Centrale à cycle combiné du Suroît par Hydro

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Centrale à cycle combiné du Suroît par Hydro
Révision de la numérotation des règlements
Veuillez prendre note qu’un ou plusieurs numéros de règlements
apparaissant dans ces pages ont été modifiés depuis la publication du présent
document. En effet, à la suite de l’adoption de la Loi sur le Recueil des lois
et des règlements du Québec (L.R.Q., c. R-2.2.0.0.2), le ministère de la
Justice a entrepris, le 1er janvier 2010, une révision de la numérotation de
certains règlements, dont ceux liés à la Loi sur la qualité de l’environnement
(L.R.Q., c. Q-2).
Pour avoir de plus amples renseignements au sujet de cette révision, visitez
le http://www.mddep.gouv.qc.ca/publications/lois_reglem.htm.
Rapport d’analyse
environnementale
Centrale à cycle combiné du Suroît
par Hydro-Québec
à Beauharnois
Dossier 3211-12-073
Le 8 décembre 2003
ÉQUIPE DE TRAVAIL
Chargée de projet :
Renée Loiselle, B.Sc. Géologie
Direction des évaluations environnementales
Service des projets industriels et en milieu nordique
Analyste :
Marie-Claude Théberge, ing. M.Sc.
Direction des évaluations environnementales
Service des projets industriels et en milieu nordique
Révision de textes et éditique : Jacinthe Bergeron
Secrétaire
Direction des évaluations environnementales
Sylvane Morissette
Agente d’information
Direction des évaluations environnementales
Ministère de l’Environnement
Direction des évaluations environnementales
SOMMAIRE EXÉCUTIF
Pour combler la demande québécoise croissante en électricité, plus particulièrement à l’hiver
2006-2007, Hydro-Québec projette de construire et d’exploiter une centrale à cycle combiné au
gaz naturel d’une puissance de 807 MW sur le territoire de la ville de Beauharnois (secteur
Melocheville), sur la rive droite du canal de Beauharnois. Hydro-Québec prévoit exploiter cette
centrale, le Suroît, comme centrale de base à longueur d’année, et ce, à compter de l’été 2007.
Hydro-Québec désire également, par ce projet, profiter des occasions d’affaires rentables sur les
marchés de gros au Québec et en périphérie. Le projet représente un investissement d’environ
550 millions de dollars ainsi que la mobilisation de 650 travailleurs sur trois ans pour la
construction de la centrale (emplois directs et indirects). Son exploitation créerait une trentaine
d’emplois directs spécialisés et plus de 400 emplois indirects.
Ce projet est assujetti à la procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement
en vertu de l’article 2, paragraphe l, du Règlement sur l’évaluation et l’examen des impacts sur
l’environnement (c. Q-2, r. 9) qui vise « la construction, la reconstruction et l’exploitation
subséquente d’une centrale hydroélectrique ou d’une centrale thermique fonctionnant aux
combustibles fossiles, d’une puissance supérieure à 5 MW ».
Le projet initial présenté par Hydro-Québec dans le cadre de la procédure a par la suite été
modifié. Ce nouveau projet est similaire au projet original : il s’agit toujours d’une centrale à
cycle combiné au gaz naturel, mais faisant appel à une nouvelle technologie légèrement plus
performante sur le plan de l’émission des gaz à effet de serre (GES) et ayant une meilleure
efficacité énergétique. La production de GES du Suroît passe ainsi de 353 tonnes par
gigawattheure produit à 334 tonnes par gigawattheure, soit une diminution de 5 %, alors que
l’efficacité énergétique, à 58 % dans le projet original, est maintenant de 60 %. Le Suroît
représente la façon la plus efficace, pour une centrale à cycle combiné sans cogénération, de
produire de l’électricité à partir du gaz naturel. Concrètement, cette amélioration de la
performance de l’efficacité énergétique de la centrale devrait éliminer le risque de brouillard et
de glaçage sur l’autoroute 30.
Le principal enjeu environnemental du projet est l’émission de GES. L’exploitation de la centrale
conduirait à une augmentation de 2,6 % des GES québécois produits en 2001 et de 0,31 % des
émissions canadiennes de la même année. On prévoit présentement que le Plan du Canada sur les
changements climatiques, lors de sa mise en œuvre éventuelle, imposera à Hydro-Québec
d’assumer les coûts d’émissions associés à la production de GES, compensant ainsi l’impact de
l’augmentation des GES due au Suroît. Au plan de l’environnement local et régional, les impacts
sont mineurs et peuvent être corrigés par des mesures d’atténuation appropriées. La qualité de
l’air, notamment, que ce soit au voisinage de la centrale ou dans la région montréalaise, ne
devrait pas être affectée par le projet.
De l’avis d’Hydro-Québec, la centrale thermique du Suroît serait nécessaire d’abord pour
combler la demande québécoise croissante en électricité entre 2007 et 2010, une période pendant
laquelle l’initiateur de projet prévoit que la demande domestique pourrait excéder sa capacité de
production. Hydro-Québec dit vouloir également profiter pleinement des occasions d'affaires
rentables sur les marchés de gros au Québec et en périphérie. De l’avis du ministère des
-2Ressources naturelles, de la Faune et des Parcs (MRNFP), sans la construction du Suroît, le
Québec pourrait se retrouver en situation déficitaire au niveau de l’électricité et dépendre des
marchés extérieurs à cause du risque relié à une faible hydraulicité, d’une croissance plus forte
de la demande et du retard dans la mise en service des projets hydroélectriques. Le MRNFP
conclut donc à la nécessité du projet.
Si les conditions d’autorisation spécifiées au décret sont respectées et lorsque les émissions de
gaz à effet de serre seront compensés à la suite de la mise en œuvre du Plan du Canada sur les
changements climatiques, cette centrale devrait s’avérer une diversification intéressante du
portefeuille énergétique québécois, ajoutant au réseau une puissance importante tout en étant
acceptable sur le plan de l’environnement.
TABLE DES MATIÈRES
Équipe de travail ............................................................................................................................ i
INTRODUCTION..........................................................................................................................1
1
PROJET.................................................................................................................................1
1.1 Raison d’être du projet...................................................................................................1
1.2 Description du projet et de ses composantes .................................................................2
2
ANALYSE ENVIRONNEMENTALE................................................................................4
2.1 Analyse de la raison d’être du projet .............................................................................4
2.2 Enjeux environnementaux .............................................................................................5
2.2.1
Gaz à effet de serre ...........................................................................................5
a) Augmentation prévue................................................................................6
b) Engagements québécois ............................................................................6
c) Mesures de compensation .........................................................................6
d) Bilan de l’enjeu .........................................................................................7
2.2.2
Efficacité énergétique.......................................................................................7
2.2.3
Retombées économiques ..................................................................................8
2.3 Autres impacts du projet ................................................................................................9
2.3.1
Gestion de l’eau................................................................................................9
a) Quantité d’eau utilisée ..............................................................................9
b) Ségrégation des eaux.................................................................................9
c) Rejets liquides...........................................................................................9
d) Structures en milieu aquatique : prise d’eau et émissaire .......................10
2.3.2
Émissions atmosphériques..............................................................................10
a) Émissions à la cheminée .........................................................................10
b) Qualité de l’air ambiant ..........................................................................11
2.3.3
Gestion des sols et des sédiments...................................................................12
2.3.4
Bruit................................................................................................................12
2.3.5
Gestion des risques .........................................................................................13
a) Analyse de risques technologiques .........................................................13
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- ii b)
Plan des mesures d’urgence ....................................................................15
2.3.6
Panache de vapeur ..........................................................................................15
2.3.7
Impacts sur la santé ........................................................................................16
2.3.8
Impacts socio-économiques............................................................................16
2.4 Évaluation stratégique..................................................................................................17
Filières de production.....................................................................................17
L’offre et la demande ......................................................................................18
Exportations et importations...........................................................................20
3
CONCLUSION ...................................................................................................................20
ANNEXES ......................................................................................................................................2
Principales constatations du rapport d’enquête et d’audience du Bureau d’audiences
publiques sur l’environnement.......................................................................................3
Liste des organismes gouvernementaux et des unités sectorielles du Ministère consultés ....9
Chronologie des étapes importantes du projet......................................................................12
Les projets d’énergie électrique au 26 novembre 2003 ........................................................13
Ministère de l’Environnement
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- iii LISTE DES FIGURES
Figure 1 Localisation du projet ……….. .....................................................................................2
Figure 2 Schéma du procédé de la centrale à cycle combiné.......................................................3
Ministère de l’Environnement
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INTRODUCTION
Le présent rapport constitue l’analyse environnementale du projet de construction d’une centrale
thermique à cycle combiné, la centrale du Suroît, sur le territoire de la municipalité de
Beauharnois, par Hydro-Québec.
La section IV.1 de la Loi sur la qualité de l’environnement (L.R.Q., c. Q-2) présente les
modalités générales de la procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement.
Le projet du Suroît est assujetti à cette procédure en vertu du paragraphe l de l’article 2 du
Règlement sur l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement (R.R.Q., 1981, c. Q-2,
r. 9), puisqu’il concerne la construction et l’exploitation subséquente d’une centrale thermique
fonctionnant aux combustibles fossiles, d’une puissance supérieure à 5 MW.
La réalisation de ce projet nécessite la délivrance d’un certificat d’autorisation du gouvernement.
Un dossier relatif à ce projet (comprenant notamment l’avis de projet, la directive du ministre,
l’étude d’impact préparée par l’initiateur de projet et les avis techniques obtenus des divers
experts consultés) a été soumis à une période d’information et de consultation publiques de
45 jours qui a eu lieu à Beauharnois du 4 juin au 19 juillet 2002.
À la suite des demandes d’audiences publiques sur le projet, le ministre de l’Environnement a
donné au Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) le mandat de tenir une
audience. Les principales constatations du rapport du BAPE sont résumées à l’annexe 1 du
présent rapport. Des renseignements supplémentaires sur le projet, modifiant certaines
caractéristiques techniques du projet, ont été présentés au ministère de l’Environnement (MENV)
le 11 février 2003 et le 2 décembre 2003.
Sur la base des informations fournies par l’initiateur et de celles issues des consultations
publiques, l’analyse effectuée par les spécialistes du MENV et du gouvernement (voir l’annexe 2
pour la liste des unités du MENV, ministères et organismes consultés) permet d'établir, à la
lumière de la raison d'être du projet, l’acceptabilité environnementale du projet, la pertinence de
le réaliser ou non et, le cas échéant, d’en déterminer les conditions d'autorisation. Les principales
étapes précédant la production du présent rapport sont consignées à l’annexe 3.
Ce rapport présente le contexte du projet, dont sa raison d’être, et une description générale de
celui-ci, ainsi que l’analyse environnementale identifiant les principaux enjeux et quelques autres
impacts d’intérêt. Suit une section sur l’évaluation stratégique du projet. La conclusion et les
recommandations quant aux modalités de réalisation du projet, le cas échéant, sont également
énoncées.
1
1.1
PROJET
Raison d’être du projet
Selon Hydro-Québec, la centrale thermique du Suroît serait nécessaire d’abord pour combler la
demande québécoise croissante en électricité entre 2007 et 2010, une période pendant laquelle
l’initiateur du projet prévoit que la demande domestique pourrait excéder sa capacité de
production. Les prévisions de la croissance de la demande ont été reconnues par l’adoption par la
Ministère de l’Environnement
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-2Régie de l’énergie du plan d’approvisionnement d’Hydro-Québec. De la même façon, le Plan
stratégique 2002-2006 d’Hydro-Québec, qui décrit la façon dont la société d’État entend combler
la demande, a été approuvé par le Conseil des ministres. Ce plan annonce qu’Hydro-Québec
« entend amorcer et réaliser, de manière sélective, des projets de centrales thermiques
d’importance ».
