Sur la route de la bonne ville

Transcription

Sur la route de la bonne ville
Visions ville
Sur
la route
de la
bonne ville
ERIK ORSENNA
DE L’ACADÉMIE FRANÇAISE
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E
crivain et membre
d e l ’A c a d é m i e
française, ancien
conseiller culturel
d e F ran çoi s Mi tte r ran d
et conseiller d’État honoraire,
Er ik Orse n n a e st aussi
économiste. Depuis dix ans
il parcourt la planète pour
éc r ire se s “ pe ti ts pré ci s
de mondialisation ˮ : Voyage
aux pays du coton , L’avenir de
l’eau, Sur la route du papier.
Son prochain “ précis ˮ traitera
de la puissance des villes.
Erik Orsenna est membre
du Conseil de stratégie urbaine
de GDF SUEZ. Erik
Orsenna
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SUR LA ROUTE
DE LA BONNE VILLE
Je me souviens de François
Mitterrand, de sa passion
pour l’architecture. Il y voyait l’un
des arts les plus politiques, de ceux
qui changent la vie des gens.
Pour le meilleur, disait-il,
ou pour le pire !
Et il me répétait son obsession.
“ Longtemps, les civilisations
reposèrent sur les valeurs de la
ruralité, le lien avec les rythmes de
la Nature, ses dons et ses duretés ;
le luxe et les solitudes d’un espace
à profusion. Ce temps est révolu.
Ou nous réussirons à bâtir de
nouvelles civilisations, urbaines.
Ou nos peuples s’affronteront
dans des violences de plus en plus
terribles.ˮ
train d’être constitué. Puisque, déjà,
plus d’un humain sur deux vit
en ville, puisque dans vingt ans
cette proportion atteindra
les deux tiers, c’est bien aux villes
qu’il faut s’intéresser. C’est dans
les villes et par les villes que notre
avenir se jouera. Elles étaient donc
mes personnages obligés,
si je voulais continuer mon récit
de la mondialisation.
J’ai commencé mon enquête
en France.
Enquête timide, enquête modeste.
Une vaste littérature existe
sur le sujet.
Loin de moi l’idée de prétendre
au savoir et à la légitimité
d’un Olivier Mongin, d’un Laurent
Davezies ou d’un Pierre Veltz,
pour ne citer que des compatriotes.
Je ne suis pas architecte,
ni urbaniste, ni aménageur,
ni géographe. Mais promeneur.
Promeneur avec du temps,
privilège de l’âge.
Promeneur avec de la liberté,
condition d’un regard peut-être utile.
Pour écrire sur l’eau, je m’étais,
aux quatre coins de la planète,
promené dans beaucoup de villes.
C’est sur elles que le groupe GDF
SUEZ me proposait de réfléchir.
Je me suis rappelé ce président
dont j’avais eu l’honneur d’être
le conseiller culturel. C’est ainsi que
j’ai accepté de rejoindre le Conseil
de stratégie urbaine qui était en
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Qu’est-ce
qu’une ville ?
physiologie urbaine est nécessaire.
Il ne suffit pas. Une ville n’est pas
une somme de solutions.
Car l’être vivant qu’est la ville
est constitué d’humains qui ont
la particularité de n’avoir pas
que des besoins. Ils ont aussi des
attentes. Dont certaines sont aussi
exigeantes que des besoins.
“ Des monuments, des machines,
des réseaux. ˮ
Marcel Hénaff
“ Des flux, des nœuds, des réseaux. ˮ
Olivier Mongin
Qu’est-ce
qu’une bonne
ville ?
“ De l’échange et de la confrontation. ˮ
“ Qu’est ce qu’une ville ?
Un être vivant.
Qu’est ce qu’une " bonne " ville ?
Une ville qui, non contente
d’assurer les besoins,
répond aux attentes. ”
Daniel Delaveau
(maire de Rennes)
Qu’est-ce
qu’une ville ?
Une ville qui, non contente d’assurer
les besoins, répond aux attentes.
Un être vivant.
Un être vivant dont les organes
permettent d’assurer cinq
fonctions principales :
La production et la distribution
de l’eau ;
Les circuits d’assainissement ;
Le traitement des déchets ;
L’énergie, le chaud, le froid ;
Et la mobilité.
Le bon fonctionnement de cette
La première attente est celle
de la facilité.
On veut d’une ville qu’elle simplifie,
autant qu’il est possible,
la vie quotidienne.
Et une bonne vie quotidienne,
c’est aussi celle qui garantit la santé
et la sécurité.
Facilité, santé, sécurité peuvent se
regrouper sous le joli mot d’aménité.
D’origine latine, il signifie agrément.
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La deuxième attente est celle
de la vitalité.
Dynamisme d’aujourd’hui
avec l’activité économique.
Dynamisme de demain avec
les écoles.
Dynamisme général avec
la diversité et l’originalité
des offres culturelles.
Dynamisme permanent pour
attirer sans cesse du sang neuf
et brasser en permanence
le nouveau avec l’ancien.
Dynamisme de la fierté.
La fierté de SA ville. La fierté
est peut-être le moteur le plus
efficace du développement.
de la vie).
Tissage entre le bâti et le végétal.
Tissage entre les usages publics
et privés de l’espace.
Et n’oublions pas deux raretés :
· la rareté de l’espace. La plupart
des villes manquent de réserves
foncières. Et tous les sept ans,
la France perd, du fait
de l’urbanisation, l’équivalent
d’un département de surface
agricole utile.
