Politiques de l`enseignement
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Politiques de l`enseignement
SUBVENTIONS DE RECHERCHE ROCARE 2007 RAPPORT DE RECHERCHE LES POLITIQUES DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET LEURS IMPLICATIONS SUR LE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE ET SOCIAL DE LA COTE D’IVOIRE DE 1960 A 2006 Recherche financée par le Réseau Ouest et Centre Africain de Recherche en Education Avec le soutien du projet Centre d’excellence Régional UEMOA Et le Ministère des Affaires étrangères des Pays Bas Parrain du projet : Zakaria BERTHE • • • • Chercheurs Dr. DIARRA Ibrahim KOUADIO Koffi Eric Yaya Ouattara MAIGA Mariame PAYS : COTE D’IVOIRE ROCARE / ERNWACA • Tel: (223) 221 16 12, Fax: (223) 221 21 15 • BP E 1854, Bamako, MALI Bénin • Burkina Faso • Cameroun • Côte d’Ivoire • Gambia • Ghana • Guinée • Mali • Mauritanie • Nigeria • Niger • Sénégal • Sierra Leone • Togo www.rocare.org Résumé Le développement de toute nation passe nécessairement par une valorisation de ses ressources humaines. A l’instar des pays en développement, cette préoccupation a amener la Côte d’Ivoire à faire de l’éducation une priorité dans son programme de développement. Cependant, depuis les années 80, le système éducatif ivoirien est en crise. Cette crise continue d’avoir des répercussions sans précédent sur la qualité de l’élite ivoirienne, appelée à être le moteur du développement économique et social durable. La reforme du système éducatif apparu dans les années 90 qui avait pour objectif de consolider la politique de l’éducation nationale, n’a pas eu les résultats escomptés. Aux problèmes relatifs à l’engorgement des universités, les conditions de travail et d’étude s’ajoutent les ceux des logements et des conditions de vie. Malgré ces difficultés et l’inadéquation entre la formation et les besoins de développement du pays, l’université a joué un grand rôle dans le développement économique et social. Elle a développé des valeurs socioprofessionnelles qui servent les bases de la construction d’une Côte d’Ivoire qui sort d’une crise économique et politico-militaire. Après avoir essayé d’évaluer la politique de l’Enseignement Supérieur et de son impact sur le programme de développement de la Côte d’Ivoire depuis les indépendances, l’étude suggère des orientations de politiques au secteur de l’Enseignement Supérieur pour l’adapter aux besoins actuels de la Côte d’Ivoire. Mots clés : Enseignement Supérieur, valeurs, élite, développement durable Abstract Any nation’s development passes necessarily through a valorization of its human resources. Consequently, education became a priority in the global development agenda of Côte d’Ivoire. However, since the eighteenth, the Ivorian education system is in crisis. This crisis is continuing impacting the quality of Ivorian elite, known to be the driving force of any sustainable development for the country. Indeed, the national program of the education system reforms did in nineteenth, aiming at strengthening the national education policy, couldn’t achieve its goals. Despite problems such as the saturation of universities, precarious conditions of studies and problem of unsuitability between training and the development’s needs of the country, university has played a key role in the socioeconomic development. It has developed social and professional values that serve the purpose of reconstruction of the country after economic and military crisis. Trying to evaluate policies and the impact of public high school on development, this study suggests policies orientations for the sector in order to update them to actual needs of Côte d’Ivoire. 2 Sigles et abréviations ACEEPCI AEEMCI APE BTS CAISTAB CAMES CNO CNOU CROU DESS ENA ENS ENSEA ESR FCFA FESCI IDEFOR INP-HP INSET JEC JEP CMA LMD MEECI MOTORAGRI ONG PAS PDCI RDA PIB PNDEF PNUD SATMACI SEMUS SODEFEL SODESUCRE TD UAA UB UC UEMOA UFR UNESCO UNICEF URES Association Chrétienne des Elèves et Etudiants Protestants de Côte d'Ivoire Association des Elèves et Etudiants Musulmans de Côte d'Ivoire Accords de partenariat Economique Brevet de Technicien Supérieur Caisse de Stabilisation et de Soutien des Prix des Produits Agricoles Conseil Africain et Malgache de l’Enseignement Supérieur zones Centre-Nord-Ouest Centre National des Œuvres Universitaires Centre Régional des Œuvres Universitaires Diplôme d’Etudes Supérieures Spécialisées Ecole Normale d’Administration Ecole Normale Supérieure Ecole Nationale Supérieure de Statistique et d'Economie Appliquée Enseignement Supérieur et et de la Recherche Francs de la Communauté Financière Africaine Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte d’Ivoire Institut Des Forêts Institut National Polytechnique Houphouët Boigny Institut National Supérieur de l’Enseignement Technique Jeunesse Etudiante Catholique Jeunesse de l'Eglise Protestante Licence, Master Doctorat Mouvement des Elèves et Etudiants de Côte d’Ivoire Société pour le Développement de la Motorisation de l'Agriculture Organisation Non Gouvernementale Programme d’Ajustement Structurel Parti Démocratique de Côte d’Ivoire Rassemblement Démocratique Africain Produit Intérieur Brut plan national de développement du secteur « éducation formation Programme des Nations Unies pour le Développement Société d’Assistance Technique pour la Modernisation Agricole de la Côte d’Ivoire Stratégie d'Evangélisation en Milieu universitaire et Scolaire Société pour le Développement des Fruits et légumes Société pour le Développement du Sucre Travaux Dirigés Université Abobo Adjamé Université de Bouaké Université de Cocody Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine Unité de Formation et de Recherches Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture Fonds des Nations Unies pour l’Enfance et l’Education Unité de Recherches et d’Enseignement Supérieur 3 UV Unité de Valeur 4 TABLES DES MATIERES Abstract ...................................................................................................................................... 2 Sigles et abréviations ................................................................................................................. 3 Liste des tableaux ....................................................................................................................... 6 Introduction ................................................................................................................................ 7 I. Contexte et problématique ...................................................................................................... 7 II. Justification............................................................................................................................ 8 III. Objectifs de l’étude .............................................................................................................. 8 IV. Méthodologie ....................................................................................................................... 8 V. Revue du développement économique et social et des politiques de l’Enseignement Supérieur .................................................................................................................................... 9 5.1 La politique de développement économique et social ivoirien à l’indépendance................ 9 5.2 Les politiques de l’Enseignement Supérieur ...................................................................... 10 5.3 Un système de formation encore théorique........................................................................ 15 5.4 Analyse des liens actuels entre Enseignement Supérieur et politique de développement . 16 VI .Analyse critique des politiques de l’Enseignement Supérieur........................................... 17 6.1 Analyse des faits............................................................................................................. 17 6.2 Perceptions du système par les acteurs .......................................................................... 19 6.3 Relations entre l’autorité de tutelle et les universités..................................................... 21 6.4 L’articulation entre les universités publiques et privées ................................................ 21 VII. Le profil des sortants de l'université et les valeurs qui y sont véhiculées......................... 22 7.1. Analyse du profil des sortants de l’université sur la période 1966-2003 .......................... 22 7.2 Les valeurs véhiculées........................................................................................................ 23 Conclusion................................................................................................................................ 30 Recommandations .................................................................................................................... 30 Références bibliographiques .................................................................................................... 32 5 Liste des tableaux Tableau I : Evolution du nombre d’Université et des Grandes Ecoles en Côte d’Ivoire de 1997 à Janvier 2008 .......................................................................................................................................... 14 Tableau II : Répartition des enseignants et étudiants dans les établissements d’enseignements supérieurs publics en 2007 .................................................................................................................... 15 Tableau III : Thèses de doctorats soutenues à l’Université de Cocody de 1966 à 2002 par discipline. 22 Tableau IV: Effectifs des étudiants en sciences sociales dans les trois universités de Côte d’Ivoire (2007) .................................................................................................................................................... 18 Tableau V : Evolution du nombre d’étudiants par type d’établissement public de 1991-2008............. 20 Tableau VI: Évolution des proportions des adeptes des religions depuis 1975 .................................... 