Un autre élément du plan stratégique, « saisir les occasions d’affaires à l’international », est
repris dans l’étude d’impact où l’initiateur de projet déclare vouloir « profiter pleinement des
occasions d'affaires rentables sur les marchés de gros au Québec et en périphérie ». C’est là la
seconde raison d’être du projet.
1.2
Description du projet et de ses composantes
Le projet d’Hydro-Québec consiste à construire et à exploiter une centrale à cycle combiné
alimentée au gaz naturel, d’une puissance nominale de 807 MW. Cette centrale, la centrale du
Suroît, serait située sur la rive droite du canal de Beauharnois dans la municipalité du même
nom, dans le secteur Melocheville (voir Figure 1).
Figure 1 : Localisation du projet
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-3-
Hydro-Québec vise à utiliser cette centrale comme une centrale de base, qui fonctionnerait 90 %
du temps. Alors que dans l’étude d’impact originale l’initiateur de projet étudiait quatre
alternatives différentes de turbine, Hydro-Québec, dans les dernières modifications au projet, a
choisi d’utiliser la turbine 107 H de General Electric, d’une conception si récente que son
utilisation n’avait pas été considérée dans l’étude d’impact originale. Deux de ces turbines seront
installées, permettant à la centrale de produire 807 MW aux conditions de 15 °C et une pression
atmosphérique de 1 bar. La puissance maximale de la centrale, atteinte lorsque la température
extérieure est d’environ –27 °C, est de 968 MW.
Une centrale à cycle combiné comprend deux étapes de production d’énergie : les gaz
d’échappement résultant de la combustion du gaz naturel actionnent une première turbine,
appelée turbine à combustion, couplée à un alternateur; en deuxième étape, la chaleur de ces gaz
d’échappement est récupérée dans une chaudière où de l’eau se transforme en vapeur. Cette
vapeur actionne une deuxième turbine, appelée turbine à vapeur, reliée au même alternateur.
Avec la turbine 107 H de General Electric, ces deux stades de turbine permettent d’atteindre une
efficacité énergétique de 60 %. Un schéma du procédé, tiré des documents déposés, est présenté
à la Figure 2.
Figure 2 : Schéma simplifié de procédé
Ministère de l’Environnement
Direction des évaluations environnementales
-4-
Le schéma décrit comment l’énergie contenue dans le gaz naturel est répartie dans le procédé : la
plus grande proportion de cette énergie (60 %) est transformée en électricité, alors que les pertes
d’énergie se situent au niveau du rejet d’eau chaude (30,8 %) et de la cheminée (7,2 %). La
centrale projetée comprendra deux groupes identiques.
La source de refroidissement choisie pour condenser la vapeur avant son retour dans la chaudière
de récupération est une circulation d’eau provenant du canal de Beauharnois. En effet, 12,4 m³/s
d’eau proviendront du canal par une prise d’eau reliée à une station de pompage sur la rive et
seront mis en contact indirect avec la vapeur, puis retournés au canal par un émissaire muni de
diffuseurs.
L’implantation de la centrale nécessitera la construction d’une conduite de gaz reliant la centrale
au gazoduc de TransCanada PipeLines passant à environ 1,7 km au sud-ouest du site. Cette
conduite sera implantée par TransCanada PipeLines. Également, pour acheminer l’énergie
électrique produite par la centrale vers le poste de Léry, situé à 1,5 km au sud-est de
l’emplacement retenu pour la centrale, Hydro-Québec TransÉnergie construira une ligne de
transmission à 315 kV. La conduite de gaz et la ligne de transmission ne sont pas assujetties au
Règlement sur l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement (RÉEIE), étant de
dimensions inférieures aux seuils réglementaires, et feront l’objet d’autorisations distinctes.
La centrale projetée pourrait être mise en service à l’été 2007 et fournir de la puissance
additionnelle dès l'hiver 2007-2008. Le projet représente un investissement de l'ordre de
550 millions de dollars ainsi que la mobilisation de 650 travailleurs sur trois ans pour la
construction de la centrale (emplois directs et indirects). Son exploitation créerait une trentaine
d’emplois directs spécialisés et plus de 400 emplois indirects.
En octobre 2003, Hydro-Québec a conclu une entente avec General Electric en vue de
l’utilisation de la turbine 107 H pour le projet du Suroît. Cette entente prévoit que la
construction, le financement et l’exploitation de la centrale seront sous la responsabilité de
General Electric alors qu’Hydro-Québec Production assumera l’achat du gaz naturel nécessaire à
la centrale ainsi que la vente de l’électricité sur les marchés.
2
2.1
ANALYSE ENVIRONNEMENTALE
Analyse de la raison d’être du projet
Hydro-Québec présente ce projet comme étant d’abord la façon de combler la différence entre la
demande interne d’électricité et sa capacité de produire entre 2007 et 2010. Différents calculs,
dont ceux du BAPE, contredisent cette hypothèse. De toute façon, la réalité des marchés actuels,
qui permet d’exporter facilement de l’électricité, permet d’en importer tout aussi facilement pour
combler la période avant la mise en service des nouveaux projets hydroélectriques. La pointe de
janvier 2003, pendant laquelle Hydro-Québec n’a pu suffire à la demande interne et a dû
importer, démontre justement que l’importation est possible.
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-5La seconde raison d’être du projet, celle de réaliser des profits, est plus simple à justifier.
« Profiter des occasions d’affaires » se motive facilement dès qu’on réalise que 50 % des profits
d’Hydro-Québec sont versés au trésor québécois.
Hydro-Québec dispose dans son parc de production d’une puissance électrique d’environ
38 000 MW. Les centrales hydroélectriques produisent 94 % de cette puissance, le reste étant
produit par des centrales thermiques alimentées par des produits pétroliers (4,2 %) et une
centrale nucléaire (1,7 %). De plus, plusieurs projets de différente nature (hydroélectrique,
thermique, cogénération, biomasse, éolien et économies d’énergie) sont en préparation.
L’Annexe 4 énumère les projets présentement à l’étude ainsi que les projets et programmes ayant
fait l’objet d’une annonce publique. La production d’Hydro-Québec suffit généralement à la
demande actuelle, qui a atteint une pointe de 35 000 MW en janvier 2003, moment où
Hydro-Québec a dû acheter de l’électricité à l’extérieur.
Apparier la production à la demande interne ne tient pas compte des autres raisons de produire. Il
peut s’agir de faire des réserves (comme le permettent les réservoirs des centrales
hydroélectriques) ou encore de profiter de la demande américaine ou ontarienne, activité qui
s’est révélée très lucrative depuis l’ouverture des marchés.
La justification d’un projet d’énergie est du ressort du ministère des Ressources naturelles, de la
Faune et des Parcs (MRNFP), dont le mandat comprend la mise en valeur des ressources
énergétiques et l’obligation d’assurer la sécurité des approvisionnements énergétiques québécois.
Selon le MRNFP, sans la construction du Suroît, « le Québec pourrait se retrouver en situation
déficitaire au niveau de l’électricité et dépendre des marchés extérieurs » à cause du « risque
relié à une faible hydraulicité, d’une croissance plus forte de la demande et du retard dans la mise
en service des projets hydroélectriques ». Le MRNFP considère donc que le projet est justifié.
2.2
Enjeux environnementaux
Les enjeux d’un projet sont définis comme étant des pertes ou des gains importants qu’un projet
peut engendrer dans un milieu. Ils peuvent concerner tant le milieu social que le milieu
biophysique.
L’enjeu principal pour le projet à l’étude est l’augmentation des gaz à effet de serre. L’efficacité
énergétique du projet et ses retombées économiques sont également des enjeux. Sous la rubrique
« autres impacts » sont présentés des impacts moins importants, soit la gestion de l’eau, les
émissions atmosphériques autres que les GES, la gestion des sols et des sédiments, le bruit, la
gestion des risques, le panache de vapeur, les impacts sur la santé et les impacts socioéconomiques.
2.2.1
Gaz à effet de serre
L’atmosphère terrestre contient naturellement plusieurs gaz qui maintiennent la température
terrestre à l'intérieur de limites relativement confortables pour l’être humain : c’est l’effet de
serre naturel. Sans ces gaz dits gaz à effet de serre, la température moyenne sur terre serait de –
18 °C, au lieu de 15 °C. Au cours des derniers siècles, l’activité humaine, particulièrement les
combustions, a produit assez de GES pour accentuer l’effet de serre naturel. L’équilibre qui
permettait de maintenir la température moyenne à 15 °C a été rompu et on constate que la
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Direction des évaluations environnementales
-6température globale augmente. Face à ce phénomène, la communauté internationale a mis en
place diverses mesures, dont l’entente internationale du Protocole de Kyoto. Ce protocole prévoit
que le Canada devra réduire, d’ici 2010, ses émissions de GES à un niveau inférieur de 6 % aux
émissions de 1990. On comptabilise les émissions de GES en termes d’équivalent CO2 : cette
mesure est établie pour chaque GES suivant son potentiel de réchauffement planétaire (PRP) en
comparaison avec le CO2 dont le PRP équivaut à 1.
a) Augmentation prévue
Le Suroît consommera annuellement entre 1,1 et 1,3 milliard de mètres cubes de gaz naturel, ce
qui représente 20 % de la consommation québécoise de ce combustible. Les gaz de combustion
rejetés à l’atmosphère contiendront 4 % de CO2, ce qui causera des émissions annuelles estimées
à 2,25 millions de tonnes équivalent CO2. Ces émissions représentent 2,62 % des émissions
québécoises de 2001 (86 millions de tonnes) et 0,31 % des émissions canadiennes (720 millions
de tonnes). Ces émissions feraient du Suroît la plus importante source ponctuelle de GES au
Québec.
b) Engagements québécois
La position du Québec dans la lutte contre les changements climatiques est présentée dans le
Plan d’action québécois 2000-2002 sur les changements climatiques. Ce plan d’action précise
également les enjeux québécois et les objectifs poursuivis et il propose un ensemble
d’orientations et d’actions concernant toute la société québécoise. Une de ces orientations
s’énonce ainsi : « Le gouvernement du Québec entend favoriser les énergies renouvelables pour
satisfaire la demande des marchés », et c’est sous ce titre que l’on peut lire « L’intention du
gouvernement est donc de restreindre l’usage de ces centrales (il s’agit des centrales thermiques)
à la satisfaction des besoins de pointe des Québécois ». Les discussions de la Commission
parlementaire sur les transports et l’environnement, lors de sa consultation de février 2003 sur la
mise en œuvre du Protocole de Kyoto au Québec, ont confirmé les intentions québécoises de
réduire les émissions de GES de 6 % sous les émissions de 1990.
c) Mesures de compensation
Il n’existe présentement aucune technologie éprouvée de réduction ou de captation des GES
pouvant s’appliquer à un projet de cette taille. L’impact de la production de GES étant planétaire,
et non local ou régional, les mesures de compensation devraient s’appliquer à cette échelle. La
seule façon de compenser les émissions de GES du Suroît serait l’achat de crédits d’émissions,
comme cela commence à se faire sur le marché international. Cependant, les règles régissant ce
type de transaction sont encore mal définies.
