LES PARTIS POLITIQUES: QUELLES PERSPECTIVES?
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LES PARTIS POLITIQUES: QUELLES PERSPECTIVES?
LES PARTIS POLITIQUES: QUELLES PERSPECTIVES? Collection Logiques Politiques dirigée par Pierre Muller Dernières parutions BERTOSSI Christophe, Les frontières de la citoyenneté en Europe, 2001. BUI-XUAN Olivia, Les femmes au conseil d'État, 2001. RIHOUX Benoît, Les partis politiques: organisations en changement, 2001. Jacques GERSTLÉ (sous la direction de), Les effets d'information en politique, 2001. Jérôme LAFARGUE, Protestations paysannes dans les Landes, 2001. Serge TERRIBILINI, Fédéralisme, territoires et inégalités sociales, 2001. Philippe ZITTOUN, La politique du logement, 1981-1995, 2001. Valérie AMIRAUX, Acteurs de l'Islam entre Allemagne et Turquie, 2001. Josepha LAROCHE, La loyauté dans les relations internationales, 2001. Mario PEDRETTI, La figure du désobéissant en politique, 2001. Michel-Alexis MONT ANÉ, Leadership politique et territoire, 2001. Sous la direction de Anne Muxel et Marlaine Cacouault, Les Jeunes d'Europe du Sud et la politique. Une enquête comparative France, Espagne, Italie, 2001. François BARAIZE, L'invention politique de l'agglomération, 2001. Pierre BOUT AN, Enseigner la Région, 2001. Lorena PARINI (dir.), Etats et mondialisation: stratégies et rôles, 2001. Claudie BAUDINO, Politique de la langue et différence sexuelle, 2001. Françoise DAUCE, L'Etat, l'armée et le citoyen en Russie postsoviétique, 2001. Guy GROUX, L'action publique négociée, 2001. Nathalie MARTIN-PAPINEAU, Lesfamilles monoparentales, 2001. Textes réunis et présentés par Jean-François BARÉ, L'Evaluation des politiques de développement - approches pluridisciplinaires, 2001. Sous la direction de Dominique ANDOLF ATTO Fabienne GREFFET Laurent OLIVIER LES PARTIS POLITIQUES. QUELLES PERSPECTIVES? L'Harmattan 5-7, nIe de l'École-Polytechnique 75005 Paris France L'Harmattan Hongrie Hargita u. 3 1026 Budapest HONGRIE L'Harmattan Italia Via Bava, 37 10214 Torino ITALlE ~L'Hannattan,2001 ISBN: 2-7475-1877-9 Listes des auteurs Dominique Andolfatto, maître de conférences de science politique, Université de Nancy II, GREP-CERAT. François Borella, professeur émérite de droit public, Université de Nancy II, GREP. Pierre Bréchon, professeur de science politique, Institut d'études politiques de Grenoble, CIDSP. Sophie Bourrel, maître de conférences de droit public, Université de Nancy II, GREP. Thierry Choffat, maître de conférences Université de Nancy II, GREP. Etienne Criqui, professeur Nancy II, GREP. de science de science politique, politique, Université de Pascal Delwit, professeur de science politique, Université libre de Bruxelles, CEVIPOL. Christelle Dorget, docteur en droit européen, enseignante au Centre européen universitaire, Université de Nancy II, CERDIE. Fabienne Greffet, maître de conférences Université de Nancy II, GREP-CIDSP. de science politique, Florence Haegel, chargée de recherche au CEVIPOF, CNRS-Institut d'études politiques de Paris. Michel Hastings, professeur de science politique, Institut d'études politiques de Lille, CRAPS. Abel Hermel, docteur en droit public, enseignant à l'Université de Nancy II, GREP. Laurent Olivier, maître de conférences Université de Nancy II, GREP. de science politique, Daniel-Louis Seiler, professeur de science politique, Institut d'études politiques de Bordeaux. Mwayila Tshiyembé, docteur en droit public et en science politique, enseignant à l'Université de Paris XII, GREP-IRENEE. Benoît Verrier, doctorant en science politique, attaché temporaire d'enseignement et de recherche, Institut d'études politiques de Strasbourg, GSPE. Tanguy Wuillème, maître de conférences en sciences de l'information et de la communication, Université de Nancy II, GRICP. Sigles des équipes de recherches: CERDIE: Centre d'études et de recherches en droit international et européen (Nancy). CERA T: Centre de recherche sur le politique, l'administration, ville et le territoire (Grenoble). la CEVIPOF : Centre d'étude de la vie politique française (Paris). CEVIPOL: Centre d'étude de la vie politique (Bruxelles). CIDSP: Centre d'informatisation (Grenoble). des données socio-politiques CRAPS: Centre de recherches administratives, politiques et sociales (Lille) . GREP : Groupe de recherches et d'études politiques (Nancy). GRICP: Groupe de recherche en information, communications et propagandes (Nancy). GSPE : Groupe de sociologie politique européenne (Strasbourg). IRENEE: Institut de recherches sur l'évolution de la nation et de l'Etat en Europe (Nancy). 