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D OSSIER thématique Transplantation combinée Coordinateur : Y. Calmus Double greffe : cœur-rein Combined heart and kidney transplantation ●●E.Vermes*, M.L. Hillion*, K. Dahan**, P. Grimbert**, P. Lang**, D. Loisance*, M. Kirsch* RÉSUMÉ S U M M A RY Le nombre de transplantations cœur-rein ne cesse d’augmenter depuis le succès de la première transplantation combinée réalisée en 1986. Cependant, en raison de la pénurie des donneurs, il est essentiel d’évaluer ces patients pour les sélectionner au mieux. Cette sélection passe par une détermination rigoureuse des pronostics cardiaque et rénal par une équipe pluridisciplinaire comprenant des néphrologues, des cardiologues et des chirurgiens. Plusieurs équipes ont maintenant bien démontré que l’incidence des rejets aigus cardiaques est significativement moindre chez les transplantés cœur-rein comparativement aux transplantés cœur seul. Une étude plus récente semble montrer le même constat pour les rejets rénaux par rapport aux transplantations rénales seules. L’incidence de la maladie coronaire du greffon apparaît également moindre dans cette population. La survie des patients n’est cependant pas affectée et reste très similaire à la survie des transplantés cardiaques seuls. During the past 15 years, the number of combined heart-kidney has expanded. Because of the critical shortage of organs, it is crucial to evaluate very carefully potential recipients. This process evaluation includes renal and cardiologic evaluation. Combined heart-kidney transplantations have demonstrated excellent results.The rate of acute heart and kidney rejection and angiographic CAV seem lower in combined heart-kidney recipients compared with isolated heart recipients. Moreover, the rate of acute kidney rejection seems also to be lower in this specific population compared with isolated kidney recipients. Mots-clés : Transplantation – Rein – Cœur – Chirurgie – Biopsie rénale – Dialyse. Keywords: Transplantation – Kidney – Heart – Surgery – Renal biopsies – Dialysis. HISTORIQUE * Service de chirurgie thoracique et cardio vasculaire, hôpital Henri-Mondor, Créteil. ** Service de néphrologie et de transplantation rénale, hôpital Henri-Mondor, Créteil. L’histoire de la transplantation remonte au début du xxe siècle avec les premiers travaux d’Alexis Carel sur l’animal en 1902. Mais ce n’est qu’en décembre 1954, à Brigham que réussira la première transplantation rénale chez l’homme, entre deux frères jumeaux monozygotes. La première transplantation rénale réalisée chez deux frères jumeaux dizygotes, contemporaine des progrès de la recherche sur le système immunitaire, suivra 5 ans plus tard. En 1967 sera réalisée la première greffe cardiaque humaine en Afrique du Sud (1). 150 En Europe, la première transplantation cardiaque sera réalisée en 1968 par l’équipe française du Pr Cabrol. La première double greffe combinée cœur-rein sera accomplie 11 ans plus tard, en 1978. Malheureusement, le patient décédera à 15 jours d’un sepsis, sans évidence de rejet cardiaque ou rénal. C’est en 1986 que la première transplantation cœur-rein sera réalisée avec succès aux États-Unis (2) et, en 1988, en France (3) par l’équipe du Pr Cachera, soit 20 ans après la première transplantation cardiaque. Le Courrier de la Transplantation - Volume IX - n o 4 - octobre-novembre-décembre 2009 D OSSIER thématique À partir des années 1990, les greffes multi-organes telles que rein-pancréas, cœur-poumon, cœur-foie et rein-foie ont connu une expansion croissante. De janvier 1988 à novembre 2006, il a été rapporté par l’UNOS (l’organisme chargé de répertorier l’ensemble des transplantations dans le monde) un total de 448 transplantations combinées cœurrein dont 125 en France. SÉLECTION DES CANDIDATS À UNE TRANSPLANTATION CŒUR-REIN La sélection des patients à une greffe combinée cœur-rein nécessite une étroite collaboration entre le centre de transplantation rénale et celui de transplantation cardiaque. Cette sélection est essentielle tant pour garantir une survie prolongée de grande qualité chez les patients greffés que pour une utilisation optimale des rares greffons disponibles. Cette sélection passe par l’identification de deux grands types de patients. ✓✓ Les patients candidats à une transplantation rénale qui présentent une