Le Canada a ratifié, en décembre 2002, son engagement au Protocole de Kyoto. L’adoption de
celui-ci par la communauté internationale reste cependant incertaine. Si le protocole entre en
vigueur, les efforts pour atteindre la réduction visée seront déterminés par le Plan du Canada sur
les changements climatiques, qui répartira ces efforts entre les provinces et les différents secteurs
d’activité économique. Si le Protocole de Kyoto n’est pas sanctionné, on prévoit qu’un
mécanisme équivalent pourrait se mettre en place et que les droits d’émission se transigeraient
selon les lois du marché. D’une façon ou d’une autre, Hydro-Québec aura donc à assumer le
fardeau des émissions de GES associées au Suroît.
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-7d) Bilan de l’enjeu
Notons d’entrée de jeu que dans plusieurs régions du globe, la technologie proposée est
considérée comme une technologie propre, apte à réduire les émissions de GES. Présentement,
on prévoit même que la filière thermique au gaz naturel pourrait servir de référence pour
déterminer les droits d’émission à compenser. Chez nos voisins immédiats, en Ontario et aux
États-Unis, une centrale à cycle combiné au gaz naturel est ce qui se construit actuellement pour
remplacer les centrales au mazout ou au charbon, dans un effort de réduction de GES, ainsi qu’en
réaction à d’autres problématiques environnementales comme les pluies acides. En ceci, le
Québec est pénalisé par le fait que sa production d’électricité étant presque exclusivement
hydroélectrique, la moindre production thermique ajoute une proportion importante de GES à
son bilan d’émissions du secteur énergétique.
Rien dans la réglementation actuelle ne s’oppose à une augmentation, même aussi importante,
des émissions de GES au Québec. Cependant, l’implantation de la centrale du Suroît irait à
l’opposé des intentions gouvernementales exprimées dans le Plan d’action cité plus haut.
D’autre part, quand un système d’échange de droits d’émission sera mis en place, que ce soit
dans le cadre du Protocole de Kyoto ou autrement, Hydro-Québec aura à assumer les coûts de
ces droits en les intégrant dans ses dépenses1, annulant ainsi l’impact du projet sur les
engagements québécois en matière de GES.
2.2.2
Efficacité énergétique
Le projet du Suroît consiste, en termes les plus simples, à extraire du gaz naturel une certaine
quantité d’énergie électrique. La technologie du cycle combiné permet d’utiliser la chaleur
résiduelle de la combustion du gaz naturel pour produire de la vapeur actionnant une seconde
turbine. Il est ainsi possible d’extraire du gaz naturel, au total, 60 % de l’énergie qu’il contient,
cette énergie étant transformée en électricité. Avant la mise au point de la turbine 107 H
proposée, le taux d’efficacité maximum d’une centrale à cycle combiné était de 58 %.
D’entrée de jeu, l’utilisation de gaz naturel pour produire de l’électricité qui servira
éventuellement à chauffer des résidences est peu efficace. Le procédé de la centrale évacue, par
les cheminées et le rejet d’eau chaude, 38 % de l’énergie potentielle du gaz naturel. D’autres
pertes d’énergie se produisent dans le transport vers les résidences et la circulation de l’énergie
dans les plinthes électriques. Le chauffage au gaz naturel, par contre, est très efficace et utilise
environ 95 % du potentiel énergétique de ce gaz. Cependant, les choix faits dans le passé
(encourager le chauffage électrique, limiter l’extension du réseau gazier) ne permettent pas de
poursuivre présentement cette possibilité, et il ne s’agit pas du projet sous étude.
Une autre technologie thermique de production d’électricité à considérer est celle de la
cogénération, qui extrait du combustible utilisé deux formes d’énergie : de l’électricité et de la
chaleur. Un exemple classique de cette technologie est celui d’une usine de pâtes et papiers qui
brûle des écorces, des déchets de procédé ou d’autres combustibles dans une chaudière
produisant de la vapeur, qui envoie cette vapeur à haute pression vers un groupe turbogénérateur
pour produire de l’électricité et qui récupère la vapeur à basse pression dans les machines à
1
Présentement, on estime que les droits d’émission pourraient se transiger autour de 0,1 ¢ le kWh.
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-8papier. Ce type d’utilisation du combustible, dans les meilleures conditions, peut avoir une
efficacité de plus de 70 %2. Ajoutons cependant que les projets de cogénération les plus efficaces
sont conçus en fonction du client vapeur et qu’ils sont généralement d’une puissance électrique
bien inférieure aux 807 MW envisagés par Hydro-Québec pour le projet du Suroît.
Le projet tel que présenté ne permet pas de faire de la cogénération. Cependant, l’eau de
circulation rejetée dans le canal de Beauharnois après avoir condensé la vapeur présente une
différence de température avec l’eau du canal pouvant atteindre 10 ºC. L’utilisation de cette eau
chaude, tout en n’étant pas de la cogénération, pourrait quand même améliorer légèrement
l’efficacité énergétique du projet. Lors des audiences publiques, des participants ont évoqué la
possibilité d’utiliser l’eau réchauffée pour des projets de serres ou de plate-forme de compostage.
Hydro-Québec s’est montré plutôt réticente à ce type de projet, qui pourrait nuire à la production
maximale d’électricité. Dans l’entente de décembre 2001 entre Hydro-Québec, la MRC et la
municipalité, il est spécifié que d’éventuels projets annexes à la centrale ne doivent pas
« interférer avec la configuration optimale d’un cycle combiné haute performance ».
Si on considère la raison d’être du projet, soit la production d’électricité, la technologie choisie
par Hydro-Québec est celle qui permet de produire le plus d’électricité à partir du gaz naturel.
Par contre, on peut y voir une utilisation peu efficace des ressources. L’utilisation du rejet d’eau
chaude à des fins de chauffage, même si elle n’améliore pas significativement l’efficacité
énergétique du projet, pourrait s’avérer une mesure d’atténuation de cet impact ainsi qu’un
apport intéressant à l’économie régionale.
2.2.3
Retombées économiques
Hydro-Québec justifie son projet en déclarant vouloir saisir les occasions d’affaire rentables. Les
retombées économiques du projet et leur impact sur le trésor québécois se doivent donc d’être
considérés dans l’analyse environnementale de ce projet.
Les bénéfices anticipés du projet comportent de nombreuses incertitudes. Plusieurs facteurs
entrent en jeu, comme le prix de l’électricité ou du gaz naturel, l’offre et la demande pour ces
produits, ou encore le prix qu’Hydro-Québec pourrait avoir à payer pour acheter des crédits
d’émission de gaz à effet de serre. Nous ne sommes pas outillés pour effectuer des calculs qui
reposeraient de toute façon sur des hypothèses, mais nous retiendrons le fait que selon
Hydro-Québec, le projet devrait être rentable.
Hydro-Québec a versé au trésor québécois, sous forme de dividendes, 539 M $ pour l’année
fiscale 2000, 554 M $ pour 2001 et 763 M $ en 2002. La société d’État estime que l’électricité
produite par le Suroît, qu’elle soit destinée à l’exportation ou non, permettra à Hydro-Québec de
réaliser des bénéfices additionnels, dont environ 50 % seront versés au trésor québécois. Le
MRNFP, dans son avis sur le projet, fait également ressortir que la construction et l’exploitation
de la centrale généreront des bénéfices appréciables propres à relancer l’économie régionale, par
les emplois crées entre autres.
2
Le taux d’efficacité de 70 % est le taux minimum exigé dans le projet de règlement sur l’énergie produite par
cogénération.
Ministère de l’Environnement
Direction des évaluations environnementales
-92.3
Autres impacts du projet
Bien que les enjeux décrits plus haut constituent les principaux impacts du projet, d’autres
impacts présentant un certain intérêt sont brièvement décrits. Les impacts du projet ayant très
peu d’intérêt ne sont pas présentés dans ce rapport.
2.3.1
Gestion de l’eau
a) Quantité d’eau utilisée
La centrale projetée utilisera une très grande quantité d’eau, soit environ 12,4 m³/s, prélevée puis
retournée au canal de Beauharnois. Presque toute l’eau utilisée dans la centrale servira à refroidir
les condenseurs de vapeur ainsi que des équipements auxiliaires. Quoique l’utilisation d’une telle
quantité d’eau soit au premier abord contraire au principe environnemental de conservation des
ressources, on doit considérer que ce débit ne représente que 0,2 % du débit moyen du canal de
Beauharnois et que le fait d’utiliser beaucoup d’eau de refroidissement permettra d’éviter la
construction de tours de refroidissement, qui créeraient des panaches de vapeur importants à
proximité de l’autoroute 30, dont la construction est projetée à moins de 500 m au nord de la
centrale.
b) Ségrégation des eaux
Conformément aux bonnes pratiques, les différents courants d’eau seront ségrégués. L’eau de
refroidissement constitue le plus important courant d’eau; cette eau n’entrera pas en contact
direct avec le procédé. Les eaux de ruissellement du site seront dirigées vers un bassin avant leur
rejet au canal; si elles ont transité par l’aire des transformateurs, elles passeront par un séparateur
d’huile avant d’aller au bassin. Quant au faible volume d’eau utilisé en appoint aux chaudières de
récupération, il sera éventuellement éliminé par la purge de ces chaudières ainsi que la purge des
lits résiniques servant à sa déminéralisation et se retrouvera, après traitement, dans un réservoir
de mélange avant d’être dirigé vers l’émissaire.
c) Rejets liquides
L’évaluation des projets industriels se fait dans l’optique de favoriser l’utilisation des meilleures
technologies disponibles ainsi que pour protéger les usages du milieu récepteur. La
détermination des objectifs environnementaux de rejet, dans le cas présent, vise à assurer la
protection de la vie aquatique, de la faune terrestre piscivore et de la santé humaine. La présence
de la prise d’eau potable de Beauharnois, en aval de l’émissaire de la centrale proposée, est donc
intégrée dans nos préoccupations.
Le principal sujet de préoccupation au chapitre des rejets liquides est le traitement choc à
l’hypochlorite de sodium que devra subir périodiquement l’eau de refroidissement pour éviter
l’accumulation de micro-organismes dans les condenseurs. À la sortie des condenseurs, les eaux
de refroidissement seront neutralisées par un additif approprié (le métabisulfite de sodium) avant
leur rejet à l’effluent final, mais il restera du chlore dans l’effluent. Ce chlore peut former des
trihalométhanes, dont certains sont reconnus cancérigènes, en présence de matière organique.
Pour cette raison, il est important que la concentration en chlore résiduel à l’effluent final soit la
plus faible possible. Un contrôle adéquat de la concentration en chlore résiduel et en
trihalométhanes à l’effluent assurera la pérennité des usages, dont la protection de la prise d’eau
potable.
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Direction des évaluations environnementales
- 10 Un autre contaminant préoccupant de l’eau de refroidissement est la température puisque la
différence de température entre l’eau admise et l’eau rejetée peut atteindre 8,3 ºC, ce qui pourrait
occasionner un impact sur la vie aquatique. Cet impact est cependant atténué par la grande
dilution dans le canal qui fera qu’à 5 m en aval du rejet, la différence de température sera
inférieure à 1 ºC.
De faibles quantités d’eau seront utilisées comme eau d’appoint à la chaudière de récupération.
Cette eau devra subir différents traitements (filtration, déminéralisation sur un lit résinique) avant
son injection dans la chaudière. On lui ajoutera également des additifs pour prévenir la corrosion.