6 Sommaire Introduction. ........................................................ 1ère partie: CADRES CONTEMPORAINES D' ANALYSE Partis politiques et administration Michel Hastings. Pierre dans B réchon. du sens les grandes des partis 21 enquêtes .................... ............. ...... .. L'actualité de l'approche clivages socio-politiques Daniel-Louis ET REALITES . .. . . . . . . . .. . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . .. .. Les partis politiques internationales 9 en termes 37 de Seiler. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49 Existe-t-iI une nouvelle approche dans l'étude des partis politiques? François Borella. . .. . . . .. . . . . . .. . .. . . . . . . . . . . .. . .. . . . . .. 71 2ème partie: INDIVIDUATION ET FRAGMENT A TION DES ORGANISATIONS A la recherche organisationnels: Florence de la «densité» l'exemple du RPR Haegel. des phénomènes . . . . .. . . . . . . . .. . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . .. Les adhérents: une ressource réévaluée Dominique Andolfatto................................ La notion de «parti alternatif»: une comparaison France, Allemagne, Belgique Pascal Delwit.......................................... Une organisation éphémère: Thierry Choffat. 83 99 115 le RPF . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 135 Partis européens et partis nationaux: cas français Christelle Dorget. les ambiguïtés du . .. . . . . . . . .. . . . . . . . .. . . . . . . . . . . .. . .. 3ème partie: BROUILLAGE DES IDENTITES 145 ET CONSTRUCTION Les partis politiques français sur le web Fabienne Greffet. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ... Le Parti socialiste et le débat sur le renouveau social-démocratie Laurent Olivier. 161 de la . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 179 Recompositions politiques et individualisation des identités politiques. Les regroupements politiques autour de J.-P. Chevènement à propos de la question corse B enoît Verrier. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. Le discours des partis ultra-nationalistes des partis de gouvernement en Europe M wa yila T shi yembé. 201 et l'évolution . . . . .. . . . . . . . .. . . . . . . . .. . . . . .. . .. 217 L'étude des partis sous l'angle de la communication politique: une mise en perspective Tanguy 4ème partie: Wuillème. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . .. CONTRAINTES 225 JURIDIQUES La constitution de 1958 et les partis politiques Sophie Bourre!. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 241 La validité du droit interne aux partis politiques Abel Rermel. . .. . . . . . . .. . . . . . . . .. . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . .. 251 Les partis politiques et la parité Etienne Criqui. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 8 261 INTRODUCTION Champ de recherche classique de la science politique, défriché au début du XXe siècle par Moisei Ostrogorski (1902), Roberto Michels (1911), Max Weber (1919, 1922), les partis politiques ont suscité de nombreux travaux dans les décennies 1950-1970. Frédéric Sawicki (1997) en a proposé un classement schématique distinguant analyse sociétale et analyse organisationnelle. La première, selon une approche culturelle et de politique comparée, met l'accent sur les clivages socio-politiques propres aux Etats occidentaux et sur leur traduction partisane. Elle a conduit également à multiplier les études de type sociographique pour comprendre les facteurs de l'engagement politique et du militantisme. La seconde, inspirée de l'œuvre de Weber, Michels ou encore Schumpeter (1942) privilégie l'approche organisationnelle ou entrepreneuriale des partis, axée sur leurs enjeux internes, les ressources respectives de leurs protagonistes, les luttes de pouvoir. Ce champ de recherche a semblé laissé en jachère depuis une vingtaine d'années, même si quelques publications ou rencontres toutes récentes révèlent un regain d'intérêt, comme en témoignent le cycle de journées d'études organisées par le CEVIPOF dans le cadre de ses «lundis », pour l'année 2000-2001, un colloque prévu par l'AFSP début 2002, ou encore les manuels de Daniel-Louis Seiler (2000) ou de Pierre Bréchon (1999). Un objet d'analyse toujours heuristique Le désintérêt relatif des politistes français pour les partis politiques est indissociable d'une recomposition des formes d'engagement et de participation politique, du déclin de