· la rareté du temps : certaines
de nos villes, nous avons pris mille
ans pour les construire. Parfois
plus. Mais l’histoire s’accélère.
L’urgence s’impose. En seulement
vingt-cinq ans, nos villes devront
doubler de taille.
La troisième attente est celle
de l’équilibre, condition de
l’harmonie. Les villes-bureaux,
vides dès six heures du soir,
ont montré leurs limites.
De même que les cités-dortoirs,
dépourvues de tout emploi
et de toute activité.
On ne parvient à cet équilibre
qu’avec du tissage.
Tissage social, mais aussi spatial
(comment sont reliés les quartiers ?
comment sont organisés
les transports ?).
Tissage entre les générations
(une bonne ville réunit tous les âges
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1. Merci à
l’invisible !
les cercles et l’enchaînement
des métamorphoses.
De plus en plus, la ville se met à lui
ressembler. Lavoisier n’est pas loin.
Rien ne se perd dans la ville, moins
ne se crée qu’on ne croie et, plus ou
moins, tout se transforme.
Une bonne ville, c’est-à-dire
une ville facile et frugale, repose
sur des équipements et des réseaux
d’autant plus invisibles qu’ils
fonctionnent bien. En allumant
la lumière, en ouvrant un robinet
d’eau ou de gaz, en retrouvant
vide chaque matin la poubelle
que nous avons descendue le soir,
nous sommes des enfants gâtés,
inconscients des hautes techniques
et des investissements mobilisés
pour rendre en toute sécurité
ces services quotidiens.
I
L’AMÉNITÉ
3. Un
bouleversement
des métiers de
services qu’on
appelle, de façon
pertinente,
“ utilités ”
2. Une
économie
de plus en plus
circulaire
Voici les tendances que j’ai
pu repérer.
Pour l’énergie
Efficience
L’efficacité, c’est la moindre des
choses. Mais le coût de l’énergie
La ligne est une abstraction
d’origine humaine. La Nature
connaît plutôt les boucles,
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Décentralisation
Au-delà de la production
et de la distribution traditionnelles,
chaque ville, voire chaque quartier
aura ses stratégies adaptées
aux situations locales et intégrant
les derniers progrès technologiques.
Que ce soit pour les programmes
d’économie (construction
ou réhabilitation), pour les
combinaisons de toutes les sources
(gaz, électricité, éolien, solaire,
géothermie, biomasse), pour
le choix des installations (les plus
lourdes sont loin d’être toujours les
plus efficaces), pour l’articulation
des réseaux de chaud et de froid…
Diverses expériences récentes
prouvent l’efficience
de combinaisons de solutions
locales. Elles montrent aussi que
la performance énergétique peut
être partiellement ou totalement
financée par les économies réalisées
grâce aux nouveaux équipements.
ne cessant de croître, la véritable
obligation de résultat,
c’est l’économie. Réduire, partout,
la consommation. Dans l’habitat,
comme dans l’industrie
ou les transports. Dès la conception
des équipements mais aussi
dans leur réhabilitation.
La recherche de l’efficience,
notamment énergétique,
est un objectif partout proclamé.
Mais, au-delà des vœux pieux,
comment y parvenir ? Les solutions
techniques existent.
Comment les financer ?
Elles impliquent des surcoûts.
Qui va les supporter ?
Les bâtisseurs ? Pour se défausser,
ils invoquent leurs marges,
déjà faibles.
Les municipalités ? Leurs caisses
sont vides.
Les consommateurs, locataires ou
candidats à la propriété ?
Pour la plupart, ils ne parviennent
déjà pas à boucler leurs budgets.
Un progrès de l’efficience implique
un investissement.
Aucune catégorie ne semble prête
à assurer cette surcharge
pour économiser demain.
Une fois de plus, et crise aidant plus
que jamais, le court terme tient
en otage le futur.
Pour l’eau et
l’assainissement
“ Une bonne ville
est une ville facile, économe,
mobile, sûre et saine.
Elle repose
sur des équipements
d’autant plus invisibles
qu’ils fonctionnent bien. ”
Si l’eau a la pluie pour origine,
peu de consommateurs
se rendent compte des technologies
nécessaires pour capter, traiter
et distribuer vingt-quatre heures
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Pour le traitement
des déchets
sur vingt-quatre et sur tout
le territoire la matière la plus
essentielle à la vie en même temps
que la plus fragile, ouverte à tous
les germes et toutes les pollutions.
Le maire a toujours eu la haute main
sur ce secteur crucial et notamment
sur le prix de l’eau. Mais souvent,
il a délégué sa responsabilité et s’en
est remis, les yeux presque fermés,
à des sociétés privées.
Cette époque est révolue.
La revendication générale, et légitime,
est à la transparence. Les offres
du groupe vont au-delà de contrats
clairs ; application régulièrement
contrôlée ; options multiples dont
des tarifications progressives
en fonction de la situation
économique des consommateurs…
Partout j’ai noté une forte
implication des élus, un contrôle
permanent de la performance
et une attention particulière à la
préservation de la ressource,
et souvent, une mixité des modes
de gestion, avec une part publique
et l’autre privée. C’est une approche
globale et intégrée, avec
un souci égal des trois dimensions
traditionnelles du développement
durable, l’équitable (tarification
sociale), le viable (l’équilibre
économique) et le vivable (le respect
de l’environnement).