Les eaux de purge de la chaudière contiendront des traces de ces additifs. La commission du
BAPE chargée de l’examen du projet a attaché beaucoup d’importance au fait que la morpholine,
un des additifs utilisé pour prévenir la corrosion, pourrait se dégrader en N-nitrosomorpholine,
un cancérigène connu. Le respect des objectifs environnementaux de rejet pour ce contaminant
devrait être aisé, et ainsi, protéger la santé publique. Un suivi approprié garantira l’atteinte de cet
objectif.
d) Structures en milieu aquatique : prise d’eau et émissaire
L’eau sera prélevée dans le canal par une prise d’eau construite au fond du canal. La prise d’eau
prévue sera construite à 90 m de la rive du canal, en bordure du chenal de la voie maritime. Elle
a été conçue de manière à minimiser la vitesse de l’eau pour éviter d’entraîner des poissons dans
la prise d’eau. Quatre conduites enfouies relieront la prise d’eau à la station de pompage sur la
rive du canal.
Pour le retour des eaux de refroidissement au canal, un émissaire muni de diffuseurs sera
implanté au fond du canal. La position et la conception de cet émissaire ont été déterminées de
façon à pouvoir maintenir en hiver le couvert de glace en amont de l’estacade du canal de
Beauharnois (nécessaire au bon fonctionnement du barrage de Beauharnois) et pour minimiser
l’impact de la température plus élevée des eaux rejetées sur la faune. La position de l’émissaire a
également été choisie en tenant compte de la position des piliers du pont prévu pour
l’autoroute 30.
2.3.2
Émissions atmosphériques
Les émissions atmosphériques sont considérées de deux façons pour évaluer l’acceptabilité
environnementale d’un projet : on considère d’abord les émissions proprement dites, pour
vérifier leur conformité à la réglementation en vigueur et à la réglementation proposée, puis on
évalue l’effet de ces émissions sur la qualité de l’air ambiant pour déterminer le respect des
critères de qualité de l’air.
a) Émissions à la cheminée
Les émissions atmosphériques de la centrale seront essentiellement composées des gaz
d'échappement provenant des turbines à gaz et des brûleurs d’appoint des chaudières de
récupération. Ces gaz, produits d’une combustion complète du gaz naturel, seront composés
d’azote, d’oxygène, de vapeur d’eau, de dioxyde de carbone et d’argon, et, en très faible quantité
(moins de 0,001 %), de monoxyde de carbone (CO), d’oxydes d’azote (NOx), d’oxydes de
soufre (SOx), de matières particulaires (MP) et de composés organiques volatils (COV).
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- 11 Pour contrôler les émissions, l’initiateur de projet prévoit utiliser des turbines munies de
chambres de combustion à faible dégagement d’oxydes d’azote (Dry Low NOx) qui réduiront les
émissions de NOx à moins de 9 ppmv (parties par million en volume). Ce type de brûleur permet
aussi de réduire les émissions de CO et de composés organiques par rapport aux brûleurs
conventionnels. Par la suite, les émissions seront épurées par des unités de réduction catalytique
sélective (SCR) à injection d’ammoniac en solution permettant d’abaisser la concentration de
NOx à moins de 4 ppmv. Le système de traitement des NOx ajoutera aux émissions des traces
d’ammoniac (NH3) de même que des traces d’acide sulfurique (H2SO4).
L’analyse des prévisions de l’initiateur de projet nous laisse prévoir que les émissions
respecteront les normes du Règlement sur la qualité de l’atmosphère sur les matières
particulaires, les oxydes d’azote l’opacité et le monoxyde de carbone. Ce règlement est
présentement en révision et il est d’usage, pour les projets industriels assujettis au RÉEIE,
d’assurer le respect des normes à venir. Dans le projet de règlement modifiant le Règlement sur
la qualité de l’atmosphère, les normes d’émission pertinentes au projet sont celles pour les NOx
(4 ppm), le NH3 (5 ppm) et le CO (16 ppm)3. Alors que l’initiateur de projet s’est engagé à
respecter les deux premières normes, il propose une limite de 20 ppm pour le CO. Si le projet de
règlement est adopté tel que proposé, l’initiateur de projet pourrait devoir ajuster ses opérations
de manière à respecter la norme.
La surveillance environnementale en exploitation comprendra les mesures suivantes : les
cheminées des chaudières de récupération seront équipées de systèmes de mesure en continu de
l’oxygène, des oxydes d’azote, du monoxyde de carbone et de l’ammoniac. Un échantillonnage
annuel de ces paramètres, ainsi que des matières particulaires, sera effectué pour valider le
fonctionnement des appareils de mesure en continu. Par ailleurs, lors des deux premières années
d’exploitation de la centrale, une caractérisation des COV sera effectuée.
b) Qualité de l’air ambiant
À l’aide d’un modèle informatique, l’initiateur de projet a évalué les concentrations qui
résulteraient de la dispersion des émissions de la centrale dans l’air ambiant. Ces concentrations
sont additionnées à celles préexistantes, et le total est comparé aux critères de qualité de l’air du
MENV. Pour la plupart des contaminants, les résultats obtenus sont très inférieurs aux normes et
critères d’air ambiant, la contribution de la centrale ne dépassant jamais 7 % du critère.
Soulignons que les critères de qualité de l’air ont été élaborés par le MENV de manière à
protéger la santé humaine et à minimiser les nuisances ainsi que les effets sur l’écosystème. Dans
quelques cas, les critères sont dépassés, mais c’est parce que le niveau du contaminant dans l’air
ambiant, avant projet, dépasse déjà le critère.
Outre la production de gaz à effet de serre, la principale problématique atmosphérique associée
au projet est celle du smog urbain. Le smog est formé par la combinaison de particules fines (de
taille inférieure à 2,5 microns) et d’ozone (O3). L’ozone, à son tour, est formé par la combinaison
d’oxydes d’azote (NOx) et de composés organiques volatils (COV), qui sont tous deux des
produits de combustion. On considère que les particules fines, les NOx et les COV sont des
précurseurs du smog urbain.
3
La norme de 16 ppm de CO fait partie du projet de règlement depuis mai 2003.
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- 12 D’autres particules fines se formeront dans l’atmosphère par réaction entre les SOx, les NOx et
le NH3; on appelle ces particules, comme l’ozone résultant de la réaction entre les NOx et les
COV, des contaminants secondaires. À notre demande et de façon innovatrice, le consultant a
estimé les concentrations des contaminants secondaires pour évaluer si cet ajout modifiait les
résultats précédents et si la présence de la centrale risquait d’augmenter la fréquence des
épisodes de smog urbain. Les résultats ont démontré que l’influence de la centrale sur les
niveaux de particules fines et sur les concentrations d’ozone serait très faible, et qu’en
conséquence, la fréquence des épisodes de smog ne sera pas modifiée.
L’initiateur de projet a l’intention d’installer à Beauharnois une station de mesure en continu des
particules de taille inférieure à 2,5 microns, de manière à mieux définir les niveaux ambiants de
ces particules ainsi que la contribution de la centrale.
2.3.3
Gestion des sols et des sédiments
Deux types de sols potentiellement contaminés seront générés par la construction de la centrale :
les sols provenant des excavations pour les fondations des bâtiments et ceux provenant du
dragage pour l’implantation de la prise d’eau et de l’émissaire dans le canal de Beauharnois.
Pour le nivellement du terrain et pour établir les fondations des bâtiments, Hydro-Québec prévoit
excaver 73 000 m³ de sol arable et environ 110 000 m³ de déblais d’argile. Ces sols proviennent
du remblai hydraulique déposé sur place lors de la construction du canal de Beauharnois, dans
les années 1930. Alors que le sol arable sera réutilisé pour l’aménagement paysagé, les déblais
d’argile seront utilisés pour construire un talus autour de l’usine projetée, de manière à diminuer
le bruit perceptible par les voisins. Le reste sera entreposé sur place et pourra être mis à la
disposition d’utilisateurs potentiels. Une caractérisation complète des sols sera entreprise avant le
début des travaux, de manière à établir l’état de référence du terrain (qui détermine jusqu’à quel
niveau devraient procéder d’éventuelles décontaminations). Les détails de cette caractérisation
seront établis à l’étape des certificats d’autorisation délivrés en vertu de l’article 22 de la LQE.
On estime à environ 20 000 m³ le volume des sédiments qui seront dragués ou retirés du lit du
canal pour permettre la mise en place de la prise d’eau et de l’émissaire, ainsi que des conduites
reliant ces structures à la station de pompage et à la centrale. Ces sédiments seront déposés dans
des bassins aménagés sur la rive dont le fond sera préalablement recouvert d’un géotextile. Les
eaux surnageantes seront acheminées à un bassin pour y être décantées avant leur retour au canal.
Si une contamination était détectée, les sédiments seraient entreposés dans un bassin
imperméable et gérés selon la Politique de protection des sols et de réhabilitation des terrains
contaminés.
La surveillance environnementale prévue pendant la construction de la centrale garantira la
gestion adéquate des sols et sédiments excavés.
2.3.4
Bruit
L’acceptabilité environnementale du projet tient compte du bruit généré pendant la construction
de la centrale ainsi que du bruit causé par son exploitation. Pendant la construction, le bruit des
excavatrices et du fonçage de pieux sera réduit par le talus que l’initiateur de projet prévoit ériger
autour du site dès le début des travaux. Il est estimé que la limite recommandée de 55 dBA sera
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- 13 respectée aux résidences les plus proches, pendant le jour. L’initiateur de projet ne prévoit pas
effectuer de travaux bruyants durant la nuit.
Pendant l’exploitation de la centrale, l’initiateur de projet prévoit être généralement en mesure de
respecter les limites recommandées, soit 45 dBA le jour et 40 dBA la nuit. À une seule résidence,
le bruit pendant la nuit pourrait atteindre 41dBA. Notons que l’oreille humaine ne perçoit
généralement pas une différence de 1 dB. Néanmoins, l’initiateur de projet s’est engagé à
prendre les mesures d’atténuation nécessaires pour corriger cette situation et assurera un suivi sur
le bruit. En conséquence, on peut juger que les impacts du projets sur le climat sonore sont
acceptables.
Les plus récentes modifications au projet, en rapprochant la centrale de la piste cyclable, feront
augmenter le niveau de bruit perçu à cet endroit. Puisque la piste cyclable n’est pas un endroit
fréquenté en continu, cet impact est cependant acceptable.
Par ailleurs, l’impact cumulatif du bruit généré par la centrale et du bruit généré par la future
autoroute 30 a également été considéré, et aucun impact n’est à prévoir de ce côté.
2.3.5
Gestion des risques
Depuis que les projets industriels sont assujettis à la procédure d’évaluation et d’examen des
impacts sur l’environnement, le Ministère a développé une règle de conduite sur ses exigences au
chapitre des risques d’accidents industriels. Tel que demandé dans la directive du ministre,
l’initiateur de projet doit présenter, dans son étude d’impact, une analyse de risques
technologiques selon les règles en la matière. Il doit également déposer un plan d’urgence
préliminaire, et ce plan doit comporter au moins un scénario d’intervention minute par minute,
visant le scénario d’accident alternatif aux conséquences hors site maximales. Le plan d’urgence
final doit être élaboré en consultation avec les municipalités, le ministère de la Sécurité publique
(MSP) et le MENV, et doit être déposé avant le début de l’exploitation de l’usine.
a) Analyse de risques technologiques
La démarche d’analyse de risques technologiques vise à identifier les accidents susceptibles de
se produire sur un site industriel, étant donné les matières dangereuses présentes et les procédés
utilisés, et qui pourraient avoir des conséquences hors site. Cet exercice permet d’estimer la
probabilité et les conséquences de ces accidents et de planifier les mesures d’urgence
nécessaires. Parfois, l’analyse permet de déceler des accidents aux effets si importants que la
conception du projet doit être révisée afin de réduire les risques. Pour le projet de centrale à cycle
combiné du Suroît, deux matières dangereuses ont été considérées dans l’analyse de risques : le
gaz naturel et l’ammoniac. Quatre types d’événements ont été analysés : l’explosion ou
l’incendie associés au gaz naturel et l’émission ou l’explosion d’ammoniac à la suite d’un
déversement. Ces événements ne présentent pas de conséquences hors site pouvant affecter la
vie.