27 6 Introduction La réalisation des objectifs du millénaire pour le développement constitue le défi majeur qui interpelle toutes les Nations. Ainsi, a-t-on reconnu que la lutte contre la pauvreté, qui constitue l’objectif central de cette feuille de route du développement passe nécessairement par une valorisation des ressources humaines. En effet, la qualité du développement économique et social d’une nation est fonction de la qualité de ses ressources humaines. Ce constat va inspirer les nations modernes dans leurs politiques de développement de l’éducation nationale de façon générale et particulièrement des systèmes éducatifs universitaires. Dans le cas de la Côte d’Ivoire, la société ivoirienne reste toujours malade de son école depuis les années 80 (la mise en œuvre des PAS). A cet effet, les polémiques continuent d’alimenter les réflexions sur les réelles causes de la crise du système éducatif ivoirien qui a des répercussions sans précèdent sur l’université ivoirienne, appelée a être le moteur du développement économique et social durable de la côte d’Ivoire. En vérité, le système éducatif universitaire ivoirien continue de souffrir de l’orientation politique de l’éducation nationale. Ce système, tel qu’il fonctionne, limite considérablement les vocations au niveau de la jeunesse, eu égard à l’accès très sélectif dans certaines filières de formation. I. Contexte et problématique En Côte d’Ivoire, l’éducation a toujours occupé une place de choix dans le budget de l’Etat. Par exemple, sur la période 1960-1990, le pays a alloué environ 44% de son budget général annuel de fonctionnement au secteur Education/Formation (Bih et al. 2003). Le sous secteur de l’Enseignement Supérieur a contribué à la formation de hauts cadres directement recrutés par l’administration ivoirienne de l’indépendance jusqu’aux années 80. Si à cette époque les débouchés étaient quasiment assurés pour les sortants de l’université, aujourd’hui, les universités ivoiriennes ont atteint un point de saturation. L’Etat qui était le principal employeur des sortants de l’Enseignement Supérieur a vu ses capacités d’absorption s’amenuiser. L’Enseignement Supérieur lui-même ne semble plus être en adéquation avec les besoins du développement du pays. Les filières classiques, selon Massicotte (1997), étaient souvent inadaptées aux besoins du marché du travail. L’on forme un grand nombre d’étudiants dans des domaines sans intérêt direct avec les secteurs d’activité de l’économie alors que des emplois restent non pourvus faute de personnes qualifiées. En 2004, une étude de l’UEMOA sur l’Enseignement Supérieur dans ses pays membres montrait que « les établissements de l’ESR1 contribuent peu aux objectifs de développement et à la réduction de la pauvreté dans leurs pays respectifs, ne forment pas adéquatement les jeunes aux défis économiques et sociaux du pays, participent peu à l’économie mondiale du savoir en émergence ». Cette assertion semble être confirmée par les autorités ivoiriennes qui faisaient déjà remarquer en 2000 que « l’école ivoirienne est inadaptée à la société, c’est une école importée. La conséquence en est l’indifférence totale de la population à la vie de 1 Enseignement Supérieur et de la Recherche 7 l’école »2. Face aux difficultés constatées dans le fonctionnement, l’Enseignement Supérieur a connu une reforme générale à travers la loi N° 95-696 du 7 septembre 1995. Une décennie après ces réformes et compte tenu des problèmes d’inadéquation posés, il paraît important de s’interroger sur la pertinence de l’orientation de la politique de l’Enseignement Supérieur avec les objectifs du développement économique. Autrement, cette étude cherche à savoir si l’objectif de développement de l’Etat de Côte d’Ivoire depuis les indépendances est soutenu par des valeurs issues de l’Enseignement Supérieur ? II. Justification L’objectif de tout système éducatif est de fournir des valeurs qui puissent être un levier au développement économique et social. Après la reforme de 1995, l’Etat ivoirien a concédé certaines de ses prérogatives de l’Enseignement Supérieur au secteur privé dont le mobile premier est de faire du profit. La réalisation de la présente étude se justifie donc par la nécessité de faire un état de la situation des établissements publics supérieurs et de les mettre en rapport avec les objectifs de développement du pays. Cette étude se justifie en outre par un besoin d’enrichir le débat sur le type de reformes à entreprendre dans l’Enseignement Supérieur dans les pays de l’UEMOA et particulièrement en Côte d’Ivoire. Cette étude permettra de faire une évaluation de l’effet des choix politiques en terme de cohésion avec ceux concernant le développement de la société ivoirienne, ce qui sera de nature à suggérer des orientations pertinentes à la politique universitaires en terme de valeurs à promouvoir dans un contexte post-conflit. III. Objectifs de l’étude L’objectif visé est d’analyser la cohérence entre la stratégie de développement de la Côte d’Ivoire et les politiques de l’Enseignement Supérieur en Côte d’Ivoire. Objectifs spécifiques De façon spécifique, l’étude vise à (i) Décrire la stratégie de développement économique et social adoptée par la Côte d’Ivoire à l’indépendance ; (ii) Analyser le profil des sortants de l’université sur la période 1966 à 2003 en rapport avec l’objectif de développement et les répercussions des choix stratégiques sur les valeurs sociales ivoiriennes. IV. Méthodologie Pour la conduite de cette étude, une recherche documentaire sur les politiques spécifiques au secteur universitaire public et sur la politique de développement de la Côte d’Ivoire a été menée. Ensuite, des entretiens ont été réalisés auprès de l’administration et des structures 2 Interview accordé au quotidien Fraternité Matin dans la parution du 8 juin 2000 par le Ministre de l’Education Nationale AMANI Michel, Cité par Odounfa (2003). 8 universitaires afin de recueillir les motivations des programmes, projets et stratégies en matière d’Enseignement Supérieur. La méthode d’analyse a combiné les approches économique et sociologique. L’approche économique a utilisé les méthodes d’analyse quantitatives et qualitatives. Des analyses ont été faites sur les données collectées. Concernant l’approche sociologique elle est basée sur la réalisation de deux guides d’entretien adressés pour l’un, aux universités publiques et pour l’autre, au Ministère en charge de l’Enseignement Supérieur. Le traitement des différents guides ont donné des analyses sociologiques qui ont permis de bien comprendre les valeurs véhiculées par l’enseignement universitaire en rapport avec le développement. Les données utilisées comme le montre les articulations précédentes sont quantitatives et qualitatives. Il s’agit surtout des statistiques concernant les effectifs (enseignants, étudiants, chercheurs etc.). Elles ont été colletées auprès des services administratifs et statistiques des universités publiques et de l’administration publique. V. Revue du développement économique et social et des politiques de l’Enseignement Supérieur Nous évoquerons d’abord la politique économique et social adoptée par l’Etat ivoirien à l’indépendance avant d’analyser les politiques de l’Enseignement Supérieur 5.1 La politique de développement économique et social ivoirien à l’indépendance En vue d’assurer un développement durable et harmonieux de la Côte d’Ivoire, les autorités ont entrepris depuis l’indépendance des politiques économiques et sociales qui visaient un équilibre régional. Pour soutenir ces politiques, l’accent est mis sur l’agriculture et l’exportation des principaux produits agricoles du pays le café, le cacao et le bois. De 1960 à 1974, la Côte d’Ivoire a connu une croissance économique qui offrait aux autorités les moyens d’un développement du pays. En terme réel, le PIB a connu une croissance moyenne proche de 8 % par an. Cette période qualifiée de « miracle ivoirien » a hissé le pays au rang des pays à revenu intermédiaire. Au niveau sectoriel, on note au cours de cette période que le secteur primaire (agriculture, élevage, forêts et pêches), avec une progression de 6,4% par an a une contribution au PIB qui est passée de 46,8% en 1960 à 32,3% en 1969. Dans le même temps, les secteurs secondaire et tertiaire, avec des taux annuels de croissance respectifs de 15,7% et de 13,1% sont passés de 15,2% à 22,3% du PIB à 38% et 45,4% du PIB. (PNUD, 2004) La recherche d’un équilibre dans le développement du pays a conduit un à investissement public dans les régions les plus défavorisées. Le Nord du pays, pourvoyeuse de main-d’œuvre à l’exploitation forestière a bénéficier de divers programmes (plan sucrier et cotonnier notamment). Le pays a mis également l’accent sur le développement des infrastructures routières, portuaires et ferroviaires pour permettre une bonne communication entre population et désenclaver les zones inaccessibles. HAUHOUOT (2002) Le modèle de développement ivoirien a également mis l’accent sur le développement du capital humain. Le secteur de l’éducation a bénéficié en 1975 de 13,7% du budget spécial 9 d'investissement et de 40,3% du budget de fonctionnement de l'Etat ; ce qui représente environ 10% du PIB du pays. En outre, 50 à 80% du budget d'investissement de l'éducation nationale furent consacrés à l'Enseignement Supérieur qui a également reçu 15% des dépenses courantes en 1983. (PNUD, op. cit.) Cependant, ce modèle connaîtra des difficultés au fil du temps avec l’accentuation des problèmes économiques et la croissance du nombre des étudiants. Pour ajuster la stratégie aux nouveaux défis, plusieurs politiques verront le jour dont les principales seront évoquées cidessous en ce qui concerne le domaine de l’Enseignement Supérieur. 5.2 Les politiques de l’Enseignement Supérieur Le développement de l’Enseignement Supérieur en Côte d’Ivoire est marqué par trois phases. La première a commencé en 1960 à l’indépendance de la Côte d’Ivoire pour s’achever en 1994. L’Enseignement Supérieur universitaire public était au service du développement des institutions de l’Etat. Il a fourni à l’administration et aux institutions étatiques les cadres et le personnel nécessaire à son bon fonctionnement et à la réalisation de ses objectifs. La seconde phase a débuté en 1995 et est marquée par la réforme du système de l’éducation nationale à travers la loi 95-696 du 7 septembre 1995. Celle-ci a permis de diversifier les sources de financement du secteur qui étaient jusqu’alors dévolues au public et l’émergence de l'Enseignement Supérieur privé. Dans sa mise en œuvre, cette phase a été perturbée par les soubresauts politiques et conflits armés qui ont secoués la Côte d’Ivoire depuis 1999. Cette loi laisse transparaître clairement la volonté de l'État de faire des universités et des grandes écoles (privées et publiques) des institutions au service du développement économique et social d’une Côte d’Ivoire moderne. La troisième phase est actuellement en cours et se manifeste par un programme d’urgence de construction d’amphithéâtres et de salles de Travaux Dirigés pour faire face à une délocalisation des institutions universitaires des zones ex-assiégées vers Abidjan. Cette situation a débuté avec le déclenchement de la rébellion armée et la scission du pays en deux parties. 