cardiopathie concomitante. Le rôle du cardiologue est ici prépondérant afin d’évaluer le pronostic du patient pour envisager ou non une greffe cardiaque associée à une greffe rénale. ✓✓ Les patients candidats à une transplantation cardiaque qui présentent de façon concomitante une insuffisance rénale. Le rôle du néphrologue est dans ce cas prépondérant pour évaluer la nécessité ou non d’associer à la greffe cardiaque une greffe rénale. Patients candidats à la transplantation rénale avec cardiopathie concomitante Il s’agit le plus souvent de patients ayant une insuffisance rénale justifiant une transplantation rénale (néphropathies hypertensives et vasculaires, néphro pathies diabétiques, néphrop athies interstitielles chroniques, glomérulonéphrites, etc.), adressés par le néphro logue au cardiologue afin de poser l’indication d’une greffe de cœur associée. Le rôle du cardiologue est d’évaluer de façon précise le pronostic individuel du patient, étant entendu qu’une double greffe ne sera proposée que si le patient est à haut risque cardiaque. ●● “Pré-requis” ● pour une transplantation cardiaque Un patient candidat à la greffe doit avant tout être demandeur et motivé, avoir une cardiopathie sévère irréversible malgré un traitement médical optimal et non médical (défibrillateur et resynchronisation inclus), être au-delà de toute possibilité de chirurgie alternative (remplacement valvulaire, pontage aorto-coronaire, résection ventriculaire) et être âgé de moins de 65 ans. ●● Évaluation d’un patient ● à haut risque Plusieurs critères cliniques et para cliniques sont à notre disposition pour évaluer le pronostic du patient insuffisant cardiaque. La capacité fonctionnelle est un indicateur pronostique fort chez un patient insuffisant cardiaque. Elle peut être évaluée de façon subjective par la classe fonctionnelle de la New York Heart Association (NYHA) mais surtout de façon objective par une épreuve d’effort. L’épreuve d’effort avec détermination de la consommation maximale de l’oxygène (VO2) reste un facteur prédictif puissant d’événements pour guider l’indication de transplantation cardiaque. D.M. Mancini et al. (4) ont été les premiers à démontrer l’intérêt pronostique de la VO2 pour identifier des candidats à la transplantation cardiaque. Dans cette étude, les cas de 114 patients en insuffisance cardiaque chronique, sélectionnés entre 1986 et 1989, ont été séparés en trois groupes : ● groupe 1 : patients ayant une VO maxi2 male inférieure ou égale à 14 ml/kg/mn et acceptés pour la transplantation cardiaque (n = 35) ; ● groupe 2 : patients avec une VO maxi2 male supérieure à 14 ml/kg/mn non indiquée pour la greffe (n = 52) ; ● groupe 3 : patients ayant une VO 2 inférieure ou égale à 14 ml/kg/mn, mais récusés pour la greffe pour des causes extracardiaques (n = 27). 151 La survie à 1 an a été significativement meilleure dans le groupe 2 comparativement aux groupes 1 et 3. En reprenant l’ensemble de la cohorte de cette étude, les patients avec un pic de VO2 inférieur à 10 ml/kg/mn avaient une survie à 1 an significativement plus basse que ceux ayant une VO2 supérieure à 14 ml/kg/mn. Pour ces derniers, la survie à 1 an était similaire à la survie après la greffe. Des recommandations avaient découlé de cette étude, stipulant qu’une VO2 inférieur à 10 ml/kg/mn indiquait une transplantation cardiaque et que cette indication était probable quand le pic de VO2 était inférieur à 14 ml/kg/mn, en insistant sur le fait que le seuil ventilatoire devait être atteint, garantissant un effort maximal. Cependant, cette étude avait été réalisée avant l’avènement des bêtabloquants. L.R. Peterson et al. ont donc réévalué l’utilité du pic de VO2 inférieur à 14 ml/kg/mn comme indicateur de transplantation cardiaque chez les patients sous bêtabloquants (5). Sur une cohorte de 540 patients en insuffisance cardiaque, les sujets sous bêtabloquants avec un pic de VO2 strictement supérieur à 12 ml/kg/mn ou ceux incapables de tolérer les bêtabloquants avec un pic de VO2 inférieur à 14 ml/kg/mn sont les patients qui tirent avantage de la transplantation cardiaque. Des recommandations récentes ont été publiées par la Société internationale de transplantation du cœur et du poumon sur l’intérêt de la VO2 pour guider l’indication de transplantation cardiaque. En classe 1, niveau de preuve B, apparaissent