentissage concernant les nombres. Comme en langue, le jeu, plus précisément ici une activité ludique, si elle est pédagogiquement pensée, permet de transmettre des savoirs aux élèves. 2. Le jeu permet un travail sur l’oral et sur l’écrit Au cycle 3, les enfants possèdent souvent des manuels, des fichiers pour travailler en autonomie mais même si cette tendance est en train de disparaître, l’oral n’a pas encore la place qu’il mérite. En ce qui concerne l’apprentissage d’une langue étrangère, ce serait une faute que de ne pas travailler l’oral puisque la fonction d’une langue est avant tout de pouvoir communiquer : « Le programme est tout entier placé sous le signe de l’exploration de situations de communication, d’autant plus consistantes pour l’élève qu’elles s’inscrivent dans des situations ordinaires de sa vie, tant à l’école qu’en dehors. Les enfants doivent pouvoir évoquer des moments de leur existence pour les mettre en regard avec l’expérience d’élèves d’autres pays et se donner les moyens d’entrer directement en contact avec eux25. » Les nouveaux programmes mettent l’accent sur la communication : il faut être capable de comprendre et de se faire comprendre. Le jeu semble être un excellent moyen pour y parvenir. Associer les mots aux actions, aux gestes correspondants permet aux enfants d’ancrer les notions étudiées, cela facilite la mémorisation. Charmian O’Neil dans son ouvrage « Les enfants et l’enseignement des langues étrangères », en explique le pourquoi : « On a souvent eu l’occasion d’insister sur les liens entre l’activité et l’acquisition linguistique chez les enfants (…). Dans certains matériaux pour enfants on note d’ailleurs une tendance à insister de façon beaucoup plus nette et plus motivée sur les aspects kinésiques de 25 Ministère de l’Education Nationale, Programme 2002 17 l’apprentissage, sur la nécessité de l’implication physique dans toute activité en langue étrangère26. » La langue est donc utilisée en situation, c’est donc un outil pour atteindre un objectif. a. L’oral Concernant le travail sur l’oral, il faut distinguer la compréhension de la production. Ainsi, j’ai essayé de diversifier mes pratiques de classe afin de prendre en compte les deux aspects de l’oral. Comprendre ce que l’on vous dit est fondamental pour pouvoir communiquer. Ne sachant pas exactement lors de mon arrivée le niveau des élèves auxquelles j’allais faire cours, j’ai décidé d’utiliser une chanson très simple utilisant les mots « transparents » de la langue allemande. Mon choix s’est porté là-dessus aussi en raison de l’image qu’a l’allemand. En effet pour beaucoup de gens, c’est une langue difficile et cela est bel et bien ancré dans les mentalités. Je me suis dit alors qu’il n’était pas inutile de donner aux jeunes élèves une autre image de cette langue afin d’éviter un éventuel blocage dès le début de leur apprentissage. Il est évident qu’il ne faut pas chercher à masquer les difficultés mais il me semble que si les élèves trouvent que quelque chose est facile à apprendre ou à faire, cela les motivera et les aidera à aller plus loin dans leur apprentissage. Le choix du support n’est pas non plus anodin. Les chansons et comptines sont les supports ludiques par excellence. Voyons pourquoi. Rien qu’à voir l’effervescence des élèves déclenchée par l’apparition de l’appareil audio, je peux dire qu’ils étaient curieux et n’attendaient qu’une chose : écouter ce que j’allais leur proposer . Pourquoi une telle réaction ? Parce qu’ils n’ont pas l’habitude de travailler avec ce type de support, le reste des apprentissages se faisant souvent de manière plus formelle. Les chansons semblent s’éloigner des situations codifiées de l’enseignement traditionnel. En outre, la chanson sollicite des capacités variées, différentes d’un élève à l’autre (expression corporelle, oreille interne, 26 Charmian O’Neil, Les enfants et l’enseignement des langues étrangères, Didier, 1993, p.239 18 production de sons ...). Rythme et mélodie facilitent le travail de mémorisation et aident à la fixation des composantes linguistiques, comme la phonétique et la phonologie. Et pour les élèves timides, la chanson en classe permet de faire entendre sa voix, au sein même du groupe-classe, sans crainte du regard d’autrui. En participant à un chant, même l’élève qui se croit en situation d’échec se solidarise avec ses camarades dans la perspective d’un travail commun et réussi. Même si le climat de classe doit rester favorable au travail, la détente et le bien-être n’en sont pas exclus. Bien au contraire, on apprend mieux si on se sent à l’aise, et c’est ce que l’utilisation d’un support ludique m’a permis d’instaurer. J’ai donc fait écouter cette chanson plusieurs fois et je demandais aux élèves de noter tous les mots qu’ils entendaient. Il n’y avait bien sûr que des mots transparents plutôt faciles à comprendre et à écrire ( exemples : Orange, Garage, Tomate, Elefant…). Après cela, j’interrogeais les élèves puis nous nous entraînions à prononcer ensemble plusieurs fois les différents mots trouvés afin de remarquer les particularités phonologiques de la langue allemande. Je