5.2.1 De 1960 à 1994 une politique de l’Enseignement Supérieur post-coloniale Après l’indépendance, le choix de politique en matière d’Enseignement Supérieur est marqué par la volonté politique des gouvernants ivoiriens de l’époque d’assurer un enseignement de qualité à l’Université afin de lui permettre de contribuer à la réalisation des objectifs de développement économique et social que le pays s’est assigné ; développement entendu ici comme une amélioration quantitative et qualitative des indicateurs du bien-être des ménages qui aboutissent à un épanouissement individuel. Ce développement doit être compris aussi comme la combinaison des facteurs de productions rares ou abondantes à une technologie soutenue par une quantité et une qualité de ressources humaines à même d’atteindre la masse critique qui permet d’amorcer le développement. Aujourd’hui, s’interroger sur la nature des ressources humaines, notamment l’aspect quantitatif qu’exige le développement économique et social de la Côte d’Ivoire est crucial pour son avenir. Il était nécessaire d’expliquer ce concept afin de mieux éclairer le cheminement de l’analyse dans l’établissement du lien existant entre l’Enseignement Supérieur public et le développement. Il importe de remarquer que deux études (Kanvaly et Bakayoko, 2006 et Valy, 1979) ont déjà abordé le sujet sous des angles différents mais dans une vision globale du système. 10 Conformément aux accords de coopération de 1961, le système de l’Enseignement Supérieur de Côte d’Ivoire était une copie du système d’Enseignement Supérieur Français et se situait à l’intérieur dudit système. La formation est fondamentale dans la mise en œuvre du développement d’une nation. C’est ainsi que pour atteindre ces objectifs de développement, le gouvernement de la Côte d’Ivoire a créé en 1964 l’université d’Abidjan avec quatre écoles supérieures à savoir celles des Sciences, de Droit, de Lettre et de Médecine. Cette première ébauche a été modifiée au cours des années 1967, 1969, 1971 et 1974 pour obtenir progressivement des facultés. Parallèlement à cela, il faut noter que jusqu’en 1970, la moitié des effectifs des étudiants régulièrement inscrits dans cette université publique n’était pas des ivoiriens et que la majorité du personnel enseignant provenait de la métropole et autres pays étrangers. Pour établir le lien entre l’Université et le développement économique et social Valy (1979) propose trois fonctions fondamentales que doit assumer l’Université pour participer au développement social et économique. Ces trois fonctions synthétisent au mieux les politiques de développement adoptées depuis les indépendances. Ce sont : La fonction de promotion de la croissance économique dans la mesure où l’université doit induire chez les individus formés, des comportements en harmonie avec les objectifs de cette économie. La fonction de substitution de main d’œuvre qualifiée en permettant le remplacement des cadres expatriés par des nationaux afin de réduire les coûts de production et d’assurer la promotion sociale et culturelle des populations ainsi qu’une plus grande indépendance. La fonction d’intégration sociale et nationale grâce à l’unification des objectifs et des aspirations qu’entraîne une éducation commune à tous les groupes ethniques du pays, une diffusion et une meilleure compréhension des valeurs nationales. Faire de l’université un creuset dans lequel la nation se fonde et renforce la cohésion sociale. Dans un premier temps le modèle de développement qui s’est appuyé sur les pôles de l’université d’Abidjan (l’unique université publique à cette époque) et les grandes écoles publiques d’Abidjan et Yamoussokro a parfaitement fonctionné. Les cadres formés étaient de très bonnes qualités et les ratios d’encadrement excellents. La performance et la qualité des cadres et ingénieurs ivoiriens formés dans ces structures faisaient référence dans la sous région et égalaient la qualité de ceux des pays développés. Dans un deuxième temps les entreprises publiques et privées avaient a leur disposition un panel de cadres spécialisés, à même de prendre des décisions stratégiques et d’entreprendre des actions pour un développement cohérent. Les cadres issus de cette période ont participé à la conception, réalisation des grands travaux d’infrastructures (routes, ponts, grandes plantations), encadrements du monde paysan, extension de l’administration à l’intérieur du pays, la fourniture de la main d’œuvre qualifiée pour les industries, dans l’informatique et les télécommunications et surtout l’élaboration et l’exécution de politiques et programmes de développement. Les effets de cette politique axée sur la fourniture de cadres performants à l’économie se sont ressentis à travers une croissance soutenue de 8% du PIB sur la période 1960-1978. Les formations dispensaient un certain nombre de valeurs relatives à l’honneur, 11 l’intégrité, le respect de l’autorité, la probité, et surtout l’accès équitable de tous au savoir quelle que soit sa condition sociale. A partir de 1974, la politique post-coloniale de l’Enseignement Supérieur a permis, de procéder à la promotion des cadres ivoiriens, politique appelée communément « ivoirisation des cadres ». Dans la formation, l’Université nationale de Côte d’Ivoire s’est vu confier une vocation sous régionale [(en 1970, la moitié des étudiants n’était pas des ivoiriens et le personnel en majorité des expatriés)]. Les étudiants à l’instar du parti unique disposaient d’un seul mouvement de jeunesse estudiantine directement lié au parti unique. Ce mouvement servait de vivier pour l’ascension des futurs cadres du parti. Ainsi, les politiques de l’Enseignement Supérieur ont développé de nombreux systèmes et avantages sociaux dont le transport gratuit, les repas subventionnés, les facilités d’accès à l’hébergement dans les cités universitaires très subventionnés (eau et électricité) et le statut de boursiers à tous les étudiants. Les diplômés étaient recrutés de façon systématique à leurs sorties d’université, ce qui a laissé croire que l’université était la voie royale de la réussite sociale. Tous ces avantages sociaux accordés ont émoussé l’esprit d’indépendance, de compétition et d’initiative des étudiants. Pendant cette même période, une Commission de réforme rassemblant les principaux partenaires a été constituée et ses conclusions ont débouché sur la loi de réforme de l’éducation, votée par l’Assemblée Nationale en 1977. La loi prévoyait notamment des passerelles à tous les niveaux d’éducation, afin d’offrir des chances d’insertion sociale à tous. Mais, cette loi n’a pas connu d’application effective en raison de son coût jugé prohibitif. L’enseignement universitaire et la formation des cadres sont des composantes qui représentent sans nul doute les aspects les plus connus de la contribution possible de l’Enseignement Supérieur universitaire public au développement économique et social. Ceci est confirmé par le fait que l’ensemble des concours d’entrée dans l’administration est presque exclusivement réservé au candidat de l’Enseignement Supérieur public et les grandes écoles à savoir l’ENA, l’INPHB, l’ENS.. Les performances économiques de l’Etat de Côte d’ivoire étaient les meilleures, car sur la période de 1960 à 1978, le taux de croissance en termes réels oscillait entre 7% et 8% avec une stabilité macroéconomique et des enseignements universitaires de bonne qualité. A cette période, il y avait une adéquation entre les besoins de l’Etat de Côte d’Ivoire et le type de diplômés produits par l’Enseignement Supérieur public. Cette situation de prospérité a fait place à partir de 1980, à l’application de programmes d’ajustements structurels suite à la crise économique aiguë liée à la mauvaise rémunération des produits d’exportations (Café-Cacao) au plan international. Le développement des valeurs de responsabilité d’honneur, de dignité, d’innovation technologique pour l’ivoirien nouveau, tel que prévu, n’a pas toujours été atteint en raison des nombreuses malversations constatées et restées impunies dans les entreprises d’Etat (SATMACI, MOTORAGRI, IDEFOR, SODEFEL, SODESUCRE, CAISTAB etc.). Ces structures étaient les plus grands « réservoirs » d’emplois pour les cadres formés à l’université et dans les grandes écoles après l’administration générale publique). Une grande partie des cadres formés localement ou dans les universités étrangères n’ont pas su donner de bonnes valeurs à l’administration ivoirienne. Celle-ci est devenue, avec la dégradation du pouvoir d’achat des populations, synonyme de népotisme, de corruption, d’inefficacité, d’absentéisme et de laxisme. L’avènement des PAS et la paupérisation croissante des populations ont engendré l’émergence de nouveaux besoins sociaux relatifs à la démocratie (le multipartisme), mais 12 surtout à l’équité dans la distribution des ressources. Au niveau de l’Enseignement Supérieur universitaire public, cela s’est traduit par l’émergence de nouveaux mouvements estudiantins avec des formes de contestations de plus en plus violentes. Le malaise social était aussi perceptible dans l’Enseignement Supérieur avec notamment la remise en cause, voire la disparition, des avantages sociaux accordés aux étudiants (suppression des cars de transport, instauration de la carte de bus, réduction des subventions dans la nourriture et l’hébergement des étudiants, le surnombre dans les amphithéâtres, la vétusté des cités universitaires, etc.). En 1990, à la faveur des difficultés économiques que le pays a connues et l’émergence d’une volonté du peuple d’aller à la démocratie, la Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI) a vu le jour. Ce mouvement a constitué le contrepoids du Mouvement des Elèves et Etudiants de Côte d’Ivoire (MEECI) qui était perçu comme une structure d’embrigadement des Elèves et Etudiants et qui ne s’occupait pas des problèmes sociaux et des conditions de vie des étudiants. Cependant, de mouvement de contestation et de revendication pacifique originelle, la FESCI est devenue un mouvement radical aux méthodes violentes. C’est paradoxalement en cette période que l’université a produit plus grand nombre de diplômés qui occupaient d’importantes fonctions dans l’administration et la politique. Parallèlement on observait la montée de la violence sociale (grèves estudiantines, grèves sociales,…). L’administration ivoirienne avait atteint sa capacité d’absorption des diplômés. Les besoins en ressources humaines des entreprises privées étaient en deçà de que produisait l’université. En plus, les sortants de l’université ne présentaient pas toujours le profil exigé par le secteur privé. 