la visibilité des idéologies et de l'affaiblissement apparent de leur élaboration. Plus globalement, une certaine crise de la représentation collective affecte les partis comme d'autres formes d'organisations syndicales ou associatives, qui empruntent au modèle classique du fédéralisme associatif. Ainsi, pour reprendre un propos de Pierre Rosanvallon (1998), on a assisté dans les années 1990 à une « désociologisation de la politique» et au passage d'une «démocratie de confrontation» à une « démocratie d'imputation» fondée sur une évaluation de l'action des seuls individus. Parallèlement, les partis politiques en tant qu'objet ont été remis en question. Il est apparu que les frontières du phénomène partisan étaient floues, que les acteurs du débat public étaient à la fois plus diversifiés, plus fluides, plus interpénétrés que ce que laisse percevoir une vision trop réifiée de la démocratie, à travers notamment les organisations politiques. De surcroît, de nouvelles formes d'engagement politique se sont développées et tendent à supplanter les partis, dans leur dimension sociétale, comme le montre un certain succès des «nouveaux mouvements sociaux ». Dans les années 1990 - à tout le moins en France - le plus grand nombre de recherches sur l'engagement et le militantisme se sont d'ailleurs portées sur ces mouvements(Neveu, 2000 ; Siméant, 1998)1. Pour autant, le découplage entre l' activisme citoyen et le militantisme partisan n'a pas scellé la disparition des partis politiques. C'est surtout la notion de parti homogène, discipliné, « holiste », selon la définition du «parti de masse» (Duverger, 1951), qui a été sérieusement malmenée. Un nouveau type organisationnel semble néanmoins émerger ces dernières années avec le «parti de cartel », théorisé par Richard Katz et Peter Mair (Katz et Mair, 1994 ; Mair, 1997), lequel se veut résolument tourné vers l'exercice du pouvoir et tend à prendre la forme d'une agence dépendant de l'Etat, en raison notamment de l'institution d'un financement public des activités politiques. A y regarder de plus près, la désaffection pour les travaux relatifs aux partis relève peut-être d'un effet d'optique. Si, d'un point de vue quantitatif, les études sur les partis politiques sont moins nombreuses - notamment les études de cas ou les monographies l'interrogation s'est focalisée sur la nature du parti. Elle a porté sur l'anal yse du parti comme instance de médiation traversée par les trois logiques de l'organisation, de la société, de l'Etat. Elle a aussi remis en question les catégorisations anciennes et déconstruit l'institution partisane. Ainsi, Marc Sadoun et Jean-Marie Donégani (1994) ont réfléchi au parti dans son rapport à la démocratie, comme position intermédiaire entre l'un et le multiple, entre le politique et le social, l'individuel et le collectif. Ils soulignent les ambiguïtés de la perception du parti, lié au libéralisme et à la démocratie moderne, 1 Voir également le dossier intitulé « Devenir militant », de la Revue française de science politique, vol. 51, n° 1-2, février-avril 2001. Ces références sont bien sûr loin d'être exhaustives. 10 mais toujours soupçonné de diviser la société. Michel Offerlé (1987) a tenté de renouveler les approches traditionnelles en dénonçant leurs travers (normativisme, juridisme, finalisme, typologisme). Il met l'accent sur la construction sociale des organisations: le parti est vu comme un tissu de relations particulières (il n'existe pas en soi) dépendant des ressources que ses membres (principalement ses dirigeants) peuvent mobiliser dans une lutte des positions internes et externes. Cette analyse des dispositions des acteurs politiques et de leurs stratégies se combine avec une approche en termes de professionnalisation ou de « métier» politique (Lagroye, 1991). Ces analyses renouvelées ont été accompagnées de travaux empiriques au niveau national ou local, tels ceux de Bernard Pudal (1989) relatifs aux dirigeants du Parti communiste, qui intègrent une dimension socio-historique et relativisent l'approche entrepreneuriale, en montrant que les stratégies répondant à des logiques de concurrence ne sont pas nécessairement les seules opérantes. Frédéric Sawicki (1997), étudiant le Parti socialiste, a mis en évidence la notion de milieu partisan, c'est-à-dire de réseau, comme « ensemble de relations consolidées entre groupes dont les membres n'ont pas forcément pour finalité principale de participer à la construction d'un parti ». D'autres auteurs, comme