Industrialisation et recyclage
L’ère des chiffonniers n’est plus
et celle des camions poubelles
s’achèvera bientôt.
Déjà dans certains quartiers,
la collecte est pneumatique.
Les ordures passent directement
du pied des habitations au centre
de tri via des tuyaux enfouis.
Le tri s’automatise, le recyclage
se généralise à la fois pour
récupérer de la matière (et reculer
ainsi l’horizon de la rareté)
et pour économiser de l’énergie
(plus importante lors des premières
transformations).
Innovation, souplesse,
transparence, industrialisation,
recyclage… tels sont les principes
auxquels doivent répondre
aujourd’hui les utilités.
Il va sans dire qu’ils orientent aussi
les activités de conception
et d’ingénierie.
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4. La nécessité
de faire
travailler
ensemble
6. La sécurité
Longtemps dédaignée, voire
moquée, la revendication
de sécurité monte dans
la hiérarchie des priorités.
Et elle n’est pas la plus facile
à satisfaire. Certaines villes
parviennent à offrir à de grandes
sociétés des terrains tellement
peu chers et si bien équipés qu’elles
se bousculent pour s’y installer.
Le désenchantement survient
lorsque se multiplient
les agressions.
Bientôt il faut employer des vigiles
pour escorter les employés
de la gare aux bureaux… et retour.
Ne nous cachons pas la vérité :
les trafics sont partout,
à commencer par la drogue.
On peut affirmer, preuves évidentes
à l’appui, qu’elle engendre
la plupart des délinquances.
On peut retenir aussi
– réalisme ou cynisme – qu’elle crée
une économie parallèle fournissant
à des jeunes sans avenir
des revenus faciles et certes
illégaux, mais qui les dissuadent de
se révolter. Tout compte fait,
la drogue coûte moins cher qu’une
vraie politique des banlieues.
Une bonne ville n’est pas
la juxtaposition de réponses
éparses et discontinues.
5. L’exigence
de mobilité
La mobilité, c’est l’une des parts
les plus visibles de l’aménité.
C’est aussi, dans toutes les villes,
la réclamation la plus permanente
et la plus exigeante.
Ceux qui réclament ont raison :
pas de bonne ville sans bons
transports, c’est-à-dire une offre
diverse, régulière, peu coûteuse
et maillant l’entièreté de l’espace.
J’y reviendrai.
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7. La santé
La ville est active, donc polluante.
L’ancien temps, que certains
regrettent en pleurant,
supportait des nuisances
aujourd’hui refusées. D’autant que
les mesures deviennent de plus
en plus performantes : les pollueurs
ne peuvent plus cacher
qu’ils polluent.
Les rejets de toutes sortes
devront être traités.
Cette exigence de vivre dans
un cadre qui ne nuit pas à la santé
rejoint le besoin d’environnement
végétal. Outre l’agrément que
leur spectacle procure,
les plantes sont considérées comme
bienveillantes pour les humains.
Je reviendrai sur cette ambition
de cités plus vertes.
Ainsi, facile, économe, mobile, sûre
et saine, la ville sera bonne à vivre.
Amène. Donc attractive.
Elle attirera les investissements
et les talents.
Deuxième grande condition
de son développement.
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Tout autant que les entreprises,
les villes sont en concurrence.
Pour défendre leurs chances
dans cette bataille de plus en plus
farouche, elles doivent
mobiliser leurs forces.
La vitalité d’une ville
ne se décrète pas,
ni ne se constate. Elle se décide.
Et s’organise.
cette importance
de la gouvernance :
pas de dynamique urbaine
sans des institutions permettant
de dégager une ambition claire
et de désigner ceux qui sont chargés
de la mettre en œuvre.
Le flou dans les responsabilités est,
tout autant que la corruption,
un fléau qui peut être mortel.
Cette vision, beaucoup veulent
la dicter aux maires.
Le développement des villes,
qui toutes se veulent “ durables ˮ,
étant l’une des nécessités majeures
(et mondiales) des prochaines
décennies, la concurrence
fait rage pour s’emparer
de ce marché géant et en tirer
le maximum de bénéfices.
Et chacun, en s’appuyant sur
son métier, veut étendre son champ
d’action (et donc de profit).
On veut le plus possible remonter
vers l’amont, c’est-à-dire être
présent dès la conception de
la ville nouvelle.
On veut proposer une offre globale,
c’est-à-dire devenir le metteur en
scène, celui qui distribue les rôles.
On veut s’inscrire dans le long
terme, c’est-à-dire accompagner
tout le processus, du projet à sa
mise en œuvre et de la mise en
œuvre à la gestion quotidienne.
Pas de dynamique, sans
l’autorité d’une vision
II
LA VITALITÉ
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Quelle ville allons-nous bâtir ?
Sans vision, sans projet et sans
l’autorité d’un maire pour les
porter, les énergies se dispersent
et, vite, s’épuisent.
La vitalité d’une ville repose
sur une condition première :
un accord de long terme entre
les différentes parties prenantes,
non seulement sur les objectifs mais
sur le chemin pour y parvenir. Cet
accord n’est pas forcément plus
profond ni plus facile lorsque tous
les élus appartiennent
à la même famille politique.
Au Conseil de stratégie urbaine,
réuni à Paris par GDF SUEZ les 6
et 7 novembre 2012, les experts
de neuf pays, comparant leurs
expériences, ont mis en avant
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Ainsi, le BTP ne se contente plus
de construire, il demande
la responsabilité de l’exploitation.
