Support pédago 2005 page de garde

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Support pédago 2005 page de garde
FACULTES DE MEDECINE DE TOULOUSE
UER Purpan
UER Rangueil
DCEM 3
COURS DE
CANCEROLOGIE
Module 10
Document de référence
Année Universitaire 2008-2009
CONTENU DE L'OUVRAGE - AUTEURS
Ce polycopié comprend les items du module 10 sauf l'item 143 "agranulocytose
médicamenteuse" inclus dans l'enseignement d'hématologie et le 144 "cancers de l'enfant"
inclus dans celui de pédiatrie
Item138 : Epidémiologie, cancérogenèse, développement tumoral, classifications
Etienne Cabarrot
Item 139 : Facteurs de risque, Prévention et Dépistage des cancers
Rosine Guimbaud
Item 140 : Décrire les principes du raisonnement diagnostique en cancérologie
Etienne CABARROT
Item 141. Traitements des cancers : chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie,
hormonothérapie, . La décision thérapeutique multidisciplinaire et l’information des malades
Denis Querleu, Elizabeth Cohen-Jonathan Moyal, Henri Roché
(dernière mise à jour : juillet 2005/DQ)
Item 142 : Prise en charge et accompagnement d'un malade cancéreux à tous les stades de la
maladie. Traitements symptomatiques. Modalités de la surveillance. Problèmes
psychologiques, éthiques et sociaux.
Nicolas Daly-Schveitzer
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Sept 2008/HR/mn
Epidémiologie, cancérogenèse,
développement tumoral,
classifications
Objectifs terminaux de l’item 138
ƒ
ƒ
ƒ
ƒ
Décrire l'épidémiologie des 5 cancers les plus fréquents au plan national chez l'homme
et la femme (incidence, prévalence, mortalité);
Expliquer leurs principaux facteurs de cancérogenèse et les conséquences sur la
prévention
Décrire l'histoire naturelle du cancer
Expliquer les bases des classifications qui ont une incidence pronostique
Durée de l’item : 4 heures
Auteur : Etienne Cabarrot
Dernière mise à jour : 28/08/02
1 - EPIDEMIOLOGIE DES CANCERS
La mortalité par cancer augmente en dépit des progrès du dépistage et des traitements. Cette
évolution est induite par le vieillissement général de la population française et des facteurs
environnementaux. Le cancer constitue un enjeu de santé publique.
1.1- Mortalité par cancer
Mortalité globale
Les cancers sont la première cause de décès chez l’homme et la seconde chez la femme, après
les maladies cardiovasculaires. Le cancer du poumon arrive en tête des causes de décès, suivi
des cancers du gros intestin, puis par celui des voies aéro-digestives supérieures, puis par le
cancer du sein et de la prostate. Les hommes ont une mortalité par cancer plus élevée, car ils
présentent les cancers les plus graves.
Cancers en progression. (Figure 1)
ƒ
Prostate. L’augmentation est expliquée par le vieillissement et par les habitudes de vie
(Voir plus loin
3
Sept 2008/HR/mn
ƒ
ƒ
ƒ
Poumon et la vessie. Ces cancers suivent la progression du tabagisme particulièrement
chez les femmes.
Voies aérodigestives supérieures (VADS). L’incidence s’est stabilisé en France, peutêtre en raison de la baisse de la consommation d’alcool.
Mélanomes malins. Ils augmentent régulièrement dans les pays occidentaux en raison
de la mode du bronzage et de l’exposition solaire des enfants.
Figure 2 – Evolution de la mortalité en France entre 1950 et 1990 et pour la population de
tous ages
Cancers en régression (Figure 1)
ƒ
ƒ
ƒ
Estomac. La forte baisse est rapportée aux progrès de la conservation des aliments.
Col de l’utérus. la mortalité décroît avec l’efficacité du dépistage et le traitement des
états pré –cancéreux
Autres localisations. De réels progrès thérapeutiques sont intervenus pour la maladie
de Hodgkin, les lymphomes malins non hodgkiniens, le cancer du testicule et dans une
moindre mesure le cancer colo rectal et le cancer du sein.
1.2 - Incidence des cancers
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Sept 2008/HR/mn
Les données d’incidence des cancers en France proviennent de 12 registres généraux et de 4
33 867
Sein
33 405
Colon-rectum
26 474
Prostate
21 850
Poumon
12 623
Lèvre-bouche-pharynx
10 105
Vessie
7 313
Estomac
6 757
Lymphome non hodgkinien
Rein
4 910
Œsophage
4 823
Système nerveux central
4 651
4 649
Corps utérin
4 303
Larynx
4 255
Mélanome de la peau
3 968
Localisations
Leucémies
Col utérin
3 268
Pancréas
3 197
Total des localisations ci- dessus : 200
877
Autres localisations
38 910
3 150
O vaire
2 619
Thyroïde
1 807
Myélome multiple
1790
Testicule
1 093
Maladie de Hodgkin
0
5 000
10 000
15 000
20 000
25 000
30 000
35 000
40 000
Nombre de cas
registres spécialisés, couvrant 9 départements et 11% de la population. L’incidence à
l’échelon national est estimée par modélisation à partir d’une relation établie entre l’incidence
observée par les registres départementaux et la mortalité connue au plan national
On estime à 240 000 nouveaux cas de cancers en France, dont 56 % chez l’homme. Les cinq
localisations les plus fréquentes sont les cancers du sein (34 000 cas), les cancers colo-rectaux
(33 500 cas), les cancers de la prostate (26 500 cas), les cancers du poumon (22 000 cas), les
cancers des voies aéro-digestives supérieures (22 000 cas) (Figure 2). L’incidence augmente
régulièrement et davantage chez les hommes que chez les femmes.
Influence de l’âge
Chez l’adulte, le risque de cancer apparaît vers 30 ans et s’accroît régulièrement avec l’âge. Il
s’agit surtout des cancers épithéliaux
Répartition géographique
En France, l’incidence des cancers est plus forte dans le Nord et l’Est de l’hexagone
(Calvados, Somme, Bas-Rhin) que dans le sud (Tarn, Héraut, Isère.
Les taux de cancer sont élevés aux USA et en Europe, plus faibles en Inde, dans le Sud Est
Asiatique et en Afrique. Le cancer du poumon est à lui seul responsable de plus de 1 million
de décès par an et a conquis la première place devançant le cancer de l’estomac. De manière
générale, les cancers liés à des virus comme le cancer du col de l’utérus et du foie sont
prédominants dans les pays en voie de développement, tandis que les pays développés
présentent des cancers liés à l’environnement, à l’alimentation (cancer du colon) et au profil
hormonal comme ceux du sein, de l’endomètre, du colon ou de la prostate.
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1.3 - Particularités épidémiologiques
des cancers les plus fréquents
Cancer du sein
Incidence.
Le cancer du sein touche environ 34 000 femmes en France tous les ans et seulement 1
homme pour 100 femmes.. L’incidence du cancer du sein a progressé en 20 ans de 60% dans
tous les pays occidentaux. Dans le monde, le cancer du sein est inégalement réparti, plus
fréquent dans les pays occidentaux que dans les pays en voie de développement. Les
inégalités de répartition et les études de populations migrantes ont démontré l’impact de
l’environnement et probablement du régime alimentaire.
La prévalence (patientes atteintes et survivantes) a été estimée à près de 290 000 femmes en
France, soit environ 1 femme sur 11 ou12.
Mortalité
Le cancer du sein provoque environ 10 000 décès annuels en France) et représente la
première cause de mortalité des femmes entre 50 et 69 ans.
Cancer du poumon
Incidence
La prévention des cancers bronchiques est un enjeu de santé publique en raison de la forte
incidence (22 000 nouveaux cas par an en France).L’augmentation annuelle est régulière (+
3,5%%) depuis 40 ans suivant la progression du tabagisme. On note un ralentissement depuis
1995 peut-être relié à la stabilisation de la consommation du tabac dans les années 80.
Mortalité
Il s’agit d’une maladie grave entraînant près de 24 000 décès en 1995 dont 20 000 chez
l’homme. L’excès de mortalité par rapport à l’incidence est du à une sous estimation liée à
l’exigence de preuve anatomopathologique lors de la déclaration et à des erreurs par excès
dans les certificats de décès (inclusion de métastases pulmonaires). La surmortalité masculine
est nette (8.7 hommes pour 1 femme en 1990), mais l’incidence se majore pour les femmes
qui fument de plus en plus. Aux U.S.A. la mortalité par cancer bronchique chez les femmes a
atteint la mortalité par cancer du sein. De même, la mortalité par cancer bronchique dans la
tranche des 35 à 64 ans rend perceptible les méfaits du tabagisme chez les jeunes.
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Cancers des voies aéro-digestives
supérieures (VADS)
Incidence
Les cancers de la cavité buccale, du pharynx et du larynx sont fréquents en France, environ 12
000 nouveaux cas en 1995 et touchent principalement les hommes (1700 cas chez les femmes.
Le nord de la France et le Calvados sont au premier rang mondial en raison d’une forte
consommation d’alcool et de tabac. Après une augmentation régulière de 4 à 5 % par an,
l’incidence a régressé chez l’homme mais continue d’augmenter chez les femmes, tendances
liées aux modifications des habitudes de vie, (alcoolo- tabagisme féminin.
Mortalité
Les cancers de VADS sont graves avec une nette surmortalité masculine (4400 hommes
versus 700 femmes.
Cancer du colon et du rectum
Incidence
Le cancer colorectal (CCR) est le troisième cancer de l’homme après le cancer bronchique et
de la prostate, et le deuxième cancer de la femme après le cancer du sein. L’incidence a été
évaluée en 1995 à près de 33 000 nouveaux cas en France dont 54% chez l’homme. L’inégale
répartition des CCR dans le monde met en lumière l’impact de l’environnement dans leur
apparition et particulièrement le rôle de l’alimentation. Les populations africaines ayant une
alimentation à base de végétaux ont une incidence beaucoup plus faible que les pays
occidentaux dont le régime est hyper calorique et riche en viandes et graisses animales ont
une incidence élevée. On attend les résultats d’études contrôlées sur l’intérêt des fibres
alimentaires (son de blé) et du calcium dans la prévention des polypes et des cancers.
Mortalité
Le cancer du colon reste une maladie grave ayant entraîné 16 000 décès en 1995 ce qui
représente 50 et 60 % des malades. Cependant, la mortalité se réduit de 1 % par an, peut être
en raison du dépistage des polypes. La prévalence a été évaluée par le réseau FRANCIM à
190 000 cas en 1990.
Cancer de la prostate
Incidence
Le cancer de la prostate est la localisation la plus fréquente de l’homme avec plus de 26 000
nouveaux cas dans l’année 1995. L’incidence a augmenté en France et dans les pays
occidentaux de +180 % entre 1985 et 1995. Cette progression s’explique par le vieillissement
de la population et par les progrès du dépistage. En effet, l’utilisation d’un test sensible, le
dosage du PSA provoque une augmentation artificielle de cancers au stade pré clinique.
Mortalité
L’absence d’augmentation parallèle de la mortalité dans la même période incite à penser qu’il
s’est produit un meilleur recrutement des malades et que l’incidence devrait logiquement
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diminuer dans les années ultérieures. Cependant, la mortalité par cancer prostatique est
élevée, environ 9 à 10 000 décès par an, car la moitié des malades se présentent avec des
métastases osseuses. C’est un cancer de l’homme âgé, avec un âge moyen de 70 ans. Il est
rare avant 50 ans.
Les facteurs étiologiques sont l’apport lipidique et l’action des hormones sexuelles comme
facteur de prolifération. L’hérédité et l’origine ethnique jouent un rôle, l’incidence est 2 fois
plus forte en Martinique et chez les noirs américains.
Cancer de la peau
Incidence et mortalité des cancers épithéliaux
Ils sont très fréquents autant chez les hommes que les femmes. Ils surviennent au-delà de 60
ans et sur des zones exposées au soleil qui est le facteur étiologique principal. L’incidence
annuelle est difficile à chiffrer en l’absence de registre prenant en compte les cancers
épithéliaux. Les carcinomes basocellulaires (80% des cas) entraînant une très faible mortalité
(0,3 % de l’ensemble des cancers)
Incidence et mortalité des mélanomes
Les mélanomes malins de la peau ont touché en 1995 environ 4 200 personnes (5 à 10 % des
cancers de la peau). Ils sont en nette augmentation en France, en Europe, en Australie et en
Amérique du Nord. L’incidence a doublé entre 1985 et 1995 avec une augmentation plus forte
chez l’homme (2 %) que chez la femme (0,7 %). La France a des taux moyens de mélanomes,
deux fois moindre que ceux observés en Grande Bretagne, au Danemark ou en Hollande.
Le nombre de décès par mélanome est d’environ 500 par an en France. Le facteur favorisant
des mélanomes est constitué par les rayons ultraviolets du soleil, surtout chez les sujets à peau
claire et en raison de l’ensoleillement dans l’enfance qui est le principal facteur de risque.
(*N2 Approfondissement Texte : Points fondamentaux du chapitre « épidémiologie des
cancers »
Mortalité. Les cancers sont la première cause de décès chez l’homme et la seconde chez la
femme, après les maladies cardiovasculaires. Les principales localisations sont les cancers du
poumon, du gros intestin, des voies aéro-digestives supérieures, du sein et de la prostate. Les
hommes ont une mortalité par cancer plus élevée, car ils présentent les localisations les plus
graves dont l’étiologie est liée à la consommation d’alcool et de tabac..
L’incidence des cancers augmente régulièrement en France depuis 1975. Pour la plupart des
localisations, le risque cumulé de cancer entre 30 et 74 ans fournit une bonne approximation
du risque de cancer sur toute la vie. Le sex-ratio est approximativement de 1,5/1.
Effet du vieillissement. L’incidence du cancer croit avec l’age. C’est une maladie des
personnes âgées.
Evolution L’incidence est croissante pour le poumon, le sein, la prostate, en régression pour
les VADS, l’estomac et du col de l’utérus
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Répartition mondiale le cancer du poumon est devenu le plus fréquent avant le cancer de
l’estomac. Au plan mondial, les cancers représentent 9,5 % des décès et 21 % dans les pays
développés. La différence de répartition est expliquée par la plus grande fréquence des
cancers liés aux maladies infectieuses (cancer du foie ou du col de l’utérus) dans les pays en
voie de développement, alors que dans les pays développés les cancers paraissent liés à
l’alimentation (cancers du colon) et au profil hormonal (cancers du sein et de la prostate).*
2 - FACTEURS DE LA
CANCEROGENESE
Dans les pays développés, environ un tiers des cancers serait lié à l’alimentation, 25% au
tabac, 10% à l’alcool. Une transmission héréditaire est retrouvée dans moins de 5 % des
cancers du sein, du colon ou de la prostate. Les facteurs environnementaux sont prépondérants
mais la prédisposition génétique explique pourquoi certains individus soumis au même
cancérogène présentent ou ne présentent pas la maladie.
2.1- Cancérogenèse chimique
2.1.1 -Tabac
Le tabac est le principal agent carcinogène identifié dans l’espèce humaine. Il est responsable
de la quasi-totalité des cancers du poumon, d’une grande partie des cancers de la vessie, du
rein et en association avec l’alcool, de ceux du larynx, du pharynx, de l’œsophage et de la
cavité buccale. Chez la femme, le risque de cancer du col de l’utérus est majoré chez lez
fumeuses. Le risque du tabac est lié aux hydrocarbures aromatiques avec une relation dose effet qu’il s’agisse du nombre de cigarettes par jour ou l’ancienneté de la consommation du
tabac. L’irritation chronique de la muqueuse par la fumée de tabac produit des dysplasies et
après un délai de 15 à 20 ans une transformation maligne.
Le type de tabac blond ou brun, avec ou sans filtre, chargée ou non en goudrons diminue le
risque mais ne le supprime pas. Une étude récente a montré que les fumeurs de cigares et de
pipes ont un risque multiplié par respectivement 9 et 8 fois par rapport à des cohortes de nonfumeurs. En Amérique du Nord ou les femmes fument depuis longtemps, le cancer du
poumon est en train de devenir le premier cancer de la femme avant le cancer du sein.
L’impact du tabagisme passif sur le risque de cancers des non-fumeurs est démontré.
2.1.2 - Alcool
Même si l’alcool n’est pas carcinogène en lui-même, les enquêtes épidémiologiques relient
formellement une consommation excessive et le risque de cancer de la bouche, du pharynx, de
l’œsophage et du foie. L’association alcoolo-tabagique est retrouvée dans 75% des cancers
des VADS. L’alcool agit par irritation chronique des muqueuses, ce qui facilite la pénétration
et l’action carcinogène des goudrons du tabac et par des carences nutritionnelles. Le risque de
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Sept 2008/HR/mn
l’intoxication alcoolo tabagique multiplie le risque de 35 fois par rapport aux nonconsommateurs. Chez la femme, l’alcool est associé avec une légère augmentation des
cancers du sein.
2.1.3 - Alimentation
L’excès d’apport calorique par rapport à la dépense énergétique est corrélé à un risque accru
de cancers du sein, de la prostate, de l’endomètre, du colon et rectum. Bien que les agents
alimentaires et le mécanisme d’action ne soient pas clairement identifiés, le rôle des graisses
d’origine animale est admis.
A l’inverse, une consommation importante de légumes et de fruits frais a un effet protecteur
pour les cancers des poumons et de la sphère digestive.
Alimentation et cancers digestifs.
ƒ Estomac
La forte incidence des cancers du pharynx de l’œsophage et de l’estomac en Asie a été reliée à
la consommation d’aliments salés ou fumés et aux nitrites et nitrosamines qu’ils contiennent.
En occident, on observe une régression de l’incidence qui serait liée à la consommation
d’aliments frais, à la qualité de la chaîne du froid et peut-être aux anti-oxydants utilisés en
additifs alimentaires. Les cancers de l’estomac se développent sur une gastrite chronique
associée un agent microbien (Helicobacter pylori).
ƒ Colon et rectum
L’incidence varie selon les habitudes alimentaires et les régions du monde, très faible en
Afrique Noire ou chez les Mormons américains, élevée dans les pays occidentaux dans les 2
sexes. Le régime alimentaire des pays riches est en cause, trop riche en calories et en graisses
animales, pauvre en poisson en légumes frais et en fibres végétales.
ƒ Foie
Pour l’hépatocarcinome, la contamination des arachides ou du riz par des moisissures
dégageant l’aflatoxine intervient en association avec le virus de l’hépatite B en Afrique et en
Asie.
Alimentation et cancers hormono-dépendants
L’incidence des cancers du sein et de l’endomètre est fortement corrélée avec la surcharge
pondérale. Les mécanismes d’action de l’alimentation et de l’obésité ne sont pas élucidés
mais il semble que l’hyperoestrogénie joue un rôle essentiel que celle-ci soit d’origine
endogène ou exogène. Chez la femme obèse et surtout après la ménopause, une production
excessive d’oestrogènes est induite par une aromatisation des androgènes dans la graisse
corporelle.
Le mode alimentaire des asiatiques explique la faible incidence des cancers du sein. Le
régime dans le sud-est asiatique est à base de riz, de végétaux (rôle des phytooestrogènes), de
poissons et pauvres en viandes et en graisses.
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2.1.4 -Agents chimiques et cancers
professionnels
Selon les expériences de Bérenblum et Schubic, la cancérogenèse chimique nécessite chez
l’animal plusieurs étapes et l’application successive d’agents, les uns initiant le processus, les
autres agissant dans la promotion tumorale. Ces agents chimiques forment des molécules
électrophiles se liant aux acides nucléiques. En cas de déficit d’enzymes de réparation
cellulaire, les altérations non létales de l’ADN sont transmissibles aux cellules filles qui par
divisions constituent un clone tumoral.
Les organes concernés sont les muqueuses en contact direct avec le carcinogène chimique, la
peau, les muqueuses des sinus de la face, des bronches, de la vessie et les cellules hépatiques.
L’amiante est responsable de la majorité des mésothéliomes de la plèvre et de 5 % des cancers
bronchiques. Le nombre de cancers bronchiques dus à l’amiante a été estimé à environ 2 000
en 1996.
Les principales substances cancérogènes figurent dans le tableau des maladies
professionnelles du régime général de la Sécurité Sociale [Pour détails, voir chapitre Facteurs
de risque et prévention (thème 139)].
Produits
Cancers induits
Amiante
Poumon, plèvre
Amine aromatique
Vessie
Benzène
Leucémie
Dichlorométhyléther
Poumon
(résine de synthèse)
Chlorure de vinyle
Foie
Chrome
Poumon
Goudron, huile de suie, de charbon
Peau, poumon, vessie
Huiles minérales
Peau
Nickel
Poumon, nez, sinus
Oxyde de fer (fumée, poussières)
Poumon
Poussière de bois
Nez, sinus
Tableau– Liste des principaux cancers professionnels et des produits en cause
Les cancers professionnels peuvent être en grande partie prévenus par l’information des
employés et l’élimination des substances nocives sur les lieux de travail et des mesures de
protection des personnes travaillant en milieu exposé. L’origine professionnelle est évoquée
par l’anamnèse, le patient est informé de la relation entre sa profession et le cancer. La
procédure de déclaration de maladie professionnelle comporte la rédaction d’un certificat
médical et une déclaration par le malade dans un délai de deux ans après le diagnostic de
cancer en vue d’une indemnisation.
2.1.5 - Médicaments à potentiel cancérigène
Chimiothérapie anticancéreuse
Les alcoylants induisent des lésions non létales de l’ADN de cellules souches pouvant être
transmises à des cellules filles et induire la survenue de leucémies, et de lymphomes, rarement
des cancers glandulaires ou épidermoîdes.
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Sept 2008/HR/mn
Hormones
Les hormones sont des facteurs physiologiques de croissance pour le sein, l’endomètre et la
prostate. Les traitements hormonaux comportent donc un risque cancérigène, faible et discuté
en contraception ou pour la ménopause, mais à prendre en compte pour les traitements très
longs ou chez les personnes ayant une prédisposition familiale ou personnelle de cancers
hormono dépendants
Les antiœstrogènes (Tamoxifène) largement utilisé dans le cancer du sein a un effet
oestrogènique paradoxal sur l’endomètre. Une administration prolongée comporte un risque
accru de cancer de l’endomètre.
On rappelle le risque des traitements par diethylstibestrol en cours de grossesse pouvant
induire un adénocarcinome vaginal chez les filles des mères traitées.
Traitements immunosuppresseurs
Administrés lors des transplantations d’organes, ils favorisent à terme l’émergence de cancers
et de lymphomes non hodgkiniens.
2.2- Cancérogenèse physique
2.2.1 - Radiations ionisantes (RI)
Les radiations ionisantes agissent par lésion de l’ADN du noyau et par ionisation de l’eau. La
radiolyse de l’eau est la fragmentation d’une molécule d’eau soumise à l’action des RI avec
production de radicaux libres, eux-mêmes toxiques pour les molécules voisines [Voir dans le
chapitre Radiothérapie l’action biologique des radiations ionisantes (Thème 141)]. Les lésions
de l’ADN, mutations et aberrations chromosomiques entraînent le plus souvent une mort
cellulaire retardée mais les lésions géniques non létales peuvent initier un processus de
transformation maligne.
On connaît des exemples historiques de cancers radio induits (Tableau 4).
Tableau 4 – Exemples historiques de cancers radio-induits
Exemples de cancérogenèse
Cancers induits
Survivants des bombes atomiques
Traitement des spondylarthrites ankylosantes
Survivantes de la bombe A d’âge < 40 ans
Surveillance radiographique des scolioses et
des pneumothorax thérapeutiques
Enfants irradiés de Tchernobyl (surtout les
filles)
Irradiation du thymus ou des amygdales
Radiologistes, orthopédistes
Traitement des teignes du cuir chevelu
Mineurs d’uranium de Silésie
Leucémies
Radiographie après injection de thorotrast
(produit de contraste radioactif)
Angiosarcome du foie
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Cancers du sein
Cancers de la thyroïde
Cancers cutanés
Cancers bronchiques
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Le risque de cancer est en relation avec la dose reçue. Les enfants sont plus vulnérables que
les adultes.
Les explorations diagnostiques chez les femmes enceintes ont un risque tératogène dans les
premiers mois et augmentent le risque de cancer infantile ultérieurement.
Les irradiations thérapeutiques ont un très faible risque de cancers secondaires. Il s’agit le
plus souvent de sarcomes des tissus mous ou du squelette plus rarement de cancers
glandulaires. Leur reconnaissance implique que le cancer survienne dans le territoire irradié
avec un très long temps de latence.
Application à la prévention des radio-cancers
Sauf cas particulier, les irradiations pour lésions bénignes ont été supprimées. Les irradiations
à visée diagnostique doivent être limitées aux besoins du diagnostic et sont interdites pendant
la grossesse.
L’exposition des personnels médicaux aux radiations ionisantes est réduite par des mesures de
radioprotection individuelles et collectives. Le risque fait l’objet d’une surveillance
périodique par examen médical et mesures des doses reçues. La limite annuelle pour les
travailleurs exposés a été fixée en équivalant de doses à 50 millisevert.
2.2.2 - Rayons ultraviolets
Le soleil favorise l’apparition de cancers cutanés sur la face, le cou, le dos des mains. Il s’agit
de cancers épithéliaux ou de mélanomes. Certaines professions sont plus exposées, marins,
montagnards, agriculteurs. Les rayons UVA et UVB délivrent leur énergie au niveau de
l’épiderme ou ils provoquent des lésions de l’ADN. L’effet cancérogène dépend de la durée
de l’exposition, de l’âge (coup de soleil dans l’enfance) et de la pigmentation cutanée.
La prévention est essentielle, visant à protéger la peau du soleil particulièrement pour les
sujets blonds ou roux et les enfants.
2.2.3 – Traumatismes
Un traumatisme de la vie courante ou par accident de la voie publique n’est pas reconnu
comme carcinogène, mais on admet qu’il joue un rôle révélateur d’un cancer méconnu et qu’il
puisse aggraver l’évolution d’un cancer. Par contre, des cancers peuvent se produire sur des
cicatrices de brûlures anciennes, de fistules ou plaies chroniques.
2.3 - Cancérogenèse virale
2.3.1 - Mécanisme
Le rôle cancérogène de certains virus a été démontré au plan expérimental dans les cancers du
sein de la souris, le sarcome aviaire de Rous et les leucémies des poules. Chez l’homme
plusieurs types de virus sont clairement associés à des cancers. Les mécanismes de
transformation sont spécifiques du type viral.
On distingue deux grands groupes de virus oncogènes :
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Sept 2008/HR/mn
ƒ Virus à ARN ou rétrovirus
Le modèle rétro viral animal a permis la découverte des oncogènes, gène cellulaire muté par
un virus ARN équipé d’une reverse transcriptase permettant l’intégration de l’ADN
complémentaire dans le génome cellulaire. L’expression de l’oncogène induit la
transformation maligne. D’autres rétro virus sont cancérogènes par intégration de leur ADN à
proximité d’un gène cellulaire dont ils vont stimuler de façon inapproprié la production vont
aboutir au même résultat. (Tableau 5). Le seul rétrovirus oncogène identifié chez l’homme est
le HTLV1 qui induit chez l’adulte des leucémies et lymphomes à cellules T.
Tableau 5 – Virus à ARN associés aux cancers de l’homme
VIRUS à ARN (RETROVIRUS)
Virus
Cancers associés
Actions oncogéniques connues
HTLV-I
Lymphome à cellules T
Leucémie à tricholeucocytes
Pas d’intégration de séquence oncogène, mais activation de
gènes multiples
HIV
Sarcome de Kaposi
Sécrétion de facteurs de croissance (bFGF)
ƒ Virus à ADN
Ce sont les agents cancérogènes les plus actifs chez l’homme. Ils appartiennent à trois grandes
familles : la famille des papilloma virus, la famille des virus herpès, et la famille des hépadna
virus, particulièrement le virus de l’hépatite B (Tableau 6).
Tableau 6– Les virus à ADN associés aux cancers de l’homme
Virus
Cancers associés
Papovavirus
HPV 16-18
Papillome, condylome
Dysplasie ano-génitale
Cancer du col de l’utérus
Virus du groupe Herpes Lymphome de Burkitt
EBV
Certains lymphomes B
Maladie de Hodgkin
Cancer du rhino-pharynx
Hépadna virus
Carcinome
HBV
(Cofacteur hépatocellulaire
aflatoxine)
Actions oncogéniques connues
Intégration au génome
Inhibition de p53
Intégration dans le génome
Sur expression de Bcl2
Sur expression du récepteur au TNF
Immortalisation des cellules
Activation des oncogènes c-fos, cmyc
Inhibition de p53
Les modèles animaux utilisant le virus du polyome et le SV40 ont permis d’explorer les
modes de fonctionnement Les séquences virales incorporées au génome activent des
oncogènes c-fos, c-myc, Bcl2 et produisent des protéines activant la prolifération des cellules
infectées ou neutralisent des gènes suppresseurs de tumeur, le plus important étant p53.
14
Sept 2008/HR/mn
2.3.2 - Cancers humains associés aux virus à
ADN
Le virus d’Epstein-Barr (EBV)
L’EBV est impliqué dans le lymphome de Burkitt, des cancers du rhinopharynx et des
lymphomes malins.
ƒ
Le lymphome de Burkitt a une distribution privilégiée en Afrique Equatoriale et dans
le sud est asiatique. En Europe, existent des formes sporadiques chez l’enfant avec
atteinte du maxillaire supérieur, du tube digestif ou des organes génitaux. La
transformation maligne des lymphocytes B normaux est liée à l’EBV dans plus de
95 % des Burkitt endémiques. La carcinogenèse est en fait multi factorielle, car
l’infection par EBV précède longtemps l’émergence du lymphome, le paludisme agit
en cofacteur.
ƒ
Les lymphomes immunoblastiques ou de type Burkitt peuvent survenir au cours du
Sida et chez les transplantés.
ƒ
Le cancer du rhinopharynx est fréquent en Asie du Sud Est, le Maghreb, l’Afrique
Noire et chez les esquimaux d’Alaska et du Groenland. La carcinogenèse associe
l’EBV, des facteurs génétiques et des facteurs alimentaires produisant des
nitrosamines, harissa, huile de croton (baume nasal). La sérologie de l’EBV est utile
au diagnostic et à la surveillance.
Virus du papillome humain (HPV).
Ces virus sont associés aux cancers du col utérin, de la marge anale et du pénis. Les infections
à HPV sont sexuellement transmissibles et se traduisent par des condylomes des muqueuses
ano-génitales. On observe le passage des condylomes vers des dysplasies sévères, puis vers un
carcinome in situ et un cancer infiltrant. Le délai entre dysplasies et cancer infiltrant est en
moyenne de 10 à 15 ans. Les souches virales oncogènes sont les souches 16 à 18.
Au niveau de la peau on observe des infections à herpès virus de type 5 provoquant une
épidermodysplasie.
Virus de l’hépatite B (HBV).
Le virus de l’hépatite B est incriminé dans la survenue du cancer hépatocellulaire. Les zones
d’endémie sont le sud est asiatique et l’Afrique Noire où le cancer survient sur foie sain. Le
virus est associé à un co-facteur, l'aflatoxine produit par un parasite des arachides,
l’aspergillus flavus et par d’autres toxines parasitant le riz. Le virus est intégré au génome des
cellules tumorales et provoque des mutations de p53.
En Occident, l’incidence d’association avec le virus B est moins forte et le cancer
hépatocellulaire viro-induit survient après cirrhose post-hépatitique.
15
Sept 2008/HR/mn
2.4 - Facteurs génétiques de la
cancérogenèse
Si une prédisposition familiale est fréquente, une transmission génétique n’est authentifiée
que dans 5%. des cancers. Plusieurs gènes de transmission héréditaire ont été identifiés dans
le cancer du sein, du colon, de la prostate (tableau 7)
Tableau 7– Principales prédispositions héréditaires des cancers à transmission dominante
(MEN : néoplasies endocriniennes multiples ; HNPCC : hereditary non polypoid colic cancer)
Maladie
Sites
Gènes
Polypose adénomateuse familiale
Colon gauche, rectum
APC
Syndrome de Lynch (HNPCC)
Colon droit
MSH2
Cancers du sein spécifique de site
Sein
BRCA1
Cancer du sein et de l’ovaire
Sein et ovaire
BRCA 2
Syndrome de Li-Fraumeni
Sein
p53
Rétinoblastome héréditaire
Rétine, os
Rb
Cancer médullaire héréditaire (MEN II)
Thyroïde, parathyroïde, surrénales
RET
Mélanome héréditaire
Peau
MTS1
Xeroderma pigmentosum
Peau, mélanomes
Neurofibromatose de Recklinghausen
Système nerveux, sites variés
NF 1
Von Hippel-Lindau
Rein, système nerveux
VHL
2.4.1 - Polypose adénomateuse familiale
(FAP : Familial adenomatous polyposis)
La FAP est caractérisée par l’apparition dès l’âge de 15 ans d’innombrables polypes étendus
sur toute la muqueuse du colon. Le risque de cancer est d’environ 50 % à 40 ans et
pratiquement 100 % à l’âge de 60 ans. Le gène responsable de la FAP est le gène APC
(encart). Dans le même cadre, le syndrome de Gardner associe en plus des kystes sébacés, des
fibromes et des ostéomes de la face.
(*N2 Approfondissement Texte : Mécanisme d’action du gène APC
Le gène APC isolé en 1991 est situé sur le chromosome 5 et code pour une protéine formant
des dimères avec les caténines. Les caténines sont des protéines d’ancrage du cytosquelette,
localisées à la jonction des cellules épithéliales ou elles interagissent avec d’autres protéines
extra membranaires, les cadhérines. Ce système maintient l’architecture normale de
l’épithélium par le phénomène d’inhibition de contact. Les protéines synthétisées par les
formes mutées du gène APC ne sont pas fonctionnelles et aboutissent à l’apparition d’une
polypose profuse.*)
16
Sept 2008/HR/mn
Tableau 8 - Caractères des cancers familiaux du colon et du rectum
FAP
HNPCC
Incidence
1%
1à3%
Risque d’apparition de cancer
100 %
70 %
Age au risque de cancer
15 à 40 ans
25 à 40 ans
Nombre de polypes
> 100
< 10
Siège des cancers
Colon gauche
Colon droit
Autres cancers
Sarcome, adénomes
gastro-intestinaux
Endomètre, sein,
pancréas, estomac
2.4.2 - Syndrome de Lynch - HNPCC (Hereditary Non Polyposis Colon Carcinoma)
Cette forme familiale de cancers du colon se différencie de la FAP car elle n’est pas associée
à des polypes et touche plutôt le colon droit (Tableau 8). On a identifié plusieurs gènes dont la
mutation entraîne un défaut de réparation de l’ADN et une instabilité particulière des
microsatellites. Cette dernière propriété a permis de développer un test de susceptibilité
individuelle (Tableau 9).
Tableau 9 - Identification des formes familiales de cancers colo-rectaux
Enquête génétique recherchant une agrégation familiale de 3 personnes atteintes apparentées
au 1er degré sur deux générations
Identification par analyse moléculaire d’une mutation constitutionnelle chez les sujets
atteints :
gène APC dans la FAP
instabilité des microsatellites dans l’HNPCC
mutation des gènes MSH2, MLH1, PMS 1 et 2
2.4.3 - Cancer du sein familial
Les cancers familiaux surviennent à un âge plus jeune et sont plus souvent bilatéraux que les
formes sporadiques.
ƒ
Cancer familial du sein spécifique de site. Les personnes touchées présentent
uniquement des cancers du sein. L’anomalie génétique porte sur le gène BRCA I situé
sur le chromosome 17.
ƒ
Syndrome sein-ovaire. Les membres de la famille présentent l’une ou l’autre
localisation. Le gène muté est BRCA 2 situé sur le chromosome 13.
17
Sept 2008/HR/mn
2.4.4 - Rétinoblastome héréditaire
Les formes héréditaires représentent 40 %, les autres étant des cas sporadiques. La
transmission est autosomique et dominante par délétion constitutionnelle du gène Rb situé sur
le chromosome 13. Dans les formes familiales avec gène Rb muté, le risque de transmission à
la descendance est de 40 à 50%. Le diagnostic génétique permet de proposer une surveillance
néo-natale à la recherche de formes débutantes de la maladie et de mettre en route un
traitement conservateur
(*N2 Approfondissement Texte : Pathogénie du rétinoblastome.
Le développement d’un rétinoblastome héréditaire est du au cumul de 2 évènements : la
transmission héréditaire d’un allèle muté et la perte de fonction ultérieure de l’autre allèle du
gène. Cette perte d’hétérozygotie permet de faire le diagnostic en comparant le matériel
génétique de la tumeur et l’ADN leucocytaire de l’enfant et des parents (Voir la théorie de
KNUSON dans le chapitre cancers pédiatriques).*
2.4.5 - Cancer médullaire de la thyroïde
La forme héréditaire entre dans le cadre du syndrome des néoplasies endocriniennes multiples
de type 2 qui peut comporter en plus une hyperplasie ou un adénome des glandes
parathyroïdes, un phéochromocytome, des neurinomes. Les cancers médullaires se
développent à partir des cellules C de la thyroïde et sécrètent la calcitonine dont le dosage
permet le dépistage des formes familiales.
2.4.6 - Autres cancers familiaux
Des cancers familiaux ont une transmission récessive, sans impact obligatoire sur le
développement des tumeurs.
ƒ
ƒ
ƒ
ƒ
ƒ
Mélanomes multiples familiaux (5% des cas)
Néphroblastome héréditaire,
Syndrome d’ataxie télangiectasie,
Xeroderma pigmentosum. Cette maladie est caractérisée par un défaut de réparation
des lésions solaires de l’ADN. Les sujets présentent des cancers cutanés et des
mélanomes dès le jeune age.
Maladie de Recklinghausen. Elle associe des neurofibromes, des taches café au lait et
des molluscums de la peau. Les malades peuvent développer des neurofibromes
malins, des phéochromocytomes et des cancers cutanés.
ƒ
2.4.7 - Diagnostic génétique
Le diagnostic génétique a pour objectif d’identifier les sujets à risque et les familles et de leur
proposer un conseil génétique. Il peut s’agir de mesures de dépistage individuel ou de
traitement de lésions précancéreuses. Dans la polypose colique familiale par exemple, les
individus porteurs d’une anomalie génique font l’objet d’une surveillance étroite à la
recherche du développement de polypes par des coloscopies. Une information est délivrée sur
les risques encourus par les générations suivantes. Les autres personnes peuvent être rassurées
sur le risque de transmission à leur descendance leur surveillance n’est plus nécessaire. [*N2
Pour les maladies, faire un lien avec le voir thème 139 chapitre Prévention)*]
18
Sept 2008/HR/mn
(*N2 Approfondissement Texte : Points clés de l’étiologie des cancers
En Europe et dans les pays développés, les facteurs environnementaux sont prépondérants
dans la cancérogenèse humaine davantage que l’hérédité ou les virus. Certains êtres humains
ont une prédisposition familiale, mais beaucoup de cancers pourraient être prévenus en se
conformant au code européen contre le cancer. Cette liste de recommandations diffusée par
l’Union européenne est susceptible de réduire de moitié le risque de présenter un cancer :
ƒ
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ƒ
ƒ
ƒ
ƒ
Ne fumez pas. Fumeurs, arrêtez le plus vite possible et n’enfumez pas les autres.
Modérez votre consommation de boissons alcoolisées, bières, vin ou alcool.
Evitez les expositions excessives au soleil.
Respectez les consignes professionnelles de sécurité lors de la production, la manipulation ou l’usage
de toute substance cancérigène
Consommez fréquemment des fruits et des légumes frais et des aliments riches en fibres
Evitez l’excès de poids et limitez la consommation en matières grasses
L’alcool et le tabac sont, de loin, les principaux agents cancérogènes connus. L’alcoolisme est
l’agent étiologique des cancers de l’œsophage, du pharynx, de la cavité buccale et du foie
avec une relation dose – effet significative. L’alcool intervient comme un facteur promoteur
par le biais de carences nutritionnelles ou vitaminiques. L’alcool potentialise le rôle du tabac.
Le tabac est responsable de la majorité des cancers bronchiques et des voies aériennes
supérieures. Il intervient aussi dans les cancers de vessie et sans doute du sein et du col de
l’utérus. L’incidence des cancers a augmenté avec la consommation du tabac. Un lien dose –
effet a été démontré. Le risque est majoré par le nombre de cigarettes par jour, la précocité et
l’ancienneté de la consommation.
Le rôle de l’alimentation est difficile à démontrer, mais il existe des corrélations entre les
cancers digestifs et un régime alimentaire riche en viande et en graisse animale d’une part, et
pauvre en fibres végétales et en légumes verts d’autre part. De même, l’obésité est corrélée
avec le cancer du sein et de l’endomètre.
Les agents cancérogènes chimiques sont multiples, principalement l’amiante, les goudrons et
notamment le benzopyrène. Ils sont à l’origine de cancers professionnels qui représenteraient
5 % de l’ensemble des cancers.
Le risque carcinogène des médicaments est à considérer dans les chimiothérapies adjuvantes,
les hormonothérapies au long cours par le tamoxifène, plus souvent négligeable dans le
traitement palliatif des cancers métastatiques. La prise pendant plus de 10 ans d’hormones
sexuelles en traitement de la ménopause a un risque réel, mais faiblement augmenté de cancer
du sein ou de l’endomètre. Les hormones sexuelles agissent comme des promoteurs de la
cancérisation.
Les radiations ionisantes sont carcinogènes par lésion de l’ADN. Sauf cas particulier, les
irradiations pour lésions bénignes ont été supprimées. Les irradiations à visée diagnostique
sont interdites pendant la grossesse et autrement strictement limitées aux besoins du
diagnostic. L’exposition des personnels médicaux aux radiations ionisantes est réduite par des
mesures de radioprotection individuelles et collectives.
Le soleil favorise l’apparition de cancers cutanés sur la face, le cou, le dos des mains et dans
des professions exposées. La prévention est essentielle, visant à protéger la peau du soleil
particulièrement pour les sujets blonds ou roux et les enfants.
19
Sept 2008/HR/mn
Les virus sont clairement associés à certains cancers. Les virus à ADN sont les cancérogènes
les plus actifs. Ils appartiennent à trois grandes familles : la famille des papilloma virus, la
famille des virus herpès, et la famille des hépadna virus, particulièrement le virus de l’hépatite
B.*
20
Sept 2008/HR/mn
3 - histoire naturelle des cancers
Les cancers sont précédés de précurseurs biologiques et d’états précancéreux évoluant des
mois ou des années sans que le patient s’en aperçoive et que la tumeur soit détectable. La
croissance d’un cancer peut être exprimée par une courbe avec en ordonnées le nombre de
cellules tumorales et en abscisse le temps en années. Le seuil ou le diagnostic devient
réalisable est de l’ordre de 1 cm3, ce qui représente une masse de 109cellules (Figure 3).
La prévention primaire des cancers consiste à éviter l’exposition ou à protéger contre les
agents carcinogènes identifiés (soleil, tabac, toxique professionnel, agent alimentaire). La
prévention secondaire consiste à traiter des lésions précancéreuses avant leur dégénérescence
(polypes coliques, dysplasies du col de l’utérus).
Le dépistage cherche à découvrir chez des sujets sains des cancers à un stade débutant, intra
épithélial ou microinvasif ou de petite taille et infra clinique. L’objectif est d’intervenir avant
la production des métastases, sachant que l’essaimage métastatique peut se produire tôt dans
l’histoire de la maladie.
Nombre de cellules tumorales
Figure 3 - Représentation schématique de l’évolution naturelle des cancers. La courbe représente la
croissance tumorale avec en ordonnées le nombre de cellules tumorales et en abscisse le temps en
années.
1012
109
InitiationPrécurseurs
biologiques
Temps
Progression Envahissement Métastases
Etats
pré-cancéreux
Cancer
Pré-clinique
Cancer
clinique
Mort
3.1 - Précurseurs biologiques
Le cancer est un processus à étapes multiples.
Le modèle expérimental de cancérogenèse chimique proposé en 1948 par Béremblum et
Shubik. Est applicable à la plupart des cancers humains ; ce modèle est à étapes multiples :
ƒ
l’initiation est une altération du génome d’une cellule normale. Il s’agit d’une
première information cancéreuse qui ne se traduit par aucune modification apparente
21
Sept 2008/HR/mn
ƒ
ƒ
de la cellule. L’initiation est un phénomène rapide et irréversible mais il ne suffit pas
pour produire une cellule cancéreuse.
la promotion tumorale est un processus prolongé nécessitant des expositions
multiples à d’autres agents cancérogènes dits promoteurs. Le noyau cellulaire
commence à présenter des anomalies.
la progression est induite par les divisions successives et au développement d’un
clone de cellules malignes.
Le cancer est une maladie de l’ADN
Au niveau moléculaire, les études d’oncogenèse expérimentale ont montré que la plupart des
tumeurs
malignes résultait de la succession dans une même cellule de mutations successives. Il existe
aussi chez l’homme des modèles allant dans le même sens. On connaît les étapes successives
de la transformation aboutissant au cancer du colon ou de la transformation de lymphome de
bas grade en lymphome à grandes cellules, de leucémie myéloïde chronique en leucémie
aiguë myéloblastique, etc.
ƒ
Certaines mutations activent des proto-oncogènes existant dans le patrimoine normal
d'une cellule. Les formes mutées de ces gènes sont les oncogènes. La transfection
d’oncogènes à une cellule normale est capable de rendre celle-ci cancéreuse. Ces
mutations sont généralement dominantes.
ƒ
D’autres mutations détruisent un gène de contrôle du fonctionnement cellulaire. La
délétion des gènes sur les deux allèles est généralement nécessaire. Ces mutation
touchent des gènes suppresseurs de tumeurs ou anti-oncogènes. C’est le cas du gène
de la protéine p 53 qui est un régulateur négatif de la division cellulaire et dont la
délétion est retrouvée dans beaucoup de cancers (Tableau 11). En pratique clinique,
l’expression de p 53 est de mauvais pronostic.
ƒ
D’autres anomalies génétiques sont des amplifications géniques, se traduisant par une
augmentation du nombre de copies d’un gène au-delà des deux normalement
présentes, soit des délétions géniques ou perte de un ou plusieurs gènes contigus, soit
encore une translocation de partie d’un gène sur un autre (Tableau10). Plusieurs
modèles de translocation suggèrent que la protéine hybride formée par l'association de
deux morceaux de gènes associés est oncogénique par ses propriétés de nouvelle
protéine ou par l’inhibition compétitive de la fraction de la protéine normale
Tableau 10 – Quelques oncogènes et anti-oncogènes associés aux cancers humains
Translocation de c-myc
Leucémie myéloïde
Amplification de c-myc
Leucémie aiguë, cancer du colon neuroblastome
Amplification de c-erb B2 / HER 2 / neu
Adénocarcinome mammaire, cancer épidermoïde de la peau
Mutation de K-ras
Cancer du colon, adénocarcinome du poumon
Hyper-expression de HA-ras
Cancer de l’ovaire
Délétion de p 53
Nombreux cancers : sein, VADS, foie, col utérin, poumon …
22
Sept 2008/HR/mn
Toutes ces modifications génétiques acquises aboutissent à donner des propriétés nouvelles
des cellules malignes. Les propriétés essentielles des cellules cancéreuses sont
l’immortalisation, l’autonomie de la division cellulaire et l’acquisition d’un pouvoir
migratoire.
ƒ
ƒ
ƒ
L’immortalisation est due à l’activité d’enzymes, les télomérases, qui allongent la vie
cellulaire par maintien de la longueur des télomères.
La perte du contrôle des divisions cellulaires est induite expérimentalement par les
mutations du gène p 53 et de la délétion du gène du Rétinoblastome (Rb).
Le pouvoir migratoire est acquis par des modifications de protéines de membrane
cellulaire, la sécrétion de protéases et de facteurs angio-génétiques.
(*N2 Approfondissement Texte : Applications cliniques
A toutes les étapes des phénomènes de cancérisation, il est possible d’envisager des stratégies
thérapeutiques [*N2 : Faire un lien avec le thème 141 : les nouvelles thérapeutiques*]:
ƒ
ƒ
ƒ
ƒ
action inhibitrice sur les facteurs de croissance tissulaires (anti HER2)
Inhibition de la néo angiogénèse (anti VEGF),
induction d’apoptose
induction d’une réponse immunitaire)*
3.2 - Etats précancéreux
De nombreux cancers sont précédés de lésions pré cancéreuses ou dysplasies dans lesquelles
les cellules présentent des anomalies nucléaires (dyscarioses) visible en microscopie optique.
Sein
Des études histologiques de biopsies mammaires ont permis de corréler les mastopathies
bénignes avec un risque de cancer du sein, en particulier en cas d’hyperplasie atypique et
d’antécédent familial de cancer mammaire. Ce risque implique un dépistage renforcé et
éventuellement une chimio prévention.
Col de l’utérus
Les études de cytologie vaginale exfoliative ont démontré l’existence d’états pré cancéreux de
gravité croissante, de la dysplasie légère puis sévère au carcinome in situ et au cancer
infiltrant. Des régressions sont possibles pour les dysplasies moyennes ou légères vers la
normalité. L’évolution d’un carcinome in situ vers un cancer infiltrant est irréversible et
souvent très longue (10 à 15 ans).
Peau
ƒ
ƒ
ƒ
kératoses solaires Ces lésions s’observent sur les zones exposées du visage et du dos
des mains
Maladie de Bowen C’est un carcinome intra épithélial dont l’évolution se fait en
plusieurs années vers un carcinome infiltrant de type spinocellulaire.
Leucoplasies Ces lésions blanches surviennent sur les lèvres et des muqueuses buccale
et génitale.
23
Sept 2008/HR/mn
ƒ
les nævi atypiques et les nævi géants congénitaux sont à risque de mélanomes de la
peau
3.3 - Croissance tumorale
Monoclonalité et instabilité génétique des
cancers
La progression tumorale s’effectue par divisions successives des cellules transformées qui
constitue le clone malin. Au début, les cellules se ressemblent et ne présentent que des
modifications morphologiques légères. Ultérieurement chaque réplication augmente le risque
de nouvelles mutations aggravant la malignité tumorale. Il en résulte une hétérogénéité
tumorale pouvant expliquer certains échecs thérapeutiques, les différentes cellules manifestant
une sensibilité variable aux agents chimiques ou physiques.
Concept de cinétique tumorale
A l’état normal, les organes et les tissus n’ont aucune croissance, renouvellement et pertes
cellulaires s’équilibrent. Les cancers sont caractérisés par un renouvellement supérieur aux
pertes, aboutissant à une prolifération dont la vitesse de croissance est variable (figure 4) :
Dans les leucémies, la croissance s’effectue sans contrainte et suit une loi exponentielle,
caractérisée par la multiplication par 2 du nombre de cellules à chaque cycle cellulaire. La
transformation semi-logarithmique montre une augmentation linéaire de la population
tumorale.
Pour les cancers solides, des contraintes physiques, la précarité de la circulation sanguine
intra tumorale et des pertes cellulaires ralentit la croissance. On observe une courbe de
croissance de type Gompertz, lente au début, puis linéaire et ralentie ensuite.
Log du N cellules
Figure 4 - Courbes de croissance tumorale
Exponent
Gompertzien
Etat normal
Temps
24
Sept 2008/HR/mn
La cinétique est l’étude de la croissance des cancers. La pente des courbes de croissance
exprime le comportement biologique du cancer, son évolutivité et le pronostic. Le temps de
doublement tumoral. (TDT) est le nombre de jours ou de semaines pour qu’une tumeur double
son volume. Il a pu être déterminée sur un certain nombre de tumeurs malignes (cancer du
sein, métastases pulmonaires). Plus le TDT est court, plus la tumeur croit rapidement et
inversement. Le TDT varie de quelques jours à 90 semaines. Les métastases croissent
régulièrement plus vite que les cancers primitifs.
3.4 - Envahissement de l’organisme
Le franchissement de la membrane basale est une étape décisive de la cancérogenèse car il
apporte la preuve que les cellules malignes ont acquis des modifications génétiques
nécessaires à l’invasion du stroma :
ƒ
ƒ
ƒ
Perte de l’adhésivité et de l’inhibition de contact entraînant une désorganisation
architecturale.
Sécrétion de protéases qui facilitent l’infiltration des tissus sains et l’intravasation
sanguine et lymphatique.
Angiogénèse créant une néo vascularisation assurant à la tumeur les apports nutritifs
nécessaires à sa croissance.
3.4.1 -Invasion locale
Le cancer s’étend dans les zones de moindre résistance et s’entoure d’une stroma réaction. Le
tissu conjonctif péri tumoral est crée par des cytokines sécrétées par les cellules malignes
(mode autocrine) ou par les cellules du stroma (mode paracrine). Certains cancers
s’accompagnent d’un stroma lymphocytaire ou plasmocytaire suggérant une réaction
immunitaire. A partir d’une certaine taille, la tumeur dépasse la capsule ou les limites de
l’organe d’origine et peut se fixer par extension directe vers les organes voisins.
Ganglion
proximal
Envahissement massif
rupture capsulaire
Ganglion
distal
Canal
thoracique
Veine
jugulaire
3.4.2 Métastases
ganglionnaires
Les
cellules
cancéreuses
pénètrent dans le réseau
lymphatique, suivent le flux et
se bloquent dans les ganglions
(Figure 5). Il se produit
successivement
une
micro
Envahissement
cortical
Voie A : perméation continue
Voie B : Embolie néoplasique
Figure 5 – Représentation de l’envahissement des voies
lymphatiques par un cancer.
25
Sept 2008/HR/mn
métastase, l’invasion du parenchyme ganglionnaire et finalement une rupture capsulaire.
L’envahissement ganglionnaire se fait le plus souvent de manière ordonnée vers le ganglion
qui recueille normalement la lymphe de l’organe ou se développe le cancer, c’est le ganglion
sentinelle, puis vers les ganglions situés en aval. Il est plus rare que les métastases sautent un
relais (skip-metastasis). Le blocage du flux provoque une stase de la lymphe et des
phénomènes de reflux expliquant les métastases en transit et les nodules de perméation
cutanés. Finalement, les embolies lymphatiques se retrouvent dans le canal thoracique ou la
grande veine lymphatique et se jettent dans le courant veineux cave supérieur.
(*N2 : Concept de maladie résiduelle. Le : concept de « maladie résiduelle » est la
probabilité pour un malade donné qu’il persiste après le traitement d’un cancer localisé, des
micro-métastases non détectées par le bilan initial. Ce concept soutient l’emploi de
traitements adjuvants. Ainsi, la chimiothérapie et l’hormonothérapie adjuvantes après
chirurgie des cancers du sein ou du colon ont amélioré les taux de guérison des malades.
L’envahissement ganglionnaire est un excellent témoin du risque de maladie résiduelle.*)
3.4.3 - Métastases à distance
Le processus comprend le détachement de la tumeur primitive d'un amas cellulaire, sa
pénétration dans les vaisseaux sanguins, son transport et l'arrêt dans un capillaire d’un organe
à distance, l’adhésion des cellules cancéreuses à l'endothélium vasculaire, l’extravasation des
cellules et le développement de la métastase.
Voies de dissémination hématogène
Tous les organes peuvent être atteints, mais plus particulièrement le squelette, l'appareil
pleuro-pulmonaire et à un degré moindre le foie et le cerveau. Pour des raisons anatomiques,
certains organes cibles sont atteints de façon préférentielle.
ƒ
Voie cave. Les cancers du sein, du pelvis, des membres, de la tête et du cou, des
organes génitaux externes et de l’anus se drainent vers le système cave supérieur ou
inférieur par invasion directe des veines péri tumorales ou secondairement à
l’envahissement lymphatique, le canal thoracique et la grande veine lymphatique se
terminant dans le confluent des jugulaires. Après avoir traversé le cœur droit, les
métastases atteignent les poumons.
ƒ
Voie porte : Les cancers gastro-intestinaux sont drainés par le système porte,
expliquant le siège préférentiel des métastases dans le foie.
ƒ
Voie artérielle : Les cancers bronchiques émettent des métastases par les veines
pulmonaires, le cœur gauche et les branches de l’aorte vers le cerveau, les surrénales.
ƒ
Voie pleurale : Dans le cancer du sein ou de l’ovaire, les pleurésies métastatiques sont
liées à l’envahissement des plexus lymphatiques sous pleuraux. Un mécanisme
identique est probable dans les lymphangites néoplasiques péri bronchiques et les
miliaires malignes du poumon.
ƒ
Voie péritonéale : Les cancers de l’ovaire et les cancers digestifs ayant atteint la
séreuse ont la particularité de desquamer dans la cavité péritonéale. Les cellules
26
Sept 2008/HR/mn
suivent les mouvements du liquide péritonéal et se greffent sur la face inférieure du
diaphragme, le grand épiploon et le péritoine viscéral. Il en une résulte carcinose
péritonéale caractérisée par la production d’une ascite néoplasique et de multiples
tumeurs secondaires sur tout le péritoine de la cavité abdominale.
Voie veineuse de Batson. Ce réseau est constitué par les veines péri et intrarachidiennes, très richement anastomosées entre elles et avec les veines pelviennes.
Une faible pression sanguine et l’absence de valvules peuvent expliquer la
localisations préférentielles des métastases des cancers de la prostate sur le rachis
dorso-lombaire et le bassin osseux.
ƒ
Localisations rares : les données anatomiques ne permettent pas d'expliquer à elles
seules la rareté de certaines localisations comme le cœur ou les muscles striés, on
évoque l'absence de facteurs de croissance adéquats ou l’absence de facteur
d’adhésion vasculaire. Il est de même difficile d’expliquer les métastases isolées du
cancer du sein sur les ovaires (tumeur de Krukenberg).
N de
ll l
ƒ
Traitement
du cancer
primitif
Diagnostic d’une
métastase de
croissance rapide
Diagnostic d’une
métastase de
croissance lente
Seuil de détection
9
10 cellules
IL 2
IL 1
Temps
Figure 6 - Courbes de croissance du cancer primitif et des métastases précoces et tardives. Notion d’intervalle libre (IL 1 et 2)
(*N2 Approfondissement Texte : Relation entre volume tumoral et pouvoir métastatique
Des études expérimentales ont montré qu’un diamètre tumoral d’un centimètre constituait un
seuil critique à partir duquel la dissémination devenait fréquente. Le dépistage de masse des
cancers du sein par mammographie a permis de découvrir des cancers de petite taille et ayant
un faible taux d’envahissement ganglionnaire et une mortalité par métastases abaissée de 25%
par rapport à la population non dépistée.
Notion d’intervalle libre
27
Sept 2008/HR/mn
L'intervalle libre est la période de temps entre le traitement du cancer primitif et la rechute
métastatique. La pente de croissance est une propriété intrinsèque du tissu tumoral. Elle
détermine le moment d’apparition des métastases (Figure 6). L’intervalle libre est donc un
élément primordial du pronostic des malades en phase métastatique. Un intervalle long
témoigne d'une croissance lente et d’un pronostic plus favorable (IL 2 sur le schéma). Au
contraire, dans les cancers évolutifs, les événements se précipitent, l'intervalle libre est court
(IL 1 sur le schéma)*)
(*N2 Approfondissement Texte : Points clés de l’histoire naturelle
L’évolution générale des cancers se caractérise par une phase pré clinique ou la maladie est
silencieuse et ou elle peut être dépistée et une phase clinique ou la maladie est diagnostiquée.
La cancérisation est un phénomène pluri factoriel, associant un agent initiateur généralement
mutagène et des expositions multiples à des agents promoteurs, dont le rôle est de faciliter la
transformation maligne de la cellule préalablement initiée.
L’expérience clinique et les travaux expérimentaux modernes démontrent que le cancer est un
processus multi-étapes. Chaque étape de la cancérogenèse est conditionnée par des
événements moléculaires portant sur un ou des gènes, mutations, délétions, translocations,
amplifications. Les mutations sont fréquentes chez les espèces vivantes qui ont acquis des
systèmes de réparation des altérations géniques. Ainsi, la progression des cellules mutées vers
un cancer n'est pas inéluctable. L'activation et la coopération de plusieurs oncogènes ou
d'agents de promotion sont le plus souvent nécessaires à l'expression complète du phénotype
cancéreux.
L’envahissement lymphatique témoigne des capacités migratoires d’un cancer donné. En
pratique, l’analyse des ganglions est un des meilleurs paramètres du pronostic. De multiples
études cliniques ont montré la relation forte entre l’envahissement ganglionnaire et les
chances de guérison. L’envahissement ganglionnaire est aussi un témoin du risque de maladie
résiduelle.
La maladie résiduelle est la possibilité pour un malade donné qu’il persiste après le
traitement d’un cancer apparemment localisé des micro-métastases non détectables par le
bilan initial. Le concept de maladie résiduelle soutient l’emploi de traitements médicaux
adjuvants. Ainsi, les traitements adjuvants après chirurgie du cancer du sein ont permis une
amélioration réelle de guérison de malades.
La plupart des métastases apparaissent plus ou moins longtemps après le traitement initial.
L'histoire naturelle de chaque malade doit être reconstituée quand apparaissent les métastases.
Les caractères cliniques de la tumeur initiale et la longueur de l’intervalle libre reflètent
généralement le comportement biologique de la maladie et servent d’indicateurs au traitement
des métastases. En pratique, les situations cliniques sont très hétérogènes et d’autres
paramètres du pronostic sont nécessaires. La survie après survenue de métastases est variable
selon les cancers et pour un type de cancer donné selon les malades.)*
28
Sept 2008/HR/mn
Classifications
Classification TNM
La classification TNM permet de grouper les patients selon l’extension anatomique de leur
maladie. Elle a pour but :
ƒ
ƒ
ƒ
d’évaluer le pronostic,
de guider l’indication thérapeutique,
de comparer les résultats de différents protocoles thérapeutiques.
Dans le système TNM défini par l’Union Internationale Contre le Cancer (UICC), le code T
réfère à la taille et l’extension locale de la tumeur primitive, le code N a l’atteinte éventuelle
des ganglions (Node) le code M aux métastases. Le regroupement des trois codes définit des
stades. La classification clinique désignée par le sigle « cTNM » (c pour clinical) est établie
avant tout traitement (Tableau 12). La classification pTNM (p pour pathological) englobe en
sus les informations obtenues par l’examen pathologique de la tumeur primaire et des
ganglions.
Tableau 12 - Classification internationale TNM
T
Tumeur primitive
Tx
T0
Tis
T1, 2, 3, 4
Renseignements insuffisants pour classer la tumeur primitive
Tumeur primitive indécelable
Carcinome in situ
Selon la taille et l’extension locale
N
Ganglions régionaux
Nx
N0
N1, 2, 3
Renseignements insuffisants pour classer les ganglions
Absence de métastase ganglionnaire
Selon le nombre, le siège, l’extension locale, taille ou fixation
M
Mx
M0
M1
Métastases à distance
Renseignements insuffisants pour classer les métastases à distance
Absence de métastase
Présence de métastases. Le site métastatique peut être précisé.
Pour certaines localisation le code TNM prend en compte des précisions complémentaires de
haute valeur pronostique, ainsi pour les mélanomes l’épaisseur de la tumeur ou indice de
Breslow (Tableau 13). Dans les cancers colo-rectaux, il existe plusieurs classifications dont
les éléments sont fournis par l’analyse histologique d’une pièce opératoire (Tableau 14). De
même, pour les cancers de l’endomètre et de la vessie, le paramètre décisif est la profondeur
d’envahissement de la musculeuse qui n’est obtenu que par l’analyse d’une biopsie
comportant une part de musculeuse ou d’une pièce opératoire.
Tableau 13 - Classification TNM des mélanomes cutanés
29
Sept 2008/HR/mn
TNM
Epaisseur maximale de la tumeur
T is
T1
T2
T3
T4
In situ
< 0,75 mm
entre 0,75 et 1,5 mm
entre 1,5 mm et 4 mm
> 4 mm
Envahissement
Epiderme
Derme papillaire
Interface derme papillaire et réticulaire
Derme réticulaire
Hypoderme
Tableau 14 – Classifications des cancers du colon et du rectum
Envahissement
DUKES
Muqueuse
Musculeuse
Séreuse ou graisse
Ganglions
Métastases
A
B
B
C
D
ASTLER
COLLER
A
B1
B2
C
D
TNM
T1
T2
T3 – T4
N1 – N2
M1
Dans le cancer de l’endomètre, la classification prend en compte le grade histologique en
raison de sa valeur pronostique (Tableau 15)
Tableau 15 - Classification selon le grade histologique
G1
G2
G3
Degré élevé de différenciation
Degré moyen de différenciation
Degré faible ou absence de différenciation (anaplasie).
La classification clinique cTNM a des limites comme la difficulté d’évaluation de
l’envahissement réel des masses tumorales par l’imagerie et la méconnaissance des
envahissements microscopiques. Malgré ces imperfections, tous les patients doivent être
classés et la catégorie TNM n’est plus modifiée, quelle que soit l’évolution ultérieure. La
stadification des malades selon la classification TNM est essentielle pour établir des
protocoles thérapeutiques et guider les choix.