Michel Hastings (1991), ont privilégié la dimension anthropologique et culturelle en révélant, s'agissant également du PCF, les matrices identitaires d'un type d'engagement politique marqué par des traditions et des modes de sociabilité locaux relativement autonomes du parti national. Toutes ces études ont contribué à enrichir les analyses des partis politiques, à souligner leur complexité, tout en les rendant moins objectivables ou immédiatement identifiables comme réalité politique homogène. L'analyse des partis politiques demeure légitime malgré la fluidité des frontières qu'exprime ce type d'organisation ou l'individuation de l'engagement qui suggère une certaine indifférenciation des modes de militantisme (Perrineau, 1994; Ion, 1997). Si les formes classiques d'organisations partisanes peuvent apparaître obsolètes, d'autres les remplacent, caractérisées par de nouveaux modes de structuration, de militantisme ou d'insertion dans le tissu social. On observe, par exemple, que les partis «se sécularisent» en se prêtant à de nouvelles expériences de participation ou de médiatisation, en s'ouvrant au monde «profane» des sympathisants. Leur identité s'en trouve rénovée, même si leur fonction idéologique est loin d'être univoque. Les partis doivent également s'adapter à une société de gouvernance à plusieurs Il niveaux - local, national, européen - et articuler ces derniers. De ce point de vue, l'interpénétration des partis et des réseaux locaux, la dés allégeance des adhérents à l'égard d'un centre unificateur, constituent une alternative au modèle traditionnel des organisations partisanes. Enfin, le système de partis a lui-même évolué, marqué par une tendance à la fragmentation au profit de nouveaux venus exprimant des alternatives plus ou moins protestataires (Mayer et Perrineau, 1989 ; Faucher, 1999), ce qui, au passage, n'exclut pas, une certaine porosité idéologique ou organisationnelle avec les « nouveaux mouvements sociaux ». Reprenant et croisant ces diverses pistes, ce livre cherche à dessiner de nouveaux contours à la notion de parti. Il est le fruit de deux journées d'études organisées à Nancy, les 26 et 27 octobre 2000, par le Groupe de recherches et d'études politiques (GREP). Il développe un bilan et un état des lieux empiriques et théoriques volontairement pluraliste, quant à ses méthodes, aux terrains choisis, aux traditions d'analyse, voire aux disciplines (science politique, droit public, sciences de l'information et de la communication) convoqués. Comme son titre l'indique, ce livre essaie aussi de recenser et de tracer des perspectives. Il s'agit d'une part de questionner sous différents angles l'objet «partis politiques », comme on observerait la perspective d'un monument (les partis n'en sont-ils pas un ?). La perception des partis se modifie en effet en fonction de l'angle choisi. Les contributions qui ont été rassemblées tentent, d'autre part, d'ouvrir 1'horizon et d'esquisser des lignes pour l'avenir sans, pour autant, se livrer à un travail de prospective, toujours périlleux et illusoire. Il s'agit, plus modestement, de mettre l'accent sur quelques tendances d'évolution particulièrement significatives. Bilan et perspectives Les questions soulevées par les auteurs ont été regroupées en quatre thématiques: cadres d'analyse et réalités contemporaines; individuation et fragmentation des organisations; brouillage et construction des identités; contraintes juridiques pesant sur les partis. En ouverture, les auteurs examinent l'actualité de cadres d'analyse qu'ils ont contribué à forger ou largement utilisés. Le texte de Michel Hastings porte un regard sur les partis politiques comme institutions de sens, « ateliers d'identités et d'imaginaires collectifs ». L'auteur propose de résoudre les équations posées par les partis à travers une dynamique de l'ordre et du désordre, du dedans et du dehors, du haut et du bas, du relatif et de l'absolu. Il montre que les 12 partis prescrivent une «grammaire du sens» à travers un récit identitaire, un type de discours, une matrice affective, qui leur sont caractéristiques. Leur intelligence implique de rapporter ces éléments aux effets de contexte. Pour Pierre Bréchon, les cadres théoriques manquent moins que la connaissance empirique. Il montre combien la place du fait partisan dans les grandes enquêtes internationales comparées est réduite et sa connaissance assez faible. Ces enquêtes témoignent toutefois du rejet généralisé des organisations politiques par les opinions