5.2.2 De 1995 à 1999, la reforme du système Pour tenir compte des nouvelles réalités, les autorités ivoirienne vont avec l’appui des bailleurs de fonds accorder une place importante à l’éducation dans les programmes de développement mis en place. Ainsi, la réforme du système de l’éducation nationale initiée à travers la loi 95-696 du 7 septembre 1995 visait deux objectifs principaux. Le premier consistait à remettre le système éducatif au centre des priorités du développement économique et social de la Côte d’Ivoire en assurant une plus grande accessibilité aux différentes sources de financement et en définissant les conditions d’une formation efficiente. Le second était de définir et réglementer le cadre d’émergence au niveau du supérieur d’un système privé. L’ivoirisation des cadres étant achevée, il fallait trouver de nouvelles fonctions à l’Enseignement Supérieur et compenser les insuffisances constatées au niveau de la formation. Cette réforme n’a pas pu aller à son terme en raison de la forte instabilité institutionnelle dans l’Enseignement Supérieur3. Sur la période 1995-1999, le système éducatif ivoirien a souffert en vérité de l’orientation politique assignée à l’éducation nationale. Ce système accorde la priorité à des mécanismes d’accès très sélectifs aux filières de formation. En outre, relativement à ce système d’accès et 3 Le ministre responsable de la réforme n’a pas pu la conduire à terme, puisse qu’il a été remplacé 2 ans avant 1999, par un nouveau Ministre en 1997, qui avant de bien maîtriser la réforme encours a été évincé à la suite du coup d’Etat de 1999 13 de sélection, très peu ont accès à l’université, tandis que la grande majorité se retrouve dans les grandes écoles et autres centres de formation. L’analyse de la minorité que constituent les universitaires dans l’élite ivoirienne, donnerait raison à la théorie de la sélection naturelle de Darwin. En effet, selon cette théorie, seuls les plus forts arrivent à surmonter les épreuves qui peuvent jalonner le parcours inhérent à toute évolution. A l’image de cette théorie, la minorité universitaire est constituée des plus méritants, c’est-à-dire ceux qui disposeraient naturellement de potentialités intellectuelles suffisantes. 5.2.3 Depuis 1999, un système éducatif fragilisé Après les réformes issues de la loi n 95-696 du 7 septembre 1995 relative à l’Enseignement Supérieur, la Côte d’Ivoire a élaboré en 1997, le plan national de développement du secteur formation (PNDEF) pour la période 1998-2010. La situation de crise que vit la Côte d’Ivoire depuis le coup d’Etat de décembre 1999 et le conflit armé de 2002 ont fortement handicapé le potentiel éducatif de la Côte d’ivoire. Ainsi, l’ensemble des mesures prises pour faire face à cette nouvelle situation sont des plans d’urgences mis en œuvre avec l’appui des institutions internationales et des partenaires au développement (UNESCO, PNUD, UNICEF, etc.). La crise a provoqué un déplacement massif des étudiants et du personnel enseignant vers la ville d’Abidjan. Cet afflux des effectifs a nécessité de nombreux efforts sur le plan des infrastructures et du système d’administration suivi d’un redéploiement du personnel enseignant. Malgré tous les efforts réalisés, la situation générale du système de l’Enseignement Supérieur reste toujours dégradée avec les années universitaires tronquées ou qui se chevauchent pour certaines facultés, de nombreuses grèves d’enseignants et des étudiants, les effectifs pléthoriques, l’absence de motivation des enseignants et des étudiants. En 2002, le plan stratégique de développement de l’Enseignement Supérieur appelé « Plan quinquennal 20042008 » a été élaboré. Ces plans n’ont rien changé. Dans les zones ex-assiégées, les études réalisées à la demande du Gouvernement en zones Centre Nord-Ouest (CNO), montrent que les centres universitaires encore existants nécessitent une réhabilitation dont le coût sera certainement élevé. Jusqu’en janvier 2008 on dénombrait trois (3) universités publiques (2 URES), 4 Grandes Ecoles Publiques et 167 structures privées d’Enseignement Supérieur dont 26 Universités, 167 grandes écoles (voir tableau I). L’ensemble du système de l’enseignement public souffre d’un état d’obsolescence avancé de ses infrastructures : les équipements disponibles sont inutilisables ou inadaptés, et les établissements de formation sont en nombre insuffisant et vétustes. En outre, il n’y a pas eu de création de nouveaux établissements publics depuis plus d’une décennie en dehors de quelques amphithéâtres dans certaines universités existantes pour accueillir les étudiants déplacés, L’approvisionnement en fournitures techniques et matière d’œuvre reste très difficile. Enfin, le matériel didactique est presque inexistant et les bibliothèques sont en nombre insuffisant et peu fournies. Cette situation est accentuée par la crise armée avec des locaux, des ateliers et matériels didactiques saccagés en zones CNO. Tous ces événements conduisent à une baisse de la qualité de l’enseignement et une remise en causes des valeurs sociales héritées et transmises. Tableau I : Evolution du nombre d’Université et des Grandes Ecoles en Côte d’Ivoire de 1997 à Janvier 2008 14 1997-1998 2004-2005 Janvier 2008 Universités publiques 3 3 Universités privées - 6 26 Grandes écoles publiques 4 4 4 Grandes écoles privées Total Source : MES, 2008 47 53 108 121 3 167 200 Dans leur étude, Kanvaly et Bakayoko (2006) montrent qu’en moins de 15 ans, les effectifs d’étudiants ont plus que doublé passant de 29.000 à 79.000 étudiants sur la période 19912005. L’effectif des enseignants n’a pas suivi la tendance d’évolution de celle des étudiants. Le taux d’encadrement moyen national qui était égal à 1 enseignant pour 52 étudiants en 1992 est passé respectivement en 2003 et 2007 à 1 enseignant pour 57 étudiants et un enseignant pour 38 étudiants (voir tableau 2). Ce taux est élevé par rapport à la norme de l’UNESCO qui est de 25 étudiants par enseignant pour les universités. : Répartition des enseignants et étudiants dans les établissements d’enseignements supérieurs publics en 2007 Tableau II Ratios d'Encadrement Enseignants Professeurs et Maître de Conférences Etudiants ENS 117 15 ENSEA 15 INP-HB ETABLISSEMENTS Ratio Général Ratio Cours Magistraux 3568 1Ens/ 31 Etud 1Ens/ 238Etud 0 288 1 Ens/ 20 Etud - 440 9 3166 1Ens/ 8 Etud 1Ens/ 352 Etud 572 24 7022 1Ens/ 12 Etud 1Ens/ 293 Etud UAA 158 21 6682 1Ens/ 43 Etud 1Ens/ 318 Etud UB 282 36 10340 1Ens/ 42Etud 1Ens/ 305 Etud UC 1388 331 51411 1Ens/ 37Etud 1Ens/ 156Etud 1828 388 68433 1 Ens / 38 Etud 1 Ens / 178 Etud 2400 412 75455 1Ens / 31 Etud 1Ens / 180 Etud S/Total Gde Ecole S/Total Université TOTAL Source : MES, 2007 5.3 Un système de formation encore théorique 15 Malgré les reformes entreprises en 1995, il faut noter que les formations et enseignements donnés dans les facultés et surtout dans les filières professionnelles restent très théoriques sans lien directs avec le monde professionnel. A l’université, après la reforme, l’on a assisté à la mise en place de plusieurs diplômes professionnels notamment les diplômes d’études supérieures spécialisées (DESS). Le coût de la formation est généralement supérieur à 500000 FCFA. Mais il semble que l’aspect financier ait pris le pas sur la qualité de la formation. Nombreux sont les étudiants qui sortent de ces formations sans stage pratique encore moins d’emplois. Pourtant la validation du diplôme demande un stage en entreprise ou en milieu professionnel. Il aurait donc fallu mettre en place des structures pour faciliter la recherche de stage à ces jeunes qui sortent de ces écoles, ce qui serait un avantage certains sur leurs collègues qui sortent des facultés avec des diplômes théoriques. Là encore, il n’y a aucun contrôle pour s’assurer que les étudiants ont reçu la formation qui les place en concurrence avec ceux formés dans les grandes écoles de la place. A cela s’ajoute la non reconnaissance des diplômes d’ingénieur par l’Etat. Il ressort des pratiques ayant cours que seul le BTS est un diplôme d’Etat et que pour ce faire, il est reconnu et valide pour les recherches d’emplois (pas dans les concours administratifs comme l’ENA, etc.). Ainsi concernant les autres types de diplômes ingénieurs, masters des grandes écoles et universités privés, ce sont des diplômes d’écoles pour lesquels leur reconnaissance dans la quête d’un emploi dans le privé est laissée à l’appréciation du responsable des ressources humaine de l’entreprise sollicitée. Par contre les ingénieurs formés dans les grandes écoles publiques (INPHB), ceux-là font l’objet de reconnaissance et d’intégration dans l’administration sans ou sur concours. Pour les diplômes de DESS, l’Etat ivoirien s’allie à la position du CAMES. Paradoxalement, les autres types de diplômes spécialisés et diplômes techniques délivrés par l’enseignement privés avec le cachet du CAMES n’ont pas accès aux concours d’entrée à l’ENA alors que l’Etat à besoin de nombreux spécialistes dans des domaines pointues (négociations commerciales, APE, informatiques, ingénierie financières, autres spécialités etc.). 5.4 Analyse des liens actuels entre Enseignement Supérieur et politique de développement En vérité, le système de l’Enseignement Supérieur et universitaire en Côte d’Ivoire souffre de son inadéquation aux besoins de l’économie. En Côte d’Ivoire, l’économie n’a pas soutenu la formation pour assurer l’émergence d’une élite capable de redynamiser de façon durable cette économie. Les budgets alloués aux universités restent insuffisants. Les universités sont de plus en plus engorgées, avec des capacités d’accueils et des infrastructures inadaptées au nombre des étudiants qui va croissant, les enseignants et étudiants sont en perte de motivation relativement à une crise d’incitation liées aux salaires pour les enseignants et aux bourses pour les étudiants. En somme, l’on peut dire qu’il y’a un problème d’efficacité interne et externe de l’Enseignement Supérieur par rapport aux besoins de développement de la Côte d’Ivoire. A l’instar des pays en développement, la Côte d’Ivoire avait compris que son développement économique et social passait nécessairement par la valorisation de ses ressources humaines. Dans un tel contexte, en créant les institutions de formation de référence telles que INPHB, ENSEA, ENS, INJS et les universités. Elle voulait s’assurer de l’émergence d’une élite qualifiée pour réaliser son projet de développement. Cependant, force 16 est aujourd’hui de reconnaître, que les programmes de formation dans ces institutions ont besoin d’être actualisés, renouvelés, pour s’adapter aux besoins en développement du moment. Sinon, l’élite aujourd’hui formée par l’université et les instituts de formation, ne peut assurer de façon durable le développement économique et social de la Côte d’Ivoire. Il faut adapter la politique, le système de l’éducation et les programmes de formation avec pour assurer l’émergence d’une élite véritablement qualifiée pour un développement technologique durable. A ce jour, il y’a un besoin considérable de professionnaliser la formation dans les universités. On assiste de plus en plus à des reconversions des diplômés des universités pour intégrer le marché de l’emploi. Dans un tel contexte, il faut de plus en plus encourager les différentes Unités de Formation et de Recherches (UFR) à créer des cadres de professionnalisation de leurs unités. Par exemple, l’UFR des lettres et Civilisation doit créer une Unité de Valeur (UV) de formation en journalisme par exemple. Pour conclure sur les réflexions des acteurs du secteur de l’Enseignement Supérieur notons que sur le plan des infrastructures, le nombre d’universités autonomes publiques (Cocody, Abobo-Adjamé et Bouaké) et les deux Unités Régionales d’Enseignement Supérieur (URES) (Daloa et Korhogo) demeure insuffisant face au nombre croissant d’étudiants. Dans l’ensemble le système éducatif de l’Enseignement Supérieur est en déphasage avec les besoins économiques, politiques et sociologiques du pays. La fonction de développement