De même, les équipementiers. Ils
veulent sortir de leur statut de
fournisseurs. Et d’autant plus que
les techniques qu’ils offrent,
ils aiment les considérer
comme structurantes.
Quant aux “ maîtres des données ˮ,
leur discours est simple : puisque,
par définition, nous savons TOUT,
nous sommes les seuls en mesure
de TOUT piloter.
À ce triple mouvement général
(l’amont, la globalité,
le long terme), se superposent
les spécificités nationales.
En France, les urbanistes
ne sont pas des entrepreneurs.
Ailleurs, ce sont, souvent,
les entreprises qui fabriquent les
villes. Dans un tel contexte,
le maire doit résister. C’est aux élus,
et à personne d’autre, de décider.
On construit une ville tout autant
avec des mots qu’avec des pierres.
D’où l’importance du “ roman
de la ville ˮ au sens où l’on parle
du “ roman national ˮ.
C’est un récit qui remonte
aux origines, proches ou lointaines.
Tout en racontant, il donne à voir
au fil des âges le personnage
qu’est la ville. Il évoque, il fait rêver,
il explique, il tisse, il embarque
sur le bateau commun.
Pour l’appropriation de l’Ancien
Temps, l’exemple de Saint-Denis est
particulièrement riche. Il faut dire
que dans cette commune,
le moindre coup de pioche fait jaillir
du passé comme ailleurs du pétrole.
Une mise en scène intelligente
(c’est le cas) permet de suivre plus
de dix siècles de vie commune dans
la diversité : diversité des activités,
mixité des populations (les ouvriers
habitant la ville où les rois étaient
enterrés), dialogue permanent
du religieux et du séculier
(à l’ombre de la basilique,
dans le souvenir de l’abbaye
et du carmel). Autant de leçons
utiles pour apaiser les tensions
d’aujourd’hui. Rappelons que
la population de Saint-Denis
compte 130 nationalités d’origine.
Promenez-vous sur le marché
du dimanche matin : il rassemble
Le “ roman de la ville ”
La vitalité d’une ville dépend
de son attractivité. Et d’abord
de son attractivité pour
ses habitants eux-mêmes.
Pour aimer sa ville, il faut
la connaître.
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plus de la moitié de la planète.
Et quand, grâce à des savoirs
immémoriaux, des potières
africaines retrouvent
des techniques venues du Moyen
Âge d’Île-de-France, un lien
est retrouvé, que personne
n’oubliera plus.
sur des rentes, ou du moins
sur des richesses solides,
établies depuis des siècles,
ont souvent bien du mal
pour élargir leur image (pour
compléter leur “ roman ˮ).
Comment Bordeaux peut-il éviter
d’être d’abord considéré, partout
dans le monde, comme la ville
du vin d’exception ?
D’autres exemples, plus modestes,
sont à retenir.
Un peu perdue au cœur
d’un département lui-même enclavé
(la Creuse), la ville de Guéret
peinait à trouver sa singularité.
Constatant que sa population
vieillissait, le maire eut l’idée
de tirer une force de cette faiblesse.
Le grand âge va devenir le lot
d’une part croissante de Français.
Pourquoi ne pas rassembler
et expérimenter sur la commune
toutes les actions et toutes
les techniques permettant
de soulager les tracas
de la vieillesse et de relâcher,
autant que faire se peut,
les contraintes de la dépendance ?
Ainsi fut fait. Et l’on vient de loin
s’inspirer de ces installations.
La lisibilité de la ville,
sa compréhension, doit concerner
aussi le futur. Où allons-nous,
ensemble ? Quel est notre horizon ?
Quels sont nos points forts ?
Les villes dont aucune activité
ne l’emporte assez sur les autres
risquent fort de n’offrir pas plus
de repères aux habitants qu’à ceux
qui pourraient envisager de venir.
D’où l’importance de pôles
de compétitivité clairs, réalistes,
correspondant à l’état des forces et
au génie du lieu, et dotés
de moyens suffisants.
Brest s’est réveillé quand au déclin
de l’arsenal s’est substituée
la concentration d’activités privées
autour de la mer.
Toulouse, avec l’aéronautique,
Montpellier avec sa vieille tradition
de recherches scientifiques,
n’avaient pas besoin de nouvelles
définitions : leurs histoires
continuaient.
Certaines villes qui s’appuient
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“ Tout autant que
les entreprises, les villes sont
en concurrence. Farouche.
Et pas de dynamique sans
l’autorité d’une vision. ”
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Pas de sentiment
d’appartenance
sans concertation
L’espace est la grande rareté
d’aujourd’hui. Une rareté d’autant
plus pressante que les populations
se concentrent.
C’est ainsi que les villes au potentiel
le plus fort sont parfois celles
qui ont vu disparaître de grands
pans d’activité. Ici, c’est un port
fermé depuis longtemps (Bordeaux,
Nantes). Ou les vastes zones
d’entrepôts qui les accompagnent
(Gennevilliers). Là, ce sont
des friches, souvenirs d’industries
mortes (La-Plaine-Saint-Denis).
Ailleurs (Metz), des implantations
militaires abandonnées,
une fois la tension retombée
grâce à la construction de l’Europe.
Ces villes, un moment sinistrées,
tirent de leurs sinistres même
la possibilité d’un rebond.