tiens à préciser que je n’écrivais pas les mots au tableau et que je ne corrigeais pas leur orthographe car l’objectif de cette séance était de comprendre des mots transparents prononcés d’une autre manière qu’en français, et non de les écrire sans fautes. Nous avons donc pu remarquer que ces mots n’étaient pas accentués et prononcés comme ils le sont en français. Cela a permis aussi de donner aux élèves un point d’appui pour s’aider quand ils s’expriment . La langue enseignée leur semblait moins « étrangère ». Cette chanson m’a donc permis de faire un travail de phonologie et par ce biais, d’affiner la compréhension orale des élèves. Pour pouvoir communiquer, il ne suffit pas de comprendre un interlocuteur, il faut aussi pouvoir lui répondre. Pour travailler la production orale, avoir recours à des activités ludiques permet l’interactivité et une certaine dynamique du groupe. La circulaire du 4.11.1999 le rappelle : « il y a une priorité, la communication orale. L’enseignant doit amener les élèves à s’approprier, dans l’intention de s’exprimer, des fonctions langagières de base 19 dans des situations de communication simples, variées, motivantes, ayant un sens pour eux27. » Les enfants comme tout être humain ont besoin de communiquer. Selon Susan Halliwell, ce besoin important de communiquer ne peut qu’être à l’avantage de l’enfant qui apprend une langue, cela va le motiver28. L’on est parfois sceptique quant à l’usage de la parole vu qu’elle peut engendrer une dispersion et un manque de concentration chez l’élève. Cela étant, il faut parler une langue pour l’apprendre. Ainsi, l’on doit veiller à ce que la parole soit utilisée de manière bénéfique pour l’apprentissage. Ne leur proposer que des exercices fonctionnant sur la simple répétition de ce que vient de dire le maître risquerait de les lasser. A l’inverse, leur proposer des activités où ils sont invités à parler d’eux-mêmes pour trouver des réponses ne peut que les faire se sentir davantage concernés. Pour ces raisons, j’ai mis en place un jeu de devinette pour travailler les jours de la semaine et dans le même temps, introduire les prépositions « vor » (avant) et « nach » (après). Le travail sur la date est un rituel en classe de langue que ce jeu m’a permis de diversifier. Nous avons tout d’abord récité ensemble les jours de la semaine puis je disais par exemple « Montag »29 et un élève devait dire le jour suivant et ainsi de suite jusqu’à avoir récité la semaine. Ensuite, j’ai introduit la phrase « Ich bin zwei Tage vor Mittwoch »30, et les élèves devaient trouver le jour correspondant et répondre « Du bist Montag »31. Je savais que les enfants ne sauraient pas la signification des mots « vor » et « nach ». Pour qu’ils les comprennent, j’ai dessiné au tableau deux personnes faisant une course en mettant en relief la vitesse supérieure de l’un des coureurs par rapport à l’autre. J’expliquais bien sûr en même temps la situation en allemand en ayant recours à la théâtralisation et en exagérant mes gestes afin d’être comprise par tous. 27 Ministère de l’Education Nationale, Langues vivantes étrangère/circulaire n° 99-176 du 4.11.1999 Susan Halliwell, Enseigner l’anglais à l’école primaire, Longman, 1995, p.8 29 « Lundi » 30 « Je suis deux jours avant mercredi » 31 « Tu es lundi » 28 20 Cela leur a permis de saisir la différence entre les deux termes « vor » et « nach » puisqu’un coureur était arrivé avant l’autre et ce dernier après son adversaire. Je tiens à préciser que même si certains élèves étaient encore dans le flou, le fait de passer au jeu et d’écouter et observer leurs camarades les a aidés. Les enfants ont besoin de faire pour comprendre et surtout faire plusieurs fois, autrement dit, répéter. Nous avons donc pu poursuivre le jeu. Après avoir fait quelques exemples ensemble afin de fixer les nombres et les jours, je les ai laissé totalement libres pour voir de quoi ils étaient capables et ne suis intervenue que pour aider à la correction ou recentrer les échanges et faire en sorte que toute la classe participe. Ce jeu a suscité un grand enthousiasme chez les élèves. Ils avaient autant envie de faire deviner un jour que de le trouver. Pourquoi ? L’on éprouve un grand plaisir à détenir ou à savoir quelque chose que les autres ignorent. Ceci est, me semble t- il particulièrement perceptible chez l’enfant. De la même façon, l’on ressent de la fierté et une certaine jouissance à avoir trouvé la réponse. L’engouement des élèves était tellement fort qu’il me fallait veiller à ce que leur volume sonore ne dépasse pas un certain seuil. Ce jeu a donc permis une réutilisation des nombres et des jours et l’apprentissage de notions temporelles à travers deux nouveaux termes. Dans le même temps, les enfants ont pu largement s’exprimer et communiquer entre eux.. Le travail de production orale vise également à améliorer sa prononciation. Pour ce faire, j’ai eu recours à une comptine « Punkt, Punkt32» (voir annexes), permettant de travailler le son [ç] propre à la langue allemande et si délicat pour les Français qui le prononcent comme s’il s’agissait d’un [S] . Après l’avoir