L’étude microscopique des ganglions est beaucoup plus précise que l’appréciation clinique, ce
qui justifie les curages ganglionnaires. Le nombre de ganglions envahis a une valeur
pronostique essentiel notamment dans les cancers du sein.
Classifications anatomopathologiques
La classification histogénétique (Richtie 1982) regroupe les cancers en fonction du tissu
dont elles sont issues (Tableau 16). Le terme de carcinome désigne des cancers épithéliaux
développés dans la peau, les muqueuses, les glandes mammaires, le foie ou la thyroïde. Les
sarcomes sont les tumeurs du tissu conjonctif. Le terme de blastome désigne plus
particulièrement les tumeurs embryonnaires. Le suffixe – ome est en principe réservé aux
tumeurs bénignes comme les papillomes, les fibromes, les lipomes. Mais il existe des
30
Sept 2008/HR/mn
exceptions consacrées par l’usage comme les myélomes et les mélanomes qui sont des
cancers.
Tableau 16 - Classification histogénétique des cancers
Tissu d’origine
Tumeur bénigne
Cancer
Epithélium
malpighien
glandulaire
urothélial
papillome
adénome
papillome
cancer épidermoïde
adénocarcinome
carcinome urothélial
Tissu conjonctif
fibro blastique
adipeux
musculaire
fibrome
lipome
léiomyome
fibrosarcome
liposarcome
léiomyosarcome
Tissu hématopoïétique
⎯
leucémie
lymphome
Neurectoderme
Tissu germinal
Embryonnaire
nævus
tératome
⎯
mélanome
tératocarcinome
néphroblastome
neuroblastome
Grades d’histo-pronostic
L’étude cytologique et pathologique de la tumeur apporte les éléments essentiels du pronostic.
Les pathologistes ont cherché à caractériser les aspects morphologiques des cancers et à
établir des scores de pronostic.
ƒ
Cancer du sein, Le score de Scarff, Bloom et Richardson (SBR) prend en compte les
anomalies des noyaux (dyscarioses), le degré de différenciation (aptitude à former des
tubules) et l’activité mitotique. Le score SBR comprend trois classes qui ont été
corrélés aux taux de survie du grade 1 de pronostic favorable au grade 3 de pronostic
mauvais.
ƒ
Cancer de la prostate. Le grade histologique précise le caractère bien ou peu
différencié sur une échelle de 2 à 10. Un score de 2 correspond à un cancer très bien
différencié, un score de 10 à un cancer indifférencié.. Le score de Gleason est corrélé à
la survie.
Caractérisation de l’état général
Les malades peuvent avoir un état général altéré par l’évolution du cancer ou la coexistence
de pathologies non cancéreuses. L’appréciation de l’état général intervient dans le pronostic et
les décisions thérapeutiques. Les capacités restantes des malades sont évaluées par l’index de
performance OMS en 5 catégories (tableau 17) et par l’échelle de Karnowski exprimé en
pourcentage par rapport à une personne non malade (tableau 18).
Tableau 17– Echelle de performance de l’OMS
31
Sept 2008/HR/mn
0 – Activité normale sans restriction.
1 – Restreint pour des activités physiques importantes, mais patient ambulant et
de fournir un travail léger.
capable
2 – Ambulant et capable de se prendre en charge, mais incapable de fournir un travail et alité
pendant moins de 50 % de son temps.
3 – Capacité de prise en charge propre beaucoup plus limitée. Passe plus de 50 % de son
temps au lit ou dans une chaise.
4 – Complètement grabataire, incapable de se prendre en charge. Le patient reste totalement
confiné au lit ou dans une chaise.
Tableau 18 - Echelle de Karnofsky.
100 % : normal, asymptomatique.
90 % : symptomatologie minime.
80 % : activité normale avec quelque effort.
70 % : incapable d'une activité normale, mais peut se soigner seul.
60 % : a besoin d'aide de temps en temps.
50 % : a besoin de beaucoup d'aide et de soins médicaux.
40 % : n'est plus en état de se soigner seul.
30 % : hospitalisation nécessaire.
20 % : très malade, traitement intensif nécessaire
10 % : moribond ; progression rapide de la maladie.
Classification ( R )des tumeurs
résiduelles
La classification R décrit la présence ou l’absence de tumeur résiduelle après traitement. Cette
classification a une grande valeur pronostique, car elle reflète l’effet des traitements, l’état
local de la maladie et les métastases à distance.
Rx - La présence d’une tumeur résiduelle ne peut pas être évaluée
Ro - Pas de tumeur résiduelle
R1 - Tumeur résiduelle microscopique (présence de tumeur sur les berges de résection
chirurgicale à l’examen pathologique
R2 - Tumeur résiduelle macroscopique en raison d’une exérèse incomplète ou de
métastases à distance
32
Sept 2008/HR/mn
Facteurs de risque, Prévention et
Dépistage des cancers
Rosine GIMBAUD
Objectifs terminaux de l’item 139.
-
Expliquer et hiérarchiser les facteurs de risque des cancers les plus fréquents chez
l’homme et la femme.
Expliquer les principes de prévention primaire et secondaire
Argumentez les principes du dépistage du cancer.
Durée de l’item : 4 heures
Auteur : Rosine Guimbaud
Dernière mise à jour : 22/10/08
1- Facteurs de risque
1.1 - Définition
Un facteur de risque est un paramètre (clinique, biologique, …) dont la présence est
statistiquement associée avec une fréquence accrue de maladies.
1.2 - Généralités
Il faut distinguer les facteurs de risque non modifiables (non accessibles à la prévention
comme l'âge, les antécédents personnels ou familiaux…) des facteurs de risque modifiables
(donc accessibles à la prévention comme le tabagisme, l’alcool…).
- Le contrôle des facteurs de risque permet d’envisager une prévention
- L’identification de facteurs de risque chez un individu permet d’envisager un dépistage
individuel.
L’augmentation du risque d’apparition d’un cancer, liée à la présence du facteur de risque,
peut être quantifiée par :
33
Sept 2008/HR/mn
-
Le risque absolu : probabilité pour l’individu de développer ce cancer au cours de sa vie
(ne s’applique qu’aux facteurs de risque à très fort impact tels que les risques génétiques
héréditaires).
Ex : le risque absolu de développer un cancer du sein est d’environ 70% pour les femmes
porteuses d’un gène de prédisposition héréditaire de type BRCA1 : 70% des ces femmes
développeront au cours de leur vie un cancer du sein.
-
Le risque relatif : coefficient multipliant la probabilité de développer ce cancer par rapport
à un sujet ne présentant pas le facteur de risque considéré.
Ex : le risque relatif de cancer du côlon est 4 pour les sujets ayant un parent au 1er degré
atteint d’un cancer du côlon avant 45 ans : c’est à dire que ces sujets ont un risque de
développer un cancer colique 4 fois plus élevé que ceux n’ayant pas de parent atteint.
NB : Certains facteurs de risque agissent en synergie (ex. : alcool et tabac dans les cancers de
l’œsophage et des VADS)
1.3 - Types de facteurs de risque
On peut distinguer, de façon non exhaustive, plusieurs catégories de facteurs de risque
(certains de ces facteurs seront particulièrement détaillés dans le chapitre 2) :
1.3.1 - Facteurs intrinsèquement liés à
l’individu (constitutionnels)
Prédisposition génétique forte (cancers héréditaires)
Environ 5% des cancers les plus fréquents (côlon, sein...) sont liés à la présence d'un gène
muté responsable de l'apparition du cancer. La mutation est constitutionnelle ; c'est à dire
qu'elle est présente dans toutes les cellules de l'organisme, gamètes compris (par opposition,
une mutation dite "somatique" n'est présente qu'au niveau tumoral). Cette mutation
constitutionnelle est, par définition, héréditaire (puisqu'elle est présente dans les gamètes).
Dans ce contexte le cancer apparaît alors comme une maladie héréditaire de transmission
autosomique dominante.
Cliniquement ces cancers d'origine génétique sont souvent caractérisés par la présence d'une
agrégation familiale du même type de cancer (dans la même branche parentale), d'un âge de
survenue précoce, d'une fréquence élevée de cancers synchrones, d'une association non
fortuite à d'autres types de tumeurs (par exemple : cancers de l'ovaire en association avec les
cancers du sein héréditaires ; cancers de l'endomètre, du grêle, de l'urothélium... en
association avec les cancers coliques héréditaires), etc.
Schéma : Présentation typique d’une famille (arbre généalogique) avec syndrome HNPCC
(cancer colorectal héréditaire)
CCR
à 45 ans
Légendes :
CCR = cancer colorectal
CCR
à 37 ans
CCR
à 65 ans
34
Homme atteint
Sept 2008/HR/mn
Femme atteinte
Si la connaissance de tableaux familiaux compatibles avec des cancers d'origine purement
génétique est ancienne ce n'est que depuis quelques années que certains gènes responsables de
prédisposition ont pu être identifiés : BRCA1 et BRCA2 pour le cancer du sein +/- ovaire
héréditaire, APC pour la polypose adénomateuse colique, hMLH1 - hMSH2 - hPMS1 hPMS2 ou hMSH6 pour le cancer rectocolique héréditaire non lié à la polypose (appelé
syndrome HNPCC ou syndrome de Lynch).
Les sujets porteurs de l'une ou l'autre de ces altérations génétiques constitutionnelles sont
d'une part prédisposés génétiquement au développement de tumeurs et d'autre part
transmetteurs potentiels de cette prédisposition à leurs enfants. Leur risque (absolu) de
développer un cancer est estimé de 40 à environ 90% en fonction du type de prédisposition
(moins important dans le cadre des prédispositions héréditaires au cancer du sein que pour le
côlon) ; le risque de transmission est de 50% pour chaque enfant. L'identification d'un sujet
prédisposé doit donc aboutir à des conseils génétiques et une prise en charge préventive
spécifique.
Même si ces formes de cancers génétiques ne représentent qu'une proportion faible des
cancers communs ; connaître leur existence et savoir les reconnaître conduisent à une
meilleure prise en charge des patients et prévention des familles.
Prédisposition génétique faible
A côté des mutations constitutionnelles de gènes impliqués dans les formes héréditaires de
cancer, diverses composantes génétiques constitutionnelles peuvent influencer, plus
faiblement, la survenue d’un cancer chez un individu ; elles ne sont actuellement que très peu
élucidées.
De nombreux gènes participent, directement ou indirectement, au contrôle de l’intégrité de la
cellule : gènes impliqués dans l’inhibition de la prolifération cellulaire, dans la stabilité du
génome, dans la détoxification des xénobiotiques (dont les carcinogènes)… Certains de ces
gènes présentent des variantes non pathologiques (polymorphisme) ; certains polymorphismes
s’accompagnent de variations non pathologiques dans la fonction des protéines codées par ce
gène. Ainsi on peut penser que deux individus ont des capacités différentes de déxofication
d’un carcinogène particulier parcequ’ils ont chacun hérité d’un polymorphisme différent du
gène impliqué dans cette détoxification. Ceci pourrait, en partie, expliquer l’inégalité des
individus devant une même exposition à carcinogène.
35
Sept 2008/HR/mn
En clinique on sait depuis longtemps qu’en dehors des rares formes familiales héréditaires de
cancers familiaux (cf. paragraphe précédent) il existe une susceptibilité familiale pour
plusieurs cancers : colorectaux, mammaires, prostatiques… Dans ces cas les ATCD familiaux
de tels cancers peuvent induire, chez les apparentés au 1er degré, un risque relatif de 2 à 5 (en
fonction de l’âge de survenue et du nombre d’antécédents familiaux). Récemment on a pu
montrer que, pour le cancer du côlon dans la population juive azkhénaze, ce risque familial
attribué aux antécédents était en grande partie lié à la présence d’un certain polymorphisme
sur le gène APC hérité de génération en génération.
1.3.2 - Facteurs environnementaux
Ils peuvent être pour certains considérés comme des facteurs de risque environnementaux,
professionnels, iatrogènes, alimentaires ou simplement liés à la consommation volontaire du
sujet.
Facteurs chimiques
- Tabac (cf. chap.2.3)
- Alcool (cf. chap.2.4)
- Autres : Hydrocarbures aromatiques polycycliques, certaines amines aromatiques,
substances minérales (sels d’arsenic, amiante, chlorure de Vynil, sels de chrome…),
médicaments (Alkylants), Aflatoxine (hépatocarcinome), nitrites (cancer de l’estomac),
etc.
Facteurs hormonaux
- Œstrogènes sans progestatifs associés (cancer du sein)
- Distilbène (cancers vaginaux chez les filles des mères ayant reçu du distilbène en cours de
grossesse)
Agents physiques
- Irradiations (sarcomes radio-induits, cancer de la thyroïde, leucémies…)
- Rayonnements U.V. (peau et notamment mélanome)
1.3.3 - Facteurs infectieux
-
Epstein-Barr (lymphome de Burkitt)
Hépatite B (hépatocarcinome), hépatite C
Herpès Virus (col utérin)
Papilloma virus (col utérin)
Bilharziose (vessie)
HIV (sarcome de Kaposi)
1.3.4 - Maladies prédisposantes
Certaines maladies prédisposent de façon certaine au cancer, elle s’intègre parfois dans le
cadre de syndromes génétiques :
- Cirrhose, hépatite virale chronique active : hépatocarcinome
- Endobrachyœsophage : adénocarcinome du bas œsophage
- Rectocolite hémorragique – maladie de Crohn colique : cancer colorectal
- Cryptorchidie : cancer du testicule
- Syndrome de Von Hippel Lindau : cancer du rein
- Neurofibromatoses 1 et 2 : sarcome, tumeur cérébrale
- Ataxie Télangiectasie : cancer du sein, lymphome
36
Sept 2008/HR/mn
2- PREVENTION
2.1 – Définitions
La prévention est l’ensemble des actions qui concourent à empêcher l’apparition d’une
maladie. On distingue, classiquement, deux types de prévention correspondant à des actions
différentes en pratique :
- La prévention primaire : prévenir la survenue d’une maladie en éradiquant les conditions
favorisant sa survenue.
- La prévention secondaire : rechercher une maladie chez un sujet asymptomatique
Ainsi, en cancérologie :
-
La prévention primaire vise à l’élimination des facteurs carcinogènes avant qu’ils
n’induisent la maladie
- La prévention secondaire consiste à détecter et à traiter des lésions pré-cancéreuses ou les
lésions cancéreuses débutantes.
La prévention secondaire est donc associée au diagnostic précoce des cancers et correspond
au dépistage (cf. chap. 3). Dans ce chapitre (chap. 2) n’est traitée, sous le terme prévention,
que la prévention dite primaire.
2.2 – Généralités
2.2.1 – Conditions nécessaires
La prévention du cancer est possible ; elle ne concerne pas tous les cancers et ne prétend pas
être une prévention absolue dans la mesure où tous les facteurs de risque d’un cancer ne sont
pas contrôlables.
La prévention (primaire) implique nécessairement d’avoir identifié la cause, ou du moins les
facteurs de risque, de la maladie. A côté des facteurs de risque incontrôlables (facteurs
génétiques par exemple) des facteurs de risque environnementaux, alimentaires,
professionnels … constituent des paramètres qui peuvent être contrôlés.
La prévention s’attache essentiellement à supprimer les cancérogènes connus avec certitude :
-
En France, pour le praticien, la lutte contre le tabac et l’alcool représente la grande
priorité.
Alors que dans d’autres régions du monde (Afrique, Asie par exemple) la lutte devrait
s’orienter en priorité contre certains causes infectieuses (hépatite B, Bilharziose…).
Pour les cancérogènes seulement suspectés, il faudra s’en tenir pour l’instant à des conseils
d’hygiène générale et à une attitude fondée sur le bon sens.
37
Sept 2008/HR/mn
2.2.2 - But
-
Diminuer l’incidence des cancers en évitant que ne se constituent les conditions
favorables à l’éclosion et au développement de la maladie cancéreuse.
NB : le coût, la faisabilité et l’efficacité d’une action de prévention doivent être
rigoureusement évalués.
2.3 - Prévention du Tabagisme
Il y a une relation très nette entre le tabagisme et l’accroissement de la mortalité. Le rôle du
tabagisme passif a été souligné plus récemment mais il est aujourd’hui incontestable.
2.3.1 - Tabagisme et surmortalité
Le tabac est responsable d’environ 60 000 décès par an en France, soit 15 % de la mortalité
annuelle totale (le tabagisme est la principale cause de mortalité dans les pays occidentaux
riches). Cette surmortalité est principalement imputable aux insuffisances respiratoires et aux
cancers du poumon, mais également à d’autres cancers dont le lien au tabagisme est mal
connu du grand public : oropharynx, larynx, oesophage, vessie, rein et col de l’utérus.
Influence de l’âge de début et de l’intensité de la consommation :
La mortalité des sujets fumeurs est, entre 60 et 70 ans, environ 3 fois plus importante que
celle des non fumeurs. L’âge de la première cigarette, tout autant que l’intensité de la
consommation de tabac, a un rôle déterminant :
-
Age de début : La grande majorité des sujets décédés du tabagisme ne sont pas
nécessairement de grands fumeurs, mais en revanche, ont démarré très précocement leur
consommation. Ainsi, si le tabagisme a commencé durant l’adolescence et s’il s’est
poursuivi régulièrement, on peut admettre que 1/2 des sujets concernés périra de ce fait,
dont 1/4 entre 35 et 69 ans et 1/4 au delà de 69 ans.
-
Intensité de la consommation : Le risque de mortalité annuelle par cancer bronchique est
multiplié par 32 chez le fumeur de plus de 25 g de tabac par jour.
Influence de l’arrêt de consommation tabagique :
L’arrêt du tabagisme, même au delà de 40 ans, avant tout événement mettant en jeux le
pronostic vital (cancer, maladie respiratoire ou cardio-vasculaire), réduit considérablement,
voire annule, le risque précédemment noté.
2.3.2 - Le cas des jeunes :
En France, plus de 1/4 des moins de 16 ans sont des fumeurs réguliers. La baisse du niveau
global de tabagisme observé depuis le début des années 70 ne semble concerner que les plus
de 20 ans. De plus certaines études soulignent le taux inquiétant de fumeurs parmi les femmes
de moins de 20 ans.
En milieu scolaire :
Un élève sur 3 consomme du tabac. Parmi les fumeurs, environ un tiers fume de manière
sporadique, un tiers fume moins de 10 cigarettes par jour et un tiers consomme un demipaquet par jour. Par ailleurs on remarque que :
- Les filles fument d’avantage que les garçons : 35% versus 30%.
38
Sept 2008/HR/mn
-
L’accroissement de la consommation se fait surtout entre 13 et 18 ans : 0,3 % des élèves
de 12 à 13 ans fume plus de 10 cigarettes par jour contre 22 % pour les élèves de 18 ans et
plus.
- Les facteurs socio-démographiques péjoratifs sont : le sexe féminin, la situation
matrimoniale des parents (divorcés ou séparés), le type d’enseignement (enseignement
technique) et l’âge.
- La consommation de tabac s’associe fréquemment à l’absorption d’autres produits, licites
ou illicites : boissons alcoolisées, médicaments psychotropes, drogues.
La nécessité de mener, de manière réitérée, des actions de prévention primaire est claire ; la
dissuasion doit porter avant tout sur de très jeunes adolescents
Initiation et dépendance tabagique. Principaux aspects
Les raisons qui motivent l’initiation de la consommation de tabac des adolescent sont
multiples.
- Facteurs socio-environnementaux : tabagisme des parents, des frères et sœurs plus âgés,
des camarades de classe ou amis du même âge, exemple des artistes de cinéma ou de
variétés, occasions fournies par les rencontres amicales en groupe…
- Facteurs personnels : attributs symboliques de fonctions imaginaires tels que bien-être,
convivialité, maturité, affirmation de soi, indépendance vis à vis de l’autorité…
La pérennisation de l’intoxication est davantage favorisée par une dépendance psychologique,
à mettre en relation avec les facteurs précédemment évoqués, que par le rôle propre de la
nicotine à l’origine d’une assuétude encore très hypothétique à cet âge.
2.3.3 – Stratégies
tabagisme.
de
prévention
du
En milieu scolaire :
Le cadre de la prévention tabagique est aujourd’hui essentiellement scolaire ; les anglo-saxons
ont pu prouvé, en partie, son efficacité. Il reste cependant que le représentation "coercitive"
liée à la présence des professeurs est un inconvénient au choix du cadre scolaire.
(N2 Approfondissement texte : *Le programme américain Know Your Body (résultats publiés
en 1988) a concerné 3388 sujets (sur 37 établissements scolaires) randomisés en 2 groupes
(groupe 1 : interventions éducatives et groupe 2 : groupe témoin). Dans le groupe 1, les élèves
ont reçu pendant 6 ans (de 9 ans jusqu’à l’âge de 15 ans) une formation en éducation à la
santé, dispensée par des enseignants spécialement formés. Après 6 ans d’intervention, on
constate une diminution nette du niveau de tabagisme des élèves du groupe 1, une
amélioration des habitudes alimentaires et une baisse du taux de cholestérol. *)
On a pu montrer de même l’intérêt d’interventions suivies effectuées hors du cadre scolaire,
bien que celles-ci soient de réalisation plus difficile.
Dans la vie publique :
En France, la loi dite Evin réglemente sévèrement la publicité visant à favoriser l’usage du
tabac. Cette loi est cependant contournée de toutes sortes de moyens d’incitation subtils
(manifestations sportives, publicité pour des briquets ou des allumettes...).
Par ailleurs l’impact des campagnes d’information et des avertissements figurant sur les
paquets de cigarettes restent difficile à évaluer.
L’apparition des cigarettes légères n’a pas modifié le risque lié au tabagisme. Il semble en
effet, que les fumeurs de cigarettes légères, pour obtenir les mêmes sensations qu’avec des
cigarettes classiques, augmentent leur consommation et inhalent plus profondément la fumée.
39
Sept 2008/HR/mn
Le sevrage tabagique
Il est toujours plus difficile d’arrêter de fumer que d’empêcher l’addiction tabagique chez un
fumeur potentiel.
Le médecin se doit d’aider son patient à arrêter de fumer. Pour cela il faut :
- connaître la consommation de tabac, ses raisons, apprécier le désir d’arrêt.
- motiver le patient en lui montrant les bénéfices immédiat de l’arrêt du tabac (plus efficace
que la description des dangers éloignés même graves) : disparition de la toux, de la
dyspnée, amélioration rapide des performances sportives, récupération d’un goût et d’un
odorat plus subtils.
- Essayer de provoquer une prise en charge personnelle du patient par lui-même. Les
conseils seront donnés sans moralisation mais sans permissivité. Si le patient le désire, on
lui indiquera les différentes possibilités de traitement antitabac, le patient pourra faire luimême son choix.
Bien entendu, ces conseils ne sont efficaces que si le médecin lui-même donne l’exemple en
ne fumant pas, sinon il perd toute crédibilité (en France 1 médecin sur 2 fume encore… contre
1 sur 10 en Angleterre).
2.4 - Prévention de l’Alcoolisme
2.4.1 - Alcoolisme et surmortalité
En France, l’alcool est responsable de 10.000 décès par cancer chaque année. Il est impliqué
dans les cancers primitifs du foie (hépatocarcinome) par le biais de la cirrhose, mais aussi
dans les cancers de l’œsophage et des voies aériennes supérieures (ORL). Pour ces deux
derniers cas, l’association de l’alcool au tabac est fortement synergique.
L’alcool entraîne aussi une surmortalité importante (risque de décès multiplié par 3 à 5) par
d’autres biais que le cancer (accidents, cirrhose, maladies neurologiques, cardiaques, etc.). Sa
prévention est donc pleinement justifiée.
2.4.2 – Stratégies
l’alcoolisme.
de
prévention
de
Malheureusement, en France, la permissivité vis à vis de l’alcool est importante et les
campagnes anti-alcool restent peu importantes et souvent inefficaces.
Ainsi, l’essentiel de la prévention doit être délivrée à l’échelle individuel ; le médecin
généraliste joue un rôle majeur dans cette lutte contre l’alcool.
Identifier le buveur excessif :
La frontière entre consommation normale et excessive est difficile à connaître. Il faut
rechercher des signes de dépendance ou des troubles associés à l’alcoolisme (en évitant d’être
inquisiteur). Très souvent, en en toute bonne foi, l’alcoolique ignore sa toxicomanie et sous
estime sa consommation qu’il considère comme normale.
Lui faire prendre conscience :
Il s’agit d’une étape importante ; il faut le faire avec tact sans culpabiliser ni dévaloriser le
patient (il ne s’agit pas que d’un problème de volonté). Il faut distinguer l’alcoolisme
d’entraînement volontiers convivial, qu’il ne faut pas psychiatriser, et l’alcoolisme
névropathique volontiers solitaire, beaucoup plus difficile à traiter, et qui cache parfois un
conflit psychologique à rechercher.
40
Sept 2008/HR/mn
Etablir un sevrage :
• Motivation :
Comme pour le tabac, un discours rationnel est souvent inefficace et il est inutile d’évoquer
les dangers éloignés de la cirrhose ou du cancer. Plus motivantes sont les idées de suppression
des troubles présents liés à l’alcool : insomnie, anorexie, troubles du transit, pituite matinale,
tremblement. Il faut faire comprendre au patient que sa maladie n’est pas déshonorante et
qu’il a besoin d’une aide.
• Techniques :
Elles sont multiples. Il faut éviter de trop médicaliser le sevrage. On peut recourir à la
psychothérapie, à des réunions de groupe, à un sevrage hospitalier, à des cures d’aversion. Le
but à obtenir est l’abstention totale de prise d’alcool.
Dans tous les cas : le médecin joue un rôle essentiel basé sur l’écoute, la disponibilité et la
confiance.
• Maintien du sevrage :
Maintenir l’abstinence est souvent difficile : après une période de succès immédiat, souvent
euphorique, la rechute est fréquente. Il faut la prévoir, en prévenir le patient qui la vit comme
un échec.
Dans le maintien de l’abstinence, l’aide apportée par les associations d’anciens buveurs est
extrêmement précieuse et il faut recommander à son patient de prendre contact avec ces
organismes.
Au total, la lutte contre l’alcoolisme est, comme pour le tabac, un champ d’action médicale et
le praticien à son cabinet joue un rôle important. Menée correctement, cette lutte est
gratifiante et permet d’obtenir un nombre élevé de sevrages définitifs.
2.5 - Autres Préventions ciblées
2.5.1 - Protection solaire (dont prévention
du mélanome)
L’irradiation solaire est un facteur cancérogène certain pour la peau, elle augmente
notamment les risques de mélanomes malins. Il faut donc adopter une attitude raisonnable vis
à vis de l’exposition solaire :
- Eviter de s’exposer au soleil de façon brutale et prolongée quand on passe de la ville à la
mer ou à la montagne. On est plus exposé si l’on reste immobile que si l’on bouge. Les
rayons ultraviolets pénètrent les nuages dans une proportion de 70 %. Ils atteignent un
mètre sous l’eau et traversent une certaine partie des tissus, notamment s’ils sont mouillés.
- Faire très attention aux rayons réfléchis (neige, sable, mer).
- Utiliser les crèmes protectrices en cas de peau fragile : c’est l’acide para-amino-benzoïque
qui exerce une action protectrice. Il doit être appliqué 30 min. avant l’exposition solaire. Il
faut aussi protéger les lèvres et les yeux. Certaines crèmes "écran total" et réfléchissent
fortement les ultraviolets. Elles contiennent souvent de l’oxyde de zinc. Cette protection
doit naturellement être absolue et dès l’enfance en cas de xeroderma pigmentosum,
heureusement exceptionnel.
41
Sept 2008/HR/mn
2.5.2 – Prévention des risques iatrogènes
médicaux
Cancers induits par les radiations ionisantes et/ou la chimiothérapie :
- Ils sont rares
- Ils nécessitent d’apprécier le rapport coût/bénéfice d’un protocole thérapeutique.
(*N2 Approfondissement Texte : On peut parfois être amené à modifier une stratégie pour
essayer de prévenir le risque de cancer iatrogène. On sait par exemple que l’association
d’irradiation et de chimiothérapie dans la maladie de Hodgkin expose à un risque de 5 à 10 %
de cancer secondaire sur un long recul alors que le risque est presque nul si la radiothérapie
est utilisée seule.*)
Cancers induits par le distilbène (diéthylstibestrol DES)
- Risque (très faible) d’adénocarcinome à cellules claires du vagin
- Concernant les jeunes femmes dont la mère a reçu du distilbène lors de leur grossesse
(années 1960-1970).
(*N2 Approfondissement Texte : Environ 230 000 femmes en France ont reçu un tel
traitement au cours des années 1960-1970, ce qui expose environ 130 000 filles à un risque
d’adénocarcinome à cellules claires du vagin. On estime qu’une cinquantaine de cas
maximum devrait survenir en France*).
-
Le distilbène doit être formellement proscrit pendant la grossesse (= prévention primaire).
(*N2 Approfondissement Texte : En pratique, chez les filles nées de mère traitée au
distilbène, il convient de rassurer la patiente et sa famille. Après les premières règles, on fera
un frottis vaginal tous les ans. Après le premier rapport, un examen gynécologique soigneux à
la recherche d’une adénose vaginale (remplacement de l’épithélium malpighien normal du
vagin par des plages de tissu glandulaire). Si tel est le cas, il faut, se contenter d’une simple
surveillance pour s’assurer de la régression spontanée. Il importe de proscrire les produits
œstrogéniques ou les stérilets et de prendre un avis spécialisé en cas de métrorragies ou de
lésion évidente*).
-
Il y a également un risque de malformation utérine et chez les garçons d’ectopie
testiculaire.
Cancers induits par les traitements hormonaux chez la femme
Les œstrogènes donnés à la ménopause et les antiœstrogènes prescrits dans le cadre de
l’hormonothérapie des cancers mammaires augmentent le risque de cancer de l’endomètre et
leur utilisation au long cours justifie une surveillance clinique et échographique régulière.
2.5.3 – Prévention des risques liés à la
profession
On évalue globalement la fréquence des cancers professionnels à 4 % du total des cancers
(chiffre en augmentation, mais restant faible : plus de 500 dossiers réglés en 1998). Ce chiffre
global recouvre en fait des situations très variées, certains groupes de travailleurs étant
exposés à des risques beaucoup plus importants que d'autres.
42
Sept 2008/HR/mn
(*N2 Approfondissement Texte : Le risque est surtout potentiel, du fait de l'utilisation
croissante dans l'industrie de substances chimiques dont les risques réels sont difficiles à
évaluer. Tous les ans, un millier de molécules nouvelles apparaissent. Il n'est pas possible
d'évaluer avec certitude le potentiel cancérogène de chacune d'entre elles.*)
Actuellement, seules quelques dizaines de molécules sont identifiées avec certitude comme
étant cancérogènes : amiante (mésothéliome et cancer bronchopulmonaire), chlorure de vinyle
(angiosarcome hépatique), poussières de bois exotiques et nickel (ethmoïde), arsenic (foie et
peau), uranium …
Le Centre International de Recherche contre le Cancer (CIRC)1, publie régulièrement des
monographies évaluant le risque cancérogène chez l'homme de produits, de mélanges et
d'opérations industrielles.
La prévention est faite dans le cadre de la médecine du travail. Le contrôle et l’amélioration
des techniques de travail sont à la base de la prévention.
2.6
Principes
prévention
généraux
de
Une attitude de prudence consiste à éviter certains facteurs potentiellement carcinogènes bien
que leur imputabilité ne soit pas établie précisément.
2.6.1 - Nutrition :
Aliments suspectés nocifs
Les facteurs hypercaloriques et hyperlipidiques seraient les principaux facteurs cancérogènes
alimentaires. Des règles générales peuvent être établies, propices à la santé en générale…
- Eviter l’obésité (et donc l’excès d’apport calorique et la sédentarité)
- Répartir l’apport calorique selon les proportions suivantes : glucides = 50 à 60 %, lipides
= 30 % et des protéines = 10 à 15.
- Ne pas consommer trop de graisses, notamment les graisses saturées (gras de bœuf, de
mouton, produits laitiers non écrémés, beurre de cacao à base du chocolat).
(*N2 Approfondissement Texte : Le cholestérol semble tout particulièrement nocif ;
puisque, consommé en excès, il est éliminé dans la bile et agirait comme un agent
cocancérogène sur les cellule épithéliales du colon ; *)
Aliments suspectés bénéfiques
On peut éventuellement conseiller, sans preuve d’efficacité chez l’homme :
- Une consommation d’aliments riches en fibres et en légumes crucifères (chou, chou de
Bruxelles, chou-fleur, brocoli).
- Des vitamines : vitamine C (fruits et légumes) par son action "anti-nitrite" (estomac),
vitamine E (alphatocophérol) pour son action antioxydative, vitamine A… sans qu’aucune
preuve n’ait été apportée chez l’homme. Une consommation excessive de vitamines peut
cependant être nocive.
Dans l’attente de la recette miracle, il faut recommander une nourriture équilibrée. Outre son
action éventuelle de prévention anti-cancer, un tel régime sera également bénéfique sur le
plan cardio-vasculaire notamment.
(N3 Lien avec le site www.iarc.fr*)
43
Sept 2008/HR/mn
2.6.2 – Hygiène sexuelle :
Les facteurs de risque sont parfois opposés : nulliparité ou grossesse tardive pour le cancer du
sein d’une part et grossesses multiples et précoce pour celui du col utérin… Aucune
recommandation ne peut être donnée… En revanche on peut appliquer les règles suivantes :
- Ne pas prescrire d’œstrogènes isolés lors de la ménopause,
- Avoir des rapports protégés en cas de partenaires multiples…
- Recommander une hygiène gynécologique et préputiale rigoureuse
2.6.3– Lutte contre les infections :
Hépatite B
Le vaccin contre l’hépatite B, dans les pays à forte endémie, a démontré son efficacité et son
innocuité pour prévenir le cancer primitif du foie.
Paludisme
La lutte contre le paludisme pourrait également être efficace dans la prévention des
lymphomes de Burkitt en Afrique Equatoriale.
Bilharziose
Le traitement et la prévention de la bilharziose réduiraient de façon importante le nombre de
cancers de la vessie chez les Africains.
3- depistage
3.1 – Définitions
Le dépistage est la mise en évidence chez des sujets asymptomatiques :
- des lésions précancéreuses, dans le but de les éradiquer afin d’éviter la survenue du cancer
(réduire l’incidence et donc le taux brut de mortalité)
- ou des lésions cancéreuses infracliniques (diagnostic précoce), dans le but d’appliquer un
traitement simple et efficace afin d’améliorer les chances de guérison (réduire le taux de
mortalité).
(*N2 Approfondissement Texte : Cela suppose l’existence d’une phase pré-clinique de la
maladie suffisamment longue entre le passage d’une forme localisée à une forme diffuse (ce
qui n’est pas le cas, par exemple, pour le cancer du poumon, les leucémies, le cancer du
pancréas…*).
Le dépistage s’applique :
- A toute une population s’il s’agit d’un cancer posant un problème de santé publique
(dépistage de masse) : cancer fréquent et grave et/ou cancer entraînant un décès prématuré
(enfant ou adulte jeune). Le dépistage s’inscrit alors dans le cadre d’une campagne de
dépistage organisée et préalablement évaluée.
- A des sous groupes ayant un risque élevé de développer ce cancer par rapport au risque de
la population générale (dépistage individuel).
44
Sept 2008/HR/mn
3.2 – Généralités
3.2.1 - But
Le dépistage vise à diminuer la mortalité à long terme, en augmentant le nombre de guérisons.
3.2.2 – Conditions nécessaires
Deux conditions sont indispensables :
- Disposer d’un test capable de détecter tôt le cancer,
- Disposer d’un traitement capable d’améliorer le pronostic des cancers dépistés. Il faut
notamment s’assurer que le gain de survie apparent n’est pas que la traduction d’un
diagnostic précoce : biais dit « d’avance au diagnostic » (cf. schéma).
Dépistage
Symptômes
DECES
Biais d’avance
au diagnostic
Survie spontanée
Survie avec dépistage
D’une façon générale il faut d’une part que le cancer dépisté et d’autre part que le test de
dépistage employé respectent certaines caractéristiques (cf. tableau 1).
Tableau 1 – Récapitulatif des conditions générales nécessaires au dépistage d’un cancer
Conditions liées au cancer dépisté
Justificatifs
Le pronostic du cancer doit être fortement lié à
son stade au moment du diagnostic (bon
pronostic si le traitement est réalisé à un stade
précoce)
Phase préclinique (lésion précancéreuse ou
cancer asymptomatique) suffisamment longue
Afin que la détection précoce du cancer et son
traitement modifient l’histoire naturelle de la
maladie et augmentent la probabilité de
guérison.
Afin de détecter un grand nombre de cas pendant
cette période.
La mortalité spécifique du cancer doit être
considérée comme un problème de santé
publique
(pour le dépistage de masse).
soit que la cancer soit fréquent et/ou de mauvais
pronostic, soit qu’il entraîne des décès
prématurés.
Qualités du test de dépistage
Justificatifs
45
Sept 2008/HR/mn
Test sensible
Afin de désigner le plus grand nombre de
personnes atteintes de cancer comme positives.
Afin de désigner le plus grand nombre de
personnes indemnes de cancers comme
négatives
Test spécifique
3.3 - Dépistage de masse
Le dépistage doit être réalisé dans le cadre d’un programme organisé et planifié, et doit être
suivi prospectivement.
3.3.1 - Choix du test de dépistage
Qualités du test de dépistage
Dans le cadre des dépistage de masse, le test de dépistage employé doit être :
- Sensible (cf. tableau 2)
- Spécifique (cf. tableau 2)
(*N2 Approfondissement Texte : La sensibilité élevée du test est souvent privilégiée (la
priorité étant de limiter le nombre de cas " oubliés " par le test) mais un test ayant une
spécificité très faible doit être réfuté car il entraîne un nombre important d’examens
complémentaires, coûteux, anxiogènes et inutiles.*)
-
Acceptable : indolore, simple, facilement réalisable, sans risque iatrogène
Reproductible, d’interprétation simple et standardisée.
Peu coûteux (par rapport au coût global de la maladie)
(*N2 Approfondissement Texte : Ainsi pour le dépistage de masse du cancer du côlon la
coloscopie qui est un examen hautement sensible et spécifique ne peut être proposée pour des
raisons évidentes d’acceptabilité, de iatrogènicité, de réalisation, de coût… le test
actuellement proposé (Hémoccult ®)un test de recherche de sang occulte dans les selles (très
nettement inférieur en terme de sensibilité et spécificité) ; une coloscopie n’est réalisée qu’en
cas de positivité de l’Hemoccult en guise de confirmation ; c’est à dire chez environ 2% des
sujets dépistés.)
-
Tableau 2 – Définitions des caractéristiques d’un test de dépistage
Malades
Sujets sains
Total Tests
Test
Positif
Vrais Positifs
(VP)
Faux positifs
(FP)
Total des positifs TP
(VP + FP)
Test
Négatif
Faux Négatifs Vrais Négatifs Total des négatifs TN
(FN)
(VN)
(VN + FN)
Total
Tests
TM (VP +
FN)
Sensibilité
VP/TM
Valeur prédictive
Valeur prédictive positive
(VPP)
VP/TP
Valeur prédictive négative
(VPN)
VN/ TN
TSS (FP +
VN)
Spécificité
VN/TSS
46
Sept 2008/HR/mn
Efficacité du test :
Avant la mise en place d ‘un dépistage de masse, la technique de dépistage choisie doit avoir
fait la preuve de son efficacité, au mieux par des essais randomisés (tirage au sort de la
réalisation ou non du dépistage), en évitant les 3 principaux biais :
- Le biais d’avance au dépistage
- Le surdiagnostic (dépister des lésions qui n’auraient pas évolué)
- La sélection par le dépistage (les participants au dépistage n’ont pas les mêmes risques de
cancer que la population générale)
La mesure de la mortalité dans l’ensemble de la population cible du dépistage est capable
d’éliminer les trois premiers biais.
3.3.2 – Organisation du dépistage de masse
Toutes les étapes du dépistage et les modalités de réalisation doivent être prévues à l’avance.
Il faut :
- Définir précisément : la population concernée (classes d’âge, zone géographique, etc.), le
test utilisé et son rythme d’application.
- Proposer le dépistage à la population cible, si possible de façon individuelle. Lui donner
un accès non restrictif grâce, si possible, à la gratuité et à la restriction des délais d’attente.
- Impliquer des professionnels de santé, notamment des médecins généralistes, qui peuvent
s’investir en informant de façon pertinente leurs patients et en participant à la réalisation
pratique du test ou à la prise en charge des personnes dont le test est positif.
- Avoir des procédures de réalisation et d’interprétation du test, garantissant sa
reproductibilité.
- Communiquer rapidement le résultat.
- Réaliser rapidement les examens de confirmation chez les personnes ayant un test positif
(limiter les effets néfastes des faux positifs).
L’organisation d’un dépistage est donc une opération lourde qui demande une logistique et
des moyens financiers spécifiques (centre de coordination, prise en charge financière des tests
et des procédures d’assurance de qualité). De plus, les tests sont le plus souvent effectués dans
des structures préexistantes et vont mobiliser une partie du système de santé. Dans un tel
contexte de mobilisation importante de moyens, il est indispensable de vérifier qu’il s’en suit
une baisse de la mortalité par cancer. Or, l’observation d’un tel phénomène prend du temps.
C’est pourquoi, une évaluation continue du programme s’impose qui permet de vérifier les
résultats et évaluer à quels coûts (humains et financiers), ceux-ci ont été obtenus.
3.3.3 – Avantages et Inconvénients du
dépistage
Avantages
-
Améliore le pronostic de la plupart des patients dont la maladie a été détectée grâce au test
(patients qui, sans dépistage, seraient décédés de leur cancer).
Traite à efficacité égale mais de façon moins radicale les cancers de petite taille.
Rassure utilement la plupart de ceux qui ont un résultat négatif du test.
Génère des économies de ressources par une réduction du coût total de la prise en charge
de la maladie (traitements initiaux moins radicaux et diminution des décès des patients
atteints).
47
Sept 2008/HR/mn
Les inconvénients
-
Allonge inutilement la durée de la maladie de ceux dont la détection précoce du cancer ne
va pas modifier le pronostic.
Conduit à la détection et au traitement de lésions non cancéreuses mais jugées à risque
potentiel de dégénérescence maligne, dont une partie n’aurait jamais évoluée et n’aurait
pas été découverte sans dépistage.
Rassure à tord ceux qui auront un résultat faussement négatif (importance de la sensibilité
du test).
Génère une inquiétude chez ceux qui auront un test faussement positif et les soumet à des
examens inutiles (importance de la spécificité du test).
Le test de dépistage peut avoir lui même des risques.
Coût spécifique lié à la réalisation du test, aux examens complémentaires induits par les
faux positifs du test et aux traitements des lésions à risque qui n’auraient pas évoluées en
cancer.
Aucune technique de dépistage du cancer n’est idéale. C’est pourquoi, il convient toujours de
vérifier par une évaluation adéquate que les avantages dépassent les inconvénients. Ceci est
un préalable indispensable à l’utilisation d’un test de dépistage en pratique courante.
3.3.4 – Recommandations et Pratiques de
dépistage de masse des cancers en France
Tableau 3 : principaux dépistage de masse en cours, prévus (validés) ou en projet (à valider)
Population cible
Localisation
Test de dépistage
Rythme
(âges)
Annuel
Col utérin
Femmes (20 – 65 ans)
Frottis cervico-vaginal
puis si normal 2 années de suite,
(en cours)
puis tous les 3 ans
Mammographie
Sein
Femmes (> 50 ans)
Annuel
(en cours)
(2 incidences)
Côlon
(prévu)
Hommes et Femmes
(≥ 50 ans)
Test Hemoccult®
Annuel ou tous les 2 ans
Prostate
(à valider)
Hommes (≥ 50 ans)
TR + dosage du PSA
Annuel ou tous les 2 ans
3.4 – Dépistage individuel
Le dépistage individuel s’adresse à des sous-groupes de la population de taille et de niveau de
risque variables. L’identification de ces sous-groupes repose sur la reconnaissance des
facteurs de risque. Dans la plupart des cas les données médicales simples suffisent à identifier
ces facteurs de risque (interrogatoire, connaissance de l’histoire clinique du sujet, examen
clinique…).
Le médecin a donc un rôle fondamental dans :
48
Sept 2008/HR/mn
-
La recherche de facteurs de risque
L’information du sujet à risque et la proposition de dépistage
La réalisation du dépistage et la gestion des suites en fonction des résultats.
Au cours de ces dernières années des recommandations ont été établies pour préciser, en
fonction du cancer et du niveau de risque (tableaux 4 et 5)
- Le test de dépistage à réaliser
- La tranche d’âge concernée par le dépistage
- Le rythme de réalisation des tests
Plus le niveau de risque est élevé plus le test de dépistage doit être sensible (sensibilité proche
de 100%). En revanche, par rapport au dépistage de masse, on sera moins exigeant sur les
autres paramètres du test (acceptabilité, coût, simplification de l’interprétation...).
Cependant, même pour des groupes limités, l’évaluation de ces procédures de dépistage devra
être réalisée en terme d’efficacité et de coût.
Tableau 4 : recommandations de dépistage pour les principaux groupes à risque génétique
(cancers héréditaires)
Localisation
Population cible (âges)
Test de dépistage
Rythme
Prédisposition héréditaire au cancer colorectal dans le cadre du syndrome HNPCC
(NB : risque associé de cancer endométrial et ovarien)
Tous à partir de 20 ans
Côlon
Endomètre Femmes à partir de 30 – 35 ans
Ovaires
coloscopie
Tous les 1 à 2 ans
Examen clinique + échographie
Tous les 1 à 2 ans
Prédisposition héréditaire aux cancers du sein +/- ovaire
Sein
Femmes à partir de 20 – 25 ans
Ovaire
Femmes à partir de 30 – 35 ans
Examen clinique
Mammographie +/- échographie
Examen clinique
Echographie transvaginale
Dosage CA 125
3 fois par an
tous les ans
Tous les ans
Tableau 5 : exemples de recommandations pour les groupes à risque (non génétique) de
cancer colorectal.
Groupe à risque
Test de dépistage
Rythme
ATCD personnel de cancer
colorectal ou de polype
adénomateux
ATCD familial au 1er degré de
cancer colorectal
Coloscopie
1 à 3 ans après l’événement puis tous les 5
ans
Coloscopie
ATCD personnel de RCH ou de
maladie de Crohn (pancolite)
depuis plus de 20 ans
Coloscopie
A partir de 45-50 ans (ou si cas familial
survenu avant 45 ans : 5 ans avant l’âge de
survenue)
Puis tous les 5 ans
A partir de 20 ans d’évolution de la maladie
inflammatoire
Tous les 2 ans
ITEM 139 – Rosine GUIMBAUD
49
Sept 2008/HR/mn
Thème 140
Diagnostic des cancers BiLAN
D'EXTENSION PRONOSTIC
Etienne Cabarrot
„
Signes d’appel des cancers et urgences
„ Investigations cliniques
„ Investigations para-cliniques
„ Bilan d’extension
„ pronostic
Le diagnostic est la démarche aboutissant à l’affirmation d’un cancer chez un patient consultant pour
un symptôme. Le diagnostic précoce étant la meilleure chance actuelle de guérison des malades, la
responsabilité médicale est de mettre en œuvre avec diligence les moyens nécessaires pour atteindre
l’objectif. La preuve histologique est indispensable avant la mise en route du traitement.
„
Signes d’appel des cancers
Troubles locaux
On doit évoquer un cancer jusqu’à preuve du contraire devant les symptômes résumés dans le tableau
1, surtout après 40 ans. Contrairement à une opinion commune, les cancers sont rarement douloureux
au début de leur évolution. Malheureusement, la douleur par compression nerveuse ou métastase
osseuse est souvent révélatrice de cancers évolués.
ƒ
Nodule palpable ou induration des tissus mous et des organes superficiels
ƒ
Hémorragie digestive, urinaire ou hémoptysie, perte de sang en dehors des règles
ƒ
Plaie qui ne guérit pas, tumeur qui ne disparaît pas
ƒ
Troubles permanents de la déglutition
ƒ
Persistance d’une voix enrouée ou de toux
ƒ
Apparition de troubles fonctionnels digestifs ou urinaires
ƒ
Modification apparente d’une “ verrue ” ou d’un “ grain de beauté ”
Tableau 1 – Principaux signes d’appel des cancers
Troubles généraux
Métastases révélatrices – métastases sans
primitif
50
Sept 2008/HR/mn
Dans 5 à 10 %, la maladie cancéreuse paraît débuter par une métastase osseuse ou viscérale, une
adénopathie sus-claviculaire pour les cancers abdominaux, un ganglion axillaire pour le cancer du sein
ou cervicale pour un cancer du pharynx et de la thyroïde. Les métastases osseuses révélées par une
fracture ou des douleurs s’observent pour le cancer du sein, du poumon, de la thyroïde, du rein et de la
prostate.
Etats fébriles
Les causes de la fièvre chez les cancéreux sont multiples, tumeur nécrotique ou infection associée, ou
syndrome paranéoplasique.
Manifestations hématologiques
Plusieurs syndromes hématologiques peuvent révéler ou accompagner les cancers Les réactions
érythroblastique, leucémoïde ou une myélémie témoignent d’un envahissement médullaire.
Urgences
Thrombophlébite
Une phlébite profonde peut être inaugurale d’un cancer du pancréas, du poumon, de l’ovaire ou de la
prostate. Plusieurs épisodes se produisent, nécessitant des traitements anticoagulants au long cours.
C’est le syndrome de Trousseau ou de phlébite migratoire.
Uropathie obstructive
La compression des voies urinaires par un cancer génito-urinaire (col, corps, vessie, prostate) se révèle
par une crise de colique néphrétique ou une 'insuffisance rénale obstructive.
Epanchements pleuraux
Les pleurésies malignes sont dues à l’extension lymphatique de cancers du sein, de l’ovaire, du tube
digestif, ou par un envahissement de contiguïté d’un cancer du poumon ou de la plèvre.
Dyspnée et obstruction respiratoire haute
L'obstruction endoluminale est due à un cancer du larynx, du pharynx, de l’arbre trachéo- bronchique
ou à une compression extrinsèque par une tumeur médiastinale, un lymphome, un cancer à petites
cellules du poumon ou un cancer indifférencié de la thyroïde.
Epanchement péricardique et tamponnade
L'infiltration du péricarde par un cancer du sein et du poumon peut être à l'origine d'un épanchement.
L’événement parfois inaugural est le plus souvent est un signe de récidive du cancer.
Syndrome de compression de la veine cave
supérieur (VCS)
L'obstruction de la VCS est du à la compression, la thrombose ou l’envahissement du tronc veineux
par une tumeur du médiastin supérieur, un cancer à petites cellules du poumon ou un lymphome.
Hypertension intracrânienne (HIC)
Une HIC peut révéler une tumeur primitive, un gliome, des métastases cérébrales et/ou méningées de
cancers solides, des localisations de leucémies et lymphomes. Les métastases proviennent de cancers
du sein, du poumon, du rein ou de mélanome.
Compression médullaire
La compression médullaire est une urgence thérapeutique, car en quelques heures la paralysie est
irréversible. La compression médullaire est due à des métastases osseuses du rachis ou à une péridurite
51
Sept 2008/HR/mn
néoplasique (sein, poumon, prostate, lymphome, rein, plasmocytome multiple) ou plus rarement à des
tumeurs primitives de la moelle épinière. Le siège le plus fréquent est dorsal (70%) puis lombaire
(20%) et enfin cervical (10%). Les radiographies de la colonne vertébrale montrent une lyse osseuse
ou une rupture du mur vertébral postérieur. L’IRM est d'une grande sensibilité pour explorer la moelle
épinière, le rachis et situer le siège de la compression. Une ponction lombaire et un prélèvement du
LCR seront effectué pour examen biochimique et cytologique.
Hypercalcémie
L'hypercalcémie maligne est le plus souvent associée à des métastases osseuses.
Hyponatrémie, syndrome de sécrétion
inappropriée d’hormone antidiurétique
(SIADH)
Syndromes paranéoplasiques (SPN)
Les syndromes paranéoplasiques sont des manifestations cliniques ou biologiques non cancéreuses
observés à distance de la tumeur primitive ou des ses métastases. La tumeur agit sur l’hôte par
sécrétion de médiateurs biochimiques. Les SPN sont parfois un signe d’appel. La difficulté est de
relier leur apparition à un cancer car ils s’observent également dans des maladies bénignes. Les SPN
constituent parfois des urgences et dans ce cas, ils peuvent avoir une incidence propre sur la mortalité
et/ou la morbidité des patients. Enfin, les SPN sont souvent le reflet de l’efficacité des thérapies, ils
régressent avec un traitement actif et réapparaissent avec la récidive.
Syndromes endocriniens
Ces syndromes sont naturellement associés aux tumeurs des organes endocrines comme un
corticosurrénalome ou des patients porteurs de Multiple Endocrine Neoplasia (MEN) mais aussi dans
les cancers solides non endocriniens dont certains sont susceptibles de sécréter des hormones ou des
peptides (Tableau 2).
Symptômes et signes
Syndromes et cancers associés
Médiateurs
Œdèmes, HTA, asthénie, hyper
pigmentation, hypokaliémie
Syndrome de Cushing
Cancer bronchique de tous types, autres cancers
ACTH
Asthénie, confusion, incoordination,
ADH
Syndrome de Schwartz-Barrter
hyponatrémie, hyperosmolarité urinaire Cancer pulmonaire à petites cellules, pancréas, prostate
Nausées, vomissements, confusion,
somnolence, hypercalcémie, hypo
phosphatémie
Hypercalcémie non métastatique
Cancer épidermoide et cancer à petites cellules du
poumon
PTH
Flush, diarrhée
Syndrome carcinoïde
Carcinoïdes digestifs ou bronchiques
Cancer à petites cellules du poumon
Gynécomastie
Cancer du testicule, foie, poumon, œsophage, tumeur
carcinoïde
Sérotonine
Polyglobulie
Cancer du rein,
Erythropoïétine
Tuméfaction mammaire de l’homme
Erythrose,
52
Béta-HCG
Sept 2008/HR/mn
Malaises, agitation, syncopes après un
effort
Hypoglycémie
Cancer du pancréas endocrine,
Insuline
Des tumeurs diverses peuvent sécréter de multiples substances polypeptidiques, glucagon, sérotonine, histamine,
gastrine, sécrétine, vasopressine, catécholamines, melanocyte-stimuling hormone (MSH), rénine, TSH, prolactine
Tableau 2 - Syndromes endocriniens et sécrétions hormonales des cancers
Syndromes neuro-musculaires
Les cancers peuvent s’accompagner d’atteintes dégénératives du système nerveux central, encéphale,
cervelet, moelle épinière ou de neuropathies périphériques .La myasthenia gravis et la maladie de
Lambert-Eaton s’observent dans des divers carcinomes ou des thymomes. La maladie de Hodgkin et
autres lymphomes peuvent s’associer à une leuco-encéphalopathie multi-focale progressive.
Manifestations cutanées para néoplasiques
L’acanthosis nigricans (Hyper kératose, pigmentation des plis de flexion) est la plus importante à
connaître car cette lésion précède ou accompagne des cancers digestifs et est susceptible de régresser
avec les traitements curatifs..
„
Investigations cliniques
Anamnèse
Après avoir précisé le motif de la consultation et détaillé les signes d’appel, le médecin oriente
l’interrogatoire pour rechercher une prédisposition familiale et des facteurs de risque (3situation
sociale, profession, état marital).
Examen physique
Pour les cancers de la peau et des muqueuses des cavités superficielles (bouche, organes sexuels
externes, anus), l’examen clinique est capital et précise les critères de malignité, :
- une ulcération à bord surélevé, de contour et de fond irrégulier.
- une lésion indurée et qui saigne facilement.
- Une tumeur bourgeonnante largement implantée
- Une masse sous cutanée ou sous muqueuse indurée.
- la persistance d’une ulcération en dépit de la suppression de la cause, par exemple par un crochet
dentaire.
Une tumeur pigmentée de la peau est à distinguer d'un n‫و‬vus. Les signes évocateurs sont résumés
dans l’ABCDaire :
A Î Asymétrie
B Î Bords irréguliers
C ÎCouleur hétérogène marron clair et foncé, bleu noir, rose bordé de noir
D Î Diamètre supérieur à 6 mm
53
Sept 2008/HR/mn
Aucun signe n’est pathognomonique. Toute modification d’un n‫و‬vus doit alerter, prurit, saignement,
ulcération, changement de couleur ou de taille et conduire à une biopsie.
Pour une masse des parties molles, les signes de malignité sont l’induration, l’irrégularité des
contours, une fixation aux organes voisins.
Une adénopathie superficielle est pathologique lorsque le ganglion est induré, de taille supérieure à la
normale ou fixé à la peau ou en profondeur.
Les signes inflammatoires, rougeur, chaleur locale, œdème constituent des signes péjoratifs
témoignant d’une vitesse de croissance élevée ou d’un blocage lymphatique par envahissement des
ganglions (cancer inflammatoire du sein, halo rouge autour des mélanomes nodulaires).
Investigations
paracliniques
Endoscopies
Les endoscopies sont des procédures de choix dans le diagnostic des cancers digestifs, intraabdominaux, intra-thoraciques et des voies aéro-digestives supérieures. L’utilisation de tubes flexibles
et de la vidéo-endoscopie permettent d’obtenir des images précises et détaillées. De nombreux organes
peuvent être explorés (tableau 6).
Les endoscopies précisent la localisation, l’aspect végétant, ulcérant ou infiltrant, les dimensions. Des
prélèvements multiples sont possibles sur la tumeur ou des dysplasies associées et deuxième cancer
(colon, bouche pharynx). L’écho-endoscopie précise l’infiltration des parois digestives ou respiratoires
et améliore le staging.
Si la tumeur n’est pas visualisée comme dans les cancers des bronches distales ou en cas de lésion
infiltrante, des prélèvements cytologiques par brossage sont utiles.
Tableau 6 – Indications et complications des endoscopies pour cancer
Imagerie médicale
L’Imagerie médicale pour objectif de trouver l’origine d’un signe d’appel de cancer, de rechercher les
métastases et de guider les biopsies. L'écho tomographie, la tomodensitométrie, l'imagerie par
résonance magnétique explorent la morphologie. Les aspects fonctionnels des cancers peuvent être
explorés par l’imagerie nucléaire, la vascularisation par l’écho Doppler. La tomographie par émission
de positron (PET-scan en français TEP) est en voie de développement.
Dans le choix de l’imagerie plusieurs paramètres sont à considérer, le symptôme d’appel, l’organe à
explorer, la performance de la technique, son coût, la curabilité de la maladie. Le tableau 7 montre les
questions qu’il faut se poser avant de prescrire l’imagerie en cancérologie.
En ai-je besoin ?
En ai-je besoin maintenant ?
Ai-je demandé le meilleur examen ?
Ai-je expliqué le problème et ce que j’attends de l’examen ?
Tableau 3 - Principes généraux du choix des techniques d’imagerie
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Sept 2008/HR/mn
Radiographie standard
La radiographie aux rayons X est performante pour les cancers du thorax, du sein et les tumeurs
osseuses. Dans plus de la moitié des cas un cliché orthogonal ou de profil précise la situation d’une
image tumorale dans l’espace. La radiographie standard donne une image bi-dimensionnelle qui
superpose les éléments anatomiques traversés par les photons X. Cette superposition est susceptible de
créer des images pseudo-tumorales (faux positif). Pour le sein le seuil de détection est, dans les
meilleurs cas, de 0,5 cm ; pour le poumon de 1 cm, et pour les autres de 2 cm et plus. Les tumeurs de
densité tissulaire faible ou entourées d’œdème créent des limites floues, peu contrastées qui
augmentent le seuil de détection.
Radiographie avec opacification d’organe.
Le lavement baryté en double contraste est une alternative à la coloscopie totale qui reste l’examen
de première intention. Il en est de même dans le diagnostic des cancers œsophagiens ou gastriques où
la gastroscopie est le plus souvent préférée. Des examens barytés peuvent être utiles en vue d’une
intervention chirurgicale pour préciser la topographie et l’état des lieux.
L’urographie intraveineuse est le plus souvent remplacée par une échographie ou le scanner ou par
un cliché en fin de TDM (Tableau 4).
Examen recommandé
Situations cliniques
Transit œsophagien
Sténose œsophagienne
Transit gastro-duodénal
Non recommandé
Transit du grêle
Obstruction chronique
Lavement baryté
Non recommandé en 1ère intention
Urographie intraveineuse
Cancer de la vessie, hématurie
Artériographie rénale ou
membres
des Non indiqués en première intention
Bilan préopératoire
Phlébographie
Non recommandé
Lymphographie pédieuse
Remplacée par scanner pelvien
Tableau 4 – Principales indications et contre indications des
radiographies avec opacification d’organes
Les artériographies sont utiles dans le diagnostic des tumeurs vasculaires et dans le bilan
préopératoire en vue d’une néphrectomie partielle par exemple. Pour l’exploration veineuse, la
phlébographie est remplacée en première ligne par l’écho Doppler.
La lymphographie pédieuse est supplantée par le scanner dans l’exploration ganglionnaire des
cancers pelviens.
Le porto-scanner permet d’acquérir des images de métastases hépatiques par injection d’un produit
de contraste par voie veineuse portale ou par injection intra-artérielle hépatique de lipiodol ultra-fluide
en vue d’hépatectomie.
Echographie
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L’échographie utilisant des ultrasons est une technique non irradiante, non invasive, dénuée d'effets
délétères connus, utilisable chez l’enfant et la femme enceinte. L’échographie pulmonaire est
impossible et l’examen est très gêné par le météorisme abdominal.
L’échographie permet de différentier les kystes (images anéchogènes), des masses pleines (images
hypo-ou hyper échogènes) et de décrire le contour, l’homogénéité et les dimensions de l’image. Le
seuil de détection varie entre 1,5 et 2 cm. Les techniques d’échographie intra-cavitaire sont
particulièrement utiles pour déterminer l’infiltration pariétale des cancers du rectum, de l’œsophage et
de la capsule prostatique. (Tableau 5).
L’échographie endoscopique a une excellente sensibilité pour les tumeurs du pancréas et de la voie
principale.
L’écho Doppler visualise le flux des érythrocytes est utile dans l’étude de la vascularisation tumorale.
Echographie
Recommandations
Abdominale
Lombaire
Situation clinique
Recherche de métastases, diagnostic d’une hépatomégalie, d’un ictère
rétentionnel ou cholestase anictérique, ascite, masse abdominale, cancer
du pancréas
Diagnostic d’une masse rénale, compression urétérale, insuffisance rénale
obstructive, cancer avancé du pelvis
Pelvienne
Diagnostic des métrorragies, des masses et douleurs pelviennes
Trans-anale
Bilan d’un cancer du rectum, anus, diagnostic d’un cancer de la prostate
Cervicale
Nodule thyroïdien, glandes salivaires
Parties molles
Hématome intramusculaire, tumeur des parties molles
Sein
Diagnostic d’un nodule mammaire
Complément de la mammographie
Testiculaire
Diagnostic de masse intra scrotale
Trans-vaginale
Trans-œsophagienne
Diagnostic des cancers de l’endomètre de l’utérus (col et corps), d’un
kyste de l’ovaire ou masse latéro-utérine,
Bilan d’une tumeur du vagin et l’utérus
Bilan de cancer de l’œsophage
Endoscopique
Etude du pancréas, du cholédoque
Tableau 5–Principales indications des échographies en cancérologie
Scanographie ou scan RX ou
tomodensitométrie (TDM)
Le TDM analyse la densité des tissus traversés aux rayons X et permet de réaliser des coupes axiales
de 1 à 10 mm d’épaisseur avec une résolution bien supérieure à la radiographie standard. L’injection
de produit iodé en bolus intraveineux visualise les structures vasculaires. Les scanners spiralés
permettent des acquisitions volumiques en 2D ou 3 D d’une région anatomique.
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Le scan RX est la méthode la meilleure pour faire le bilan de la plupart des tumeurs malignes,
thoraciques, abdominales, cérébro-spinales et les lymphomes (Tableau 6). Le seuil de détection varie
de 2 mm pour le poumon à 1 cm pour le cerveau ou le rein, voire de 1,5 cm pour le pancréas. Le scan
RX est particulièrement utile dans un contexte d’urgence et dans l’évaluation des résultats de la
chimiothérapie et dans le suivi des patients traités.