publiques interrogées, même si cette attitude doit être nuancée selon les pays. Cela permet à Pierre Bréchon d'appréhender une des facettes de la théorie du « parti de cartel». Daniel-Louis Seiler revisite la tradition d'analyse issue des travaux de Stein Rokkan (1967). Il s'interroge sur la pertinence de l'approche par les clivages socio-politiques, dans un contexte de recompositions politiques et de «déclin des idéologies ». Il plaide pour l'actualité et la vitalité de ce modèle conceptuel, en proposant une démarche expérimentale appliquée au contexte contemporain de l'Autriche. François Borella, refermant cette première partie, se demande s'il existe une nouvelle approche pour l'étude des partis politiques. Il observe les évolutions intervenues au cours de la dernière décennie: extension des régimes multipartisans, durabilité des systèmes politiques mais doutes tenant à leur légitimité, juridicisation et affaiblissement sociologique. Ces changements remettent en cause les modèles analytiques - organisationnels ou relationnels - des partis. L'auteur plaide finalement pour un œcuménisme méthodologique et voit dans le parti un accélérateur social. La deuxième partie de l'ouvrage se focalise sur la relation entre les individus et les organisations partisanes. On observe une réappropriation des institutions par les adhérents et les sympathisants, dont le rôle semble se renforcer. Parallèlement, les systèmes politiques se réorganisent dans le sens d'un émiettement et d'une multipolarisation. Florence Haegel s'interroge sur les changements récents dans l'organisation du RPR, en s'efforçant de ne pas couper les questions organisationnelles des autres dimensions, culturelle, sociale ou idéologique. En se basant sur des entretiens auprès des militants de deux fédérations, elle évalue leur perception du renforcement du rôle des militants, de la réallocation des ressources entre eux et met à jour la concurrence entre culture d'autorité et apprentissage démocratique. 13 Dominique Andolfatto s'intéresse au retour paradoxal des adhérents comme élément de stabilité des partis, moyen de légitimation et de communication politique, dans un contexte qui demeure en fait celui de la diminution des effectifs et du recul de l'engagement politique. Cette étude est l'occasion d'un bilan sur l'implantation des partis en France, d'une analyse critique du dénombrement des effectifs et d'un état des lieux des procédures de démocratie participative dans les partis politiques. Pascal Delwit étudie la notion de «parti alternatif» qui a émergé dans plusieurs Etats européens, marqués par un processus de fragmentation du système de partis. A travers les exemples français, allemand et belge, il observe précisément l'évolution de l'audience électorale de ces partis «alternatifs» allant de l'extrême gauche à l'extrême droite en passant par les verts. Cela le conduit à relativiser la pertinence de la notion et la linéarité de la progression de ces formations. Thierry Choffat retrace la genèse du « souverainisme » puis la courte vie du Rassemblement pour la France. C'est l'occasion de revisiter les conditions nécessaires à l'émergence d'une nouvelle organisation et de démontrer, en l'occurrence, que la mise en cohérence d'une idéologie et d'une organisation qui s'en réclame ne va pas de soi. Christelle Dorget s'intéresse à une structure partisane peu développée et encore peu observée: les «europartis ». Ceux-ci sont encore souvent perçus, particulièrement en France, comme des organisations à usage interne des partis nationaux. De fait, ils ne développent qu'un rôle de coordination limité, ne bénéficent pas d'autonomie réelle. Il s'agit de «marqueurs» peu lisibles dans l'espace politique européen. L'auteur tente néanmoins de brosser quelques perspectives pour les conditions d'une meilleure visibilité et d'une légitimité accrue de ces organisations. Dans une troisième partie, les auteurs explorent les identités politiques contemporaines. Celles-ci apparaissent à la fois multiples, constamment redéfinies dans un certain «désordre» idéologique, et enjeu de légitimation et de cohérence des partis. Cette complexité interroge la fonction de production de sens des partis et sa dimension communicationnelle. Fabienne Greffet examine la place des partis français sur le web. Comment les acteurs, individuels ou collectifs, se sont-ils saisis de la communication électronique et à quels «partis» renvoient-ils? A travers cette interrogation, il s'agit de comprendre de nouvelles