Gaz naturel
Comme il n’y aura pas d’entreposage de gaz naturel sur le site, l’initiateur de projet a supposé
une accumulation de gaz dans la chaudière de récupération. Ce gaz serait alors susceptible
d’exploser provoquant des surpressions et la projection de débris. Lors de l’audience publique,
on a examiné l’hypothèse de la propagation de l’explosion d’une première chaudière à une
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- 14 seconde chaudière. À la suite de discussions, les experts se sont entendus pour conclure que les
conséquences d’un tel événement, extrêmement improbable par ailleurs, ne seraient pas plus
élevées que les conséquences de la première explosion. La distance maximale à laquelle des
blessures dues à cette explosion pourraient être observées serait de 305 m et aucune résidence ne
serait atteinte, pas plus que l’autoroute 30. Par contre, des usagers de la piste cyclable pourraient
être atteints. Vu la faible probabilité de l’événement, nous estimons qu’une signalisation
appropriée sur la piste cyclable serait suffisante.
L’initiateur a aussi évalué les conséquences potentielles d’une explosion et d’un incendie
résultant de la rupture complète ou partielle de la conduite d’alimentation principale de gaz
naturel. La rupture complète de la conduite entraînerait une explosion dont les surpressions
pourraient entraîner des blessures jusqu’à 530 m. Aucune résidence ne serait atteinte, mais la
piste cyclable et l’autoroute 30 pourraient être touchées. Les conséquences associées à la rupture
partielle de la conduite sont confinées au site. Le pire scénario d’incendie correspond à la rupture
complète de la conduite d’alimentation principale de gaz naturel. La zone d’impact pour un seuil
d’effet de 5 kW/m² (brûlure au deuxième degré après 40 secondes d’exposition) ne dépasse pas
290 m, ce qui n’atteint ni les résidences ni les infrastructures voisines, à l’exception de la piste
cyclable. On doit considérer qu’il s’agit ici d’un scénario normalisé, donc peu probable.
Ammoniac
L’initiateur de projet prévoit installer sur le site deux réservoirs d’ammoniaque en solution à
19 % d’au plus4189 m³ chacun, pour alimenter le convertisseur catalytique. Ces deux réservoirs
seront entourés d’une digue de confinement d’une capacité suffisante pour retenir le contenu des
deux réservoirs. Une fuite d’un réservoir se déverserait dans la digue de la solution
d’ammoniaque (liquide) ce qui causerait, par évaporation, la formation d’un nuage toxique
d’ammoniac (gazeux). L’analyse de risques a considéré la possibilité que des concentrations
problématiques d’ammoniac se propagent hors site, particulièrement jusqu’à des zones habitées.
Les conséquences estimées, dans ce cas-ci, ont amené l’initiateur de projet à décider d’utiliser un
lit de balles flottantes dans la digue et de placer les réservoirs dans un bâtiment. En cas de
déversement, les balles restent à la surface du liquide répandu dans la digue, réduisant ainsi de
90 % son évaporation. Le bâtiment proposé empêchera les balles d’être affectées par la neige ou
la glace, et limitera d’environ 50 % supplémentaires l’évaporation de l’ammoniac. En
considérant ces mesures d’atténuation, on conclut qu’une fuite d’ammoniac n’aurait pas de
conséquences sérieuses5 hors site.
L’initiateur de projet a aussi considéré le risque d’explosion de l’ammoniac confiné dans le
bâtiment. Selon les informations fournies, la ventilation suffirait à empêcher le gaz d’atteindre
une concentration suffisante pour exploser. Si, malgré tout, cette concentration était atteinte,
l’explosion de l’ammoniac confiné n’aurait pas d’impact sur la population.
On a ensuite considéré la possibilité de la rupture de la conduite reliant les réservoirs au procédé,
répandant sur le sol le contenu de la conduite ainsi que la quantité pompée pendant 10 minutes.
4
Selon les informations transmises en novembre 2003, la capacité des réservoirs d’ammoniaque est en réévaluation
mais ne dépassera pas le 189 m³ prévus dans le projet original.
5
Une fuite d’ammoniac pourrait exposer la population pendant plus d’une heure à des concentrations d’ammoniac
assez importantes pour éventuellement incommoder certaines personnes, sans toutefois causer d’effets sérieux sur
leur santé.
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- 15 La quantité totale d’ammoniaque déversée serait alors de 0,4 m³ et les conséquences de la fuite
seraient plus importantes que celles identifiées pour la rupture d’un réservoir, à cause de la plus
grande surface d’évaporation, mais sans toutefois atteindre des résidences. En cas d’autorisation
du projet, l’initiateur de projet devra prévoir une protection plus efficace des conduites afin de
réduire davantage le risque de bris.
Le choix d’employer la turbine GE 107 H implique des modifications à l’analyse de risques,
entre autres parce que la technologie choisie consommera environ 50 % de moins d’ammoniac,
ce qui entraînera une réévaluation à la baisse de la capacité des réservoirs d’ammoniaque. Alors
qu’il est certain que cette modification diminue les conséquences précédemment étudiées et
jugées acceptables, l’initiateur devra reprendre l’analyse de risques détaillée, de manière
également à pouvoir utiliser les conséquences de cette nouvelle analyse dans son plan d’urgence.
b) Plan des mesures d’urgence
Tel que demandé dans la directive, un plan préliminaire des mesures d’urgence a été déposé avec
l’étude d’impact. Des discussions ont eu lieu sur le scénario d’accident à choisir pour établir le
scénario d’intervention « minute par minute », qui présente un déroulement chronologique
détaillé de toutes les étapes d’intervention lors d’un accident. Puisque aucun scénario alternatif
(plus probable) n’aurait de conséquences hors site, le MSP désirait que ce scénario soit
développé sur les hypothèses du scénario normalisé (aux pires conséquences). Il a été décidé de
choisir plutôt le scénario alternatif aux conséquences les plus étendues. Bien que les
conséquences de ce scénario se limitent au site, une intervention adéquate est essentielle pour
éviter que les conditions dangereuses ne se propagent éventuellement hors site.
La capacité de la municipalité à réagir en cas d’urgence a été discutée à plusieurs reprises lors
des audiences publiques. La faiblesse de ses ressources financières, ainsi que la faible
participation d’une éventuelle centrale aux revenus municipaux (la Loi sur la fiscalité municipale
exclut du rôle d’évaluation municipale les centrales productrices d’électricité), suggèrent que
cette situation ne changera pas à court terme. Quoique le premier responsable des accidents
industriels soit l’industrie elle-même, la municipalité est l’acteur de premier plan lorsqu’il s’agit
d’évacuer la population. Il existe à Beauharnois un comité mixte municipalité-industries qui se
penche sur ce type de questions. Hydro-Québec devrait se joindre à ce comité et apporter sa
contribution en vue d’améliorer la planification d’urgence sur le territoire.
2.3.6
Panache de vapeur
Nous avons vu plus haut que le choix d’utiliser l’eau de refroidissement du canal de Beauharnois
plutôt que des tours de refroidissement diminue les rejets de vapeur d’eau dans l’atmosphère. La
combustion du gaz naturel entraînera tout de même l’émission, par les cheminées de la centrale,
de 260 t/h de vapeur d’eau. Sous certaines conditions météorologiques, cette vapeur peut former
un panache visible ou former du brouillard. Quoique l’impact visuel du panache soit mineur, le
brouillard peut présenter des risques pour les transports routiers.
En effet, la proximité de la future autoroute 30 rend la formation de brouillard ou la possibilité de
glaçage de la chaussée problématique. Le projet original aurait pu occasionner jusqu’à 5,6 heures
additionnelles de brouillard par année et 2 heures additionnelles de glaçage par année, soit des
augmentations de 0,067 % et 0,024 %. Avec la turbine choisie, il est prévu qu’aucun brouillard
ou glaçage provenant de la centrale n’atteindra l’autoroute.
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- 16 2.3.7
Impacts sur la santé
La santé publique est une préoccupation constante dans l’évaluation environnementale des
projets. Pour la centrale, cette préoccupation se traduit dans la prise en considération des
émissions atmosphériques, du bruit ou des possibilités d’accidents, entre autres. On a vu que le
respect des critères (air, eau, bruit) assure la protection de la santé humaine, et que la gestion des
risques d’accidents est adéquate. Il y a donc peu de probabilité que la santé publique soit touchée
par la centrale.
Notons également, comme il a été exposé lors des audiences publiques par le représentant du
ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), que les changements climatiques euxmêmes peuvent avoir des impacts sur la santé : coups de soleil, cancers de la peau, événements
climatiques extrêmes comme le verglas, les inondations, etc. Cependant, les changements
climatiques sont un phénomène planétaire et à cette échelle la contribution de la centrale est
négligeable.
Un autre problème associé à la santé humaine est celui de l’inquiétude manifestée par la
population. Les questions du public, autant que les mémoires déposés, traduisent un certain
manque de confiance envers les autorités, que ce soit le ministère de l’Environnement ou la
Direction de la santé publique. On croit, par exemple, que les autorités cherchent à minimiser les
risques à la santé associés aux gaz à effet de serre. Dans une région hôte d’industries lourdes
(PPG, Alcan), on peut comprendre cette méfiance, mais il serait souhaitable que l’initiateur de
projet s’en préoccupe, en offrant aux citoyens inquiets la possibilité de participer à un comité de
suivi des opérations de la centrale.
2.3.8
Impacts socio-économiques
La construction de la centrale mobilisera 1 955 années-personnes ou l’équivalent de
652 personnes à temps plein (en emplois directs et indirects), créés ou maintenus pendant 3 ans;
son exploitation créera une trentaine d’emplois hautement spécialisés et on estime à plus de 400
les emplois indirects reliés à l’exploitation du projet.
Nous avons vu, à la section « Efficacité énergétique », qu’Hydro-Québec a conclu une entente
avec la municipalité de Melocheville6 et la MRC de Beauharnois-Salaberry afin de faciliter les
retombées locales pendant la construction et l’exploitation de la centrale. L’entente est assortie
d’un don de 4 000 000 $ à titre de Fonds de développement régional, réparti entre la municipalité
et la MRC ainsi que d’une clause qui stipule que les municipalités ne feront ou n’appuieront pas
d’autres demandes à Hydro-Québec pendant 25 ans.
Lors des audiences publiques, les représentants de la municipalité ont insisté à plusieurs reprises
sur ce qu’ils perçoivent comme une iniquité, soit le fait que la Loi sur la fiscalité municipale
exclut du rôle les centrales électriques. Cette disposition de la loi permet à Hydro-Québec,
comme propriétaire de la centrale de Beauharnois, de ne payer que 17 500 $ annuellement de
taxes municipales alors que l’usine d’Alcan, dans la même municipalité, doit payer des taxes
municipales de 190 000 $. La municipalité est tout de même tenue de fournir le même niveau de
service aux deux entreprises et nous avons vu, à la section sur les risques technologiques, que la
6
Les obligations de la Ville de Melocheville sont devenues celles de la nouvelle Ville de Beauharnois.