Examens
Situations cliniques
Scan abdominal
Approche diagnostique d’une masse abdominale
Diagnostic d’une masse rénale solide en échographie
Bilan d’extension des cancers digestifs
Recherche d’adénopathies abdominales
Bilan des lymphomes Hodgkiniens et non-Hodgkiniens
Confirmation et /ou mesures de métastases hépatiques
Recherche de tumeurs surrénaliennes
Scan pelvien
Bilan pré opératoire d’un cancer de l’ovaire
Bilan de cancer du col et de l’endomètre
Bilan d’un cancer de la vessie, prostate
Surveillance de cancers pelviens traités
Scan thoracique
Diagnostic des cancers thoraciques, toux chronique, inexpliquée, dyspnée, hémoptysie
Bilan d’extension des cancers de l’œsophage, du poumon, des lymphomes
Hodgkiniens et non-Hodgkiniens
Recherche de métastases pulmonaires
Syndrome cave supérieur
Céphalique
Diagnostic des tumeurs cérébrales, céphalée aiguë brutale, hémiplégie
Recherche de métastases cérébrales
ORL
Bilan d’extension des cancers du cavum,
Diagnostic des cancers des sinus et cavités de la face
Osseux
Non recommandé en première intention
Recherche de métastases non visibles en radiographie standard
Tableau 6 –Principales indications du TDM
Imagerie par résonance magnétique (IRM)
L’IRM est une technique non irradiante qui utilise une propriété particulière appelée spin des noyaux
de s’orienter selon le champ magnétique auquel l’organisme est soumis.
L’IRM permet l’acquisition de coupes dans les 3 plans de l’espace. La résolution de contraste est
supérieure au TDM particulièrement pour le système nerveux central, encéphale, moelle et la cavité
pelvienne.
L’IRM est une technique non invasive, sans effet délétère connu. Les principales contre-indications
sont les stimulateurs et certaines valves cardiaques, les clips ferromagnétiques, les prothèses
cochléaires et l’obésité majeure. L’IRM peut être contre-indiquée en cas de claustrophobie et
d’agitation.
En dépit de son coût supérieur de 2,5 fois, l’IRM a remplacé le Scan RX dans de nombreuses
indications :
- tumeurs du système nerveux central, de l’axe rachidien et compression médullaire
- diagnostic des récidives intra mammaires après chirurgie conservatrice
- bilan d’extension des cancers de la prostate, du col et du corps de l’utérus
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Sept 2008/HR/mn
-
tumeurs osseuses et sarcomes des parties molles
tumeurs de l’orbite et des sinus de la face
tumeurs pédiatriques
Imagerie nucléaire–
Scintigraphie
Cette technique irradiante utilise un radio-isotope se fixant sur certains organes et permettant d’en
étudier la morphologie et la fonction (Tableau 7. Une gamma caméra détecte les rayons gamma émis
par le traceur et donnent une image bi-dimensionnelle de la fixation. Les points chauds sont des zones
où la concentration de la radioactivité est plus importante. Les cancers provoquent le plus souvent des
zones hypofixantes non fonctionnelles.
Traceurs radioactifs
Organes explorés
Demi-vie
Technétium 99m
Squelette
6 heures
Iode 131
Thyroïde
8 jours
Indium 111-Octreotide
Tumeur neuro endocrines (TNE)
67.3 h
Citrate de gallium 67
Lymphome malin non hodgkinien (LMNH)
78.3 h
18 Fluoro-2- Deoxyglucose
Masse résiduelle, cancers du cerveau, poumon, colon, rectum, LMNH, 112 mn
(18 FDG)
mélanome, voies aéro digestives supérieures (VADS)
Tableau 7– Traceurs radioactifs utilisés dans le diagnostic des cancers
ƒ
La scintigraphie osseuse du corps entier est recommandée en première intention dans le bilan
d’extension et les métastases osseuses des cancers du sein ou de prostate. Elle est plus sensible que
la radiographie standard qu’elle précède plus de 6 mois.
ƒ
La scintigraphie à l’Iode 131 est indiquée après l’échographie dans le diagnostic des nodules
thyroïdiens et dans la recherche de métastases des cancers différentiés de la thyroïde. Il n’y a pas
d’effet secondaire connu, ni de contre-indications sauf chez la femme enceinte.
Tomographie en émission de positron (TEP ou PET-scan)
Cette technique irradiante utilise un agent radio - pharmaceutique à demi-vie très courte, le 2fluoro-2déoxyglucose ou FDG. La production de FDG nécessite un cyclotron, ce qui explique les limitations
actuelles. La fixation du FDG permet de mesurer le métabolisme du glucose dans les cancers. Le PET
scan est en cours d’évaluation en cancérologie.
Les premières applications sont dans le diagnostic des tumeurs cérébrales, distinguant entre gliomes de
haut et bas grade, dans l’identification des nécroses radiothérapiques ou les zones cicatricielles des
reprises évolutives. La méthode est envisagée dans le diagnostic des récidives pelviennes de cancer
rectal et dans l’évaluation des métastases des cancers du sein. Les développements actuels étudient la
fusion des images obtenues par le TEP, l’IRM ou le TDM.
Radio-immuno-diagnostic
Cette technique utilise des antigènes associés à des cancers comme l’antigène carcino - embryonnaire
et le développement d’anticorps monoclonaux radio marqués spécifiques. Les anticorps sont produits
par des hybridomes entre des lymphocytes d’un donneur immunisé et des plasmocytes de myélome
murin. Ultérieurement ils peuvent être marqués avec de l’iode radioactif ou du technétium. Ainsi la
58
Sept 2008/HR/mn
technique SPECT peut détecter des récidives infra-cliniques de cancers colo-rectaux par l’ACE
marqué.
Imagerie interventionnelle diagnostique
La radiologie interventionnelle a pour objectif des prélèvements tumoraux à l’aide d’aiguilles fines ou
de trocarts à guillotine. L’objectif est d’apporter la preuve histologique nécessaire au traitement des
cancers. Le guidage des aiguilles s’effectue par échographie ou par TDM.
L’échographie permet un suivi de la progression de l’aiguille en temps réel, De même, les scanners
spiralés permet une acquisition en continu.
Les ponctions biopsies sont effectuées sous anesthésie locale en hospitalisation ambulatoire ou
traditionnelle selon les risques spécifiques (tableau 14). Des images sont réalisées en fin d’exploration
pour diagnostiquer des complications comme un hématome, une hémorragie intra-péritonéale ou un
épanchement intra-pleural (hématome, pneumothorax).
Les prélèvements sont des étalements sur lame ou des carottes [voir ponction à l’aiguille fine et
microbiopsie dans le paragraphe examens cyto-pathologiques]. Un résultat négatif de la biopsie ou de
la cytoponction n’exclut pas la possibilité d’une lésion maligne et indique de refaire la ponction
biopsie ou un prélèvement chirurgical. En cas de lymphome, la congélation de l’échantillon est
indiquée en vue d’un typage cellulaire.
Marqueurs tumoraux (MT)
Les MT sont des molécules synthétisées par des tumeurs et présentes à des quantités mesurables dans
le sang. Cette définition élimine les marqueurs tissulaires, les oncogènes et les récepteurs hormonaux.
Il n’existe pas actuellement de marqueur idéal des cancers, la plupart manquent de sensibilité et de
spécificité.
Antigènes onco-fœtaux
Antigène carcino-embryonnaire (ACE)
L’ACE est produit chez le fœtus par la muqueuse du colon. Sa fonction est inconnue. Chez l’adulte
normal on retrouve l’ACE à des concentrations très faibles, inférieures à 5 ng/ml et chez le fumeur à
10 ng / ml Le taux sérique d’ACE est corrélé à l’évolution des cancers colo-rectaux avec une
sensibilité de 90 %. L’ACE manque de spécificité car il est retrouvé dans les cancers du sein, du
poumon à petites cellules, de l’estomac, du pancréas, du foie, de la thyroïde et des gonades. Le taux
d’ACE s’élève également dans des pathologies bénignes, particulièrement les maladies hépato biliaires, les maladies inflammatoires du tube digestif et les épisodes infectieux pulmonaires.
Alfa-fœto-protéine (AFP)
L’AFP est normalement sécrétée par le foie fœtal, le sac vitellin et le tractus intestinal du fœtus.
L’augmentation du taux plasmatique chez l’adulte est associée aux carcinomes hépato - cellulaires et
reliée au volume tumoral. L’AFP est utilisée au diagnostic des CHC dans une population à risque.
Devant un taux faiblement élevé, il convient de se méfier des faux positifs, des hépatites aiguës, des
cirrhoses.
L’AFP est un bon marqueur des tumeurs germinales du testicule, de l’ovaire et des carcinomes
embryonnaires extra - gonadiques (rétro - péritoine et médiastin). Le taux de l’AFP doit être mesuré
avant le traitement des tumeurs testiculaires. En cas de taux initial élevé, la surveillance des cancers du
testicule doit comporter le dosage de l’AFP et des β HCG. ainsi que les LDH
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Sept 2008/HR/mn
Antigènes spécifiques d’organes
Ces antigènes font partie des Polymorphic Epithelial Mucin, glycoprotéines présentes dans les
épithéliums normaux.Les mucines sont reconnues par des anticorps monoclonaux d’origine murine.
Carbohydrate 15.3 (Ca 15.3)
Le Ca 15.3 est le meilleur marqueur des cancers du sein. Manquant de sensibilité, il est inutile au
dépistage et au diagnostic précoce de la maladie. Le Ca 15.3 est utilisé pour le suivi thérapeutique des
cancers en phase avancée. Son dosage est plus discuté dans la surveillance des cancers en phase locale.
Carbohydrate 125 (Ca 125)
Le Ca 125 est le marqueur le plus spécifique des cancers épithéliaux de l’ovaire de type séropapillaire. Son dosage aide au diagnostic des kystes de l’ovaire et à la surveillance des cancers évolués
ou sous chimiothérapie. Le Ca 125 est un marqueur de l’inflammation des séreuses. Il manque de
spécificité et peut être augmenté dans toutes les inflammations péritonéales.
Carbohydrate 19.9 (Ca 19.9)
Le Ca 19.9 est le marqueur des cancers du pancréas avec une corrélation entre le taux sérique et la
taille de la tumeur. Des taux élevés permettent de distinguer les cancers des pancréatites chroniques.
Des augmentations modérées peuvent être rencontrées dans diverses maladies hépato - biliaires ou
pulmonaires. Le Ca 19.9 peut être utilisé dans les cancers colo-rectaux en phase métastatique et dans
les cancers mucineux de l’ovaire où le Ca 125 est généralement négatif.
Squamous cell carcinoma (SCC)
Le SCC est le marqueur des cancers épithéliaux des voies aéro- digestives supérieures, du poumon et
du col utérin. Son dosage permet de classer le type histologique des cancers bronchiques car il est
normal dans les cancers à petites cellules. Le SCC est également utile dans le suivi thérapeutique des
cancers avancés sous chimiothérapie.
Prostate specific antigene (PSA)
Le PSA est spécifique du tissu prostatique mais ne distingue pas les cancers de la prostate des
affections bénignes comme les prostatites ou hypertrophies bénignes de la prostate (HPP). Le dosage
du PSA est recommandé au-delà de 50 ans, en cas de dysurie ou de cancer familial. Il doit être
combiné au toucher rectal et en cas d’augmentation au-delà du seuil de 4 ng/ml à une échographie
transrectale. Le PSA est très intéressant dans le suivi thérapeutique. Le taux devient indécelable après
prostatectomie radicale. Une cinétique ascendante du taux du PSA détecte des récidives en vue d’une
reprise thérapeutique hormonale. Le suivi du taux de PSA mesure l’efficacité du traitement et dépiste
les échappements pour les stades évolués de la maladie.
Enzymes
Phosphatase acide prostatique (PAP)
La PAP est élevée dans les cancers métastatiques osseux de la prostate. Ce dosage reflète l’évolution
tumorale. La PAP est un test ni sensible, ni spécifique, il ne faut pas le doser dans le diagnostic ou des
affections prostatiques ou le dépistage.
Neuron specific enolase (NSE)
60
Sept 2008/HR/mn
La NSE est retrouvée dans les neuroblastomes et constitue le marqueur des cancers à petites cellules
du poumon. La NSE est inutilisable en cas d’hémolyse car cette enzyme participe à la glycolyse.
Hormones et métabolites (Tableau 8)
Hormone chorionique gonadotrophique (HCG) et sa fraction β HCG
La β HCG est sécrétée par le tissu trophoblastique. C’est un marqueur des choriocarcinomes
placentaires et des tumeurs embryonnaires gonadiques et extra - gonadiques. Le dosage de la β HCG
permet de différencier une grossesse normale, un môle hydatiforme et un choriocarcinome. Devant
une tumeur testiculaire, le dosage de β HCG doit être effectué avant l’orchidectomie.
Calcitonine (CT)
La CT est sécrétée par les cellules C para-folliculaires de la thyroïde. Le dosage de la calcitonine est
spécifique des cancers médullaires de la thyroïde dont elle permet le diagnostic et la surveillance. La
sécrétion peut être stimulée par injection de pentagastrine et sert de test au dépistage des formes
familiales de cancer médullaire.
Thyroglobuline (TG)
La TG est le marqueur des cancers différenciés de la thyroïde. Elle est présente à l’état normal dans le
sérum. En conséquence, la TG est utile à la surveillance des cancers thyroïdiens seulement après
thyroïdectomie totale et/ou totalisation à l’iode radioactif.
x
Hormones et métabolites
Cancers associés
Hormone chorionique gonadotrophique β HCG
Choriocarcinome placentaire
Tumeur germinale testiculaire
Calcitonine
Médullaire de la thyroïde
Thyroglobuline
Cancer folliculaire de la thyroïde
Insuline
Pancréas endocrine
Glucagon
Pancréas endocrine
Somatostatine
Pancréas endocrine
Vasopressine
Pancréas endocrine
Acide 5 hydroxy-indol-acétique, sérotonine
Apudome, carcinoïdes
Acide vanyl mandélique (VMA)
Neuroblastome
Immunoglobulines monoclonales
Myélome, maladie de Waldenstrom
Tableau 8– Hormones et métabolites sécrétés par les cancers.
Indications des marqueurs tumoraux en
pratique quotidienne
Les applications cliniques du dosage des MT sont limitées : ils sont peu sensibles et leur taux est en
règle normal dans les stades précoces des cancers, Ils ne sont pas spécifiques des cancers car leur taux
61
Sept 2008/HR/mn
peut être augmenté dans des maladies bénignes et plusieurs types de cancers peuvent sécréter le même
marqueur
Rôle des marqueurs dans le diagnostic
Les marqueurs tumoraux ne permettent pas le diagnostic des cancers aux exceptions
suivantes :
ƒ
ƒ
ƒ
Tumeurs germinales non séminomateuses du testicule où il faut doser l’AFP et l’HCG chez tous
les consultants présentant une tumeur testiculaire,
Môle et choriocarcinome à des taux élevés de β HCG, permettent de faire le diagnostic entre môle
et choriocarcinome.
Formes familiales des cancers médullaires de la thyroïde : la sensibilité et la spécificité
exceptionnelles de la thyrocalcitonine permettent le dépistage des CMT à un stade préclinique.
Dans les autres localisations le diagnostic des cancers appartient aux cliniciens. Dans un contexte
évocateur, un taux élevé de MT conforte le diagnostic clinique.
Les marqueurs tumoraux dans le bilan d’extension
Le dosage des MT s’intègre dans le bilan d’extension des cancers susceptibles d’en sécréter. Un taux
élevé a une valeur pronostique péjorative mais un taux normal de MT n’exclut pas une dissémination
de la maladie.
Le tableau 9montre les principales recommandations dont certaines font l’objet de discussions car leur
intérêt dans la prise en charge des cancers n’est pas démontré.
Localisations
Marqueur sérique
Cancer du sein localisé
Ca 15.3
Cancer du sein métastatique
Ca 15.3 +/- ACE
Cancer de la prostate
PSA
Cancer du colon et du rectum
ACE
Cancer du pancréas
Ca 19.9
Cancer du poumon à petites cellules
NSE
Cancer de l’ovaire
Ca 125
Carcinome muqueux de l’ovaire
ACE
Tumeur germinale du testicule
LDH, alphaFP, β
Carcinome hépatocellulaire
HCG
AFP
Mole chorioépithéliome
β HCG
Tableau 9– Indications des marqueurs dans le bilan d’extension des cancers
Place des MT dans la surveillance des cancers
Le principal intérêt du dosage des MT concerne la surveillance des patients en cours de traitement ou
après traitement car les fluctuations des taux des marqueurs sont le plus souvent corrélées avec la
masse tumorale (Tableau 19). Les marqueurs tumoraux vérifient l’efficacité thérapeutique à côté de
l’examen clinique et des autres investigations. Les marqueurs tumoraux permettent de détecter les
récidives et les métastases plusieurs mois avant l’apparition des signes cliniques. La valeur du
dépistage précoce des métastases n’est intéressante que si l’on dispose d’un traitement efficace de la
récidive.
62
Sept 2008/HR/mn
ƒ
ƒ
ƒ
Dans le cancer de la prostate le taux de PSA devient nul ou quasi nul après prostatectomie
radicale. Une ré-ascension du taux sur plusieurs examens est le témoin d’une récidive que l’on
peut traiter par hormonothérapie.
Dans le cancer du colon, la valeur du dépistage des métastases hépatiques par l’ACE n’est pas
démontrée et il peut y avoir des faux positifs dus à une pathologie intercurrente.
Dans le cancer du sein, le manque de sensibilité nécessiterait de doser deux marqueurs
complémentaires. Effectivement, en cas de suspicion de métastases, le dosage simultané de l’ACE
et de Ca 15.3 permet le marquage biologique de près de 98 % des récidives contre 70 à 80 % pour
chaque marqueur pris isolément. Par contre, il n’est pas démontré qu’une stratégie de surveillance
par 1 ou 2 marqueurs allonge la survie des malades.
Examens cyto-pathologiques
La coopération effective, organisée entre cliniciens et pathologistes est essentielle au diagnostic et à un
traitement des cancers. Le pathologiste doit répondre à des questions précises (Tableau 10 De son côté,
le clinicien doit communiquer toutes les informations nécessaires et adresser les prélèvements dans les
meilleures conditions de fixation et d’orientation
ƒ
ƒ
ƒ
La lésion est-elle bénigne ou maligne ?
Quelle est l’extension du cancer localement et au niveau des ganglions ?
La tumeur a-t-elle été complètement enlevée ?
Tableau10 – Objectifs du diagnostic cyto-pathologique
Le diagnostic pathologique permet de constituer la preuve de l’existence du cancer et d’en préciser les
caractères. En cas de divergence avec la clinique, il est essentiel que le résultat soit discuté entre
cliniciens et pathologistes et de faire appel à d’autres prélèvements ou à des techniques particulières,
(immuno-histochimie, colorations spéciales, génotypage).
Cytodiagnostic
Le cytodiagnostic est l’étude microscopique des cellules après étalement sur des lames de verre,
fixation et coloration. Le diagnostic de cancer est évoqué devant des anomalies nucléaires et
cytoplasmiques
Cytologie exfoliatrice
C’est l’étude des cellules desquamées dans des sécrétions naturelles (frottis cervico-vaginal), ou
obtenues par grattage de lésions ulcérées ou par brossage au niveau des muqueuses ou de la peau. Les
prélèvements sont étalés sur lames de verre et immédiatement fixés.
Frottis cervico-vaginal (FCV)
Les FCV sont d’une grande fiabilité dans le dépistage des cancers du col de l’utérus et le diagnostic
des dysplasies et cancers pré-invasifs [voir thème 139 : Dépistage des cancers]. La classification
initiale de Papanicolaou (1954) a été remplacée par des classifications de l’OMS, de Richart, de
Bethesda (Tableau 11
OMS
(1952)
RICHART
(1968)
PARIS TOLBIAC
(1991)
63
BETHESDA
(1994)
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Dysplasie légère
CIN I
Condylomes,
Dysplasie légère
Dysplasie modérée
CIN II
Dysplasie modérée
SIL de bas grade
SIL de haut grade
Dysplasie sévère
CIN III
Dysplasie sévère
Carcinome in situ
Tableau 11 Tableau d’équivalence entre les différentes classifications des frottis cervico vaginaux
Conduite à tenir devant un FCV pathologique
ƒ
ƒ
ƒ
ƒ
Les frottis ayant peu d’anomalies et classés CIN I sont susceptibles de régression spontanée. Ils
peuvent faire l’objet d’une surveillance avec un nouveau frottis cervico-vaginal dans les 6 mois.
Les patientes ayant un frottis anormal et classé CIN II et III doivent être adressées à un
gynécologue en vue d’une colposcopie et biopsies. Les prélèvements sont dirigés sur les
anomalies muqueuses après test de coloration par l’acide acétique ou le lugol.
En l’absence de lésion de l’exocol, un curetage endocervical est toujours indiqué.
Les frottis hémorragiques ou infectés doivent être répétés après traitement de la cause
Cytologie des liquides
Elle est effectuée après centrifugation d’urines, de liquide céphalo-rachidien, de kystes, d’ascite ou de
pleurésie. Le liquide doit être adressé immédiatement au laboratoire car les cellules s’altèrent en 24H.
Ponction à l’aiguille fine (PAF).
La ponction est guidée par la palpation des tumeurs des parties molles, des ganglions superficiels, le
sein, la thyroïde ou par l’imagerie qu’il s’agisse d’échographie, de TDM en cas de tumeur profonde.
La fiabilité du cytodiagnostic dépend de la qualité de l’opérateur et des dimensions de la cible. La
technique est précise
Examen histopathologique
L’examen au microscope de la tumeur apporte la preuve définitive d’un cancer. En dehors des
maladies métastatiques ou le diagnostic est déjà établi ou de situation d’urgence comme un syndrome
de compression de la veine cave supérieure, on ne peut entreprendre un traitement anticancéreux sans
diagnostic pathologique. Le rôle du pathologiste est :
ƒ
ƒ
ƒ
de préciser le diagnostic, les éléments du pronostic et de les exprimer dans un compte rendu,
de décider l’utilisation de méthodes complémentaires comme l’immunohistochimie, la cytométrie
de flux, des examens de biologie moléculaire,
de codifier les lésions pour établir un registre des tumeurs.
Biopsie de lésion superficielle
Pour la peau, une biopsie exérèse est recommandée. Pour les lésions plus étendues, celles qui sont ou
proches des narines ou des lèvres et pour les lésions des muqueuses, bouche, col utérin, le prélèvement
est pratiqué au bistouri, avec une pince à biopsie ou un trocart circulaire de 3 à 4 mm (punch). Pour les
bronches et le tube digestif les prélèvements sont effectués sous endoscopie.
Micro biopsie
La micro biopsie est le geste essentiel dans le diagnostic des maladies du sein, de la prostate, de la
thyroïde, des glandes salivaires, des tumeurs hépatiques, pancréatiques ou du thorax. La biopsie est
réalisée sous anesthésie locale avec un pistolet à biopsie (biopty gun) et une aiguille à guillotine.
64
Sept 2008/HR/mn
L’aiguille est guidée par palpation, par échographie ou sous scanner [voir infra Imagerie
interventionnelle].
Biopsie chirurgicale
La biopsie opératoire est la méthode de choix en cas d’échec ou de contre indications des autres
méthodes. La biopsie chirurgicale obéit à des règles strictes. Le prélèvement est immédiatement
transmis au laboratoire de pathologie en vue d’un diagnostic extemporané ou fixé pour une lecture en
différé, ou congelé en vue d’investigations moléculaires.
Diagnostic de malignité
Etude macroscopique
La description des prélèvements à l’œil nu ou à la loupe est un temps primordial. Pour les pièces
opératoires, l’examen macroscopique permet d’évoquer un cancer devant une lésion dure ou
irrégulière ou infiltrant les tissus voisins et de préciser le siège, la taille de la tumeur et des lésions
multiples.
Etude microscopique
L’analyse porte sur trois ordres de signes [voir thème 138 : histoire naturelle] :
ƒ
ƒ
ƒ
les signes cytologiques , anomalies des noyaux et index mitotique, défini par le nombre de mitoses
par unité de champ microscopique.
l’architecture du tissu tumoral. L’étude de la différenciation est fondée sur la ressemblance avec le
tissu normal correspondant et permet d’identifier les cancers bien différenciés, les cancers peu
différenciés, les cancers indifférenciés (anaplasiques). Les cancers indifférenciés sont les formes
les plus agressives en terme d’invasion locale et de métastase. Le degré de différenciation peut
varier selon le territoire examiné ou entre une métastase et le cancer primaire.
la stroma-réaction contient des fibroblastes, des cellules inflammatoires, des cellules immunocompétentes et des néo-vaisseaux. Elle est induite par les cellules malignes ou reflète la réaction
de l’hôte.
Diagnostics difficiles
Certains cancers ont peu de signes histologiques de malignité comme les tumeurs kystiques
ovariennes, certaines tumeurs conjonctives. Ces tumeurs à malignité limitée (border – line) sont de
diagnostic difficile avec des tumeurs bénignes, problème seulement résolu par l’évolution ultérieure de
la maladie. Il en est ainsi. Un autre exemple est le diagnostic différentiel d’un cancer vésiculaire avec
un adénome de la thyroïde. La preuve de la malignité est recherchée sur des signes minimes, une
effraction capsulaire ou la présence d’embolies vasculaires.
Histopronostic
Des études rétrospectives ont permis d’établir des scores de pronostic par corrélation de paramètres
pathologiques et des taux de survie des malades. Parmi eux, le grade histologique est calculé sur
l’importance des anomalies nucléaires, le degré de différenciation tumorale et l’index mitotique (voir
item 138).
La fiabilité du grade est limitée par une relative subjectivité de l’examinateur et surtout par
l’hétérogénéité tumorale..
65
Sept 2008/HR/mn
Diagnostic de la qualité de l’exérèse
chirurgicale
L’objectif de la chirurgie radicale étant l’exérèse en tissu sain( in sano ou R0) [voir thème 141 :
traitement chirurgical], la qualité de l’exérèse chirurgicale est évaluée par l’examen histologique des
berges de section et par l’étendue des marges entre la limite tumorale et la section chirurgicale.
L’étude des berges est effectuée le plus souvent en différée après badigeonnage de la pièce opératoire
avec de l’encre de Chine, plus rarement en extemporané dans des cancers récidivants de la peau ou la
chirurgie conservatrice des cancers du sein [voir thème 138 : Classification de la tumeur résiduelle]
Immuno-histochimie (IHC)
L’IHC a pour but de détecter dans les cellules cancéreuses la présence de certaines protéines à l’aide
d’anticorps monoclonaux. Le choix des anticorps est déterminé en fonction des informations cliniques,
de l’organe atteint et de l’aspect histologique en coupes conventionnelles
ƒ
Diagnostic des cancers indifférenciés. L’immunohistochimie est une aide dans la prise en charge
des cancers sans primitif décelable. L’IHC est particulièrement utile pour établir la malignité
d’une prolifération lymphocytaire dans une adénopathie chronique et d’éliminer une hyperplasie
bénigne d’ordre immunologique ou inflammatoire.
ƒ
La recherche des récepteurs hormonaux (RH) aux œstrogènes et à la progestérone a prouvé son
intérêt dans la prise en charge des cancers du sein. L’avantage de l’IHC avec des anticorps
spécifiques est de localiser les RH dans les cellules tumorales et de quantifier le pourcentage de
cellules malignes marquées. Lla présence de récepteurs hormonaux sur les cellules malignes
témoigne de l’hormono dépendance [voir thème 141 : Hormonothérapie]
ƒ
La recherche de micro-métastases ganglionnaires ou médullaires par Immuno-histochimie est en
cours d’évaluation dans le diagnostic de la maladie résiduelle postopératoire des cancers du sein.
ƒ
La détection de protéines intervenant dans la prolifération cellulaire, par exemple le Ki 67
apprécie le nombre de cellules engagées dans un cycle mitotique. La valeur de ce paramètre n’a pu
être démontrée par rapport au grade histologique ou à l’index mitotique.
Cytométrie de flux
Cette méthode permet l’étude quantitative de l’ADN dans une population tumorale et de chiffrer le
pourcentage de cellules en phase S ou engagées dans un cycle de division. Le marquage de l’ADN est
obtenu par incorporation du BrdU (bromodeoxyuridine). La quantité d’ADN est dite normale, diploïde
ou anormale, aneuploïde. La cytométrie de flux a un intérêt est dans l’appréciation chiffrée et
reproductible du pronostic, particulièrement le pourcentage de cellules en phase S est un paramètre de
gravité dans le groupe des cancers aneuploïdes.
Techniques de biologie moléculaire en
pathologie tumorale
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Sept 2008/HR/mn
Ces techniques sont en cours de développement.
La méthode d’hybridation in situ à l’aide de sondes marquées permet la détection d’antigène viral par
exemple de l’EBV (Epstein-Barr-Virus) dans les cancers indifférenciés du rhino-pharynx. Elle permet
également de détecter la présence de virus du papillome humain dans les cancers du col utérins ou
l’ARN messager des chaînes d’immunoglobulines dans certains types de lymphomes.
La technique PCR permet d’amplifier in vitro des séquences d’acide nucléique et l’analyse fine de
fragments d’ADN. Ces techniques sont capables de rechercher des mutations géniques, des
translocations ou réarrangement de gènes et de caractériser les anomalies géniques d’une tumeur
donnée. La perspective du génotypage est de cibler les traitements du cancer.
67
Sept 2008/HR/mn
„
Bilan d’extension
L’inventaire loco-régional a pour but de déterminer l’envahissement anatomique du cancer, l’état
physique et psychologique du malade [voir thème 138 : classifications des cancers]
Extension loco-régionale
Les méthodes d’évaluation locale sont variables selon la localisation de la tumeur (tableau 12).
Tumeur primitive
Bilan
Cancer du sein.
Dimension clinique, mammographique, échographique. Adhérence cutanée, au pectoral,
au gril costal, au mamelon. Adénopathie axillaire ou sus-claviculaire.
Cancer du col utérin
Examen au spéculum, colposcopie, toucher vaginal et rectal, échographie endo-vaginale,
IRM ou lymphographie, cystoscopie dans les cancers avancés.
Cancer du rectum
Toucher rectal, toucher vaginal, rectoscopie, échographie transrectale, cystoscopie UIV
dans les cancers avancés.
Cancer de la prostate
Toucher rectal, échographie transrectale, cystoscopie et UIV, IRM ou TDM
Cancer bronchique
Radiographie thoracique, fibroscopie, TDM, (l’exploration fonctionnelle respiratoire fait
partie du bilan d’opérabilité), médiastinoscopie
Tableau 12 – Bilan d’extension loco-régionale des cancers les plus fréquents.
Evaluation de l’envahissement ganglionnaire.
Les ganglions superficiels sont explorés en première ligne par la palpation. La recherche est guidée par
le siège de la tumeur primitive (Tableau 13). Un ganglion est pathologique s’il est dur, fixé aux parois.
Les études de fiabilité de la palpation en ont montré les limites : il y a des faux négatifs en cas de
micro métastases ganglionnaires et des faux positifs par hyperplasie réactionnelle. La valeur
pronostique de l’envahissement ganglionnaire justifie dans de nombreux cancers un curage
ganglionnaire de principe
[voir thème 141 : Traitement chirurgical]
Ganglions satellites
Cancers primitifs
Ganglions axillaires
Sein, membre supérieur, peau du tronc
Ganglions inguinaux
Vulve, vagin, anus, pénis, scrotum, membre inférieur, peau de l’abdomen et
des lombes
Ganglion cervical supérieur
Peau de la face, des lèvres
Cavité buccale, oro et rhino-pharynx
Larynx sous glottique, glandes salivaires, thyroïde
Cuir chevelu, oreille externe
Ganglion cervical inférieur
Thyroïde, larynx sous glottique, pharynx, œsophage
Glandes mammaires, membre supérieur, peau thoracique
Poumons, estomac, pancréas, testicule, ovaire, organes pelviens
Ganglions ilio-pelviennes
Col et corps de l’utérus, vessie, prostate, canal anal,
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Ganglions lombo-aortiques
Testicule, ovaire, organes pelviens
Tableau 13 – Topographie des ganglions à explorer en fonction de la tumeur primitive
Les ganglions profonds sont explorés par le scanner, l’IRM, les ganglions étant pathologiques au-delà
de 1 ou 2 cm, ce qui ne préjuge pas de leur envahissement réel. La lymphographie pédieuse visualise
mieux la structure ganglionnaire en montrant des blocages du flux lymphatique ou des lacunes intraganglionnaires. La fréquence des faux négatifs de l’imagerie explique l’intérêt de l’inventaire
chirurgical des ganglions [voir thème 141 : curage ganglionnaire et lymphadénectomie
coelioscopique].
Bilan de l’extension métastatique
En dehors des cancers baso-cellulaires de la peau et des tumeurs cérébrales, la recherche de métastases
latentes est systématique dans la prise en charge de tous les cancers La recherche obéit à des règles
précises.
Organes cibles des métastases
Les métastases se localisent de manière préférentielle selon l’affinité tumorale et la circulation
sanguine et lymphatique (tableau 29) thème 138 :[voir thème 138 : Histoire naturelle des cancers]
Métastases pleuro-pulmonaires
Elles sont bien identifiées par une radiographie thoracique simple, complété par une
tomodensitométrie en cas de doute ou pour une mesure de cibles avant chimiothérapie.
Métastases osseuses
Parfois révélées par des douleurs osseuses, une fracture pathologique, elles doivent le plus souvent être
recherchées. La scintigraphie osseuse du corps entier est l’examen de première ligne car cet examen
devance l’émergence radiographique de plus de 6 mois. Le traceur se fixant sur l’ostéoblastose périmétastatique, les métastases se traduisent par une hyperfixation. Une confrontation radioscintigraphique permet d’éliminer des lésions rhumatismales ou inflammatoires ou tumorales
bénignes. Radiologiquement, les métastases sont identifiées sur des images d’ostéolyse ou de
condensation osseuse ou des aspects mixtes.
Métastases hépatiques
La palpation trouve une hépatomégalie dans les envahissements massifs. L’examen de première ligne
des métastases non palpables est l’échographie abdominale, montrant des lacunes hypo échogènes ou
des images en cocarde. Un doute échographique conduit à prescrire un scanner abdominal. Les
dosages des phosphatases alcalines et un gamma GT apprécient la cholestase. En cas de lésion
suspecte ou d’hépatomégalie diffuse dans les lymphomes, une ponction biopsie du foie est indiquée
Métastases médullaires
Un envahissement massif se traduit par une cytopénie périphérique ou une myélémie (présence de
cellules jeunes dans le sang périphérique). L’envahissement médullaire est à confirmer par biopsie
médullaire plutôt que par ponction sternale, quatre fois moins rentable que la biopsie pour la recherche
des métastases
Métastases cérébrales
La recherche se fait par tomodensitométrie devant des signes neurologiques en foyer, des céphalées ou
des troubles psychiques une raideur méningée indiquent une.
69
Sept 2008/HR/mn
Evolutivité tumorale
On évoque un cancer évolutif les signes suivants
ƒ Une croissance rapide de la tumeur primitive ou de métastases constatées par le patient ou par
deux examens médicaux ou radiologiques.
ƒ une tumeur volumineuse au premier examen, par exemple une tumeur classée T3 dans le sein,
ƒ des signes inflammatoires associés à la tumeur primitive dans les cancers du sein, les mélanomes.
ƒ Un index mitotique élevé ou un fort pourcentage de cellules en phase S ou la présence de certains
oncogènes, par exemple HER-2/Neu dans les cancers du sein.
Bilan de l’état général et fonctionnel
L’altération de l’état général traduit le retentissement du cancer sur l’organisme. Un amaigrissement
supérieur à 10 % du poids corporel en 6 mois est un indice de mauvais pronostic. La fièvre peut être
due à une nécrose ou à une surinfection tumorale, plus rarement à un syndrome para-néoplasique. La
biochimie explore la réaction inflammatoire (accélération de la vitesse de sédimentation, leucocytose,
CRP).
L’état général des malades conditionne les choix et la tolérance thérapeutiques. L’activité personnelle
est quantifiée sur des échelles de performance de l’OMS (Tableau 30) ou l’échelle de Karnovski [voir
le thème 138 : Classifications des cancers].
Capacités fonctionnelles
L’altération des fonctions cardiaques, respiratoires, rénales ou hépatiques peut contre-indiquer certains
traitements ou nécessiter des adaptations. Par exemple, l’état fonctionnel respiratoire de chaque
poumon, est à déterminer avant pneumonectomie pour cancer.
On doit apprécier les réactions psychologiques du malade et déterminer sa capacité à suivre les
traitements.
Exemples de stadification
Stadification clinique pré-thérapeutique
Cancer du sein
Dans le cancer du sein, la stadification peut être établie avant tout traitement. L’examen physique
évalue la taille tumorale, l’envahissement local (de T1 à T4) et l’atteinte axillaire (N0 à N3). Le bilan
d’extension comprend une radiographie thoracique, une scintigraphie osseuse et une échographie
abdominale. Dans les cancers non palpables, la masse est mesurée par la mammographie ou
l’échographie. L’imprécision de l’évaluation clinique de l’aisselle justifie le curage axillaire qui
précise le code pN0 à pN1 [voir Thème 138 : classification TNM].
Cancer du col de l’utérus
La classification des cancers du col a servi de modèle à la classification TNM. La stadification est
déterminée par l’examen au spéculum qui précise la taille de la tumeur et l’envahissement des parois
du vagin et par les touchers pelviens qui apprécient le volume tumoral, l’envahissement des
paramètres et la mobilité de l’utérus. Ainsi la tumeur est-elle classée de T1 à T4.
La colposcopie est l’examen de choix dans les cancers infra cliniques dépistés sur un frottis
pathologique. Les biopsies dirigées sur la zone de transformation sont les seuls examens capables
d’affirmer le caractère intra épithélial ou l’existence d’une micro invasion et de classer les stades Tis,
T1a et T1b.
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Sept 2008/HR/mn
Stadification opératoire
Cancer du colon
La stadification finale est réalisée par l’exploration opératoire de la cavité abdominale plus fiable que
l’imagerie dans la plus part des cas.
Cancer de l’ovaire
La classification des cancers de l’ovaire, est chirurgicale. Le protocole d’exploration de la cavité
comprend une ovariectomie controlatérale (Stade T1b), une hystérectomie (Stade T2), l’étude
cytologique de l’ascite et /ou du lavage péritonéal, une épiploectomie, des biopsies multiples du
péritoine (Stade T1c, T2c, T3a) et enfin une lymphadénectomie lombo-aortique (Stade T3c/N1).
Stadification postopératoire
Cancers du tube digestif
L’élément pronostique primordial est l’envahissement des différentes tuniques pariétales ou de la
séreuse et des organes voisins. Seul l’examen histologique des pièces opératoires précise ces données
et permet d’établir la classification de Dukes, TNM ou Astler-Coller (voir thème 138 : classifications).
Tumeurs urothéliales de la vessie
La classification repose sur l’endoscopie et l’étude du matériel de résection qui précise l’invasion de la
muqueuse (stade Tis à T1), de la musculeuse (stade T2, T3) et de la graisse péri-vésicale (stade T4).
Seule l’exploration per-opératoire ou des pièces de lymphadénectomie détermine l’envahissement des
ganglions (stade N1 à N3).
71
Sept 2008/HR/mn
gPRONOSTIC
Qu’il soit en phase locale ou métastatique, les cancers constituent des maladies hétérogènes. La prise
en charge implique de définir des paramètres pour caractériser au mieux possible le comportement
biologique et l’agressivité du cancer chez une personne déterminée.
Les facteurs de pronostic sont de plus en plus nombreux, ce qui impose en pratique de faire des choix.
L’événement majeur qui conditionne le pronostic est l’existence ou non de métastases.
PRONOSTIC DES CANCERS EN PHASE LOCO-REGIONALE
Pour les malades ayant un cancer apparemment localisé, l’essentiel du pronostic est d’apprécier le
risque de rechute métastatique. La corrélation de critères cliniques, histologiques ou biologiques avec
les taux de survie ont permis de définir (Tableau 14) les patients à haut risque qui ont le plus de chance
de bénéficier de traitements systémiques adjuvants [voir thème 141 : Chimiothérapie et
hormonothérapie].
Paramètres cliniques
ƒ
ƒ
ƒ
Tumeur de taille > 5 cm
Signes inflammatoires
Croissance rapide
Critères biologiques
ƒ
ƒ
Marqueurs tumoraux élevés
Gène Her2/Neu (sein)
Stade
ƒ
ƒ
II : ganglions régionaux pathologiques
III : tumeur avec signes péjoratifs locaux ou cancer étendu
Critères histologiques
ƒ
ƒ
ƒ
ƒ
ƒ
ƒ
Grade histologique III
Aneuploïdie et phase S élevée en cytométrie
Ki 67 élevé
Absence de récepteurs hormonaux (sein)
Envahissement ganglionnaire (pN1)
Nombre élevé de ganglions métastatiques (N+ > 10)
Tableau 14 - Définition de groupe des patients à haut risque métastatique
Après traitement conservateur, le risque de récidive loco-régionale impose une surveillance accrue.
Les études rétrospectives ont permis de dégager les critères prédictifs de ce risque
PRONOSTIC DES CANCERS METASTATIQUES
Les cancers métastatiques constituent des maladies polymorphes. L’hétérogénéité des situations reflète
les différences biologiques acquises dans l’histoire naturelle des cancers [voir thème 138]Les choix
thérapeutiques sont fondés sur des paramètres essentiellement cliniques, qu’il s’agisse de l’intervalle
libre, du nombre et du siège des métastases (Tableau 15).
Intervalle libre court < 1 an
Métastases nombreuses (> 1)
Cerveau – Méninges < Foie > Poumons > Squelette
Marqueurs élevés
Résistance au traitement
Tableau 15 – Critères péjoratifs des cancers métastatiques
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Sept 2008/HR/mn
Résumé
DIAGNOSTIC
Le diagnostic précoce est la meilleure chance actuelle de guérison des malades.
Les cancers sont d le plus souvent révélés par une masse tumorale, des hémorragies et des troubles
fonctionnels propres à chaque organe.
Dans 5 à 10 %, la maladie cancéreuse débute par une métastase ganglionnaire, pulmonaire, osseuse,
hépatique ou cérébrale ou une urgence vitale.
Les syndromes paranéoplasiques sont des manifestations cliniques ou biologiques non cancéreuses
observés à distance de la tumeur primitive ou des ses métastases. La difficulté est de les rattacher à
leur cause.
Le diagnostic repose sur l’anamnèse, l’examen physique et la prescription d’examens
complémentaires choisis en fonction de l’organe malade et de leur coût - efficacité. La preuve
histologique est indispensable avant la mise en route du traitement. La coopération effective, organisée
entre cliniciens et pathologistes, est essentielle à un diagnostic sûr des cancers et à un traitement
adapté ;
Les marqueurs tumoraux (MT) ne permettent pas le dépistage précoce des cancers sauf exception. Le
principal intérêt des MT concerne la surveillance des patients en cours ou après traitement car les
fluctuations des taux des marqueurs sont le plus souvent corrélées avec la masse tumorale
BILAN D’EXTENSION
L’inventaire loco-régional a pour but de déterminer l’envahissement anatomique du cancer, l’état
physique et psychologique du malade
Le bilan pré thérapeutique aboutit à la stadification selon les critères définis au plan international.
PRONOSTIC
Qu’il soit en phase locale ou métastatique, les cancers constituent des maladies hétérogènes. La prise
en charge implique de définir des facteurs de pronostic pour caractériser au mieux possible le
comportement biologique et l’agressivité du cancer chez une personne déterminée. Pour des cancers
non métastatiques, les meilleurs critères du pronostic sont obtenus par l’examen pathologique de la
tumeur et des ganglions satellites.
73
Sept 2008/HR/mn
TRAITEMENTS Des cancers
Objectifs terminaux
N° 141. Traitements des cancers : chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie,
hormonothérapie, . La décision thérapeutique multidisciplinaire et l’information des
malades
•
Décrire les grands principes des traitements en cancérologie et expliquer la nécessité d'une
décision multidisciplinaire en tenant compte de l'avis du patient
•
Expliquer les effets secondaires les plus fréquents et les plus graves des traitements, leurs
signes d'appel et leur prévention.
Durée de l’item : 4 heures
Auteurs : Denis QUERLEU, E Cohen-Jonathan Moyal, H Roché
Dernière mise à jour : juillet 2005/DQ
1 – CHIRURGIE DES CANCERS
La chirurgie est un des traitements majeurs du cancer. L’évolution des idées au XXème siècle,
parallèlement aux progrès de l’anesthésie, a conduit à élargir de plus en plus les exérèses à
visée curatrice, dans l’intention de contrôler toute l’extension loco-régionale de la maladie,
supposée se développer de proche en proche. On a ensuite observé les limites de ce concept,
dans la mesure où le processus métastatique ne passe pas automatiquement par une extension
tumeur-ganglions-métastases à distance. Un mouvement contraire de réduction des exérèses
tumorales a montré que la sécurité carcinologique pouvait être compatible avec une chirurgie
moins mutilante, plus respectueuse de la qualité de vie ultérieure. Cette réduction est rendue
plus fréquemment possible grâce à l’augmentation de la proportion de tumeurs découvertes à
des stades précoces.
La chirurgie a dans le traitement des cancers d’autres rôles possibles : à visée palliative,
adjuvante, diagnostique, préventive, reconstructrice. Elle intervient donc dans de nombreuses
étapes du parcours d’un patient dans le traitement de son cancer.
Chirurgie diagnostique
Elle concerne des lésions accessibles sans traumatisme chirurgical majeur, dont
l’anatomopathologie conditionne lourdement la conduite à tenir ultérieure. Les chirurgies
majeures, par exemple la laparotomie exploratrice, pour le seul but du diagnostic ont
quasiment disparu.
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Sept 2008/HR/mn
La biopsie, prélèvement partiel d’une tumeur, répond à des conditions strictes dans des cas
particuliers non accessibles à des techniques non invasives
- Les sarcomes des parties molles doivent être largement biopsiés, par une cicatrice
qui doit se situer sur le trajet de l’exérèse ultérieure
- La carcinose péritonéale peut être diagnostiquée par biopsie sous contrôle
radiologique ou coelioscopique donc chirurgical
La biopsie exérèse concerne de petites lésions extirpables en totalité.
- Les tumeurs mélaniques de la peau sont traitées par exérèse ; en cas de mélanome
malin, et en fonction des caractéristiques d’invasion du derme, un élargissement
secondaire sera programmé
L’exérèse diagnostique est celle d’un organe entier ou d’une partie d’organe sans
retentissement fonctionnel majeur. Elle s’applique aux cas où la biopsie peut être dangereuse
ou inadaptée. Elle ne dispense cependant pas d’un bilan pré-opératoire complet
- Les tumeurs suspectes de l’ovaire sont habituellement traitées par annexectomie
unilatérale en vue d’examen histopathologique complet sans rupture de la tumeur
- Les nodules thyroïdiens froids sont traitées par lobo-isthmectomie et examen
extemporané
L’évaluation du résultat d’un traitement chimiothérapique peut nécessiter une chirurgie
purement diagnostique : c’est le concept de « deuxième regard », destiné à repérer des lésions
non visibles à l’imagerie ou de préciser la nature histologique de lésions identifiables
- La chirurgie coelioscopique ou ouverte a été utilisée pour de faire le bilan de
tumeurs de l’ovaire en rémission complète apparente
- Les cancers du testicule avec métastases aortiques, après chimiothérapie, peuvent
être opérés afin de distinguer, parmi les masses aortiques résiduelles, la nécrose, la
régression bénigne, la persistance d’évolution tumorale chimio-résistante
Chirurgie curative
1. Principes
La technique chirurgicale doit être précise, réfléchie, intégrée dans un plan thérapeutique
non seulement chirurgical mais aussi intégré dans une stratégie pluridisciplinaire, toujours
préalablement négociée dans une réunion de concertation. L’urgence cancérologique est rare.
- L’occlusion intestinale est un mode de révélation du cancer du colon justifiant une
intervention urgente précédant le bilan. En revanche, les situations de développement
tumoral avec symptômes de douleurs chroniques, d’hémorragies chroniques, de masse
perçue ne sont jamais une indication à opérer sans diagnostic, bilan et concertation
Le chirurgien doit être certain de pouvoir prendre en charge la totalité des gestes nécessaires.
Une formation spécifique et une expérience particulière sont nécessaires pour assumer le
traitement chirurgical de certains cancers. Certaines techniques (ganglion sentinelle,
coeliochirurgie : voir plus loin) nécessitent une courbe d’apprentissage. Des seuils minimaux
d’activité annuelle pour assurer la sécurité opératoire et carcinologique sont définis pour de
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Sept 2008/HR/mn
nombreuses localisations (ovaire, col utérin, rectum, foie, pancréas, œsophage). Des
autorisations spécifiques à chaque spécialité seront délivrées à l’avenir par l’Institut National
du Cancer.
2. Définitions
L’exérèse radicale consiste à enlever la tumeur, l’organe qui la supporte, le drainage
lymphatique. Traditionnellement, cette exérèse est assurée en « monobloc », mais ce dernier
principe a perdu de son intérêt avec l’évolution des connaissances sur le processus
métastatique.
- Colectomie, gastrectomie, laryngectomie, mastectomie, prostatectomie,
néphrectomie, hystérectomie élargie (opération pour cancer du col utérin) sont des
interventions classiques.
- Dans le cas particulier du cancer de l’ovaire étendu au péritoine, l’exérèse concerne
les annexes, l’utérus, les ganglions pelviens et aortiques, l’épiploon, les localisations
péritonéales, au besoin les atteintes viscérales, avec l’objectif de ne laisser en place
qu’un minimum de tumeur : c’est le concept de « cytoréduction »
L’exérèse radicale pluriviscérale étendue aux organes de voisinage s’applique aux cas
évolués ou récidivants, ou pour des considérations d’histoire naturelle
- L’exentération pelvienne chez la femme consiste à enlever au moins deux organes :
exentération antérieure (vessie et appareil génital), postérieure (rectum et appareil
génital), totale.
- Les sarcomes rétropéritonéaux sont traités par une exérèse en bloc de la tumeur et
des organes adjacents (rein, colon
- La gastrectomie élargie à la rate et à la queue du pancréas s’applique à certains
cancers gastriques
- L’amputation est une solution de tumeurs osseuses ou des parties molles des
membres lorsque la conservation n’est pas possible.
L’exérèse conservatrice consiste à enlever la tumeur avec une marge de sécurité laissant en
place une partie de l’organe ou préservant la fonction. La tumorectomie est une variante
extrême d’exérèse conservatrice consistant à enlever la tumeur avec sa marge de sécurité.
L’une et l’autre ne se conçoivent que pour des tumeurs de petite taille, et sont toujours
associées à un traitement adjuvant radiothérapique. Dans la mesure où les tumeurs sont
découvertes à des stades de plus en plus précoces, non visibles et non palpables, ces exérèses
limitées doivent parfois être guidées par des examens scintigraphiques, échographiques, ou
radiographiques.
- La mastectomie partielle, ou segmentectomie, emporte un quadrant du sein ;
associée à un prélèvement ganglionnaire, c’est une intervention qui a fait la preuve
d’une efficacité égale à la mastectomie pour les tumeurs de moins de 3 centimètres.
Les cancers du sein infra-cliniques de très petit volume sont traités par tumorectomie
ou « zonectomie » écho ou radioguidée.
- La laryngectomie partielle permet de conserver la fonction phonatoire.
- La trachélectomie élargie (opération de Dargent) permet de traiter des cancers du
col utérin chez la femme jeune en conservant le corps utérin donc les possibilités de
grossesse.
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Sept 2008/HR/mn
La lymphadénectomie (« curage ganglionnaire », « évidement ganglionnaire ») a un rôle
de stadification et un rôle thérapeutique.
La stadification
La connaissance de l’atteinte ganglionnaire est un indicateur d’agressivité de la maladie, et un
argument pour l’indication de traitements adjuvants (radiothérapie, chimiothérapie,
hormonothérapie). Elle a donc une valeur pronostique et d’orientation thérapeutique.
Elle implique traditionnellement l’ablation des ganglions d’une aire donnée, correspondant
au drainage lymphatique anatomique de la tumeur. On parle alors de lymphadénectomie
axillaire, inguinale, pelvienne, aortique, cervicale. L’opération consiste à évider une aire
cellulo-ganglionnaire définie anatomiquement en préservant les vaisseaux et les nerfs de la
région. Le décompte par l’anatomopathologiste des ganglions ainsi prélevés est un critère
qualité (20 pour un curage pelvien ou aortique, 10 pour un curage axillaire sont des
références)
- Le drainage lymphatique principal du sein est l’aire axillaire, d’où l’indication de
l’évidement axillaire.
- Un mélanome du dos peut se drainer en axillaire ou inguinal.
- Le traitement du cancer de la vulve inclut un curage inguinal.
- Le cancer du testicule dissémine vers les ganglions aortiques, le cancer de l’ovaire
vers les ganglions pelviens et aortiques.
- L’information pronostique après chirurgie des cancers du colon inclut l’analyse
d’un nombre suffisant de ganglions.
Le rôle thérapeutique
L’ablation de ganglions peut participer au traitement : les micrométastases ganglionnaires
sont des foyers possibles de récidive, l’exérèse de macrométastases est une forme de
cytoréduction.
On distingue :
- l’exérèse ganglionnaire de nécessité, qui peut porter sur un ganglion pathologique isolé
(adénectomie) ou sur une aire ganglionnaire complète (lymphadénectomie)
- Un mélanome malin du membre inférieur, une tumeur de la vulve peuvent nécessiter
une adénectomie ou un curage pour adénopathie palpable inguinale.
- l’exérèse ganglionnaire de principe peut porter sur une aire ganglionnaire complète, ou
porter sur un nombre limité de ganglions dans cette aire, si toutefois on peut déterminer le
ganglion de première atteinte dans le groupe ganglionnaire : c’est le concept du ganglion
sentinelle, repéré par injection d’un traceur radioactif et/ou d’un colorant dans l’organe
malade, et qui fait l’objet d’une exérèse ganglionnaire ciblée. En effet, en l’absence d’atteinte
de ce ganglion sentinelle, on fait l’hypothèse que les autres ganglions ne sont pas atteints.
Cet effort vers la réduction des exérèses ganglionnaires, actuellement validée seulement dans
les cancers du sein, de la vulve et les mélanomes malins, cherche à obtenir l’information
pronostique nécessaire tout en réduisant les effets secondaires des lymphadénectomies
étendues, qui sont de l’ordre du kyste lymphatique (« lymphocèle ») ou du lymphoedème.
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Sept 2008/HR/mn
3. Règles d’action
Le métier du chirurgien du cancer impose des conditions strictes, incluant:
- un diagnostic pré-opératoire aussi précis que possible comportant des biopsies prélevées
sous contrôle clinique, endoscopique, ou radiologique ; il réduit le champ des découvertes
per-opératoires de cancer ainsi que celui de l’examen extemporané (analyse histologique peropératoire d’un prélèvement) ; en tout état de cause, aucun traitement chirurgical majeur n’est
entrepris sans certitude anatomo-pathologique : mieux vaut réopérer dans un deuxième temps
que d’imposer au patient une chirurgie excessive pour lésion bénigne
- Les cancers du sein sont diagnostiqués par biopsie écho ou radioguidée avant
l’intervention, l’extemporané sur une tumeur ne se justifie plus qu’en cas de doute.
- Les cancers infra-cliniques du col sont diagnostiqués par un prélèvement chirurgical
de la zone de jonction (conisation)
- En revanche, les cancers de la thyroide restent souvent diagnostiqués par
extemporané.
- l’établissement d’un rapport bénéfice-risques, partagé avec le patient, en fonction de l’état
général, des chances de guérison, de la morbidité et de la mortalité opératoires, des effets à
long terme
- La chirurgie majeure des cancers de l’ovaire ou du foie n’est possible que lorsque
l’état général le permet
- La lymphadénectomie pronostique n’est réalisée que si elle n’induit pas une
morbidité disproportionnée à son objet et si elle peut déboucher sur des traitements
adjuvants non contre-indiqués
- une évaluation pré-opératoire rigoureuse de l’extension tumorale, avec l’aide d’une
imagerie (TDM, IRM, TEP) devenue strictement indispensable
- Une intervention mutilante majeure doit être précédée d’un bilan métastatique, au
besoin par TEP, dont la positivité contre-indiquerait l’intervention
- une évaluation macroscopique et microscopique per-opératoire de l’extension tumorale,
dénommée « stadification », qui conditionne l’exérèse et les éventuels traitements adjuvants.
Elle conclut parfois à l’inopérabilité, circonstance devenue rare en cours d’intervention en
raison des progrès de l’imagerie pré-opératoire. En général, elle tend à adapter l’extension de
la chirurgie à l’extension réelle de la maladie, conciliant ainsi au mieux l’effort thérapeutique
(recherche de guérison) et les inconvénients à long terme (recherche de qualité de vie)
- Le traitement des cancers opérables du col utérin commence toujours par une
inspection et palpation abdomino-pelvienne et un prélèvement ganglionnaire
(l’atteinte ganglionnaire est une contre-indication à la chirurgie d’exérèse)
- l’obtention de la « marge tumorale », distance de zone saine entre la tumeur et la limite
d’exérèse, généralement de l’ordre de 1 à 2 centimètres
- Ce concept est vital pour les sarcomes des parties molles, qui ne doivent jamais être
simplement réséqués, mais extirpés avec leur environnement anatomique musculaire
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Sept 2008/HR/mn
(« compartimentectomie ») : l’exérèse « R0 », histologiquement saine est la règle,
l’exérèse « R2 » macroscopiquement atteinte une malfaçon
- La marge nécessaire pour le traitement des mélanomes malins est variable en
fonction de l’épaisseur de la tumeur : 1 cm pour les lésions de moins de 1 mm
d’épaisseur, 2 cm pour les lésions de 1 à 4 mm
- Le traitement conservateur des carcinomes in situ et infiltrants du sein impose une
marge de sécurité, justifiant parfois une réintervention si une atteinte microscopique
proche de la berge d’exérèse est constatée à l’examen histopathologique
- le respect, chaque fois que possible, de l’anatomie et de la fonction des organes de
voisinage, mais aussi de l’organe atteint
- La chirurgie des cancers du rectum ont évolué depuis le développement de
techniques de conservation des nerfs autonomes pelviens, respectant l’innervation
vésicale.
- Une tentative de préservation de la fonction érectile par le respect de l’innervation
est un enjeu important de la prostatectomie, de même que la préservation de
l’éjaculation pr le respect des fibres nerveuses post-sympathiques pour les curages
lombo-aortiques chez l’homme
- L’exemple de la phonation dans la chirurgie des cancers du larynx a déjà été cité
- la prise en compte de la biologie tumorale
- On n’opère en général pas les tumeurs en poussée évolutive inflammatoire, car la
chirurgie est insuffisante localement (emboles lymphatiques) et au plan général
(fréquence des micrométastases d’emblée
- La cytoréduction est une tentative pour limiter, en tant que cible des traitements
adjuvants, les lésions résiduelles à l’état de « maladie résiduelle » microsocopique
La rupture d’un cancer de l’ovaire en milieu CO2, au cours d’une coelioscopie,
implique un risque de développement tumoral.
4. Chronologie
L’intégration dans un protocole pluridisciplinaire conduit à discuter la place chronologique
de la chirurgie. La chirurgie peut être
- première, assurant la cytoréduction mais suivie au besoin d’un traitement adjuvant
radiothérapique ou chimiothérapique
- La chirurgie conservatrice pour cancer du sein débutant précède la radio et/ou la
chimiothérapie
- d’intervalle, intercalée entre des cures de chimiothérapie
- Les cancers de l’ovaire au stade avancé peuvent être traités par 3 cycles de
chimiothérapie, chirurgie, puis 3 nouveaux cycles de chimiothérapie
- de clôture, après réduction tumorale par une chimiothérapie, une radiothérapie ou même une
radiochimiothérapie concomitante : la chirurgie devient alors « adjuvante » en cas de réponse
complète ou intégrée dans une stratégie thérapeutique
- Les cancers du col utérin au stade avancé sont traités par radiochimiothérapie,
parfois suivie de chirurgie dite de clôture
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Sept 2008/HR/mn
- Les cancers du sein de volume non initialement accessible à une chirurgie
conservatrice peuvent être traités par chimiothérapie première puis chirurgie de
deuxième intention, conservatrice ou radicale selon la réponse à la chimiothérapie
- Les métastases ganglionnaires de certaines tumeurs germinales testiculaire sont
traitées par chimiothérapie puis chirurgie des masses résiduelles
- de nécessité, en cas de réponse insuffisante à une radiothérapie à visée curative
- Les cancers du canal anal sont principalement traités par radiothérapie, mais
l’amputation du rectum devient une nécessité en cas de résistance
- intégrée car associée extemporanément à une autre technique
- La radiothérapie intra-opératoire, la pose per-opératoire de guides de curiethérapie
sont pratiqués dans des tumeurs localement avancées, après une chirurgie d’exérèse
limite
- La chimiothérapie per-opératoire intra-péritonéale, avec hyperthermie, est en cours
d’évaluation dans les cancers du colon et de l’ovaire à dissémination péritonéale
- La chimiothérapie sur membre isolé-perfusé est un traitement des sarcomes des
membres permettant d’éviter l’amputation
5. Le traitement de la pièce opératoire et le compte rendu
La pièce opératoire est un élément essentiel des discussions thérapeutiques ultérieures. Elle
doit donc être envoyée à l’anatomo-pathologiste dans les meilleures conditions, orientée, avec
un commentaire clinique, au besoin posant les questions importantes. La conservation de
fragments tumoraux dans une tumorothèque se généralisera prochainement. Leur prélèvement
soigneux et leur conditionnement immédiat est une condition majeure de la fiabilité
d’examens ultérieurs en biologie moléculaire.
Le compte rendu opératoire doit absolument préciser l’indication, l’état des lésions initiales,
la nature précise de l’exérèse, les éventuelles lésions persistant en fin d’intervention et leur
localisation. Toute imprécision dans un de ces critères peut rendre l’information inutilisable
pour les thérapeutes qui interviendront ultérieurement.
Chirurgie de stadification
La stadification fait partie intégrante de la chirurgie curatrice. Elle peut être indiquée à titre
isolé, dans deux circonstances précises :
- Le bilan d’extension pour orienter une décision thérapeutique ou adapter le traitement curatif
non chirurgical
- Le traitement du cancer du col aux stades précoces commence par une évaluation
chirurgicale des ganglions pelviens : positifs, ils contre-indiquent la chirurgie
d’exérèse et indiquent une radiochimiothérapie
- La restadification est indiquée lorsqu’une intervention initiale a été incomplète, ne
fournissant pas les informations nécessaires pour agir. Elle peut être associée à un
complément de traitement chirurgical.
80
Sept 2008/HR/mn
- Certaines tumeurs sont découvertes au cours d’une intervention faite par un
chirurgien non spécialisé, ou découvertes à l’examen histopathologique ;
l’information de stadification peut alors manqure ; c’est le cas des cancers de
l’ovaire ou du col utérin, pour lesquels une nouvelle chirurgie est nécessaire pour
prendre la décision de chimiothérapie ou de radiothérapie adjuvantes
Chirurgie de reconstruction
Elle consiste à compenser les conséquences plastiques ou fonctionnelles d’une exérèse
tumorale, ou à compenser les complications d’une autre technique (traitement des
radiolésions). Elle est simultanée à l’exérèse (reconstruction immédiate) ou différée. Elle
aboutit rarement à la restitution ad integrum de l’anatomie ou de la fonction. Elle s’est
développée avec la participation de chirurgiens plasticiens dans les centres de traitement du
cancer, aboutissant au concept d’oncoplastie, conciliant résultat carcinologique et
rétablissement de l’image corporelle et de la qualité de vie.
La reconstruction après chirurgie du sein est l’application la plus fréquente. Elle utilise les
techniques de la chirurgie plastique, non seulement pour le remplacement du sein, mais aussi
pour l’amélioration du résultat esthétique des interventions partielles :
- pour remplacer le sein après mastectomie, par mise en place de prothèses et/ou apport de
peau et de volume par des lambeaux myo-cutanés de grand dorsal ou de grand droit, en
reconstruction immédiate (carcinomes in situ) ou différée (cancers infiltrants, après régression
des effets cutanés aigüs de la radiothérapie)
- pour réduire la déformation d’un sein séquellaire d’une chirurgie partielle, essentiellement
par lambeau de grand dorsal
- pour rétablir le volume d’un sein au cours même d’une chirurgie conservatrice
- pour « symétriser », c'est-à-dire opérer le sein controlatéral (réduction, augmentation) pour
reconstituer un volume symétrique
De nombreuses autres interventions justifient le recours à des procédés de chirurgie
plastique, incluant des lambeaux cutanés, myo-cutanés, des greffes, des interventions
microchirurgicales :
- exérèse élargie des tumeurs de la peau
- traitement des tumeurs de la vulve
- recouvrement de défects cutanés thoraciques après chirurgie des cancers du sein avancés ou
récidivants
- recouvrement de défects inguinaux ou d’autres localisations
- reconstruction mandibulaire par transplant microchirurgical du péroné après chirurgie
maxillo-faciale.
Le traitement des radiolésions appartient aussi au domaine de l’oncoplastie. Les
radionécroses cutanées, parfois pariétales, nécessitent des apports de tissu sain et vascularisé,
par exemple l’épiploon transplanté vers la paroi thoracique.
