BORIS, DEFICIENT VISUEL, ET SPORTIF COMME LES AUTRES.

Transcription

BORIS, DEFICIENT VISUEL, ET SPORTIF COMME LES AUTRES.
BORIS, DEFICIENT VISUEL, ET SPORTIF COMME LES AUTRES.
Boris(1) est mélomane, une passion qu’il conjugue au quotidien puisqu’il en a fait son métier et pour
se divertir ou se défouler, il y la compétition sportive. Déficient visuel, il pratique le Torball(3) depuis 19
ans, dont 15 années en championnat. Le torball, Boris considère cette discipline comme son sport de
prédilection. A vos marques pour L’interview d’un sportif… comme les autres.
HANDI-Actu : Que vous apporte la pratique régulière d’un sport de niveau championnat ?
« En tant que personne en situation de handicap, je dirai que la pratique régulière d’un sport ne
m’apporte rien de plus qu’à une personne valide. C’est pourquoi ce genre de question me fait toujours
sourire un peu. Le sport, et à fortiori le sport de haut niveau, conforte mon esprit de compétition allié
aux valeurs d’entraide et de solidarité. Car ce que j’aime dans la compétition, c’est avant tout
l’affrontement s’il demeure convivial, les comparaisons de niveaux. Comme la plupart des sportifs, audelà de la performance physique, j’apprécie ce que l’on appelle communément « la troisième mitemps ». Vous voyez, je ressemble à un sportif comme beaucoup d’autres. En revanche, la pratique
du torball a quelque chose de plus ».
HANDI-Actu : Et quel est ce plus ?
« C’est selon moi un sport à part. Le torball pour une personne déficiente visuelle et même pour une
personne valide, (puisque depuis peu ce sport est ouvert aux valides) contribue à développer des
sens très utiles dans la vie de tous les jours et encore bien davantage dans la vie de personnes en
situation de handicap visuel. Je pense à la concentration, l’écoute, l’analyse des mouvements,
l’acquisition de nouveaux réflexes de défense, d’attaque, d’esquive, la vitesse alliée à l’adresse, la
maîtrise d’un espace, … car, sur le terrain, on ne se promène pas avec une canne blanche ! Au
torball, on doit apprendre à se déplacer sur la zone de jeu sans heurter son co-équipier. Sans oublier
que, comme tout sport d’équipe, il forme un rempart contre l’isolement.
Vous savez, pour une personne handicapée, un sens en moins signifie que les autres sens viennent
en compensation et c’est là que le torball revêt une importance particulière, car il aide à aller plus loin
dans la maîtrise des aptitudes sensitives, et d’une certaine façon à combler les manques. Cela dit, le
torball est exigeant et bien que les matchs durent deux fois cinq minutes, les facultés perceptives et
cognitives, sont exacerbées. C’est parfois épuisant, car même si pour un public non initié ces temps
de jeux paraissent courts, je peux vous certifier qu’au cours de la partie, la vigilance doit être à son
zénith pour détecter la trajectoire d’une balle, les passes de l’équipe adverse… Il ne faut jamais lâcher
le ballon de l’oreille ; pour ce faire, le silence absolu doit dominer la rencontre. Je me souviens d’un
tournoi de démonstration que nous avons disputé lors d’un match du BBCD* en guise d’intermède…
Impressionné par la précision des joueurs et captivés par le spectacle, le public silencieux s’était vite
pris au jeu et au final les réactions ont été très chaleureuses. Un très beau souvenir pour moi.
Oui j’aime le torball et j’ai du m’accrocher pour le pratiquer à un haut niveau : à l’école, les médecins
n’étaient pas tous favorables à cette pratique car il me restait un oeil valide et fragile… Je pratique
d’autres sports, notamment pour compléter mon entraînement physique et je tiens à souligner, en tant
que personne handicapée, le monde sportif me convient. L’approche est toujours plus détendue et
ouverte que dans d’autres domaines pourtant clairement estampillés « loisirs ». Je vise là, certains
patrons de discothèques qui souvent m’interdisent l’accès à leur établissement, au motif qu’il y a des
escaliers… Dans les salles de sports, je n’ai jamais rien entendu de ce genre. Enfin, j’aime le torball
car c’est le seul sport, à ma connaissance, qui n’a pas été adapté du monde valide vers le monde des
personnes handicapées et les règles du jeu ont été bâties en connaissance de cause. Qui plus est, au
torball nous ne faisons jamais preuve d’ostracisme : des personnes valides commencent à intégrer
nos équipes. ».