les patients traités par bêtabloquants avec un pic de VO2 inférieur ou égal à 12 ml/kg/mn et les patients intolérants aux bêtabloquants avec un pic de VO2 inférieur à 14 ml/kg/mn (6). La fraction d’éjection ventriculaire gauche est largement utilisée comme indicateur prédictif de survie chez les patients insuffisants cardiaques. Cependant, elle ne permet pas à elle seule, d’établir une distinction suffisante entre les patients à haut risque de ceux à bas risque. Le Courrier de la Transplantation - Volume IX - n o 4 - octobre-novembre-décembre 2009 D OSSIER thématique Des paramètres hémodynamiques doivent également être associés par la réalisation d’un cathétérisme cardiaque droit sous traitement médical maximal. Les patients ayant une élévation de la pression télédiastolique du ventricule gauche (VG), de la pression capillaire, une diminution du volume d’éjection systolique, une diminution du débit cardiaque et une augmentation des résistances vasculaires pulmonaires sont également des patients à haut risque (7). D’autres outils de stratification ont été validés de façon prospective et sont disponibles chez les patients insuffisants cardiaques. Il s’agit notamment du Heart Failure Survival Score (HFSS) qui a été le premier modèle de stratification du risque pour prédire la survie chez les sujets insuffisants cardiaques (8). Ce score est dérivé d’une cohorte de patients transplantés entre 1986 et 1991 et entre 1993 et 1995. Seuls 10 % des patients étaient sous bêtabloquants. Les facteurs prédictifs de mortalité incluaient l’origine ischémique de l’insuffisance cardiaque, la fréquence cardiaque au repos, la fraction d’éjection, la durée du QRS supérieur à 120 ms, la pression artérielle moyenne au repos, la natrémie et le pic de VO 2. Le calcul du HFSS est effectué à partir d’une équation tenant compte de toutes ces variables. La survie à 1 an des patients avec bas risque (HFSS ≥ 8,10), risque modéré (7,2 < HFSS < 8,09) et haut risque (HFSS < 7,19) était de 93 %, 72 % et 43 % respectivement. Depuis l’avènement des thérapeutiques modernes – bêtabloquants, antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II, inhibiteurs de l’enzyme de conversion [IEC] –, le HFSS a été réexaminé chez les patients traités selon les recommandations actuelles (9). Il ressort que la survie à 1 an des patients avec risque HFSS modéré sous bêtabloquants est comparable à la survie à 1 an postgreffe. Il est donc recommandé que les patients sous bêtabloquants avec un risque modéré doivent avoir un suivi rapproché plutôt que d’être d’emblée proposés en liste de transplantation cardiaque. Le BNP (Brain Natriuretic Peptide) a été adjoint à la liste des indicateurs pronostiques de l’insuffisance cardiaque. Il est sécrété par des cavités ventriculaires en réponse à une augmentation du volume intraventriculaire et de la pression. Le BNP ou NT proBNP est un puissant facteur prédictif de mortalité dans l’insuffisance cardiaque avancée. Cependant, peu d’études ont évalué le BNP chez les candidats à la transplantation cardiaque. M. Rothenburger et al. ont évalué les cas de 550 patients avec cardiopathie dilatée et ischémique. Le taux de NT proBNP chez les patients candidats à la greffe était significativement plus élevé (229,03 mg/ ml versus 493 ng/ml [p < 0,001]) [10]. Cependant, aucune étude n’a actuellement évalué l’intérêt pronostique du BNP chez un patient candidat à une double transplantation cœur-rein, d’autant que l’insuffisance rénale peut totalement modifier les taux de BNP. En pratique, un patient candidat à une transplantation rénale adressé au cardiologue doit subir un bilan cardiologique complet afin d’évaluer au mieux son pronostic. Cette évaluation comprend : ● une évaluation clinique avec la gêne fonctionnelle NYHA ; ● une échographie cardiaque afin d’évaluer la fraction d’éjection VG, les diamètres ventriculaires, les pressions de remplissage, les valvulopathies éventuelles, la fonction ventriculaire droite et les pressions pulmonaires ; ● un cathétérisme cardiaque droit afin de mesurer la pression capillaire, le gradient transpulmonaire, les pressions pulmonaires et les résistances pulmonaires ; ● une épreuve d’effort avec mesure de la VO2 ; ● un dosage du BNP ; ● une coronarographie ou IRM afin d’évaluer le caractère ischémique de la cardiopathie. La décision d’une double