La reconstruction concerne également les viscères. La vessie peut être reconstruite à l’aide de
segments intestinaux (grêle, colon droit) et abouché soit sur le col vésical soit à la paroi
abdominale selon les cas. Le vagin peut être reconstruit à l’aide de segments intestinaux
(sigmoide, colon) ou myo-cutanés (grand droit, grand fessier) ou par greffe cutanée. Les
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Sept 2008/HR/mn
colostomies périnéales pseudo-continentes peuvent pallier l’amputation rectale. La
reconstruction laryngée avec prothèse phonatoire participe à un autre type de réhabilitation.
Chirurgie des récidives
Elle relève des mêmes principes que la chirurgie première, mais s’applique plus rarement car
nombre de récidives sont inopérables en raison de l’extension loco-régionale, d’une extension
métastatique simultanée, ou d’une incompatibilité entre l’état général et les besoins d’une
chirurgie lourde. La notion d’intervalle libre a une importance considérable : plus la récidive
est tardive, plus elle a des chances d’être curable par la chirurgie. Les récidives précoces sont
souvent des persistances d’évolution résistant aux traitements standards donc de très mauvais
pronostic.
- Lésion déjà opérée par chirurgie conservatrice
- La laryngectomie, la mastectomie totale peuvent rattraper les échecs de la chirurgie
conservatrice
- Lésion déjà opérée par chirurgie radicale
- Les récidives pariéto-thoraciques des cancers du sein sont accessibles à un
traitement chirurgical
- Lésion déjà irradiée
- L’exentération pelvienne peut sauver des patientes atteintes de cancer du col
initialemen traitées par irradiation exclusive
Chirurgie des métastases
Les conditions d’opérabilité des métastases sont très strictes
- la lésion primitive doit être contrôlée
- la métastase doit être unique ou non unique mais localisée
- la métastase doit être extirpable sans risque excessif
- il n’y a pas d’alternative thérapeutique
La notion d’intervalle libre est ici également importante, de même que la notion de symptôme
gênant.
- Les localisations concernées sont le
poumon, le foie, le cerveau
Autres applications de la chirurgie
- La chirurgie n’est pas le traitement principal, mais participe au plan thérapeutique par
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Sept 2008/HR/mn
- la pose de chambre implantables pour chimiothérapie
- la pose de cadre céphaliques pour permettre la réalisation de la radiothérapie
stéréotaxique cérébrale
- la chirurgie endocrinienne (pulpectomie testiculaire pour cancer de la prostate,
castration, surrénalectomie, hypophysectomie pour cancer du sein) a été supplantée
par le développement d’antihormones
- La chirurgie palliative a pour but d’améliorer le confort de survie d’un patient
incurable. Son rapport inconvénient-bénéfices est donc ici discuté dans un tout autre registre,
et les alternatives (gestes équivalents sous contrôle radiologique, endoprothèses) favorisées
- Pour les occlusions intestinales des cancers abdominaux avancés, on peut discuter
des gestes chirurgicaux de dérivation interne (anastomose iléo-transverse) ou externe
(colostomie) après évaluation de l’espérance de vie
- Pour les fistules urinaire ou digestives des cancers pelviens, possibilité de dérivation
externe digestive (colostomie) ou urinaire (urostomie)
- La chirurgie à visée nutritionnelle : gastrostomie, jéjunostomie, doit être discutée
seulement après avoir envisagé les solutions non invasives
- L’ostéosynthèse est préventive de fracture en cas de métastase osseuse
- La laminectomie décompressive d ’une compression médullaire et la trachéotomie sont les
deux exemples d’urgence palliative absolue. En revanche, il faut lourdement discuter
l’indication de mise en place d’endoprothèses urinaires ou de néphrostomie en cas
d’insuffisance rénale obstructrice, car le coma urémique terminal peut être préférable à une
évolution hyperalgique d’un cancer pelvien
- La chirurgie de la douleur (splanchnicectomie, radiculotomie, cordotomie postérieure) est
exceptionnelle compte tenu des progrès de l’algologie médicale
- La chirurgie dite de propreté concerne, quand elle est possible, les tumeurs ulcérées,
infectées, hémorragiques
- La protection contre les effets des traitements radiothérapiques consiste à éloigner
chirurgicalement des organes critiques des champs de radiothérapie (exemple de la
transposition ovarienne). Noter les prélèvements d’ovaire pour cryoconservation chez les
femmes jeunes (en développement).
Chirurgie préventive
- Exérèse de lésions précancéreuses (mais encore bénignes) ou cancéreuses débutantes :
- conisation/destruction des dysplasies cervicales
- exérèse de lésions naeviques suspectes, dermatoses séniles (mélanose de Dubreuil)
maladie de Bowen vulvaire
- polypectomies coliques
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Sept 2008/HR/mn
- Exérèse d’organes à haut risque de dégenérescence dans des contextes de néoplasie familiale
héréditaire
- annexectomie et/ou mastectomie prophylactique : BRCA
- colectomie prophylactique : HNPCC
- polypose colique familiale : PAF
- thyroïdectomie : cancer médullaire de la thyroïde
Conclusions
–
La chirurgie reste une des méthodes clés de la prise en charge des cancers. Sa qualité peut
conditionner le pronostic. Ses insuffisances ne sont pas rattrapées par les autres méthodes
thérapeutiques. La spécificité de la chirurgie cancérologique est maintenant reconnue,
avec la définition réglementaire d’une formation initiale et continue spécifique, de seuils
minimaux d’activité, de critères qualité.
– Elle est constamment intégrée dans une approche multidisciplinaire, à laquelle participe
le patient dûment informé
–
Elle s’inscrit dans le plan thérapeutique personnalisé, adapté à l’extension tumorale, qui
est proposé au patient
–
Grâce aux progrès du diagnostic précoce, elle évolue vers une chirurgie de moins en
agressive, de plus en plus conservatrice de la fonction, de plus en plus limitée en incision
La chirurgie coelioscopique s’impose désormais pour nombre de cancers
gynécologiques, urologiques, digestifs
–
Il reste toutefois des indications de chirurgie mutilante ou majeure, qui ont également
bénéficié des progrès de la réanimation et des techniques chirurgicales nouvelles
(hépatectomies pour métastases, pelvimandibulectomies pour cancer du plancher buccal,
exentérations pelviennes pour récidives de cancers pelviens). Il faut savoir tenter le
maximum, en accord avec le patient.
–
Il faut aussi connaître les contre-indications formelles de la chirurgie d’exérèse : cancers
inflammatoires du sein, tumeurs de l’ovaire chez l’enfant ou la jeune fille.
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Sept 2008/HR/mn
2 – Radiothérapie
2.1 - NOTIONS DE RADIOBIOLOGIE
2.1.1 - Rappels physiques et
biologiques :
Les unités :
Les effets biologiques entraînés par les RI dépendent en grande partie de la quantité d’énergie
qu’elles délivrent dans la matière vivante. Il faut donc pouvoir mesurer cette énergie avec
précision. On appelle la dose cette quantité d’énergie. On distingue :
Dose physique absorbée
Cette unité mesurant la quantité d’énergie cédée par les RI à la matière vivante irradiée. Elle
s’exprime en Gray (Gy) : 1 joule/kg de matière. 1 rad : 1 centième de Gray.
Dose biologique équivalente.
L’action biologique des rayonnements ionisants est due à l’ionisation des atomes et des
molécules qu’ils rencontrent. L’effet biologique n’est pas le même si le volume en question
est traversé par 500 trajectoires d’électrons de 1MeV ou par une particule α de 5 MeV. Dans
le deuxième cas l’ionisation sur une même molécule biologique sera plus importante que dans
le premier cas où les ionisations seront plus dispersées. L’action biologique sera d’autant plus
importante que la densité des ionisations le long de la trajectoire de la particule sera grande ou
que le nombre d’ionisations par unité de longueur sera plus grand.
Transfert linéique d’énergie ou TLE.
C’est l’énergie transférée par micron de trajectoire suivie par la particule ionisante chargée.
KeV/micron. Plus le TLE est élevé, plus le nombre d’ionisations par unité de longueur est
grand et plus l’action biologique sera grande. On différencie donc des RI à TEL élevé tel que
les neutrons, les particules alpha et les RI à TEL faible tel que les rayons X ou gamma.
Efficacité biologique relative (EBR)
Ces différences des TEL conduisent à la notion d’efficacité biologique relative (EBR) qui
caractérise à dose égale, l’effet biologique de chaque rayonnement en prenant pour référence
égale à 1, celle des rayons X de 250 keV. En fait, pour chaque rayonnement ionisant, l’EBR
varie selon l’effet biologique considéré, l’organe intéressé, les conditions d’irradiation (dose,
débit de dose, etc..). Comme la valeur de l’EBR est variable, il a fallu définir un facteur de
qualité Q qui est le coefficient par lequel la dose absorbée est multipliée pour calculer
l’équivalent de dose. Q est égal à 1 pour les rayons γ, X et β. Pour les neutrons et les rayons
α, Q est égal à 20.
Unité de radioprotection
Pour l’irradiation externe, l’unité d’équivalent biologique de dose utilisée en radioprotection
humaine est le rem ou mieux le sievert qui est l’unité légale.
H (Sv) = D (Gy) x Q : H est l’équivalent de dose et D la dose absorbée.
Donc pour une dose de 1 Gy délivrée au squelette, les rayons α induiront un effet 20 fois plus
important que les rayons X.
85
Sept 2008/HR/mn
2.1.2 - . Mécanismes initiaux
précédant les effets biologiques
Les radiations ionisantes induisent des lésions à la matière vivante , et en particulier à la cible
principale qui est l’ADN, par deux mécanismes :
ƒ
ƒ
mécanisme direct : le dépôt d’énergie va rompre directement les liens chimiques à
l’intérieur des molécules
mécanisme indirect : les radiation Ionisantes vont induire une ionisation des molécule
d’H20, principal constituant de la matière vivante. Cette ionisation génèrera des
radicaux libres tel que le radical hydroxyle, le radical hydrogène et les électrons
aqueux qui eux même réagiront avec l’ADN et induiront des délétions de sucres,
bases, des ponts, des cassures simple brin et des cassures double brin, ces dernières
étant considérées comme létales.
2.1.3 - Types de mort cellulaire
Nous décrirons deux types de mort cellulaire par irradiation : la mort post-mitotique et
l’apoptose.
Mort post-mitotique.
C’est le mode principal de mort cellulaire radioinduite et qui a été longtemps considérée
comme le seul mécanisme en cause. Elle peut survenir du fait de lésions doubles brins qui
surviennent : par accumulation de lésions sublétales, par exemple 2 lésions simple brin non
réparées situées en face l’une de l’autre. Dans ces conditions la cellule irradiée ne meurt pas
immédiatement, la cellule continue à vivre jusqu’à la mitose suivante, peut transmettre les
lésions aux cellules filles qui au bout du compte donnera un clone abortif.
Apoptose
Ce type de mort cellulaire programmée est un phénomène marginal en radiobiologie.
Deux types d’apoptoses radioinduites ont été décrites :
• l’apoptose rapide survenant immédiatement après irradiation, généralement retrouvée
dans les cellules hématopoietiques,
• l’apoptose tardive survenant après l’arrêt en G2 ou après plusieurs mitoses.
(*N2 Approfondissement texte. Il semblerait selon certaines études que l’apoptose immédiate
serait dépendante de p53 alors que l’apoptose tardive serait indépendante de p53.
L’implication de ATM (ataxia télangectasia) dans l’apoptose radioinduite est dépendante du
tissu étudié. Ainsi, l’apoptose est ATM dépendante dans le tissu nerveux central, alors qu’elle
est ATM indépendante pour les thymocytes. Plusieurs études ont tenté d’établir une
corrélation entre le niveau de l’apoptose et la radiosensibilité. Certaines études ont montré que
la durée entre l’irradiation et le point d’apparition de l’apoptose serait déterminante pour la
86
Sept 2008/HR/mn
radiosensibilité cellulaire, en particulier pour les cellules hématopoietiques. A l’inverse,
d’autres auteurs ont montré que la transfection de Bcl-2 dans des cellules tumorales humaines
de prostate retardait l’apparition de l’apoptose sans pour cela modifier la radiosensibilité de
ces cellules. Ceci suggère donc que plusieurs facteurs influencent la radiosensibilité
cellulaire*.
2.1.4 - Effet des radiations au niveau
tissulaire :
Pathogénie
L’effet des radiations sur un tissu donné est très variable suivant la constitution et la
physiologie du tissu. En effet, l’organisation tissulaire rassemble :
- des cellules en division (cellules souches et cellules en prolifération)
- des cellules avec peu ou pas d’activité cinétique (cellules différenciées ou fonctionnelles).
La sensibilité globale dépendra en première approximation du nombre relatif de cellules en
division au moment de l’irradiation. Les tissus à fort contingent cinétique auront donc des
réactions aiguës plus importantes que les tissus à renouvellement lent ou nul comme les tissu
nerveux central. Cependant, la radiosensibilité importante des cellules souches proliférantes
ne se traduira cliniquement que lors de l’épuisement des cellules différenciées qui ont la
responsabilité de la fonction du tissu irradié, seule appréciable cliniquement. Si les cellules
différenciées non proliférantes ont une durée de vie suffisamment longue et que pendant ce
temps la réparation et la repopulation des cellules souches a eu lieu, il sera possible de ne pas
voir d’effet aigu sur le tissu considéré.
Par contre, il est important de savoir que l’irradiation d’un tissu donné nécessitera en général
d’irradier également les vaisseaux sanguins indispensables à la survie de ce tissu. Cette
irradiation des vaisseaux pourra être à l’origine d’une destruction fonctionnelle du tissu
irradié qui apparaîtra en général de façon tardive. Afin de minimiser ce risque constant , un
choix médical et technique initial est constamment nécessaire.
Les effets secondaires de l’irradiation et leur survenue dépend du type de tissu sain irradié. Il
existe des tissus sains à activité proliférante élevée (peau, intestin grêle, moelle osseuse). En
général, il existe une muqueuse sous l’épithélium constituée d’un empilement de cellules
allant des cellules souches, vers le compartiment de prolifération qui sont des cellules
différenciées, puis aux cellules fonctionnelles, une membrane basale, et un tissu sousépithélial vascularisé et richement cellulaire.
Effets aigus
Lors d’une irradiation, les effets aigus ou précoces concernent essentiellement la muqueuse,
en particulier les cellules souches en prolifération alors que les cellules fonctionnelles sont
initialement peu concernées. Au fur et à mesure de la déplétion cellulaire des compartiments
souche et de prolifération, la desquamation obligatoire des cellules fonctionnelles entraîne un
déficit cellulaire non compensé, générateur de troubles cliniques tels que diarrhée, épidermite
ou la cytopénie. En cas d’absence de ré-irradiation, l’activité cinétique des cellules
survivantes permettra la restitution muqueuse.
87
Sept 2008/HR/mn
Effets tardifs
Dans le même temps, le tissu sous-épithélial vascularisé est également irradié. Cette
irradiation entraîne à ce niveau des perturbation de la barrière hémato-tissulaire, transsudation
plasmatique, œdème, activation fibroblastique pouvant mener à des occlusions de la perfusion
artério-veineuse, et par conséquent à une destruction de la muqueuse qui ne sera plus
vascularisée. Ces effets tardifs peuvent survenir plusieurs mois, voire plusieurs années après
une irradiation et représentent en fait l’essentiel des risques sur les tissus sains.
Un autre modèle tissulaire est le tissu nerveux central constitué des cellules à cinétique
spontanée nulle ou quasi-nulle. Ainsi, les effets aigus sont pratiquement inexistant en dehors
d’un œdème et le risque majeur est tardif et puisque dans le cas des neurones, ces cellules sont
dépendantes des cellules adjacentes telles que les cellules gliales et les cellules endothéliales
des capillaire qui sont des cellules à renouvellement lent.
Doses de tolérance des tissus
Pour chaque tissu sain irradié, il a été précisé le niveau de dose susceptible d’entraîner
respectivement 5 et 50% de complications tardives à 5 ans (TD5/5, TD50/5), l’irradiation
étant délivrée de façon fractionnée selon le schéma thérapeutique classique , à savoir 1 séance
quotidienne de 2Gy, 5 séances par semaine. Ce niveau de dose varie comme montré cidessous (Tableau 1) en fonction du volume irradié.
Tableau 1. Tolérance des tissus normaux à l’irradiation thérapeutique
TD 5/5 volume
Volume d’organe
irradié
1/3
2/3
3/3
Rein
50
30
23
Cerveau
60
50
45
5cm
10 cm
50
Poumon
TD50/5 volume
Effet considéré
2/3
3/3
40
28
Néphrite
75
65
60
Nécrose
20 cm
5 cm
10 cm
20cm
50
47
70
70
45
30
17.5
65
40
24.5
Pneumonie
Cœur
60
45
40
70
55
50
Péricardite
Œsophage
60
58
55
72
70
68
Perforation, sténose
Estomac
60
55
50
70
67
65
Ulcération, perforation
Intestin grêle
50
40
60
55
Sténose, perforation, fistule
Rectum
75
65
60
80
Rectite sévère, nécrose, fistule
Foie
50
35
30
40
Hépatopathie sévère
Moelle épinière
1/3
55
45
Myélite
2.1.5 - Principaux facteurs
influençant l’effet biologique des
radiations ionisantes :
88
Sept 2008/HR/mn
Plusieurs facteurs peuvent moduler l’effet biologique des radiations ionisantes :
Radiosensibilité intrinsèque
Facteurs de la radiosensibililité
Elle varie d’un tissu à l’autre et pour une même histologie varie d’une tumeur à l’autre. La
radiosensibilité intrinsèque des tumeurs dépend de nombreux facteurs tels que la présence d’
oncogènes, de facteurs de croissance ou de récepteurs de ces facteurs de croissance, voire
d’enzymes impliqués dans la réparation de l’ADN.
(*N2 Approfondissement Texte : Nous retiendrons principalement l’implication des
oncogènes H-ras, K-ras et N-ras impliqués dans la radiorésistance tumorale, sachant
qu’environ 30% des cancers humains présentent une mutation de Ras. Les facteurs de
croissance tels que les fibroblast growth factors (FGF), et en particulier le FGF-2 a été
également retrouvé comme facteur impliqué dans la radiorésistance tumorale, de même que
l’EGF (epidermal growth factor). Certaines mutations du gène suppresseur de tumeur p53
peuvent selon les tumeurs être associées soit à un phénotype radiorésistant, soit à l’inverse à
une plus grande radiosensibilité. Enfin, la surexpression de certains gènes impliqués dans la
réparation de l’ADN ont été retrouvé dans certaines tumeurs radiorésistantes comme
l’adénocarcinome du pancréas. L’étude de ces voies du signal cellulaire impliquées dans la
radiorésistance tumorale intrinsèque est importante car elle aide à mettre en évidence de
nouvelle cible, et donc de nouvelles armes thérapeutiques visant à radiosensibiliser ces
tumeurs radiorésistantes. *
Courbes de survie cellulaire
La radiosensibilité d’un type cellulaire est le plus couramment étudiée par l’étude de la survie
cellulaire après irradiation. Cette étude porte principalement sur l’analyse de la capacité d’un
type cellulaire à cloner (donnée naissance à une nouvelle colonie d’au moins 50 cellules)
après irradiation. La courbe de survie obtenue lors d’une irradiation à doses croissantes d’un
type de cellule de mammifère est lorsqu’elle est représentée en coordonnées semilogarithmiques caractéristique et peut être décrite :
- par un épaulement initial pour les faibles doses
- suivi par une partie rectiligne, correspondant à une destruction cellulaire exponentielle.
(*N2 Approfondissement Texte : Cette courbe de survie peut être modélisée par différents
modèle mathématiques, dont le plus classique est le modèle quadratique linéaire caractérisé
par l’équation suivante :
S = e –(αD +βD2) :
S étant la survie, D, la dose, α et β sont des constantes pour une courbe donnée qui varient en
fonction de la radiosensibilité intrinsèque. α représente la composante linéaire de la courbe et
correspond à la mort cellulaire en un coup, alors que la composante β représente la partie
quadratique et correspond aux dégâts réparables radio-induits qui s’accumulent. La dose à
laquelle la mort cellulaire est due de façon égale aux deux types de composantes est le rapport
α/β . Les tissus à renouvellement rapide ont des rapport α/β élevés (de 8 à 15 Gy) alors que
les tissus à renouvellement lent ont des rapports α/β bas (de 1 à 5 Gy)*.
Facteur temps
Le fractionnement de l’irradiation a une importance majeure sur les effets biologiques
constatés. En effet pour une même dose donnée, une irradiation en dose unique, fractionnée
ou continue à faible ou fort débit de dose auront chacune des effets différents. Après une dose
89
Sept 2008/HR/mn
d’irradiation, une cellule peut présenter des dégâts sublétaux qu’elle pourra réparer avant la
fraction suivante d’irradiation. Ainsi, si le temps entre deux fractions est suffisamment long,
l’épaulement initial de la courbe de survie sera chaque fois reconstitué, et fera qu’à terme, une
dose donnée fractionnée de façon quotidienne sera moins efficace qu’une même dose délivrée
en une fraction.
Le fractionnement de dose protège donc les tissus à forte capacité de réparation et donc plutôt
les tissus à renouvellement lent.
Effet oxygène
Un cellule irradiée en milieu riche en oxygène sera plus sensible à l’irradiation que la même
cellule irradiée en milieu hypoxique. L’hypoxie n’existe pratiquement pas dans les tissus
normaux mais est fréquente dans les tumeurs. Le fractionnement de la dose permet de détruire
tout d’abord les cellules les mieux oxygénées, et rapproche les cellules qui étaient hypoxiques
des capillaires, permettant ainsi de les réoxygéner pour la fraction suivante.
Des molécules permettant l’oxygénation tumorale ont été élaborées et sont en cours
d’élaboration pour radiosensibiliser les tumeurs.
Rôle du cycle cellulaire
Toutes les phases du cycle cellulaire n’ont pas la même radiosensibilité. Classiquement , on
considère les phases G2/M comme les phases les plus radiosensibles, suivies par la phase G1.
La phase S est considérée comme la phase la plus radiorésistante. Le fractionnement de dose
permet d’irradier des cellules qui lors de la première fraction n’étaient pas en phase
radiosensible, de les irradiées dans une phase plus sensible.
2.2 - PRINCIPES D’UTILISATION
THERAPEUTIQUE DES RADIATIONS
IONISANTES
L’utilisation à des fins thérapeutiques des effets des radiations ionisantes décrits plus haut a
débuté en début du siècle dernier. Essentiellement par empirisme au début, les concepts
déterminant la prescription radiothérapique ont progressivement évolués grâce à l’acquisition
de données radiobiologiques et radiopathologiques, jusqu’à l’affirmation de certains principes
fondamentaux.
Le principe de la radiothérapie est de délivrer une dose optimale donnée dans un volume
donné tout en préservant les tissus sains péri-tumoraux, avec les objectifs suivants :
ƒ
ƒ
ƒ
ƒ
prolongation de la survie,
palliation des symptômes
meilleure qualité de vie possible au patient
minimum d’effets secondaires surtout tardifs.
90
Sept 2008/HR/mn
2.1.1 - But de l’irradiation
Afin de définir un plan thérapeutique adéquat, il est nécessaire de savoir si le traitement sera à
but curatif ou palliatif. Dans le premier cas, certains effets secondaires pourront être
acceptables. Dans le cas d’un traitement palliatif, le traitement ne devra pas induire d’effets
secondaires, et le but du traitement sera purement symptomatique .
2.2.2 - Bases de la prescription d’une
irradiation
Avant de prescrire le plan thérapeutique, il sera nécessaire d’évaluer le stade et les
caractéristiques de la maladie, le but (palliatif ou curatif) du traitement, déterminer les
modalités thérapeutiques dans le cadre d’une approche multidisciplinaire (radiothérapie
exclusive, combinée à la chirurgie, la chimiothérapie ou les deux), déterminer la dose
optimale d’irradiation ainsi que le volume à traiter, en fonction du site tumoral, du type
histologique, du stade, d’autres caractéristiques de la tumeur , et enfin des tissus sains péritumoraux.
2.2.3 - Probabilité de contrôle
tumoral
La radiosensibilité d’une tumeur est nécessaire à sa curabilité par irradiation mais n’est pas
suffisante. En effet il existe des cancers très sensibles à l’irradiation mais qui ne sont pas
curables (ex : cancers pulmonaire à petites cellules, leucémies).
Il faut pour que la curabilité soit obtenue que la quantité d’irradiation nécessaire pour
stériliser la tumeur soit également compatible avec la survie fonctionnelle des tissus sains qui
seront inévitablement irradiés. Un des éléments fondamentaux de cette tolérance des tissus
sains est , en plus de la dose elle même, l’importance du volume irradié.
Un des obstacles à la curabilité d’une tumeur est donc constitué par son volume (local,
régional)qui induit obligatoirement pour des raisons balistiques une augmentation du volume
de tissus sains irradié, et donc une augmentation des effets aigus, mais surtout tardifs. De plus,
plus le volume tumoral sera important, plus le risque d’apparition d’une sous-population
hypoxique augmentera et plus la dose nécessaire pour stériliser la tumeur sera importante en
raison de la radiorésistance de ces cellules hypoxiques. Ceci explique que sauf sensibilité
tumorale intrinsèque particulière telle que pour les séminomes testiculaires et les lymphomes,
seules les tumeurs de petit volume auront une bonne chance d’être guéries par irradiation
exclusive sans risque de séquelles majeures sur les tissus sains. Dans les autres cas, il sera
nécessaire d’associer à la radiothérapie un autre traitement dans le but de diminuer le volume
tumoral (chirurgie, chimiothérapie).
L’obtention d’un effet différentiel net entre les effets de l’irradiation sur la tumeur et sur les
tissus sains passe par le fractionnement de l’irradiation. Ce n’est qu’après une succession de
dose délivrée qu’apparaîtra l’effet due à la différence de capacité de réparation entre tissus
91
Sept 2008/HR/mn
tumoral et le tissu sain ; après le cumul des fractions de doses, la tumeur diminuera alors que
les tissus sains resteront dans un état anatomique et fonctionnel proche de la normale. De plus
le fractionnement de la dose permettra également au tissus tumoraux hypoxiques au centre de
la tumeur de progressivement se réoxygéner après chaque fraction et devenir plus
radiosensible.
De ce fait, toutes les irradiations à visée curatives seront fractionnées, alors que les
irradiations à visées palliatives symptomatiques seront pauci-fractionnée ou réalisée en dose
unique.
Comme nous l’avons vu précédemment les effets secondaires les plus graves sur les tissus
sains ne sont pas les effets aigus, mais les effets tardifs qui peuvent survenir de 6 à 24-36 mois
après l’irradiation et ne peuvent être prévenus que par une détermination correcte initiale des
volumes, de la dose et du fractionnement.
Toute association à l’irradiation d’un autre traitement (chirurgie ou radiothérapie) est
susceptible d’améliorer le contrôle de la tumeur, mais aussi d’amplifier les effets secondaires
des tissus sains.
Afin de traiter convenablement le volume tumoral tout en préservant au maximum les tissus
sains, il est nécessaire d’utiliser de façon optimale les moyens techniques disponibles pour
obtenir la meilleure balistique possible. A l’heure actuelle , la gamme des faisceaux
d’irradiation disponibles permet de couvrir l’essentiel des situations cliniques. La
connaissance précises de leur caractéristique est indispensable lors de la préparation du plan
de traitement.
Notion d’index thérapeutique :
De façon globale, les tumeurs issus de tissus normaux sensibles à l’irradiation le sont
également et inversement. Ainsi les lymphomes sont radiosensibles comme l’est le tissu
lymphoïde normal, et les tumeurs nerveuses sont radiorésistantes comme l’est le tissu nerveux
normal.
La relation entre la dose d’irradiation et la probabilité de contrôle d’un groupe homogène de
tumeur est de forme sigmoïde. Cependant, le même type de courbe dose-réponse concerne
également les tissus sains, expliquant que les probabilités de guérison tumorale et les risques
de complications peuvent se trouver à des niveaux de dose très proches.
Une irradiation thérapeutique entraîne obligatoirement une irradiation de tissus sains dont la
radiosensibilité peut parfois être très proche de celle de la tumeur. L’index thérapeutique est
dit favorable lorsque la sensibilité tumorale est beaucoup plus importante que celle des tissus
sains concernés, et que la dose nécessaire pour traiter la tumeur sera inférieure à celle qui
entraînera des risques graves de complications pour les tissus sains. Dans le cas inverse,
l’index est dit défavorable. Lorsque les courbes dose-effet entre la tumeur et les tissus sains
sont très proches, l’index est dit aléatoire.
Appréciation clinique de la dose nécessaire
au contrôle tumoral :
La prescription clinique de la dose nécessaire au contrôle tumoral est fonctions de différents
paramètres tels que le type tumoral, sa localisation, son volume et son extension, son grade.
ƒ En général, on admet que pour contrôler une maladie « subclinique », c’est à dire trop
petite pour être détectée cliniquement ou même microscopiquement, une dose de 45 à
50 Gy sera suffisante dans 90% des cas.
92
Sept 2008/HR/mn
ƒ
ƒ
Pour contrôler une maladie microscopique vraie (marges de résection
microscopiquement positive), des doses de 60 à 65 Gy sont nécessaires.
Pour des tumeurs palpables cliniquement des doses de 65Gy (pour des T1) à 70-80Gy
ou plus (pour des T4) sont nécessaires.
2.2.4 - Association des différents
traitements :
Irradiation Pré-opératoire
Rationnel : Cette irradiation éradique la maladie sub-clinique et microscopique en dehors des
marges de résection chirurgicales, diminue le nombre de cellules viables au sein du lit
opératoire, stérilise certains ganglions hors du lit opératoire, et améliore la résécabilité de la
tumeur.
Inconvénient : Peut diminuer la cicatrisation post-opératoire des tissus sains irradiés, bien que
cet inconvénient soit minimisé par le fait que des doses modérées d’irradiation soient
administrées dans ce cas (45-50 Gy).
Irradiation Post-opératoire
Rationnel : Possibilité d’éradiquer la maladie résiduelle en connaissant exactement les
qualités de l‘exérèse et d’administrer des doses plus importantes d’irradiation.
Inconvénients : délais entre la chirurgie et le début de la radiothérapie en raison de la
cicatrisation, pendant lequel les cellules tumorales en place peuvent proliférer. Les
changements dans la vascularisation dus à la chirurgie peuvent diminuer l’efficacité de
l’irradiation.
Irradiation et chimiothérapie
Rationnel : L’association d’une chimiothérapie à la radiothérapie a pour but d’augmenter
l’effet sur la tumeur par rapport à l’effet escompté en utilisant une des deux modalités de
façon isolée. L’association des deux traitements peut aussi majorer les effets secondaires sur
les tissus sains. L’effet recherché est soit additif , soit synergique (supra-additif).
La chimiothérapie peut être adjuvante aux autres traitements, néo-adjuvante, c’est à dire
utilisée comme premier traitement avant la chirurgie et la radiothérapie, ou concomitante à la
radiothérapie où dans ce cas le but est d’augmenter, d’une part le contrôle local par
potentialisation de l’effet des radiations par effet radiosensibilisant de la chimiothérapie, et
d’autre part de diminuer les métastases à distance.
93
Sept 2008/HR/mn
2.2.5 - Support psychologique et
somatique aux patients :
Les patients atteints d’un cancer sont confrontés à un environnement inconnu, et très anxieux
du pronostic, mais aussi des moyens thérapeutiques et de leur déroulement. Il est extrêmement
important que le radiothérapeute, mais aussi l’équipe soignante (infirmière, manipulateur,
etc..) soient empathiques et passent du temps avec le patient pour discuter de la nature de la
maladie, du pronostic, du déroulement des thérapies, et des effets secondaires attendus ou
possibles (Tableau 2).
Une consultation hebdomadaire de suivi du patient pendant toute la durée de la radiothérapie
doit être réalisée afin de contrôler l’effet tumoral ainsi que les effets secondaires de
l’irradiation, et les traiter. Une assistance psychologique, une consultation diététique, dentaire,
des soins cutanés si nécessaire, font partie intégrante du traitement.
Tableau2. Effets aigus et tardifs radio-induits
Site
anatomique
Encéphale
Effets aigus
Effets tardifs
Otite, céphalées, nausées, alopécie,
érythème, conjonctivite
Tête et Cou
Odynophagie, dysphagie,
xérostomie, dysgueusie, perte de
poids, érythème
Poumon,
médiastin
oesophage
Sein et paroi
thoracique
Odynophagie, dysphagie, toux,
pneumopathie, péricardite
Abdomen et
pelvis
Nausée, vomissement, douleur
abdominale, diarrhée, dysurie,
pollakiurie, cytopénie
Extrémités
Radiodermite
Dysphagie, toux, fibrose
pulmonaire, cytopénie
Perte de l’audition, insuffisance hypophysaire,
cataracte, nécrose
Fibrose cutanée, ulcération cutanée, nécrose,
dysfonction thyroidienne, dysphonie persistante,
xérostomie , dysgueusie chroniques,
ostéoradionécrose mandibulaire, cicatrisation
retardée, fistule, caries dentaires, déficit oreille
moyenne et interne.
Rare : myelopathie
Fibrose pulmonaire, dyspnée, toux, sténose
oesophagienne
Rare : péricardite chronique, myélopathie
Fibrose cutanée, rétraction du sein, fibrose
pulmonaire, lymphoedeme du bras, infarctus de
myocarde, endocardite
Sigmoïdite, rectite, sténose rectale ou
sigmoidienne, perforation ou occlusion,
incontinence urinaire, hématurie (cystite
chronique), fistules, œdème du membre inférieur,
rétraction vaginale cicatricielle , stérilité,
impotence sexuelle, lésions rénales ou hépatique.
Fibrose sous-cutanée, ankylose, œdème, nécrose
os/tissus mous, neuropathie.
2.2.6 - Développements prospectifs :
De multiples voies de recherche sont développées depuis plusieurs années afin d’augmenter
la curabilité des tumeurs et de diminuer les effets sur les tissus sains :
94
Sept 2008/HR/mn
- Utilisation des rayonnements à TEL élevé (particules lourdes)
- Modifications des fractionnments de l’irradiation en fonction de la cinétique d’une
tumeur et des ses caractéristiques radiobiologiques (α/β) : hyperfractionnement,
fractionnement accéléré.
- Mise au point de techniques de balistiques de plus en plus sophistiquées permettant
d’augmenter la dose à la tumeur tout en irradiant moins de tissus sains (irradiation
cérébrale stéréotaxique, irradiation « conformationnelle »)
- Méthode d’irradiation avec protection dynamique des tissus sains permettant
d’imposer une contrainte de dose aux tissus sains tout en irradiant de façon satisfaisante
la tumeur (irradiation avec modulation d’intensité).
- Association de molécules capables de réoxygéner les tumeurs dans le but d’augmenter
le contrôle local par radiosensibilisation des cellules tumorales hypoxiques.
- Recherche de voies de signalisation cellulaires impliquées dans la radiorésistance
tumorale, permettant de mettre en évidence de nouvelles cibles à l’origine de
l’élaboration de nouvelles molécules radiosensibilisantes spécifiques de la tumeur, et
dont l’intérêt réside dans la possibilité de radiosensibiliser la tumeur sans
radiosensibiliser les tissus sains.
(*N2 Approfondissement texte.
Points Fondamentaux du chapitre et
mots clés :
On différencie en radiothérapie la dose physique absorbée (unité : Le Gray (Gy)) qui est
l’unité de prescription de dose en radiothérapie, et la dose biologique équivalente prenant en
compte le pouvoir ionisant du rayonnement, exprimée en sievert et utilisée en
radioprotection.
Les radiations ionisantes ciblent principalement l’ADN, créant par effets direct et indirect de
nombreuses lésions dont les cassures double-brin d’ADN considérées comme létales. La
membrane cellulaire est aussi une cible des RI . On décrit deux types de mort radioinduite, la
mort cellulaire post-mitotique (voie principale) et l’apoptose.
Les effets au niveau tissulaire des RI et surtout leur survenue est fonction de la cinétique de
prolifération du tissu considéré. Les effets aigus concernent principalement les tissus à
prolifération rapide, alors que les effets tardifs concernent les tissus à renouvellement lent ou
non proliférant. Les effets tardifs représentent le risque essentiel de la radiothérapie sur les
tissus sains.
Différents facteurs influencent l’effet biologique des RI : la radiosensibilité intrinsèque qui
dépend de plusieurs facteurs tels que l’expressions d’oncogènes, de gène suppresseur de
tumeur, de facteurs de croissance et de leur récepteurs. Cette radiosensibilité intrinsèque peut
être représentée en partie par deux constantes α et β qui définissent la forme de la courbe de
survie après irradiation du tissu considéré ; le facteur temps, et en particulier le
fractionnement de la dose a une grande importance sur l’effet biologique. Il protège les tissus
à renouvellement lent ; l’effet oxygène puisque un tissu hypoxique est plus radiorésistant
95
Sept 2008/HR/mn
qu’un tissu oxygéné ; en fin le cycle cellulaire, la phase G2/M étant la plus sensible et la
phase S la plus radiorésistante.
Ces différentes données fondamentales sont la base de la radiothérapie dont le but est de
délivrer une dose optimale à un volume tumoral donné , tout en préservant au mieux les tissus
sains. D’une manière générale, les irradiations à visée curatives sont fractionnées alors que les
irradiations palliatives sont hypofractionnées. Le traitement par radiothérapie s’inscrit dans
une approche mutidisciplinaire et est très souvent associée aux autres thérapeutiques telles
que la chirurgie et la chimiothérapie. Toute association des thérapeutiques majore le risque
d’effets secondaires radio-induits dont il convient de discuter avec le patient. De nombreuses
recherches sont développées dans le but d’augmenter la dose au volume tumoral tout en
préservant les tissus sain, ou d’augmenter la radiosensibilité tumorale sans augmenter celle
des tissus sains.
96
Sept 2008/HR/mn
3 - Traitements médicaux
CHIMIOTHERAPIE, HORMONOTHERAPIE
Henri Roché
3.1 - Conditions stratégiques
d’application des traitements
médicaux : situations palliatives et
curatives ( adjuvante et néoadjuvante )
3.1.1 Situation palliative
La diffusion fréquente des cellules cancéreuses dans l’organisme nécessite des
traitements généraux. Pendant longtemps, chimiothérapie et hormonothérapie n’ont été
utilisées qu’en situation de cancer métastatique. Malheureusement, l’efficacité thérapeutique
est insuffisante dans la plupart des cas à éliminer totalement la maladie conférant donc un rôle
palliatif à cette utilisation. A ce jour, les tumeurs solides contrôlables définitivement à un
stade métastatique sont rares : cancers testiculaires, tumeurs trophoblastiques placentaires,
certains cancers de l’enfant. Les objectifs dans cette situation clinique sont essentiellement
l’allongement de la durée de vie et l’amélioration des symptômes liés à la maladie. En contre
partie, ces traitements ne doivent pas, par leur toxicité, pénaliser la qualité de vie des sujets
traités. Toutefois, la multiplicité des médicaments disponibles, leur variété d’action et surtout
leur bonne utilisation rationnelle dans le temps peuvent permettre d’observer depuis peu un
allongement de la durée de vie de patients porteurs de cancers coliques, mammaires ou
ovariens métastatiques. L’évaluation régulière de l’action thérapeutique permet de juger de
l’utilité de poursuivre le même traitement, d’en changer ou d’arrêter tout traitement spécifique
pour ne se concentrer que sur le contrôle des symptômes.
3.1.2 Situation curative
Depuis une vingtaine d’années, la place des traitements médicaux s’est élargie à des
situations curatives, c’est à dire non métastatique, témoignant ainsi d’une efficacité
incontestable sur la maladie micro-métastatique cachée mais souvent présente dès les
premiers stades des cancers :
•
stade adjuvant : la maladie loco-régionale est contrôlée, mais des critères cliniques ou
mieux biologiques ( témoins d’agressivité, grade histologique, envahissement
ganglionnaire régional) font redouter une dissémination micro métastatique. Il est
possible alors de traiter de façon anticipée à un stade infra clinique. Ces conditions
concernent des cancers chimiosensibles, dont on connaît bien l’histoire naturelle et
pour lesquels des études préalables ont démontré cette efficacité par des essais
97
Sept 2008/HR/mn
contrôlés. La durée du traitement est limitée dans le temps, les doses sont définies et
doivent être respectées, enfin, le risque létal doit être minimal pour ne pas déprécier
les bénéfices attendus dans une population dont le statut de la maladie n’est pas
clairement établi. Au mieux, des critères prédictifs de l’efficacité des traitements
permettent de sélectionner les sujets les plus aptes à bénéficier de la thérapeutique
adjuvante. Les cancers du sein ( avec chimiothérapie et/ou hormonothérapie ) et
coliques de stade C sont les exemples les plus connus de cet usage. La réduction de
risque relatif de rechute est de 30 % pour ces deux pathologies fréquentes.
* situation néo- ( ou proto-) adjuvante ou précessive : le cancer non métastatique n’est ici
pas encore traité par des moyens locaux. Les conditions requises sont : une tumeur chimio ou
hormonosensible, un stade local avancé rendant difficiles ou mutilants les gestes locaux, une
croissance rapide clinique témoignant d’une fraction de prolifération importante. Le
traitement sera bref ( quelques mois), intense, évalué fréquemment pour ne pas laisser passer
une résistance thérapeutique précoce. Au terme de cet assaut thérapeutique, chirurgie et
radiothérapie assureront le contrôle loco-régional. Parmi les exemples les plus fréquents, il
faut retenir les cancers ORL, cancers inflammatoires ou à croissance rapide du sein, certains
sarcomes à un stade avancé.
* une combinaison radiothérapie - chimiothérapie peut être utilisée pour mieux assurer le
contrôle local en se passant parfois d’un geste chirurgical mutilant ou à haut risque. Ici, c’est
le contrôle local optimal qui est en jeu plus que la stérilisation des foyers micro-métastatiques.
C’est le cas des tumeurs oesophagiennes étendues à toute la paroi ou aux ganglions de
voisinage, aux cancers épidermoïdes du canal anal pour éviter une amputation sphinctérienne,
aux tumeurs bronchiques ou ORL inopérables, aux cancers étendus du col utérin. La toxicité
cumulée des deux traitements réalisés de façon simultanée expose à des complications
immédiates parfois sévères et/ou à des supports nutritionnels temporaires.
3. 2 - Chimiothérapie anti
cancéreuse
La chimiothérapie cytotoxique vise à détruire les cellules tumorales. Ses débuts datent des
années 1940 à partir de l’observation des effets induits par des toxiques connus ( gaz de
combat) sur les organismes humains. Secondairement, les modes d’action ont été
progressivement compris et ont servi de base à la fabrication de molécules plus adaptées. Les
grands principes ont été expérimentés sur des modèles cellulaires murins spontanés ( tumeur
de Lewis, mélanome B16) ou chimio-induits ( leucémies L1210 et P388, colon C38) étudiés
in vitro puis transplantés in vivo. Plus récemment, des tumeurs humaines ont été xénogreffées
sur des animaux génétiquement immuno-déprimés ( souris nude athymique, souris SCID).
3.2.1 bases cellulaires
La cible habituelle est l’ADN lorsque la cellule est en cours de division. Les lésions induites
déclenchent soit un phénomène immédiat de mort cellulaire par nécrose, soit un arrêt du cycle
sous l’action des régulateurs physiologiques ( protéine p53) entraînant une réparation de
l’ADN lésé ou, si c’est impossible, le suicide programmé de la cellule ( apoptose). Ces effets
98
Sept 2008/HR/mn
peuvent se produire sur des cellules tumorales, mais aussi sur des cellules normales en phase
de division traduisant la non spécificité des chimiothérapies et expliquant leur toxicité.
L’efficacité du traitement se jugera sur l’effet différentiel entre tissus sains et tumoraux.
L’atteinte des tissus sains constitue la limite d’utilisation des chimiothérapies que l’on
s’efforce de repousser grâce à des protecteurs ciblés.
L’activité thérapeutique sera fonction essentiellement de trois critères :
* la sensibilité propre de chaque type tumoral : tumeurs très chimiosensibles ( cancers
pulmonaires micro cellulaires, adénocarcinomes ovariens, tumeurs germinales), modérément
chimiosensibles ( adénocarcinomes mammaires et coliques, épidermoïdes ORL et
bronchiques, sarcomes), voire spontanément résistants ( cancers thyroïdiens différenciés,
mélanomes, adénocarcinomes du rein).
* le pourcentage de cellules en cycle : il définit la fraction de prolifération qui peut être
évaluée par le nombre de mitoses, le pourcentage de cellules marquées par un anticorps
spécifique du cycle ( Ki67, MIB1 en immunohistochimie), par la détection de cellules en
phase G1/S ( cytomètrie de flux). Ce taux varie selon les types tumoraux et selon l’agressivité
tumorale
* la vitesse de croissance de la tumeur. Elle se fait selon trois phases répondant à un modèle
Gompertzien. La fraction de prolifération est maximale durant la deuxième phase de
croissance exponentielle qui est quasiment terminée au seuil de détection clinique ( 109
cellules, soit 1 g de tissu).
3.2.2 principes thérapeutiques
Ils découlent de modèles théoriques mathématiques qui permettent d’expliquer les limites
d’activité et les causes d’échec prévisibles.
* modèle de Skipper et Schabel. Une dose donnée tue une fraction fixe de cellules tumorales
exprimée en log ( théorie du log-kill). On comprend ainsi le rôle primordial de la masse
tumorale au moment du traitement. Plus elle sera faible, plus les chances d’éradication seront
grandes. De plus, une fraction de prolifération importante est indispensable.
* effet-dose : pour certaines classes de cytotoxiques ( alkylants ), l’effet thérapeutique sera
d’autant plus important que la dose administrée sera forte. Cela a conduit à développer des
stratégies de dose massive avec support hématologique ( greffe de cellules souches
hématopoïétiques) pour outrepasser cette première toxicité limitante.
* modèle de Goldie et Coldman. Il s’appuie sur l’hétérogénéité tumorale issue des divisions
successives et responsable de l’apparition de clones chimiorésistants. Ces clones, avant toute
exposition au médicament, sont fonction du taux de mutation spontané et de la taille de la
tumeur. Les chimiothérapies seront plus actives sur des tumeurs de faible masse et
oligoclonales. Certaines stratégies chimiothérapiques utilisent des traitements séquentiels,
alternés ou combinés pour tenter d’éliminer ces clones responsables des rechutes ultérieures.
* les résistances spontanées ou acquises en cours de traitement sont à l’origine de la plupart
des échecs. Certaines sont décelables biologiquement ( expression de glycoprotéines MDR
pour la résistance pléiotropique ). Elles peuvent concerner plusieurs classes thérapeutiques ou
un seul agent. La réversion de ces résistances est un des axes principaux de recherche en
chimiothérapie.
Point-clés : ces principes doivent se concrétiser par des applications strictes :
réalisation de polychimiothérapies plutôt que des monochimiothérapies en combinant
des agents ayant des cibles différentes et des toxicités non cumulées ( sauf hématologiques).
99
Sept 2008/HR/mn
traitement à dose optimale en respectant un intervalle minimum entre les cycles
fonction du délai de récupération nécessaire pour les tissus sains ( 3 semaines pour la moelle
osseuse)
traitements précoces en surveillant les signes d’échappement thérapeutique
mise au point de tests in vitro pour détecter les meilleures associations thérapeutiques
3.2.3 classes pharmacologiques et mode
d’action
Au fil du temps de nouvelles molécules s’ajoutent régulièrement à l’arsenal thérapeutique,
certaines optimisant des modes d’action connus, d’autres visant d’autres cibles moléculaires.
On peut distinguer des classes interagissant directement avec l’ADN ( alkylants, intercalants),
d’autres indirectement ( antimétabolites, inhibiteurs de la transcription et de la réplication,
agents tubulo-affins).
* alkylants : isolés à partir des gaz de combat, ces agents ont en commun la fixation
d’un radical toxique sur un ou les deux brins d’ADN. Ils ont un effet-dose permettant un large
éventail de doses ( c’est la base des chimiothérapies intensives avec auto- ou allo-greffe) et
sont très mutagènes. Il faut retenir le cyclophosphamide et les sels de platine ( cis-platine,
carboplatine)
* intercalants : leur insertion entre les deux brins d’ADN explique au moins en partie
leur mode d’action, la déformation interdisant la réplication cellulaire. Les plus connues sont
les anthracyclines ( doxorubicine, épirubicine) qui agissent également comme des anti
topoisomérases II.
* antimétabolites : ils interfèrent avec la formation des nucléotides, soit par blocage
des voies de synthèse, soit par substitution de bases. Leur efficacité est parfois augmenté par
exposition prolongée veineuse ou orale. Les plus utilisés sont le 5-FU et ses dérivés, la
cytosine arabinoside, le methotrexate. Une trop grande spécificité sur certaines activités
enzymatiques explique la nécessité de combinaison avec des « adjuvants » pour augmenter
leur efficacité ( leucovorine et 5FU) ou empêcher des toxicités létales ( acide folinique et
méthotrexate).
* inhibiteurs de la transcription et de la réplication : actuellement représentés par
les anti topoisomérases I ( irinotecan, topotecan ) et II ( vepeside, anthracyclines). Ces
produits interfèrent avec des régulateurs de la configuration spatiale de l’ADN.
* agents tubulo-affins : leur point d’impact est la tubuline dont ils empêchent la
polymérisation ou la dépolymérisation. Aux anciens dérivés des alcaloïdes de la pervenche (
vincristine, vinorelbine), se sont rajoutés récemment les taxanes ( paclitaxel, docetaxel).
DCI
Nom commercial
Effets secondaires spécifiques
ALKYLANTS
cyclophosphamide
ifosfamide
melphalan
procarbazine
dacarbazine
cisplatine
carboplatine
endoxan
holoxan
alkeran
natulan
deticène
cisplatyl
paraplatine
hématurie, mutagénèse, leucémies ( 4 à 6 ans)
hématurie
leucémogénèse
allergie, effet antabuse
thrombopénie
néphrotoxicité, ototoxicité, neurotoxicité
thrombopénie
100
Sept 2008/HR/mn
INTERCALANTS
doxorubicine
epirubicine
adriamycine
farmorubicine
cardiotoxicité
cardiotoxicité
ANTI METABOLITES
5 Fluoro-uracile
méthotrexate
cytosine arabinoside
gemcitabine
5 FU
methotrexate
aracytine
gemzar
mucite, diarrhée
nephrotoxicité, mucite
INHIBITEURS DE LA TRANSCRIPTION ET REPLICATION
topotecan
irinotecan
etoposide
hycamtin
campto
vepeside
diarrhée
leucémies ( 2 à 3 ans)
AGENTS TUBULO AFFINS
vincristine
vinorelbine
paclitaxel
docetaxel
oncovin
navelbine
taxol
taxotere
neurotoxicité
neurotoxicité
neurotoxicité, allergie
neurotoxicité, allergie, syndrome de fuite capillaire
Tableau 1 : principaux agents cytotoxiques
3.2.4 La pratique des chimiothérapies
: bonnes pratiques cliniques, effets
secondaires et leurs traitements
* bonnes pratiques cliniques
Toute prescription de chimiothérapie résulte d’une réflexion poly disciplinaire ayant analysé
le stade de la maladie et l’état du sujet. Le protocole choisi et référencé définit le nombre de
produits, les doses rapportées à la surface corporelle, les voies d’administration, le volume de
dilution dans les solutés. L’intervalle entre les cycles est précisé et doit être respecté en
l’absence de toxicité majeure.
Les chimiothérapies s’administrent le plus souvent par voie veineuse stricte, plus rarement par
voie orale ou intra séreuse. Les injections peuvent se faire en bolus ou en perfusions continues
sur plusieurs jours.
Avant de débuter un premier cycle, il est nécessaire de pratiquer un examen clinique complet,
une évaluation biologique des grandes fonctions ( formule-numération sanguine, bilans
hépatiques et rénaux). Lors de tout renouvellement, l’interrogatoire précisera les incidents
toxiques, l’examen recherchera tout signe débutant de toxicité cumulative. Par contre, un
simple bilan hématologique est habituellement suffisant sauf en cas de risque cumulatif ou
d’une contrindication liée au dysfonctionnement d’un organe.
La prescription prendra en compte les toxicités attendues ( nausées, vomissements, mucites)
et intégrera dans le protocole les anti émétiques et autres protecteurs de tissus sains.
La chimiothérapie sera validée par le pharmacien, préparée sous hotte aspirante pour éviter
toute contamination du personnel et conditionnée en emballage individualisé portant le nom
du patient. L’administration est sous la responsabilité du prescripteur et de l’infirmière.
101
Sept 2008/HR/mn
* effets secondaires et leurs traitements
Les doses utilisées en pratique courante sont responsables d’effets secondaires jugés
maîtrisables. Il importe de les connaître, d’informer le patient de leur survenue possible et de
la façon de les maîtriser. Une prévention est souvent possible à court terme. Les conséquences
lointaines sont plus imprévisibles.
effets immédiats durant l’inter cycle
le syndrome de lyse cellulaire lié à une destruction massive par nécrose d’une grosse
masse tumorale s’observe quelquefois. Il s’ensuit une anurie et des troubles métaboliques
majeurs. Une hyper hydratation, des hypouricémiants et une surveillance étroite de la
kaliémie permettent de franchir le stade aigu.
nausées et vomissements : ils surviennent dans les premières 24 heures ( vomissements
aigus) sensibles aux antagonistes des récepteurs 5HT3 ( sétrons), peuvent se prolonger les
jours suivants (vomissements retardés) sensibles au corticoïdes, métoclopramide, sétrons ou
même précéder les injections suivantes ( vomissements anticipés ) peu sensibles aux
thérapeutiques traditionnelles, mais parfois aux techniques de relaxation, sophrologie,
musicothérapie.
mucites oro-pharyngées et diarrhées relèvent d’une toxicité muqueuse principalement
aux anti métabolites. Les lavages de bouche avec des solutés bicarbonatés et des anti
fongiques évitent les surinfections. Les diarrhées sont sensibles au lopéramide, parfois aux
anticholinergiques quand elles sont précoces ( anti topoisomérases I).
troubles hématologiques.
La neutropénie fébrile durant la deuxième semaine de l’intercycle est l’accident le plus
sérieux du fait des risques de choc infectieux à gram négatif et de staphylococcies notamment
sur les cathéters. Toute hyperthermie associée à une neutropénie inférieure à 500 éléments
nécessite une enquête bactériologique complète et la mise immédiate sous antibiothérapie
probabiliste dans l’attente des résultats bactériologiques ( positifs dans 25 à 40% des cas). La
gravité de la neutropénie tient à sa durée ( germes résistants, germes opportunistes, virus,
champignons) . Les cycles ultérieurs doivent faire envisager l’utilisation de facteurs de
croissance hématopoïétiques ( prophylaxie secondaire), tel le G-CSF : lenograstim, filgrastim.
Les thrombopénies sont plus retardées, moins fréquentes et se traitent par des transfusions
plaquettaires en présence de signes hémorragiques muqueux, viscéraux ou de chiffres de
plaquettes inférieurs à 20 000 /mm3.
L’anémie survient après plusieurs cycles de traitement, de façon inconstante, rarement
profonde et participe à l’asthénie. Ses causes peuvent être multiples, parfois liées à une
insuffisance de production d’érythropoiétine endogène sous l’effet du cis platine. Elle peut
justifier l‘usage d’érythopoiétine exogène pour maintenir un taux d’hémoglobine au-dessus de
12 g/l.
L’alopécie (réversible), les troubles des phanères (toxidermie, photosensibilisation,
onycholyse) doivent être annoncés, les risques d’extravasation vasculaire justifient la pose de
sites implantables en cas de mauvais accès veineux surtout si les anthracyclines et les agents
tubulo-affins sont utilisés. La cystite hémorragique du cyclophosphamide est prévenue par
une hyper hydratation abondante et une vidange vésicale fréquente.
102
Sept 2008/HR/mn
effets cumulés susceptibles d’apparaître durant la séquence thérapeutique.
Ils résultent de l’accumulation de toxicités infra cliniques répétées. Leur survenue est fonction
de la dose cumulée et doit être détectée précocement pour éviter des lésions organiques
définitives. Parmi les plus habituelles, il faut retenir :
le risque cardiaque avec les anthracyclines, majeur au dela de la dose cumulée de 550
mg/m² pour la doxorubicine, de 900 mg/m² pour l’épirubicine. Ces produits sont
contrindiqués en cas d’insuffisance cardiaque initiale, de troubles de la conduction importants
(bloc complet droit, bi bloc gauche), d’une fraction d’éjection ventriculaire gauche anormale
avant tout traitement. Certains cardioprotecteurs (razoxane) et des analogues encapsulés
peuvent diminuer ce risque.
le risque rénal avec le cisplatine tient à des phénomènes de nécrose tubulaire lors de
l’élimination précoce de ce métal lourd. Une hyper hydratation abondante, l’induction d’une
diurèse constante avant et après le cisplatine limitent ce risque. La surveillance de la clearance
calculée de la créatinine avant chaque cycle est indispensable et doit faire interrompre la
thérapeutique en cas de chute à moins de 60 ml/mn. Certains analogues ( carboplatine,
oxaliplatine) ne partagent pas cette toxicité.
le risque de neuropathie périphérique avec les agents tubulo-affins et le cisplatine : les
troubles sensitifs distaux initiaux s’aggravent progressivement et justifient l’interruption
thérapeutique.
le risque de fibrose pulmonaire avec la bléomycine impose de stopper à la dose
cumulée de 300 mg.
les aménorrhées induites sont fonction de l’âge, des doses et des produits utilisés.
Elles peuvent être reversibles pour les patientes les plus jeunes.
les effets tardifs.
une azoospermie peut être induite dès un premier cycle avec les alkylants. Elle est
temporaire habituellement, mais une conservation de sperme avant tout traitement s’impose
chez l’homme jeune.
certaines leucémies peuvent survenir vers la troisième année post-thérapeutique après
forte doses d’anti topoisomérases II, vers la cinquième année après des alkylants.
le risque mutagène n’est pas nul tant chez les patients que lors des préparations de
cytotoxiques en pharmacie
Date de
survenue
Immédiate
type de toxicité
action préventive
syndrome de lyse hyperhydratation, hypouricémiants
tumorale
nausées,
setrons ( granisetron, ondansetron),
vomissements
benzamides (métoclopramide),
corticoïdes, benzodiazépines
mucites
bains de bouche ( bicarbonates, anti
fongiques)
diarrhées
anticholinergiques ( pour les anti
topoisomérases I)
neutropénie
prophylaxie secondaire par les GCSF (filgrastim, lenograstim)
thrombopénie
anémie
érythropoiétine
103
action curative
alcalinisation, diurèse forcée,
correction de l'hypokalièmie
antalgiques, alimentation
parentérale
lopéramide, rehydratation
antibiothérapie
transfusion plaquettaire ( < 20
mm3)
transfusion globulaire
Sept 2008/HR/mn
cumulée
alopécie
cystite
casque réfrigérant
hyperhydratation, mictions
fréquentes, mesna
cardiaque
cardioxane, respect des doses
cumulées et des contrindications,
mesure de la FEV
hyperhydratation et hyperdiurèse,
surveillance de la clearance
de la créatinine calculée
mesure du tranfert du CO (
bléomycine)
surveillance clinique
rénal
pulmonaire
neurotoxicité
aménorrhée
lavages vésicaux
IEC, digitalo diurétiques
tardive
azoospermie
recueil de sperme
risque leucémique
Tableau 2 : Effets toxiques des chimiothérapies
3.3 Hormonothérapie
Rares sont les cancers dont l’histoire naturelle est influencée par des hormones endogènes.
Plus rares encore sont ceux dont le traitement inclut une hormonothérapie. Il faut retenir le
cancer de prostate sous dépendance androgènique et le cancer du sein sous dépendance
oestrogènique. Pour mémoire, rappelons que la progestérone a été utilisée sur des cancers de
l’endomètre et du rein avec des résultats médiocres.
3.3.1 mode d’action et classes
pharmacologiques
agonistes LH-RH : ces peptides ont une structure voisine de la LH-RH
naturelle. La substitution d’un acide aminé suffit à les rendre agonistes du récepteur. Il
s’ensuit dans un premier temps un effet stimulant pouvant activer le processus
tumoral, puis rapidement une désynchronisation du récepteur. L’effet obtenu est un
blocage hypothalamo-hypophysaire et un effondrement des gonadotrophines, donc un
arrêt de la sécrétion périphérique des androgènes et oestrogènes. Cet effet est
réversible si le traitement est interrompu. Parmi les produits les plus utilisés, retenons
la gosereline, la triptoréline. Le même effet central peut être obtenu par les
oestrogénes ( diethylstilbestrol ) avec un risque thrombogéne non négligeable.
blocage périphérique des secrétions hormonales ( chirurgie, anti aromatases).
Il s’agit du premier moyen utilisé pour traiter certains cancers. La castration ovarienne
et la pulpectomie sont moins employées actuellement en raison de leur caractère
irréversible. Leur coût est par contre bien moindre que celui des agonistes de la LHRH. Leur rapidité d’action est également supérieure.
Les anti aromatases bloquent la conversion des androgènes en oestrogènes au niveau
des organes hormono dépendants, du tissu adipeux et même à l’intérieur de la cellule
104
Sept 2008/HR/mn
tumorale. On comprend leur intérêt après la ménopause où ils bloquent la formation
des oestrogènes endogènes. Actuellement, sont utilisés des produits spécifiques de la
conversion en oestrogènes, soit stéroïdiens ( exemestane), soit non stéroidiens (
anastrozole, létrozole).
blocage intra tumoral ( anti androgènes, anti oestrogènes). Le but est de
bloquer le récepteur pour l’hormone. Ce récepteur se situe sur tous les tissus cibles de
l’hormone, mais aussi au niveau intra cellulaire tumoral.
Les antiandrogènes bloquent la conversion de la testostérone en di hydro testostérone (
flutamide, nilutamide, cyproterone), les anti oestrogènes se fixent sur les récepteurs
alpha et/ou bêta des oestrogènes. Le tamoxifène, produit de référence, est en fait
agoniste sur l’os, les vaisseaux, l’endomètre et antagoniste sur les tissus tumoraux.
Pour optimiser l’effet recherché, de nouvelles molécules sont en phase d’évaluation et
appartiennent à la classe des SERMs ( Selective Estrogen Receptor Modulator).
DCI
Nom commercial
Effets secondaires spécifiques
Agonistes de la LHRH
gosereline
triptoréline
leuproréline
zoladex
décapeptyl
enantone
letrozole
anastrozole
exemestane
femara
arimidex
aromasine
tamoxifene
troubles de la castration
troubles de la castration
troubles de la castration
Antiaromatases
Antioestrogènes
nolvadex, kessar, tamofene,
phlébites, cancer de l'endomètre, troubles
tamoxifene
oculaires
Progestatifs
farlutal, prodasone
phlébites, prise de poids
acétate de
medroxyprogestérone
medroxyprogestérone megace
phlébites, prise de poids
Antiandrogènes
flutamide
eulexine
nilutamide
anandron
bicalutamide
casodex
troubles de la libido, élévation des
transaminases
troubles de la libido, syndrome interstitiel
bronchique
troubles de la libido, élévation des
transaminases
Tableau 3 : principaux agents utilisés en hormonothérapie
3.3.2 effets secondaires
propres à la privation hormonale : ce sont les mêmes que ceux résultant d’une
ménopause naturelle chez la femme ( bouffées de chaleur, baisse de la libido, carence
prolongée en estrogènes au niveau osseux notamment), d’une andropause chez
l’homme.
spécifiques de chaque médicament
105
Sept 2008/HR/mn
pour le tamoxifène : bouffées de chaleur, risque de cancer de l’endomètre multiplié par
4 (exploration de toute métrorragie), risque de thrombose veineuse
pour les anti androgènes : cytolyse hépatique, rares fibroses pulmonaires
pour les anti aromatases : rares troubles digestifs, douleurs musculo-squelettiques
3.3.3 indications :
facteurs prédictifs de la réponse : contrairement aux chimiothérapies, on
dispose ici, au moins pour les cancers du sein, d’un facteur prédictif de la réponse : le
dosage des récepteurs aux oestrogènes et à la progestérone. Le taux de réponse
observé va de 10% en cas de négativité des deux récepteurs à 60% si les deux sont
positifs. Une première efficacité d’un traitement hormonal laisse présager d’un nouvel
effet bénéfique (dans 25% des cas ) en changeant de molécules après échappement
thérapeutique.
•
•
situations palliatives, curatives, préventives :
cancers du sein : les hormones ont un bénéfice démontré dans toutes les situations.
Dans tous les cas, on recommande leur utilisation uniquement en cas de positivité d’au
moins un des deux récepteurs. Avant la ménopause, l’effet optimal semble observé en
associant agonistes LH-RH et tamoxifène ; après la ménopause, tamoxifène et
antiaromatases semblent d’efficacité voisine. Le tamoxifène est autorisé aux USA
comme traitement préventif dans certaines populations à risque.
cancers prostatiques : agonistes LH-RH et anti androgènes ne sont recommandés qu’en
phase métastatique. Les anti androgènes précèdent de 8 jours les agonistes pour éviter
une stimulation tumorale (flare-up). Le bénéfice d’une association prolongée n’est pas
démontré. Le taux de réponse est de l’ordre de 70% pour une durée médiane de 18
mois. Après échappement, il n’y a pas de recours hormonal réellement efficace.