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Direction des évaluations environnementales
- 17 municipalité s’estime mal outillée pour gérer les urgences sur son territoire. Il ne nous appartient
pas de nous prononcer sur la justesse de la législation fiscale, et nous notons que les organismes
municipaux sont tout de même favorables au projet, comme en font foi les mémoires déposés au
BAPE par la municipalité et la MRC, ainsi qu’une résolution de la MRC.
2.4
Évaluation stratégique
Dans le contexte énergétique nord-américain, le Québec occupe une place à part. À cause de la
contribution importante de l’hydroélectricité au portefeuille énergétique, les résidents et les
entreprises québécois jouissent de l’un des prix à la consommation les plus bas en Amérique du
Nord, ainsi que d’une excellente performance au chapitre des GES. Par contre, parce que le rôle
de l’hydroélectricité est si important au Québec, la construction d’une centrale au gaz naturel est
perçue comme un élément exceptionnel, hors du commun, alors que ce type de centrale constitue
ce qui se construit le plus présentement au Canada et aux États-Unis7. Ainsi, si une centrale à
cycle combiné au gaz naturel est un contributeur très important de GES quand on le compare à
une centrale hydroélectrique, ce type de centrale est considéré comme de « l’énergie propre » au
même titre que l’hydroélectricité et l’éolien en Ontario où 61 % de l’électricité provient de
centrales nucléaires et de centrales au charbon.
Filières de production
La comparaison des filières de production d’électricité n’est pas un exercice des plus simples. En
regardant les activités faites en ce sens au cours des dernières années, on remarque que la
multiplicité des facteurs à considérer empêche d’arriver à des conclusions uniformes et qu’il est
difficile d’éviter les biais dans l’évaluation, chaque filière comportant d’importants avantages et
des inconvénients tout aussi majeurs. Ainsi, on comprend que les Québécois accordent peu
d’importance au fait que la grande hydroélectricité est perçue négativement par la communauté
internationale à cause de l’importance du territoire occupé et du déplacement des populations qui
l’accompagne. Par contre, notre faible utilisation du nucléaire nous fera oublier que cette filière
ne produit aucun GES.
Comparons tout de même trois modes de production d’électricité discutés présentement au
Québec : l’éolien, l’hydroélectricité et le thermique au gaz naturel. L’éolien a des avantages
certains : il n’utilise aucun combustible et son coût d’exploitation est faible. Cependant, la
fiabilité de l’éolien laisse à désirer : pour les 100 MW de puissance installée présentement dans
la région de Matane, on ne prévoit que 40,5 MW de puissance livrée. On peut conclure que la
filière éolienne, telle que nous la connaissons présentement, n’opère pas de façon optimale et
n’est pas à même de fournir de façon régulière plusieurs centaines de mégawatts.
Pour leur part, les centrales hydroélectriques et les centrales thermiques sont à même de fournir
une puissance élevée. Chacune possède cependant ses avantages et inconvénients que nous
discuterons ici. Le principal inconvénient de la centrale thermique au gaz naturel est la
production de GES, qui se poursuit pendant toute la période d’exploitation de la centrale. La
production du gaz naturel est d’ailleurs en soi une autre importante source de GES, qui s’ajoutent
aux GES produits lors de sa combustion. Un autre inconvénient majeur du thermique au gaz tient
7
En 2001, des centrales au gaz totalisant 114 361 MW étaient en construction au Canada et aux États-Unis, alors
que les projets de construction pour toutes les autres filières (hydroélectrique, charbon, éolien, nucléaire, etc.)
totalisaient 4 349 MW.
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- 18 à ce que le gaz naturel est une ressource épuisable, provenant de l’extérieur du Québec, et dont le
prix est sujet à fluctuations. Par contre, une centrale semblable au Suroît peut être implantée
facilement et rapidement à proximité des marchés de consommation et occupe une très faible
surface du territoire si on la compare au réservoir nécessaire à l’exploitation d’une centrale
hydroélectrique de puissance équivalente, qui s’accompagne souvent par ailleurs de
modifications importantes du réseau hydrographique.
Pour les centrales thermiques, la proximité des marchés permet d’éviter la construction et
l’entretien de longues lignes de transmission, comme les lignes associées aux réservoirs du Nord.
Le facteur d’utilisation de la centrale au gaz dépend de la volonté de ses exploitants et n’est pas
sujet aux variations météorologiques, comme les centrales hydroélectriques qui sont vulnérables
aux fluctuations de l’hydraulicité. Les populations résidant à proximité de la centrale au gaz
n’auront à subir que des inconvénients mineurs, s’il y en a, alors que l’implantation d’une
centrale hydroélectrique avec réservoir occasionne des impacts majeurs sur l’environnement et
ses utilisateurs, notamment les populations autochtones.
Ainsi, bien que traditionnellement le Québec ait favorisé le développement de la filière
hydroélectrique, aucune des deux filières ne se démarque nettement de l’autre sur la base des
enjeux environnementaux associés.
L’offre et la demande
La demande d’électricité suit une consommation de base, plus ou moins constante au cours d’une
année, et une consommation de pointe qui fluctue selon la température extérieure et les activités
des consommateurs. Au Québec, on atteint des sommets de consommation par temps très froid, à
l’heure où commence la préparation du repas du soir. La consommation estivale est plus élevée
dans le nord-est américain et en Ontario, en raison de leurs besoins en climatisation. L’offre
d’électricité se modèle sur cette demande, en tenant compte des particularités d’exploitation de
chaque filière.
La grande disponibilité de l’hydroélectricité au Québec fait que les centrales de ce type sont
exploitées en base, avec des facteurs d’utilisation variant de 40 % à 80 %. Certaines installations
hydroélectriques, comme Manic-5 PA et La Grande 2-A, sont utilisées surtout pour répondre aux
appels de puissance (périodes de pointe). Par contre, il est plus difficile d’interrompre et de
reprendre la production de la centrale nucléaire de Gentilly-2 (675 MW), qui est exploitée en
continu pour la consommation de base.
La centrale thermique de Tracy (600 MW), a été conçue pour une exploitation de base, et a été
exploitée ainsi lors de sa mise en service, en 1962; son utilisation a diminué lors de la mise en
service de Manic-5 en 1970. Aujourd’hui, à cause des problèmes environnementaux reliés à son
exploitation (émissions de SO2 et d’oxydes d’azote), Tracy n’est exploitée que lors des périodes
de pointe fine, lorsqu’on a absolument besoin de son énergie.
La centrale du Suroît, quant à elle, est destinée à l’approvisionnement en énergie de base, soit
807 MW qui seront disponibles sur le réseau en tout temps. D’autres projets de production
d’électricité devraient s’ajouter au réseau dans les prochaines années; ils sont listés à l’Annexe 4.
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- 19 Un important consommateur sur la scène québécoise est l’industrie de l’aluminium, dont le
procédé d’électrolyse est très énergivore et dont l’implantation au Québec a été favorisée par les
orientations gouvernementales et la disponibilité de l’électricité bon marché. Dans la dernière
année, d’importantes augmentations de la production d’aluminium ont été annoncées. Ainsi,
l’aluminerie Alouette de Sept-Îles aura besoin de 500 MW supplémentaires en 2005 et les
alumineries de Baie-Comeau et de Deschambault utiliseront respectivement 175 MW et 500 MW
dans un avenir rapproché. Hydro-Québec Distribution n’a pas encore annoncé comment elle
entendait répondre à la demande créée par les alumineries de Baie-Comeau et de Deschambault.
Lors de la séparation d’Hydro-Québec en quatre entités distinctes8, Hydro-Québec Production a
reçu l’obligation de fournir à Hydro-Québec Distribution un bloc de 165 TWh, appelé
l’électricité patrimoniale, à un prix fixe de 2,79 ¢/kWh. Aucun projet ou aucune centrale n’est
identifié à la production patrimoniale. Au-delà de 165 TWh, Hydro-Québec Distribution doit
aller en appel d’offres pour la fourniture de l’électricité manquante. Le premier appel d’offres a
eu lieu en février 2002 pour 600 MW, rapidement corrigé à 1200 MW pour tenir compte des
500 MW supplémentaires pour l’aluminerie Alouette de Sept-Îles. En réponse, l’offre
d’Hydro-Québec Production de 600 MW d’hydroélectricité provenant de centrales existantes a
été acceptée, et un projet thermique privé de 507 MW est à l’étude. Notons que la production
privée de quantités importantes d’électricité est limitée à la filière thermique, puisque
Hydro-Québec a le monopole de la production par des centrales hydroélectriques de puissance
supérieure à 50 MW.
En plus de la fourniture de l’électricité patrimoniale et du contrat de 600 MW avec
Hydro-Québec Distribution, Hydro-Québec Production doit livrer, selon des ententes, de
l’énergie à Alcan et satisfaire aux contrats de vente à l’exportation à long terme. Ses
disponibilités énergétiques sont dépendantes de l’hydraulicité du parc actuel, de l’avancement
des projets en construction et à l’étude à court et moyen terme ainsi que du devenir de la centrale
nucléaire de Gentilly-2.
Par ailleurs, le 22 janvier 2003, la demande a atteint une pointe de 34 989 MW. Pour rencontrer
cette demande, Hydro-Québec a dû réaliser des achats de plus de 2 100 MW auprès des réseaux
voisins. À la suite de cet appel de puissance plus élevé que prévu et qui ne peut s’expliquer seul
par l’effet température, Hydro-Québec Distribution révise actuellement ses prévisions de
demande d’électricité pour les prochaines années.
Dans ce portrait, l’ajout d’une centrale thermique comme le Suroît pourrait permettre d’optimiser
l’utilisation des centrales hydroélectriques et d’accumuler ainsi d’intéressantes réserves d’eau.
Le Suroît offrirait de la sorte à Hydro-Québec Production une souplesse de gestion de sa
production et une certaine sécurité d’approvisionnement, l’assurant de pouvoir répondre aux
besoins de sa clientèle interne et lui permettant de répondre aux besoins extérieurs en énergie de
pointe, quand les prix sont attrayants pour le vendeur.
8
Il s’agit de Distribution, qui alimente au détail la clientèle québécoise, Production, qui produit de l’électricité et la
vend sur les marchés de gros au Québec et hors Québec, TransÉnergie, qui transporte l’électricité au Québec et
Équipement, qui fournit des services-conseils en ingénierie et en approvisionnement.
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- 20 Exportations et importations
Le Québec est situé géographiquement à côté d’un marché où les besoins de pointe sont à
l’inverse des nôtres, puisque la demande d’électricité dans le nord-est américain est beaucoup
plus élevée en été, pour la climatisation, qu’en hiver. Contrairement à l’approche développée au
milieu des années 1980, avec des contrats fermes et des lignes de transport destinées à
l’exportation, aujourd’hui les réseaux sont interconnectés et l’énergie transite dans toutes les
directions en fonction des besoins. Cette situation permet à Hydro-Québec d’exporter son
énergie alors que la demande interne est à son plus bas et que sa clientèle externe est en demande
de pointe, donc prête à payer des prix élevés pour la ressource.