fait écouter plusieurs fois aux élèves, je l’ai moi-même répétée quelques fois très lentement en exagérant le son [ç] afin qu’ils perçoivent le mouvement de mes lèvres et d’où le son provenait. Puis, nous avons répété ensemble la comptine de la même manière. Je ne voulais pas immédiatement interroger les enfants individuellement afin de ne pas les mettre mal à l’aise devant leurs camarades. Parler en public n’est pas chose aisée, qui plus est dans une autre langue. Voyant tout de même que 32 Les plus belles comptines allemandes, Les petits cousins, Didier Jeunesse, 2002 21 certains élèves étaient plutôt doués, j’ai décidé de les encourager à dire seuls la comptine en les y aidant bien évidemment, ceci afin de montrer aux autres que je n’étais pas là pour les juger mais pour les guider. Cette comptine se fait avec des gestes et a pour but de dessiner le visage de la lune ; c’est ce que la dernière phrase dit. « Punkt » représente les yeux, « Komma » le nez et « Strich » la bouche. Afin que les enfants comprennent de quoi la comptine parlait, j’ai dessiné le visage de la lune en même temps que je disais la comptine. Il est important que les élèves fassent le lien entre les mots et leur sens, même s’il reste très général, une simple représentation du mot suffit. J’ai pu m’apercevoir que cela aidait certains vu les lueurs sur les visages. Je me suis aussi rendu compte des difficultés de prononciation dues à ce son [ç ] . La répétition de comptines de ce type quelques fois mais régulièrement dans la semaine me semble pouvoir améliorer la prononciation des élèves. Il est évident qu’aborder ce son de manière formelle avec l’alphabet phonétique peut démotiver les élèves à qui ce son pose problème. Dans ce cas, la comptine est un support ludique qui permet de dédramatiser l’apprentissage. b. L’écrit L’usage de l’écrit en classe de langue suscite beaucoup d’interrogations. En effet, à quel moment de l’apprentissage doit-il intervenir ? Sous quelle forme ? Y a-t-il une pédagogie de l’écrit ? Comme nous l’avons mentionné précédemment, les programmes de 2002 accordent une place prépondérante à l’oral et à l’approche communicative. Il y est précisé que l’écrit ne doit toujours intervenir qu’une fois les énoncés maîtrisés oralement par les élèves afin de ne pas en altérer la prononciation. Les documents d’accompagnement des programmes nous éclairent sur la place de l’écrit : « En tant que moyen d’apprentissage, l’écrit peut être une aide à la segmentation correcte d’une phrase. Il peut également faciliter la mémorisation de mots ou d’énoncés. (…) Enfin, il peut faire prendre conscience aux élèves qu’une langue 22 étrangère n’est ni un « calque » de leur langue maternelle, ni une juxtaposition de mots (…)33.» Il est prévu qu’à l’issue du cycle des approfondissements, les élèves aient atteint « le niveau A1 de l’échelle de niveau du cadre européen commun de référence pour les langues publié par le Conseil de L’Europe34 ». Pour cela, il faut développer chez les élèves toutes les facultés, même écrites : - comprendre des énoncés oraux et écrits simples - rédiger des écrits simples. Ainsi, même si l’écrit reste secondaire par rapport à l’oral dans l’enseignement d’une langue étrangère à l’école, il ne faut pas le négliger. Mais comment l’introduire ? Il me semble que là encore, le recours à des activités ludiques peut être une bonne entrée en matière. Pour travailler l’écrit, le choix des supports est tout aussi important que pour travailler les compétences orales. Gardons à l’esprit que notre objectif est que les élèves aient envie d’apprendre la langue enseignée, qu’ils trouvent du plaisir et de l’intérêt dans cet apprentissage et soient ainsi motivés. Il faut donc leur proposer des activités originales, en lien avec leurs centres d’intérêts et leur situation d’élève. D’où le choix des deux séances décrites et analysées ci-après. Là encore, il faut distinguer la compréhension écrite de la production. Les élèves auxquels je me suis adressée lors de mes séances étudiaient l’allemand pour la deuxième année consécutive. Leur institutrice m’ayant dit qu’ils maîtrisaient le vocabulaire ayant trait au portrait, j’ai décidé de leur proposer un petit exercice de compréhension écrite après avoir rebrassé avec eux oralement les parties du visage les plus usitées ainsi que les adjectifs. N’oublions pas que c’est ce que les nouveaux programmes nous demandent d’appliquer : montrer aux élèves les énoncés écrits après que ces derniers ont été vus oralement au préalable et soient maîtrisés. Je leur ai donc distribué une feuille intitulée « Ein 33 34 Ministère de l’Education Nationale, Document d’application des programmes, 2002 Ministère de l’Education Nationale, Programmes 2002 23 Porträt schreiben35 » (voir annexes) avec la consigne suivante : « Dessine ce qui correspond aux expressions ». Le recours au dessin n’est pas anodin. En effet, cela m’a permis en quelque sorte d’évaluer ce que les enfants avaient retenu sans pour autant que cela soit perçu comme tel. Ainsi, j’ai pu remarquer que les élèves prenaient du plaisir à reproduire les expressions demandées. Cela, n’avait