3.4 Les nouvelles thérapeutiques
Depuis quelques années et grâce à une meilleure connaissance des mécanismes moléculaires
associés aux processus de cancérisation, de nouvelles cibles paraissent pouvoir être modulées
sans nécessiter forcement une lyse tumorale.
3.4.1 cibles et classification :
modulateurs du comportement biologique tumoral : à toutes les étapes des
phénomènes de cancérisation, il est possible d’envisager des stratégies thérapeutiques :
* contrôle du cycle cellulaire : restauration d’une fonction p53, blocage des cyclines D
intervenant dans le cycle, régulation de l’activité télomérase
* action inhibitrice sur les facteurs de croissance tissulaires ( anti -EGF, anti HER2),
sur les étapes de la néoangiogénèse (anti VEGF), blocage du signal de transduction
(inhibiteurs des farnesyl transférases)
* inducteurs d’apoptose
106
Sept 2008/HR/mn
* expression d’antigènes de surface
modulateurs de l’hôte : certains concepts s’appuient sur l’induction d’une
réponse immunitaire passive, active ou adoptive dirigée contre la cellule tumorale,
d’autres sur la protection des tissus sains pour permettre une plus grande activité
cytotoxique ( protection cardiaque par le razoxane, chélateur des radicaux libres,
prévention de la cystite chimique par le mesna).
3.4.2 moyens
cytokines : les interférons sont utilisés dans le traitement adjuvant des
mélanomes et palliatif des mélanomes et cancers du rein, l’interleukine 2 dans le
traitement palliatif des cancers du rein
anticorps monoclonaux : l’herceptine est un anticorps monoclonal actif sur les
cellules tumorales mammaires hyper exprimant l’oncogène c-erbB2 ( ou HER)( 20%
des tumeurs). Cet oncogène contrôle un des récepteurs de la famille des tyrosine
kinases. L’herceptine potentialise l’activité de certains agents chimiothérapiques, mais
également la toxicité cardiaque des anthracyclines.
anti facteurs de croissance : de petites molécules et des anticorps monoclonaux
( tous en expérimentation) ont été synthétisées pour bloquer la partie intracellulaire des
récepteurs aux facteurs de croissance, notamment le récepteur à l’EGF.
thérapie cellulaire : elle fait appel à une réaction immunitaire induite sur des
motifs antigèniques tumoraux grâce à des vaccins ou des manipulations in vivo ou
mieux ex vivo ( lymphocyte activated killer, tumoral infiltrating lymphocytes). Elle
peut se concevoir comme traitement propre ou comme manipulateur de la réponse de
l’hôte après agression chimiothérapique ou greffe de cellules hématopoïétiques.
thérapie génique : en l’absence d’anomalie mono génique, on peut envisager
l’introduction de motifs permettant de mieux cibler les cellules tumorales (
transfection de protéines de co-activation, de cibles pour les anti viraux) ou de mieux
protéger les cellules normales ( transfection de protéine MDR dans les cellules
souches hématopoïétiques)
3.4.3 applications :
elles restent encore à l’étape d’expérimentation en phase précoce, mais déplace l’intérêt sur la
maladie résiduelle et l’induction d’une quiescence des cellules tumorales, phase chronique des
cancers pendant laquelle un équilibre entre hôte et tumeur doit permettre de prolonger la
période non visible et non symptomatique de la maladie.
107
Sept 2008/HR/mn
4 - PRINCIPES GENERAUX
TRAITEMENT des cancers
DU
4. 1 - Concepts fondamentaux
ƒ
Le traitement initial d’un cancer localisé est décisif pour l’avenir du patient. Les
chances de guérison sont plus faibles si le traitement est mal conduit ou mal adapté.
ƒ
La prise en charge d’un patient cancéreux est le plus souvent complexe et fait
intervenir plusieurs spécialistes. La pluridisciplinarité est la règle (N2 lien avec
paragraphe 5*)
ƒ
Le bilan initial et les bilans ultérieurs ont un rôle primordial dans le choix des
méthodes et la chronologie des traitements.
ƒ
Les décisions s’appuient sur des recommandations médicales et sur des protocoles pré
établis.
4.1 1 - Traitement d’un cancer en phase
loco-régionale
Un cancer est en phase loco-régionale lorsque le bilan pré-thérapeutique démontre l’absence
de métastase à distance. Les patients sont traités pour le cancer primitif et/ou des métastases
ganglionnaires.
Le principe fondamental est de guérir le malade avec le minimum de séquelles anatomiques et
fonctionnelles. L’objectif vise donc la guérison par l’éradication du cancer avec le moins
d’effets secondaires et au moindre coût. Les éléments du choix sont le stade clinique de la
maladie, l’état général, les préférences des patients.
Cas d’une tumeur extirpable et d’un patient opérable
Le traitement le plus fréquent est la chirurgie d’exérèse à visée curative sur le cancer primitif
et les adénopathies satellites. La chirurgie conservatrice est possible pour les tumeurs de petite
taille localisées à une partie d’un organe. L’étude pathologique des pièces opératoires précise
l’étendue de la lésion et la qualité de la résection et oriente les traitements adjuvants.
Des options post-chirurgicales sont une ré-intervention en cas de marges insuffisantes, une
radiothérapie loco-régionale dont l’objectif est de réduire le risque de récidive locale et les
traitements systémiques adjuvants. La chimiothérapie et l’hormonothérapie adjuvante sont
proposées au groupe de patients à haut risque métastatique.
Cas d’un cancer localement étendu, non métastatique
Ces cancers sont le plus souvent non opérables d’emblée. Leur pronostic est sévère, associant
un risque de récidive locale et de métastase à distance. Les résultats sont optimisés par les
associations thérapeutiques.
108
Sept 2008/HR/mn
Dans les cancers du rectum, les essais cliniques contrôlés ont démontré une réduction du
nombre de récidives pelviennes et une amélioration de la survie globale dans le groupe de
patients traités par radiothérapie pré-opératoire.
Dans les cancers du sein type 3 (T < 5 cm) et type T4 (signes inflammatoires) ou encore des
cancers de l’ovaire stade III (carcinose péritonéale), la chimiothérapie néo adjuvante pour
objectif de réduire la masse tumorale, de rendre les patients opérables ou de permettre une
chirurgie plus conservatrice. En cas de rémission clinique complète ou mieux histologique,
une intensification chimique ou une clôture des traitements par radiothérapie sont discutés.
Dans les cancers pelviens étendus et ceux des VADS, la chirurgie réparatrice par lambeau
rend possible des interventions mutilantes (Bucco - pharyngectomie, pelvectomie) mais
d’autres choix sont possibles comme une association radio chimiothérapique.
Cas d’un cancer curable par chirurgie, radiothérapie ou chimiothérapie exclusive.
La prise en charge thérapeutique actuelle en général plusieurs méthodes thérapeutiques. Dans
quelques indications, le traitement peut être mono-disciplinaire :
ƒ
ƒ
ƒ
ƒ
exérèse locale de cancers cutanés et de mélanomes,
curiethérapie de cancers cutanés péri-orificiels,
prostatectomie radicale ou curiethérapie pour cancer débutant de la prostate,
chimiothérapie exclusive de chorio-épithéliome ou de lymphome ou de tumeur
germinale du testicule.
4.2 - Traitement des cancers
métastatiques
Un cancer est métastatique lorsqu’un bilan d’extension ou de surveillance met en évidence
des localisations secondaires à distance de la tumeur primitive (voir item 138 – chapitre
« extension métastatique »). De manière générale, les cancers métastatiques sont actuellement
incurables. La visée du traitement est palliative, cherchant à améliorer les symptômes liés à la
maladie ou à prolonger la durée de vie.
Dans quelques situations, le traitement a une visée curative en raison d’une extrème
sensibilité à la chimiothérapie. Il s’agit des :
•
•
•
•
lymphomes malins hodgkiniens et non hodgkiniens
cancers pédiatriques
choriocarcinomes placentaires
tumeurs germinales du testicule, séminomes et carcinomes embryonnaires.
Dans les cas (jusqu’à 10 %) de métastase révélatrice sans primitif reconnu, la clinique,
l’examen histologique et l’immunohistochimie sont les éléments essentiels du choix des
traitements systémiques.
109
Sept 2008/HR/mn
4.2.1 - Place de l’hormonothérapie
Dans les cancers hormono dépendants, les traitements hormonaux sont efficaces les cancers
métastatiques du sein et de la prostate (dans 30 % de l’ensemble et dans 60 à 70 % si les
récepteurs hormonaux positifs). L’échappement à une hormonothérapie de première ligne
peut être repris avec encore 20 à 30 % de succès par une hormonothérapie de deuxième ligne
ou de troisième ligne. La progression objective sous hormonothérapie font envisager une
chimiothérapie palliative ou des traitements symptomatiques.
4.2.2 - Place de la chimiothérapie palliative
L’objectif est l’allongement de la durée de vie et surtout l’amélioration des symptômes liés à
la maladie. La chimiothérapie ne doit pas entraîner de toxicité importante ou d’effets
secondaires pénalisant la qualité de vie. L’évaluation périodique des résultats permet
d’apprécier l’intérêt de poursuivre, d’arrêter ou de modifier les traitements.
4.2.3 - Place de la chirurgie dans les cancers
métastatiques
La chirurgie palliative comporte les ostéosynthèses de fractures pathologiques, les résections
palliatives du cancer primitif pour hémostase ou nécrose ou infection, et des dérivations
digestives ou urinaires.
L’exérèse chirurgicale de métastases peut constituer un traitement curatif à condition que le
cancer primitif soit contrôlé, que les métastases soient peu nombreuses et résécables en
limites saines (voir chapitre chirurgie des métastases).
4.2.4 - Place de la radiothérapie
La radiothérapie palliative est essentielle dans les douleurs des métastases osseuses. Des doses
faibles de 20 à 30 grays sont efficaces sur la composante inflammatoire avec obtention de
l’effet antalgique dans 70 à 80 % des cas. Des doses plus importantes de 30 à 45 grays ont un
effet plus prolongé avec possibilité d’arrêter l’évolution tumorale et d’obtenir une
reconstruction osseuse.
Dans les cancers différenciés de la thyroïde les miliaires métastatiques broncho-pulmonaires
et les métastases osseuses peuvent être traitées par l’iode radio-actif à dose thérapeutique
(100 millicuries). Le traitement est à visée curative lorsque le tissu néoplasique fixe l’iode et
que les métastases sont de petite taille.
4.2.5 - Traitements symptomatiques
L’objectif est d’améliorer la qualité de vie par la suppression de symptômes gênants (voir la
figure 15 et consulter le thème 142 « traitements palliatifs des cancers »).
5 –la DECISION THERAPEUTIQUE
multiDISCIPLINAIRE
5.1 - Principes
110
Sept 2008/HR/mn
La pluridisciplinarité est la prise en compte dans les décisions thérapeutiques de l’apport des
différentes spécialités médicales et paramédicales en vue d’une prise en charge globale et
concertée. Chaque professionnel apporte ses compétences techniques et donne son avis. La
concertation pluridisciplinaire a pour but de faciliter le développement d’une stratégie
optimale et de donner à chaque malade la meilleure chance de guérison avec le minimum de
séquelles. La décision collégiale repose sur les recommandations de bonnes pratiques
médicales (*Faire un lien avec paragraphe 5.5*).
Le code de déontologie et des circulaires ministérielles réglementent la prise en charge
multidisciplinaire. En cas de litige, le manquement à cette obligation peut être poursuivi
devant les tribunaux pour « perte de chance ».
(*N2 Approfondissement texte. Code de Déontologie Art. 17 : « un médecin ne doit pas, sauf
circonstances exceptionnelles, entreprendre ou … poursuivre des soins, ni formuler des
prescriptions dans des domaines qui dépassent sa compétence ou ses possibilités. » De plus,
l’article 34 stipule que « dès lors qu’il a accepté de répondre à une demande, le médecin
s’engage à faire appel s’il y a lieu à l’aide de tiers compétent. »*)
La pluridisciplinarité ne s’oppose pas au dialogue singulier,, car il est souhaitable que le
malade conserve une relation privilégiée avec un des médecins du groupe qui est le médecin
référent.
Si un médecin n’était pas d’accord avec la décision multidisciplinaire, on remarque que rien
ne les oblige à participer à un protocole si éthiquement il n’y adhère pas.
5.2 - Constitution d’un groupe
pluridisciplinaire :
•
•
•
•
•
•
•
Le patient. C’est autour de lui que la démarche doit s’organiser. Les décisions le
concernant doivent lui être expliquées en vue de son « consentement éclairé ». pour
obtenir son accord.
Le médecin généraliste est présent à tous les stades de la maladie, lors du diagnostic, du
suivi, des soins à domicile et des soins de fin de vie. Il oriente le patient vers un spécialiste
et sert de relais entre les différents spécialistes après avoir.
Les spécialistes (cliniciens, hématologistes, biologistes, endoscopistes, imagiers,
pathologistes) apportent leurs compétences techniques pour le diagnostic et les
traitements.
Les oncologues chirurgiens, radiothérapeutes et chimiothérapeutes ont une formation
pluridisciplinaire orientée vers les traitements loco-régionaux ou généraux
Les spécialistes des soins palliatifs (algologues) apportent leur compétence à la phase
terminale.
Le pharmacien apporte ses compétences dans l’appréciation des risques des drogues
toxiques.
Le personnel paramédical, infirmières, manipulateurs, assistantes sociales,
kinésithérapeutes, psychologues, secrétaires
•
111
Sept 2008/HR/mn
5.3 - Relations médecins- malades et
concertation pluridisciplinaire
Pour les médecins et professionnels, l’esprit de pluridisciplinarité impose une volonté de
coopération. Chaque professionnel garde la responsabilité de ses actes, mais en ce qui
concerne les décisions, les indications, il concède une partie de son autonomie et assume la
décision collégiale.
Le malade et sa famille acceptent et sont souvent réconforté par le fait de savoir que les
décisions sont prises par un collège de professionnel.. La difficulté pour le patient est de ne
plus reconnaître le médecin responsable de la globalité du traitement. Le médecin référent,
connu par le patient, a une place primordiale pour expliquer la maladie, le protocole, les
effets secondaires et les bénéfices du traitement.
Dans tous les cas, le malade doit avoir les garanties suivantes :
• le libre choix de son médecin,
• la préservation du secret médical,
• l’assurance de la responsabilité individuelle des professionnels,
• une information médicale appropriée, cohérente, compréhensible.
5.4 - Schéma de fonctionnement
Pour chaque patient dont le diagnostic de cancer est évoqué ou prouvé, les décisions sont
prises par concertation entre professionnels. Un schéma d’ensemble doit être élaboré et
retranscrit dans le dossier du patient et transmis au médecin traitant. Il est souhaitable qu’il
soit aussi adressé au contrôle médical en même temps que le protocole d’examen spécial
permettant la déclaration d’affection nécessitant en prise en charge particulière à 100%.
5.5 - Unités de concertation
pluridisciplinaire en oncologie (U C
P)
La complexité des traitements, la prise en charge pluridisciplinaire, la continuité des soins, la
dimension psychologique de la maladie justifient que la prise en charge des patients soit
organisée dans un réseau de soins autour d’une Unité de Concertation Pluridisciplinaire
(UCP).
Les objectifs des UCP sont les suivants :
ƒ
Définir pour chaque patient une stratégie diagnostique et thérapeutique.
L’utilisation de protocoles formalisés permet de proposer pour chaque patient une
prise en charge optimale. Il a en effet été montré que les patients traités selon une
112
Sept 2008/HR/mn
ƒ
ƒ
ƒ
ƒ
ƒ
stratégie définie au départ obtenaient de meilleurs résultats que ceux traités par une
succession de traitements mal coordonnés
Coordonner les traitements, ce qui justifie que le schéma de prise en charge du
patient soit explicité et joint au dossier médical.
Définir la surveillance les patients. La maladie cancéreuse est une maladie qui peut
se prolonger plusieurs années et les résultats des traitements, souvent difficiles à
évaluer du fait du manque de recul, justifient l’évaluation et le suivi à long terme.
Faciliter l’information réciproque des praticiens. Le dossier minimal commun
devrait être le vecteur de la communication. réciproque entre praticiens et
professionnels paramédicaux
Permettre l’évaluation des pratiques tant quantitativement que qualitativement. Les
critères d’évaluation doivent être définis a priori afin de les étudier et, si le besoin s’en
fait sentir, de les modifier
Assurer la formation continue des praticiens. L‘évolution rapide des connaissances
(nouvelles drogues ou nouvelles prises en charge) impose une formation continue en
cancérologie dont une partie peut se faire au sein d’une UCP.
ƒ
5.6 - Bonnes pratiques cliniques
La prise en charge des patients porteurs de cancer est une prise en charge complexe. Les
bonnes pratiques cliniques correspondent à des démarches de diagnostic, de traitement ou de
surveillance définies après une analyse de la littérature, qui permet de formuler des
recommandations
(*N2 Approfondissement Texte : Recommandations de bonnes pratiques cliniques
La méthodologie s’est développée en premier dans les pays anglo-saxons. En France,
l’Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé (ANAES) a organisé des
conférences de consensus qui ont élaboré des recommandations de bonnes pratiques. (*Faire
un lien avec le site de l’ANAES http://www.anaes.fr*)
Ce sont « des propositions développées méthodiquement pour aider le praticien et le patient
dans leur décision concernant le caractère approprié des soins dans des circonstances
cliniques données». L’objectif est le meilleur rapport coût/bénéfice et coût/ efficacité. Les
soins sont appropriés quand le « bénéfice clinique qu’il procure est supérieur aux risques et
aux coûts qui en découlent ».. *)
Les bonnes pratiques cliniques s’appliquent également au dépistage, à la prévention, à
l’information du patient, aux essais cliniques. Elles doivent répondre aux questions suivantes :
•
•
•
•
Est-ce la bonne structure de soins ?
Est-ce la bonne stratégie thérapeutique ?
Est-ce que le geste technique est optimal ?
Le compte-rendu donne-il les informations pertinentes nécessaires à la prise de décision ?
Pour répondre à ces questions la prise en charge repose sur des procédures écrites, élaborées
collégialement et évaluées, sur la prise en charge pluridisciplinaire, l’organisation en réseau
113
Sept 2008/HR/mn
6 - Information du malade
La nécessité de dire la vérité au patient est devenu une obligation qui dans certaines
circonstances est réglementée par la loi.
6.1 - Obligations générales
L’obligation d’information concerne tous les patients et toutes les circonstances où un acte
médical est réalisé. Son énoncé doit être clair, adapté aux circonstances et aux patients,
progressive. L’obligation de la vérité est inscrite dans divers textes réglementaires ou légaux..
(*N2 Référence Textes de références * Code de la Santé Publique article L 1112-1, le Code
de la Santé Publique précise que les praticiens dans les établissements de santé assurent
l’information des personnes soignées, dans le respect des règles de déontologie.
* Code de Déontologie - (Art. 34). Le médecin doit au patient une «information loyale, claire
et appropriée sur son état, les investigations et les soins». Mais ceci n’est pas applicable si
l’état du patient expose des tiers à un risque de contamination. *)
Des restrictions à l’obligation d’information sont possibles si le médecin considère que l’état
du patient justifie qu’il reste dans l’ignorance du diagnostic ou d’un pronostic grave. Ainsi, un
pronostic fatal ne doit être révélé qu’avec circonspection.. Les proches doivent être prévenus
sauf si le malade l’a interdit préalablement ou désigné des tiers auxquels l’information doit
être donnée.
La recherche du consentement doit être recherchée dans tous les cas (art. 36). Si le patient
refuse les investigations ou les traitements proposés, le médecin doit respecter cette volonté
après avoir informé le patient des conséquences. Lorsque le patient ne peut exprimer sa
volonté, la recherche du consentement doit être obtenue auprès des proches, sauf en cas
d’urgence.
6.2 - Obligations particulières à la
cancérologie
La loi ou les règlements précisent les domaines dans lesquels des procédures écrites doivent
être prévues et organisées. Deux domaines de la cancérologie sont principalement en cause, la
recherche biomédicale et les études à caractères génétiques.
6.2.1 - Recherche biomédicale
En cancérologie, beaucoup de patients participent à des essais cliniques ou thérapeutiques La
loi Huriet impose des obligations particulières quant à l’information des malades soumis à une
recherche biomédicale. Les informations concernent les objectifs, la méthodologie et la durée
de la recherche, les bénéfices, les contraintes et les risques prévisibles, y compris en cas
d’arrêt prématuré.
114
Sept 2008/HR/mn
La loi précise qu’une notice d’information soit remise au malade préalablement à la signature
d’un texte de consentement. Des dispositions particulières sont prévues pour les situations
d’urgence et les personnes protégées (mineurs non émancipé et majeur sous tutelle.
6.2.2 - Etude à caractère génétique
Le caractère héréditaire d’un nombre croissant de cancer (sein, colon, médullaire de la
thyroïde) explique que de plus en plus fréquemment des recherches à caractère génétique
soient proposées.
Ces recherches sont du ressort de l’art. L 1131-1 du Code de la Santé Publique qui prévoit que
le consentement doit être recueilli au préalable et par écrit en cas «d’examen des
caractéristiques génétiques d’une personne ou de son identification pour des empreintes
génétiques, lorsque cet examen ou cette identification sont effectuées à des fins médicales».
6.2.3 - Situations particulières de
l’interruption de grossesse
L’interruption d’une grossesse peut être nécessaire avant la mise en œuvre d’un traitement à
visée anti tumorale (radio ou chimiothérapie). La procédure légale d’information prévue en
cas d’interruption volontaire ne s’applique pas. Toutefois un double de la consultation
effectuée par deux médecins attestant que «la poursuite de la grossesse met gravement en
péril la santé de la femme ou qu’il existe une forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint
d’une affection d’une particulière gravité reconnue comme incurable» doit être remis à la
patiente.
6.3 - La preuve de l’information :
Le médecin doit apporter la preuve qu’il a donné à son patient une information claire, loyale
et appropriée. Cette charge de la preuve obligation pose des problèmes pratiques difficiles, en
particulier les moyens à mettre en œuvre pour informer et prouver que l’information a été
correcte. Des recommandations ont été définies par l ’ANAES (*Faire un lien avec le site de
l’ANAES http://www.anaes.fr*) .
Information orale
La base de la relation médecin - patient étant le dialogue, l’information orale est la mieux
adaptée aux attentes du patient et peut être délivrée si besoin est, progressivement. L’aide
d’un traducteur peut s’avérer indispensable en présence d’un étranger.
Information écrite
Les documents écrits doivent permettre au patient de s’y reporter et/ou d’en discuter avec les
personnes de leur choix. Bien que faire signer un formulaire de consentement, hors du
domaine de la recherche bio-clinique, ne soit pas dans les habitudes, «il est recommandé de ne
pas négliger de noter dans le dossier médical quelle information a été donnée, quand et
comment elle a été reçue».
115
Sept 2008/HR/mn
Contenu de l’information
Il concerne l’état de santé du patient ainsi que les soins et précise leurs objectifs, utilité,
bénéfices, mais aussi les conséquences, inconvénients, les complications et risques éventuels,
y compris ceux exceptionnels.
Chaque médecin doit donner des informations relevant de sa discipline. Dans une démarche
pluridisciplinaire et quand plusieurs médecins interviennent, il se pose le problème de la
cohérence des informations. Il est donc important que toute les informations figurent dans le
dossier médical commun, tenu par un médecin référent qui puisse faire régulièrement la
synthèse.
7 - INFORMATION DE LA FAMILLE
Le secret médical
Les informations médicales sont confidentielles, appartiennent au malade et ne peuvent être
divulguées sans son accord. Le secret médical protège la vie privée du malade et de plus en
plus son intérêt social.
(*N2 Référence texte Article 226-13 du Code Pénal et Article 4 du code de Déontologie « Le
secret professionnel, institué dans l’intérêt des patients, s’impose à tout médecin dans les
conditions établies par la loi. Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du
médecin dans l’exercice de sa profession, c’est à dire non seulement ce qui lui a été confié,
mais aussi ce qu’il a vu, entendu, compris. *)
Cas ou la divulgation est possible
Souhait du patient
Il est des circonstances particulières où les règles du secret professionnel trouvent quelques
élargissements, mais il faut rester très vigilant sur le respect de la législation, la volonté du
patient.
Le patient peut s’il le souhaite se faire assister de la personne de son choix lors de son
information par le médecin. La volonté du patient doit être respectée, celui-ci pouvant
autoriser l’information d’un tiers et non la famille. Il peut également l’interdire.
Poursuite d’un traitement à domicile
l’information de la famille ou des tiers est indispensable dès lors qu’elle participe au
traitement ou à la prise en charge à domicile. Avant de donner des informations à la famille, il
est nécessaire de s’enquérir des liens de parenté ou relationnels avec le patient, en particulier
en cas de conflits familiaux. Il y a lieu de privilégier les interlocuteurs qui paraissent
incontournables
En cas de pronostic ou de diagnostic fatal,
Lorsque le médecin juge que le malade n’est pas en mesure de recevoir cette information, il
peut selon l’article 35 du Code de Déontologie confier ses inquiétudes à un membre de la
famille. Toutefois cette information, pour respecter le secret médical, concerne la mort
prochaine ou le pronostic mais pas nécessairement la cause exacte.
116
Sept 2008/HR/mn
Mineurs,
le médecin doit informer les parents, s’ils sont titulaires de l’autorité parentale. Mais l’avis de
l’enfant doit aussi être recueilli dès lors que ce dernier est en mesure de l’exprimer. En
particulier chez l’adolescent ou le grand enfant (> 15 ans) l’adhésion doit être obtenue par le
médecin.
Majeur protégé :
La mise sous tutelle d’une personne ne supprime pas l’obligation d’information qui s’applique
vis à vis du patient lui-même dans la mesure de ses capacités, mais aussi vis à vis du tuteur
légal.
Décès du malade.
Les prélèvements à but scientifique imposent chez l’adulte, soit le consentement du défunt de
son vivant, ou à défaut la présomption de son consentement. En l’absence, le médecin doit
s’informer auprès de sa famille.
L’autopsie et le prélèvement d’organe au cours d’une autopsie réalisée dans le but de
rechercher la cause du décès, nécessite le consentement de la famille ainsi qu’une information
des prélèvements effectués.
(*N2 Points clés texte : Points Fondamentaux du chapitre et mots clés :
Pluridisciplinarité
Elle est garante d’une pris en charge globale et s’appuie sur les compétences de tous les
acteurs participant à la pris en charge du patient.
Elle ne s’oppose pas au dialogue singulier, le malade gardant le libre choix de son
interlocuteur privilégier. Elle s’exerce dans le respect du secret médical.
Un schéma de prise en charge globale est proposé après concertation. Il est transcrit dans le
dossier du patient et adressé au médecin traitant ainsi qu’au contrôle médical.
Unité de Concertation Pluridisciplinaire
Elle est le garant d’une prise en charge optimale qui résulte
d’un diagnostic précoce
d’une orientation vers un site approprié
garantit les droits du patient pour des soins de qualité
préconise des stratégies de prise en charge validées et évaluées ou des stratégies
innovantes dans le cadre d’essais cliniques.
Un dossier clinique minimal est élaboré qui contient tous les éléments de la décision et qui
est un vecteur de communication permettant la continuité des soins.
Bonnes pratiques
Ce sont des propositions développées de façon méthodique pour aider le patient et le médecin
dans la décision thérapeutique. Elles s’appliquent à tous les domaines de la prise en charge
des patients
L’établissement de niveau de preuve est effectué à partir des données de la littérature
scientifique. Elle permet de qualifier une procédure ou une stratégie et une recommandation
peuvent être formulée.
Une recommandation de grade A repose sur la preuve scientifique de son efficience. Une
recommandation de niveau correspond à une attitude dont le niveau de preuve scientifique est
bas.
117
Sept 2008/HR/mn
Information du patient
L’information du patient est une obligation. C’est une nécessité et concerne tous les actes
réalisés. Elle doit être clair, adaptée et graduée. L’obtention du consentement du patient doit
être recherchée.
La preuve de son obtention doit pouvoir être apportée. La signature formelle du patient n’est
indispensable que dans certaines circonstances prévues par les textes. Il s’agit en particulier
des actes réalisés dans le cadre de la recherche biomédicale, des études à caractère génétiques
ou de prélèvements de tissus.
En toute circonstance le secret médical doit être préservé. Dans certaines circonstances,
comme la poursuite d’un traitement à domicile ou la gravité d’un pronostic, il peut être
nécessaire d’informer les proches du patient. La volonté du patient doit être respectée : il peut
refuser qu’une information soit révélée et en particulier pour le choix du tiers (appartenant à la
famille ou non) que l’on informe. Cette obligation du respect du secret médical et de la
volonté du patient persiste au-delà de son décès.*)7
118
Sept 2008/HR/mn
ITEM 142.
Prise en charge et accompagnement d’un malade cancéreux à tous les stades de la maladie.
Traitements symptomatiques. Modalités de surveillance. Problèmes psychologiques, éthiques
et sociaux.
Objectifs pédagogiques
Expliquer les principes de la prise en charge globale du malade à tous les stades de la maladie
en tenant compte des problèmes psychologiques, éthiques et sociaux.
Identifier les situations d’urgence et planifier les prises en charge
Données générales
Les cancers sont des maladies chroniques dont l’évolution clinique passe par plusieurs phases
successives classiques :
o Diagnostic initial avec ou sans symptômes (dépistage)
o Traitement, simple ou associatif, bref ou prolongé
o Période post thérapeutique comportant habituellement un suivi médical constatant
l’absence ou non de faits nouveaux, recherchant les effets secondaires du ou des
traitements, les conséquences du diagnostic et du traitement sur la qualité e vie,
etc..
Cependant, certains patients présentent d’emblée une situation tumorale relevant d’une prise
en charge palliative, d’autres seront guéris de plusieurs néoplasies successives, beaucoup
seront victimes d’une pathologie intercurrente létale alors que la néoplasie traitée peut être
guérie u toujours évolutive, etc.
L’ensemble de ces éventualités est statistiquement exprimée de façon diverse rendant
indispensables quelques points de repère
Expressions statistiques de la survie
Le point de départ chronologique pour l’expression de la survie doit toujours être le même. En
règle, on choisit soit la date du diagnostic anatomo-pathologique, soit la date du premier jour
du traitement souvent très proche de la précédente.
La survie à un délai donné peut être exprimée sur l’ensemble du groupe, où uniquement sur le
groupe de patients ne présentant pas de maladie évolutive à ce délai, ce qui conduit bien
entendu à un chiffre inférieur au précédent
L’expression de la survie de l’ensemble des patients y compris ceux perdus de vue est dite
brute ou absolue. Si le calcul ne porte que sur les patients suivis et/ou exclut les patients
décédés d’autres causes que cancérologiques, la survie est dite alors corrigée.
Ceci conduit à l’expression de plusieurs types de taux de survie:
o Survie observée: dans ce cas, le calcul porte sur l’ensemble des patients, ceux qui
ont été perdus de vue étant décomptés selon une formulation mathématique
permettant de prendre en compte leur concours à la survie résultante même si la
durée de leur observation est inférieure à celle du reste du groupe;
o Survie corrigée: exprime la survie du groupe de patients résultant après exclusion
partielle ou totale de ceux décédés d’autres causes que cancérologiques;
o Survie relative, observée ou corrigée: les taux de survie sont rapportés à l’évolution
prévisible de la mortalité de la population générale de même sexe et de même âge
moyen. Cette valeur exprime alors la perte de chances de survie liée exclusivement
à la survenue de la pathologie tumorale;
119
Sept 2008/HR/mn
o Survie actuarielle : consiste à prendre en compte la survie des patients dont le recul
est encore inférieur à la médiane du temps de suivi du reste du groupe. Ceci permet
l’expression plus précoce de résultats à la condition expresse que les effectifs
restants à chaque point de calcul soient au moins supérieurs à 10 pour éviter des
taux artificiels avec à l’intervalle suivant une chute très brutale.
En mélangeant l’ensemble des données précédentes, on peut obtenir une grande variété
d’expression dans les résultats thérapeutiques. Le plus souvent, ils sont cependant présentés
sous la forme de taux de survie brute, de survie brute corrigée des causes intercurrentes de
décès ou de survie actuarielle corrigée.
NOTION DE GUERISON
L’objectif de tout traitement cancérologique est d’obtenir la guérison du patient, c’est-à-dire
l’absence complète de fait nouveau en relation avec la maladie initiale. Cette notion est donc
une donnée à la fois négative et rétrospective:
o Négative, car elle repose sur la non-constatation d’une évolution locale, régionale
et/ou générale;
o Rétrospective, car sa valeur pronostique est d’autant plus forte que le temps écoulé
depuis le traitement initial est long.
Ainsi, si le diagnostic de récidive ou de métastase procède d’une démarche de diagnostic
positif, l’état de guérison ne peut être qu’une situation individuelle relative étayée par la
connaissance statistique du pronostic global d’une affection donnée, par l’absence d’éléments
objectifs en faveur d’un fait nouveau tumoral et par l’ampleur du délai post-thérapeutique. On
voit par-là que si la guérison des patients traités pour cancers est une réalité d’évidence,
l’affirmation de cette guérison pour un patient donné ne peut être que relative et progressive,
obligeant à une circonspection prudente dans la relation individuelle.
La relation au temps est une notion fondamentale de la cancérologie et en particulier lors du
suivi d’un patient traité. En effet, la connaissance de la période de risque, c’est-à-dire du laps
de temps pendant lequel le risque de fait nouveau tumoral reste réel, est indispensable à la
bonne organisation du rythme et du contenu de ce suivi.
PERIODE DE RISQUE
Après traitement et obtention d’une rémission complète, c’est-à-dire la disparition de tout
signe perceptible de maladie tumorale qu’il soit clinique, biologique ou iconographique,
l’éventualité de la survenue d’un fait nouveau tumoral est caractérisée par deux éléments:
o Sa fréquence, largement fonction de la nature et du stade initial de la maladie;
o Son délai d’apparition dont la répartition statistique définit la période de risque.
L’étendue de la période de risque dépend fondamentalement de deux facteurs, l’évolutivité
spontanée de la maladie initiale et son stade d’extension lors du diagnostic et du traitement.
Influence de l’évolutivité tumorale
En règle, plus une maladie est rapidement évolutive, plus sa période de risque est courte, c’est
à dire que les éventuels échecs après traitement se révéleront majoritairement au cours d’une
période de temps brève. C’est ainsi que la plupart des maladies tumorales de l’enfant, par
définition rapidement évolutives, ont des périodes de risque courtes, permettant généralement
d’étayer solidement la guérison au bout de quelques années post-thérapeutiques sans faits
nouveaux tumoraux.
À l’inverse beaucoup de pathologies tumorales de l’adulte sont spontanément de constitution
et d’évolution lentes; De ce fait, la période de risque qu’elles ouvrent après leur traitement est
souvent longue pouvant dans certains cas être particulièrement importante. Ainsi, l’exemple
120
Sept 2008/HR/mn
des cancers prostatiques dont la réalité de guérison nécessite des délais post-thérapeutiques
régulièrement supérieurs à la dizaine d’années.
Influence du volume tumoral initial
Le deuxième facteur déterminant de l’étendue de la période de risque est représenté par le
volume tumoral ou le stade d’extension lors du diagnostic initial; En effet, il est logique de
penser que plus le volume tumoral initial est important, plus le volume d’un éventuel résidu
laissé par le traitement risque d’être conséquent et donc plus court sera le temps nécessaire
pour que ces éléments tumoraux résiduels redonnent naissance à une tumeur de nouveau
perceptible. À l’inverse, une maladie initiale de petit volume ne laissera éventuellement après
traitement que très peu d’éléments cellulaires tumoraux viables, rendant de ce fait le délai
nécessaire à la reconstitution d’une tumeur perceptible d’autant plus long.
En d’autres termes, à évolutivité spontanée égale, la période de risque suivant le traitement est
d’autant plus longue que le volume tumoral initial était peu important, et inversement, une
tumeur initiale volumineuse présente une période de risque de récidive plus courte que la
précédente.
En synthèse, pour un type tumoral donné, les petits stades présentent un risque total d’échecs
faible mais susceptible de se révéler sur une période de temps longue; à l’inverse, les stades
initiaux évolués qui comportent un risque important de récidives de tous types, verront ces
faits nouveaux tumoraux s’exprimer dans un délai post-thérapeutique plus court que pour les
stades de début.
Influence de l’évolutivité tumorale et du stade initial sur la longueur de la période de risque
Stade de début
Stade évolué
Evolutivité tumorale importante
PR courte
PR très courte
Evolutivité tumorale faible
PR très longue
PR longue
Influence pronostique des faits nouveaux
tumoraux
De façon générale, les faits nouveaux survenant après le traitement d’une néoplasie initiale
sont de très mauvais pronostic. Il en est ainsi de toutes les métastases des tumeurs de l’adulte,
d’une grande partie des récidives même locales. Seules certaines maladies tumorales offrent
des chances réelles de guérison définitive après un nouveau traitement pour récidive ou
métastases et font donc l’objet d’un suivi post thérapeutique adapté.
On peut citer pour l’essentiel:
o Les tumeurs germinales testiculaires ou ovariennes, qu’il s’agisse de dysgerminomes
ou de tumeurs dysembryonnaires;
o Le choriocarcinome placentaire;
o Certaines tumeurs de l’enfant comme le néphroblastome, les tumeurs germinales;
o Les lymphomes malins, pour lesquels le concept métastatique est particulier;
o Les formes paucimétastatiques, essentiellement ganglionnaires ou pulmonaires, de
cancers thyroïdiens bien différenciés.
121
Sept 2008/HR/mn
ÉCHECS TUMORAUX ET
TRAITEMENTS DE DEUXIÈME
INTENTION
ÉCHECS AU NIVEAU DU SITE PRIMITIF (T)
Les échecs locaux constituent toujours une cause importante de non-guérison des patients
porteurs de cancers. Cette éventualité est essentiellement le fait des tumeurs localement
avancées classées T3 ou plus ou de tumeurs de plus petit volume mais ayant fait l’objet d’un
traitement initial inadapté.
La survenue d’un échec local permet cependant dans certains cas un nouveau traitement local
à visée curative.
Il s’agit parfois du seul mode d’échec tumoral comme par exemple pour les tumeurs
primitives du système nerveux central ou les épithéliomas cutanés en particulier
basocellulaires. Toutefois, dans la plupart des cas, la survenue d’une récidive est un facteur
indéniable de risque métastatique accru par rapport à celui existant après une guérison locale
obtenue d’emblée.
ÉCHECS GANGLIONNAIRES (N)
La plupart des échecs ganglionnaires surviennent dans les sites de drainage lymphatique
essentiels de la tumeur primitive. Ce risque doit être pris en compte lors du traitement initial
même en l’absence de toute adénopathie métastatique cliniquement ou radiologiquement
décelable. Pour ce faire, il est possible de proposer une chirurgie d’évidement ganglionnaire
ou surtout une irradiation externe de principe des aires ganglionnaires cliniquement normales
mais suspectes d’être microscopiquement envahies.
ÉCHECS METASTATIQUES (M)
La survenue d’une extension métastatique constitue la cause majeure d’échec des cancers et
en particulier des tumeurs les plus fréquentes comme les cancers du sein ou du poumon. Les
tumeurs indifférenciées ou anaplasiques sont particulièrement métastatiques, ainsi que les
mélanomes malins, les sarcomes de l’os ou des parties molles, les choriocarcinomes et les
cancers ovariens. Deux notions sont importantes:
– les métastases arrivent au seuil de détection clinique à partir de localisations métastatiques,
présentes au jour du diagnostic, mais alors indétectables;
– même si, lors d’une extension métastatique, le nombre d’organes susceptibles d’être
concernés peut être important, la connaissance du site le plus souvent atteint peut conditionner
une stratégie thérapeutique préventive de principe.
Schéma théorique de l’évolution d’une tumeur maligne traitée.
122
Sept 2008/HR/mn
La guérison correspond au franchissement de l’axe des abscisses par la courbe en trait plein
simulant l’évolution du volume tumoral. Cette situation biologique est cliniquement
imperceptible et de ce fait ne peut être confirmée qu’après un délai post-thérapeutique
suffisant au cours duquel aucun fait tumoral n’aura été constaté. La guérison est donc une
notion relative et rétrospective, dont la réalité est d’autant plus probable que le délai postthérapeutique est long.
COMBINAISONS T, N ET M
La plupart des attitudes thérapeutiques prennent en compte chaque fois que cela est possible
les trois types de risque d’échec précédents. Ainsi, si la chirurgie et la radiothérapie
s’adressent essentiellement à la tumeur (T) et aux aires ganglionnaires (N), la chimiothérapie
par voie générale est essentiellement dirigée contre le risque (M) tout en participant au
contrôle du T et du N dans certaines indications. Par ailleurs, après traitement général, la
chirurgie et/ou la radiothérapie peuvent conclure localement le traitement d’une maladie
localement avancée voire métastatique mais chimiosensible.
PRINCIPES GENERAUX DE SUIVI
POSTHERAPEUTIQUE
Le suivi des patients traités pour cancer est une évidence médicale pour beaucoup et en
particulier pour les patients eux-mêmes. Cependant, le contenu précis et les modalités
pratiques méritent d’être examinés à la lumière de leurs objectifs réels et du bénéfice que
peuvent effectivement en retirer les patients concernés.
Objectifs généraux
o Suivi médical: l’observation au fil du temps de la maladie traitée; répondre aux
inquiétudes et angoisse des patients
o Suivi médico-social : la réalité de la réinsertion et de l’éventuelle réhabilitation de
l’individu;
123
Sept 2008/HR/mn
o Suivi médico-scientifique : valorisation les informations diagnostiques et
thérapeutiques contenues dans l’observation d’un patient traité pour cancer afin d’en
faire bénéficier les autres patients;
o Suivi médico-économique : évaluation du bien fondé de l’affectation des moyens
nécessaires à la prise en charge médicale d’un individu au sein d’une masse globale de
ressources déterminée par la société.
La qualité du suivi d’un patient est liée à la prise en compte globale de ces différents aspects.
Suivi médical
Certaines maladies tumorales offrent des chances réelles de guérison définitive après un
nouveau traitement pour récidive ou métastases.
o Tumeurs germinales testiculaires ou ovariennes,
o Choriocarcinome placentaire;
o Tumeurs de l’enfant: néphroblastome, tumeurs germinales,..
o Lymphomes malins (concept métastatique est particulier)
o Cancers thyroïdiens bien différenciés.
Il s’agit dans tous les cas de tumeurs relativement rares, non épithéliales pour la plupart, pour
lequel un suivi très attentif faisant régulièrement appel à des examens complémentaires
biologiques et radiologiques est amplement justifié..
Dans les autres cas, plusieurs questions se posent lors du suivi d’un patient traité pour cancer
Question: utilité du suivi orienté vers le
diagnostic précoce d’une situation
métastatique en dehors des exceptions
précédentes ?
Deux attitudes sont possibles
o L’attente de la survenue éventuelle d’un symptôme dont l’exploration débouche sur le
diagnostic de métastase de la maladie initiale;
o La réalisation d’examens complémentaires divers dont la pratique en situation
asymptomatique vise à anticiper le diagnostic métastatique (dosage de marqueurs
tumoraux, examens d’imagerie).
Il n’y a pas de preuve définitive de la supériorité de telle ou telle attitude, mais
o Le traitement (chimiothérapie, hormonothérapie) d’une maladie métastatique
asymptomatique = risque d’apparition d’une résistance cellulaire (réduction
d’efficacité en phase de nécessité symptomatique);
o Les effets secondaires des traitements spécifiques (chimiothérapie) = seuls symptômes
cliniques;
o Le bénéfice éventuel du traitement spécifique actif prescrit en phase asymptomatique
ne peut alors être apprécié que sur des arguments paracliniques, difficiles à maîtriser
par le patient lui-même ce qui fragilise souvent son adhésion au programme
thérapeutique;
o La décision de traitement oblige à l’annonce diagnostique préalable ; cette annonce
constitue la perspective d’une issue fatale quasi certaine entraînant un inconfort
psychologique majeur à mettre en balance avec le bénéfice thérapeutique réel apporté
par le traitement.
Il faut cependant se souvenir qu’un traitement médicamenteux spécifique prescrit lors d’une
maladie métastatique minimale a plus de chances d’être efficace que lors d’une maladie
124
Sept 2008/HR/mn
avérée symptomatique comme le prouvent les résultats des traitements dits « adjuvants » lors
de la phase initiale de traitement pour certaines situations pathologiques limitées de cancers
mammaires ou de cancers colo-rectaux.
En matière de sénologie, par exemple, il n’a pas été démontré que le diagnostic précoce des
rechutes apportait un bénéfice en terme de survie, en dehors des rechutes locorégionales et des
localisations du sein controlatéral : c’est pourquoi le suivi d’un cancer du sein repose
essentiellement sur la clinique et la mammographie. En ce qui concerne le cancer du colon, un
traitement précoce des métastases augmentent la qualité de vie et la survie, c’est pourquoi, les
SOR (Standards, Options et Recommandations) préconisent la réalisation d’une échographie
hépatique trimestrielle dans les 3 premières années de suivi.
En synthèse, la recherche systématique d’une extension métastatique infraclinique pour toute
pathologie tumorale maligne traitée, n’est pas une attitude recommandée en standard.
Elle doit être réservée, et alors sans ambiguïté, aux maladies curables en phase métastatique et
soigneusement réfléchie dans les autres cas, en particulier chez l’adulte.
Question: utilité du suivi orienté vers le
diagnostic précoce d’une récidive locale ou
loco-régionale isolée?
Il existe deux situations différentes
o La récidive survenant après traitement initial « radical » qui laisse peu de possibilités
techniques de recours
o La récidive survenant après une thérapeutique dite « conservatrice ». qui permet elle
d’envisager le traitement radical initialement non réalisé
De ce fait, le suivi des traitements conservateurs doit être particulièrement attentif, à la
recherche de signes précoces de récidive locale:
o Cancers mammaires, par l’examen clinique, la mammographie régulière, l’abord
cytologique et/ou biopsique au moindre doute;
o Cancers colorectaux, par l’endoscopie régulière et l’examen des anastomoses;
o Cancers laryngés, cancers vésicaux par l’endoscopie itérative.
Par contre, après traitement initial radical, le diagnostic précoce, en phase asymptomatique,
d’une récidive ne débouche que très rarement sur une proposition thérapeutique couronnée de
succès. Il en est ainsi des
o Récidives pelviennes après amputation abdominopérinéale pour cancer rectal, après
cystectomie totale pour cancer vésical ou association radiochirurgicale pour cancer
utérin.
o Récidives après pharyngolaryngectomie totale ou chirurgie oropharyngée large.
Question : Que faire lors de la survenue de
symptômes au décours du suivi d’un patient
traité pour cancer ?
L’apparition de symptômes cliniques lors du suivi d’une néoplasie traitée fait naturellement
redouter, en particulier par le patient, un fait nouveau tumoral.
Si dans beaucoup de cas, les faits symptomatiques sont liés à des faits nouveaux tumoraux, il
ne s’agit pas d’une règle intangible dans la mesure où les symptômes peuvent être liés
o A la survenue de pathologies intercurrentes,
o Aux effets secondaires de traitements
125
Sept 2008/HR/mn
La décision de nouveau traitement spécifique ne peut être prise que devant l’évidence certaine
d’une évolution tumorale dont le caractère symptomatique justifie alors à lui seul la
prescription.
Cette certitude diagnostique peut parfois être difficile à obtenir pouvant conduire, en
particulier dans les syndromes monométastatiques, à des gestes diagnostiques invasifs
(biopsie dirigée per-radiologique voire biopsie chirurgicale, osseuse, pulmonaire, hépatique,
parfois cérébrale).
Question : le diagnostic précoce d’éventuels
seconds cancers est-il toujours utile ?
Le suivi médical d’un patient traité pour cancer ne doit pas faire abandonner les règles
médicales générales de diagnostic précoce des autres cancers, en particulier si leur risque de
survenue est augmenté par l’antécédent néoplasique lui-même :
o Cancers mammaires controlatéraux;
o Cancers colo-rectaux successifs;
o Cancers O.R.L. successifs, mais aussi oesophagiens ou bronchiques ( = cancers
épidémiologiquement liés);
o Cancers cutanés multiples,
La mise en évidence d’une susceptibilité génétique aux cancers multiples (sein, ovaire,
colon,...) est aujourd’hui possible
o Pour le patient lui-même
o Pour sa famille
Les patients traités pour cancer doivent également bénéficier, en dehors de tout lien
épidémiologique, des conseils et des stratégies de prévention et de diagnostic précoce
habituellement proposés à la population générale. Par exemple, le suivi d’un cancer O.R.L. ne
dispense pas d’un toucher rectal, la surveillance d’un adénocarcinome parotidien chez la
femme d’une mammographie régulière.
IL ne faut pas non plus oublier que chez le patient traité pour cancer peuvent survenir des
seconds cancers non pas épidémiologiquement liés mais iatrogènes(exemples : leucémies
secondaires chimio-induites, cancers de la thyroïde etc..)
Suivi médico-social
Le retentissement du diagnostic et du traitement d’un cancer peut être
o Personnel, physique et/ou psychologique,
o Familial,
o Professionnel,
o Financier,
o Social.
Le suivi après traitement devra faciliter l’approche et la prise en compte de ces effets
secondaires souvent sous-estimés. En sachant que pour beaucoup d’entre eux, la meilleure
attitude est préventive ce qui suppose une démarche initiale de « diagnostic médico-social ».
Réhabilitation physique
La prévention ou la correction des effets indésirables ou des séquelles liés à la maladie et à
son traitement doivent être intégrées à la prise en charge initiale:
o Rééducation scapulobrachiale des opérés du cou ou du sein;
o Réparation mammaire après chirurgie complète;
o Rééducation vocale après laryngectomie, prothèse phonatoire;
126
Sept 2008/HR/mn
o Prévention des effets dentaires de l’irradiation salivaire;
o Rééducation des troubles de la mastication et/ou de la déglutition après chirurgie
buccopharyngée;
o Conservation de sperme avant traitement stérilisant;
o Apprentissage des irrigations coliques après colostomie définitive;
o Prescription d’un traitement hormonal substitutif après castration ou ménopause
induite, sauf contre indications;
o Correction des troubles fonctionnels pelviens, y compris sexuels, après traitement
régional;
o Ecoute et la prise en charge des difficultés psychologiques, parfois aggravées par une
ou plusieurs des difficultés précédentes.
Il s’agit d’une démarche largement polydisciplinaire, intimement liée à l’équipe soignante
initiale, avec l’aide des associations d’anciens malades.
Réinsertion
L’insertion du patient dans son cadre habituel de vie n’est pas toujours maintenue après
l’épisode cancérologique
o Soit pour des raisons physiques mal ou insuffisamment compensées par les techniques
de réhabilitation,
o Soit pour des raisons sociales: perte de confiance de l’environnement du patient en son
avenir: employeur, services sociaux, assurances, ...
o Soit les deux (fréquent)
Spontanément, tout pousse à ce que le patient soit exclu ou s’exclut de lui-même de la vie
socioprofessionnelle: congés prolongés, invalidité, refus d’assurance ou d’embauche, etc...
Seule une attention maintenue de son environnement soignant, avec l’aide du médecin traitant
et des travailleurs sociaux, pourra lui éviter des déconvenues inutiles:
o Arrêt de travail inutilement prolongé pouvant conduire au licenciement;
o Mise en invalidité précipitée;
o Refus d’assurance pour prêt bancaire sans raison médicale explicite;
o Entrave à l’embauche, dans le secteur privé comme dans le secteur public;
o etc...
Comme précédemment, le diagnostic médico-social initial et les consultations de suivi,
permettront aux intervenants de proposer au patient une aide à la fois psychologique et
technique souvent déterminante.
Il est cependant nécessaire que l’ensemble des professionnels qui interviennent lors du suivi
d’un patient traité pour cancer ait une connaissance suffisante des éventualités possibles et des
solutions adaptées.
Suivi médico-sientifique
L’objectif du suivi médico-scientifique est de faire en sorte que les données issues du
diagnostic, du traitement et du suivi de la pathologie tumorale d’un patient donné puissent
enrichir la connaissance générale et ainsi profiter à la prise en charge des patients à venir.
Ce suivi est très codifié dans le cadre des essais cliniques contrôlés (minorité de patients),
mais il est également nécessaire dans tous les autres cas. Les structures de soins spécialisées
ont une longue habitude de cette observation médico-scientifique prolongée, mais elle reste
encore trop isolée.
Aujourd’hui, le développement de réseaux coordonnés de soins cancérologiques avec
constitution de dossiers médicaux communs devrait favoriser un suivi médico-scientifique
exhaustif et prolongé.
127
Sept 2008/HR/mn
Suivi médico-économique
L’évaluation de la performance réelle des moyens engagés pour la prise en charge des patients
porteurs de cancer rend nécessaire la réalisation d’études médico-économiques qui obligent à
une connaissance documentée de l’avenir des patients après telle ou telle procédure,
diagnostique ou thérapeutique,
Cet élément du suivi des patients traités pour cancer est relativement récent au sein du suivi
médical en cancérologie en raison du développement actuel rapide de techniques très
onéreuses rendant indispensables des choix médico-économiques stratégiques
Conclusion
Le suivi des patients traités pour cancer n’est pas exclusivement occupé par la surveillance de
la seule maladie initiale, même si il s’agit naturellement de la préoccupation majeure, en
particulier pour le patient.
En fait, le suivi ouvre un vaste champ d’attentions et de décisions médicales, mais aussi
sociales, scientifiques et économiques,
Le suivi est une partie décisive de la prise en charge des patients y compris pour ceux qui ne
présenteront plus jamais de faits nouveaux tumoraux parce qu’ils auront été guéris.
MÉTASTASES ET MALADIE
MÉTASTATIQUE
La caractéristique essentielle de l’évolution d’une tumeur maligne est sa capacité potentielle à
être à l’origine d’une dissémination cellulaire à distance du site initial. Cette éventualité,
éminemment variable suivant le type, le siège et le volume des tumeurs, concerne cependant
128
Sept 2008/HR/mn
environ 50% des patients, soit d’emblée, soit au cours de la période post-thérapeutique
initiale.
ÉPIDÉMIOLOGIE ET ÉTIOLOGIE
Les organes sièges de localisations métastatiques sont essentiellement les os, les poumons, le
cerveau et le foie.
Localisations métastatiques les plus fréquentes en fonction du site tumoral primitif
Tumeur primitive
Localisations métastatiques les
plus fréquentes
Adénocarcinome rénal
Poumon, os
Adénocarcinomes digestifs
Foie, poumon
Adénocarcinome prostatique Os
Carcinome anaplasique
Cerveau, foie, moelle osseuse,
pulmonaire
surrénale
Mélanome cutané
Foie, cerveau, poumon
Neuroblastome
Foie
Adénocarcinome mammaire Os, cerveau, poumon, foie,
surrénale
Adénocarcinome thyroïdien Os, poumon
différencié
Chaque pathologie tumorale présente cependant en fonction de sa nature histologique et de
son siège anatomique un risque métastatique particulier pour tel ou tel organe “cible”. Ainsi,
les cancers développés à partir de glandes endocrines (prostate, thyroïde) ou apparentées
(sein, rein) présentent un risque élevé de métastases osseuses. Les cancers digestifs ont
naturellement un risque prééminent de localisations secondaires hépatiques. Les cancers du
poumon ou du sein sont responsables de localisations fréquemment osseuses, cérébrales et
hépatiques.
Toutefois, les routes vasculaires sanguines et lymphatiques sont largement interconnectées,
l’atteinte de l’une n’étant pas exclusive de l’autre. Ainsi, l’extension ganglionnaire peut être
considérée comme un indicateur du risque métastatique hématogène, le prélèvement
chirurgical des aires ganglionnaires de drainage d’une tumeur primitive ayant parfois pour
seul but de situer le risque métastatique en l’absence de signes évidents de métastases (cancer
du sein et évidement axillaire par exemple).
ÉTAPES DE L’EXTENSION MÉTASTATIQUE
La constitution d’une extension métastatique, lymphatique ou sanguine, est un processus
biologique complexe faisant appel à une succession d’étapes, toutes n’étant pas parfaitement
connues.
Invasion
La première étape est constituée par l’invasion tumorale, propriété caractéristique des
populations néoplasiques malignes qui sont capables d’infiltrer les barrières naturelles et les
parois vasculaires, essentiellement grâce à l’action d’enzymes protéolytiques qu’elles
sécrètent elles-mêmes ou dont elles provoquent la sécrétion par le tissu sain environnant.
Ces enzymes favorisant l’invasion tumorale sont activées par des médiateurs chimiques
cellulaires et rentrent souvent en jeu dans les mécanismes biologiques de la coagulation
sanguine avec laquelle les mécanismes métastatiques entretiennent des rapports étroits, aussi
129
Sept 2008/HR/mn
bien lors de l’invasion tumorale locale que lors de l’arrêt des cellules tumorales dans les
organes cibles.
L’invasion locale est le fruit de plusieurs autres phénomènes expérimentalement bien connus
comme l’augmentation de la pression intratumorale, l’augmentation de la motilité cellulaire
avec perte de la cohésion intercellulaire.
Extension intravasculaire
L’extension cellulaire intravasculaire a pu être expérimentalement quantifiée, voisine de 3 à 4
x104 cellules/g de tumeur/24 H. Cette perte cellulaire est en fait très variable suivant les
tumeurs (5 à 50%), pouvant aller jusqu’à la diminution de volume des tumeurs primitives.
Le passage intravasculaire des cellules tumorales entraîne une très grande perte cellulaire,
mais seule une très faible proportion est susceptible d’entraîner la formation de métastases.
Cette destruction cellulaire est d’origine mécanique mais surtout immunologique, les
caractéristiques d’antigénicité tumorale étant déterminantes. Ainsi, si une tumeur est
fortement antigénique, les possibilités métastatiques restent faibles, même s’il existe une
invasion vasculaire. Par contre, si une tumeur est faiblement antigénique, ses possibilités
métastatiques sont logiquement importantes.
Dans tous les cas, le processus métastatique présente un rendement très faible. Ainsi, on
7
9
a pu évaluer à 10 à 10 par jour le nombre de cellules tumorales présentes dans la veine
6
rénale d’un patient porteur d’un adénocarcinome rénal ou, expérimentalement, à 10
cellules par jour les cellules tumorales dans la veine efférente d’un carcinome ovarien de
la rate. Ces chiffres sont bien supérieurs à la fréquence réelle des localisations
métastatiques, montrant que le processus a un rendement très faible estimé
expérimentalement à moins de 1% lors de l’injection IV de cellules tumorales autologues
chez les muridés.
Formation des métastases
La phase décisive de la survenue de métastases est représentée par l’arrêt cellulaire dans la
vascularisation d’un organe cible. L’essentiel du phénomène est résumé par la création d’un
amalgame entre les cellules tumorales et les éléments constitutifs de l’hémostase (fibrine,
plaquettes) avant la migration transendothéliale des cellules tumorales vers le parenchyme
adjacent.
Étapes et mécanismes probables de la cascade métastatique
Étapes
Initiation tumorale
Promotion et progression
Prolifération incontrôlée
Angiogénèse
Invasion locale des tissus, des
vaisseaux sanguins et
lymphatiques
Mécanismes probables
Agression carcinogénétique, activation oncogénique (H-ras, Nmyc), réarrangement chromosomique
Instabilité génétique, amplification génique, action des gènes
promoteurs associés et des hormones
Facteurs de croissance autocrines, récepteurs aux hormones de
l’hôte (œstrogènes)
Multiples facteurs angiogénétiques comprenant des facteurs de
croissance connus
Attraction chimique sérique, facteurs autocrines de mobilité,
récepteurs de liaison, dégradation enzymatique
130
Sept 2008/HR/mn
Circulation cellulaire tumorale,
arrêt et extravasation
adhérence à l’endothélium
rétraction de l’endothélium
adhésion à la membrane basale
dissolution de la membrane
basale
locomotion
Formation de colonies dans le
site secondaire
Libération des mécanismes de
défense de l’hôte et résistance au
traitement
Agrégation homotypique ou hétérotypique des cellules tumorales
Interaction entre les cellules tumorales et la fibrine, les plaquettes
et les facteurs de la coagulation, adhésion aux récepteurs de type
RGD
Facteurs plaquettaires, facteurs tumoraux
Récepteurs membranaires cellulaires à la laminine et à la
thrombospondine
Protéases, collagénase type IV, héparanase, cathepsines
Facteurs autocrines de motilité, facteurs de chimiotactisme
Récepteurs cellulaires pour les facteurs de croissance du tissu hôte,
facteurs d’angiogénèse
Résistance aux macrophages, aux cellules NK et T activées,
répression de l’expression des antigènes tumoraux, amplification
des gènes de la “multi-drug resistance” (MDR)
Expérimentalement, les médicaments anticoagulants sont susceptibles de diminuer la
fréquence de la constitution métastatique pour un nombre constant de cellules tumorales
injectées.
Enfin l’installation et la pénétration des cellules tumorales dans le tissu-hôte sont facilitées par
les mouvements cellulaires pseudo-amibiens ou actifs et la création d’une néovascularisation
d’emprunt. Bon nombre de cellules tumorales sont susceptibles de créer alors leur propre
réseau vasculaire par la sécrétion d’un “Tumoral Angiogenesis Factor” (TAF).
L’ensemble des phénomènes de formation métastatique pose le problème de l’existence de
mécanismes passifs mécaniques et/ou de mécanismes actifs, les cellules tumorales
“choisissant” de façon sélective l’organe siège de la métastase.
Les conséquences du drainage lymphoveineux anatomique sur la topographie métastatique
sont claires et bien connues. Il faut cependant noter que les shunts lymphoveineux sont fort
nombreux expliquant que l’extension ganglionnaire tumorale, bien qu’initiale, soit souvent un
index prédictif de la dissémination hématogène. Par ailleurs, certaines particularités
anatomiques, comme le réseau veineux prévertébral à basse pression, explique des
topographies métastatiques électives, les localisations osseuses vertébrales du cancer
prostatique, par exemple.
TROPISME MÉTASTATIQUE
L’hypothèse d’une sélection biologique dans l’apparition des métastases est hautement
probable, fortement suggérée par de multiples données expérimentales. Ainsi, les cellules de
métastases pulmonaires de tumeurs expérimentales, une fois excisées et ré-injectées,
augmentent leurs capacités à faire naître des colonies pulmonaires au fil des excisions et des
ré-injections. Le tropisme organique de la dissémination métastatique est différent d’un type
tumoral à l’autre et fait à l’heure actuelle l’objet d’hypothèses:
o Dissémination homogène dans tous les organes, mais développement uniquement dans
certains sous l’influence de facteurs de croissance ou d’hormones, présents dans les
organes cibles préférentiels;
o Adhésion préférentielle des cellules tumorales circulantes sur la surface endothéliale
de l’organe cible (suppose des déterminants cellulaires spécifiques de l’endothélium
en question);
o Cellules tumorales sensibles à un chimiotactisme exercé par des substances solubles
diffusant hors de l’organe cible et capable de favoriser l’agrégation cellulaire et son
embolisation dans cet organe cible.
131
Sept 2008/HR/mn
L’étude des différentes populations cellulaires constitutives d’une tumeur montre qu’il existe
des différences génotypiques plus ou moins marquées qui feraient que seule une partie de la
population tumorale a les capacités de devenir métastatique. Par ailleurs, l’état de réactivité
immunologique de l’hôte influence fortement les possibilités métastatiques, les tumeurs
survenant chez les patients en état de déficit immunitaire étant en règle plus agressives et plus
rapidement métastatiques (sida par exemple).
Les différents traitements cancérologiques ont tous étés suspectés de faciliter la dissémination
métastatique:
o La chirurgie lors de la manipulation tumorale,
o La radiothérapie par suppression du tissu lymphoïde,
o La chimiothérapie par immunosuppression chronique.
Il n’a jamais été apporté la preuve de ces hypothèses y compris pour ce qui est des techniques
de cytoponction diagnostique initiale.
DÉTECTION ET DIAGNOSTIC
La connaissance des voies anatomiques de dissémination et des tropismes particuliers de
chaque type tumoral permet de focaliser l’attention diagnostique sur des organes cibles
privilégiés.
La survenue clinique d’une extension métastatique constitue un élément déterminant du
pronostic d’une affection néoplasique, synonyme de létalité à terme dans la plupart des cas.
Cependant, leur existence biologique est bien antérieure à leur diagnostic, puisque, hormis
celles qui peuvent être nées d’une récidive locale de la tumeur primitive, elles existent le jour
du diagnostic de la maladie initiale.