technologique ou d’appui au développement par l’innovation est complètement absente de la pensée politique qui définit la politique de l’éducation nationale. Ainsi depuis la réforme de 1995, le secteur privé intervient dans le système de l’Enseignement Supérieur. Cette intervention obéit à des dispositions particulières. VI .Analyse critique des politiques de l’Enseignement Supérieur 6.1 Analyse des faits Sur la base des faits énoncés plus haut, cette analyse permet de montrer les liens qui existent entre l’éducation publique au supérieur et le développement économique de la Côte d’Ivoire. Ainsi, le modèle de développement s’appuie sur les deux grands pôles que sont les universités et les grandes écoles publiques pour fournir les cadres à même d’amorcer le développement. La qualité et les degrés de responsabilité étant fonction de la spécialisation et du type de structure de formation, force est de constater que les élites de la société ivoirienne émanent le plus souvent des milieux universitaires et précisément des domaines des sciences sociales. Les leaders estudiantins, les politiques, les responsables des ONG, les décideurs politiques, les responsables des entreprises et dans les administrations publiques regorgent du plus grand nombre de diplômes des sciences sociales par rapport à ceux issus des autres facultés et écoles techniques. Cette répartition des effectifs montre que volontairement ou non, un accent particulier a été mis sur la promotion des sciences sociales dans la politique de formation des cadres. En effet, l’orientation est faite soit sur la base individuelle des étudiants après le Baccalauréat, soit par les mécanismes de sélection institutionnels. Ce qui a abouti à des effectifs pléthoriques dans certaines facultés telles que (les sciences économiques, sciences juridiques et autres disciplines des sciences humaines et sociales (histoire, géographie, linguistique, sociologie, criminologie, lettres modernes, etc.) voir tableau III. 17 Tableau III: Effectifs des étudiants en sciences sociales dans les trois universités de Côte d’Ivoire (2007) université de BOUAKE université de COCODY université de ABOBO –ADJAME TOTAL Effectifs des étudiants inscrits dans les disciplines des sciences humains et sociales 9966 39589 573 50128 Effectifs totaux des étudiants 10340 51411 6682 68433 Pourcentages des étudiants en sciences sociales 2008 96,38% 77,% 8,57% 73,25% Source : calculs des auteurs Les étudiants des sciences sociales représentent à eux seul plus de 73,25 % des étudiants inscrits en 2007. On constate que malgré la prédominance des sciences humaines et sociales qui ont comme objet l’homme, c’est-à-dire les valeurs liées à l’homme et au respect des droits humains et la tolérance mutuelle, ces valeurs ne sont pas respectées à l’université compte tenu de l’intolérance des mouvements estudiantins et la violence à l’université associée au règne sans partage de la FESCI née en 1990 dans le domaine syndical. A cette première orientation, il faut noter qu’un très grand nombre d’ingénieurs et de docteurs formés dans les disciplines scientifiques et techniques ne disposent pas toujours de la technicité ou des moyens nécessaires pour réaliser des innovations et des technologies adaptées à l’environnement. Beaucoup se bornent à la maintenance de certains outils et technologies importés sans contribuer aux développements (informatiques, électroniques). On peut affirmer que dans l’état actuel de leurs fonctionnement, les universités et les cadres formés sont dans leur quasi-majorité des consommateurs de technologies importées (Internet, ordinateurs, cellulaires, montres, appareils électroménagers, moteurs des usines ; etc.) sans efforts d’innovation et de création de valeur ajoutée. Ils ne conçoivent pas de techniques et de technologies propres à leur environnement. Ies enseignants sont prisonnier du modèle socioculturel dominant dans lequel les universités transmettent des connaissances hiérarchisées, disciplinaires et des valeurs prédéterminés. Les récepteurs, étudiants reçoivent des messages prédéterminés qui inhibent leurs émotions, imaginations et créativités. Dans le processus de développement, il est évident que le passage d’un niveau d’activités de type primaire soumis aux aléas naturels comme par exemple la production agricole traditionnelle et même l’extraction minière où l’exploitation forestière à des activités plus complexes et variées, requiert l’emploi d’une main-d’œuvre spécialisée ayant un minimum de connaissance technologique et certaines aptitudes (valy, 1979). Un éleveur ne peut pas réparer un ordinateur ou un véhicule. Ainsi, les modèles de développement des pays africains induisent des déséquilibres de main d’œuvre. Cette situation de déséquilibre de main-d’œuvre compromet le progrès économique et social du pays. L’effectif de la main-d’œuvre pourrait être excessifs dans certains secteurs alors qu’il serait très insuffisant dans d’autres. Mais la qualité et les aspirations de cette main d’œuvre ne peuvent être en harmonie avec la nature et l’orientation des politiques de développement de la Côte d’Ivoire actuelle. Pour réussir une parfaite intégration entre la main-d’œuvre fournie par l’université et le développement économique et social de la Côte d’Ivoire, nous proposons quatre fonctions : - Fonction d’intégration sociale 18 Tous les ivoiriens ont les mêmes droits à l’éducation universitaire - Fonction de promotion de l’éthique et des valeurs socialement acceptables Elle tourne autour des éléments suivants : moralisation, solidarité honnêteté, respect des droits humains, respect des institutions, démocratie, justice, probité ; - Fonction d innovation technologiques et scientifique Pour asseoir un développement durable, la Côte d’Ivoire doit encourager et soutenir les développements et innovations créatrices de valeurs ajoutées pour l’économie ; - Fonction d’émulation et stimulation des vocations La profession ou l’activité qu’on exerce est un sacerdoce dont les produits améliorent le bienêtre collectif avant le bien-être individuel. La quête de l’enrichissement et les pratiques de corruption ne doivent pas être les règles d’or dans l’exercice d’une activité. Pour conclure, les deux types de cadres et d’élites que produit le système éducatif de la Côte d’Ivoire ne correspondent plus aux orientations et objectifs de développement, car au lieu d’avoir des techniciens et ingénieurs, docteurs inventifs, concepteurs de technologies adaptés à nos besoins, l’on a affaire à des cadres et une élite consommatrice de technologies importées et des spécialistes de maintenance de ces technologies. Pourtant, les besoins de la Côte d’Ivoire pour asseoir son développement sont dans l’adaptation et l’innovation technologique, dans la recherche et le développement et une politique d’Enseignement Supérieur de qualité. Pour les acteurs du système, la situation est peu reluisante et la crise qui mine le système éducatif ivoirien est imputable à une crise budgétaire dans le secteur éducatif. Il est donc difficile de soutenir qu’il y’a une réelle promotion des vocations dans l’Enseignement Supérieur. En vérité, il y a une réelle crise de motivation chez les enseignants pour des raisons liées aux conditions de travail et aux mesures salariales peu attractives. Par ailleurs, les récentes grèves entreprises par les enseignants du supérieur ont montré que les disparités salariales constatées dans la fonction publique n’étaient pas de nature à promouvoir les vocations dans l’Enseignement Supérieur. Au demeurant, la politique nationale à travers des restrictions budgétaires dans le secteur éducation/formation n’assure pas la promotion des vocations dans l’Enseignement Supérieur. 6.2 Perceptions du système par les acteurs Concernant la stratégie de développement dans l’Enseignement Supérieur ivoirien pour les acteurs, cela revient à se demander si le système éducatif/Enseignement Supérieur est efficace. Mieux, est-ce que la formation en Côte d’Ivoire soutient le développement économique et social du pays ? En guise de réponse, il faut reconnaître que pour mémoire, l’on a créé en Côte d’Ivoire de grandes écoles de référence telles que l’ENSEA, INPHB, IPNET, INJS, etc., pour soutenir le développement. Cependant, dans un contexte de mondialisation consécutive à l’évolution des besoins en développement du pays, ces institutions de formation ont besoin d’être adaptées et d’être consolidées, sans oublier la nécessité de création de nouvelles filières de formation. En effet, le système de formation en Côte d’Ivoire continue de souffrir le manque criard d’infrastructures qui est loin de répondre aux besoins de la population estudiantine qui va toujours croissante (voir tableau 4). A défaut 19 d’avoir réalisé l’adéquation éducation/ formation emploi, c’est l’Etat qui doit supporter les diplômés. En d’autres termes, l’économie ivoirienne n’a pas soutenu la formation pour accompagner, soutenir la stratégie de développement ivoirien. C’est la demande forte constatée en éducation et formation qui affecte la qualité de la formation et celle de l’élite appelée à relever le défi du développement. Tableau IV : Evolution du nombre d’étudiants par type d’établissement public de 1991-2008 Effectifs par type d'établissement Universités 1991-1992 1992-1993 1993-1994 1994-1995 1995-1996 2004-2005 24 325 31 600 38 207 38 940 41 313 69 436 2008 (janvier) 68 433 Grandes Écoles 2 710 2 997 2 905 2 843 3 050 5 249 3 454 2 112 1 408 1 534 1 362 1 452 4 901 3 568 29 147 36 005 42 626 43 145 45 815 79 586 75455 Formation formateurs Total public de Source : MES/DPE Il y’a plus de demande que d’offre en formation et cela est imputable au désengagement de l’Etat, dans le secteur éducatif. Comme solution, il s’est agit pour l’Etat de motiver la création de grandes écoles privées. Cependant, il faut reconnaître que ces projets alternatifs, connaissent également des problèmes. On assiste aujourd’hui à une prolifération de grandes écoles privées, qui pour la plupart proposent les mêmes filières de formations, sans innovations. Ces grandes écoles elles aussi ne s’inscrivent pas véritablement dans une vision futuriste, qui nécessite la création de nouvelles filières qui tiennent compte des besoins en formation de l’élite, au regard des besoins en développement du pays. Le Ministère de l’Enseignement Supérieur essaie de gérer le problème de la qualité des grandes écoles avec les moyens de contrôles qui permettent de les noter et de les classer, pour motiver l’émulation au niveau des chefs d’établissement, pour une meilleure qualité de la formation dans ces écoles. Le reproche qu’on peut faire au ministère, c’est de n’avoir pas mis en place des indicateurs pour motiver et gérer la création des grandes écoles privées. En effet, des indicateurs devraient aider à piloter le système pour favoriser l’adéquation entre la formation et l’emploi. Mieux, ces indicateurs devraient permettre de savoir chaque année le nombre de diplômés issus de ces écoles, et le nombre de ceux qui ont eu des emplois et ceux qui n’en ont pas eu et ce, pour faire le suivi de l’adéquation entre la formation et l’emploi. Au demeurant, il s’agit au niveau du Ministère de l’Enseignement Supérieur d’avoir un tableau de bord qui va capitaliser tous les indicateurs de situation, de performance et d’efficacité. Il est vrai que le ministère essaye de mettre en place ce projet, mais avec la crise sociopolitique du pays, le projet d’un tableau de bord pour piloter et consolider le système éducation/formation n’a pas encore vu le jour. Son exécution est incertaine à cause de la discontinuité dans les actions des différents ministres qui continuent de se succéder au Ministère de l’Enseignement Supérieur, au regard de l’actualité politique. 