pas l’air de les ennuyer, au contraire. Pour eux, dessiner n’est pas un travail et ne représente aucune difficulté particulière. C’est une activité de détente où ils ont plaisir à donner le meilleur d’eux mêmes. Le dessin reste une pratique très appréciée des enfants car elle leur laisse une grande liberté d’expression. Leur champ d’action n’est pas limité et leur imagination peut s’exprimer pleinement. Pourtant, dans ce cas, ils ne pouvaient pas dessiner ce qu’ils voulaient mais aucune façon de faire n’était imposée et je pense que cela leur a plu. Nous avons ensuite corrigé ensemble, je demandais à un élève de venir dessiner au tableau l’expression en question et s’il y avait des erreurs, un autre venait rectifier. J’étais bien sûr là pour aider si les difficultés persistaient. Ici encore, j’ai eu recours à un exercice faisant largement place au ludique ce qui m’a permis sa réalisation et l’appréciation de la compréhension écrite des enfants. Concernant la production écrite, les documents d’accompagnement des programmes de 2002 sont assez clairs : « La production écrite demandée aux élèves est essentiellement la reproduction d’énoncés. (…) Au cycle 3 toutefois, les productions écrites personnelles, même modestes sont encouragées, notamment dans le cadre de la correspondance (courriers classique ou électronique, forums). Les énoncés sont produits à partir de modèles que les élèves modifient éventuellement légèrement pour personnaliser cet écrit. Ces modifications ne doivent pas avoir de conséquence majeure sur la syntaxe de la phrase pour éviter de conduire les élèves à des erreurs ou à une activité de traduction mentale36.». Les élèves des classes dans lesquelles j’intervenais avaient déjà travaillé le modèle type de la lettre allemande. 35 36 « Ecrire un portrait » Ministère de l’Education Nationale, Document d’application des programmes, 2002 24 Utiliser ce concept pour les faire s’exprimer à l’écrit m’a paru être intéressant. En effet, cela permet une ouverture à la culture allemande : les lettres ne se présentent et ne se rédigent pas de la même façon que les lettres françaises. De plus, c’est une situation d’apprentissage motivante pour les élèves dans la mesure où ils seront peut-être amenés à la vivre, c’est une situation réelle faisant partie de la vie courante. Par exemple, lors d’échanges scolaires ultérieurs, ils seront amenés à écrire à leurs correspondants allemands. En outre c’est un exercice qui appelle l’enfant à imaginer la situation ; ce qui lui plaît énormément vu les facultés qu’il possède de ce point de vue là. D’ailleurs comme le rappelle Susan Halliwell : « Les enfants adorent l’imaginaire et le merveilleux […] au cours de langue étrangère, cette faculté d’imagination joue un rôle très actif37.» Pourquoi ? L’auteur précise que même si l’enseignement d’une langue doit rester proche de la réalité afin que les élèves y trouvent du sens, il ne faut pas oublier que pour ces derniers, l’imaginaire fait partie de leur réalité. C’est là que réside l’authenticité de cet apprentissage. Il nous faut donc stimuler leur imagination afin de leur donner envie de communiquer dans la langue étrangère. Je tiens à préciser qu’au premier abord, cette activité peut sembler ne pas être ludique. Or, dans la mesure où l’enfant est amené à imaginer, « à faire comme si », il se met « dans la peau » de quelqu’un d’autre et il joue un rôle, ce qui montre bien l’aspect ludique de cette activité. Cela me rappelle une séance menée lors de mon deuxième stage en responsabilité dans une classe de CM1. Pour travailler le domaine du « vivre ensemble », j’ai eu recours à des fables qui avaient une morale civique. Après avoir lu la fable aux élèves et après en avoir discuté ensemble, je leur ai proposé de la jouer. Cela leur a beaucoup plu et a été fantastique ! En se mettant dans la peau de quelqu’un d’autre et en jouant un personnage, l’enfant vit la situation et la comprend plus facilement. C’est la même chose concernant la rédaction de cette lettre en allemand. Il faut privilégier au maximum l’authenticité des situations d’apprentissage (ici le fait d’être expéditeur et d’imaginer son destinataire), afin que l’imagination des élèves soit stimulée et donc qu’ils y trouvent du sens et aient plaisir à réaliser la tâche demandée. 37 Susan Halliwell, Enseigner l’anglais à l’école primaire, Longman, 1995, p.7 25 Après avoir rebrassé avec eux oralement les différentes tournures idiomatiques d’une lettre allemande telles « Liebe(r)38 », « schöne Grüsse39 », « bis bald40 », les élèves se sont entraînés à rédiger une lettre répondant à la consigne suivante : « Tu écris une lettre à un(e) ami(e). Tu donneras ton nom , le lieu où tu habites, ton âge, tu parleras de ton caractère et tu te décriras. Tu parleras de ton ou ta meilleure amie , son nom, le lieu où il/elle habite et tu le/la décriras. ». Je tiens à préciser que les fautes d’orthographe étaient inévitables et ce n’est pas d’avoir des productions sans fautes qui m’intéressait, mais de voir si le schéma d’une lettre allemande était acquis ainsi que le champs lexical de la présentation