Toutefois la recherche systématique de métastases occultes accompagnant une tumeur
apparemment isolée constitue un objectif malheureusement rarement atteint compte tenu de
l’absence de moyens efficaces pour faire le diagnostic d’agrégats cellulaires métastatiques qui
ne deviendront que secondairement accessibles aux moyens de détection diagnostique. Seules
les maladies s’accompagnant d’une perturbation biologique spécifique (marqueurs tumoraux)
peuvent faire l’objet d’une évaluation plus performante, en remarquant cependant qu’il est
alors impossible de topographier le lieu de l’extension métastatique et donc de proposer un
traitement autre qu’une thérapeutique générale.
Ainsi, la connaissance du risque métastatique statistique à partir d’une situation locale ou
locorégionale donnée remplacera le plus souvent la mise en évidence objective des métastases
redoutées. Il existe par contre de nombreux moyens de mise en évidence des localisations
métastatiques patentes.
Dans tous les cas, l’opiniâtreté de la recherche de localisations métastatiques doit être mise en
regard des possibilités thérapeutiques curatives si le syndrome métastatique est avéré: seules
certaines pathologies relativement rares (tumeurs testiculaires, lymphomes malins, certaines
tumeurs de l’enfant, par exemple) restent curables en phase de dissémination métastatique.
Métastases pulmonaires
Elles sont parmi les éventualités métastatiques les plus fréquentes, peut-être en partie parce
que les poumons sont d’exploration iconographique facile, mais surtout parce qu’ils
constituent un filtre capillaire efficace.
Les clichés pulmonaires standards de face et éventuellement de profil peuvent faire le
diagnostic de localisations métastatiques de l’ordre du centimètre à condition qu’elles soient
suffisamment éloignées des régions médiastino-hilaires où le seuil de perception augmente.
Les tomographies pulmonaires et surtout la tomodensitométrie thoracique avec produit de
contraste et “fenêtres” parenchymateuses limitent le seuil de perception à moins de 0,5 cm.
Cependant, plus le seuil de perception radiologique diminue, plus le nombre de faux positifs
132
Sept 2008/HR/mn
augmente obligeant à une grande prudence d’interprétation. L’exploration radiologique fine
systématique des plages pulmonaires est utile dans l’évaluation initiale de maladies à très haut
risque de localisations pulmonaires secondaires: tumeurs testiculaires, sarcomes des os ou des
parties molles, tumeurs du rein, mélanomes.
La bronchoscopie avec aspiration et biopsies systématiques des éperons bronchiques permet
souvent d’apporter un diagnostic indirect des localisations associées aux nodules ronds vus
sur les clichés et souvent trop distaux pour être directement accessibles lors de l’endoscopie.
Le diagnostic de nature d’un nodule pulmonaire isolé peut bénéficier d’une cytoponction
transbronchique ou surtout transpariétale directe à l’aiguille fine lors d’une
tomodensitométrie. Plus récemment l’utilisation du PET scan a amélioré la spécificité
diagnostique des nodules pulmonaires isolés.
Métastases osseuses
Les séries autopsiques montrent environ 30% de localisations osseuses réparties entre les
vertèbres, 69%, le pelvis, 41%, le fémur (tête), 25%, le crâne, 14%.
L’origine des tumeurs donnant des métastases osseuses est par ordre de fréquence
décroissante: le sein, 70%, le poumon, 33%, le rein, 24%, le rectum, 13%, le pancréas, 13%,
l’estomac, 11%, le côlon, 10%, l’ovaire 9%.
Le mécanisme d’apparition des métastases osseuses est complexe, mais il semble acquis que
le développement initial des localisations secondaires se fasse dans la moelle rouge de l’os qui
présente un lacis capillaire très riche propice à l’arrêt et au développement des cellules
néoplasiques. D’autres mécanismes faisant appel à des phénomènes de chimiotactisme parfois
hormonodépendants concourent au développement des métastases et à la destruction osseuse
caractéristique.
La scintigraphie osseuse aux polyphosphates marqués par le technétium 99m, constitue la
méthode la plus sensible dans la recherche de localisations osseuses métastatiques. Il faut
cependant remarquer que l’isotope ne se fixe que sur les ostéoblastes normaux et pas sur les
cellules tumorales métastatiques, seules les métastases responsables d’une réaction
ostéoblastique normale étant capables de créer une hyperfixation scintigraphique détectable.
Les anomalies scintigraphiques sont en règle générale précessives des anomalies
radiologiques (environ 6 mois). Cependant, de nombreuses pathologiques osseuses non
tumorales sont responsables d’hyperfixations scintigraphiques: maladies métaboliques,
traumatismes, infections et maladies rhumatismales inflammatoires ou dégénératives
bénignes. Ceci entraîne un taux élevé de faux positifs justifiant un examen initial de référence
dans les cancers ostéophiles (sein, prostate, thyroïde).
Les radiographies osseuses ne sont vraiment utiles que focalisées sur les anomalies
scintigraphiques précédentes. Si les anomalies radiologiques sont plus tardives que les
hyperfixations scintigraphiques, elles sont cependant plus spécifiques de localisations
métastatiques. La confrontation des scintigraphies et des clichés centrés améliore
considérablement la performance diagnostique de chacune des techniques, éventuellement
complétées par la TDM montrant des modifications tumorales endo-osseuses.
La biopsie osseuse peut être utile, dirigée sur les anomalies précédentes, réalisée soit par
méthode transcutanée soit par abord chirurgical. C’est le seul moyen de trancher entre
pathologie tumorale et maladie bénigne, en particulier en cas d’anomalie osseuse unique.
Métastases hépatiques
Les modifications des tests biologiques hépatiques sont tardives, témoignant de métastases
nombreuses et/ou volumineuses (LDH, phosphatases alcalines, gammaglutamyltransférase).
L’échographie hépatique constitue l’examen d’imagerie essentiel. En effet, son innocuité et sa
133
Sept 2008/HR/mn
sensibilité en font l’exploration de base, rendant inutile la réalisation d’autres examens si elle
est normale (tomodensitométrie).
Le seuil de détection est de l’ordre de 2 à 2,5 cm, les diagnostics différentiels étant
représentés essentiellement par les kystes biliaires, les anomalies vasculaires et les foies
cirrhotiques macronodulaires. Le doute nécessite parfois la réalisation d’une ponction
cytologique ou d’une ponction biopsique sous échographie ou sous contrôle laparoscopique.
Par ailleurs, l’IRM peut aider au diagnostic différentiel.
Métastases cérébrales
La tomodensitométrie cérébrale et plus récemment l’IRM, ont remplacé toutes les autres
explorations neuroradiologiques dans ce diagnostic. Quand les anomalies nodulaires
constatées sont multiples, il y a peu d’ambiguïté diagnostique. En cas d’anomalie unique, le
diagnostic d’abcès, d’accident vasculaire ou de tumeur primitive, peut justifier une
angiographie avec éventuellement abord biopsique stéréotaxique ou chirurgical.
Métastases ganglionnaires
L’examen clinique, le cliché pulmonaire, la lymphographie, la tomodensitométrie,
l’échographie permettent de mettre en évidence les adénopathies métastatiques superficielles
et profondes:
o Aires superficielles: examen clinique
o Ganglions médiastinaux: cliché pulmonaire, tomodensitométrie, PET scan
o Ganglions abdominopelviens: lymphographie, tomodensitométrie, PET scan.
La cytoponction soit directe soit sous contrôle radiologique permet souvent une orientation
diagnostique. La biopsie ganglionnaire excisionnelle (lymphomes) ou l’évidement chirurgical
(carcinomes), peut être nécessaire pour l’obtention d’un diagnostic anatomo-pathologique
définitif.
Métastases sans site tumoral primitif
retrouvé
Il s’agit d’une situation représentant 3 à 5% des présentations cancérologiques.
Au niveau ganglionnaire cervical haut et moyen, une histologie épidermoïde est en faveur
d’une néoplasie ORL. À la partie inférieure du cou, la même histologie est en faveur d’une
origine œsophagienne ou bronchique. Par contre, une histologie d’adénocarcinome dans une
adénopathie cervicale basse doit faire évoquer plusieurs origines: thyroïde, estomac, côlon,
pancréas, plus rarement poumon ou ovaire.
Une présentation fréquente est l’existence d’un syndrome métastatique pauci ou pluriviscéral,
siège d’un adénocarcinome dont le primitif ne sera retrouvé que dans 10 à 15% des cas. La
recherche du site tumoral primitif n’a pas d’intérêt thérapeutique ou pronostique déterminant.
Cependant, compte tenu de la spécificité de leur traitement, une attention particulière doit être
portée sur le sein, la prostate et la thyroïde. L’étude histologique d’une localisation
métastatique à l’aide de techniques immunohistochimiques, le dosage des marqueurs
tumoraux sériques voire des récepteurs hormonaux intratumoraux peuvent contribuer à
l’orientation.
134
Sept 2008/HR/mn
Épanchements malins
Les épanchements malins peuvent concerner la plèvre, le péricarde, le péritoine et doivent être
distingués des autres causes d’épanchement: la recherche de cellules malignes dans le liquide
est impérative, les caractéristiques de l’épanchement étant en règle celles d’un exsudat parfois
hémorragique (protéines épanchement/protéines sériques > 0,5, LDH dans l’épanchement >
200 UI).
L’existence de fréquents faux négatifs, conduit à réaliser pour la plèvre et le péritoine, des
biopsies de séreuse sous contrôle de la vue (pleuroscopie, laparoscopie).
Métastases diverses
Métastases cutanées
Elles surviennent le plus souvent au niveau du tronc ou du scalp, généralement à partir de
tumeurs du sein, du poumon, du côlon. Les mélanomes et les lymphomes peuvent également
donner des localisations secondaires cutanées multiples. Enfin, les abords chirurgicaux ou les
lieux de sortie cutanée des drainages peuvent également être le siège de greffes métastatiques
cutanées. Le diagnostic est le plus souvent apporté par la cytologie à l’aiguille ou la biopsie
exérèse sous anesthésie locale.
Métastases oculaires
Habituellement révélées par un scotome avec ou sans baisse de l’acuité visuelle, les
métastases oculaires sont généralement rétiniennes ou périrétiniennes. Les grands
pourvoyeurs sont les cancers du sein et du poumon.
Métastases mammaires, utérines et vaginales
Les lymphomes et les mélanomes peuvent donner des localisations secondaires au niveau de
ces trois organes, pouvant parfois simuler une tumeur primitive. Par contre, les ovaires sont
plus souvent concernés par des greffes métastatiques d’origine colique, mammaire ou utérine.
Cas particulier des cancers thyroïdiens différenciés
Les cancers thyroïdiens différenciés fixent le plus souvent l’iode, l’utilisation de l’I131
constituant alors un test diagnostique de grande valeur dans la recherche de métastases après
thyroïdectomie totale. Ainsi la scintigraphie à l’I131 constitue l’examen diagnostique
essentiel à la condition qu’il ne persiste aucun tissu thyroïdien dans le cou.
Plus récemment, d’autres examens scintigraphiques ont été introduits, en particulier pour les
tumeurs présentant des récepteurs cellulaires à la somatostatine (tumeurs neuro-endocrines). Il
est alors possible de réaliser des explorations scintigraphiques du corps entier susceptibles de
mettre en évidence spécifiquement des localisations métastatiques jusque-là occultes et même
d’envisager un traitement par la même voie en utilisant une molécule spécifique porteuse
d’I131 qui délivrera une irradiation aux seuls sites fixants.
Utilité des marqueurs tumoraux sériques
Le dosage dans le sang circulant et la recherche dans les fragments biopsiques de marqueurs
tumoraux peuvent avoir une grande valeur d’orientation quand le syndrome métastatique est
inaugural de la maladie néoplasique ou quand l’anomalie est isolée et fait discuter son
caractère métastatique dans le suivi post-thérapeutique d’un cancer traité. Certains marqueurs
ont une grande valeur d’orientation diagnostique compte tenu de leur relation étroite avec un
type tumoral donné:
o Sous-unité ß de l’HCG, signe la présence de tissu trophoblastique et donc l’existence
de localisations issues d’une tumeur testiculaire, plus rarement ovarienne ou cérébrale;
o Thyroglobuline dont l’élévation après thyroïdectomie totale et arrêt de la substitution
signifie la persistance de tissu thyroïdien différencié;
135
Sept 2008/HR/mn
Α Fœto-protéine dont la présence lors d’un syndrome métastatique est en faveur soit
d’un hépatocarcinome, soit d’une tumeur germinale testiculaire, plus rarement d’un
cancer gastrique ou colique;
o PSA, dont l’élévation est indépendante de celle des phosphatases acides prostatiques
et en outre nettement plus sensible et fréquente.
D’autres marqueurs ont une valeur d’orientation moins forte, même s’ils procurent une
indication utile: CA 15-3 et cancer du sein, ACE et cancers coliques, mammaires ou
pulmonaires, CA 19-9 et cancers pancréatiques, gastriques ou coliques.
De façon générale, l’utilisation des marqueurs dans le diagnostic d’orientation d’un syndrome
métastatique doit être mise en perspective thérapeutique, les éventualités diagnostiques
débouchant sur un traitement régulièrement performant devant être privilégiées: prostate, sein,
thyroïde, tumeurs dysembryonnaires. Enfin, il est possible de rechercher la présence de
marqueurs sécrétés dans les cellules tumorales directement sur les fragments biopsiques lors
de l’analyse anatomo-pathologique en utilisant des anticorps monoclonaux spécifiques.
o
PRINCIPES DE TRAITEMENT
L’existence d’une extension métastatique est le témoin d’une évolution létale à terme dans
l’immense majorité des tumeurs solides de l’adulte. Les exceptions à cette règle sont
représentées pour l’essentiel par les tumeurs dysembryonnaires testiculaires, les lymphomes
malins, les formes différenciées paucimétastatiques (pulmonaires surtout) d’adénocarcinomes
thyroïdiens et certains cancers de l’enfant.
Autant le traitement d’une tumeur primitive en phase de curabilité potentielle doit obéir à des
attitudes thérapeutiques codifiées précises, autant l’approche thérapeutique d’une maladie
métastatique est très fréquemment individualisée. Par ailleurs, le temps écoulé entre le
traitement de la maladie primitive, quand elle est précessive, et l’apparition du syndrome
métastatique est d’une appréciation capitale pour le choix thérapeutique ainsi que le caractère
diffus ou limité voire solitaire de l’extension secondaire.
Prise en charge médicale générale
Un certain nombre de symptômes sont communs à la plupart des syndromes métastatiques en
particulier quand ils sont diffus: syndrome douloureux, syndrome cachectique, nausées et
vomissements, anémie, infection méritent tous correction symptomatique avant tout
traitement spécifique.
L’existence de ces signes traduit souvent une diffusion et une évolutivité importantes de la
maladie métastatique pouvant influencer l’ambition thérapeutique. En outre, il existe très
fréquemment des troubles psychologiques importants à type d’anxiété, de dépression et
d’insomnie, nécessitant un effort relationnel particulier aidé de prescriptions symptomatiques
si besoin. Un élément majeur est représenté par l’incertitude sur l’avenir perçue par le patient
et son entourage. Il est certainement aussi maladroit d’asséner un pronostic fatal que
d’entretenir des perspectives irréalistes. Il faut se souvenir que le patient et sa famille
procéderont par étapes, éventuellement asynchrones, dans leur tentative d’adaptation
progressive à l’idée d’une issue fatale. Il sera donc nécessaire de répéter les conversations,
idéalement en présence d’un membre de la famille proche pour éviter les discordances
informatives. Cependant, il est nécessaire de rappeler que le dialogue le plus important est
avec le malade lui-même et non pas avec son entourage.
136
Sept 2008/HR/mn
Traitement des localisations spécifiques
Métastases cérébrales
La plupart des métastases cérébrales des tumeurs épithéliales (sein, poumon) sont multiples,
bilatérales et rapidement évolutives. Au-delà du traitement de l’œdème cérébral fréquent, le
traitement spécifique de choix est l’irradiation externe de l’ensemble de l’encéphale à des
doses de l’ordre de 20 Gy en une semaine à 30 Gy en deux semaines et 10 fractions, sous
couvert d’un traitement anti-œdémateux. La chimiothérapie par voie générale est peu efficace
dans cette situation. Le pronostic dépend en grande partie de l’importance de la diffusion
métastatique extracérébrale, la durée médiane de survie étant de l’ordre de 3 à 6 mois.
Dans certains cas, le syndrome métastatique se résume à une seule localisation radiovisible.
S’il n’existe pas de syndrome métastatique général majeur et si a fortiori le délai avec le
primotraitement est long (plusieurs années), la chirurgie ou la radiochirurgie quand elle est
techniquement possible est le traitement de choix. Elle doit être suivie d’une irradiation
postopératoire du site tumoral en évitant l’irradiation cérébrale totale. Dans ces conditions
particulières, la survie, largement fonction du type de néoplasie, peut atteindre plusieurs
années.
Métastases osseuses
La douleur est le syndrome inaugural habituel et doit être calmée par un traitement antalgique
adapté et une irradiation localisée à la zone osseuse lésée délivrant des doses allant de 20 Gy
en une semaine à 30 Gy en deux semaines. Si les os porteurs (fémurs en particulier) sont
concernés avec menace fracturaire, une consolidation prothétique doit être le premier geste
suivie d’une irradiation large de la zone opératoire. La même attitude peut être proposée pour
des localisations vertébrales instables. Dans le cas où il s’agit de la localisation apparemment
unique d’une maladie faiblement évolutive, l’exérèse peut être techniquement à visée
“curative” (vertébrectomie par exemple), suivie d’irradiation. En cas d’ostéose diffuse elle ne
sera que décompressive et consolidatrice simple. De même, l’irradiation sera limitée et à
doses élevées dans le premier cas, “anatomique” et à doses moyennes dans le deuxième.
Chaque fois que possible un traitement médical général sera envisagé:
o Certainement devant un cancer hormonodépendant: adénocarcinome de la prostate
(castration chirurgicale ou chimique), du sein (anti-œstrogènes), de la thyroïde avec
pour cette dernière la possibilité particulière de réaliser une radiothérapie métabolique
spécifique dans le cas de formes différenciées;
o Eventuellement dans les autres cas, sous forme d’une chimiothérapie, largement
fonction du reste de l’extension métastatique et de l’état général du patient.
L’adjonction de biphosphonates à la prise en charge précédente améliore la symptomatologie
et dans certains cas ralentit l’évolutivité du syndrome métastatique osseux. Enfin signalons la
possibilité récente d’effectuer une radiothérapie métabolique osseuse aspécifique par
l’administration générale de strontium 89.
Métastases pulmonaires
La chirurgie n’est envisageable que pour des localisations peu nombreuses, idéalement
unique, classiquement unilatérales, d’un cancer d’évolution lente et par ailleurs localement
guéri sans autre extension métastatique.
Dans tous les autres cas, la chimiothérapie est souvent proposée associée éventuellement à
l’irradiation à visée antalgique et décompressive. Il est très important de souligner que les
localisations pleuropulmonaires des lymphomes, des tumeurs germinales ou du
choriocarcinome placentaire sont souvent curables par chimiothérapie, cette fois selon des
protocoles intensifs.
137
Sept 2008/HR/mn
Métastases hépatiques
Seule la localisation métastatique isolée (à la rigueur moins de quatre localisations, mais dans
un seul lobe) d’un adénocarcinome colo-rectal par ailleurs contrôlé, survenant plusieurs
années après le primotraitement, constitue une bonne indication de chirurgie hépatique pour
localisations secondaires. Dans tous les autres cas, seule la chimiothérapie par voie générale
pourra être proposée comme traitement spécifique, dont le type sera fonction de la maladie
initiale, administrée éventuellement par voie intra-artérielle.
CONCLUSION
L’apparition d’un syndrome métastatique correspond le plus souvent à une impossibilité de
guérison définitive. Il est cependant important de noter que certaines formes tumorales,
malheureusement rares, sont encore curables en phase de dissémination métastatique. Pour les
autres types de cancers, aucune attitude systématique n’est applicable, mais un certain nombre
de grandes règles sont utiles au patient:
o Inutilité de la recherche d’un primitif en cas de métastase inaugurale, si son diagnostic
n’influence pas nettement le choix thérapeutique;
o Inutilité du “bilan” exhaustif de l’ensemble des sites métastatiques possibles quand ils
sont asymptomatiques et sans conséquences sur le traitement immédiat;
o Nécessité de confronter le choix thérapeutique à la symptomatologie actuelle du
patient et à l’espérance de vie raisonnable qu’il présente;
o Privilégier le traitement du symptôme à celui de la maladie quand ils sont différents;
o Accepter de ne pas prescrire de traitement spécifique même devant une maladie
évolutive quand les effets secondaires de ce traitement sont plus importants que les
symptômes actuels de la maladie;
o Intégrer dans la stratégie relationnelle et thérapeutique la notion d’évolutivité de la
maladie, en particulier à travers le délai entre primotraitement et survenue du
syndrome métastatique.
10
PRINCIPES GENERAUX DE LA
PRISE EN CHARGE PALLIATIVE EN
CANCEROLOGIE
La perspective d’une prise en charge palliative s’impose lors de la conjonction de deux
éléments:
o la situation clinique cancérologique du patient ne permet pas d’envisager
raisonnablement une guérison définitive de son affection néoplasique
o La situation clinique globale du patient devrait être probablement améliorée par une
une prise en charge thérapeutique.
Pour ce qui est du premier élément, plusieurs données, souvent intriquées doivent être
considérées:
o La décision d’un traitement palliatif est liée à la maladie néoplasique elle-même dont
le volume local, l’extension à distance ou les deux ne permettent pas d’envisager sa
guérison avec les moyens thérapeutiques disponibles aujourd’hui; par contre, l’état
138
Sept 2008/HR/mn
général du patient est compatible avec la réalisation d’un traitement comportant des
effets secondaires éventuellement marqués.
o La situation palliative est due à la présentation générale du patient qui
indépendamment de la situation tumorale se trouve dans une situation clinique ne
permettant pas la réalisation d’un traitement à visée curative même après mise en
oeuvre de traitements non spécifiques visant à corriger les pathologies associées; par
contre, la situation tumorale peut être par elle-même parfaitement accessible à un
traitement définitif.
o Enfin, les deux situations précédentes peuvent être associées, cumulant une situation
générale critique et une extension tumorale majeure.
Il est clair que les indications thérapeutiques et en l’occurrence varieront considérablement
suivant que le patient se situe dans l’une ou l’autre de ces situations cliniques, susceptibles
d’évoluer est donc de faire réviser l’attitude initiale.
Ensuite, il est nécessaire d’évaluer le bénéfice que peut retirer le patient en situation palliative
d’une thérapeutique, spécifique ou non. De façon générale, la présence d’une
symptomatologie clinique franche est un élément majeur de décision dans la mesure où elle
permet:
o De faire accepter au patient un traitement actif
o D’évaluer l’efficacité de l’irradiation
o De moduler la prescription en fonction de l’objectif soignant.
Plus rarement, un traitement palliatif peut être retenu en l’absence complète de symptômes
o Soit parce qu’il est prévisible qu’ils surviendront à court terme
o Soit parce qu’il s’agit d’un syndrome paucimétastatique d’évolution lente rapprochant
l’objectif thérapeutique de la « curabilité ».
Les effets recherchés par la prise en charge palliative sont:
o L’obtention d’une amélioration nette voire d’une disparition des symptômes
notamment des plus invalidants comme la douleur
o L’amélioration globale du confort de vie permettant la conservation aussi longtemps
que possible de l’autonomie et de la vie sociale relationnelle.
Pour parvenir à ces buts, partagés avec le patient et son entourage, susceptibles d’être revus à
tout moment en fonction de l’évolution clinique et des désirs du patient, les traitements
cancérologiques spécifiques comme les traitements symptomatiques aspécifiques doivent tous
être envisagés.
L’utilisation palliative des moyens
thérapeutiques cancérologiques
spécifiques
A priori aucun traitement cancérologique n’est exclu des possibilités thérapeutiques en phase
palliative. Cependant, les conditions de leur mise en œuvre et les effets secondaires qu’ils
entraînent doivent être mis en balance avec l’importance et la durée des bénéfices attendus.
La chirurgie
Elle peut être dans certaines circonstances le moyen le plus simple et le plus rapide
d’améliorer le confort du patient :
o Réparation orthopédique d’une fracture pathologique d’un os porteur
o Dérivations diverses contournant un obstacle mécanique irréductible : trachéotomie,
gastrostomie ou iléostomie, colostomie, urétérostomie,…
139
Sept 2008/HR/mn
o Exérèse tumorale, mais à la condition qu’elle résolve une symptomatologie majeure :
résection colique évitant ou traitant une occlusion ou une perforation, hystérectomie
d’hémostase, amputation d’un membre non fonctionnel et douloureux,…
La radiothérapie
Elle concerne essentiellement l’irradiation antalgique des localisations osseuses secondaires,
mais aussi celle des récidives tumorales douloureuses.
Irradiation osseuse antalgique
(voir métastases osseuses)
Irradiation des récidives douloureuses
Certaines récidives locales ou locorégionales sont techniquement inaccessibles à une exérèse
chirurgicale et peuvent bénéficier d’une irradiation décompressive : récidives mammaires
pariéto-thoraciques, récidives ganglionnaires cervicales, axillaires ou inguinales, récidives
muqueuses ORL notamment,…
Irradiation décompressive
L’irradiation peut-être utilisée à visée décompressive dans de nombreuses situations
cliniques :
o Compression médiastinale (voir syndrome cave supérieur)
o Compression abdomino-pelvienne viscérale ou ganglionnaire
o Hypertension intracrânienne
o Compression médullaire, optique ou oculaire
Indications palliatives diverses
L’irradiation peut-être utilisée à visée hémostatique (cancers gynécologiques ou vésicaux
évolués, cancers ORL ou bronchiques en évolution locorégionale).
Elle peut également être utilisée à visée cosmétique : nodules de perméation, sarcome de
Kaposi épidémique,…
La chimiothérapie
Elle est la thérapeutique spécifique la plus souvent prescrite en phase palliative dans la
mesure où l’extension métastatique domine souvent la situation clinique.
Sa prescription doit obéir aux même règles générales précédentes c’est çà dire apporter une
amélioration symptomatique durable nettement plus importante que les effets secondaires
qu’elle entraîne. Dans ce cadre, elle ne doit pas être responsable d’accidents toxiques aigus
comme par exemple une neutropénie fébrile.
Par ailleurs, elle ne doit pas conduire à des hospitalisations continues répétées et prolongées,
altérant l’autonomie et la qualité de vie.
Enfin, son efficacité doit être appréciée à la fois sur l’amélioration des symptômes et sur la
diminution objective de cibles tumorales mesurables choisies initialement comme indicateurs
de référence. Cette évaluation attentive conduit dans bon nombre de cas à des propositions
alternes ou à l’arrêt de la chimothérapie.
Le respect de ces conditions d’indications conduit à des choix thérapeutiques particuliers :
o Mono ou bichimiothérapies souvent préférées aux polychimiothérapies référentielles
o Administration par dispositifs implantés alimentés par infuseurs automatiques
portables (« pompes ») améliorant l’autonomie des patients
o Chimiothérapie délivrées à domicile
Etc..
L’hormonothérapie
En raison de ses effets secondaires peu marqués et de sa spécificité, l’hormonothérapie est une
thérapeutique palliative précieuse quand elle est possible. Cependant elle ne concerne que
140
Sept 2008/HR/mn
quelques pathologies (sein, prostate, thyroïde) et son efficacité quand elle existe est toujours
temporaire, 18 mois en moyenne.
Ses effets sont toujours progressifs, nécessitant souvent une prescription symptomatique
initiale associée.
Les moyens thérapeutiques non
spécifiques
Les moyens thérapeutiques non spécifiques utiles en phase palliative sont très nombreux, pour
la plupart médicamenteux mais non exclusivement.
Ils concernent pour l’essentiel :
o Le traitement de la douleur
o Le traitement de l’inflammation et/ou de l’infection
o La nutrition
o Le soutien psychologique, parfois le traitement psychiatrique
Une attention particulière doit être apportée aux symptômes justifiant ces prescriptions non
spécifiques. En effet l’évolution spontanée d’une tumeur maligne et/ou son traitement sont
susceptibles d’entraîner l’apparition de symptômes variés et inconstants dont certains peuvent
avoir par leur persistance une influence néfaste sur la performance soignante globale. Il en est
ainsi de la douleur, de l’asthénie et de la malnutrition pouvant conduire à la dénutrition.
Chacun de ces symptômes est lui-même multiple : la douleur peut-être physique, liée à la
tumeur et/ou à son traitement, aiguë ou chronique, mais aussi psychologique, sociale,
affective, spirituelle…La fatigue elle aussi peut revêtir des formes diverses, être
manifestement liée à un trouble physique objectif, spontané ou induit par les traitements, mais
aussi modulée par la douleur dans l’ensemble de ses formes évoquées plus haut. Malnutrition,
dénutrition peuvent être liées à un trouble mécanique ou fonctionnel patent, mais également
participer des conséquences nutritionnelles des symptômes précédents.
Il est donc possible de constater un cumul potentialisant de ces différents symptômes, l’un
étant susceptible d’entraîner l’apparition des autres. Le diagnostic précoce de ces troubles,
voire l’identification de mesures préventives de leur apparition participe de la bonne pratique
clinique et requiert l’attention de l’ensemble des intervenants auprès du patient quelles que
soient leurs spécialités ou leurs fonctions.
Certains paramètres élémentaires mais néanmoins efficaces doivent permettre à tous d’alerter
et d’agir en conséquence : le poids, le sommeil, l’appétit, l’empathie relationnelle, l’adhésion
aux propositions soignantes, … sont tous des éléments d’observation simple mais de grande
valeur prédictive d’une situation de difficulté plus complexe méritant alors une expertise
technique professionnelle.
141
Sept 2008/HR/mn
Algologie en cancérologie
La douleur est un des symptômes les plus fréquents au cours de l’évolution d’une maladie
néoplasique puisque l’on estime qu’environ un tiers des patients en cours de traitement actif
initial et deux tiers des patients porteurs d’une maladie à un stade avancé présentent à un
moment ou à un autre un syndrome douloureux marqué.
L’évaluation du syndrome douloureux et sa prise en charge globale correcte restent encore
inconstantes, bien qu’au cours des deux dernières décennies un grand nombre d’efforts aient
été faits pour diffuser les procédures et les techniques permettant d’obtenir dans la quasitotalité des cas une sédation efficace et prolongée. En effet, après une évaluation correcte et
avec une technique appropriée, le nombre de syndromes douloureux incontrôlés peut être
considérablement réduit, rendant aujourd’hui inacceptable la pérennisation résignée d’une
situation algique intense et chronique.
Généralités
La douleur est caractérisée par une perception sensorielle et émotionnelle désagréable
associée à un dommage corporel réel ou virtuel, ou décrit comme tel. La douleur est un
phénomène subjectif dont l’évaluation peut être faite à l’aide d’échelles mais qui dépendra
beaucoup de l’attention que le médecin portera au récit douloureux fait par le patient.
Classification des douleurs
La douleur aiguë est le plus souvent associée à une hyperactivité sympathique avec sensation
d’angoisse extrême. Elle est en règle améliorée par la conjonction d’une prescription
temporaire d’analgésiques et par les effets du traitement cancérologique spécifique.
La douleur chronique est d’évaluation et de traitement beaucoup plus complexes. En effet, la
chronicité entraîne une adaptation biologique et clinique au symptôme douloureux, faisant en
particulier disparaître les signes d’hyperactivité sympathique qui accompagnent la douleur
aiguë. Par contre, des attitudes douloureuses variées peuvent être observées comme des
modifications d’expressivité du visage, une altération de la démarche, de la posture et de
l’humeur.
En outre, un syndrome douloureux de cause non cancérologique peut être préexistant et venir
compliquer aussi bien le tableau clinique que la prise en charge.
Les différentes formes cliniques de douleur
Malgré l’existence de nombreuses classifications, la douleur reste avant tout un phénomène
individuel dont le traitement efficace suppose une adaptation personnalisée à chaque patient.
La douleur peut être constante, sans période de rémission et alors redevable d’un traitement
d’administration systématique plutôt que rythmée par l’apparition des symptômes. Cette
stratégie de prescription précessive ou « proactive » plutôt que rétroactive, c’est à dire quand
les symptômes sont présents, est réalisée au mieux par les antalgiques à période d’action
longue voire dans certains cas par la perfusion d’antalgiques.
Cependant, même avec la meilleure stratégie précessive, il est fréquent de constater des accès
douloureux qui doivent être évalués, traités et ensuite anticipés. Ces accès surviennent
spontanément ou plus souvent lors d’activités spécifiques comme l’alimentation, la
défécation, la marche voire la simple relation sociale. Une fois caractérisés, ces accès peuvent
être prévenus en administrant avant la situation déclenchante des analgésiques à action rapide
et courte. Si le patient fait l’objet d’une administration parentérale d’analgésiques (souscutanée, intraveineuse ou épidurale), il est alors facile d’administrer une dose préventive
supplémentaire à des intervalles préétablis par l’étude des facteurs déclenchants.
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Sept 2008/HR/mn
Les patients qui présentent par contre une douleur intermittente et imprévisible posent un tout
autre problème, dans la mesure où la prescription systématique à horaires fixes a de fortes
chances d’être inefficace, l’effet antalgique étant insuffisant lors des phases algiques et les
conséquences sédatives trop marquées au cours des périodes sans douleurs. La prise en charge
de ce type de douleurs est assurée au mieux par la prise rapide d’un analgésique puissant à
action rapide et courte ou, quand la douleur est bien localisée, par un bloc nerveux
topographié en conséquence.
Evaluation de la douleur
L’évaluation de la douleur chez un patient est une démarche aux multiples aspects. Tout
d’abord, l’évaluation ne doit pas porter sur la douleur seule mais aussi sur la personnalité du
patient, son vécu et ses attitudes vis-à-vis de la douleur, sa relation avec son entourage et
d’éventuels antécédents morbides comme un syndrome dépressif, des troubles de la
personnalité ou une habitude de prises médicamenteuses multiples. Une écoute attentive et un
interrogatoire restant discret permettent le plus souvent d’obtenir ces renseignements qui
seront d’une très grande utilité tout au long du traitement, et qui permettront en outre de faire
la part entre l’origine nociceptive et les facteurs surajoutés psychologiques.
La douleur étant un symptôme subjectif, son évaluation quantitative est obligatoirement
fonction de moyens subjectifs. L’outil le plus souvent utilisé est une échelle visuelle
analogique sous forme d’une ligne horizontale graduée de 0 à 10 sur laquelle les patients sont
invités à situer le niveau de la douleur qu’ils ressentent.
Il existe des équivalents modifiés pour les enfants, et dans tous les cas, la répétition de ces
tests tout au long du traitement permet de gommer pour partie les éléments les plus subjectifs
par comparaison des scores.
Un autre moyen d’évaluation est représenté par les questionnaires, le plus connu et le plus
ancien étant celui développé à l’université canadienne de Mac Gill. Depuis, d’autres méthodes
d’évaluation « multidimensionnelle » ont été validées et permettent de proposer une
standardisation relative du traitement algologique.
L’évaluation doit être complétée de tous les éléments objectifs accessibles et en particulier de
toutes les données diagnostiques qui peuvent déboucher sur une décision thérapeutique
précise: topographie claire faisant envisager un bloc, menace de compression médullaire
nécessitant un recours à la chirurgie et/ou à l’irradiation, médications associées faisant
modifier la stratégie algologique, etc.
Enfin, cette évaluation doit être répétée de façon régulière, en particulier après le début du
traitement antalgique pour pouvoir l’adapter sans retard inutile.
Types de douleurs
Douleur somatique
La douleur somatique est le résultat de l’activation des récepteurs nociceptifs dans la peau ou
les organes profonds. La douleur est alors généralement localisée, souvent décrite par les
patients comme un rongement ou des coups de poignard, et classiquement favorablement
influencée par les opioïdes.
Douleur viscérale
La douleur viscérale résulte de la distension mécanique ou de l’irritation chimique des
structures viscérales. Elle se présente classiquement sous la forme de douleurs profondes, mal
systématisées, lancinantes, avec sensation d’hyperpression interne douloureuse. Quand elles
sont aiguës elles peuvent être à type de coliques paroxystiques avec nausées, vomissements,
diarrhée, modifications de la tension artérielle et du rythme cardiaque.
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Sept 2008/HR/mn
Douleur neuropathique
Elle est la conséquence de lésions du système nerveux central ou périphérique et rassemble la
douleur de désafférentation et la douleur centrale.
Douleur de désafférentation
La douleur neuropathique est typiquement caractérisée par une dysesthésie spontanée à type
de brûlure, une hyperpathie et une hyperalgésie en l’absence de toute lésion au niveau des
tissus périphériques. La douleur est diffuse, souvent majeure et peut être accompagnée d’une
exagération de la réponse musculaire à la sollicitation et de mouvements autonomes. Les
patients décrivent parfois des troubles du seuil de sensibilité à type d’anesthésie ou
d’allodynie (douleur au moindre choc, même très léger). Une autre caractéristique est une
persistance douloureuse malgré la prescription d’antalgiques standards et une tendance à
l’amélioration avec les antidépresseurs tricycliques ou les anticonvulsivants.
Douleur centrale
Les douleurs centrales peuvent être liées à des lésions primitives du cortex, du thalamus ou de
la moelle épinière. Par ailleurs, le concept de douleur centrale a été proposé pour expliquer les
douleurs survenant après rupture des voies nerveuses (déafférentation) comme lors des
amputations (douleurs du membre “fantôme”), des sections médullaires transverses, des
névralgies postzostériennes ou des neurolyses chirurgicales.
Syndromes douloureux
cancérologiques
Extension tumorale osseuse
L’extension tumorale au squelette est le syndrome douloureux cancérologique le plus
fréquent.
La douleur est alors constante, volontiers nocturne, exacerbée par les mouvements ou la mise
en charge. Quand les dégâts osseux entraîne une compression nerveuse la douleur devient
paroxystique avec spasmes musculaires. Enfin, le siège douloureux peut être à distance de l’os
lésé comme lors de la gonalgie symptôme d’une lésion coxale.
Extension tumorale à la moelle épinière
L’extension néoplasique à l’axe spinal s’accompagne souvent d’une douleur localisée spinale
et/ou radiculaire, avec hypoesthésies et/ou dysesthésies dans le dermatome concerné.
Cependant, la douleur précède toujours, de quelques jours ou de quelques semaines,
l’apparition des signes neurologiques, tout en s’aggravant progressivement. Elle peut être
exacerbée par le décubitus et partiellement soulagée par la station debout ou assise. La
survenue ou la progression rapide de déficits neurologiques, en particulier de troubles moteurs
et/ou sphinctériens, signe la compression médullaire et nécessite un traitement d’urgence.
Les clichés standards et la tomodensitométrie permettent le plus souvent de suspecter la
compression médullaire qui ne sera cependant affirmée que par la myélographie ou mieux
l’IRM.
Extension tumorale aux nerfs
L’invasion ou la compression des nerfs somatiques par une tumeur entraîne le plus souvent
une douleur constante à type de brûlure dysesthésique avec des renforcements paroxystiques.
Une hyperesthésie diffuse et des paresthésies focalisées ne sont pas rares, avec faiblesse
musculaire et amyotrophie s’il s’agit d’un nerf mixte ou si un nerf moteur est également
concerné.
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Sept 2008/HR/mn
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L’invasion du plexus brachial par un carcinome pulmonaire apical (syndrome de Pancoast
et Tobbias) se fait essentiellement au niveau des racines inférieures du plexus (C8-D1). Un
syndrome de Horner peut y être associé. Si cliniquement une participation épidurale est
suspectée, une IRM sera nécessaire.
L’extension au plexus lombaire conduit à une douleur irradiant dans le membre inférieur,
habituellement à type de névralgie ou de sensation de broiement douloureux. Près de la moitié
des patients présentent en outre un déficit moteur d’installation très progressive. Réflexes
ostéotendineux anormaux et signe de Lasègue sont fréquents. L’exploration TDM
lombopelvienne est l’examen complémentaire le plus utile en première intention, aidée
ensuite par l’électromyographie et éventuellement des blocs nerveux diagnostiques.
L’invasion du plexus sacré s’accompagne le plus souvent de douleurs sévères et
invalidantes postérieures avec irradiation dans la région péri-anale et fessière, aggravée
ensuite de troubles en selle de la sensibilité périnéale et des fonctions sphinctériennes. Il peut
être difficile de mettre en évidence le syndrome tumoral dans un pelvis en particulier déjà
traité, même par tomodensitométrie. Cependant, l’apparition d’un syndrome algique de ce
type dans le suivi d’un patient traité pour néoplasie pelvienne est plus de 9 fois sur 10 en
relation avec une évolution tumorale.
Principes de traitement algologique
en cancérologie
Traitement antitumoral
L’utilisation des moyens thérapeutiques cancérologiques spécifiques doit toujours être
considérée lors de la prise en charge d’un patient souffrant d’une douleur en relation avec la
progression tumorale. Cependant, dans la mesure où la situation clinique est en l’occurrence
le plus souvent palliative, purement symptomatique, le recours aux traitements
cancérologiques doit prendre en compte leur efficacité, immédiate et dans le temps, leurs
effets secondaires ou leurs complications éventuelles et les désirs du patient lui-même.
Enfin, l’administration d’un traitement cancérologique spécifique ne signifie en aucun cas que
les traitements antalgiques doivent être retardés ou suspendus de ce fait.
Stratégie pharmacologique
Les analgésiques administrés par voie orale sont les moyens thérapeutiques majeurs de la
douleur en cancérologie. On estime qu’environ 70 à 90% des patients sont complètement
soulagés par une prescription judicieuse d’analgésiques per os.
Ainsi, les recommandations OMS proposent une approche en 3 paliers tous réalisables par
voie orale qui doit être privilégiée tant qu’elle est possible et efficace pour préserver
l’indépendance et la mobilité des patients.
Cependant, un certain nombre de patients présentent un état clinique global et/ou un type de
syndrome algique qui nécessitent le recours à d’autres moyens algologiques, en particulier
l’administration médicamenteuse parentérale ou des techniques plus spécialisées comme les
blocs nerveux, l’instillation intrathécale d’opiacés ou la neurostimulation.
- Antalgiques de palier 1 : paracétamol, ibuprofène par voie orale, propacétamol par voie
parentérale, associés ou non aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS).
- Antalgiques de palier 2 : dextropropoxiphène seul ou associé au paracétamol, la codéïne
seule ou associée au paracétamol, la buprénorphine par voie sublinguale.
- Antalgiques de palier 3 : ce sont les opiacés majeurs au premier rang desquels la
morphine, mais aussi le fentanyl utilisé par voie percutanée sous forme de « patches » de
posologies variables renouvelés toutes les 72 heures.
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Sept 2008/HR/mn
Principes de pharmacologie
algologique
Evaluation algologique initiale
Une évaluation initiale complète précède idéalement le début du traitement dont l’objectif est
de supprimer toute douleur et non pas simplement de les atténuer. Les symptômes
fonctionnels associés comme l’insomnie, l’anorexie, la dépression, le ralentissement de
l’activité, les postures antalgiques et les troubles sexuels, doivent être également recherchés et
pris en compte dans la stratégie thérapeutique. Des buts concrets doivent être déterminés en
accord avec le patient, sa famille et son ou ses médecins.
Prescription et évaluation de la prescription
Comme pour les antalgiques “banaux”, les opiacés doivent être prescrits de façon adaptée en
tenant compte des besoins particuliers du patient. L’efficacité du médicament et l’importance
des effets secondaires dépendent de nombreux facteurs physiologiques et d’éléments propres
au patient comme l’âge et les antécédents de prises médicamenteuses prolongées.
Une fois une prescription médicamenteuse choisie, son évaluation périodique est
indispensable. Très souvent les patients veulent éviter des antalgiques plus puissants dans la
mesure où ils en font le signe d’une aggravation de leur maladie. La nécessité d’augmenter les
posologies ou de recourir à des antalgiques plus puissants du fait de la progression de la
maladie doit être dans la mesure du possible anticipée pour éviter le développement d’une
accoutumance physique dont le meilleur signe est la diminution de la période d’action des
analgésiques.
Adaptation de la prescription
Quand les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ne donnent qu’une antalgie partielle ou
quand ils sont mal tolérés, l’ajout ou le remplacement par une association comportant de la
codéine est habituellement utilisée comme palier analgésique intermédiaire.
Quand l’association de codéine aux AINS est insuffisante, il est alors nécessaire de prescrire
per os des opiacés plus puissants par paliers successifs. Les analgésiques moins puissants ne
doivent pas être définitivement exclus dans la mesure ou les AINS peuvent donner une
analgésie complémentaire ou synergistique et que la codéine peut être utile pour les épisodes
douloureux incidents surajoutés au fond douloureux. Les opiacés doivent être toujours
prescrits à faibles doses initiales dans la mesure où la survenue précoce d’effets secondaires
va influencer la compliance future au traitement.
Information du patient
Une information correcte du patient et de sa famille est un élément déterminant du succès de
la prise en charge algologique, idéalement obtenue par les efforts conjoints des médecins et
des infirmières. Très souvent, les patients témoignent d’une grande appréhension vis-à-vis de
l’accoutumance, assimilée à la toxicomanie. Il est indispensable d’insister sur les différences
qui existent entre toxicomanie d’origine psychogène, dépendance physique et tolérance
médicamenteuse. De même les effets secondaires, les conséquences d’une inobservance, du
surdosage ou de l’arrêt du médicament doivent être expliqués. Le plan de traitement doit
d’ailleurs être conçu de telle façon que ces incidents soient évités.
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Sept 2008/HR/mn
Chronologie d’administration
Une prescription suivant un horaire précis est plus efficace que la prise de médicament
rythmée par l’évolution des symptômes. Si les analgésiques ne sont prescrits que quand la
douleur est devenue majeure, une inondation sympathique survient et alors même les
antalgiques les plus puissants peuvent être inefficaces. Ensuite, les phénomènes d’anticipation
et de mémorisation de la douleur peuvent faire persister la souffrance même avec une prise en
charge analgésique efficace. Une prescription selon un horaire précis d’un analgésique
approprié maintient des taux sanguins efficaces et réduit le risque de survenue de douleurs
intolérables. La compliance thérapeutique est augmentée par la prescription de médicaments à
longue durée d’action comme les préparations morphiniques orales à effet retard (Moscontin,
Skenan) ou l’administration percutanée de Fentanyl.
Prescriptions adjuvantes
Certains patients tirent bénéfice de médicaments adjuvants comme les antidépresseurs
tricycliques, les anticonvulsivants, les corticoïdes, les amphétamines, les phénothiazines, les
anesthésiques locaux per os et les antihistaminiques. Pratiquement tous les patients traités par
opiacés nécessitent l’adjonction de laxatifs, et plus de deux tiers d’entre eux ont besoin au
moins de façon intermittente d’antiémétiques.
Voie d’administration
Les analgésiques doivent être administrés aussi longtemps que possible par voie orale pour
faciliter l’indépendance et la mobilité du patient. L’administration percutanée a les mêmes
avantages.
Quand l’antalgie est incomplète avec les antalgiques per os ou que la voie orale est
impraticable, d’autres techniques d’administration sont alors à envisager. Il existe en effet de
nombreuses techniques comme l’administration transdermique, la perfusion continue souscutanée ou IV d’opiacés au moyen d’une pompe individuelle portable, l’analgésie auto
contrôlée par le patient (IV ou SC) et enfin l’administration intrathécale ou épidurale
d’opiacés par un cathéter extériorisé ou une pompe implantée. D’autres nouvelles voies
comme le passage transmuqueux (lingual ou nasal) ont été proposées.
Tolérance, effets secondaires
Il est indispensable de maîtriser les propriétés pharmacologiques de l’ensemble des
médicaments susceptibles d’être prescrits à des fins analgésiques. Ainsi, il faut pouvoir
prescrire un médicament de substitution en cas de survenue de phénomènes d’intolérance aux
effets secondaires ou de tolérance aux effets analgésiques. Il est alors recommandé de choisir
pour le médicament de remplacement une posologie initiale égale à la moitié ou aux deux
tiers de la dose équi-analgésique avant d’en augmenter progressivement les doses.
Il faut éviter les prescriptions simultanées de médicaments agonistes et antagonistes. Dans ce
cadre, la pentazocine (Fortal) associée aux opiacés est responsable d’hallucinations et de
confusion mentale.
Aide psychologique
Une analgésie correcte ne peut pas toujours être obtenue par les seuls moyens
pharmacologiques. Il est important de détecter initialement les patients qui pourront tirer
bénéfice d’une prise en charge relationnelle et psychologique spécialisée. Par ailleurs, quand
une stratégie médicamenteuse correctement menée ne permet pas d’obtenir une analgésie
totale, il faut envisager d’autres moyens comme le recours à un traitement oncologique
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Sept 2008/HR/mn
spécifique complémentaire, un bloc nerveux, l’administration d’opiacés dans le SNC, la
neurochirurgie ou la stimulation électrique.
Analgésiques non opiacés
Ces médicaments sont efficaces quand ils sont administrés comme seul traitement d’une
douleur d’intensité moyenne ou quand ils sont associés à des opiacés en cas de douleur
sévère. Les analgésiques dits “mineurs” sont souvent négligés en oncologie dans la mesure où
il est présupposé que toutes les douleurs cancérologiques sont forcément sévères. Ainsi, les
possibilités d’analgésie synergique sont fréquemment occultées au profit du passage rapide
aux opiacés quand la douleur est mal calmée par un analgésique mineur isolé. Le souci
d’éviter les effets secondaires des opiacés ainsi que de retarder l’apparition d’une tolérance,
ne doit pas faire négliger les analgésiques non opiacés. Ainsi les opiacés “mineurs” comme la
codéine sont plus efficaces quand ils sont associés à l’aspirine, au paracétamol ou aux antiinflammatoires non stéroïdiens.
Les analgésiques non opiacés constituent un groupe hétérogène dont le point commun
essentiel est représenté par leurs indications globales habituelles. Parmi eux, les AINS sont
particulièrement intéressants dans la mesure où, au-delà de leurs effets analgésiques, leur
prescription peut améliorer l’état général et les réactions péri tumorales inflammatoires
douloureuses. Cependant, plusieurs jours voire plusieurs semaines d’administration sont
nécessaires pour que cet effet anti-inflammatoire soit complet, alors que l’effet analgésique
est lui plus rapide. Un phénomène de saturation de l’effet analgésique a été démontré avec les
AINS à des niveaux variables suivant les patients, au-delà duquel aucune analgésie
supplémentaire ne peut être obtenue. Par contre, tolérance et dépendance physique n’ont pas
été décrites avec les AINS. Le problème habituel lié à l’emploi d’AINS est représenté par la
tolérance gastrique, l’allongement du temps de saignement et la disparition de symptômes
d’alerte comme la fièvre. La phénylbutazone doit être évitée en raison de son risque rare mais
grave d’aplasie médullaire.
Les AINS comme d’ailleurs les corticoïdes sont efficaces dans le traitement des douleurs liées
aux métastases osseuses, en particulier lors de syndromes associant des localisations
secondaires de petit volume hyper algiques, probablement par sécrétion locale de PGE2
capable de sensibiliser les nocicepteurs périphériques à l’action de substances variées comme
la bradykinine, l’histamine et l’hydroxytryptamine. Dans ce cadre, les AINS ont une action
périphérique réduisant la douleur et l’inflammation en inhibant le catabolisme de l’acide
arachidonique ce qui réduit la production de PGE2. Cependant, quand les métastases osseuses
sont plus volumineuses, les troubles mécaniques à type d’étirement périosté ou de fractures
sont moins bien calmés par les AINS.
Analgésiques opiacés
Les analgésiques opiacés sont les médicaments essentiels du traitement des douleurs
modérées à sévères. Historiquement, l’utilisation optimale des opiacés a été perturbée par
l’existence d’idées fausses, aussi bien chez les patients que les médecins, sur les risques de
toxicomanie. Il est maintenant acquis que l’utilisation des opiacés dans les douleurs
cancérologiques est la meilleure attitude thérapeutique à la condition de respecter un certain
nombre de règles de prescription.
La morphine reste le médicament de référence à partir duquel les effets des autres
médicaments sont étalonnés. Le profil pharmacodynamique et pharmacocinétique d’une dose
de 10 mg de morphine administrée par voie intramusculaire constitue habituellement la base
de référence de la plupart des tables d’équivalence.
En général, les différents opiacés agissent selon des mécanismes similaires et quand ils sont
administrés à des doses équivalentes ils produisent les mêmes effets analgésiques et la même
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Sept 2008/HR/mn
intensité d’effets secondaires. Cependant, les individus peuvent présenter des variations
individuelles de sensibilité et de toxicité en fonction des différents produits, à l’origine de
l’utilisation clinique des différents analogues disponibles. Par ailleurs, les voies
d’administration peuvent différer suivant les spécialités médicamenteuses, ainsi que les types
d’effets secondaires, les risques de résistances croisées, voire les antécédents d’efficacité ou
d’inefficacité.
Sulfate de morphine per os
Le sulfate de morphine est le médicament de choix de la douleur sévère en cancérologie. Sa
durée d’action n’est que de 3 à 4 heures après administration orale ou parentérale, mais
l’existence de spécialités à action prolongée (Moscontin, Skenan), allant de 8 à 12 heures
permet de réduire le nombre de prises. Ces médicaments sont enrobés dans une capsule
spéciale permettant la libération retardée dans l’organisme, expliquant que les comprimés ne
doivent pas être écrasés ou coupés, sauf pour le Skénan dont la poudre peut être administrée
dans une sonde d’alimentation nasogastrique par exemple. Les doses peuvent être augmentées
toutes les 24 heures jusqu’à obtention d’une analgésie adéquate, avec possibilité d’adjonction
d’opiacés à action rapide et courte (morphine en injection sous-cutanée, par exemple) ou de
non opiacés (buprénorphine) pour les paroxysmes douloureux.
Les formes à effet prolongé ont l’avantage de réduire les prises médicamenteuses et surtout de
permettre une analgésie prolongée avec des taux sanguins stables ce qui peut contribuer à
améliorer la tolérance digestive. Par ailleurs, en comparaison avec les opiacés ou les opioïdes
à effet rapide, la quantité totale quotidienne de sulfate de morphine nécessaire pour obtenir
une analgésie totale est moins importante pour les formes à libération prolongée.
Administration parentérale continue
d’opiacés
Il est aujourd’hui acquis que les opiacés peuvent être administrés par voie parentérale sans
risque important et avec une efficacité certaine sur les syndromes algiques majeurs.
Plusieurs voies d’administration sont possibles:
- Voie sous-cutanée ou intramusculaire, discontinue (“ bolus”);
- Voie intraveineuse continue avec pompe électrique externe dont le débit est adaptable par
le patient lui-même ou avec l’aide d’une seringue électrique réglant automatiquement le
débit.
L’avantage majeur de l’administration continue est d’éviter les fluctuations des taux
plasmatiques qui peuvent aller de l’inefficacité à la toxicité lors de l’administration
parentérale en “bolus”. En outre la quantité totale d’opiacés utilisés en administration
continue est régulièrement inférieure à celle de l’administration fragmentée pour un effet
analgésique équivalent.
D’autres voies, plus spécialisées, existent:
- Voie intra spinale, épidurale ou intrathécale, à l’aide d’un cathéter mis à demeure relié à
un dispositif implantable d’injection (administration bolus) ou à une pompe
(administration continue). Son intérêt ne réside que dans les situations où une analgésie
générale bien conduite est incapable d’améliorer un syndrome douloureux dont la
topographie est compatible avec une analgésie régionale.
- Voie intra ventriculaire par l’intermédiaire d’un cathéter intra ventriculaire relié à un
réservoir d’Ommaya, dans les situations de syndromes algiques majeurs non contrôlés de
la région cervico-faciale.
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Sept 2008/HR/mn
Médications adjuvantes
De nombreux médicaments sont utiles en complément du traitement analgésique de base.
Antidépresseurs
Les tricycliques sont souvent une aide utile en situation de syndrome dépressif associé
marqué. Les antidépresseurs imipraminiques comme le clomipramine (Anafranil) sont
également utilisés dans les syndromes algiques neuropathiques.
Neuroleptiques
Certains neuroleptiques comme le lévomépromazine (Nozinan) peuvent être utiles dans le
traitement des douleurs chroniques, en raison de leurs effets anxiolytiques et antiémétiques.
Ils diminuent également les effets de ralentissement du transit intestinal induits par les
opiacés.
Anticonvulsivants
Ils sont utilisés soit seuls soit en association avec des antalgiques vrais dans le traitement de
certaines douleurs neuropathiques ou quand la composante hyperesthésique est marquée. Le
médicament le plus souvent utilisé est la carbamazépine (Tégrétol).
Corticoïdes
Ils sont éventuellement utiles par leur effet anti-inflammatoire propre. Par ailleurs ils
participent au traitement des nausées induites par les opiacés. Enfin, ils ont une action
euphorisante et appétissante qui peut être précieuse.
Techniques neurochirurgicales
Le développement de l’administration d’opiacés modernes a réduit les indications d’analgésie
par méthode chirurgicale.
Il persiste cependant des techniques utiles:
- Blocs nerveux par anesthésiques ou corticoïdes lors de syndromes douloureux
paroxystiques bien topographiés;
- Electrostimulation dans le traitement des douleurs neuropathiques par désafférentation;
- Les gestes chirurgicaux suppressifs (radicotomie) sont devenues d’indication
exceptionnelle.
Techniques adjuvantes non
médicamenteuses
De multiples techniques adjuvantes ont été proposées comme la relaxation, la sophrologie,
l’hypnose, pour compléter l’action de la prise en charge médicale. Leur efficacité est réelle, le
soulagement décrit alors par le patient ne devant pas être interprété comme le signe d’une
éventuelle absence de syndrome douloureux.
Points clefs
-
La douleur est un symptôme fréquent en cancérologie à toutes les phases évolutives de la
maladie.
L’objectif d’une prise en charge algologique est la disparition complète de tout symptôme
algique avec conservation d’une vie quotidienne et sociale correcte.
150
Sept 2008/HR/mn
-
-
Une évaluation préalable des mécanismes à l’origine du syndrome algique et de la douleur
elle-même est indispensable pour faire une proposition antalgique adaptée.
Les traitements symptomatiques antalgiques sont prescrits par paliers croissants de classes
médicamenteuses sauf si l’intensité douloureuse requiert d’utiliser d’emblée des
antalgiques majeurs.
La place des traitements oncologiques spécifiques dans l’ensemble du traitement
algologique est souvent déterminante, bien sûr lors de la phase de prise en charge initiale.
Cependant, leur efficacité antalgique souvent retardée, rend indispensable une prise en
charge algologique initiale non spécifique efficace.
L’algologie en oncologie nécessite le concours de multiples compétences y compris non
médicales
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Sept 2008/HR/mn
Nutrition d’un patient porteur d’un
cancer
La perte de poids est un signe d’accompagnement fréquent des cancers évolutifs, pouvant
parfois aller jusqu’à la cachexie néoplasique, entité authentique associant anorexie, satiété
précoce, anémie, asthénie importante et perte de poids rapide et profonde. La diminution de la
prise alimentaire est insuffisante à expliquer à elle seule ce syndrome qui s’explique en fait
par de profondes perturbations métaboliques touchant toutes les voies d’assimilation et de
synthèse avec altérations simultanées des fonctions hormonales et immunologiques.
CONSEQUENCES NUTRITIONNELLES DE L’EVOLUTION D’UNE NEOPLASIE
La conséquence essentielle du développement d’un cancer est la diminution de la masse
cellulaire c’est-à-dire de la masse maigre représentant normalement 80% de la masse non
hydrique (20% graisse) avec simultanément une expansion relative du secteur extracellulaire
en particulier hydrosodé, sans pour autant qu’il existe obligatoirement des collections
extracellulaires constituées.
Ainsi, la mesure isolée du poids du patient peut être le reflet très imparfait de sa situation
nutritionnelle.
Les deux mécanismes essentiels de la diminution du poids et surtout de la masse maigre sont:
o La diminution de la qualité de nutriments ingérés,
o La perturbation des voies métaboliques normales.
Diminution de la ration alimentaire
La raison première est la diminution de l’appétit, extrêmement fréquente chez les patients
porteurs de cancer. Le mécanisme reste obscur, mais probablement directement lié, pour tout
ou partie, au développement de la tumeur elle-même capable de sécréter des substances dont
certaines sont des modificateurs de la réponse biologique (cachectine).
Parfois, l’anorexie constitue le premier symptôme du développement d’un cancer. Elle est
souvent secondairement aggravée par des éléments psychologiques (angoisse) et/ou des
modifications du goût. Enfin, le développement de tumeurs sur les voies digestives en
particulier hautes aggrave encore les troubles précédents.
Troubles métaboliques
Augmentation de l’activité de la glycolyse anaérobie
Transformation du glucose en lactate dans les zones périphériques (cycle de Cori), le lactate
étant ensuite reconverti en glucose dans le foie et le rein, le tout au prix d’une grande dépense
énergétique (ATP).
Effets de stress
Ils sont comparables à ceux qui suivent une chirurgie majeure ou un traumatisme important,
entraînant une balance azotée négative: déplétion du glycogène et des graisses de réserve,
diminution de la masse protéique par utilisation dans la glyconéogenèse des acides aminés
issus des protéines. Ce dernier mécanisme a pour but de maintenir la glycémie malgré la
carence d’apports.
Alimentation artificielle
Il est maintenant bien connu que le “rendement” de l’alimentation artificielle (entérale ou
parentérale) est nettement moins bon chez les patients porteurs de cancer que chez les sujets
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simplement dénutris. Cependant, dans la majorité des cas, les techniques d’hyperalimentation
permettent de maintenir pendant longtemps une balance azotée équilibrée.
Effets sur l’hôte du développement tumoral
Il est peu probable que le parasitisme métabolique dû au développement tumoral seul suffise à
expliquer la faillite nutritionnelle. On admet comme vraisemblable que les tumeurs puissent
produire des toxines ou des métabolites affectant directement la nutrition tissulaire de l’hôte
comme peut le réaliser la réponse au stress.
Anomalies du métabolisme nutritionnel dans les tumeurs
La constatation d’évidence qu’une tumeur continue à grossir alors que le patient-hôte est en
balance azotée négative, démontre clairement que les voies métaboliques tumorales sont
anormales. Il existe en situation non tumorale des priorités de conservation nutritionnelle de
certains tissus quand le sujet est en hyponutrition (cerveau, foie) au détriment d’autres
(muscle en particulier). Il semble que les tumeurs soient en situation forcée de nutrition
privilégiée par rapport aux tissus normaux. Le mécanisme de ce détournement est inconnu,
peut être par insensibilité relative des cellules tumorales à la régulation hormonale.
Relation entre la croissance tumorale et la nutrition de l’hôte
Effet de jeûne
En règle générale, le jeûne ne modifie pas le rythme de croissance tumorale alors qu’il retentit
rapidement sur le poids de l’hôte. La tumeur apparaît ainsi comme dotée d’un métabolisme
indépendant. Aucune tentative de régime alimentaire carencé à des fins thérapeutiques n’a été
jusqu’ici couronnée de succès.
Effet de l’hyperalimentation
Il est a priori logique de redouter une facilitation de la croissance tumorale lors de la
réalisation d’une hyperalimentation. En fait les résultats expérimentaux sont contradictoires,
variables suivant les tumeurs et les animaux-hôtes. Par ailleurs, en clinique, les effets
bénéfiques pour le patient de la restauration d’une situation nutritionnelle correcte, permettant
en outre la réalisation correcte d’un traitement efficace, sont probablement régulièrement
supérieurs aux risques éventuels de facilitation tumorale.
SUPPORT NUTRITIONNEL DANS LE TRAITEMENT DES CANCERS
La diminution de la masse maigre et en particulier du muscle est une menace pour le patient:
diminution de la force, de la ventilation respiratoire, de la résistance aux infections. Ainsi,
l’évaluation initiale de l’état nutritionnel doit faire partie des éléments nécessaires à la prise
en charge correcte d’un patient porteur de cancer.
Évaluation nutritionnelle
L’évaluation de la balance azotée est la façon la plus simple d’apprécier la situation
nutritionnelle des patients. Cependant, elle ne mesure pas la capacité protéique réelle à
assumer les fonctions essentielles comme la cicatrisation, l’immunocompétence, la réponse à
l’infection, la restauration protéique, etc. Le jugement clinique et le bon sens restent des
éléments utiles irremplaçables: si un homme âgé est dysphagique depuis plusieurs mois et a
perdu 20 kg car il présente un cancer de l’œsophage, il est évident qu’il mérite un support
nutritionnel adapté.
Cependant, la situation peut être moins caricaturale comme lors d’un obstacle intestinal aigu
chez un sujet en bonne santé jusque-là.
Il existe des formules permettant d’évaluer simplement les besoins énergétiques alimentaires
(BEA) de base d’un individu, comme par exemple
Homme: BEA (kcal): 66 + [13,7 X poids (kg)] + 5 [taille (cm)] - 6,8 [âge (ans)]
Femme: BEA (kcal): 655 + [9,6 X poids (kg)] + 1,7 [taille (cm)] - 4,7 [âge (ans)]
153
Sept 2008/HR/mn
(Harris Benedict)
Le dosage de la sérum-albumine
C’est un indicateur de stockage viscéral protéique. Une hypo-albuminémie ne révèle qu’une
malnutrition protéocalorique. Le dosage d’indicateurs à “turn over” plus rapide comme la
transferrine ou la pré-albumine donne une évaluation plus précise encore.