La possibilité d’emmagasiner de l’eau dans les réservoirs, qui équivaut à faire des réserves
d’électricité lorsque l’hydraulicité le permet, rend réalisable des activités d’exportation d’énergie
de pointe au moment où les prix sont les plus attrayants pour le vendeur. Les besoins d’énergie
du continent nord-américain seront comblés de toute façon, que ce soit par des centrales
québécoises, ontariennes ou américaines. Si le Québec choisit de se limiter à la production
hydroélectrique et de ne pas construire la centrale du Suroît il est prévisible, dans le contexte
nord-américain actuel, qu’une centrale équivalente se construira ailleurs; considérant ce qui se
construit actuellement, ce sera, au mieux, une centrale au gaz naturel et, au pire, une centrale au
charbon dont les retombées affecteront la qualité de l’air dans la vallée du St-Laurent. Une
production québécoise qui excède occasionnellement les besoins internes peut être exportée en
période de demande domestique faible et évite d’avoir à acheter de l’énergie, vraisemblablement
de source thermique, lors de la pointe québécoise.
3
CONCLUSION
Nous observons d’abord que les impacts locaux et régionaux sont mineurs : rejets liquides,
émissions atmosphériques, gestion des sols et bruit, tout est contrôlé par des mesures
d’atténuation appropriées. L’acceptabilité globale du projet doit donc se baser sur les enjeux
majeurs identifiés : gaz à effet de serre, efficacité énergétique et retombées économiques.
L’initiateur du projet affirme que la centrale est nécessaire pour combler les besoins à l’interne et
cette affirmation est validée par le MRNFP. L’efficacité énergétique du projet, sans être
optimale, représente les dernières innovations en la matière et pourrait difficilement être
améliorée pour un projet de cette taille, et des retombées économiques intéressantes
contribueront à l’insertion du projet dans son milieu régional.
Le développement durable demande d’intégrer trois objectifs, soit ceux d’amélioration de
l’équité sociale, de préservation de l’intégrité de l’environnement et d’amélioration de
l’efficacité économique. En termes d’équité sociale, il est logique d’implanter une centrale à
proximité du plus grand marché de consommation au Québec. La composante environnementale
locale et régionale est respectée puisque les impacts du projet sont mineurs à cette échelle.
Planétairement, selon les prévisions actuelles, Hydro-Québec devra éventuellement assumer le
coût des crédits d’émission pour le Suroît, contribuant ainsi à une réduction équivalente de GES
ailleurs dans le monde et annulant cet impact. Dans le contexte de l’atteinte des objectifs du
Protocole de Kyoto et des orientations du Plan d’action québécois 2000-2002 sur les
changements climatiques, nous sommes d’avis que les émissions de GES générées par la centrale
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- 21 thermique le Suroît devraient être compensées en tout ou en partie. Pour ce faire, les options
suivantes peuvent être envisagées :
-
que les coûts directs des émissions de gaz à effet de serre soient internalisés suivant le Plan
du Canada sur les changements climatiques;
-
qu’Hydro-Québec réalise elle-même ou fasse réaliser par un tiers un ou plusieurs projets au
Québec qui entraîneraient des réductions d’émissions qui combleraient l’écart entre
l’efficacité énergétique de la centrale du Suroît et une efficacité énergétique équivalente à
une projet de cogénération, soit 70 %. Ces réductions devront être conformes aux normes qui
seront établies par le gouvernement fédéral pour le système de compensation qu’il mettra en
place dans le cadre de la mise en œuvre du Plan du Canada sur les changements climatiques.
Nous recommandons la première de ces options. Sa mise en œuvre devra se faire aussitôt que le
gouvernement fédéral aura fait connaître les orientations du Plan du Canada sur les changements
climatiques.
En conséquence, je recommande l’autorisation du projet de centrale à cycle combiné du Suroît.
Si les conditions d’autorisation spécifiées au décret sont respectées et lorsque les émissions de
gaz à effet de serre seront compensés à la suite de la mise en œuvre du Plan du Canada sur les
changements climatiques, cette centrale devrait s’avérer une diversification intéressante du
portefeuille énergétique québécois, ajoutant au réseau une puissance importante tout en étant
acceptable sur le plan de l’environnement.
Les conditions d’autorisation concernent des impacts spécifiques. Il s’agit de la réalisation d’une
étude sur la possibilité de valoriser les rejets thermiques de la centrale, de l’installation
d’avertissements aux cyclistes à proximité de la centrale, d’ajustements à l’analyse de risques
technologiques, de la préparation du plan d’urgence et des programmes de surveillance et de
suivi environnementaux ainsi que du plan de communication entre Hydro-Québec et la
population.
Original signé par :
___________________________________________
Renée Loiselle
Chargée de projet
Service des projets industriels et en milieu nordique
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ANNEXES
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-3ANNEXE 1
Principales constatations du rapport d’enquête et d’audience du Bureau d’audiences
publiques sur l’environnement
− La commission constate qu’une nouvelle capacité de production en électricité pour 2006 ne
serait pas nécessaire alors pour respecter les ventes d’électricité engagées par HQ Production
au Québec. La capacité de production d’HQ pourrait en 2006 assurer la livraison de
l’électricité patrimoniale et de l’énergie engagée dans le cadre de l’appel d’offres de
février 2002 d’HQ Distribution.
− La commission reconnaît qu’à défaut d’une nouvelle capacité de production en 2006 la marge
de manœuvre d’HQ pour répondre à de futurs appels d’offres sur le marché québécois, ou
encore pour profiter des occasions d’affaires sur les marchés extérieurs, serait réduite jusqu’à la
concrétisation des projets hydroélectriques à l’étude ou annoncés.
− La commission reconnaît l’importance des activités commerciales extérieures d’HQ en raison
des dividendes versés au gouvernement du Québec.
− La commission constate que l’implantation de nouvelles unités de production contribuerait à
consolider le positionnement avantageux d’HQ comme fournisseur d’énergie sur les marchés.
− La commission note que les activités d’HQ sur les marchés extérieurs sont mal connues du
public et soulèvent la méfiance de certains participants. Il serait avantageux que les citoyens
soient mieux informés sur les avantages et inconvénients de ces activités.
− La commission reconnaît que les délais associés à la filière hydraulique font en sorte qu’HQ ne
pourrait mettre en service de nouvelles productions hydroélectriques pour 2006-2007. Devant
ce constat, la commission estime que le recours à la filière utilisant le cycle combiné au gaz
naturel peut constituer une solution de rechange dans la mesure où HQ souhaite profiter des
occasions d’affaires sur les marchés extérieurs.
− La commission considère que l’énergie éolienne est une source prometteuse d’énergie
électrique renouvelable qu’il serait avantageux d’exploiter en complémentarité avec l’énergie
hydraulique.
− Dans le but de concilier l’économie et la protection de l’environnement, la commission est
d’avis qu’HQ doit viser, en priorité, l’atteinte du plein potentiel d’économie d’énergie
parallèlement à toute nouvelle capacité de production d’électricité.
− La commission note que l’usage du terrain retenu par Hydro-Québec pour la centrale du Suroît
est conforme au schéma d’aménagement révisé de la MRC de Beauharnois-Salaberry, mais
que la Ville de Beauharnois devrait modifier le règlement de zonage du secteur Melocheville
pour en permettre la construction.
− La commission croit essentiel que l’implantation éventuelle de la centrale du Suroît ne
compromette pas la polyvalence des usages actuels et qu’elle n’entraîne pas de contraintes
supplémentaires pour l’appropriation et la mise en valeur du territoire pour des activités
récréotouristiques, et ce, particulièrement pour le parc régional du canal de Beauharnois.
− La commission reconnaît que l’emplacement retenu pour la centrale du Suroît s’avère
avantageux en regard des aspects réglementaires, technico-économiques et humains considérés
par HQ. La commission constate cependant l’absence d’étude environnementale comparative
visant à évaluer les avantages et les inconvénients des autres emplacements potentiels en
bordure du canal de Beauharnois ou ailleurs.
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-4− La commission note que la centrale à cycle combiné au gaz naturel projetée par HQ à
Beauharnois respecterait les normes d’émission actuelles du Règlement sur la qualité de
l’atmosphère ainsi que celles proposées dans le projet de remplacement de ce règlement.
Toutefois, elle constate que les émissions maximales de monoxyde de carbone excéderaient de
7 ppm la norme de 10 ppm proposée dans le projet de règlement.
− Malgré l’apport inévitable de contaminants dans l’air ambiant, la commission est d’avis que la
centrale à cycle combiné au gaz naturel d’HQ n’aurait pas d’effet significatif sur la qualité de
l’air et que la contribution de la centrale demeurerait très faible par rapport aux normes ou aux
critères du ministère de l’Environnement.
− La commission est également d’avis que la centrale du Suroît n’aurait pas de contribution
significative aux concentrations d’ozone et de particules fines dans la région urbaine de
Montréal et, par conséquent, qu’elle ne contribuerait pas à accroître de façon notable le smog à
Montréal.
− La commission note que l’effet cumulatif des émissions de la centrale du Suroît, des autres
sources industrielles et de l’autoroute 30 projetée ne modifierait pas de façon significative la
qualité de l’air ambiant à Beauharnois.
− Pour la commission, il est impératif que la centrale du Suroît, si elle était autorisée, soit conçue
de façon à éliminer toute possibilité que le panache de vapeur d’eau ne diminue la sécurité du
public voyageur sur la future autoroute 30.
− Dans l’optique d’un usage industriel, la commission constate que la qualité des sols à
l’emplacement retenu pour la centrale du Suroît respecterait, a priori, les exigences de la
Politique de protection des sols et réhabilitation des terrains contaminés. Elle retient
l’engagement d’HQ d’effectuer une caractérisation détaillée des sols avant la réalisation du
projet.
− Bien que la qualité de la terre excavée pour permettre l’implantation de la centrale du Suroît
permettrait a priori des usages sur des terrains industriels avoisinants, la commission considère
que son transfert n’est pas souhaitable puisqu’il augmenterait indûment le camionnage et la
dissémination éventuelle de contaminants dans l’environnement.
− La commission est d’avis qu’HQ devrait effectuer un suivi rigoureux de l’effluent de procédé
de la centrale du Suroît de façon à assurer le respect de l’objectif environnemental de rejet
visant la prévention de la contamination des organismes aquatiques par les nitrosamines. Elle
considère que le dépassement de l’objectif de rejet obligerait le promoteur à trouver une
solution de rechange à l’emploi de la morpholine dans la tuyauterie de la chaudière de
récupération.
− La commission est d’avis que la surveillance et le contrôle des contaminants à la source par
HQ en vue du respect des objectifs environnementaux de rejet seraient une approche adéquate
pour assurer la protection de la prise d’eau potable de la ville de Beauharnois durant
l’exploitation éventuelle de la centrale du Suroît.
− La commission estime que l’emplacement proposé par HQ pour la prise d’eau dans le canal de
Beauharnois est de nature à minimiser la mortalité de poissons par aspiration dans les pompes
lors de l’exploitation de la centrale du Suroît.
− La commission estime que le promoteur devrait s’assurer de préserver les habitats essentiels au
Petit Blongios, à la Rainette faux-grillon de l’Ouest et à la Couleuvre brune durant les travaux
de construction de la centrale du Suroît.
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-5− La commission estime que les contaminants qui seraient émis dans l’atmosphère lors de
l’exploitation de la centrale du Suroît à Beauharnois ne devraient pas avoir d’impact significatif
sur la santé de la population environnante.
− La commission note que les niveaux sonores durant les travaux de construction de la centrale
du Suroît seraient, pour les résidences les plus près du chantier, en deçà des limites fixées par le
ministère de l’Environnement. Elle note également que l’impact sonore du camionnage sur la
route 236 serait faible compte tenu de la durée temporaire des travaux.