et de la description, le premier étant une base et le second ayant déjà fait l’objet d’une « évaluation » en compréhension écrite (voir précédemment). Il m’a paru en effet important de lier les deux afin que les élèves perçoivent qu’un même thème puisse être travaillé de différentes manières. De cette façon, ils sont plus à même de saisir qu’il y a une continuité dans leur apprentissage et que telle notion travaillée dans un certain contexte et d’une certaine manière peut tout à fait être réutilisée dans un cadre différent. Cet exercice de production était individuel mais j’étais là pour répondre aux différentes questions des élèves. Je les ai invités à lire oralement leur lettre et toute la classe participait à la correction. J’ai relevé ensuite les productions afin de les annoter et je leur ai distribué un modèle de lettre allemande afin qu’ils puissent s’y référer en cas de besoin et qu’il reste une trace de ce que nous avions fait en classe. Ce qui m’a frappée lors de cette séance a été la capacité des élèves à se glisser dans une situation imaginaire, leur aptitude à faire « comme si ». Ils étaient comme on dit « dedans », et en même temps avaient l’air de s’amuser. Cet exercice reposait sur l’exploitation d’un contexte certes réel, mais peu ordinaire, et c’est, il me semble ce qui leur a plu. Ainsi, ce cadre ayant du sens pour les enfants m’a permis de réaliser un réel travail d’expression écrite. 38 « chère, cher » « gros bisous » 40 « à bientôt » 39 26 3. Diversité et multiplicité des jeux et des supports Le jeu offre une grande variété de mises en œuvre et de supports d’où son intérêt dans ce cas précis en classe de langue, mais également dans l’apprentissage en général. On peut retentir certains critères pour classer les différents types de jeux. a. Les jeux en autonomie Les jeux en autonomie peuvent se pratiquer lorsque les élèves ont terminé un travail. Ces derniers concernent surtout la compréhension écrite : associer un mot à une image,…. Cependant, ces jeux ne font pas communiquer les enfants entre eux alors on peut s’interroger sur leur intérêt. Néanmoins, il peut être intéressant de les avoir à la disposition des enfants au fond de la classe par exemple. b. Les jeux en binôme Je suis convaincue que le travail en binôme est une bonne approche, mais j’ai eu du mal à le mettre en œuvre compte tenu de l’effectif important des classes dans lesquelles j’intervenais. En effet, même si le bruit en classe de langue est inévitable, ce dernier ne doit pas empêcher le travail et la concentration. Or dans mon cas, je me suis retrouvée à devoir sans cesse gérer le bruit plus qu’à assister les élèves dans leurs échanges. Je pense tout de même que ce travail en binôme est souhaitable et qu’avec l’expérience je serai capable de mieux le mettre en place et de le gérer. c. Les jeux sans matériel Beaucoup de jeux nécessitent des supports écrits. Cependant, il existe des jeux qui s’utilisent sans avoir recours à ces supports: 27 . Les chansons à gestes du type « Guten Tag » qui associent le dire et le faire et qui par ce biais facilitent la mémorisation de certains adjectifs descriptifs et de formules de salutations. . « Chinese whispers » : au cours de ce jeu, un enfant murmure un message à l’oreille de son voisin qui fait de même et ainsi de suite. Le dernier enfant répète à haute voix ce qu’il a entendu et les autres comparent avec le message original. Les variations sont souvent intéressantes. Ce jeu fait partie des jeux dans lesquels il n’y a pas de gagnants et où tout le groupe doit coopérer pour réussir. . « Le jeu de balle » : ce jeu peut se pratiquer à l’extérieur ou dans la classe. C’est un déclencheur de parole. L’enfant qui a la balle pose une question, celui qui la reçoit doit y répondre. Ce jeu permet de capter facilement l’attention des enfants car ils sont susceptibles n’importe quand de recevoir la balle. Je n’ai pas mais en œuvre ces jeux. Cela dit, je le regrette car les enfants auraient certainement apprécié de réviser du vocabulaire ou des structures dans ces contextes-ci. J’étais, à mon avis, « obsédée » par le support écrit, la trace écrite. 4. Des jeux qui peuvent être réinvestis Plus on avance dans l’apprentissage de la langue, plus le nombre de jeux s’accroît. Cependant, même s’il y a beaucoup de jeux, on a tendance à réutiliser les mêmes et on risque de lasser les enfants. Egalement, par peur de les ennuyer, l’on est tenté de toujours innover et d’avoir plusieurs jeux sous la main. L’on a envie de diversifier ces supports de travail et de proposer une grande variété d’activités ludiques. Attention cependant à ce que l’on entend par « variété ». Comme le souligne Susan Halliwell : « la variété ne signifie pas qu’il faille sans cesse changer de sujet41.» 