greffe cœurrein se fera en fonction du pronostic cardiaque estimé du patient. Si ce dernier est à haut risque cardiaque, l’inscription sur liste de transplantation cœur-rein sera légitime. Si, en revanche, il présente 152 un risque modéré, il n’est peut-être pas licite dans ce cas de proposer d’emblée une transplantation cœur-rein. Mais il est indispensable, si l’attente sur liste de transplantation rénale se prolonge, de réévaluer très régulièrement les patients, particulièrement s’il s’agit d’une cardiopathie ischémique. Il est maintenant bien établi que 50 % des cas de décès chez les patients dialysés sont d’origine cardio-vasculaire. Il existe une prévalence élevée d’athérosclérose chez les patients insuffisants rénaux. Cette athérosclérose accélérée est liée à un épaississement de la média, une infiltration marquée par des macrophages activés et un taux élevé de calcifications (11), ce qui contribue à l’instabilité de la plaque et à l’augmentation du risque de rupture et d’accidents thrombo-occlusifs. Il est donc essentiel d’évaluer très régulièrement par échographie-dobutamine ou coronarographie l’évolutivité coronaire de ces patients. Patients candidats à la transplantation cardiaque avec néphropathie concomitante Le patient candidat à une greffe cardiaque, qui présente une insuffisance rénale même modérée, doit être adressé à un néphrologue afin d’évaluer la justification d’une double greffe cœur-rein. En effet, quelle que soit son origine, l’insuffisance rénale va être considérablement aggravée par la procédure chirurgicale (arrêt cardiaque, circulation extracorporelle, etc.) et par le traitement immunosuppresseur prescrit au patient, en particulier par les médicaments de la classe des anticalcineurines (ciclosporine, tacrolimus) [12], le risque étant la survenue d’une insuffisance rénale terminale justifiant un traitement par épuration extrarénale. Ces indications dites “préemptives” de transplantation rénale associée à la transplantation cardiaque rendent compte d’une situation fréquente puisqu’on estime que, actuellement, moins de 60 % des patients inscrits pour une double transplantation cœur-rein sont hémodialysés avant la transplantation. Le Courrier de la Transplantation - Volume IX - n o 4 - octobre-novembre-décembre 2009 D OSSIER thématique ●● Évaluation néphrologique ● du patient L’évaluation du patient a pour objectif d’estimer la sévérité de l’insuffisance rénale et son degré de réversibilité. En effet, une partie de l’insuffisance rénale du patient insuffisant cardiaque peut être d’origine hémodynamique, aiguë ou subaiguë et réversible, secondaire au bas débit cardiaque et aux traitements cardiologiques (IEC, antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II, diurétiques et anti-aldostérones). Il est cependant fondamental de ne pas sousestimer la part organique de l’insuffisance rénale chronique de ces malades. Pour cela, il existe plusieurs outils, plus ou moins sensibles et spécifiques, dont le plus performant reste l’évaluation histologique du parenchyme rénal. L’insuffisance rénale chronique correspond à une diminution persistante de la fonction rénale, par diminution du nombre de néphrons fonctionnels. L’estimation par la clairance de la créatinine et/ou dans le meilleur des cas la mesure précise du débit de filtration glomérulaire (DFG) sont une première étape d’évaluation de la fonction rénale du patient (13). Chez le sujet présentant une insuffisance rénale avancée (clairance de la créatinine inférieure à 30 ml/mn) ou terminale (épuration extrarénale), en attente d’une greffe du cœur, l’indication d’une double greffe semble presque évidente. En revanche, chez le malade présentant une insuffisance rénale modérée (clairance de la créatinine entre 30 et 60 ml/mn), des explorations complémentaires sont indiquées. Le débit de protéinurie est également un marqueur d’atteinte rénale organique. Ainsi, les recommandations américaines distinguent clairement un stade initial (stade 1) de la maladie rénale chronique où le DFG est considéré comme normal et où l’anomalie de la fonction rénale ne se manifeste que par des anomalies histologiques et/ou une protéinurie élevée (14). L’importance de la protéinurie est un indicateur de l’altération de la perméabilité et de la sévérité des lésions glomérulaires. La quantité de protéinurie est