− La commission prend note de l’engagement d’HQ à respecter, durant l’exploitation de la
centrale du Suroît, le niveau de bruit la nuit fixé par le ministère de l’Environnement à
40 dB(A) pour une habitation située en zone agricole. La commission croit cependant que le
bruit causé par la centrale pourrait perturber la quiétude habituelle des résidants de ce secteur.
− La commission considère que le bruit généré par la centrale du Suroît ne représenterait pas un
impact significatif pour les utilisateurs de la future piste cyclable.
− La commission reconnaît que l’exploitation de la centrale du Suroît et la circulation sur la
future autoroute 30 n’auraient pas d’impact cumulatif sur les niveaux sonores des zones
habitées.
− La commission est d’avis que les zones de risques de blessures en cas d’accidents associés au
gaz naturel et à l’ammoniaque à la centrale du Suroît n’atteindraient pas les secteurs
résidentiels ni les habitations les plus rapprochées. Un secteur de la piste cyclable aménagé à
proximité de la centrale projetée se retrouverait cependant dans la zone de projection de
débris en cas d’explosion. La commission est d’avis que des mesures de mitigation devraient
alors être mises en place afin d’assurer la protection de ses usagers.
− La commission croît que les scénarios présentés par HQ concernant les risques d’accidents
liés aux réservoirs d’ammoniaque et à l’explosion des appareils à la suite de l’accumulation
de gaz naturel doivent être réalisés selon les exigences des ministères de la Sécurité publique
et de l’Environnement préalablement à l’établissement du plan des mesures d’urgence.
− La commission note que les moyens dont dispose la Ville de Beauharnois pour faire face à
des accidents industriels majeurs sur son territoire, que la centrale du Suroît soit construite ou
non, présentent des déficiences importantes compte tenu des risques que représente le secteur
industriel pour la population vivant à proximité. La commission est d’avis que tous les
acteurs intéressés doivent coordonner et unir leurs moyens pour mettre en place des mesures
de prévention adéquates ainsi qu’un plan d’intervention efficace.
− La commission estime essentiel qu’un comité mixte municipalité-industries, tel que le
recommande le ministère de la Sécurité publique, soit mis en place rapidement afin d’établir
un plan de gestion des risques d’accident industriels majeurs à Beauharnois, qui prendrait en
compte la centrale du Suroît advenant sa construction.
− La commission considère que la construction et l’exploitation de la centrale du Suroît à
Beauharnois auraient des retombées économiques appréciables qui contribueraient à relancer
l’économie régionale.
− La commission constate que le protocole d’entente entre la municipalité de Melocheville, la
MRC de Beauharnois-Salaberry et HQ apporterait des bénéfices économiques éminemment
désirables. En revanche, l’entente comporte des engagements à long terme susceptibles
d’engendrer des iniquités. La commission estime qu’HQ devrait accroître sa contribution
financière au fonds de développement régional. De plus, elle est d’avis qu’HQ ne doit pas
imposer de moratoire sur certaines dispositions du protocole d’entente.
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-6− La commission considère qu’HQ devrait financer une étude de faisabilité indépendante sur
les possibilités d’une mise en valeur durable de l’énergie résiduelle contenue dans le rejet
thermique de la centrale du Suroît. Une démonstration de la compatibilité de la centrale
thermique projetée avec une grappe d’infrastructures agroalimentaires permettrait à la région
de créer une valeur ajoutée aux retombées économiques de la centrale et à HQ d’augmenter
l’efficacité énergétique de son projet.
− La commission retient que la part des émissions de GES du secteur du transport au Québec
pour l’année 2000 constituait 38 % du total québécois, tandis que celle de la production
d'électricité était de moins de 1 %. Entre 1990 et 2000, les émissions du transport ont
progressé de 14,5 % alors que celles de l’industrie ont diminué de 4,5 %. La contribution
relative des émissions dues à la production d’électricité est demeurée quant à elle en deçà de
2 % durant cette même décennie.
− La commission considère que l’exploitation de la centrale du Suroît augmenterait de façon
substantielle le bilan des émissions de GES au Québec. La contribution relative de la centrale
représenterait entre 2,5 % et 2,8 % des émissions totales du Québec en 1998. Les émissions
de GES de la centrale équivaudraient à la moitié de la hausse des émissions de GES
attribuables au transport entre 1990 et 2000, ou encore aux efforts combinés de réduction
consentis dans les secteurs de l’industrie et de l’électricité durant la même période.
− La commission retient que la contribution relative aux émissions de GES du secteur de
l’industrie en général a diminué au Québec entre 1990 et 2000. Bien que des réductions
d’émissions de GES pourraient être réalisées par les petites entreprises manufacturières et
que des efforts supplémentaires relativement importants pourraient être consentis par les
grands émetteurs industriels, la commission estime que ces gains potentiels pourraient
difficilement compenser les GES qui seraient émis par la centrale du Suroît.
− La commission constate l’augmentation importante des émissions de gaz à effet de serre dans
le secteur du transport. Elle estime qu’une stratégie à long terme visant la réduction des
émissions de GES au Québec doit prendre en compte la contribution de ce secteur d’activité.
− La commission note que l’hydroélectricité représente une faible proportion de l’énergie
électrique produite actuellement en Ontario et aux États-Unis. Elle retient que la tendance
d’ici 2007 en matière de nouvelle production d’électricité à l’extérieur du Québec s’oriente
presque exclusivement vers des centrales alimentées au gaz naturel.
− La commission retient que le parc actuel de production électrique au Québec regroupe presque
exclusivement des centrales hydroélectriques ayant un faible taux d’émission de GES. La
centrale du Suroît augmenterait l’intensité des émissions de GES par unité d’énergie électrique
produite au Québec, mais celle-ci demeurerait bien en deçà de celle qui a cours à l’extérieur du
Québec.
− Malgré une tendance nord-américaine vers une nouvelle production d’électricité au moyen du
gaz naturel, la commission souligne que le potentiel hydroélectrique demeure important au
Québec et que, dans un contexte de développement durable, il apparaît souhaitable de mettre à
profit nos ressources renouvelables avant de planifier la mise en œuvre de projets utilisant des
combustibles fossiles.
− Selon la commission, le quasi-monopole d’HQ sur les ressources hydrauliques et l’ouverture
du marché de gros au Québec à la libre concurrence québécoise et étrangère, de même que
l’absence de normes ou de limites d’émission de gaz à effet de serre conduiront les promoteurs
privés à avoir recours invariablement à la filière thermique pour la fourniture d’électricité de
forte puissance au Québec.
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-7− Selon la commission, la vente éventuelle en Ontario ou dans le nord-est des États-Unis
d’électricité produite au Québec par la centrale du Suroît alimentée au gaz naturel pourrait
avoir au mieux un effet positif, au pire aucun effet, sur la croissance des émissions de GES à
l’échelle de l’Amérique du Nord dans la mesure où il existe une forte tendance pour l’usage du
gaz naturel dans la majorité des nouvelles productions d’électricité dans les régions limitrophes
au Québec.
− Bien que le Québec ait manifesté fermement son intention d’approuver le protocole de Kyoto
pour une réduction globale des GES, la commission est d’avis que, pour une mise en valeur
durable de la production électrique, les efforts de réduction des gaz à effet de serre devraient
s’orchestrer à l’échelle de l’Amérique du Nord.
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-9ANNEXE 2
Liste des organismes gouvernementaux et des unités sectorielles du Ministère consultés
L'évaluation de la recevabilité de l'étude d'impact ainsi que l’analyse environnementale du projet
ont été effectuées en consultation avec les ministères suivants :
− ministère de l’Industrie et du Commerce;
− ministère des Transports;
− ministère des Ressources naturelles, Direction du développement électrique (recevabilité de
l’étude seulement);
− ministère de la Santé et des Services sociaux;
− ministère de la Sécurité publique;
et les unités administratives suivantes du ministère de l’Environnement :
−
−
−
−
−
−
Direction régionale de la Montérégie;
Direction des politiques du secteur industriel, Service de la qualité de l’atmosphère;
Direction des politiques du secteur industriel, Service de l’assainissement des eaux;
Direction des politiques du secteur industriel, Service des lieux contaminés;
Direction du suivi de l’état de l’environnement, Service des avis et expertises;
Bureau des changements climatiques.
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- 11 ANNEXE 3
Chronologie des étapes importantes du projet
Les principales étapes de l’évolution du projet sont les suivantes :
Date
25 septembre 2001
Étapes
Réception de l’avis de projet de l’initiateur du projet
2 octobre 2001
Envoi de la directive du ministre
15 mars 2002
Dépôt de l’étude d’impact de l’initiateur du projet
24 avril 2002
Transmission de questions et commentaires sur l’étude d’impact
9 mai 2002
Dépôt de l’addenda à l’étude d’impact par l’initiateur du projet
22 mai 2002
Avis de recevabilité
4 juin 2002 au
19 juillet 2002
Période d’information et de consultation publiques
3 septembre 2002 au Audiences publiques
3 janvier 2003
11 février 2003
Dépôt de précisions sur le projet
13 février 2003
Rapport du BAPE rendu public
2 décembre 2003
Ministère de l’Environnement
Dépôt d’informations sur les modifications apportées au projet
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- 13 ANNEXE 4
Les projets d’énergie électrique au 26 novembre 2003
Projets
État
Échéancier
potentiel
Puissance
(MW)
Centrales hydroélectriques
Grand-Mère
En construction
2004
220
(augmentation de la (autorisé)
puissance)
Toulnustouc
En construction
2005
526
(autorisé)
Outardes-3
En construction
2003-2006
264
(rééquipement)
(autorisé)
Mercier
En construction
2006
50
(autorisé)
Barrage des Quinze À l’étude
2006
25
(non autorisé)
Barrage Magpie
À l’étude
2006
41
(non autorisé)
Barrage Matawin
À l’étude
2006
13
(non autorisé)
Eastmain 1
En construction
2007
480
(autorisé)
Péribonka
À l’étude
2008
385
(non autorisé)
Rapides-desÀ l’étude
2009
150
Cœurs/
(non autorisé)
Chute Allard
La Sarcelle
Annoncé
2010
140
(non autorisé)
Eastmain-1-A
et À l’étude
2011
770
Dérivation Rupert
(non autorisé)
Romaine
Petit Mecatina
Ministère de l’Environnement
Annoncé
(non autorisé)
Annoncé
(non autorisé)
Énergie
(TWh)
1,2
2,7
--0,28
0,2
0,2
0,1
2,7
2,2
0,8
1,0
2013
1500
2,9 (+7,0 TWh
pour
l’eau
envoyée à LG1,
LG2A et LG2)
7
---
[1500]
[7,0]
Direction des évaluations environnementales
- 14 -
Suroît
À l’étude
(non autorisé)
TransCanada
À l’étude
Energy (Bécancour) (non autorisé)
Programme
MRNFP
Programme
MRNFP
Projets
Murdochville
Programme
MRNFP
du Annoncé
(non autorisé)
du Annoncé
(non autorisé)
de À l’étude
(non autorisés)
du Annoncé
(non autorisé)
Engagement
du
plan
stratégique
d’Hydro-Québec
Ministère de l’Environnement
Thermique
2007
807
6,5
2006
507
4,5
Cogénération
2007-2013
800
6,0
Biomasse
2005-2010
100
0,83
Éolien
2004
108
0,4
2007-2013
1000
2,6
Économies d’énergie
2002 à 2006
3,5
Direction des évaluations environnementales