41 Susan Halliwell, Enseigner l’anglais à l’école primaire, Longman, 1995, p.27 28 Le Bingo fait partie de ces jeux pouvant être réutilisés différemment. Ce jeu consiste généralement à se servir de nombres : on dispose de cartons sur lesquels 6 nombres de 0 à 20 sont écrits. Chaque enfant possède une grille différente. Le maître dicte des nombres et le premier enfant qui a mis des pions sur tous les nombres de sa grille crie « Bingo ». On peut très bien réinvestir ce jeu avec des notions lexicales différentes :les animaux, les couleurs… On peut aussi penser faire un travail sur l’écrit. Des mots seraient écrits sur les grilles, le maître montrerait des flash-cards correspondant aux mots des grilles que les enfants devraient entourer. Cet exercice serait donc basé sur la mémorisation des mots et la compréhension écrite. Je montrerai néanmoins que même les jeux les plus originaux et les plus attrayants pour les enfants ne suffisent pas toujours à leur apprendre la langue. Dans cette dernière partie, j’essaierai de montrer les limites du jeu et des activités ludiques dans l’apprentissage d’une langue étrangère. 29 III. Les limites du jeu dans l’apprentissage d’une langue étrangère 1. Le jeu est-il l’apprentissage ? Le jeu intervient à un moment précis de l’apprentissage et il me semble qu’il ne peut être une leçon à part entière. Il permet certes l’assimilation de notions déjà abordées, ou la mémorisation à long terme d’un vocabulaire déjà vu, mais il est difficile d’affirmer qu’il permet d’introduire une nouvelle structure car l’on peut penser que l’enfant qui joue n’apprend pas : il exerce ses compétences, se sert de ses connaissances et les met au service de l’activité qui n’a pour lui qu’un seul but : la recherche du plaisir. Ainsi, pendant mes séances, je ne me suis jamais lancée dans une activité ludique en ayant comme objectif d’apprendre aux élèves telle ou telle notion grammaticale. Il serait bien prétentieux de ma part d’affirmer qu’au bout de 40 minutes d’allemand, les enfants ont assimilé telle structure grammaticale enseignée. Il s’agissait pour la plupart du temps de révision et même si j’ai introduit une fois deux prépositions, « vor » et « nach », (voir II 1.), cela restait relativement simple comme contenu même si cela m’a quand même posé problème (voir plus loin). Ce point est particulièrement important à remarquer : le jeu représente un formidable outil pédagogique d’approfondissement et d’appropriation. Mais peut-on espérer l’utiliser pour introduire de nouvelles notions ? En effet, étant débutante, je ne me suis pas risquée à mettre en place des séances avec des objectifs trop ambitieux qui auraient nécessité plus d’expérience et plus de temps. Aborder une nouvelle notion en langue nécessite une progression à long terme, ce que je n’ai pas mis en place, préférant privilégier les différentes activités ludiques susceptibles d’être mises en place en classe de langue, et leur exploitation, plus que d’introduire des notions nouvelles, ceci afin de rester proche de mon sujet et d’avoir une vue d’ensemble de l’exploitation du jeu et des activités ludiques. Ce qui m’a paru important dans le déroulement d’une séance d’allemand était le fait que les enfants prennent du plaisir à apprendre cette langue. Les jeux m’ont donc paru être le 30 remède à l’ennui qui peut se faire sentir en classe de langue. J’ai pourtant réalisé que les jeux ne suffisaient pas toujours à transmettre aux élèves les connaissances nécessaires à la maîtrise d’une langue étrangère. Ainsi, je me suis rendu compte que les activités ludiques mises en place lors de mes séances fonctionnaient mieux pour travailler la compréhension orale que pour travailler l’expression orale. Cela vient, à mon avis, de la différence entre ces deux compétences. Comprendre ne requiert pas les mêmes aptitudes que s’exprimer. D’ailleurs, l’on entend souvent dire au sujet d’une langue étrangère : « Je la comprends mais je ne la parle pas. ». Cela m’a amené à me poser des questions sur l’utilisation du jeu et des activités ludiques en classe de langue. En effet, il m’a semblé que l’utilisation du jeu concernant l’expression orale ne donnait pas d’aussi bons résultats qu’en compréhension. Par exemple, lorsque j’ai voulu inviter les élèves à s’exprimer sur les jours de la semaine par le biais de devinettes et que j’ai introduit les prépositions « vor » et « nach », ils avaient plus de mal à s’exprimer que sur la chanson abordant les mots transparents. Ceci me semble normal car les objectifs à atteindre n’avaient pas le même niveau de difficulté. Il est clair que répéter des mots transparents est plus simple que de faire des phrases avec deux mots inconnus jusque-là, d’où mon scepticisme sur l’utilisation du jeu pour apprendre des notions nouvelles. L’approche de la langue étrangère en primaire est différente de celle du secondaire. Cependant, les problèmes rencontrés à l’oral sont quasiment les mêmes. Il est difficile d’appréhender l’oral dans des situations de communications authentiques, et d’autant plus dans une salle de classe. Même si les activités ludiques permettent une immersion dans le contexte de la langue étrangère, il m’a semblé difficile de présenter un enseignement authentique dans sa totalité. Je ne dis pas que c’est impossible et j’espère être de plus en plus à même de proposer un tel enseignement. Les jeux motivent les enfants et de ce fait les stimulent dans leur apprentissage, mais si les enfants entretiennent les notions acquises uniquement par le biais des jeux, ils ne pourront pas, à mon avis, réinvestir celles-ci. Alors quel intérêt ? Il me semble qu’il faudrait proposer 31 un enseignement faisant intervenir le jeu mais pas uniquement, afin de pouvoir permettre aux enfants de réinvestir autrement les notions acquises. Reste à trouver quel enseignement. De plus, les jeux donnent souvent l’impression d’un enseignement qui n’est pas sérieux et qui ne construit pas de savoirs d’où une certaine appréhension. 