pratiques de participation et de mobilisation, qui mettent en question 14 les définitions classiques des partis. Dans le même temps, la communication électronique apparaît davantage, pour les «grands» partis, comme un révélateur d'identités que comme le vecteur de nouvelles pratiques. Laurent Olivier analyse la difficile construction d'une identité social-démocrate par le Parti socialiste dans un contexte de recomposition idéologique autour du débat sur la « troisième voie ». Il montre que les socialistes français, tout en revendiquant une ouverture à une social-démocratie modernisée, préservent un principe d'altérité qui garde le parti de la tentation social-libérale. Benoît Verrier s'efforce de montrer à travers l'exemple de la question corse que l'identité politique de Jean-Pierre Chevènement fait l'objet d'investissements et d'usages diversifiés, qui ne passent pas nécessairement par l'encadrement partisan. Le fait politique prend en l'occurrence une dimension que l'on pourrait qualifier de «métapartisane». Ce texte témoigne de la rupture entre approche organisationnelle et approche relationnelle dans la manière de faire de la politique (et de l'analyser). Mwayila Tshiyembé revient sur le discours des partis «ultranationalistes» en France, en Autriche et en Belgique. Il souligne combien celui-ci influence les thématiques et la stratégie des «partis de gouvernement» et, en conséquence, l'action publique dans différents domaines. Tanguy Wuillème, enfin, évoque l'impact et les enjeux de la communication politique sur les partis. Après avoir constaté les oublis de la recherche sur les relations entre les partis et la communication politique, il propose des voies d'analyse qui tentent de prendre en compte l'ensemble des paramètres pour renouveler la compréhension du rôle des partis. L'ouvrage se termine par une réflexion sur la dimension juridique du phénomène partisan. Elle permet de soulever le paradoxe d'un phénomène partisan souvent marginalisé et dévalorisé, mais de plus en plus institutionnalisé et régulé par le droit. Sophie Bourrel s'interroge d'abord sur la place des partis politiques dans la Constitution de la Cinquième République. Le « statut» que celle-ci confère aux partis s'avère ambivalent et paradoxal. Cependant, au-delà des silences de l'article 4, la réglementation des campagnes électorales et les modes de financement des partis politiques découlent de celui-ci et, depuis une dizaine d'années, encadrent strictement les activités partisanes. Mais la juridicisation de ces activités consiste également en un processus interne aux partis, souvent ignoré. Abel Hermel se propose 15 d'aborder la question. Il montre les spécificités et l'évolution de la réglementation interne aux partis politiques avant de souligner la faible efficacité de ces mécanismes de régulation voire leur détournement par les «professionnels », notamment les élus, ce qui contribue à creuser les clivages tant avec la «base» que, plus largement, avec la société civile. Etienne Criqui observe et envisage les effets de la réglementation relative à la parité dans les stratégies partisanes. Il développe qu'au-delà d'une unanimité de façade, pour ne pas se démarquer d'une sorte de consensus touchant à cette question, la parité a un coût important pour les partis: risques de dissidences, dépossession éventuelle des appareils, voire, paradoxalement, appauvrissement militant. La déclinaison de ces perspectives est bien sûr loin d'épuiser le sujet. Parfois, il s'agit de pistes de recherche, d'hypothèses, que des travaux ultérieurs doivent confirmer. Ces contributions présentent sans doute le défaut de privilégier le cas français, même si d'autres lieux Allemagne, Autriche, Belgique, Union européenne - font également l'objet d'investigations. L'enchaînement de ces regards croisés renvoie au caractère unique et multiple, contradictoire et cohérent, invariant et mutant des partis politiques. Bibliographie - Agrikoliansky (E.), 2000, Les partis politiques en France au 20e siècle, Paris, Armand Colin, « Synthèse ». - Borella (F.), 1990, Les partis politiques dans la France d' aujourd' hui, Paris, Seuil, « Points». - Bréchon (P.), 1999, Les partis politiques, Paris, Montchrestien, « Clefs». - Dreyfus (F.), dir., 2000, Nouveaux partis, nouveaux enjeux, Paris, Publications de la Sorbonne. - Donegani (J.-M.), Sadoun (M.), 1994, La démocratie imparfaite. Essai sur le parti politique, Paris, Gallimard, « Folio ». 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