également l’un des meilleurs prédicteurs de la progression vers l’insuffisance rénale chronique (15). La protéinurie est donc un outil essentiel dans l’évaluation du risque de développer une insuffisance rénale terminale en post-transplantation cardiaque. L’échographie rénale couplée au Doppler permet également de rechercher des stigmates de maladie rénale chronique. Les anomalies alors retrouvées à l’échographie sont une diminution de la taille des reins, une dédifférenciation cortico-médullaire, reflet de l’atrophie du cortex en rapport avec la réduction néphronique et, enfin, au Doppler, une augmentation des index de résistance périphérique (16). L’évaluation radiologique de la fibrose reste cependant très imparfaite. En effet, l’échographie est un examen très opérateur-dépendant, la taille des reins est variable d’un individu à l’autre et les mesures des index de résistance intrarénaux sont extrêmement fluctuantes en fonction de la volémie et de la tension artérielle du patient. La biopsie rénale, réalisée pour obtenir une évaluation précise des lésions histologiques parenchymateuses, reste l’examen de référence. Les indications de la biopsie en prégreffe de cœur chez le malade présentant des signes de maladie rénale chronique doivent être les plus larges possibles. La biopsie rénale sera réalisée par voie transpariétale ou le plus souvent par voie transjugulaire en raison de troubles de l’hémostase primaire ou secondaire (syndrome urémique, cardiopathie ischémique traitée par antiagrégant plaquettaire, cardiopathie valvulaire traitée par anticoagulant, etc.). L’analyse histologique du fragment de biopsie permet en premier lieu d’analyser le type de lésions (néphropathie interstitielle, glomérulaire, vasculaire, etc.), mais surtout de quantifier ces lésions par le pourcentage de fibrose 153 interstitielle, de sclérose glomérulaire (nombre de “pains à cacheter”), par l’épaisseur de l’intima des vaisseaux de moyen calibre et enfin par l’importance des dépôts hyalins artériolaires (17). En pratique, il n’y a actuellement aucune recommandation précise quant au niveau d’insuffisance rénale chronique justifiant une greffe rénale chez le patient en attente d’une transplantation cardiaque. Cependant, en raison des lésions néphrologiques induites, d’une part, par la procédure chirurgicale et, d’autre part, par le traitement immunosuppresseur, il est indispensable de prévoir une double transplantation cœur-rein en cas d’altération, même modérée, de la fonction rénale. Il peut ainsi être considéré comme parfaitement justifié d’envisager une double transplantation coeur-rein si : ● il existe une insuffisance rénale chronique avérée définie par une clairance de la créatinine ou par un DFG mesuré inférieur à 50 ml/mn/1,73 m2, d’autant plus s’il y a des signes d’évolutivité de la maladie rénale telle qu’une protéinurie supérieure au gramme ; ● les lésions histologiques parenchymateuses sont significatives quel que soit le niveau de l’insuffisance rénale, c’està-dire plus de 30 % de fibrose interstitielle et/ou plus de 30 % de “pains à cacheter” sur le fragment analysable. RÉSULTATS DE LA TRANSPLANTATION CŒUR-REIN Les premières équipes ayant rapporté leur expérience de la transplantation combinée cœur-rein l’ont fait sur un petit nombre de patients (18-21), à l’exception d’une étude multicentrique (22), et ont démontré une survie à court terme très similaire à la transplantation cardiaque seule. J. Narula et al., dans une étude multicentrique incluant 42 centres et 56 patients, ont rapporté une survie à 1 an de 76 % et à 2 ans de 67 %, données similaires à celles observées chez 14 340 transplantés cardiaques isolés Le Courrier de la Transplantation - Volume IX - n o 4 - octobre-novembre-décembre 2009 D OSSIER thématique durant la même période (83 % et 79 % [p = 0,20]) [22]. Dans une étude monocentrique française, la survie à long terme a été étudiée dans une cohorte de 12 patients transplantés cœur-rein comparés à 24 patients transplantés cardiaques seuls. La survie à 1, 5 et 12 ans est très similaire dans les deux cas (66 %, 55 % et 28 % versus 66 %, 44 % et 33 %, respectivement [p = 0,66]) [23]. Plus récemment, cette même équipe a rapporté les résultats de la plus grande étude multicentrique portant sur 67 patients transplantés cœur-rein (24). La survie globale à 1, 5 et 