2. La gestion du temps, du matériel et des élèves Le jeu en classe de langue apporte aussi un certain nombre de contraintes pour l’enseignant. Le temps de déroulement d’un jeu doit être soigneusement calculé pour éviter lassitude ou frustration, pour être productif. Grâces aux séances menées, j’ai pu me rendre compte qu’un jeu ne devait pas excéder environ vingt minutes. J’entends vingt minutes de pur jeu. Il y a bien sûr un temps consacré aux consignes, au retour au calme. Il faut à tout prix éviter le « bourrage de crâne » et ne pas hésiter à reprendre plus tard dans le temps. Il faut laisser décanter les notions abordées dans la tête des enfants. Il ne faut pas oublier que le jeu induit une certaine effervescence lorsqu’il comporte une compétition car les enfants s’impliquent sans aucune réserve dans un jeu motivant, recourant spontanément au français, ce qui gâche tout l’intérêt. Il faut alors fixer des règles de conduite dès le début et donner éventuellement des phrases types correspondant au besoin d’expression de l’engouement ou de la déception. Il peut être nécessaire de faire des pauses pour retrouver le calme ou rappeler les règles, chose que j’ai été amenée à faire. Concernant le sentiment d’ennui qui peut apparaître pendant l’apprentissage, il est parfois difficile de trouver des jeux qui correspondent aux préoccupations des enfants. Il se peut qu’après avoir utilisé un jeu plusieurs fois, les enfants se lassent. Ainsi, ils connaissent le mécanisme du jeu et ne sont plus tellement motivés. Il faut alors, je pense, souvent innover. Le jeu ne suscite donc pas tout le temps des réactions enthousiastes. 32 La prévision et la préparation du matériel nécessaire au jeu peuvent être très simples (jeu de mime) ou demander un réel investissement en temps et en imagination (jeux à base de cartes). N’oublions pas que les jeux les plus efficaces ne sont pas forcément les plus coûteux. Ainsi, lorsque j’ai demandé aux élèves de dessiner des expressions données, cela a bien marché. Or avoir recours au dessin ne demande aucune préparation contraignante à l’enseignant. 3. Les difficultés de l’évaluation dans le jeu La langue est d’abord un outil pour communiquer. Dans les Instructions Officielles, l’accent est donc mis sur l’oral. En ce qui concerne l’évaluation, elle privilégie de ce fait davantage l’oral que l’écrit et peut avoir lieu très souvent puisque l’on parle plus que l’on écrit. Lorsque je menais mes séances, j’avais prévu d’avoir à proximité une feuille sur laquelle étaient écrits les prénoms des enfants afin de relever leurs difficultés et de trouver un moyen d’y remédier la fois suivante. Hélas, le problème est que mon esprit était tellement pris par le déroulement de la séance que j’en oubliais cette précieuse feuille. En ce qui me concerne, j’étais un peu dépassée et avais du mal à mener plusieurs choses à la fois : la séance et l’évaluation. Ainsi, il m’a semblé difficile d’évaluer le niveau de production orale des élèves. Cela dit, les fois où j’ai travaillé la compréhension et l’expression écrite, il m’a paru plus facile d’évaluer les compétences acquises et celles non-acquises des élèves. Notamment lors de ma séance sur la rédaction d’une lettre. J’ai pu me rendre compte du vocabulaire connu mais aussi de leurs lacunes lexicales, comme de leur maîtrise concernant la syntaxe allemande. J’ai pu remarquer la même chose lorsque je leur ai fait dessiner certaines expressions. Il était facile, de voir en fonction de leur production ce qu’ils avaient compris ou non. Les nouveaux programmes préconisent l’utilisation de l’écrit dans les classes de CM1 et CM2 mais il ne faudrait pas tomber dans l’extrême qui consisterait à faire des évaluations plus traditionnelles et à empiéter ainsi sur le terrain du collège. 33 A propos d’évaluation, je voudrais préciser certaines choses. Lorsqu’on évalue, l’on est tenté d’exiger que les élèves aient tout compris. Cela ne part pas d’une mauvaise intention mais je pense que c’est un leurre de croire qu’ils peuvent tout comprendre. D’ailleurs, il n’est pas nécessaire de tout comprendre pour saisir le sens d’une phrase, ce qui compte, c’est de la comprendre dans sa globalité, d’en saisir le sens général. Susan Halliwell rappelle qu’il est dangereux pour un enseignant de contrôler systématiquement la compréhension de ses élèves car ces derniers croiront à tort qu’il faut saisir le sens de chaque mot pour comprendre un message. Selon elle, l’évaluation de la compréhension peut se faire simplement en observant leur visage et leur réaction, nous invitant ainsi à répéter, à « faire » de nouveau afin que cette incompréhension ne subsiste42. De plus, s’acharner à corriger un élève ne peut que le décourager. A mon avis, le jeu et les activités ludiques ne sauraient être un moment propice à l’évaluation individuelle car des facteurs émotionnels et l’aspect compétitif de certains jeux modifient les comportements des enfants face à une tâche à accomplir. Cela étant, je pense qu’il est tout à fait possible pendant des contrôles écrits d’avoir recours à des exercices ludiques permettant ainsi d’évaluer le niveau des élèves. 