20 Selon, les responsables du Ministère de l’Enseignement Supérieur, les conséquences des crises universitaires sur l’Enseignement Supérieur sont sans ambages. Depuis quelques années, on peut constater avec amertume des années universitaires tronquées, jamais respectées, qui perturbent considérablement la qualité de l’Enseignement Supérieur et avec, tous les programmes de réformes en cours. Pour eux, avec l’instabilité constatée, il est difficile de mesurer l’impact des actions du Ministère de l’Enseignement Supérieur. Par ailleurs, cette situation d’instabilité a un impact sur les accords de partenariats avec les universités extérieures et des bailleurs de fonds, qui reprochent à la Côte d’Ivoire, le plus souvent, le manque de crédibilité de son système éducatif. En outre, l’instabilité consécutive aux crises universitaires fait perdre des soutiens extérieurs, qui devraient aider à améliorer la qualité de l’Enseignement Supérieur en Côte d’Ivoire. Aussi, les crises universitaires continuent-elles de favoriser la crise de motivation chez les enseignants et les étudiants. 6.3 Relations entre l’autorité de tutelle et les universités La politique de l’éducation est définie par le Ministère de l’Enseignement Supérieur qui contrôle et fait le suivi des actions qui en émanent. Les universités et grandes écoles qui sont des structures sous tutelle, sont appelées à mettre en application cette politique d’éducation. Les conseils des universités sont autonomes et donc n’ont pas l’obligation d’être associés au Ministère de l’Enseignement Supérieur. En d’autres termes, il n’y a pas de cadre d’échanges formel (à l’exception du conseil de gestion de l’université), mais informel. En tant que ministère de tutelle, c’est à travers des réunions entre les universités et le ministère que le ministère profite pour voir l’évolution de l’application de la politique d’éducation dont elle a la charge. Le système éducatif en Côte d’Ivoire n’est pas très efficace à cause de son faible dynamisme face à l’évolution des besoins en éducation/formation. Le système de formation continue d’avoir des problèmes pour retrouver ses repères, eu égard à la crise sociopolitique. Cependant, malgré cette situation que connaît le système de formation, on ne peut pas dire qu’il est obsolète. Pour preuve, au CAMES 2007, la Côte d’Ivoire a obtenu de bons résultats en s’adjugeant la première place. 6.4 L’articulation entre les universités publiques et privées Depuis la reforme de 1995, le secteur privé intervient dans le système de l’Enseignement Supérieur. Cette intervention devrait obéir à des dispositions particulières. Notons par exemple que pour la création d’une université privée, les autorités de cette université doivent signer une convention avec une université publique qui donne une sorte de garantie sur la conformité des enseignements qui seront dispensés. Cette convention permet de donner du crédit à l’établissement en question et de valider leurs diplômes. Seulement, ces conventions une fois entrées en vigueur ne font pas l’objet de contrôle et de suivi de l’autorité de tutelle. De sorte que même si les garanties fournies au début pour signer la convention n’existent plus, cette nouvelle structure continue de fonctionner au détriment de la qualité de l’enseignement requise. L’un des principaux problèmes récurrents reste celui des enseignants. Pour la signature de la convention, l’établissement qui vient de se créer présente en général des enseignants de renommés avec des programmes adéquats. Seulement quelques années après, l’établissement ne réussit pas à honorer ses engagements (financiers surtout) vis-à-vis des enseignants qui quittent pour d’autres établissements. Pour combler ce déficit, l’établissement fait appel à des étudiants de troisième cycle et principalement des doctorants 21 pour assurer les cours magistraux et les travaux dirigés (TD). Si les conventions faisaient l’objet de suivi et de contrôle dans le temps, ce genre d’établissements corrigerait cet état de fait pour assurer une formation de qualité à leurs étudiants. VII. Le profil des sortants de l'université et les valeurs qui y sont véhiculées 7.1. Analyse du profil des sortants de l’université sur la période 1966-2003 Sur le plan professionnel, l’université confère aux diplômés un certain prestige. Les docteurs issus de l’université sont employés prioritairement dans l’institution elle-même. Cependant, si on s’en tient aux docteurs formés par l’Université de Cocody depuis sa création jusqu’en 2002, il est loisible de constater que l’accent a été mis beaucoup plus sur le domaine de la santé que sur les autres. Sur la période indiquée, 86,5% des docteurs formés étaient du domaine de la santé (sciences médicales, pharmaceutiques, biologiques et odontostomatologie). Le domaine des sciences et techniques suit avec 7,5% des docteurs. Les sciences sociales (lettres, sciences humaines, économie et droit) enregistrent à peine 10% des docteurs formés. La politique du gouvernement pourrait-t-on dire, était de former du personnel niveau licence et maîtrise pour l’économie et les autres secteurs d’activités et du personnel de haut niveau pour la santé4. : Thèses de doctorats soutenues à l’Université de Cocody de 1966 à 2002 par discipline Tableau V Facultés ou UFR Nombre de thèses Pourcentage soutenues Sciences médicales (doctorat professionnel) 3 332 67,3% Sciences pharmaceutiques et biologiques 729 14,7% Sciences et techniques 374 7,5% Odontostomatologies 225 4,5% Lettres et sciences humaines 184 3,7% Sciences économiques 101 2 ,0% Sciences juridiques 05 0,1% Total 4950 100% Source : Université de Cocody, 2004. 4 Par manque de données appropriées, l’analyse des docteurs formés par genre n’a pu se faire. 22 7.2 Les valeurs véhiculées La valeur, selon Rocher (1992), désigne la manière d’être ou d’agir qu’une personne ou une collectivité reconnaissant comme idéale et qui rend désirable ou estimable les êtres ou les conduites auxquels elles est attribuée (Rocher, op. cit.). Les valeurs sont transmises, apprises, intériorisées et partagées par les individus d’un groupe social ou d’une société grâce à la socialisation. Elles constituent un ordre idéal ou moral qui tient lieu de référence commune. Si la valeur peut faire allusion aux normes d’une collectivité, elle peut également avoir une dimension subjective dont la manifestation est l’adhésion par conviction du sujet à des buts ou des fins qu’il poursuit. (Assogba, 2004). Les valeurs sont fonctions des sociétés et du temps. Une communauté d’intellectuels véhicule des valeurs différentes de celles que l’on rencontrerait dans le milieu rural. On distingue les valeurs morales, intellectuelles, sociales, esthétiques et matérielles. On parle d’une échelle de valeurs, dans la mesure ou pour chaque société, et pour chaque être, les valeurs sont hiérarchisées, classées, de la plus haute à la plus faible conscience, et servent de référence dans les jugements, la conduite, le choix des amis, etc. ce qui fait dire a Jean Paul Sartre (1976) que ‘‘le système de valeurs d’une société reflète sa structure’’. Dans un tel contexte, la valeur devient un concept sociologique. En effet, les valeurs sociales ou sociologiques s’organisent dans un système de valeurs, elles sont subjectives et varient selon les cultures et selon les normes. Elles représentent des manières d’être et d’agir qu’une collectivité reconnaît comme idéales. Autrement dit, elles sont appelées à orienter l’action des individus dans une société en fixant des buts et des idéaux. Mieux, elles servent de référence à une société saine, en santé, et qui fonctionne bien. Au demeurant, elles sont les organes du corps social, l’anatomie d’une société saine. C’est donc à juste titre que pour Weil (1955), la valeur sociale est ce qui manque à une société qui fonctionne mal. Ce faisant, aider toute société à se dégager de l’animalité par l’entremise d’un capital social, devient la tache que doit assumer l’éducation. En effet, l'instruction, et l’éducation plus précisément ne donnent aux sociétés que tout ce dont elles ont besoin. C'est surtout par la transmission des valeurs sociales que celles-ci se perpétuent, se consolident et se développent. Le dressage pour l’instruction, comme le dit Auguste Comte, est consécutif à la formation aux notions relatives aux valeurs sociales. Ainsi, la complémentarité de l’enseignement académique et l’enseignement moral deviennent une nécessité absolue pour le développement social et économique de toute société. A ce titre, l’enseignant qui porte le masque de la science, est le serviteur, le prédicateur d’un idéal, celui du développement de la société. C’est pourquoi ne pas tenir compte de la transmission des valeurs dans les établissements et dans la réalisation des programmes et méthodes d’enseignement serait paradoxal. Au regard de ce qui précède, l’étude de la valeur ou des valeurs véhiculées par une université devient difficile à appréhender. Notre analyse va s’appuyer sur un groupe de valeurs citées par Assogba (op. cit.) et Charbonneau (2004). Ils prennent comme base d’analyse une enquête menée auprès de jeunes personnes par un groupe de chercheurs sur les systèmes de valeurs en Europe. Cependant cette analyse sera précédée de généralités sur les facteurs qui influencent la transmission des valeurs dans l’Enseignement Supérieur ivoirien. 