10 ans est similaire à celle observée chez 2 981 transplantés cardiaques seuls durant la même période (62 %, 53 % et 46 % versus 71 %, 60 % et 47 %, respectivement [p = 0,6]). Dans l’ensemble de ces études, il semble très souvent se dégager une incidence statistiquement moindre des rejets cardiaques dans la population des transplantés cœur-rein. Dans l’étude de J. Narula et al., l’incidence des rejets cardiaques de grade supérieur ou égal à 2 est significativement plus basse que chez les greffés seuls (17,9 % versus 27,6 % [p = 0,02]) [22]. Dans l’étude multicentrique française, seuls 12 patients (17,9 %) ont présenté un rejet cardiaque aigu (grade ≥ 1b) et 9 patients (13,4 %) un rejet aigu rénal (24). J.L. Hermsen et al. ont démontré que la survenue du premier épisode de rejet cardiaque et rénal est significativement retardée chez les patients transplantés cœur-rein comparativement aux transplantés cardiaques seuls et rénaux seuls (20). Une étude récente, provenant de l’UNOS et portant sur des patients transplantés de janvier 1994 à octobre 2005, démontre que les greffons cardiaques, du foie et du rein sont protégés contre le rejet et protègent les autres organes quand ils sont transplantés simultanément (25). Parmi les transplantés cardiaques, les greffés cœur-rein ont 2 fois moins de rejet cardiaque que les greffés cardiaques seuls (26 % versus 56 % [p < 0,001]). Parmi les greffés rénaux, la transplantation combinée cœur-rein et rein-foie offre une réduction significative du nombre de rejets rénaux à 1 an par rapport aux greffés rénaux seuls (17 % et 15 % respectivement versus 24 % [p = 0,032]). Plusieurs éléments sont susceptibles d’expliquer cette plus faible incidence du rejet, comme le degré d’immunosuppression, souvent plus élevé dans les doubles greffes, la masse antigénique transplantée ou l’effet immunomodulateur du greffon rénal sur le greffon cardiaque. Les données de J.D. Mezrich et al. (26) fournisssent quelques éléments de compréhension. Dans un modèle de souris miniatures transplantées cœur-rein, les auteurs ont démontré que les éléments cellulaires radiosensibles présents dans le greffon rénal étaient responsables de l’induction de tolérance ; de telles cellules radiosensibles peuvent dériver vers le thymus et induire une tolérance à l’antigène donneur de l’hôte. Le mécanisme de tolérance dans ce modèle implique l’induction de cellules T régulatrices CD4 et CD24 (27). Le mécanisme expliquant l’immunomodulation du greffon cardiaque sur le greffon rénal est plus largement incompris. Il est probable qu’il soit différent du modèle du foie ou du rein en raison de la plus faible masse antigénique du myocarde. R é f é R e n c e s b i b l i o g R a p h i q u e s 1. Barnard CN. The operation. A human cardiac transplant: an interim report of a successful operation performed at Groote Schuur Hospital, Cape Town. S Afr Med J 1967;41(48):1271-4. 2. Livesey S, Rolles K, Calme SR et al. Successful simultaneaous heart and kidney transplantation using the same donor. Clin Transplantation 1988;2:1-4. 3. Cachera JP, Abbou C, Deleuze P et al. Combined heart and kidney transplantation using the same donor. Eur J Cardiothorac Surg 1989;3(2):169-73. 4. Mancini DM, Eisen H, Kussmaul W et al. 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Butler J, Khadim G, Paul KM et al. Selection of patients for heart transplantation in the current era of heart failure therapy. J Am Coll Cardiol 2004;43(5):787-93. CONCLUSION Les résultats de la greffe combinée cœur-rein sont globalement satisfaisants et n’induisent pas de surmortalité par rapport aux greffes cardiaques isolées. Ces résultats incitent donc à poursuivre le développement de cette activité. La sélection des candidats est une étape fondamentale qui requiert des évaluations cardiaque et rénale optimales. La fréquence des néphropathies chroniques observées après transplantation cardiaque doit inciter à un dépistage précoce d’une néphropathie sousjacente, en particulier par un recours large à l’évaluation histologique, afin d’élargir à bon escient les indications d’une double transplantation. ■ 154 10. Rothenburger M, Wichter T, Schmid C et al. Aminoterminal B-type pro natriuretic peptide as a predictive and prognostic marker in patients with chronic heart failure. 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