42 Susan Halliwell, Enseigner l’anglais à l’école primaire, Longman,1995, p.12 34 Conclusion Grâce aux séances menées, j’ai pu réfléchir sur le rôle du jeu et plus particulièrement des activités ludiques dans l’apprentissage d’une langue étrangère à l’école. Plus précisément, j’ai pu appréhender ce que permettaient ces activités ludiques, d’une part au niveau de l’enseignement, d’autre part, au niveau de l’enfant en tant qu’apprenant. En effet, j’ai pris conscience que les activités ludiques sont un facteur indiscutable de motivation et qu’elles permettent d’aborder un grand nombre de notions et de travailler plusieurs compétences, tant écrites, qu’orales. Ainsi, mes séances ont été, il me semble, assez variées : les élèves ont travaillé l’accentuation et la prononciation de la langue allemande, ils ont acquis du nouveau vocabulaire tout comme ils en ont réinvesti, ils ont travaillé des structures syntaxiques et ont pu largement s’exprimer. De plus, ceci s’est déroulé dans un climat favorable à l’apprentissage, ce dernier étant dû à la motivation déployée par les élèves. Cette motivation résulte de la variété des supports et des activités proposées qui ont su prendre en compte l’intérêt de l’élève et ce dont il avait besoin pour cet apprentissage. Cela dit, je me suis aussi aperçue que les activités ludiques n’étaient pas un remède miracle aux lacunes des enfants. Je reste convaincue cependant que les activités ludiques sont un bon moyen pour aborder et « entrer » dans une langue étrangère, mais il me semble qu’il ne faudrait pas s’en contenter et croire que ces dernières permettront de parfaire et de mener à terme l’apprentissage. En effet, comme nous l’avons vu en première partie, l’enfant est un être qui éprouve le besoin de jouer pour différentes raisons et qui peut mettre ce besoin au service du travail à l’école, pour peu que cette dernière lui propose un enseignement propice à cette articulation jeu-travail. Cela me semble prépondérant pour l’apprentissage sur toute la durée de l’école élémentaire. En revanche, l’enseignement des langues dans le secondaire est très différent et propose des moments de réflexion sur les structures de la langue qu’il est difficile de mettre en place comme tels en primaire vu l’âge des enfants et vu comment l’enseignement des langues est conçu. Il est vrai que c’est tout de même ce que demandent les 35 Instructions Officielles. Ainsi, il faut amener les enfants à réfléchir sur la langue étudiée par le biais de moyens adaptés à leur âge sans trop « empiéter » sur le collège. L’on peut penser qu’un enfant ayant commencé à apprendre une langue à travers des activités ludiques aura déjà pu acquérir certaines notions qui ne demanderont qu’à être parfaites dans le secondaire, ce grâce à une réflexion plus poussée désormais rendue possible vu son âge. Il me semble plus intéressant pour un enfant de primaire d’apprendre indirectement une langue par le biais d’activités ludiques et d’échanges avec autrui, ce qui ne veut pas dire qu’il faille abandonner totalement cette idée au collège, mais je dirais plutôt l’adapter. Ainsi, je vois donc le jeu et les activités ludiques comme totalement adaptés à l’enfant afin qu’il puisse apprendre une langue étrangère à l’école et aller plus loin dans son apprentissage ultérieur. Pour conclure, j’espère pouvoir mettre au service de ma pratique ultérieure mes savoir-faire acquis lors des séances menées ainsi que mes réflexions sur l’importance des activités ludiques dans l’apprentissage d’une langue étrangère à l’école, réflexions qui peuvent bien sûr être utiles pour les autres apprentissages et autres disciplines de l’école tel que j’en ai parlé par exemple lors de mes parallèles en mathématiques et en ce qui concerne le domaine du vivre ensemble. 36 Bibliographie Bulletin Officiel n°11 du 16.03.1989 CHATEAU Jean (1967) : Le jeu de l’enfant, Paris, Vrin HALLIWELL Susan (1995) : Enseigner l’anglais à l’école primaire, Longman LES PETITS COUSINS (2002) : Les plus belles comptines allemandes, Didier Jeunesse Ministère de l’Education Nationale (1999) Langues vivantes étrangères / circulaire n°99-176 du 4.11.1999 Ministère de l’Education Nationale, Programmes de 2002 Ministère de l’Education Nationale, Document d’application des programmes de 2002 O’NEIL Charmian (1993) : Les enfants et l’enseignement des langues étrangères, Didier WINICOTT D.W (1957) : L’enfant et le monde extérieur, Payot www.educreuse23.ac-limoges.fr/cddp_eile/thema/presentationhtm 37 Annexes Annexe 1 : Comptine « Punkt, Punkt » Annexe 2 : Exercice de compréhension écrite « Ein Porträt schreiben » 38