7.2.1 Les facteurs qui influencent la transmission des valeurs 23 En Côte d’Ivoire, force est de constater que l'éducation ne s'accorde pas avec ce qu'on attend ou ce qu'on exige, dans nos sociétés de l'enseignement public. En s’appuyant sur les fonctions du paradigme éducationnel (Bertrand, 1992) on peut affirmer que le modèle socioculturel qui inter réagit avec les valeurs de l’université présente un être individualiste soucieux des intérêts économiques et de la recherche du profit. Le système de l’Enseignement Supérieur ivoirien est sujet à plusieurs facteurs dont une crise morale ou déontologique et de motivation, d’une insuffisance d’infrastructures ou de complaisance des enseignants à l’égard des étudiants ou étudiantes. A l’instar des pays en développement, l’un des problèmes majeurs auxquels l’Enseignement Supérieur se trouve confronté en Côte d’Ivoire, reste la crise de la transmission des valeurs dans la formation de l’élite. Cela est dû d’une part, à la crise de déontologie chez l’enseignant et d’autre part, à la démission des parents dans l’éducation des enfants. En effet, pour bon nombre d’étudiants, les enseignants eux-mêmes semblent ne pas donner l’exemple. La fonction d’enseignant semble ne plus être un sacerdoce. Certains des cours dans les universités sont assurés à partir de fascicules élaborés par les enseignants eux-mêmes, ce qui a pour conséquence de limiter leur prestation. Pis, les étudiants sont souvent ramenés aux fascicules, en lieu et place des cours. Ces documents seraient vendus par les enseignants. Par ailleurs, l’objectivité dans l’évaluation des étudiants dans les universités et grandes écoles reste toujours problématique. Des enseignants se seraient rendus coupables quelque fois de pratiques illégales afin de favoriser l’admissibilité des étudiants et étudiantes en contrepartie semble-t-il d’argent ou d’actes sexuels. Dans un tel contexte et si cela est vérifié, le goût de l’effort et du mérite ne sont plus un facteur de promotion. La valeur de l’individu ne s’évaluerait donc plus en termes de ses performances académiques mais dépendrait fortement de ses rapports avec l’enseignant ou de l’administration universitaire. Il faut noter également que la course à l’enrichissement peut parfois amener l’enseignant mal payé et peu probe à tricher dans le comptage des heures de cours. En dehors des enseignants et de l’administration universitaires, si le système éducatif est en crise et avec lui la transmission des valeurs, il faut stigmatiser également la responsabilité des parents, qui au lieu d’accompagner et de soutenir le système éducatif ne jouent pas pleinement ou pas du tout leur rôle. Il arrive en effet que des parents interviennent pour « plaider » le cas de leurs enfants auprès des personnes compétentes pour négocier le passage en année supérieure moyennant une proposition financière. De tels comportements sont de nature à jeter un discrédit sur l’institution universitaire et compromet la qualité de la formation des étudiants qui en sortent. Les étudiants eux-mêmes ne sont pas à exclure dans l’analyse des facteurs qui influencent la transmission des bonnes valeurs à l’université. Depuis 1990, avec la réinstauration du multipartisme et le libéralisme syndicale et associatif, le pays est entré dans un cycle de violence provoqué et entretenu par les étudiants en accointance parfois avec des hommes politiques. La Côte d’Ivoire a connu une génération d’étudiants issus des mouvements syndicaux, qui sont aux antipodes d’une jeunesse civilisée, c’est-à-dire imprégnée des valeurs morales. Cette génération d’étudiants ou « génération Fesci » a conforté l’émergence d’une élite sans références morales. Pour bon nombre d’observateurs de l’école ivoirienne, les limites et faiblesses actuelles du système éducatif en Côte d’Ivoire continuent d’avoir des répercussions considérables sur la qualité de la formation et la qualité de l’élite. La qualité de l’élite est manifeste sur le plan académique et social. L’élite est appelée à disposer à la fois d’une compétence académique et de valeurs sociales qui fondent et guide tout processus de 24 développement. Cependant, des problèmes relatifs à l’engorgement des universités, aux conditions de travail et d’étude très pénibles, s’ajoutent les problèmes de logement et de conditions de vie souvent indécentes, qui développent des valeurs très peu recommandables chez les étudiants. 7.2.2 Les valeurs positives véhiculée par l’université ivoirienne D’une manière générale, l’on peut distinguer deux types de valeurs à savoir les valeurs « pour soi » et les valeurs « pour les autres » (Charbonneau, 2004). Les valeurs pour soi développent les capacités d’indépendance et d’autonomie de l’individu quand les valeurs pour les autres renvoient plus à la socialisation de ce dernier. Si l’on adopte ce schéma d’analyse, l’université ivoirienne a essayé de développer à des niveaux divers ces deux types de valeurs. *Les valeurs pour soi Sur le plan académique, l’un des objectifs du système est d’inculquer à l’individu des compétences qui le rendent autonome et indépendant dans la société. Le système prépare l’étudiant à se prendre en charge dans un environnement qui devient de plus en plus concurrentiel. Le mécanisme mis en place par le système semble privilégier le système d’évaluation pour juger de l’acquisition des valeurs pour soi. Le système d’évaluation qui a prévalu à la création de l’université a évolué progressivement pour devenir de plus en plus contraignant. La première évaluation se faisait sur la base de moyenne pondérée. Tout étudiant ayant obtenu une moyenne de 10/20 était considérée apte à passer en année supérieure. Ce système connaîtra des variantes avec la « semestrialisation » des enseignements et de l’évaluation avec des examens partiels à la fin du premier semestre et un examen final à la fin du second semestre. Ce premier système a prévalu jusqu’en 1994-1995. Ce système, semble-til ne permettait pas de développer toutes les compétences de l’étudiant. En effet, un étudiant pouvait avoir de très mauvaises performances dans une matière et exceller dans une autre de sorte qu’en faisant une moyenne arithmétique, celui-ci passe en année supérieure. L’étudiant qui sort du système possède des lacunes difficiles à combler dans certaines disciplines. Le second système d’évaluation va essayer de corriger cela en instituant des blocs. Le bloc comprend un ensemble de matières pour lesquelles l’étudiant doit obtenir une moyenne de 10/20. En général, il existe plus d’un bloc et la validation de tous les blocs est nécessaire pour passer en année supérieure. Il n’existe pas de compensation entre bloc. Un étudiant qui obtient 12/20 dans un bloc et 8/20 dans un autre ne peut passer en classe supérieure avant d’avoir obtenu au moins 10/20 dans le second bloc. Il s’agit en fait d’une forme déguisée du système des unités de valeurs actuellement en vigueur dans la plupart des Unités de Formation et de Recherches (UFR). En principe, le système des UV permet à l’étudiant de mieux comprendre les objectifs de sa formation. Chaque Unité de Valeur constitue un élément bien identifié d’un ensemble cohérent. Ce système permet à l’étudiant de conserver le bénéficie de ses acquis puisque les Unités de Valeur sont capitalisables. Pour chaque unité de valeur d'enseignement, l'étudiant devrait avoir droit à au moins deux évaluations. Cependant, ce système ne fonctionne pas 25 toujours comme il faut. Vu le nombre élevé des étudiants, des enseignants se contentent d’organiser une seule évaluation pour chaque matière, ce qui pénalise les étudiants. La variation dans le temps du système d’évaluation avait pour souci principal d’améliorer les performances de l’étudiant et des conditions de travail de l’enseignant. Cependant, ce système est encore lourd à gérer par la scolarité des universités non encore informatisée. Il faut en effet, gérer les UV capitalisées par l’étudiant de même que les doubles inscriptions ; une inscription en année supérieure et une autre pour rattraper des UV non validées. Bientôt, le système de l’Enseignement Supérieur ivoirien adoptera le système LMD qui entrera en vigueur les années à venir. En somme, le système de l’Enseignement Supérieur public est toujours à la recherche de la bonne méthode d’évaluation qui permet de limiter les déperditions mais aussi d’assurer une qualité d’enseignement comparable à celle des universités européennes ou américaines. Au delà des notes, l’évaluation et les diplômes qui sanctionnent la fin des études suggèrent un ensemble de compétences graduel que l’étudiant acquiert au cours de son cursus. Les étudiants diplômés ont la valeur que leur octroie la société que l’on peut estimer par rapport au non diplômé. Le diplôme ouvre des perspectives professionnelles à ses détenteurs. L’université est le lieu par excellence de la délivrance des diplômes que la société considère comme valorisante et supérieure à toute autre institution. Cette vision valorisante et prestigieuse de l’université de Côte d’Ivoire a prévalu dans la société ivoirienne jusqu’en 1990, année à partir de laquelle le système va connaître des crises à répétition. Dès cet instant, la vision de l’université et de ses produits devient problématique. L’institution est devenue le lieu de toutes les contestations sociales les plus violentes. Les diplômés sans emplois deviennent aussi de plus en plus nombreux. Les programmes d’ajustement structurel et la récession économique ont exacerbé la situation et ont amené l’Etat ivoirien a revoir sa politique d’emploi. Le secteur public ne pourvoit plus d’emploi direct aux sortants de l’université qui doivent s’adresser au secteur privé. *Les valeurs pour les autres Sur le plan social, des institutions ont été mises en place par le gouvernement ivoirien qui sont susceptibles de servir la socialisation de l’étudiant et du futur adulte. Il y a notamment le Centre National des Œuvres Universitaires (CNOU) dont le rôle principal est de mettre à la disposition de l’étudiant les conditions sociales nécessaires à son épanouissement. Le CNOU fournit des prestations sociales qui portent sur le logement, la restauration et des activités extra universitaires. Il gère à ce titre les cités universitaires, les cars pour le déplacement des étudiants (ce service est désormais supprimé) et développe des activités sportives et culturelles au profit des étudiants. Il soutient également les initiatives de nature à améliorer les conditions de vie et de travail des étudiants. En juillet 2007, la capacité d’hébergement était de 9 777 lits dont 2 816 pour les filles et 6961 pour les garçons. Cette même année, la seule université de Cocody comptait à elle seule 51411 étudiants soit un ratio de 1 lit pour 5,3 étudiants. Compte tenu du grand nombre d’étudiants et du nombre restreint de lits disponibles, une solidarité s’est développée dans les résidences universitaires. On peut évoquer à ce titre la notion de « cambodgien » qui fait référence à une catégorie d’étudiants non logés par le Centre Régional des Œuvres Universitaires (CROU), nouvelle appellation du CNOU décentralisé, mais qui trouvaient gîte avec des camarades régulièrement logés. Les chambres à deux lits abritaient au moins quatre 26 personnes et les chambres individuelles pouvait contenir deux personnes. Ces étudiants vivent et mangent ensemble souvent avec la bourse d’une seule personne. Dans les cités universitaires de Yopougon, cette solidarité était encore plus accentuée entre étudiants. On y trouvait ceux que les étudiants appelaient les « palestiniens » qui sont des étudiants qui n’ont pas droit aux prestations du CNOU soit par insuffisance de résultat, soit parce qu’ils étaient renvoyé de l’université. La solidarité qui s’est ainsi développée dans les cités préparait les futurs cadres du pays à des valeurs de solidarité et de la famille. Elle les préparait à s’occuper de leurs familles respectives en aidant des frères, des cousins et d’autres enfants du village à réussir