L’Histoire et l’économie
vont rebattre les cartes. La richesse
peut changer de lieux, à condition
de saisir sa chance. Et de trouver
les montages financiers appropriés.
Quand un maire a triomphé
de la première rareté,
celle du foncier, il lui faut
s’affronter à la circonspection
des investisseurs.
On sait l’effondrement de la grande
banque chargée d’accompagner
le développement des collectivités
locales. On sait peut-être moins
Partout, dans les villes,
se développent des modes
de dialogue et de participation
aux décisions d’aménagement.
Ces échanges peuvent aller jusqu’à
l’organisation de voyages d’études
avec les habitants pour évaluer
les solutions apportées
par certaines villes exemplaires
(Barcelone, Berlin, Hambourg).
Plus cette démocratie très locale
est vivante, plus se fortifient
l’identité en même temps que
le sens de la responsabilité.
Grâce à ces efforts, le quartier
de Blosne, pourtant le plus pauvre
de Rennes (revenu moyen mensuel
par unité d’habitation :
1 250 euros) est aussi l’un des plus sûrs.
L’ingénierie institutionnelle
(et juridique) n’est donc pas moins
nécessaire que l’apport de solutions
financières.
Pour que la vision devienne
réalité, il faut dresser
l’inventaire des possibles
La principale capacité des villes vient
de leur espace disponible et des droits
à bâtir qui lui sont associés.
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élargir en chacun le champ du rêve,
c’est-à-dire du possible ?
Ce réveil peut venir d’un musée
(Bilbao, Beaubourg à Metz,
le Louvre à Lens),
d’une retrouvaille avec un passé
glorieux (les rives de la Garonne
à Bordeaux), de spectacles de rues
avec des machines tout droit sorties
des bandes dessinées (Nantes),
de manifestations plus classiques
mais changées en rendezvous exceptionnels (les “ folles
journées ˮ)…
Dans la “ culture ˮ, il faut inclure
bien sûr l’enseignement, des écoles
à l’université.
D’où vient le rayonnement
de Montpellier et de Toulouse sinon
de sa foule d’étudiants : réserve
inépuisable de gaieté et d’énergie
en même temps que de compétences
en train de s’acquérir.
Faut-il le rappeler ? la Science
et la Technique appartiennent aussi
à la Culture.
En dépit d’une école Centrale
et d’une école de commerce
de bonne qualité (Audencia),
l’identité économique, et plus
encore industrielle de Nantes
manquait d’originalité
et de visibilité.
L’usine d’Airbus y fabrique
le fameux tronçon 21,
que pour protéger les banques
de certaines dérives, des règles
prudentielles leur ont été imposées
(Bâle III). Elles restreignent
leurs possibilités de s’engager
à long terme.
Comment déployer ses possibles
sans s’inscrire dans la durée ?
Le temps long est une rareté
peut-être plus sévère encore
que celle de l’espace.
Et si les partenariats privé/public
peuvent fournir des solutions,
ce ne sont pas des baguettes
magiques qui, d’un coup,
effaceraient les contraintes,
dont celle de l’endettement.
La dynamique culturelle
Certains considèrent encore
la culture comme un luxe,
une cerise sur le gâteau quand
gâteau il y a, c’est-à-dire quand
l’opulence permet ces soit disant
fantaisies. Rien n’est plus faux.
Preuve irréfutable a été donnée
ces dernières années que la culture
sous toutes ses formes donne
ou redonne vie et attractivité
à la ville, fierté et dynamisme,
envie à ses habitants. Qu’est-ce
qu’offrir de la culture sinon nous
donner l’occasion de nous agrandir,
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Rien n’est plus néfaste,
ni plus malfaisant pour
ses habitants que de croire
qu’une ville, un beau jour,
est construite
le plus difficile à construire
car situé au centre de l’avion,
à l’intersection du fuselage
et des ailes, il doit résister
à d’innombrables forces.
L’Institut de recherche technologique,
bellement baptisé Jules Verne, un
enfant du pays, et financé par les
fonds du Grand Emprunt, va donner
à la ville la possibilité d’affirmer et de
développer son excellence dans l’un
des domaines-clés du futur :
les nouveaux matériaux, notamment
les matériaux composites.
Au fond, la dynamique culturelle
remplit le même ouvrage
que la mobilité physique mais
celle-ci est mentale : on aide
les habitants à sortir d’eux-mêmes,
à élargir leur horizon. Ils étaient
assignés à résidence. On leur a
ouvert des portes.
La fierté, la confiance ne sont
pas seulement des bien-être
psychologiques. Ce sont des
moteurs de développement.
L’attractivité d’une ville
est directement proportionnelle
à la fierté de ses habitants.
La ville est une création
permanente.
Sans cesse, elle doit s’accoucher
d’elle-même.
Regardez les grands ensembles.
Sans doute ils ont eu leur nécessité
car ils répondaient à des urgences.
La honte, c’est de les avoir
abandonnés si longtemps alors
que les conditions avaient changé.
Pourquoi tant de touristes
se pressent, à Barcelone, devant
les bâtiments d’Antoni Gaudí ?
Au-delà du désordre, ils y voient
la maîtrise de tant d’arts
rassemblés : la céramique,
la verrerie, la ferronnerie,
la charpente…
Ils y font aussi provision d’énergie.
De gaieté devant l’œuvre urbaine
en train de repousser, toujours,
ses limites.
26
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Tout maire est un maître tisseur.