La mesure du rapport créatinine/taille
Elle est basée sur le fait que lorsqu’un sujet maigrit, il ne change pas de taille. Ainsi, le
rapport entre la créatininurie des 24 heures (reflétant la masse maigre) et la taille, est comparé
à celui d’un sujet normal de même taille, en sachant que les modifications sont d’apparition
tardive dans l’évolution d’un syndrome dysnutritionnel.
L’immuno-compétence
Elle constitue un reflet indirect de l’état nutritionnel. On peut l’apprécier par des tests cutanés
utilisant des antigènes variés. La correction de la dénutrition est capable de corriger l’anergie
constatée, réduisant le risque de surinfections souvent graves.
La mesure du pli cutané
Effectuée au niveau de la région tricipitale, elle permet une évaluation simple de la réserve
graisseuse.
Support nutritionnel
En fonction de l’urée urinaire
L’apport calorico-azoté est la base de la réanimation nutritionnelle. L’apport protéique peut
être calculé à partir de la quantité totale/24 heures d’urée excrétée dans les urines. Ainsi, pour
évaluer la quantité totale d’urée éliminée par jour, on ajoute 2 g au taux d’urée urinaire/24h
constaté. Deux grammes supplémentaires sont ajoutés pour tenir compte de la perte non
urinaire. La valeur totale est multipliée par 6,25 et donne une indication de la ration protéique
quotidienne nécessaire. Les calories doivent être apportées à raison de 150 kcal/g d’urée.
Enfin, environ 1/3 des calories administrées doivent l’être sous forme de graisses.
Les voies de la nutrition
Quand le patient ne peut assurer lui-même une nutrition suffisante par les voies naturelles, il
est nécessaire de choisir parmi les voies artificielles disponibles.
Quand le tube digestif (estomac, intestin) est normal, la voie entérale doit toujours être
préférée, le plus souvent par sonde d’alimentation nasogastrique, parfois en raison
d’impératifs mécaniques par gastrostomie ou jéjunostomie. L’alimentation doit être
progressive en qualité et en quantité pour éviter tout trouble du transit ou vomissements
initiaux et la rendre compatible avec le maintien éventuel au domicile. La gastrostomie peut
être réalisée par technique d’abord percutané.
L’alimentation parentérale est retenue quand la fonction d’assimilation du tube digestif est
altérée, ou quand l’état général du patient nécessite une réanimation nutritionnelle d’effet
rapide. En règle générale, il est nécessaire d’administrer cette alimentation par l’intermédiaire
d’une voie veineuse centrale de fort calibre (sous-clavière par exemple) avec ou sans
dispositif implanté d’injection. Cette technique présente ses meilleures indications dans le
support nutritionnel sur une période de temps relativement courte (quelques jours ou
semaines) en particulier dans le cadre de la préparation à un geste thérapeutique important.
CONCLUSION
En conclusion, le souci de maintenir ou de restaurer l’état nutritionnel, préalablement
correctement évalué, des patients porteurs de cancers est un des éléments souvent déterminant
de la faisabilité thérapeutique et par voie de conséquence, du pronostic global de l’affection
tumorale.
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Sept 2008/HR/mn
L’INFORMATION DES PATIENTS EN
CANCEROLOGIE
L’information des patients est un devoir médical intangible et un droit naturel des patients.
Cependant, ce principe général peu discutable comporte des applications pratiques
éminemment protéiformes. En cancérologie, comme dans d’autres disciplines comprenant
habituellement des pathologies graves, l’information est là plus qu’ailleurs l’objet d’un
paradoxe: la gravité de la maladie la rend plus difficile voire hésitante, mais simultanément
cette gravité même la rend encore plus indispensable. En effet, les cancers sont des maladies
graves d’évolution spontanément fatale en l’absence de traitement lequel fait appel à des
moyens multiples comportant chacun des effets secondaires non négligeables. Le patient fera
donc l’objet d’une succession de gestes diagnostiques et thérapeutiques lors de la phase
initiale active, puis d’un suivi médical prolongé pour couvrir la période de risque de survenue
d’un fait nouveau. Il paraît difficilement concevable que cette démarche soignante souvent
longue et complexe ne s’accompagne pas d’une information suffisante en qualité et en
quantité.
AUTONOMIE ET CONFIANCE SONT LES DEUX ELEMENTS CLEFS DE LA RELATION
MEDECIN-MALADE.
Autonomie, bien entendu celle du patient, signifie qu’il est en situation de pouvoir décider de
son avenir et d’y participer. Confiance, indispensable pour que le patient délègue sans
inquiétude majeure à son médecin la part de responsabilité technique qu’il ne peut maîtriser.
L’information joue un rôle décisif pour atteindre ces deux objectifs que l’on pourrait résumer
sous l’expression « confiance éclairée » qui peut parfois se réduire à un simple consentement,
lui même éclairé. Cependant, la démarche informative comporte suffisamment de variables
pour qu’elle soit parfois détournée de son objectif voire qu’elle devienne un des éléments
d’une relation difficile, éventuellement conflictuelle et alors susceptible d’être appréciée par
le tiers judiciaire.
S’il n’existe pas de manuel réellement utilisable de la relation médecin-malade, un certain
nombre d’éléments repères peuvent être retenus répondant tous à des questions simples:
o Informer: pourquoi?
o Informer: par qui?
o Informer: comment?
o Informer: quand?
o Informer: où?
Informer: pourquoi?
L’information du patient a pour objet premier de le renseigner sur la nature de son affection,
son pronostic global et les événements médicaux à venir. On voit bien que si dans bien des
circonstances ce but premier peut-être facilement atteint, il est des situations, en particulier en
cancérologie, où nature et pronostic sont des éléments informatifs délicats surtout si l’énoncé
du premier (cancer) assombrit systématiquement le second (pronostic).
Il faut alors rompre le poids du mot cancer et le remplacer par celui de cancers dont le pluriel
permet de s’affranchir, tout au moins pour partie, d’une part de l’exemple anxiogène de « La
Maladie » d’autres dont le patient a été témoin, (« la maladie des uns n’est pas forcément
celles des autres »), et d’autre part permet d’introduire l’idée d’une pluralité pronostique
puisqu’il existe des maladies différentes réunies sous le même vocable. Quel que soit le degré
de précision et la terminologie choisis, il est évident que le mensonge, fut-il par omission, est
strictement déconseillé au-delà même de son interdiction morale. En effet, les événements à
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Sept 2008/HR/mn
venir risquent d’apporter un démenti cuisant qui détruira définitivement la « confiance » qui
avait été initialement donnée même si elle était insuffisamment « éclairée ».
Dans les situations où la gravité est extrême et le pronostic vital compromis à l’évidence, il
peut être prudent de se contenter, tout au moins lors de la relation initiale, d’obtenir l’adhésion
du patient à la proposition thérapeutique choisie. L’existence d’un symptôme clair et la
perspective de son amélioration sous traitement peuvent être utiles, en sachant toutefois que
l’énoncé d’un certain nombre de dénominations thérapeutiques, comme radiothérapie ou
chimiothérapie, comporte d’évidentes connotations diagnostiques le plus souvent explicites
pour le patient. Mais lors de cette toute première relation, la confiance peut être donnée alors
qu’elle est encore bien mal éclairée, ce qui ne veut pas dire qu’elle ne devra pas être soutenue
et approfondie plus tard.
Un autre but de l’information initiale au cours d la consultation dite souvent « d’ancrage » est
de prévenir le patient des effets secondaires éventuels des traitements qui vont lui être
administrés, s’il les accepte. Il s’agit là d’un moment très important, malheureusement trop
souvent négligé par les médecins. En effet, beaucoup de patients acceptent tacitement une part
d’ombre sur le diagnostic central, mais supporteront fort mal d’être victimes d’effets
secondaires du traitement dont ils n’ont pas été prévenus. Ainsi, une patiente pourra accepter
une irradiation après chirurgie du sein associée à une chimiothérapie sans que la totalité des
éléments pronostiques objectifs ayant conduit à cette proposition lui soient explicités; par
contre, elle aura beaucoup de mal à garder sa confiance au médecin qui ne l’aura prévenu que
la chimiothérapie choisie allait faire tomber ses cheveux. Ce mensonge initial par omission,
visant à « protéger » la patiente, et peut être aussi le médecin, ouvrira la porte au doute et
sapera la confiance, souvent de façon irréparable.
Toutefois, il est évident que l’énoncé de l’ensemble des effets secondaires, quel que soit leur
fréquence, des différents traitements peut avoir un effet de forte dissuasion qu’il convient
d’éviter en limitant l’information aux effets fréquents et habituels.
Deux objectifs particuliers de l’information sont très souvent recherchés sans qu’ils soient
pour autant toujours louables.
Tout d’abord la recherche d’une complicité active de tiers par une information abondante de
l’entourage pendant que le malade est laissé dans une ignorance quasi complète. L’entourage,
en l’occurrence souvent la famille, devient alors « auxiliaire médical » plus ou moins chargé
de mission explicative auprès du patient; s’il est vrai que certaines familles revendiquent ce
rôle (« ne lui dites rien de sa maladie », « ne lui parlez pas de cancer », etc.,...) il est du
devoir du médecin de ne pas accéder à ces demandes qui sont bien souvent plus protectrices
de l’entourage lui-même que du patient. Par ailleurs, la relation affective naturelle entre le
patient et son entourage déforme le dialogue et son contenu et rend périssable ce mode de
communication au fil des événements avec le risque non exceptionnel de voir s’instaurer un
ressentiment plus ou moins marqué entre le patient et sa famille, ce qui est lamentable. Le
conseil est donc ne pas introduire de trop grandes différences entre les contenus informatifs
délivrés au patient d’une part et à famille de l’autre et surtout de ne pas transformer
l’entourage en un substitut relationnel.
Le deuxième travers parfois rencontré est celui du transfert plus ou moins avoué de la gestion
émotionnelle à l’intéressé lui-même et à ses proches. Dans cette stratégie relationnelle, l’idée
selon laquelle le malade « sait tout » n’a pas réellement pour objet de lui donner une
information utile mais plutôt d’exonérer le médecin des indispensables et multiples
conversations successives qui permettront de partager et d’atténuer quelque peu le choc
émotionnel d’une nouvelle angoissante. C’est dans ce cadre que l’on rencontre les
descriptions anatomiques et techniques détaillées dont l’abondance masque souvent le malaise
relationnel. Leur performance est médiocre car, au-delà du fait que les patients ont du mal à
percevoir et à comprendre tout ce qui leur est dit, leur anxiété habituelle à ce moment là
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Sept 2008/HR/mn
entraîne fréquemment une « surdité corticale » qui aggrave l’incompréhension et qui conduit
ces patients à avoir l’impression de bonne foi qu’ « on ne leur a rien dit ».
On voit donc que là comme ailleurs le mieux peut être l’ennemi du bien et que trop
d’information peut tuer l‘information initiale et compromettre la suite relationnelle. En toute
hypothèse, il est nécessaire que le médecin ne pense pas que sa démarche informative est
définitivement parfaite et donc suffisante et que par ailleurs le patient ait eu clairement le
sentiment qu’il pouvait à tout moment obtenir des compléments informatifs de son
interlocuteur.
Informer: par qui?
Il est évident que l’information initiale doit être donnée par le médecin que le patient consulte.
Cependant, cette évidence mérite quelques précisions.
Tout d’abord, il est fréquent que plusieurs médecins participent à la même démarche
diagnostique et thérapeutique en particulier en cancérologie. Il est alors indispensable que
l’information délivrée par chacun soit homogène avec celles des autres en sachant que de
minimes différences de vocabulaire ou de présentation peuvent être prises par le patient
comme des divergences voire des contradictions. Ces inconvénients sont en grande partie
évités d’une part par la concertation collégiale préalable des médecins intervenants et d’autre
part par l’identification d’un interlocuteur préférentiel qui est le plus souvent l’intervenant
majeur mais qui peut être aussi l’interlocuteur préféré du patient au sein de l’équipe médicale.
Ensuite, la conversation entre le patient et son médecin est parfois empreinte d’un gradient
relationnel qui empêche le patient de poser toutes les questions dont il aurait envie; là encore,
les conversations successives permettent de corriger les approximations de la première
relation. Il en va de même des ambiguïtés et des incompréhensions nées du vocabulaire et de
la sémantique propres aux médecins; en effet, des mots peuvent ne pas être compris ou plus
souvent mal compris, la description d’un geste technique considéré comme banal par le
médecin pouvant avoir une toute autre charge de signification pour le patient.
Enfin, et peut-être surtout, le médecin doit être bien conscient qu’il n’est pas le seul à apporter
des informations au patient et que de ce fait il doit accepter que son message aussi performant
qu’il ait été soit éventuellement modifié voire déformé par d’autres vecteurs informatifs.
Dans cette catégorie, les autres soignants tiennent une place très importante, en particulier les
infirmières. Pour éviter toute dissonance il est indispensable que l’équipe de soin partage la
même information comme elle peut être donnée lors de réunions régulières de service. A cette
condition, les soignants peuvent alors jouer un rôle de relais informatif très performant, la
relation étant alors débarrassée de la réserve qui accompagne souvent la discussion avec le
médecin consultant. En outre, il est alors possible de vérifier le degré de perception et de
compréhension qu’a retiré le patient de sa conversation médicale initiale et d’en corriger
éventuellement les insuffisances. Cependant, il est assez souvent constaté que ce rôle
informatif est dévoyé pour être utilisé en substitution de la démarche médicale normale, ce qui
n’est pas acceptable. Les soignants sont d’ailleurs les premiers à critiquer cette situation
relationnelle ambiguë sans pour autant refuser leur rôle naturel de relais informatif.
Les informations données au patient et/ou à son entourage ne sont pas bien entendu l’apanage
de ceux qui ont la responsabilité de son avenir médical. Aujourd’hui les sources d’information
médicale sont multiples, la diffusion massive de nouvelles médico-scientifiques par les média,
le plus souvent dans une ambiance spectaculaire et manichéenne, introduisant parfois un
doute dans l’esprit du patient vis à vis de la compétence de ses interlocuteurs médicaux. S’il
s’agit là d’une situation psychologique bien naturelle dans un contexte de menace vitale, on
peut cependant remarquer que d’une part il ne faut jamais dissuader un désir d’avis
complémentaire et que d’autre part les changements d’interlocuteurs médicaux sont d’autant
plus fréquents que l’information médicale initiale a été évasive ou hésitante.
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Sept 2008/HR/mn
Informer: comment?
La communication verbale est à l’évidence le moyen le plus adapté à la relation médecinmalade, en précisant que son équivalent moderne, à savoir la conversation téléphonique, est à
proscrire tout au moins lors d’une information initiale. Nous avons dit plus haut que tout était
important dans le contenu informatif, dans le choix des mots comme dans leur abondance. Il
ne faut pas négliger ce qu’il est convenu d’appeler la communication non verbale. En effet, il
est banal de constater que l’attitude de celui qui informe influence grandement la qualité de
réception de la même information. Les discours infantilisants ou à l’inverse exagérément
complexes, les flots de paroles submergeant tout désir du patient de poser des questions, les
phrases définitives utilisant imprudemment les adverbes « jamais » et « toujours », les
promesses irréalistes visant à soulager le poids de l’instant, sont toutes des attitudes que
chaque soignant a utilisées peu ou prou un jour où l’autre. La difficulté suprême est bien
entendu d’être simple et concret dans des moments relationnels de forte émotion,
l’édulcoration irréaliste et la brutalité libératrice étant les deux extrêmes à éviter lors de ce
mode particulier de la relation interhumaine.
En cette fin de siècle où la relation entre les hommes s’enrichit tous les jours de média divers,
on pourrait penser que l’écrit et bien entendu l’image seraient utiles à la relation médecin
malade. En fait, il n’en est rien et hormis pour des compléments d’information à la relation
verbale et à la condition qu’ils aient un objectif pratique précis, l’écrit et l’image ne peuvent
en aucun cas se substituer à la conversation directe entre les individus concernés. En effet,
écrit et image ont une force émotionnelle et fantasmagorique importante qui nécessite d’être
canalisée par la réponse immédiate aux questions qu’elles entraînent.
Une autre forme de « médiatisation » de la relation médecin-patient est représentée par la
construction partagée d’un système relationnel reposant sur un substitut matériel considéré
comme déterminant de l’état de santé: examen biologique, exploration radiologique, par
exemple. La relation peut alors se réduire au commentaire de cet élément présenté comme
objectif et intangible, évitant de ce fait à chacun des deux interlocuteurs de gérer la part
d’impondérable inhérente à toute démarche médicale aussi correcte soit-elle. Cette situation
de complicité réciproque et tacite est fréquemment rencontrée lors du suivi d’un patient traité
pour cancer. Elle comporte de nombreux risques relationnels potentiels, dans la mesure où la
normalité des dits examens n’est pas un gage absolu de guérison et qu’à l’inverser la
constatation d’une anomalie n’est pas forcément liée à l’évolution redoutée de la maladie en
cause. Laisser croire au patient que l’arbitre de son avenir n’est ni lui-même ni son médecin
mais un élément formel apparemment indiscutable, expose au transfert de la confiance vers un
tiers extérieur désincarné qui fera cruellement défaut s’il devient effectivement nécessaire de
reprendre une démarche médicale active en cas de fait nouveau pathologique.
Informer: quand?
La réponse a cette question n’est qu’apparemment simple. Tout le monde serait tenté de
répondre le plus tôt possible et bien entendu avant tout début d’exploration ou de traitement.
Cela va de soi mais mérite d’être amendé par certains éléments complémentaires de réflexion:
o information précoce certes mais pas hâtive risquant d’être démentie par des faits
nouveaux et de soumettre le patient à un très désagréable régime de « douche
écossaise »;
o information a priori plutôt évidemment qu’a posteriori, mais en précisant bien qu’elle
n’exonère pas de multiples informations complémentaires au fil du temps et des
événements.
o information initiale sans doute, mais en se rappelant que la phase d’entrée dans la
situation nouvelle de patient entraîne souvent une réaction anxieuse majeure gênant la
perception et la compréhension de ce qui est dit.
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En fait, il n’y a pas de réponse univoque à la question: « quand faut-il informer? », sauf peutêtre au moins une fois au début, ensuite n’importe quand mais souvent, c’est à dire chaque
fois que le patient et/ou l’interlocuteur soignant le souhaite.
Informer: où?
Si l’on admet que la communication verbale directe est le meilleur mode relationnel
informatif en l’occurrence, il tombe sous le sens que le meilleur lieu pour informer un patient
et répondre à ces questions doit être adapté à une conversation privée appelée parfois colloque
singulier. Il faut donc bannir les conversations où le patient a plusieurs interlocuteurs
simultanés, les couloirs et les halls, les situations physiques d’infériorité (nudité, table
d’examen, patient couché - médecin debout,...). Hippocrate recommandait pour ce faire que
« les chaises [soient] de hauteur égale afin que le patient et le médecin soient de niveau...», ce
qui est toujours vrai 2500 ans plus tard...!.
CONCLUSION
Il est habituel de constater que la plupart des situations conflictuelles entre patient et soignant
naissent d’un trouble de l’information dont il est souvent difficile de démêler
rétrospectivement les réalités. Cependant, il faut admettre qu’il est bien difficile de soutenir
que la responsabilité du patient puisse être engagée tant il est évident qu’il est constamment
en situation de demandeur en la matière, même si cette demande peut ne jamais prendre la
forme d’une question, tout au moins directe. Il est donc nécessaire que les soignants soient
persuadés de l’absolue nécessité d’informer leurs patients même si cette démarche mérite
d’être chaque fois réfléchie et adaptée en fonction de la situation réelle.
Cependant, si ce droit à l’information, revendiqué parfois avec plus de véhémence les biens
portants que les patients eux-mêmes, est une évidence relationnelle, il ne faut pas cependant
qu’il aille à l’encontre des intérêts raisonnables du patient en particulier en le mettant en
situation de décideur exclusif de son avenir où à l’opposé en le maintenant dans une ignorance
quasi-totale de sa situation réelle. En fait, l’information est un élément constitutif du soin et
elle doit donc être soumise aux mêmes impératifs que les gestes médicaux eux-mêmes c’est à
dire allier réflexion, efficacité, réalisme et cohérence. En outre l’information doit être répétée
et validée en particulier pour les maladies comme les cancers où la relation entre soigné et
soignant se prolonge longtemps, même quand la maladie est guérie.
Les dispositions légales récentes permettant au patient d’avoir un accès direct à son dossier
médical, ne dispensent pas, bien au contraire, d’une relation directe entre soignant et soigné,
ne serait-ce que pour que les informations, parfois elliptiques ou au contraire brutales,
contenues dans les dossiers médicaux soient expliquées et deviennent compréhensibles et
acceptables.
Soutien psychologique en
cancérologie
DONNEES GENERALES
Le soutien psychologique est quasi constamment nécessaire aux différentes phases
éventuelles de la maladie curative, palliative et terminale
Les besoins du patient sont mutiples écoute, information, nursing, traitement de la douleur, …
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Ceux de la famille aussi : connaissance de l'institution, connaissance de la maladie, assistance
morale, assistance matérielle, assistance administrative, spirituelle, présence quand la mort
est proche,…
Il ne faut pas négliger les besoins de l’équipe soignante elle-même : stabilité et
complémentarité des intervenants, concordance entre l’action des différents acteurs de
soins,…
CHAMPS D’INTERVENTION DE LA PSYCHO-ONCOLOGIE
Avec le malade, il s’agit :
- L’ aider tout au long et aux moments particulièrement déstabilisants de sa maladie
c’est à dire du diagnostic à la guérison ou à la fin de vie
- L’aider à considérer le cancer comme réalité (dans son corps, sa vie familiale et
professionnelle) et comme évènement (qui bouleverse les repères et induit des
questions). Le cancer vient contrarier les illusions et les projets de celui qu’il
atteint : il vient révéler à toute personne le monde de la peur pour soi, de la
tristesse, de la frustration, de la douleur, de la révolte, du sentiment d’injustice et de
l’ambivalence. La découverte de la maladie est parfois considéré comme une
trahison de son corps envers soi. Le corps est ressenti non seulement comme un
étranger mais aussi parfois comme un ennemi à surveiller de près, un traître
- L’aider à maîtriser les symptômes psychologiques qui le gênent
- L’aider le cas échéant à se sevrer (tabac, alcool)
LES DEUX DEMANDES PRINCIPALES DES PATIENTS
Plus d’information :
Au moment du diagnostic, les malades estiment qu’on ne les informe pas assez sur les
différences entre les lieux de traitement, sur les compétences des chirurgiens et cancérologues
auxquels ils sont confiés.
Le médecin généraliste, souvent à l’origine du diagnostic, peut jouer un rôle important en
dirigeant le malade vers le lieu de soins qui correspond le mieux à ses besoins personnels et à
ses attentes : certains accordent plus d’importance aux critères scientifiques, d’autres aux
critères de rapprochement géographique par rapport à leur domicile etc...
La demande d’information concerne aussi les traitements, les effets secondaires et les
séquelles : les malades ont parfois le sentiment qu’on leur impose des traitements lourds aux
conséquences importantes sans leur accorder le temps nécessaire à l’explication de ces effets
secondaires et des séquelles. Même si ces effets secondaires sont parfois lourds, il faut donner
au malade la possibilité de prendre position, de se sentir partie prenante dans sa lutte contre la
maladie, pour qu’ils acceptent mieux les écueils du traitement.
Mais, concernant l’information, les choses se compliquent surtout quand ce qui est à dire n’est
pas rassurant, c’est-à-dire dans un grand nombre de cas en cancérologie où l’efficacité des
traitements proposés est incertaine. Toute la difficulté vient du fait que les malades
demandent à la fois à être informés et rassurés. Trop souvent les médecins ont l’impression
que l’attente des malades est celle de la promesse de la guérison. Même si cela est ce que tout
un chacun aimerait entendre, les malades sentent leur corps, cheminent, évoluent pendant des
mois et des années avec leur maladie. Même si une partie d’eux rêve toujours à la guérison,
d’autres parties savent bien qu’il s’agit surtout de gagner du temps. Ce qui les rassure ce n’est
donc pas toujours la fausse promesse de guérison mais de sentir qu’on s’occupe d’eux, qu’on
ne va pas les laisser tomber, qu’on leur explique et qu’on anticipe –dans la mesure du
possible- sur ce qui les attends. Le relation médecin/malade doit être toujours la même à tous
les stades de la maladie : pas question de se « dérober » une fois que les chimiothérapies ou
autres thérapeutiques spécifiques ne fonctionnent plus.
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Plus de soutien :
Le soutien psychologique signifie deux choses bien différentes :
- d’une part l’aspect d’aide et de soutien de toute relation malade/médecin. Les malades
attendent que leur médecin assume dans leurs relations avec eux un soutien relationnel dont
ils n’ont pas à se défiler, même s’il y a des psychologues dans les lieux. Les malades autant
que possible doivent être vus chaque fois par le même médecin pour ne pas avoir l’impression
d’être considéré comme « un dossier », un « numéro ».
- d’autre part l’intervention des professionnels que sont des psychologues et des psychiatres.
Ceux-ci ne sont pas là pour remplacer les médecins oncologues mais pour apporter un
complément.
C’est une fois qu’une relation de confiance s’est installée entre un médecin et son malade
qu’il peut lui proposer de rencontrer un psychologue ou psychiatre si nécessaire. Cette
proposition doit être présentée comme une aide complémentaire à la relation médecin/malade
et jamais comme un remplacement. L’aide du psychologue ne doit pas être proposée au
moment d’une réaction à chaud à une information sur la maladie mais à distance, sinon elle
serait considéré comme un jugement sur la réaction et comme un rejet relationnel du médecin.
Mais beaucoup de malades et de familles méconnaissent les compétences et les spécificités
des psychologues. Peu de gens savent qu’il existe des psychologues ayant des diplômes en
psycho-oncologie, qui connaissent bien le cancer et les problèmes psychiques qui lui sont
caractéristiques. Le médecin oncologue doit donc expliquer tout cela aux patients - en réalité
assez nombreux- réticents à rencontrer un psychologue. Il faut leur expliquer qu’ils peuvent
les aider dans leur communication avec le conjoint et les enfants en recevant les patients seuls
mais aussi en couple ou en famille. Il faut également leur expliquer qu’une consultation
n’engage pas forcément à une psychothérapie mais que parfois un, deux ou trois entretien
peuvent suffire.
PRINCIPALES SITUATIONS AUXQUELLES SONT CONFRONTEES LES MEDECINS ET
LES MALADES :
Etats anxieux
Il est soit à type de crise anxieuse aiguë ou de réaction anxieuse, souvent dans l’anticipation
d’un examen ou d’un acte thérapeutique. Ils sont assez souvent exprimés par les patients et
accessibles à un traitement anxiolytique. Ils peuvent majorer les effets secondaires de certains
traitements (nausées et vomissements par exemple). Un traitement par anxiolytiques est
souvent utile.
Etats dépressifs
La prévalence varie selon les contextes de 5 à 20% selon les études. On estime par exemple,
que 30% des femmes atteintes de cancer du sein présentent dans l’année qui suit le diagnostic
un syndrome anxio-dépressif méritant d’être traité par des anti-dépresseurs.
Le diagnostic de dépression est parfois difficile à réaliser dans la mesure où plusieurs critères
du diagnostic peuvent dépendre de symptômes propres à la maladie cancéreuse (fatigue,
anorexie ...).
La fin des traitements et la période de surveillance
La fin des traitements occasionne souvent un moment de tristesse dépressive, de sentiment de
perte, d’abandon, qui surprend les patients eux-mêmes, parce qu’ils pensaient être soulagé.
Bien entendu, les contraintes liées aux traitements et aux aller-retour entre le domicile et
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l’hôpital se terminent, mais tout le reste est encore là : au niveau du corps, des pensées et des
relations avec les autres.
Se profile en fait le début de ce que beaucoup appelle une « nouvelle vie », montrant ainsi
l’impact de la maladie et des traitements qu’ils viennent de subir dans leur façon de voir la
vie.
Tout l’intimité de l’individu a été mise à mal pendant les mois de traitement et il arrive que
l’image qu’à de lui le patient au plan physique mais aussi psychologique soit troublée. Pour
de nombreuses femmes par exemple, qui ont eu un cancer du sein, les altérations de parties du
corps ou de l’organisme relevant de l’identité sexuelle sont pesantes : tant la chirurgie du sein
que l’atteinte hormonale due à la suppression de l’activité ovarienne et la prise de poids
souvent consécutive à la chimiothérapie adjuvante et/ou traitements hormonaux modifie
l’image de soi.
Un soutien est souvent utile à ce moment là et le médecin oncologue doit anticiper ces
moments difficiles et préparer le patient.
Le décalage entre soi et les autres
Les patients ont souvent l’impression que personne ne se rend compte ni de ce qu’ils viennent
de traverser, ni de ce qu’ils sont en train de vivre. Il décrivent souvent l’impression que « pour
les autres c’est fini, ils me disent que je dois tourner la page », ce qui ne fait que les renforcer
dans un sentiment d’isolement : être la seule personne qui ne pense pas que tout est fini.
Par rapport au proche, les patients font tant d’efforts pour les protéger et ne pas les inquiéter
qu’ils finissent par s’en sentir distants et isolés. De leur côté les proches nous confient souvent
leur désarroi, leur sentiment qu’ils sont obligés de « faire semblant d’être optimiste » et de
banaliser la situation pour rassurer le malade, tout en souffrant eux-mêmes des mêmes
angoisses. Malades et famille ont donc les mêmes pensées, les mêmes inquiétudes, les mêmes
angoisses, chacun pense qu’il ait mieux pour l’autre qu’il « ne sache pas », en même temps
que chacun se doute bien que l’autre est aussi inquiet que lui : le problème est celui de la
difficulté à oser en parler ensemble.
Le médecin doit donc prendre l’initiative de demander au patient comment il fait pour parler
de sa maladie avec ses proches.
Aider les patients à donner aux autres le mode d’emploi
Dans « les autres « , il y a les proches c’est-à-dire les membres de la famille amis aussi les
amis, les collègues qui forment le paysage social de chacun. Certains patients après le
traitement s’enferment chez eux pour éviter d’avoir à revoir d’anciennes connaissances ou
bien ils ne reprennent pas certaines activités de loisirs voire leur travail pour les mêmes
raisons.
Le médecin doit donc interroger les patients et essayer d’évaluer les difficultés qu’ils
rencontrent ou non dans la reprise de leurs relations sociales. Il est souvent utile d’expliquer
au patient que leur perception du malaise des autres et probablement adéquate et qu’en effet
« les autres » ont vraisemblablement peur de leur cancer, mais aussi peur de ne pas savoir
quoi en dire. Il faut reconnaître avec les patients qu’en plus d’avoir été malade, il leur
incombe de donner en quelque sorte le mode d’emploi aux autres, en leur disant comment ils
peuvent parler ensemble de la maladie.
L’ambivalence des patients par rapport à l’entourage
Les patients ne veulent être regardés «avec pitié ni avec peur ». Ils voudraient à la fois être
considérés comme des gens normaux et en même temps ils ne supportent pas qu’on nie la
réalité de leur expérience. Parfois un même patient peut être mécontent qu’on lui ait dit qu’il
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Sept 2008/HR/mn
avait l’air en forme, et mécontent qu’on lui ait dit qu’il avait l’air fatigué... autre exemple, il
peut être frustré qu’on prenne certains égards envers lui et frustré qu’on n’en prenne pas.
Il faut aider les patients à prendre conscience de ces contradictions car cela met en lumière
leurs peurs qui sont toujours les mêmes : celles d’être rejetés des autres, celles de na pas être
aussi « vivants » qu’avant la maladie et celles d’être considérés différemment.
SITUATIONS DE FIN DE VIE
La nécessité d’un soutien psychologique, variable au cours de l’évolution et en grande partie
fonction de cette même évolution, devient majeure lors des situations de fin de vie.
Les besoins psychologiques fondamentaux du patient en fin de vie sont multiples :
o la garantie de recevoir un soin médical compétent et approprié, et
o la certitude que le soignant est engagé individuellement (non-abandon),
Le plus grand besoin est celui d'une présence réelle de qualité
o s'attachant à ce que ressent le malade et à ses attitudes : refus, colère, tristesse,
régression ou résignation en faisant partie
o attention portée aux besoins affectifs et spirituels, au besoin de dignité et d'un certain
degré de responsabilité sur sa vie
Ces situations comportent un certain nombre de risques personnels pour les membres de
l’équipe soignante
o L’écart entre les espoirs et les réalités peut générer une situation d'incompréhension ou
d'isolement.
o La nécessité à certains moments de partager l'illusion des malades
o La situation de savoir sur le malade des choses qu'il n'est pas toujours possible de lui
dire
o La « iatrogènie », c'est-à-dire le sentiment de créer des effets secondaires majeurs lors
de certains traitements, d’une prise de risque par ailleurs fréquente en cancérologie,
d’une « culpabilité » lors d’un incident
o Le syndrome d'épuisement émotionnel ou "burn-out' associant des manifestations
somatiques (modifications du tonus musculaire, douleurs diverses, troubles du
sommeil, phénomènes neurovégétatifs) et des troubles de l'humeur (tristesse,
irritabilité, agressivité).
o La prise en compte du risque suicidaire pour le patient, plutôt rare, ou la demande
d'euthanasie plus fréquente,
o La décision d'arrêt thérapeutique
L’aide à l’équipe soignante peut être apportée par
o Une formation personnelle : groupe de discussion (type Balint), groupe de
relaxation,...
o Une formation professionnelle en cancérologie, en psychologie médicale,...
o Le concours de professionnels de l’oncopsychologie qui participent à la prise en
charge des patients mais aussi des équipes.
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Sept 2008/HR/mn
Urgences cancérologiques
Les perturbations anatomiques, métaboliques ou immunologiques entraînées par le
développement d’une néoplasie peuvent créer des situations cliniques d’urgence vitale pour
les patients. Il est alors indispensable de les anticiper, de les reconnaître précocement et de les
traiter en temps utile, qu’il s’agisse d’effets liés à la maladie ou de ceux découlant des
traitements qui y sont opposés.
URGENCES CARDIOVASCULAIRES
Épanchement péricardique et tamponnade
Une tamponnade cardiaque survient quand l’accumulation de liquide dans le sac péricardique
empêche le remplissage diastolique du cœur et de ce fait compromet son fonctionnement
hémodynamique normal. L’infiltration du péricarde par un cancer métastatique peut être à
l’origine d’une telle situation, en particulier lors des cancers du sein et du poumon en phase
avancée.
Diagnostic
Les symptômes de tamponnade associent dyspnée, orthopnée, douleur thoracique et
confusion. À l’examen, on trouve tachycardie, tachypnée, cyanose, hypotension, pouls
paradoxal, assourdissement des bruits cardiaques et parfois un frottement péricardique.
Le cliché thoracique montre un cœur globuleux élargi et souvent un épanchement pleural
bilatéral. Le tracé électrocardiographique retrouve une tachycardie sinusale, un bas voltage et
une arythmie auriculaire.
L’échocardiographie est l’examen complémentaire de choix montrant l’épanchement
péricardique et parfois un collapsus atrio-ventriculaire durant la diastole.
Traitement
En urgence, une ponction péricardique est nécessaire pour soulager la fonction myocardique,
le liquide devant faire l’objet d’une analyse cytologique, bactériologique et biochimique.
Dans plus de 85% des cas, des cellules néoplasiques sont retrouvées par la cytologie. Pour
éviter la récidive de l’épanchement et de la tamponnade, il est nécessaire de réaliser
chirurgicalement une fenêtre péricardique ou de provoquer une sclérose accolant les deux
feuillets par injection de tétracycline.
Les patients dont la situation hémodynamique a été stabilisée peuvent bénéficier d’une
chimiothérapie ou d’une irradiation s’ils présentent une tumeur métastatique sensible comme
un cancer du sein ou un lymphome.
Syndrome cave supérieur
L’obstruction de la veine cave supérieure par compression et/ou envahissement à partir d’une
tumeur médiastinale constitue une situation clinique justifiant souvent une attitude d’urgence.
Il s’agit le plus souvent d’un cancer broncho-pulmonaire, en particulier de la forme
anaplasique à petites cellules, mais les lymphomes et les autres formes de cancers
bronchiques peuvent également donner un syndrome cave supérieur. La sévérité immédiate
du syndrome est fonction de l’importance de l’obstruction cave et de la compétence effective
du réseau collatéral de suppléance. Malgré sa présentation initiale souvent spectaculaire, il est
rare que le syndrome cave supérieur entraîne par lui-même une issue fatale. Cependant,
l’atteinte concomitante d’autres structures médiastinales comme la trachée ou le péricarde
peut avoir des conséquences immédiatement graves.
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Sept 2008/HR/mn
Diagnostic
Céphalées, nausées, vomissements, troubles visuels et syncope constituent les symptômes
initiaux. La dysphonie, la dyspnée, la dysphagie ou les douleurs dorsales témoignent de la
participation d’autres structures que le système cave.
À l’examen il est constaté une dilatation du réseau veineux superficiel hémicorporel supérieur
avec œdème et cyanose.
Le cliché thoracique montre une opacité paratrachéale droite ou un élargissement médiastinal.
La tomodensitométrie thoracique est très utile pour préciser l’extension tumorale, guider la
biopsie transpariétale, distinguer entre compression et obstruction endovasculaire, et enfin
aider au plan d’irradiation.
Dans certains cas, l’obtention d’un fragment biopsique doit être différée au profit du
traitement d’urgence.
Traitement
L’irradiation médiastinale est le geste d’urgence le plus efficace et permet dans plus de deux
tiers des cas une amélioration symptomatique rapide. Il est recommandé de délivrer au moins
au début des doses par séance de l’ordre de 4 Gy, reconnues nettement plus efficaces que
celles plus classiques voisines de 2 Gy. En général l’amélioration symptomatique est obtenue
en 8 jours.
La chimiothérapie peut être efficace, mais uniquement pour les tumeurs très sensibles comme
les lymphomes ou les cancers bronchiques anaplasiques à petites cellules, ce qui suppose que
la preuve histologique ait pu être obtenue.
URGENCES HÉMATOLOGIQUES
Coagulation intravasculaire disséminée
La coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) est un syndrome thrombo-hémorragique dû
à un excès d’activation de la thrombine. Ceci entraîne une consommation importante et donc
une diminution majeure de la disponibilité des facteurs circulants de la coagulation avec dans
le même temps précipitation de thrombi fibrinoplaquettaires dans la microcirculation. De ce
fait, la CIVD se manifeste le plus souvent sous la forme d’un syndrome hémorragique avec
plusieurs dysfonctionnements organiques associés.
Ce syndrome apparaît le plus souvent au moment du diagnostic ou au décours du traitement
cytoréducteur d’une leucémie aiguë, mais peut également compliquer d’autres leucémies ou
tumeurs solides très cellulaires. La CIVD est vraisemblablement initiée par les
thromboplastines tissulaires, les protéases ou les interleukines libérées par les cellules
leucémiques ou tumorales.
Diagnostic
Des hémorragies graves, souvent multiples, avec risque neuroméningé majeur, dominent le
tableau clinique.
Les données biologiques montrent une thrombocytopénie profonde, un allongement des temps
de prothrombine, de thrombine et du temps partiel de thromboplastine, une
hypofibrinogénémie et une élévation du taux circulant des produits de dégradation de la
fibrine. Une fragmentation des hématies peut être retrouvée sur les frottis sanguins.
Traitement
Les patients leucémiques présentant une CIVD sont traités par héparine IV (5 à 10 U/kg/h)
pour inhiber l’activité thrombine. L’administration rapide de plaquettes, de plasma et de
cryoprécipités est nécessaire pour restaurer rapidement les facteurs de la coagulation. La
numération des plaquettes doit être maintenue au-dessus de 50 000/ml et le fibrinogène audessus de 1,5 g/ml. Le traitement transfusionnel et l’héparinothérapie doivent être poursuivis
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Sept 2008/HR/mn
jusqu’à ce que la chimiothérapie ait réduit suffisamment le volume tumoral et que le
syndrome hémorragique soit contrôlé.
Leucostase
La leucostase est une complication des leucémies hypercellulaires au cours desquelles la
microvascularisation peut être obstruée et/ou infiltrée par les cellules blastiques. Cette
complication peut survenir quand la numération leucocytaire est au-dessus de 100 000/ml. Les
conséquences sont le plus souvent un dysfonctionnement pulmonaire et neurologique par
obstruction et/ou hémorragie à partir des vaisseaux de petit calibre. Les leucémies myéloïdes
aiguës et chroniques, les leucémies lymphoblastiques aiguës, beaucoup plus rarement la
leucémie lymphoïde chronique, peuvent se compliquer de leucostase. Les patients présentant
une variété monocytaire de leucémie aiguë sont particulièrement exposés à ce risque.
Habituellement, la leucostase survient avant tout traitement, mais elle peut parfois être
secondaire à la chimiothérapie ou à une transfusion sanguine.
Diagnostic
Le diagnostic doit être posé devant tout patient présentant une leucocytose supérieure à 50
000 et qui se plaint de difficultés neurologiques ou respiratoires. On retrouve alors dyspnée,
confusion, ataxie, troubles visuels, avec dans certains cas un priapisme ou une insuffisance
artérielle périphérique.
L’examen physique peut montrer un œdème papillaire, une distension veineuse rétinienne, des
râles pulmonaires diffus avec tachypnée. La gazométrie sanguine montre alors une hypoxie
marquée.
Traitement
La baisse rapide de la leucocytose est indispensable pour éviter les conséquences graves d’une
détresse respiratoire ou d’une hémorragie cérébrale ou méningée. Une leucophérèse en
urgence permet de réduire la leucocytose de 30 à 60% et de diminuer les effets métaboliques
liés à la destruction cellulaire par la chimiothérapie. L’hydroxurée à la dose de 3 g/m2/j per os
pendant 2 jours entraîne une diminution rapide du nombre de leucocytes.
Les deux moyens précédents n’ont que des effets transitoires, et seule l’efficacité de la
chimiothérapie permettra d’éviter la réapparition d’une hyperleucocytose dangereuse.
Thrombocytopénie
Le plus souvent l’apparition d’une thrombopénie chez un patient porteur d’un cancer est due à
une diminution de la production plaquettaire. Les traitements myélosuppressifs comme la
chimiothérapie ou l’irradiation étendue sont souvent en cause, mais l’infiltration de la moelle
osseuse par les cellules tumorales peut aboutir au même résultat. Au-delà de 50 000 éléments
par ml, le risque d’hémorragie spontanée est faible. Par contre, il augmente très vite audessous de 20 000 plaquettes par ml, en particulier au niveau des muqueuses avec un risque
méningé ou endocérébral dominant.
Diagnostic
Épistaxis, ecchymoses, ménométrorragies, hématurie ou hémorragies digestives peuvent être
constatées, le diagnostic étant affirmé par la numération plaquettaire.
Traitement
Les transfusions plaquettaires sont indiquées lorsqu’un syndrome hémorragique survient au
décours d’une thrombocytopénie sévère, ou comme traitement préventif du risque
hémorragique lors d’une numération plaquettaire inférieure à 20 000/ml. En l’absence
d’association avec une fièvre, une infection, une splénomégalie ou une allo-immunisation,
une unité plaquettaire pour 10 kg de poids corporel (5 à 7 U/m2) est une posologie suffisante
pour atteindre un compte plaquettaire efficace. Au cours d’une hémorragie patente la
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Sept 2008/HR/mn
numération plaquettaire doit être maintenue au-dessus de 50 000/ml. Aucune cause
supplémentaire de destruction plaquettaire comme l’aspirine, ne doit être administrée.
URGENCES MÉTABOLIQUES
Hypercalcémie
L’hypercalcémie est le plus souvent rencontrée lors de l’évolution métastatique incontrôlée
d’une néoplasie et alors associée quasi constamment à des localisations osseuses.
L’hypercalcémie maligne peut se déclarer brutalement et avoir une évolution rapide, éléments
qui la distinguent des autres hypercalcémies comme lors d’un hyperparathyroïdisme.
L’hypercalcémie maligne peut être entraînée par plusieurs mécanismes souvent associés.
Dans certains cas, les cytokines libérées par les cellules tumorales peuvent stimuler l’activité
ostéoclastique et donc augmenter l’hypercalcémie, dans d’autres la tumeur peut produire des
peptides avec des propriétés voisines de celles de la parathormone, entraînant une
hypercalcémie avec peu ou même pas du tout de localisations osseuses.
Diagnostic
Les symptômes de l’hypercalcémie comportent anorexie, nausées, vomissements,
constipation, polyurie, polydipsie et troubles de la conscience. L’hypercalcémie est affirmée
sur le dosage du calcium sérique.
Traitement
L’obtention forcée d’une diurèse d’au moins 200 à 250 ml/h doit être provoquée par une
hyperhydratation parentérale et l’administration de diurétiques, afin d’inverser la contraction
du volume extracellulaire et de favoriser la calciurèse. Cette manœuvre suppose une
surveillance étroite des fonctions cardio-pulmonaires pour prévenir toute surcharge hydrique
susceptible de provoquer une défaillance cardiaque congestive en particulier chez les patients
âgés. Les effets de cette diurèse forcée sont en général perceptibles sur la calcémie après 24 à
48 heures de traitement.
Les corticoïdes sont utiles dans le traitement de l’hypercalcémie secondaire à un
plasmocytome, un lymphome ou un cancer du sein. Leurs effets positifs s’observent après 5 à
10 jours de traitement. Des inhibiteurs de l’activité ostéoclastique sont maintenant disponibles
comme les diphosphonates ou le nitrate de gallium. Leur indication doit être réservée aux
échecs des traitements précédents ou quand ils ne sont pas réalisables. Leur effet est
perceptible 48 à 96 heures après la première administration IV.
La mithramycine à la dose de 25 mg/kg IV permet une diminution de la calcémie à partir de
12 heures en inhibant l’activité ostéoclastique, les effets étant maximaux 1 à 2 jours après
l’administration et persistant jusqu’à 3 semaines. Son utilisation est en principe contreindiquée en cas d’insuffisance rénale ou de thrombopénie sévère. Enfin, le traitement
spécifique de la maladie néoplasique en cause reste le moyen le plus efficace de réduire
l’hypercalcémie et doit donc être mis en œuvre le plus tôt possible.
Syndrome de lyse tumorale
Le syndrome de lyse tumorale englobe un groupe de désordres métaboliques venant
compliquer le traitement des gros volumes tumoraux rapidement évolutifs. Habituellement il
survient lors du traitement d’un lymphome de Burkitt, d’un lymphome lymphoblastique avec
hyperleucocytose ou d’une leucose myéloïde aiguë ou chronique. La très grande sensibilité de
ces tumeurs s’accompagne d’une lyse cellulaire massive libérant une grande quantité de
constituants intracellulaires dans la circulation comme les urates, les phosphates et le
potassium. La quantité de ces produits peut brutalement dépasser les capacités d’excrétion
rénale, entraînant une hyperphosphatémie, une hypocalcémie secondaire, une hyperuricémie
et une hyperkaliémie. La précipitation des urates et des phosphates dans le tube rénal peut
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Sept 2008/HR/mn
entraîner une insuffisance rénale aiguë et aggraver encore les désordres métaboliques avec le
risque de troubles du rythme cardiaque et d’encéphalopathie.
Diagnostic
La surveillance biologique régulière des patients traités pour les maladies décrites plus haut
est le meilleur moyen d’aide à la prévention et au diagnostic.
Traitement
Des mesure préventives comme celles décrites ci-dessous doivent être mises en œuvre 48
heures avant la chimiothérapie et poursuivies pendant 3 à 5 jours.
Hydratation IV d’environ 3 000 ml/m2/j amorçant l’excrétion d’urates et de phosphates en y
associant de l’allopurinol à la dose de 500 mg/m2/j per os pour réduire l’hyperuricémie.
Si le taux d’acide urique sanguin dépasse 7 mg/dl, une alcalinisation urinaire est nécessaire
avec administration IV de bicarbonate de sodium. Le pH urinaire doit être maintenu au-delà
de 7 tant que l’hyperuricémie persiste.
Une hémodialyse peut être nécessaire dans les syndromes sévères de lyse tumorale.
Hyperuricémie
Lors du traitement cytotoxique de maladies tumorales très cellulaires comme les lymphomes,
les leucémies ou les myélomes, la lyse cellulaire libère des purines qui sont catabolisées en
acide urique dont l’hyperabondance brutale peut entraîner une précipitation dans les tubules
rénaux et dans l’appareil excréteur, faisant courir le risque d’insuffisance rénale aiguë
lithiasique.
Diagnostic
Les premiers symptômes peuvent être ceux d’une insuffisance rénale aiguë, l’existence d’une
hématurie et de douleurs lombaires suggérant une lithiase associée. L’uricémie dépasse alors
10 mg/l et se situe le plus souvent à la hauteur de 20 mg/l. Une oligurie ou une anurie est
observée avec ou sans cristaux uriques. L’urée et la créatinine sanguines sont élevées.
Traitement
L’allopurinol, l’hydratation et l’alcalinisation des urines sont utilisés comme dans le
syndrome de lyse tumorale. L’hémodialyse est rarement nécessaire mais est alors très
efficace.
Hyponatrémie
L’hyponatrémie chez les patients cancéreux est habituellement due à une sécrétion ectopique
ou inappropriée d’hormone antidiurétique (ADH). Le plus souvent il s’agit d’une production
autonome d’ADH par un cancer pulmonaire anaplasique à petites cellules. D’autres types de
tumeurs, habituellement d’origine neuro-endocrine, peuvent également produire de l’ADH.
L’hyponatrémie liée à une sécrétion inappropriée d’ADH peut précéder le diagnostic de la
tumeur en cause de plusieurs mois, mais le plus souvent la maladie tumorale est connue lors
de la constatation de l’hyponatrémie.
Le syndrome de Schwartz-Bartter (SSB) peut également survenir secondairement lors de
l’apparition de métastases cérébrales ou après traitement par des cytotoxiques comme le
cyclophosphamide ou la vincristine. Dans ce cas, la cause est un dysfonctionnement de l’axe
hypothalamo-hypophysaire.
Diagnostic
Les symptômes ne sont pas étroitement corrélés avec l’importance de l’hyponatrémie et
dépendent plutôt de sa rapidité d’apparition. Il est retrouvé le plus souvent anorexie, nausées,
vomissements, asthénie et somnolence.
La natrémie est alors inférieure à 130 mmol/l, les chiffres inférieurs à 115 mmol/l étant
généralement associés à des troubles psychiques et/ou moteurs. D’autres étiologies possibles à
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Sept 2008/HR/mn
l’hyponatrémie doivent être exclues, comme l’usage des diurétiques, l’hypocorticisme,
l’hypothyroïdie, l’insuffisance rénale, l’existence d’œdèmes ou l’hémodilution.
La mesure simultanée de l’osmolarité sérique et urinaire, montre une hyperconcentration
urinaire paradoxale et affirme le diagnostic de syndrome de sécrétion inappropriée d’ADH
(SIADH), puisque l’excrétion sodée urinaire n’est pas diminuée.
Traitement
Une hyponatrémie légère ou modérée liée à un SSB est traitée par restriction hydrique (500
ml/jour).
Pour les formes sévères, en particulier quand il existe des symptômes neurologiques,
l’administration prudente et progressive de solutions salées hypertoniques est nécessaire. Le
furosémide permet d’améliorer la natrémie et d’éviter une surcharge cardio-vasculaire.
La chimiothérapie est le moyen le plus durable d’amélioration du SSB en réduisant le volume
tumoral. De même l’irradiation des métastases cérébrales et les corticoïdes sont capables
d’améliorer le trouble métabolique.
Hypoglycémie
L’hypoglycémie sévère directement liée à la présence d’une tumeur est une situation rare en
oncologie. Elle est par contre bien connue dans le cadre d’une tumeur pancréatique
particulière, l’insulinome. L’hypoglycémie est par ailleurs classiquement décrite avec les
volumineuses tumeurs mésenchymateuses comme les mésothéliomes, les fibrosarcomes, les
hépatomes ou les corticosurrénalomes. Dans ces derniers cas, l’hypoglycémie est
probablement liée à la sécrétion tumorale d’un facteur de croissance à activité insuline-like.
Les épisodes hypoglycémiques sont habituellement déclenchés par l’effort physique et
peuvent conduire à des dégâts cérébraux graves.
Diagnostic
Les symptômes neurologiques prédominent, associant irritabilité, stupeur, confusion,
agitation, paralysies motrices et troubles visuels. Une glycémie inférieure à 4 mmol/l ou à 3,5
mmol/l en postprandial permet d’évoquer le diagnostic.
Les patients porteurs d’insulinome présentent une insulinémie élevée malgré l’hypoglycémie.
Traitement
Administration en urgence d’une injection bolus de dextrose à 50% suivie d’une perfusion
continue de dextrose à 10%. Exérèse chirurgicale de la tumeur ou à défaut traitement
cytotoxique. Administration prolongée de corticoïdes, de glucagon, quand les traitements
précédents sont inefficaces ou irréalisables.
URGENCES INFECTIEUSES
Fièvre chez le patient neutropénique
Une neutropénie plus ou moins sévère est habituelle chez les patients porteurs de cancers
traités par chimiothérapie myélotoxique. Par ailleurs, une neutropénie peut également survenir
quand la moelle osseuse est étouffée par une prolifération métastatique ou hématopoïétique
maligne. La susceptibilité du patient neutropénique aux infections peut être augmentée par
une immunodépression comme celle liée à une splénectomie ou une
hypogammaglobulinémie.
Aucun délai ne doit être apporté à l’évaluation et au traitement d’un patient neutropénique
fébrile, dans la mesure où le risque d’évolution fatale est majeur. Toute fièvre chez ce type de
patient doit être considérée comme synonyme d’infection jusqu’à la preuve du contraire. Les
infections au cours d’une neutropénie sont en général dues à des bactéries pathogènes mais
dans près de la moitié des cas aucun site infectieux ou aucun germe ne peut être mis en
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Sept 2008/HR/mn
évidence. Par ailleurs des infections systémiques à levures peuvent survenir en particulier
quand la neutropénie est prolongée.
Diagnostic
Une température centrale au-delà de 38 °C mérite évaluation précise. Un examen général est
obligatoire avec attention spéciale aux gencives, au pharynx, à la région périrectale et aux
sites d’accès vasculaire. Les signes infectieux locaux peuvent être souvent très discrets.
Les examens de laboratoire incluent la culture du sang, des urines et éventuellement d’autres
sites en fonction de l’examen clinique. Un cliché thoracique est recommandé.
Traitement
La mise en route rapide d’une antibiothérapie à large spectre est indispensable, l’association
d’un aminoside et d’une bétalactamine étant habituellement recommandée. Ce traitement peut
varier en fonction de risques infectieux particuliers ou des données cliniques.
Si une infection à bacille Gram négatif ou une surinfection sur voie veineuse sont suspectées,
la vancomycine, agent antistaphyloccocique, est utile.
La persistance d’une fièvre chez un patient neutropénique traité par une association
antibiothérapique correcte doit faire recourir à la prescription empirique d’amphotéricine B à
visée antifongique.
Infection fongique systémique chez le
patient immunodéprimé
La neutropénie et l’immunosuppression sont des facteurs favorisants du développement d’une
infection fongique locale agressive ou d’emblée systémique. Par exemple, chez les patients
leucémiques en neutropénie prolongée, des champignons comme Candida, Aspergillus ou
Mucor sp. sont fréquemment retrouvés. L’administration de corticoïdes au long cours,
l’hyperalimentation centrale, les mucites, l’antibiothérapie à large spectre ou la présence de
cathéters veineux profonds sont tous des facteurs d’aggravation du risque d’infections
fongiques. Par contre, les patients porteurs de lymphomes peuvent présenter un infection à
Cryptococcus sp. sans neutropénie, en raison d’une immunodépression cellulaire.
Les candidoses invasives entraînent souvent des œsophagites, des entérites ou des
pneumonies, avec risque de dissémination cérébrale, hépatique ou oculaire. Le syndrome de
candidose hépatique associe fièvre, douleur abdominale, élévation des phosphatases alcalines,
les lésions hépatiques n’apparaissant qu’après disparition de la neutropénie. Aspergillus et
Mucor sp. entraînent volontiers des infections pulmonaires ou sinusiennes, avec le risque,
compte tenu des propriétés angio-invasives de ces germes, de survenue d’infarctus
pulmonaire, de nécrose aiguë des sinus, du palais ou de l’orbite avec dissémination
systémique rapide. Par contre, les infections à Cryptococcus sp. sont typiquement méningées
et entraînent céphalées, somnolence, fièvre et confusion.
Diagnostic
L’identification du champignon par prélèvements multiples (y compris le LCR) et mise en
culture est indispensable. Une fungémie est rarement mise en évidence.
Le test séro-immunologique de détection des antigènes cryptococciques est une technique
sensible et spécifique y compris dans le LCR. Les cryptocoques peuvent également être mis
en évidence dans le LCR par coloration spéciale.
Traitement
L’administration prolongée d’amphotéricine B est indispensable pour les mycoses
systémiques, la guérison dépendant en grande partie de l’évolution favorable de la
neutropénie.
Le drainage chirurgical des foyers fongiques sinusiens est souvent indispensable.
Une fungémie en relation avec un cathéter oblige à son retrait immédiat.
170
Sept 2008/HR/mn
Infections virales
L’infection à herpès virus survenant chez un patient immunodéprimé est en règle sévère,
prolongée et fréquemment diffuse. Elle est retrouvée généralement comme complication des
traitements lourdement immunosuppresseurs des leucémies ou des lymphomes.
La réactivation de l’herpès simplex provoque l’apparition d’une mucite ulcérante au niveau de
la bouche, de l’oropharynx et de l’œsophage, rendant impossible l’alimentation et facilitant la
survenue de surinfections bactériennes ou fongiques. La dissémination virale, quoique rare,
peut conduire à des pneumopathies interstitielles gravissimes, ainsi qu’à des hépatites ou des
encéphalites. L’infection primaire par le virus de la varicelle peut entraîner un exanthème
sévère et éventuellement une pneumopathie très grave. La recrudescence d’une infection
varicelleuse latente chez l’adulte entraîne l’apparition d’un zona souvent hyperalgique,
éventuellement suivi d’une dissémination systémique.
Diagnostic
La mucite herpétique peut être difficile à différencier de celle entraînée par la chimiothérapie,
l’irradiation ou une candidose. Il est beaucoup plus facile de reconnaître les signes cliniques
de la varicelle ou du zona.
L’étude cytologique du fluide contenu dans les vésicules montre de nombreuses cellules
géantes avec des inclusions intranucléaires. Le virus herpès peut être mis en culture à partir du
contenu vésiculaire ou des dépôts muqueux.
Prophylaxie
L’administration d’immunoglobulines antivaricelle dans les 72 heures qui suivent une
exposition diminue le risque de survenue et la gravité de l’infection varicelleuse primaire.
La prise orale ou IV d’aciclovir diminue le risque d’infection cutanéomuqueuse à herpès
simplex chez les patients séropositifs recevant un traitement antileucémique.
Traitement
La varicelle chez l’immunodéprimé doit être traitée rapidement par aciclovir IV à la dose de
500 mg/m2 tous les 8 jours.
Les lésions cutanéomuqueuses à herpès simplex répondent également au traitement par
aciclovir, soit sous forme orale soit IV (250 mg/m2 toutes les 8 heures).
Infections parasitaires
Les patients traités par chimiothérapie lourde neutropéniante et immunodépressive ou par
corticothérapie prolongée peuvent présenter une infection opportuniste parasitaire. Les
parasites concernés peuvent être des protozoaires comme Pneumocystis carinii, Toxoplasma
gondii, ou des nématodes comme Strongyloides stercoralis. Les cibles essentielles de ces
parasites sont les poumons, le système nerveux central et l’intestin.
La pneumonie à pneumocystes se présente classiquement sous la forme de fièvre avec toux et
dyspnée, associées radiologiquement à des infiltrats diffus interstitiels de type alvéolaire. La
toxoplasmose qui peut être une primo-infection ou une infection ancienne réactivée, peut
entraîner une encéphalite, avec syndrome pseudotumoral intracérébral retrouvé à la
tomodensitométrie, ou une méningite, les patients présentant alors des déficits neurologiques
et souvent une hypertension intracrânienne. Strongyloides produit un syndrome infectieux très
sévère lié à la prolifération incontrôlable du parasite dans l’intestin. La forme larvaire filaire
de ce parasite passe à travers la muqueuse intestinale et colonise les poumons entre autres. La
larve transportant de nombreux éléments de la flore bactérienne, elle permet le développement
de pneumonies, de méningites ou de septicémies, soit bactériennes soit fongiques, soit les
deux.
171
Sept 2008/HR/mn
Diagnostic
Le diagnostic de pneumocystose pulmonaire est obtenu par lavage broncho-alvéolaire et
biopsie transbronchique, parfois même par biopsie chirurgicale. Le diagnostic de
toxoplasmose est apporté par les tests sérologiques, mais chez le patient très immunodéprimé
une négativité sérologique ne signifie pas forcément absence de l’infection, dont le diagnostic
peut être alors obtenu à la lecture microscopique de prélèvements tissulaires. Strongyloïdes est
mis en évidence par examen du contenu duodénal, des selles ou de prélèvements effectués à
partir de n’importe lequel des organes atteints.
Traitement
La pneumonie à pneumocystes est traitée par le thriméthoprime (Bactrim par exemple) (15-20
mg/kg/j) sur 2 semaines. L’iséthionate de pentamidine (Pentacarinat) est également efficace
(4 mg/kg/j) bien que plus toxique.
La toxoplasmose cérébroméningée doit être traitée par la pyriméthamine (Malocide,
Fansidar) associée à la sulfadiazine (Adiazine, Flammazine), pendant plusieurs semaines
après la fin du syndrome infectieux ce qui peut correspondre à plusieurs mois de traitement.
Srongyloïdes nécessite un traitement par des antihelminthiques comme le thiabendazole et des
antibiotiques pour les surinfections bactériennes associées. Enfin, les traitements
immunosuppresseurs doivent être arrêtés ou allégés.
URGENCES DIGESTIVES
Obstruction œsophagienne
Le cancer œsophagien est la principale cause d’obstruction néoplasique de l’œsophage. Il peut
arriver que l’obstruction soit liée à une compression extrinsèque comme celle liée à un cancer
bronchique à extension médiastinale majeure ou à un lymphome. Les cancers œsophagiens
primitifs entraînent une obstruction progressive responsable d’une dysphagie croissante et
d’un amaigrissement.
Diagnostic
Le transit œsophagien montre la sténose, l’éventuelle dilatation d’amont et les irrégularités de
la muqueuse. L’endoscopie visualise la tumeur et permet la biopsie. Les lésions compressives
extrinsèques ne sont mises en évidence correctement que par l’examen tomodensitométrique.
Traitement
Une compensation nutritionnelle par voie digestive (sonde nasogastrique quand elle est
possible ou jéjunostomie quand l’obstruction est totale) est souhaitable, presque toujours
préférable à une hyperalimentation parentérale. Seul le traitement spécifique de la maladie en
cause, qu’il soit à visée curative ou palliative, permettra d’améliorer durablement la
symptomatologie.
Occlusion intestinale
Le développement d’une néoplasie intra-abdominale peut conduire à une obstruction
intestinale éventuellement associée à une perforation. L’occlusion comme la perforation peut
être unique ou multiple, comme souvent dans l’évolution d’un adénocarcinome ovarien,
digestif ou mammaire métastatique. Une obstruction colique isolée est en général due à un
cancer colique.
En l’absence de néoplasie intra-abdominale évolutive évidente, les autres causes d’occlusion
doivent être envisagées (bride, hernie) y compris iatrogènes (iléus paralytique secondaire aux
alcaloïdes de la pervenche ou aux sels de platine, iléite postradiation à distance du traitement
initial).
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Sept 2008/HR/mn
Diagnostic
Anorexie, nausées, vomissements, douleurs abdominales, arrêt des matières et des gaz,
hyperpéristaltisme abdominal, défense abdominale diffuse, météorisme, conduisent à la
réalisation d’un cliché sans préparation de l’abdomen montrant typiquement des niveaux
liquides multiples dans des anses dilatées.
Traitement
Après correction des désordres électrolytiques et mise en place d’une sonde gastrique
d’aspiration, la discussion porte sur l’indication opératoire qui est formelle pour les
obstructions complètes. Cependant, dans le cas de maladies intra-abdominales très étendues,
la chirurgie est souvent peu efficace y compris sur le ou les obstacles mécaniques. Le
traitement symptomatique palliatif de l’inconfort peut être préférable.
Hémorragie digestive
Il est rare qu’une néoplasie par elle-même entraîne une hémorragie digestive suffisamment
importante pour constituer une menace vitale immédiate. Le plus souvent il s’agit d’une
pathologie associée, comme un ulcère peptique, une gastrite médicamenteuse, une hémorragie
en nappe due à une thrombocytopénie, des varices œsophagiennes. Les hémorragies basses
peuvent être liées à des diverticules coliques, une angiodysplasie ou une colite hémorragique.