dans les études. Compte tenu du fait qu’il existait une seule université pour tout le pays, cette valeur a dû jouer dans la poursuite des études des enfants venus de l’intérieur du pays. 7.2.3 Les autres valeurs à l’université *La religion Même si le système universitaire ne développe pas les valeurs religieuses de façon explicite, il n’en demeure pas moins que la liberté d’association a favorisé la mise en place de plusieurs associations religieuses dans les cités universitaires. On peut citer entre autre l'Association Chrétienne des Elèves et Etudiants Protestants de Côte d'Ivoire (ACEEPCI) ; l'Association des Elèves et Etudiants Musulmans de Côte d'Ivoire (AEEMCI) ; La Jeunesse Etudiante Catholique (JEC) ; la Jeunesse de l'Eglise Protestante (JEP CMA) ; la Stratégie d'Evangélisation en Milieu universitaire et Scolaire (SEMUS) etc. Ces associations développent des programmes spirituels à l’endroit des étudiants et principalement de leurs membres. De ce fait, les valeurs religieuses (honnêteté, solidarité, culture de la paix etc.) qui sont véhiculées en milieu universitaire par ces associations ont dû peser de tout leur poids dans la canalisation ou l’atténuation des violences à l’université ces dernières années. Ces associations ont formé une plateforme au sein de laquelle elles interviennent périodiquement sur les problèmes de l’école ivoirienne et principalement ceux de l’université. Le CNOU devenu le Centre régional des Œuvres Universitaires (CROU) travaille de concert avec ces associations pour l’amélioration des conditions de vie des étudiants. Mais malgré le dispositif du CROU, aucune résidence universitaire n’a prévu de lieu de culte pour les étudiants alors que la population ivoirienne a toujours été majoritairement religieuse (tableau 5) Tableau VI: Évolution des proportions des adeptes des religions depuis 1975 1975 1988 1993 Chrétiens 28,60 27,40 23,00 Musulmans 33,30 38,60 43,00 27 Animistes 30,00 18,90 14,00 Autres 01,90 03,40 Nd Sans religion 06,10 11,70 Nd Source : Touré M. (2000) *La politique L’université étant le lieu de la liberté d’expression par excellence, l’on constate que les partis politiques ont souvent recrutés leurs militants dans ce milieu. La quasi-totalité des leaders politiques sont des universitaires formés par le système. Mais l’élément qui semble favoriser l’aptitude des étudiants à se diriger ultérieurement en politique est la force que le syndicalisme universitaire leur donne. Depuis 1990, les revendications syndicales estudiantines ont pris une allure de violence. L’intransigeance de ces syndicats et la ferme volonté de l’autorité à se faire respecter a introduit graduellement la violence dans le milieu universitaire et scolaire. La Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte d’Ivoire a été la principale force syndicale estudiantine. En effet, à la faveur de la crise de septembre 2002, l’on a pu se rendre compte que la plupart des acteurs jeunes sont des produits de la FESCI. Ce constat est d’autant plus réel que la pertinence est dirigée par un ancien secrétaire générale de la FESCI. *Le domaine professionnel Sur le plan professionnel, l’université confère aux diplômés un certain prestige. Les docteurs issus de l’université sont employés prioritairement dans l’institution elle-même. Cependant, si on s’en tient aux docteurs formés par l’Université de Cocody depuis sa création jusqu’en 2002, il est loisible de constater que l’accent a été beaucoup mis plus sur le domaine de la santé que sur les autres (voir le tableau III) 7. 2.4 L’émergence de valeurs négatives Dans les mécanismes mis en place pour la diffusion des valeurs positives, indispensables aux sortants du système, l’on a assisté par moment à une émergence de comportements déviants qui ont une répercussion négative sur les étudiants. Il s’agit notamment de la violence et de l’impunité observées dans les résidences universitaires ou sur les campus universitaires. En effet, il ressort des entretiens avec les autorités de l’université et du ministère de l’Enseignement Supérieur que la violence et l’impunité ont fait leur apparition à l’université et dans les résidences universitaires. A l’analyse des faits, la violence est perpétrée par certains étudiants contre d’autres étudiants et cela en général pour des raisons politiques ou syndicales De nombreux étudiants de l'université d'Abidjan, sont plus préoccupés par leur sécurité que par leurs études à l'université où un syndicat d'étudiants, a recours au viol et à la torture pour imposer sa loi sur le campus (Nations Unies, 2005). La FESCI est montrée du doigt par la quasi-totalité des personnes rencontrées. Ceci semble corroborer le rapport d’une ONG internationale qui fait remarquer que « plutôt que pour des grèves d’étudiants en faveur de 28 causes étudiantes, la FESCI est souvent connue aujourd’hui pour sa violence à caractère tant politique que criminel (…) » (Human Rights Watch, 2008) Ces étudiants, ont développés des principes de vie ‘’hors la loi’’ sans être inquiété par les forces de l’ordre qui, au meilleur des cas les dispersent à l’aide des gaz lacrymogènes. Mais peu de poursuites judiciaires concernent les coupables ou les meneurs d’actes répréhensibles par la loi. Selon l’ONG citée ci-dessus, «bien que les activités illégales des membres de la FESCI ne soient un secret pour personne en Côte d’Ivoire, les autorités gouvernementales n’ont que rarement ouvert une enquête, arrêté et poursuivi les auteurs de ces actes illicites. Dans de nombreux cas, les victimes de violences perpétrées par la FESCI ont déposé plainte officiellement. Néanmoins, (…) ces plaintes n’aboutissent presque jamais ne fût-ce qu’à l’interrogatoire d’un membre de la FESCI par la police, et encore moins à son inculpation » (Human Rights Watch, op. cit.). Il s’agit certainement d’un signal à ces futurs cadres qu’on peut se jouer de la justice compte tenu de son statut. De telles attitudes relatives à la faiblesse des institutions et du système judiciaire, confortent ces étudiants à évoluer dans l’irrespect des institutions, et à compromettre de facto, l’émergence d’une élite capable de développement durable. Au total, force est de reconnaître que les limites et faiblesses actuelles du système éducatif en Côte d’Ivoire dans la transmission des valeurs essentielles au développement du pays sont consécutives aux limites des réformes sensées consolider la politique de l’éducation. Mieux, ces réformes ne sont toujours pas à la hauteur des besoins du pays en termes d’éducation et de formation. Le système éducation/formation a fait de la dimension académique une priorité, au détriment de la dimension sociale. Le système reste axé plus sur l’acquisition des connaissances universitaires que sur l’acquisition des valeurs sociales. 29 Conclusion L’objet de cette investigation était d’analyser la cohérence entre la stratégie de développement de la Côte d’Ivoire et les politiques mises en œuvre dans l’Enseignement Supérieur en Côte d’Ivoire. Pour la conduire, deux méthodes, une méthode économique et une méthode sociologique ont été combinées. Les données proviennent de deux sources principales à savoir des données secondaires issues de la littérature et des données primaires obtenues à la suite d’entretiens avec les responsables de l’Enseignement Supérieur ivoirien. Des investigations faites, l’on peut retenir que l’Enseignement Supérieur ivoirien a longtemps été au service du développement des institutions de l’Etat. Il a fourni à l’administration et aux institutions étatiques les cadres et le personnel nécessaire à son bon fonctionnement et à la réalisation de ses objectifs de développement. L’Etat était alors le principal employeur des sortants de l’université. Mais avec l’accroissement du nombre des étudiants et le vieillissement des infrastructures, l’Enseignement Supérieur n’a pas su s’adapter aux besoins de l’économie et du développement. L’appel au secteur privé à travers les reformes a permis certes d’augmenter la capacité d’accueil des nouveaux étudiants, mais cela a été fait la plupart du temps au détriment de la qualité et des besoins du marché du travail. Sur les valeurs véhiculées par l’Enseignement Supérieur, l’étude identifie principalement trois ; à savoir les valeurs pour soi qui développent la capacité individuelle et professionnelle de l’individu, les valeurs pour les autres qui font référence à la sociabilité et aux dispositions de solidarité que les individus développent et c’est ce qui fonde la société ; le dernier type de valeurs concerne des valeurs négatives issues des conditions de vie, d’étude et de travail dans le système d’Enseignement Supérieur. L’étude fait des recommandations susceptibles d’orienter la politique nationale du système de l’Enseignement Supérieur. Recommandations *Pour recentrer la politique de l’Enseignement Supérieur public sur les besoins de l’économie Mettre en relation les formations spécialisées avec le monde des entreprises. La validation d’un diplôme de spécialité devrait passer par un stage dans une entreprise du domaine. C’est pourquoi, chaque UFR devrait créer en son sein une direction des relations avec les entreprises. Organiser de façon périodique des rencontres entre universitaires et entrepreneurs pour discuter des perspectives économiques et des emplois de sorte à ajuster les programmes de formation en fonction de l’évolution de l’économie nationale et internationale. *Pour améliorer la qualité dans l’Enseignement Supérieur Rendre obligatoire pour les enseignants nouvellement recrutés le séminaire en pédagogie dispenser par l’Institut de Recherche en Enseignement et en Education Pédagogique (IREEP) et consolider le séminaire en pédagogie par la formation en déontologie relative à la vocation d’enseigner ; instaurer un système d’inspectorat des enseignants de l’université. *Pour renforcer le contrôle des universités privées, instaurer une évaluation périodique des programmes d’enseignement et définir un minimum de conditions à remplir pour la mise en place d’une université privée. L’autorité de tutelle devrait également créer un cadre permanent de concertation entre le ministère et les institutions. Il serait également judicieux de voter une 30 loi d’orientation du Ministère de l’Enseignement Supérieur qui mettra fin à l’instabilité des ministères, la réorganisation constante des ministères et la modification des dénominations et ce, pour capitaliser les données et acquis des politiques. * adopter l’approche de la formation par compétence (savoir agir) et accélérer la mise place du LMD. Soutenir ces valeurs par des valeurs qui sous-tendent la pédagogie. Promouvoir les valeurs dans les institutions à travers des projets éducatifs 31 Références bibliographiques Assogba, Y. (2004). Etat de la question sur l’étude des valeurs. Les valeurs des jeunes. Presse de l’Université du Québec. Bertrand, Y. & Valois, P. (1992). Ecoles et sociétés ED agence d’Arc. Bih , E., Berté, Z. Koné., R. F. & Okon, G. M. (2003). 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