Les êtres humains aiment les villes
parce qu’ils trouvent leur compte
dans ces rassemblements.
Mais sitôt arrivés, ils se réfugient
dans des communautés.
Ils supportent mal ceux qui ne leur
ressemblent pas. Les diversités
au lieu de s’enrichir s’affrontent.
Alors le maire ravaude sans cesse
un tissu qui n’arrête pas
de se déchirer. Surtout dans des
périodes comme celles que nous
traversons où s’accroît le chômage,
détruisant familles et cités.
Face à ces désarrois, les élus sont
en première ligne.
III
TISSER
changeant où doivent se mêler
des fonctions diverses en même
temps que des populations variées.
Ce mélange, qu’on appelle mixité,
n’est pas seulement économique et
social. Il doit aussi brasser
des générations différentes
et intégrer le mieux et le plus vite
possible les nouveaux arrivants.
Certaines municipalités, à Nantes
par exemple, tiennent
à les accueillir lors de cérémonies
en mairie où alternent
renseignements pratiques et rituels
de bienvenue presque semblables
aux acquisitions de nationalité.
La fin du “ zonage ”
La mobilité : premier
métier à tisser
Certains urbanistes n’ont voulu voir
dans la ville qu’une suite
de fonctions, chacune exercée
dans un espace réservé :
le quartier des administrations ;
le quartier des entreprises ;
le quartier des commerces ; le
quartier des habitations… Brasilia
est l’exemple le plus abouti de cette
juxtaposition, ce “ zoning ˮ dont
personne ne veut plus.
La conception généralement admise
aujourd’hui est qu’une ville est
d’abord un alliage subtil et toujours
L’harmonie d’une ville,
par nature instable, implique
un tissage permanent dont la trame
essentielle est le transport.
Les populations ne s’y trompent pas,
qui mettent au premier rang
de leurs priorités les moyens
de se déplacer dans la ville.
Et sur ce point aussi, la mixité est
devenue la règle. Un seul réseau,
fut-il rapide et sûr, ne suffit pas.
Une combinaison de l’offre
est nécessaire pour répondre
à la multiplicité des besoins,
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à toute heure du jour et de la nuit :
trams, bus, automobiles privées,
velibs, carlibs, pistes et promenades
protégées…
À cette diversité s’ajoute
le pragmatisme. Quand
l’installation ou la réinstallation
d’un tramway s’avère trop
coûteuse, en aménagement
et en maintenance, pourquoi
ne pas dédier entièrement des voies
à des autobus, dont la régularité
du trafic sera garantie ?
La prudence des groupes
en ce domaine est bien
compréhensible : investissements
considérables, longueur
des délais avant d’atteindre
à la rentabilité, pression
permanente des utilisateurs
et donc de la municipalité…
Il n’en reste pas moins que
la mobilité est au cœur
de la bonne ville.
Bien sûr, il y a des mobilités
mal vécues, des mobilités subies
lorsque de longues distances
séparent le logement du travail.
Mais une mauvaise qualité des
transports, un maillage incomplet
de l’espace fabriquent de l’exclusion
géographique et sociale.
En anglais, “ tram ˮ veut dire “ rail ˮ
et “ way ˮ, “ chemin ˮ.
Le tramway c’est donc,
en traduction littérale, le chemin
de fer. Mais en français, le tram
fait plus ou moins consciemment
référence à la trame, donc au tissage.
Le tram n’est pas qu’un moyen
de transport. Symboliquement,
c’est une ligne gravée dans le sol
qui lie et relie. La mobilité n’est pas
seulement physique. Elle peut être
aussi virtuelle (cf. visioconférence,
télétravail…). Le développement
de ces communications contribue
aussi à la vitalité et à l’efficacité
des tissus urbains.
Dans les villes d’aujourd’hui,
les gares jouent un rôle nouveau
et décisif. Autrefois seulement
dédiées aux transports, lieux
d’accueil et de départ des voyageurs
et des marchandises, elles deviennent
centres commerciaux et culturels,
pôles de développement d’abord
immobilier puis économique de zones
plus ou moins étendues.
Sans parler de l’image première
qu’elles donnent, le totem,
le drapeau du quartier ou de la ville.
Une cité plus “verte”
Tel est l’un des souhaits majeurs
des populations, exprimant
le besoin profond des citadins de
ne pas rompre avec la Nature
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d’où ils sont venus il n’y a pas
si longtemps, la volonté de garder
un autre équilibre, celui qui permet
au végétal, c’est-à-dire au Vivant,
de trouver une place véritable
au milieu du bâti.
Une bonne cité, c’est autant
du végétal que de la culture.
Non un luxe, un saupoudrage
de plantations en bacs et de murs
verdis, mais une participation
étroite au tissage qu’est une ville.
sont bons pour la santé des humains.
Lieux privilégiés de mixité sociale,
d’échange et de dialogue,
ils apprennent à vivre et grandir
ensemble. En s’y promenant,
le rythme cardiaque s’apaise, l’œil
s’égaie, le nez s’éveille, le caractère
s’adoucit. Outre le plaisir de voir
et de sentir, l’appétit vous vient
car les fruits et les légumes sont
là, bien réels. La nourriture vous
rappelle ses origines bien terrestres.