HANDI-Actu : A écouter votre description du torball, il apparaît que ce sport a des vertus
sensorielles très recherchées notamment par beaucoup de personnes valides, de plus il peut
être perçu comme un sport spectacle ? Comment se fait-il selon vous que les compétitions de
championnat ne soient pas relayées au niveau local et national ?
« Ce que vous évoquez, c’est un peu le problème de tous les jours. Pourquoi les chefs d’entreprises
sont-ils si réticents à embaucher des personnes handicapées malgré les lois qui les y incitent ?
Pourquoi conserve t-on nos complexes en France vis à vis de la population en situation de handicap ?
Peut-être les causes sont-elles à puiser dans notre histoire collective et culturelle. Longtemps, les
personnes handicapées ont été cachées en France et même si les barrières commencent à s’atténuer
il y a encore du chemin à parcourir… On voit bien que c’est loin d’être évident… Le torball est quasi
inconnu en France, alors qu’aux USA, les compétitions handisports font salles combles…
Les 12 et 13 mai derniers, s’est tenu, au Palais des Sports de Besançon, une compétition d’envergure
nationale. Tous les médias locaux ont été prévenus et conviés pour couvrir l’événement,… Seuls l’Est
Républicain et BVV ont consacré un entrefilet à la rencontre, et ce n'était pas à la page des "sports" !
Pourquoi les sports pratiqués par des personnes handicapées n’y auraient-ils pas leur place ? Quand
je pose cette question les médias me rétorquent que le grand public n’est pas intéressé par les
performances des sportifs handicapés. Ce raisonnement est absurde, la presse a un rôle à jouer pour
attirer le public valide à nos compétitions. C’est un peu comme ce qui se passe au Darfour, les
massacres ne datent pas d’aujourd’hui mais les médias s’y intéressent seulement maintenant, et,
depuis le grand public fait de même … »
FMB
Quelques phots prises lors de l'entraînement des joueurs de torball au foyer Résal de Besançon :
(1) Prénom d’emprunt.
(2) BBCD : Besançon Basket Comté Doubs
(3) Définition et bref historique du Torball :
Le TORBALL (prononcer tor-bal) se pratique les yeux recouverts d’un masque opaque. C’est un sport
quasiment réservé aux déficients visuels. Créée en Allemagne en 1955, il est introduit en France en
1970 et organisé en compétition internationale depuis 1988. Il ne figure pas au programme des jeux
paralympiques. Le torball est un sport pratiqué par les femmes et les hommes, mais n’est pas mixte. Il
est joué entre deux équipes de trois joueurs (deux ailiers et un avant centre). L’objectif est de marquer
le plus grand nombre de buts au cours, des deux mi-temps de cinq minutes effectives. L’aire de jeu
mesure 16 m de long sur 7 m de large ; les buts s’étendent sur chaque largeur et s’élèvent à 1,30 m.
Le ballon de torball est de la taille d’un ballon de volley ball, contenant de la grenaille de fer, ce qui le
rend sonore. Le lancer de ballon se fait à la main, il doit raser le sol et ne pas excéder une hauteur de
40 cm. Des ficelles sonores permettent de contrôler si cette hauteur est respectée. Dans chaque zone
de jeu, 3 tapis de 1 m par 2 m sont scotchés au sol et servent de repères aux joueurs.
En attaque, les joueurs doivent lancer le ballon en dessous des ficelles sans jamais les toucher, ni
passer par-dessus, afin de les faire rentrer dans le but adverse.
En défense, l’équipe doit se positionner en fonction de la trajectoire du ballon, puis dès qu’il quitte les
mains de l’adversaire, plonger sur le côté de manière à former un « mur » qui retient le ballon.
☺ Pour en savoir plus :
www.handisport.org (avec une page dédiée au torball)