Diagnostic
L’endoscopie constitue le meilleur moyen pour mettre en évidence la source du saignement,
bien qu’elle soit parfois difficile à réaliser lors de saignements profus.
L’angiographie est très utile pour topographier un saignement colique massif en particulier
chez un patient en situation hémodynamique instable pour lequel une endoscopie pourrait
devenir dangereuse.
Traitement
Le traitement d’urgence comporte un remplissage volumique complété de transfusions. Une
coagulopathie associée doit être corrigée si cela est possible.
Les hémorragies gastro-duodénales nécessitent un traitement par antagonistes des récepteurs
H2 (cimétidine, ranitidine) et des antiacides. L’électrocoagulation ou la photocoagulation
laser au cours de l’endoscopie peuvent être réalisées en cas de haut risque de nouveau
saignement.
Le traitement des varices œsophagiennes peut faire appel à la compression par ballon intraœsophagien et/ou à la sclérose veineuse perendoscopique. L’injection spécifique
d’angiopressine lors d’une artériographie pour hémorragie intestinale peut être efficace, le
plus souvent suivie d’une résection segmentaire chirurgicale. Pour les cancers rectaux
évolués, il est possible de proposer soit une irradiation concentrée quand elle est possible, soit
une électrocoagulation intraluminale.
Ascite
L’ascite maligne est une situation clinique fréquente qui peut parfois entraîner un inconfort
majeur pour les patients. Habituellement, l’ascite complique l’évolution d’une néoplasie
ovarienne, mammaire ou digestive. Deux mécanismes peuvent concourir à la formation de
l’épanchement péritonéal: blocage du réseau lymphatique sous-diaphragmatique et/ou
exsudation directe par les implants tumoraux séreux. Les symptômes associent anorexie,
nausées, inconfort abdominal, dyspnée quand l’épanchement est très volumineux.
Diagnostic
L’examen clinique est très souvent suffisant pour affirmer le diagnostic d’ascite, confirmée
facilement par l’échographie voire la tomodensitométrie qui recherche en outre un syndrome
tumoral intra-abdominal ou hépatique.
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Sept 2008/HR/mn
Il est parfois nécessaire d’effectuer une ponction avec examen cytologique du liquide pour
confirmer le caractère néoplasique de l’épanchement.
Traitement
Le meilleur traitement de l’ascite néoplasique est représenté par le traitement de la néoplasie
en cause. La ponction décompressive est souvent indispensable, mais sa répétition entraîne
une déperdition protéique importante. Il peut être utile de prescrire des spironolactones. Un
shunt péritonéoveineux peut être efficace chez certains patients sélectionnés en l’absence
d’insuffisance cardiaque ou rénale.
URGENCES UROLOGIQUES
Uropathie obstructive
La compression ou l’obstruction progressive des voies urinaires par un syndrome tumoral
entraîne une insuffisance rénale. L’obstruction urétérale est en général due à des cancers
génito-urinaires (col, corps, vessie, prostate). Une compression urétrale est le plus souvent
liée à un cancer prostatique, parfois au rare cancer urétral primitif. L’insuffisance rénale
obstructive se développe à bas bruit, avec un minimum de signes cliniques pendant
longtemps.
Diagnostic
L’hydronéphrose est facilement mise en évidence par l’échographie, le site et l’origine de
l’obstruction par l’examen TDM et/ou par la cystoscopie ou la pyélographie rétrograde.
L’hypertrophie prostatique est retrouvée au TR, l’impossibilité du sondage vésical suggérant
une obstruction urétrale.
Traitement
La néphrostomie percutanée soulage l’hyperpression d’amont, peut permettre une
opacification antérograde et éventuellement la mise en place d’une prothèse endo-urétérale.
L’obstruction urétrale infranchissable conduit à une cystostomie suprapubienne. La chirurgie
d’exérèse tumorale peut libérer les voies urinaires, mais dans de nombreux cas, seule une
chirurgie de dérivation sera possible.
Hématurie
Des hématuries graves peuvent compliquer l’évolution d’un cancer de la vessie, du rein ou
plus rarement d’une néoplasie pelvienne envahissant la vessie. Par ailleurs, l’administration
de cyclophosphamide (hautes doses) ou d’ifosfamide peut entraîner l’apparition d’hématuries
graves, en raison de la concentration urinaire de dérivés toxiques pour la muqueuse
urothéliale. Enfin, en dehors de toute évolution néoplasique, l’irradiation pelvienne en
particulier associée à la curiethérapie peut entraîner une cystite hématurique récidivante
survenant plusieurs mois après le traitement, rarement très abondante.
Diagnostic
Les patients présentent des douleurs sus-pubiennes, une pollakiurie ou une rétention urinaire,
l’émission de sang avec caillots. Le saignement peut être suffisamment important pour
justifier une compensation sanguine. Il est nécessaire de rechercher une infection associée.
Traitement
Hydratation vigoureuse par voie veineuse, diluant les urines, couplée à un sondage vésical
lors d’obstruction du méat vésical par des caillots.
Lors d’une tumeur endovésicale hémorragique, électrocoagulation sous endoscopie et
résection transurétrale permettent le plus souvent d’obtenir l’hémostase. On peut également
réaliser l’instillation endovésicale d’hémostatiques, emboliser les vaisseaux vésicaux, où
réaliser une irradiation pelvienne concentrée hémostatique.
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Sept 2008/HR/mn
La cystite hémorragique iatrogène due à la chimiothérapie peut être prévenue par une
hyperhydratation suffisante et l’administration de mesna. Quand elle survient, il est alors utile
de recourir à des instillations endovésicales de formol et à des lavages vésicaux répétés.
La cystite hémorragique postradique bénéficie d’une hyperhydratation per os,
d’électrocoagulations endovésicales et dans les formes graves d’embolisation sélective.
URGENCES RESPIRATOIRES
Épanchement pleural
La plupart des épanchements pleuraux survenant au décours de l’évolution d’une néoplasie
sont dus au développement de cellules tumorales au niveau des feuillets pleuraux eux-mêmes,
beaucoup plus rarement en raison d’un blocage tumoral de la circulation lymphatique
thoracique. Les cancers du sein, du poumon et les lymphomes représentent 75% des étiologies
des pleurésies malignes. Les épanchements de grande abondance entraînent une gêne
respiratoire majeure justifiant un soulagement rapide.
Diagnostic
Les symptômes associent dyspnée, toux peu ou pas productive, oppression thoracique plus ou
moins douloureuse. À l’examen on retrouve une diminution du murmure vésiculaire et une
matité.
Les épanchements pleuraux ne sont radiologiquement visibles que quand ils ont une certaine
importance, un cliché en décubitus latéral pouvant confirmer la liberté de la cavité pleurale.
La ponction pleurale soulage le patient et permet une analyse cytologique confirmant le
diagnostic de malignité dans 3/4 des cas. Quand la cytologie est négative et que
l’épanchement a les caractères d’un exsudat (LDH > 200, rapport épanchement sang > 0,6
pour les LDH et > 0,5 pour les protéines), une biopsie pleurale sous pleuroscopie est
nécessaire.
Traitement
La ponction pleurale évacuatrice soulage immédiatement les patients, mais en l’absence de
traitement efficace de la néoplasie, l’épanchement va se reconstituer en quelques jours.
La création d’une synéchie pleurale par talcage sous pleuroscopie peut empêcher le
renouvellement de l’épanchement. Le traitement spécifique de la néoplasie en cause reste le
meilleur moyen pour tarir l’épanchement.
Obstruction respiratoire haute
Une obstruction néoplasique respiratoire haute peut survenir à n’importe quel endroit de la
région sus-glottique à la carène. L’obstruction peut être endoluminale ou par compression
extrinsèque. Les étiologies les plus fréquentes sont les cancers bronchiques, les lymphomes,
parfois les cancers thyroïdiens ou ORL. L’obstruction peut se compliquer à tout moment d’un
syndrome asphyxique grave.
Diagnostic
Les patients présentent une dyspnée sévère, un tirage inspiratoire avec wheezing. On retrouve
le plus souvent une tachypnée avec un creusement inspiratoire sus-sternal et sus-claviculaire.
Le cliché radiographique du thorax peut montrer une masse médiastinale supérieure avec
déviation et compression de la lumière trachéale. La réalisation d’une TDM est dans ces
circonstances peu appropriée. Le diagnostic peut être apporté par biopsie transpariétale ou
bronchoscopie ventilée, mais dans certains cas l’état clinique est tel qu’un traitement doit être
décidé sans preuve anatomo-pathologique.
Traitement
L’oxygénothérapie et la corticothérapie sont les deux mesures d’urgence.
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Sept 2008/HR/mn
Le traitement spécifique le plus efficace est l’irradiation sous forme de 2 à 3 séances de 3 à 4
Gy chacune, suivies d’un protocole classique dépendant de l’étiologie.
La désobstruction endobronchique peut être complétée par le laser perbronchoscopique, la
photothérapie dynamique ou la curiethérapie endobronchique à haut débit de dose.
La chimiothérapie n’est envisageable que s’il s’agit d’une tumeur très chimiosensible comme
un lymphome, une tumeur dysembryonnaire ou un carcinome anaplasique à petites cellules.
URGENCES NEUROLOGIQUES
Hypertension intracrânienne
L’élévation de la pression intracrânienne peut compliquer l’évolution d’une tumeur
endocérébrale primitive ou secondaire. Le plus souvent le syndrome expansif est
intraparenchymateux bien que les méningites carcinomateuses puissent s’accompagner
également d’hypertension intracrânienne (HTIC). L’hyperpression menace la perfusion
sanguine cérébrale et fait courir le risque d’engagement d’une partie du parenchyme cérébral
soit sous la faux cérébrale soit dans le trou occipital.
Chez l’adulte, les tumeurs cérébrales sont le plus souvent secondaires à un mélanome, un
cancer du poumon, du sein, du rein ou du tube digestif. Les tumeurs primitives sont
essentiellement des gliomes de malignité variable. Les métastases méningées sont le plus
souvent secondaires aux leucémies et aux lymphomes mais peuvent se voir dans les cancers
du sein ou du poumon.
Diagnostic
Les symptômes d’HTIC associent céphalées, vomissements, troubles visuels, diplopie,
confusion et troubles de la vigilance. Les céphalées sont classiquement plus marquées le
matin au réveil, augmentées par la toux et soulagées par les vomissements. Les signes
d’examen sont: l’œdème papillaire bilatéral (50% des cas), une rigidité cervicale postérieure
en cas de participation méningée. Des déficits neurologiques focalisées dépendent de
l’implantation tumorale. Un engagement s’accompagne de paralysies des paires crâniennes,
d’une hypertension systémique et d’une bradycardie.
Un examen TDM ou IRM est nécessaire en urgence, montrant souvent une dilatation
ventriculaire en cas d’obstacle médian, un œdème périventriculaire ou un syndrome de masse
prenant le contraste avec œdème périlésionnel. La ponction lombaire est contre-indiquée dans
ces circonstances en raison du risque d’engagement.
Le diagnostic de méningite carcinomateuse suppose une preuve cytologique avec les
précautions précédemment décrites. L’IRM avec gadolinium est par ailleurs très performante
pour mettre en évidence des localisations méningées tumorales.
Traitement
Les corticostéroïdes doivent être administrés rapidement pour réduire l’œdème avec une
efficacité quasi constante.
Les patients présentant un engagement doivent être intubés pour permettre une ventilation
assistée et doivent recevoir des anti-œdémateux puissants comme le mannitol (1 à 2 g/kg
toutes les 4 à 6 heures).
En cas de dilatation ventriculaire, la pose chirurgicale d’une valve externe, le plus souvent
ventriculopéritonéale, est le geste le plus efficace à moyen terme.
L’irradiation est réalisée pour les métastases cérébrales multiples, la chirurgie, quand elle est
possible, pour les tumeurs primitives ou les métastases uniques survenant tardivement après le
traitement de la tumeur initiale, par ailleurs elle-même contrôlée. La chirurgie est en règle
suivie d’une irradiation.
176
Sept 2008/HR/mn
La chimiothérapie joue un rôle mineur dans ces circonstances bien que les méningites
carcinomateuses soient traitées avec efficacité par injections intrathécales de médicaments
cytotoxiques (méthotrexate, cytosine arabinoside par exemple).
Compression médullaire
Il est capital de reconnaître les premiers symptômes d’une compression médullaire pour éviter
la constitution d’un tableau complet qui en quelques heures deviendra très partiellement
réversible malgré la décompression. Le plus souvent la compression médullaire est due à un
syndrome métastatique extradural (sein, poumon, prostate, lymphome, rein, plasmocytome
multiple) soit d’origine vertébrale soit sans participation osseuse. Les tumeurs primitives de la
moelle épinière sont des affections rares. Le siège le plus fréquent est dorsal (70%) puis
lombaire (20%) et enfin cervical (10%).
Diagnostic
Le premier signe est quasi constamment la douleur postérieure avec souvent irradiation
radiculaire. Ensuite surviennent des paresthésies puis des parésies des membres en particulier
inférieurs. Une raideur vertébrale est habituelle, l’élévation des membres tendus pouvant
déclencher la douleur radiculaire. La symptomatologie déficitaire dépend du siège de la
compression.
Signes cliniques lors d’une compression médullaire
Signe/déficit
Force
musculaire
Queue de cheval
Déficit
asymétrique
souvent discret
Diminués
En extension
Cône médullaire
Déficit
symétrique
variable
Rotuliens
augmentés
achilléens
diminués
En extension
Déficitaire
symétrique en
selle de cheval
Incontinents
Asymétrique
radiculaire
Sphincters
Déficitaire
symétrique au
niveau lésionnel
Rétentionnels
Évolutivité
Rapide
Variable
Réflexes
tendineux
Réflexe
plantaire
Sensibilité
Moelle
Déficit
symétrique
profond
Augmentés ou
absents
En flexion
Éventuellement
normaux
Variable
Les clichés standards de la colonne vertébrale montrent souvent une lyse osseuse ou une
déformation en particulier du mur vertébral postérieur. L’examen IRM est d’une grande
sensibilité pour explorer la moelle épinière et situer le siège de la compression, à défaut une
myélographie au décours d’un TDM sera pratiquée. Lors de ces examens un prélèvement du
LCR sera effectué pour examen cytologique.
Traitement
Les corticoïdes doivent être administrés à hautes doses pour réduire l’œdème compressif.
La laminectomie décompressive est une indication d’urgence formelle quand une preuve
histologique doit être obtenue, ou quand la compression survient en territoire irradié, ou
quand la symptomatologie s’aggrave en cours d’irradiation. Par ailleurs si le patient est
porteur d’une tumeur peu radiosensible ou si l’histoire clinique immédiate est en faveur d’une
aggravation rapide des symptômes, une laminectomie sera également réalisée. Enfin, si les
explorations radiologiques montrent une grande destruction osseuse lytique, la chirurgie
177
Sept 2008/HR/mn
décompressive peut être indiquée, alors premier temps d’une consolidation orthopédique.
Chaque fois la chirurgie sera suivie d’irradiation.
Dans les autres cas, l’irradiation est le traitement indiquée: tumeurs radiosensibles
(lymphomes par exemple), lésions situées sous le cône médullaire, évolution lente des
symptômes, contre-indications médicales à la chirurgie. La chimiothérapie doit être envisagée
en cas de tumeur sensible ne pouvant à l’évidence pas bénéficier de chirurgie et/ou de
radiothérapie. 60 à 70% des patients traités avant la constitution d’un tableau neurologique
déficitaire sont ensuite capables de marcher. Seuls 5% en sont capables s’ils ont été traités en
situation déficitaire constituée.
URGENCES OCULAIRES
L’orbite peut être le siège de localisations métastatiques (le plus souvent sein, mélanome ou
poumon) ou lymphomateuses. Dans certains cas il s’agit de l’envahissement direct à partir
d’une tumeur sinusienne ou nasopharyngée. Les tumeurs orbitaires primitives sont rares chez
l’adulte. Dans tous les cas, le risque est la dégradation rétinienne et nerveuse avec cécité
secondaire.
Diagnostic
Les symptômes habituels associent diplopie, douleur orbitaire, baisse de l’acuité visuelle et
exophtalmie.
L’examen ophtalmologique retrouve un déplacement oculaire et une ophtalmoplégie.
L’exploration TDM ou IRM confirme le syndrome tumoral endo-orbitaire et peut guider une
biopsie, nécessaire en cas de doute étiologique.
Traitement
Une irradiation en urgence associée aux corticoïdes est indiquée pour éviter la cécité et
diminuer la douleur. La chimiothérapie n’est envisageable que pour les lymphomes.
Chaque fois que cela est possible, le cristallin doit être épargné, mais le risque de cataracte ne
doit en aucun cas faire discuter l’indication d’irradiation décompressive.
178
Sept 2008/HR/mn
EFFETS TARDIFS DES
TRAITEMENTS
CANCÉROLOGIQUES
L’ensemble des traitements cancérologiques est susceptible d’entraîner l’apparition d’effets
secondaires tardifs souvent graves. Les traitements cytotoxiques spécifiquement
cancérologiques, radiothérapie et chimiothérapie, ont l’essentiel de la responsabilité dans la
survenue de ces complications tardives, même si la chirurgie peut y contribuer soit parce
qu’elle est radicale, soit parce que ses effets propres sont majorés par ceux des autres
traitements.
Il a été longtemps considéré que la gravité potentiellement létale des cancers justifiait
amplement le recours à des traitements ou des associations de traitements générateurs d’un
taux élevé de complications graves. C’est ainsi que tout au long de la première moitié du XXe
siècle, la chirurgie et/ou la radiothérapie ont été utilisées, chacune isolément ou en
association, de façon maximaliste, entraînant l’apparition de séquelles majeures irréversibles
comportant souvent une menace vitale propre.
Depuis qu’environ 50% des patients porteurs d’un cancer en sont guéris et que très souvent la
survie de ceux qui ne sont pas guéris s’étend sur plusieurs années, le niveau de risque des
complications tardives et les raisons de leur survenue ont été mieux évalués et intégrés dans la
conception des plans thérapeutiques.
La notion d’index thérapeutique est devenue aujourd’hui un des éléments clefs de la stratégie
de traitement en cancérologie, permettant de définir schématiquement trois catégories de
situations:
o cancers de curabilité élevée pour lesquels la réduction du risque d’effets secondaires
indésirables, à performance thérapeutique constante, est un des objectifs majeurs
(maladie de Hodgkin, cancers testiculaires, petits cancers du col, du sein, du rectum,
par exemple);
o cancers de curabilité aléatoire, en règle générale localement avancés, pour lesquels,
sans qu’ils soient pour autant systématiquement justifiés, les effets secondaires
indésirables sont souvent inévitables en raison de la difficulté d’obtention de la
curabilité obligeant à utiliser les moyens thérapeutiques au maximum de leur
efficacité;
o cancers de curabilité très improbable, essentiellement représentés par les formes
métastatiques de tumeurs épithéliales, pour lesquelles la survenue d’effets secondaires
post-thérapeutiques graves est inacceptable au regard du pronostic global et de
l’objectif de qualité de survie.
Plusieurs éléments constants complètent les arguments de décision:
o l’association de traitements différents, si elle apporte souvent un gain de performance
par rapport à une monothérapie, comporte toujours un risque d’accentuation des effets
secondaires propres à chaque thérapeutique. Cette accentuation est maximale si
chaque thérapeutique est réalisée de façon radicale (association radiochirurgicale par
exemple);
o dans le cadre des traitements cytotoxiques spécifiques, il est connu depuis longtemps
que la radiothérapie entraîne des effets aigus résolutifs et rarement graves mais par
contre comporte des risques de complications tardives qui sont, elles, définitives. À
l’opposé la chimiothérapie a été considérée jusqu’à il y a peu comme responsable
d’effets aigus parfois majeurs mais sans risque de complications tardives. On sait
aujourd’hui qu’il n’en est rien et que les deux traitements comportent chacun des
179
Sept 2008/HR/mn
risques tardifs sérieux et que leur association aggrave ces risques (effets délétères sur
les organes cibles, risque accru de cancers induits);
o la survenue des effets secondaires tardifs peut s’étaler sur plusieurs décennies en
particulier pour ce qui concerne les cancers induits. Ainsi, le bénéfice réel de telle ou
telle stratégie thérapeutique ne peut être clairement affirmé qu’après l’observation
d’un double délai, le premier lié à la période de risque de récidive de la maladie
traitée, l’autre fonction de la période de risque de survenue de complications graves.
RAPPELS SUR LA RADIOSENSIBILITÉ ET LA CHIMIOSENSIBILITÉ
Les éléments essentiels concernant la radiosensibilité et la chimiosensibilité ont été abordés
dans les chapitres Radiothérapie et Chimiothérapie. Cependant un certain nombre d’éléments
doivent être rappelés compte tenu de leur influence sur la survenue d’effets tardifs
indésirables.
Effets cellulaires
L’essentiel de la radiosensibilité des tissus humains découle des effets des RI sur les cellules
présentant une activité mitotique, c’est-à-dire les cellules souches et en voie de maturation, les
cellules fonctionnelles étant peu sensibles sauf si elles s’engagent dans un processus de
dédifférenciation. Ainsi, les effets aigus ne surviennent que quand la déplétion des cellules
souches indifférenciées est telle que le renouvellement des cellules fonctionnelles n’est plus
assuré. Ces troubles fonctionnels sont en règle réversibles dès que le compartiment souche est
capable de régénérer un nombre suffisant de cellules fonctionnelles. Cependant si la déplétion
des géniteurs est très importante, il peut survenir un déficit prolongé dans les capacités de
renouvellement tissulaire conduisant à un dysfonctionnement chronique.
La chimiosensibilité dépend également essentiellement des capacités prolifératives du tissu
considéré: ainsi, que le médicament soit phase ou cycle dépendant, son action cytotoxique est
une fonction exponentielle de la dose administrée dans les tissus à renouvellement rapide
comme la moelle osseuse par exemple. Cependant, les effets toxiques des médicaments ne
sont pas que létaux, leur métabolisme intracellulaire pouvant conduire à l’apparition d’effets
secondaires indépendants de l’activité cinétique de la cellule (anthracyclines et myocarde par
exemple).
Si dans la plupart des cas, les cellules souches régénèrent apparemment normalement après
une administration de cytotoxique, leur capacité de prolifération n’en est pas moins diminuée
conduisant à une “sénescence” du compartiment souche qui se révèle lors de la répétition des
administrations médicamenteuses ou de l’adjonction d’une irradiation. La déplétion et/ou la
“sénescence” des cellules souches tissulaires n’est pas le seul mécanisme pouvant conduire à
la survenue d’effets secondaires tardifs: l’effet sur la microvascularisation tissulaire est un
autre élément déterminant, en particulier pour ce qui concerne les effets tardifs de
l’irradiation.
Effets sur la microcirculation tissulaire
Lors de toute irradiation tissulaire le réseau vasculaire correspondant est concerné. Les effets
observés sont multiples:
o en phase aiguë: lésions des cellules endothéliales, dénudation pariétale, extravasation
plasmatique;
o en phase subaiguë: cicatrisation endothéliale avec prolifération hyperplasique,
thromboses segmentaires, prolifération fibroblastique périvasculaire;
o en phase chronique: thromboses étendues, fibrose périvasculaire sténosante,
télangiectasies.
180
Sept 2008/HR/mn
Ces différents phénomènes sont susceptibles d’entraîner une diminution voire une interruption
de la perfusion tissulaire avec pour conséquences:
o la pérennisation et l’aggravation de la déplétion des cellules souches liée aux effets
cellulaires directs dans les tissus à renouvellement rapide;
o l’apparition de troubles trophiques tardifs au niveau des tissus à renouvellement lent
ou nul qui, en raison de la rareté ou de l’absence de cellules souches mitotiques, n’ont
pas montré d’effets aigus lors de la phase thérapeutique initiale.
Il est par ailleurs évident que ces effets tardifs à médiation vasculaire sont irréversibles, toute
aggravation des conditions vasculaires générales ou locales quelle qu’en soit la nature
(artériosclérose, diabète, traumatisme, intervention chirurgicale, etc.) ne pouvant qu’accentuer
ces séquelles chroniques.
La chimiothérapie n’entraîne pas à elle seule d’effets vasculaires démontrables, mais il est
possible que lors d’associations radiochimiothérapiques, simultanées ou successives, elle
contribue par cytotoxicité directe à aggraver les lésions vasculaires radio-induites.
SCHÉMA GÉNÉRAL DE SURVENUE DES EFFETS TARDIFS
Les effets induits par l’irradiation et probablement aussi par les médicaments cytotoxiques
associent successivement:
o une phase aiguë, per ou immédiatement post-thérapeutique, dont la précocité et
l’intensité dépend essentiellement de la dose, du volume de tissu concerné, de la
fraction cellulaire en activité mitotique et de son rythme de division. Cette phase est en
règle spontanément réversible en quelques jours ou quelques semaines;
o une phase subaiguë ou chronique, survenant quelques semaines ou plusieurs années
après, associant atrophie cellulaire et troubles vasculaires, tous deux irréversibles.
Chacune de ces phases peut être cliniquement perceptible ou non, suivant l’organe considéré
et/ou l’importance des dégâts. Tout fait nouveau comme par exemple un nouveau traitement,
irradiation après chimiothérapie ou chimiothérapie après irradiation, est susceptible
d’aggraver la pente évolutive spontanée de ces séquelles et ainsi de les faire passer d’une
situation infraclinique à une expression clinique évidente.
Ainsi, l’administration d’une chimiothérapie lors d’un fait nouveau cancérologique chez un
patient ayant fait l’objet initialement d’une irradiation a souvent pour effet de faire
réapparaître les effets aigus de la radiothérapie dans les volumes précédemment irradiés et
d’aggraver le niveau préalable d’effets chroniques. L’inverse est probablement vrai,
l’irradiation après chimiothérapie comportant souvent une accentuation des effets aigus et
l’apparition d’effets tardifs plus marqués qu’après monothérapie.
ORGANES CRITIQUES: NOTION DE DOSE DE TOLÉRANCE
Il ne sera abordé ici que les effets des traitements cytotoxiques sur les organes dont les lésions
comportent des conséquences majeures sur la qualité de vie voire la survie des patients traités.
Dans chaque cas, les effets liés à l’irradiation sont mieux documentés que ceux de la
chimiothérapie en raison du recul plus important et de la possibilité d’établir des relations
dose-effet précises.
Cœur
L’irradiation cardiaque est susceptible d’entraîner plusieurs effets secondaires, plus ou moins
spontanément perceptibles à l’examen clinique.
Péricardite aiguë retardée
Elle est souvent infraclinique mais peut associer brutalement fièvre, douleurs thoraciques,
dyspnée, frottement auscultatoire, microvoltage, modifications de ST et T. Environ 30% des
patients ayant reçu une dose cardiomédiastinale de l’ordre de 45 Gy développent une
181
Sept 2008/HR/mn
péricardite aiguë retardée, symptomatique dans la moitié des cas. Le simple fait de limiter à la
fois l’étendue du volume cardiaque irradié et la dose délivrée à moins de 40 Gy réduit le
risque à moins de 5%.
Dans 10 à 15% des cas de péricardite aiguë, l’évolution se fait vers un épanchement
chronique et/ou une péricardite constrictive. Il est à noter qu’une péricardite constrictive peut
survenir 5 à 50 ans après une irradiation cardiaque n’ayant jamais entraîné de péricardite
aiguë.
Pancardite
C’est une complication rare, ne survenant qu’après des irradiations pancardiques supérieures à
60 Gy, responsable d’une asystolie globale.
Myocardiopathie
La fibrose myocardique et l’épaississement fibreux de l’endocarde sont des effets secondaires
fréquents de l’irradiation, le plus souvent asymptomatiques sauf si on les recherche. Ainsi
après des doses de 35 à 40 Gy sur l’ensemble du cœur, la fraction d’éjection ventriculaire peut
être réduite d’un tiers chez environ la moitié des patients spontanément asymptomatiques.
L’association, y compris asynchrone, à une chimiothérapie comportant des médicaments
cardiotoxiques et en particulier des anthracyclines majore rapidement ce risque, bien que les
effets histopathologiques observés restent distincts:
o l’irradiation entraîne des lésions du tissu vasculoconjonctif du myocarde avec cicatrice
fibreuse progressive;
o les anthracyclines ont une toxicité cumulative directe sur les myocytes sans effets sur
le tissu interstitiel.
Toxicité cardiaque des médicaments cytotoxiques
Médicament
Anthracyclines
5-fluorouracile
Actinomycine D
Toxicité
Cardiomyopathie
Infarctus myocardique, ischémie
Nécrose myocardique aiguë
hémorragique
Cardiomyopathie
Nécrose myocardique diffuse
Cardiomyopathie
Cardiomyopathie
Ischémie myocardique
Ischémie myocardique
Cardiomyopathie
Mithramycine
Cyclophosphamide (hautes doses)
Mitomycine C
Imidazole carboxamide
VP-16 (+ irradiation)
MOPP (+ irradiation)
BCNU
Coronaropathie
Le mécanisme physiopathologique précis de l’insuffisance coronarienne radio-induite reste
obscur, mais il est incontestable que l’irradiation cardiomédiastinale majore le risque
d’accident coronarien (5%) comme cela a été démontré dans plusieurs séries de patients
traités pour maladie de Hodgkin.
Poumon
Le parenchyme pulmonaire est un des tissus les plus sensibles à l’irradiation, les lésions
induites étant bien connues depuis longtemps.
Pneumopathie aiguë
Elle survient 1 à 3 mois après l’irradiation, après des doses uniques aux deux poumons
supérieures à 7,5 Gy. Ces données issues des irradiations corporelles totales montrent
également une relation dose-effet très raide entre 7,5 et 10 Gy.
182
Sept 2008/HR/mn
Les lésions histologiques observées concernent essentiellement les cellules alvéolaires de type
II avec relarguage précoce du surfactant (quelques heures), suivies d’une réaction cellulaire
hyperplasique avec fibrose des corps intermédiaires, contemporaines de la constitution du
tableau clinique de pneumopathie aiguë.
Pneumopathie fibreuse
Elle survient 3 à 6 mois après l’irradiation, précédée ou non d’une phase aiguë, correspondant
histologiquement à un épaississement des parois alvéolaires avec dégâts endothéliaux
importants et fibrose disséquante rompant les sacs alvéolaires. Les conséquences
fonctionnelles de ces modifications sont bien évidemment largement fonction du volume de
parenchyme pulmonaire concerné, en règle sans traduction clinique spontanée lors des
irradiations pulmonaires partielles ou marginales. Cependant, l’association de l’irradiation
avec certains médicaments cytotoxiques peut majorer ces effets secondaires et les rendre
fonctionnellement perceptibles même lors d’irradiation partielles.
La bléomycine est le médicament cytotoxique à risque pulmonaire le plus connu. Son action
toxique porte essentiellement sur les cellules alvéolaires de type I, suivie ensuite d’effets sur
les cellules de type II. Elle peut être responsable, comme l’irradiation, d’une pneumopathie
aiguë et/ou d’une fibrose tardive. Cette toxicité est cumulative et elle est considérablement
aggravée par l’irradiation même si les deux traitements sont séparés de plusieurs mois ou
années. D’autres médicaments ont également une toxicité pulmonaire susceptible d’être
majorée par l’irradiation, ou à l’inverse sont capables d’aggraver les séquelles de l’irradiation
pulmonaire.
Toxicité pulmonaire des médicaments cytotoxiques
Médicament
Bléomycine
BCNU
Procarbazine
Actinomycine D (+ irradiation)
Cyclophosphamide
Busulfan
Prednisone (+ irradiation)
Chlorambucil
Mitomycine C
VM 26
Toxicité
Pneumopathie aiguë, fibrose tardive
Fibrose tardive
Hypersensibilité
Pneumopathie aiguë, fibrose tardive
Pneumopathie aiguë
Pneumopathie aiguë
Pneumopathie aiguë, fibrose tardive
Pneumopathie aiguë, fibrose tardive
Pneumopathie aiguë, fibrose tardive
Pneumopathie aiguë, fibrose tardive
Rein
Compte tenu du faible taux de renouvellement spontané du parenchyme rénal fonctionnel, les
effets cliniquement perceptibles de l’irradiation sur le rein sont essentiellement retardés.
Cependant, très précocement les cellules des tubules corticaux sont lésées, mais en fait
l’essentiel des dégâts concerne la microcirculation rénale conduisant à une
gloméruloangiosclérose, avec oblitération complète dans les zones recevant des doses uniques
comprises entre 5 et 20 Gy.
Les signes cliniques correspondants surviennent 6 à 12 mois après l’irradiation sous la forme
d’une insuffisance rénale progressive.
Dans la phase tardive, après 18 mois, une hypertension néphropathique peut survenir sans
aucun prodrome.
Après irradiation fractionnée, l’irradiation des deux reins à des doses supérieures à 20 Gy
entraîne une néphroangiosclérose dans près de 50% des cas. Il est évident que la protection
même partielle du parenchyme rénal réduit considérablement ce risque.
183
Sept 2008/HR/mn
L’association de l’irradiation à l’administration de certains médicaments comme les sels de
platine majore le risque de tubulopathie et peut-être d’angiosclérose rénale par effet additif. Il
faut également tenir compte de l’administration de méthotrexate comme facteur de
tubulopathie et par là de majoration des effets de l’irradiation.
Foie
La faible activité mitotique spontanée du foie fait que les effets aigus de l’irradiation sont le
plus souvent inapparents. Cependant les lésions de la microvascularisation sont susceptibles
d’entraîner à terme l’apparition d’une défaillance fonctionnelle quand l’ensemble de l’organe
a reçu des doses fractionnées supérieures à 35-40 Gy. L’administration de méthotrexate ou de
mithramycine peut potentialiser les effets hépatiques de l’irradiation.
Toxicité hépatique des médicaments cytotoxiques
Médicament
BCNU, CCNU
Streptozocotine
Méthotrexate
6-mercaptopurine
Cytosine arabinoside
Mithramycine
Toxicité
Élévation des enzymes hépatiques
Élévation des enzymes hépatiques
Fibrose, cirrhose
Cholostase, nécrose
Élévation des enzymes hépatiques
Nécrose aiguë
Système nerveux central
En phase aiguë l’irradiation du SNC n’entraîne pas de manifestations cliniques hormis
l’apparition ou l’aggravation d’un œdème lié à un phénomène complexe d’origine gliale et
vasculaire.
L’irradiation médullaire cervicale peut entraîner l’apparition quelques semaines après d’un
syndrome de Lhermitte caractérisé par des paresthésies électriques le long du dos et des 4
membres lors de la flexion cervicale antérieure. Cette “myélopathie précoce” est toujours
transitoire et entièrement réversible. Ce n’est que lors de la phase subaiguë et tardive que
peuvent survenir les véritables complications de l’irradiation du SNC: nécrose,
leucoencéphalopathie nécrosante, myélopathie, troubles intellectuels, retard mental chez
l’enfant.
Radionécrose
Elle survient dans 1 à 5% des cas après irradiation cérébrale fractionnée à un niveau de dose
de l’ordre de 60 Gy. Elle peut survenir dès le 6e mois mais son pic de fréquence est à 12-24
mois après le traitement. Les signes cliniques peuvent mimer ceux de la pathologie tumorale
initiale (œdème cérébral, signes en foyer). L’exploration tomodensitométrique montre un
syndrome de masse avec œdème périphérique et prise de contraste, l’IRM fonctionnelle, la
scintigraphie au thallium et la tomographie en émission de positrons (PET) pouvant aider au
diagnostic différentiel entre récidive tumorale et trouble trophique. Les prélèvements
biopsiques stéréotaxiques sont souvent d’interprétation difficile, les possibilités de
décompression chirurgicale exceptionnelles. Sous traitement symptomatique (corticoïdes,
anticonvulsivants) l’évolution est le plus souvent progressive et fatale, mais peut être longue
voire stable pendant des années. Le risque de radionécrose cérébrale augmente avec la dose
totale, la dose par fraction et probablement le volume de parenchyme irradié. D’autre part
l’adjonction de certains médicaments cytotoxiques est vraisemblablement un facteur
d’augmentation du risque.
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Sept 2008/HR/mn
Leucoencéphalopathie nécrosante
La leucoencéphalopathie post-radiothérapique est caractérisée par l’apparition de foyers
multiples de démyélinisation et d’astrocytose réactionnelle dans la substance blanche. Ceci
conduit à une atrophie cérébrale avec élargissement ventriculaire. Cliniquement, il existe des
troubles de la conscience (léthargie), des crises irritatives, des troubles moteurs diffus et une
ataxie. La plupart des patients présentant cette complication ont reçu des doses pancérébrales
supérieures à 20 Gy, le plus souvent associées à l’injection intrathécale de méthotrexate dans
le cadre du traitement de leucémies aiguës ou de lymphomes malins de haut grade Il peut s’y
associer une microangiopathie calcifiante.
Effets toxiques essentiels secondaires aux traitements cancérologiques cytotoxiques
Effet toxique
Encéphalopathie aiguë
Leucoencéphalopathie nécrosante
Atrophie cérébrale
Neuropathies périphériques
Cause
RT + MTX intrathécal ou MTX + RT
Asparaginase
Procarbazine
BCNU, CCNU, cis-DDP
intracarotidien
Cytosine arabinoside (hautes doses)
RT + MTX intrathécal
MTX intrathécal ou IV
Cytosine arabinoside intrathécal
RT + MTX intrathécal ou MTX + RT
Cytosine arabinoside intrathécal + RT
Alcaloïdes de la pervenche
cis-DDP (VIII)
Déficits neuropsychologiques et intellectuels
Chez l’adulte il est souvent difficile de faire la part entre ce qui revient à l’irradiation plus ou
moins associée à la chimiothérapie et ce qui revient aux autres traitements (chirurgie) et à la
maladie elle-même. Par ailleurs le mauvais pronostic des lésions expansives cérébrales chez
l’adulte empêche la constitution de séries suffisantes.
Chez l’enfant, il est par contre clairement établi que l’irradiation cérébrale entraîne des effets
secondaires neuropsychologiques marqués. Cependant, des séries comparatives d’enfants
n’ayant reçu qu’un traitement médicamenteux en complément éventuel d’une chirurgie
initiale, montrent qu’il existe également des complications neuropsychologiques dont la
fréquence et la gravité ne sont que peu différentes de celles constatées après irradiation.
Myélopathie tardive
Il s’agit d’une complication rare après irradiation médullaire. Elle survient entre 9 et 18 mois
après l’irradiation sous la forme de troubles sensitifs inauguraux rapidement complétés de
déficits moteurs, l’ensemble prenant souvent la forme d’un syndrome de Brown-Séquard
traduisant la section horizontale fonctionnelle de la moelle. L’exploration neuroradiologique
est indispensable pour confirmer que les anomalies médullaires (moelle grêle le plus souvent,
parfois hypertrophique) se situent dans les volumes irradiés et qu’il n’y a pas de signes
d’évolution tumorale en regard. L’évolution se fait vers l’aggravation des symptômes jusqu’à
un tableau de section complète.
Les niveaux de dose incriminés sont difficiles à définir, mais il est admis que le risque 5% à 5
ans ne débute qu’à 45 Gy d’une irradiation fractionnée classique. Il peut atteindre près de
50% au-delà de 60 Gy. L’étendue de moelle irradiée et la taille importante des fractions
réduisent ces niveaux de dose. Seule l’actinomycine D a été décrite comme susceptible
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Sept 2008/HR/mn
d’augmenter le risque de myélopathie radique. Par contre l’administration intrathécale de
méthotrexate augmente nettement le risque de survenue d’une arachnoïdite diffuse en cas
d’irradiation méningée étendue.
Données histopathologiques
Seules les cellules douées de capacité proliférative peuvent être directement concernées par
l’irradiation du SNC: oligodendrogliocytes et cellules endothéliales vasculaires. Ainsi,
l’essentiel des effets secondaires est lié à l’irradiation du stroma interstitiel périastrocytaire
beaucoup plus qu’à l’irradiation des neurones eux-mêmes. À terme, la démyélinisation et
l’obstruction vasculaire entraînent des conséquences graves au niveau neuronal traduites par
une atrophie cérébrale corticale. Il est également probable que les perturbations dans la
substance blanche, précocement observées, sont susceptibles d’entraîner la production de
protéines anormales capables de constituer de véritables anticorps dirigés contre les antigènes
membranaires des cellules gliales.
Appareil digestif
Les effets aigus de l’irradiation sur l’appareil digestif sont bien connus:
o estomac: diminution précoce de la sécrétion d’HCl et de pepsinogène, complètement
réversible pour des doses de 20 Gy, partiellement compensée en un an pour des doses
de 45 à 50 Gy avec risque d’atrophie muqueuse et d’ulcère grave;
o intestin grêle: malabsorption et hypermotilité sont très précoces survenant dès 8 à 15
Gy. La reconstitution muqueuse est complète en quelques semaines pour des doses
inférieures à 25-30 Gy. Au-delà le risque d’atrophie définitive et surtout de troubles
vasculaires grandit, aggravé par tout fait surajouté (intervention chirurgicale,
chimiothérapie);
o côlon, rectum: les effets de l’irradiation sont les mêmes que ceux constatés au niveau
du grêle mais à un degré moindre, autorisant des niveaux de dose plus élevés.
En fait l’essentiel des risques de l’irradiation de l’appareil digestif est représenté par les effets
tardifs liés à la constitution progressive d’une endartérite oblitérante responsable d’une part
du maintien ou de l’aggravation de l’atrophie muqueuse, d’autre part de complications
mécaniques soit par fibrose cicatricielle sténosante soit par nécrose pariétale hémorragique
et/ou perforante
Le risque de ces complications tardives est majeur au niveau iléal du fait de la forte
activité cinétique cellulaire d’une part et de la finesse de la paroi intestinale d’autre
part. Le tableau complet prend le nom d’iléite chronique postradique survenant 9 à 24
mois après le traitement, associant diarrhée, malabsorption avec épisodes aigus
éventuels d’occlusion plus ou moins complète, et/ou de perforation. Le traitement en est
très difficile en évitant autant que faire se peut une solution chirurgicale qui à terme
accentue l’évolution fibrotique sténosante.
Le niveau de dose, le volume de muqueuse digestive irradiée, la dose par fraction, l’existence
de troubles vasculaires associés (HTA, diabète) sont des éléments déterminants du risque de
complications digestives tardives. Par ailleurs, la chirurgie transpéritonéale même ancienne,
aggrave fortement le risque de complications iléales, ainsi que l’administration de certains
médicaments cytotoxiques (5 fluorouracile, cis-DDP, actinomycine D, doxorubicine,
méthotrexate).
Moelle osseuse
L’irradiation est particulièrement toxique pour les cellules souches de la moelle
hématopoïétique. Cependant, la traduction clinique de cette toxicité dépend essentiellement
du volume de moelle osseuse irradiée, la situation maximale étant atteinte lors de l’irradiation
corporelle totale. La succession des effets dans le sang circulant est fonction de la cinétique
186
Sept 2008/HR/mn
spontanée des différentes populations: leucopénie constatée dès la fin de la première semaine,
thrombopénie au bout de 2 à 3 semaines, anémie en 2 à 3 mois.
L’irradiation sur petits champs n’entraîne en général aucune conséquence perceptible. Par
contre, dès que la taille des champs augmente (au-delà de 10x10 cm), la zone irradiée est le
siège d’une atrophie médullaire plus ou moins complète mais en règle définitive en particulier
chez l’adulte. La régénération médullaire, qui reste locorégionale quand une zone limitée est
irradiée, devient généralisée lors d’irradiations étendues comme par exemple lors du
traitement de la maladie de Hodgkin. L’association radiochimiothérapique est responsable
d’une toxicité hématologique majeure, la chimiothérapie réduisant la régénération médullaire
diffuse induite par l’irradiation locorégionale. Ainsi, même si la numération des éléments
figurés du sang est redevenue normale, il persiste des lésions médullaires qui se traduiront par
la survenue d’accidents de déplétion profonde lors d’un nouveau traitement. La disponibilité
récente de facteurs de croissance des précurseurs hématopoïétiques permet de limiter les
accidents aplasiques mais ne semble pas modifier sensiblement la constitution de dégâts
médullaires irréversibles.
Endocrinologie
La ménopause précoce post radiothérapie, chimiothérapie ou chirurgie peut avoir de lourdes
conséquences physiques (risque accru d’ostéoporose, de dyslipidémie) mais aussi
psychologiques chez les patientes. Un traitement hormonal substitutif s’impose en l’absence
de contre-indication d’ordre carcinologique (cancer du sein) ou autres.
L’insuffisance thyroïdienne post radiothérapie cervicale ou après un traitement par IFN doit
être diagnostiquée et traitée par des extraits thyroïdiens.
CONSÉQUENCES THÉRAPEUTIQUES PRATIQUES
Tous les traitements cancérologiques cytotoxiques comportent des risques de complications
tardives, en règle définitives et graves, susceptibles de compromettre sérieusement le bénéfice
thérapeutique escompté. L’association de ces traitements augmente encore ce risque,
obligeant à peser très soigneusement les avantages et les inconvénients d’une telle attitude
associative. En aucun cas, il ne doit s’agir d’une “addition” thérapeutique ou chaque terme est
délivré au maximum de ses possibilités mais aussi de ses risques de complications.
L’observation, même très attentive, des effets aigus des traitements cytotoxiques, et en
particulier de l’irradiation, n’a qu’une valeur prédictive très médiocre du risque de
complications tardives. En effet, ces effets aigus sont essentiellement d’origine cellulaire
parenchymateuse alors que la plupart des complications tardives sont liées aux dégâts induits
au niveau de la microvascularisation qui sont sans aucune traduction immédiate. Tout repose
donc sur la qualité du plan thérapeutique initial qui intègre d’une part les nécessités
cancérologiques et d’autre part les risques thérapeutiques au regard des nécessités
précédentes. L’expérience thérapeutique, personnelle mais surtout collective, enrichie des
données de la recherche clinique étayée par les hypothèses fondamentales, est la base de la
qualité de prescription. Cette prescription doit être d’emblée globale, concernant la totalité des
moyens thérapeutiques devant être mis en œuvre en termes de choix technique et de
chronologie de réalisation.
Plusieurs exemples peuvent illustrer cette réalité quotidienne:
o Le faible avantage thérapeutique de la chimiothérapie dans le traitement des maladies
de Hodgkin de stade I est contrebalancé par le risque accru de leucémies et de seconds
cancers radiochimio-induits. On peut donc préférer dans ces situations une irradiation
exclusive;
187
Sept 2008/HR/mn
o Le très faible risque de récidive sus-diaphragmatique d’un séminome testiculaire de
stade I a fait abandonner l’irradiation médiastino-sus-claviculaire génératrice d’un
taux plus élevé de seconds cancers;
o La possibilité d’obtenir un diagnostic de nature par biopsie transpariétale sous contrôle
radiologique d’une masse abdominale, en particulier rétropéritonéale, doit toujours
être préférée à une laparotomie première dont on sait qu’elle augmente le risque de
complication iléale tardive si une irradiation s’avère ensuite nécessaire;
o L’association radiochirurgicale programmée doit associer une technique opératoire et
une technique d’irradiation tenant chacune compte de l’autre; ainsi, les évidements
ganglionnaires sont en règle non destructifs quand ils seront suivis d’irradiation, mais
ils doivent par contre être complets pour renseigner utilement sur l’étendue
pathologique;
o L’association radiochimiothérapique successive et a fortiori simultanée doit tenir
compte des toxicités respectives en évitant les médicaments “radiomimétiques” et
ceux dont la toxicité s’exprime préférentiellement au niveau d’organes inclus dans les
champs d’irradiation.
Prise en charge sociale en
cancerologie
LE SERVICE SOCIAL EN MILIEU HOSPITALIER
L’assistant(e) social(e) exerce des actions variées au sein de l’hôpital. Il (elle) est un
interlocuteur privilégié pour les malades hospitalisés et leurs familles. Ses missions sont
diverses :
- écoute et soutien
- information, orientation, conseil (législatif, administratif...)
- analyse et évaluation des situations familiales et économiques
- proposition de solutions possibles
- conciliation entre les souhaits des usagers et les demandes des services
- intermédiaire entre les usagers de l’hôpital et le personnel soignant, administratif
intra-et extra-hospitalier
Son rôle se situe dans le contexte de la maladie et de l’hospitalisation. Il consiste en un
rapport aux usagers de conseils et d’aides en vue de résoudre toute difficulté liée aux
modifications profondes du « quotidien » entraînées par la maladie et de préparer leur
réinsertion sociale.
L’assistant(e) social(e) assume ce rôle en intervenant selon les demandes :
- des usagers
- de tiers, en collaboration avec les personnels des services administratifs et
médicaux, les familles et l’entourage de la personne en traitement ou surveillance,
et les services sociaux ou administratifs extérieurs à l’hôpital
Il ou elle peut être amené(e) à entrer en relation avec :
- l’employeur
- la famille du malade
- les Caisses de prévoyance
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Sept 2008/HR/mn
-
divers services administratifs ou médicaux
les établissements de soins, les services de suite, les associations
Par son action il ou elle peut contribuer :
- à éviter une hospitalisation non indispensable dans certains cas
- à faciliter la sortie du malade
- à régulariser certains dossiers administratifs complexes
PROBLEMES LIES A L’HOSPITALISATION DU MALADE ET A L’AFFECTION
CANCEREUSE
Déclaration de la maladie cancéreuse =
affection de longue durée
Les tumeurs malignes figurent sur la liste des 30 affections de longues durée (ALD 30). C’est
la trentième de la liste.
Dès que le diagnostic de cancer est posé, le médecin demande au médecin conseil de la caisse
d’assurance maladie la « mise en affection de longue durée » de son patient. Cela lui permet
de bénéficier du dispositif d’exonération du ticket modérateur pour tout ce qui concerne le
traitement de la maladie de longue durée. Les autres soins sont remboursés dans les conditions
habituelles.
Les soins, les médicaments, les examens de laboratoire, les actes de kinésithérapie, les soins
infirmiers, le matériel médical sont donc exonérés du ticket modérateur (sauf certaines
prothèses qui sont remboursées forfaitairement). Le médecin doit rédiger ses prescriptions sur
un ordonnancier de maladie longue durée.
189
Sept 2008/HR/mn
DOSSIERS ITEM 142
190
Sept 2008/HR/mn
Dossier 142-1
Mr L âgé de 58 ans, employé, maçon, est en cours de traitement pour un carcinome
épidermoïde myonnement différencié de l’hypopharynx par radiothérapie externe et
chimiothérapie (CDDP hebdomadaire à visée radiosensibilisante). Au diagnostic il pesait 55
kg pour 1m64. Vous le voyez en consultation au début de la cinquième semaine du traitement
radio-chimio.
1- Quel(s) est(sont) le(s) objectif(s) de votre interrogatoire et de votre examen clinique ?
Donner les grandes lignes de votre interrogatoire et de votre examen clinique.
2- Il présente une mucite sévère douloureuse. Donner les grandes lignes du traitement de
cette mucite.
3- Il pèse 48 kg. Le bilan biologique affiche un taux d’albumine à 21g/l. Quels sont les
données de l’observation qui vous permettent de dire que ce patient présente un état
de dénutrition et donner les grandes lignes du traitement que l’on peut lui proposer.
4- Vous le revoyez 1 mois après la fin du traitement. Vous observez une bonne efficacité
thérapeutique, la mucite est en bonne voie de cicatrisation. Il pèse 50 kg. Il fume toujours
et avoue boire encore 1 litre de vin par jour environ. A sa question « Docteur, mon arrêt
de travail se termine dans deux jours et je ne peux pas encore reprendre mon travail,
d’ailleurs je ne sais pas si je pourrai reprendre un jour, que dois-je faire » que lui
répondez-vous ?
5- Quels seront vos objectifs de surveillance ultérieure (une fois le primo-traitement
terminé) ?
6- Quel(s) examen(s) complémentaires demanderez-vous dans le cadre de cette
surveillance ?
191
Sept 2008/HR/mn
Réponse dossier 142-1
1- Objectifs :
•
•
•
•
-
- Apprécier la tolérance au traitement = recherche des effets secondaires
évaluer l’état général du patient
évaluer son état nutritionnel : son mode d’alimentation, poids, pli cutané
évaluer la tolérance cutanée : rechercher et grader une radio-épidermite
examen endo-buccal à la recherche d’une mucite
- apporter un traitement symptomatique aux effets secondaires
- évaluer l’efficacité du traitement
répondre aux questions et à l’angoisse du patient
apprécier la tolérance hématologique au CDDP et évaluer la fonction rénale
2- ● traitement antalgique
● traitement spécifique : bains de bouche à base de bicarbonate, anti-mycosiques + /anti-viraux
● compléments alimentaires
3- ● perte de poids > 10% du poids initial, hypo-albuminémie
● traitement : soins de la mucite qui l’empêche de s’alimenter, prescription de
compléments alimentaires par voie orale et mise en place d’une alimentation par voie
entérale (sonde naso-gastrique ou gastrostomie)
4 - demande de mise en congé longue durée
5 - ● détection des rechutes locales, loco-régionales et systémiques
● rechercher et corriger les complications tardives du primo-traitement : hyposialie, fibrose
cutanée
● rechercher un deuxième cancer épidémiologiquement lié (contexte alcoolo-tabagique)
● répondre aux questions du patients, à ses angoisses et inquiétudes et l’aider dans sa
réinsertion socio-professionnelle
● l’encourager à envisager une désintoxication alcoolo-tabagique
6 – examen pan-endoscopique – cliché du thorax
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Sept 2008/HR/mn
Dossier 142-2
Me C est âgée de 42 ans. Elle a 3 enfants (14, 11 et 8 ans). Son mari est militaire, rarement à
la maison, souvent en déplacement. Elle est traitée par hormonothérapie (anti-estrogène et
agoniste de la LH-RH) pour un cancer du sein en phase de dissémination osseuse.
Vous ne l’avez pas vu depuis 6 mois. Elle se présente à votre consultation de surveillance
douloureuse (fémur droit, humérus gauche, rachis et grill costal), nauséeuse, un peu confuse.
Elle décrit enfin une polydipsie et une constipation. Ces signes cliniques sont présents depuis
10 jours environ.
1- Quels sont les arguments de cette observation qui vous permettent d’évoquer le
diagnostic d’une hypercalcémie ?
2- Quel(s) est/sont le(s) diagnostic(s) différentiel(s) à évoquer ?
3- Quel(s) examen(s) complémentaire(s) réalisez vous pour confirmer l’hypercalcémie ?
4- Quels principes thérapeutiques allez-vous mettre en place dans l’immédiat ?
5- Après avoir corriger l’hypercalcémie vous organiser un nouveau bilan d’extension de la
maladie néoplasique : la RT et l’échographie hépatique élimine toutes métastases
viscérales, la scintigraphie osseuse montre une aggravation et les clichés osseux centrés
sur les foyers d’hyperfixation montre une lyse osseuse du fémur droit avec rupture de la
corticale. Elle présente d’ailleurs une douleur résiduelle à ce niveau. Donner les grandes
lignes du traitement que vous allez envisager ?
6- Après votre traitement, elle va mieux et vous envisagez un retour à domicile. Elle
reviendra vous voir dans 21 jours pour le deuxième cycle de chimio. A sa question « je
ne peux plus assumer seule à la maison avec mes trois enfants, mon mari est souvent
absent » comment pouvez-vous l’aider ?
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Sept 2008/HR/mn
Réponse dossier 142-2
1- ● contexte : métastases osseuses connues
● signes cliniques : majoration des douleurs, la constipation, l’état nauséeux, la polydipsie
et la confusion
2- métastases cérébrales, autres perturbations métaboliques (hyponatrémie)
3- bilan biologique : dosage sérique du calcium et des protéines totales
4- ● hospitalisation
● traitement de l’hypercalcémie : hyperhydratation, corticoïdes IV, puis biphosphonates
IV
● traitements symptomatiques : antalgiques, anti-nauséeux
5- ● Avis orthopédiste : enclouage préventif de la fracture
● Radiothérapie antalgique et de consolidation
● traitement antalgique adapté
● biphosphonates en perfusion mensuelle
● traitement spécifique de la maladie néoplasique : deuxième ligne hormonale ou
chimiothérapie
6- Appel aux services sociaux : aide à domicile
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Sept 2008/HR/mn
Dossier 142-3
Un homme de 52 ans termine son traitement pour un cancer du colon droit classé stade C de
Dukes par hémi-colectomie et chimiothérapie adjuvante (LV5FU2).
Il n’existe aucun antécédent de cancer dans sa famille.
1- Quels seront les objectifs de la surveillance ultérieure ?
2- Quel sera votre examen clinique lors de chaque consultation ?
3- Demanderez-vous des examens biologiques complémentaires dans le cadre de ce
suivi ? Si oui, lesquels ?
4- Demanderez-vous d’autres examens complémentaires ? Si oui, lesquels ?
5- Deux ans après le primo-traitement l’échographie hépatique révèle deux localisations
secondaires, l’ACE est élevé à 50 UI/ml pour une normale < 5 UI/ml. Le bilan biologique
hépatique n’est pas perturbé. Le reste du bilan d’extension est négatif. Il est en bon état
général, asymptomatique. Quel(s) type(s) de traitement(s) lui proposez-vous ?
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Sept 2008/HR/mn
Réponse dossier 142-3
1- ● dépister une récidive loco-régionale et/ou métastatique
● dépister une tumeur métachrone (adénome ou cancer)
● répondre aux questions du patient, à ses angoisse et inquiétudes. L’aider dans sa
réinsertion familiale et socio-professionnelle.
2- ● recherche d’une rechute à distance :
- palpation des aires ganglionnaires (sus-clav G),
- recherche d’une hépatomégalie,
- examen clinique de l’abdomnen (palpation et percussion) à la recherche d’un
nodule de carcinose péritonéale ou d’une ascite
- auscultation pleuro-pulmonaire
- toucher rectal : recherche d’un nodule de carcinose
● recherche d’un deuxième cancer : TR
3- biologique : ACE et bilan hépatique
4 - imagerie : échographie hépatique et RT
coloscopie
5 – discuter : chimiothérapie systémique +/- une chirurgie (selon les possibilités techniques)
compléter par un TDM ou IRM hépatique si l’idée d’une chirurgie est retenue
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Sept 2008/HR/mn
Dossier 142-4
Me P, femme de ménage, est âgée de 48 ans. Le 15 mai 2002, elle a bénéficié d’une
tumorectomie + évidement axillaire gauche pour un T2NOMO du QSE du sein gauche. Le
compte rendu histologique faisant état d’un CCI de grade III, RH+, 35 mm, 3N+/14. Une
chimiothérapie adjuvante est indiquée. Elle est excessivement inquiète et reçoit son premier
cycle de chimiothérapie selon le protocole FEC 100 le 15 juin 2002.
1- Quel(s) argument(s) de mauvais pronostic ont permis de poser l’indication de ce
traitement adjuvant ?
2- A sa question « docteur je veux acheter une perruque. Est-ce que cela me sera
remboursé », que lui répondez-vous ?
3- Quels sont les principes du traitement anti-émétisant ?
4- Médecin de garde elle vous appelle à son domicile le 25 juin pour le motif suivant :
hyperthermie. Quel sera votre examen clinique et quel(s) examen(s)
complémentaire(s) allez vous demander ?
5- A la fin de la chimiothérapie, elle reçoit une radiothérapie et vous prescrivez un traitement
hormonal par anti-estrogènes. Quels seront les objectifs de la surveillance ultérieure
(une fois le primo-traitement terminé) ?
6- Quel(s) examen(s) complémentaire(s) demanderez vous dans le cadre de cette
surveillance ?
7- Vous la revoyez à 1 an du diagnostic soit presque 6 mois après la fin du traitement : elle
est déprimée. Elle est en congé longue durée et vous dit que du fait du bras elle ne pourra
reprendre son activité professionnelle. Que lui proposez-vous pour l’aider ?
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Sept 2008/HR/mn
Réponse dossier 142-4
1- grade III, taille (35 mm), 3N+
2 - remboursement CPAM forfaitaire 520F + mutuelle
2- ● corticoïdes
● anxiolytiques
● traitement anti-nauséeux : anti-dopaminergiques (primpéran*, vogalène*)
sérotoninergiques
4 – ● recherche d’un point d’appel clinique infectieux : interrogatoire, auscultation cardiopulmonaire, porte d’entrée, ORL, examen abdominal
● recherche de critères cliniques de gravité : TA, pouls, fréquence respiratoire, état de
vigilence
● NFS-PQ : recherche d’une aplasie/neutropénie fébrile
5 – ● recherche d’une rechute loco-régionale, dans le sein contro-latéral et à distance
● recherche des complications tardives du traitement : cutanée (radio-nécrose,
télangiectasie), lymphoédème, limitations de la scapulo-humérale, douleurs loco-régionales.
Les prévenir (kinésithérapie).
● évaluer l’observance au traitement par anti-estrogènes, apprécier les effets secondaires
et y remédier
● répondre aux questions de la patiente, à ses angoisse et inquiétudes. L’aider dans sa
réinsertion familiale et socio-professionnelle.
6 – mammographie annuelle + /- échographie mammaire
7 – ● ttt anti-dépresseur, psychologues
● appel aux services sociaux : reclassement professionnel
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Sept 2008/HR/mn
Dossier 142-5
Me P, est âgée de 58 ans. Elle a été traité pour un adénocarcinome ovarien stade (IIIC) par
chirurgie (colpo-hystérectomie, annexectomie bilatérale et omentectomie), chimiothérapie (6
cycles de CDDP+taxol) et RTE « tout ventre » de clôture (traitement presque abandonné
maintenant). Vous la revoyez en consultation de surveillance à 2 ans de la fin du primotraitement. Elle ne va pas bien. Depuis une dizaine de jours, elle présente des douleurs
abdominales diffuses, des nausées et mêmes parfois des vomissements et une alternance de
diarrhée / constipation. Elle a perdu 2 kg.
1- Quel(s) diagnostic(s) évoquez-vous et pourquoi ?
2- Décrivez votre examen clinique
3- Quel(s) examen (s) complémentaire(s) allez-vous organiser pour établir le diagnostic
exact ?
4- Le diagnostic définitif est celui d’une rechute de sa néoplasie. Donnez les grandes lignes
du traitement.
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Sept 2008/HR/mn
Réponse dossier 142-5
1- ● rechute de son adénocarcinome : carcinose péritonéale (contexte)
● grêle radique (RTE, délai)
● autres causes d’occlusion : bride, hernie.. (antécédents de chirurgie)
2- ● palpation de l’abdomen et TR: recherche d’une ascite, d’un nodule de carcinose qui
orienteraient vers la rechute.
● Recherche d’une hernie.
3- ● biologie : Ca 125
● imagerie : TDM abdomino-pelvien APC : recherche de nodules de carcinose, d’une
ascite
5- ● traitement symptomatique : corticoïdes, antalgiques, sonde naso-gastrique, hydratation,
alimentation parentérale, ponction d’ascite si nécessaire
● traitement spécifique : reprise d’une chimiothérapie
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Sept 2008/HR/mn
Dossier 142-6
Mr T est âgé de 68 ans. Il est traité par hormonothérapie pour un carcinome de la prostate en
phase de dissémination osseuse (métastases fémorales, rachidiennes, du crâne). Il présente
depuis environ un mois une AEG (asthénie, anorexie) et une majoration des douleurs
osseuses. Son traitement antalgique est le suivant : paracétamol codéiné 3G/jour.
Vous le voyez à son domicile : il décrit une douleur bien précise radiculaire au niveau du
rachis dorsal, des dysesthésies au niveau des membres inférieurs. Il vous dit « hier je suis
tombé : mes jambes m’ont lâchées ». Votre examen neurologique montre une para-parésie
symétrique, une hypoesthésie remontant jusqu’à l’ombilic. Les ROT sont abolis pour certains,
très vifs pour d‘autres.
1- Quel(s) diagnostic(s) évoquez-vous et relevez les éléments de l’observation qui vous le
font évoquez.
2- Quelle CAT adoptez-vous ?
3- Quel(s) examen(s) complémentaire(s) demandez-vous ?
4- Quel(s) traitement(s) instaurez-vous dans l’urgence ? décrivez également les grandes
lignes du projet thérapeutique
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Sept 2008/HR/mn
Réponse dossier 142-6
1 – compression médullaire (D10) :
car : - contexte de néoplasie prostatique M+ os,
- examen neurologique évocateur : para-parésie, hypoesthésie symétrique
correspondant au niveau lésionnel, ROT absents ou vifs
2- hospitalisation en urgence. Transport médicalisé allongé
2- TDM ou mieux une IRM du rachis pour confirmer le diagnostic de compression
médullaire
Bilan biologique : ionogramme, NFS-Pq, bilan hémostase
3- repos allongé
corticoïdes IV à forte dose, antalgiques adaptés
laminectomie décompressive
RTE antalgique et de consolidation
Changement du traitement spécifique
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Sept 2008/HR/mn

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