En y travaillant, on y retrouve le
temps, le temps qu’il fait
et le temps qui passe (vous savez,
ces réalités mouvantes que, jadis,
on appelait “ saisons ˮ) et les lenteurs
nécessaires ; on y réapprend
le respect pour toutes les formes
de la vie qui, toutes, sont solidaires ;
on y reprend contact avec
l’enfance, ses surprises et ses
émerveillements ; on y renoue
le grand pacte sans lequel aucune
civilisation ne peut durer, aucun
humanisme ne peut se développer :
l’alliance, dans l’équilibre,
entre Culture et Nature. ”
Ancien président de l’École
nationale supérieure du paysage
(Versailles), j’ai continué d’étudier
les relations entre les citadins
et le végétal.
Avec les professionnels de la filière
(des pépiniéristes aux concepteurs
et aux entreprises : 150 000
emplois en France),
j’ai rédigé ce texte :
“ Qu’ils soient petits comme
des balcons, modestes
comme des squares ou vastes
comme des parcs, qu’ils soient
publics ou privés, individuels
ou partagés, qu’ils soient ouvriers
ou de curés, potagers ou
médicinaux, verticaux ou terrasses,
promenades, avenues plantées, bois
ou roseraies… les jardins, tous les
jardins, et les paysages qu’ils créent,
Mais il ne s’agit pas seulement
d’agrément.
La vérité oblige à dire qu’on peut
avoir en même temps un cancer et un
rhume. Pendant la crise,
la dégradation climatique continue.
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Les conclusions du dernier rapport
du Groupe interministériel
sur l’Évolution du climat sont
sans appel. Du réchauffement global,
les villes sont à la fois actrices
et victimes. En plantant ou replantant
des arbres, non seulement
on capte du CO2 et d’autres particules
polluantes mais on contribue
à baisser la température. Le végétal
est un filtre à air urbain. Et dans
certaines rues toutes minérales,
véritables puits de chaleur, le recours
aux végétaux permet d’améliorer
et rafraîchir l’atmosphère.
Pas plus que la Culture, la Botanique
en ville n’est un luxe.
pour bien montrer son opposition
aux projets de la Southern Pacific
Railroad qui voulait étendre
son réseau.
Mais la multiplication des voitures
menace vite l’agrément d’une ville.
Et, pour densifier l’espace
– objectif qui va devenir de plus
en plus prioritaire –,
on aura tendance à changer
les parkings en unités de logements.
Non sans protestations
des habitants anciens qui veulent
de leurs fenêtres pouvoir surveiller
leurs chers véhicules…
Cette évolution, ce glissement
vers l’usage, la location d’un service
plutôt que la propriété d’un bien,
ne concerne pas seulement
les transports.
L’Europe du Nord propose pour
les parties communes des immeubles
certaines extensions qui font encore
frémir l’Europe du Sud.
Ne va-t-elle pas jusqu’à défendre
le principe de chambres d’amis
partagées ? Puisque par définition,
elles sont souvent vides,
ne vaut-il pas mieux les sortir
de l’appartement pour que chacun
puisse les utiliser selon
les vrais besoins ?
Entre sphère publique
et sphères privées
de nouveaux équilibres sont à
trouver. La bonne ville est
à ce prix.
La vie en ville n’est pas
la juxtaposition d’existences
campagnardes. Ainsi la voiture.
Les conflits entre les moyens
de transport privés et publics
ne datent pas d’aujourd’hui.
En 1910, le candidat au poste
de gouverneur de Californie,
un certain Hiram Johnson,
ne circulait qu’en automobile
“ Le maire est un tisseur.
Il ne cesse de ravauder
un tissu qui ne cesse
de se déchirer,
surtout dans ces périodes
de forte souffrance
économique et donc sociale. ˮ
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La montée des villes
CONCLUSION
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impitoyable d’aujourd’hui, il faut
unir ses forces autour de pôles,
au cœur d’espaces pertinents pour
le développement. Ni trop vastes,
on s’y disperse ; ni trop restreints,
on ne pèse pas. Et revient à grands
galops la Géographie, si souvent
dédaignée alors qu’elle seule
permet l’Histoire.
Progressivement, les États confient
aux villes des responsabilités
que jusque-là ils assuraient.
Rien de plus sain que
ce rééquilibrage entre les Etats
et les villes. Mais les institutions
anciennes demeurent.
Comment les faire évoluer pour
qu’elles assument leurs nouvelles
fonctions ? Comment éviter
les superpositions, les redondances
qui, non contentes de noyer
les responsabilités,
entrainent des coûts de plus
en plus insupportables ?
Comment choisir la “ bonne ˮ taille
des métropoles vers lesquelles
on semble aller ? Comment fixer
leurs limites, quelles localités
périphériques inclure,
quelles autres rejeter
au dehors et pour quelles raisons ?
Comment éviter les démesures,
insupportables pour
les populations, du fait, notamment,
des pollutions ?
Tout au long du Moyen Âge,
certaines villes concentraient
l’essentiel du pouvoir, économique
et politique. Les États,
encore naissants, peinaient
pour rassembler sous leur autorité
les féodalités.
Épuisés par des guerres
incessantes, et pour cela endettés
jusqu’à la corde, ils devaient
composer avec la puissance
de cités plus ou moins
indépendantes.
Florence, Lyon, Cologne…
Sans parler des ports : Hambourg,
Amsterdam, Anvers, Bruges
et Gand avant leur ensablement,
Gênes, Venise…
Même si l’Histoire ne se répète pas,
notre époque n’est pas
sans ressemblances : d’un côté
des gouvernements affaiblis par
le déficit des finances publiques ;
de l’autre la dynamique
des territoires rassemblés autour
d’une métropole. Avec en ligne
de mire inavouable la réussite
insolente de cités-États, au premier
rang desquels Singapour.
La vitalité des villes puise dans ces
souvenirs glorieux mais aussi dans
les nécessités présentes.
Pour exister dans le monde
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Les menaces environnementales
contraindront elles divers pays,
en commençant par la Chine,
à plus d’humilité dans les projets
urbains ? Comment tenir compte
des analyses d’un Laurent Davezies
qui montrent, contrairement
à l’opinion généralement admise,
que les métropoles ne concentrent
pas forcément la richesse
ni le développement ?
Que deviendront les territoires,
entre ces centres ? Et quel sera
le destin des localités moyennes
ou modestes dispersées au sein
de ces étendues de plus en plus
vides ? Une nation comme la France
n’est pas une somme de Singapour.
Comment, sur quels fondements
s’organiseront les solidarités ?
Et quels rôles vont jouer
ces réseaux internationaux qui
tissent entre les villes des relations
de plus en plus étroites et actives ?
Chacun sait qu’il est périlleux
de prévoir, surtout l’avenir.
Mais l’importance croissante
du fait urbain est une évidence.
Plus qu’on ne croit il va bouleverser
nos sociétés.
En bon petit reporter, je tiens
mon carnet prêt : qu’avez vous
à me dire, quelles expériences
accepterez vous de me montrer,
quelles réalités, heureuses
ou terrifiantes, voudrez vous bien
me faire toucher du doigt ?
Immense est le chantier et rien
n’a changé depuis son origine :
la démocratie n’est pas abstraite.
Elle est liée à un espace.
Si l’on veut refonder la démocratie,
et tel est bien l’enjeu, il faut d’abord
choisir l’espace où elle devra vivre.
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LE CONSEIL
DE STRATÉGIE URBAINE
DE GDF SUEZ
De gauche à droite en partant du haut :
Joseph Roig, secrétaire général des « Cités et gouvernements locaux unis » (CGLU),
Clarence Anthony, ancien maire de South Bay, en Floride, il a été a été Président
de la Ligue nationale des villes américaines,
Margie Ruddick, designer paysagiste,
Brigitte Bariol-Mathais, architecte urbaniste en chef de l’Etat, elle est déléguée
générale de la Fédération nationale des agences d’urbanisme (FNAU),
Dominique Lorrain, sociologue, directeur de recherche au CNRS, Latts/ENPC,
Mario Gandelsonas, architecte et théoricien spécialisé dans l’urbanisme
et la sémiotique. Il est directeur du Centre d’Architecture, Urbanisme
et Infrastructure de l’université de Princeton,
Gino Van Begin, secrétaire général d’ICLEI (Local Governments for Sustainability),
Jean-Louis Blanc, membre du Comité Exécutif, Directeur de la Direction
Commerciale et Marketing Groupe, GDF SUEZ,
Erik Orsenna, économiste, écrivain, et spécialiste du développement durable,
de l’environnement, de l’agriculture et des économies émergentes,
Cet incubateur d'idées lancé en 2012 réunit des experts
indépendants afin de produire une vision intégrée de la ville.
Objectif : porter un regard transverse et pluridisciplinaire
sur les questions urbaines pour contribuer à la construction
des “ villes à vivre de demain ˮ. Le Conseil de stratégie urbaine
a vocation à jouer un rôle critique, en débattant de la vision
et des méthodologies d'intervention de GDF SUEZ sur la ville.
Il a également une mission d'information et d'alerte, au regard
des disciplines et des domaines d'expertise représentés.
Enfin, le Conseil est chargé d'animer la réflexion prospective
de moyen et long termes à l'échelle du Groupe.
Daniel Hoornweg, conseiller principal sur les problématiques urbaines,
coordinateur « Villes et changement climatique, développement urbain et politiques
locales » à la Banque mondiale,
Stéphane Quéré, Directeur Développement Urbain, GDF SUEZ,
Bertrand Porquet, Directeur de Projet Développement Urbain, GDF SUEZ,
Teng Chye Khoo, directeur exécutif, Centre « liveable Cities » à Singapour,
et membre de la « World Future Foundation »,
Jean-Robert Pitte, professeur de géographie et d’aménagement à l’université
Paris-Sorbonne. Il est Président de la Société de Géographie,
Christian Kornevall, économiste,
Jana Revedin, docteur en architecture et professeur d’architecture et de design
à l’Institut de Technologie et de planification Blekinge en Suède,
Gérard Mestrallet, Président Directeur Général, GDF SUEZ,
Sara Topelson de Grinberg, sous-secrétaire du développement urbain et régional
du gouvernement du Mexique,
Nicholas You, président du groupe d’ « Assurance pour l’initiative d’infrastructure
urbaine du Conseil mondial des affaires pour le développement durable (WBCSD) »
ainsi que du Comité de pilotage de la campagne globale urbaine des Nations Unies.
Marie-Hélène Contal, architecte, membre du comité scientifique du « Global Award
for Sustainable » et du « Board de la Daw’an Mud Brick Architecture Foundation »,
secrétaire général de la LOCUS Foundation.
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Achevé d'imprimer en mars 2013
Visions ville
Sur
la route
de la
bonne ville
ERIK ORSENNA
DE L’ACADÉMIE FRANÇAISE
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