Esclavage et abolition, colonies française, recherche et
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Esclavage et abolition, colonies française, recherche et
Volume collectif La Route de l’Esclave, UNESCO Esclavage et abolitions, colonies françaises, recherche et transmission des connaissances Nelly Schmidt Résumé La connaissance de l’histoire de la traite humaine transatlantique et du système esclavagiste dans les Caraïbes a beaucoup progressé depuis le dernier tiers du XXe siècle. L’analyse des conditions de leurs abolitions permet aujourd’hui de répondre à de nombreuses questions qui se posent encore dans les pays concernés par ces phénomènes. Des lacunes subsistent toutefois. Le long oubli du passé dont cette histoire a souffert a engendré l’élaboration de mythes, généré des célébrations le plus souvent infructueuses malgré les objectifs affichés. Les médiateurs de cette histoire que sont l’enseignement, les organismes de recherche, les diverses manifestations de la mémoire publique par les commémorations les plus diverses, les médias ou les vecteurs audiovisuels, proposent aujourd’hui une offre considérable d’informations. Ce chapitre propose un bref état des connaissances et des pistes de recherche et travaux à effectuer dans ces différents domaines en ce qui concerne les colonies françaises. Une synthèse – non exhaustive – des voies d’accès aux réalisations existantes est ensuite proposée, ainsi qu’une sélection bibliographique française, devant ouvrir les indispensables perspectives comparatives avec les autres aires géographiques. ***** La recherche historique, et plus généralement dans les domaines des sciences humaines et sociales, a connu à partir des années 1960-1970, une évolution déterminante au sujet des colonies ayant subi la traite négrière et l’esclavage. Les mouvements sociaux et politiques qui s’y produisirent alors ont induit un renouveau des questions que les contemporains posèrent à l’histoire. Les colonies françaises des Caraïbes, dont environ 80% des populations totales vécurent sous le régime esclavagiste depuis le XVIIe siècle, connurent une expérience spécifique, celle d’une première abolition de l’esclavage - en 1794 -, du rétablissement de la servitude en 1802 puis d’une seconde abolition, définitive, en 1848. 1 Volume collectif La Route de l’Esclave, UNESCO Comme ce fut le cas pour l’ensemble des colonies des Caraïbes-Amériques, l’histoire y fut longtemps écrite par des colons-planteurs, des administrateurs, des juristes qui transmirent une image pour le moins incomplète, voire erronée et mythifiée des réalités. Leurs écrits furent en fait un ensemble de revendications liées aux contextes successifs : désir de liberté commerciale, doléances en faveur d’une autonomie politique à l’instar des possessions britanniques, mais aussi de l’envoi de forces de l’ordre plus importantes. En contrepoint, aucun témoignage d’esclave, que ce fût pendant la période esclavagiste ou au moment de l’abolition, n’est disponible. Il s’agit d’une lacune grave et profonde dans le corpus de documents dont disposent les historiens. Autre caractéristique de l’accès à la connaissance du passé des colonies françaises : l’écriture de leur histoire et sa transmission ont souffert depuis les événements de SaintDomingue/Haïti en 1791-1804, puis à partir de l’abolition de 1848, d’une politique d’oubli du passé savamment maîtrisée. L’apparition de mythes historiques de longue durée fut la conséquence majeure – et durable – de cet état de fait. Enfin, cette histoire qui fut longtemps dominée par une orientation coloniale, demeura jusqu’aux années 1960-1970 à l’écart des progrès de l’Ecole historique française. Ce n’est qu’à partir de cette période en effet, que des questions nouvelles furent posées, que les documents officiels furent réexaminés et confrontés à des sources différentes. Chaque génération réécrit son histoire, dit-on. Elle relit les textes, en découvre de nouveaux, multiplie et confronte les informations : écrites, orales, littéraires, archéologiques, artistiques. Depuis trois décennies, les travaux de recherche sur la traite humaine transatlantique, le système esclavagiste aux Caraïbes-Amériques, les abolitions et leurs lendemains ont à nouveau progressé, permettant un réel renouvellement de l’historiographie et une rupture avec la canalisation de la mémoire. La célébration en 1998 du 150e anniversaire de la suppression de l’esclavage dans les colonies françaises puis, en 2001, la reconnaissance de la traite négrière et de l’esclavage en tant que crimes contre l’humanité par la Conférence mondiale de l’ONU contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance réunie à Durban et par le parlement français – par le vote de la loi du 21 mai 2001 - ont ouvert des débats souvent fructueux. Mais l’ensemble des progrès et des acquis est encore loin de compte dans de nombreux domaines. La canalisation de la mémoire fit appel à des modes de transmission spécifiques enseignement, commémorations - et généra des mythes très construits, susceptibles de résister aux réalités comme au temps. De fait, beaucoup de constructions mythiques des lendemains 2 Volume collectif La Route de l’Esclave, UNESCO immédiats de l’abolition de 1848 survivent de nos jours encore. Commémorations et programmes d’enseignement en sont encore porteurs. En France et dans ses anciennes colonies, les citoyens, comme les historiens, interrogent encore les révolutions de 1848, tentent de dénouer les ambiguïtés que la période de l’abolition de l’esclavage révéla et suscita. Peut-être convient-il de rappeler ici que lorsqu’un historien pénètre cet univers de misère, d’incohérence, mais aussi de puissance économique, de force politique et de coercition que fut aux Caraïbes-Amériques, du XVIe au XIXe siècle, celui de la traite négrière et d’un esclavage massif, il s’aperçoit bien vite qu’aucune norme, aucun critère usuel d’évaluation et de construction de l’histoire ne fonctionne, aucun n’est adapté à un tel processus historique, jusqu’alors inédit. Aucune comparaison à d’autres systèmes d’enfermement et d’exploitation de travail forcé n’est opérante. Ce chapitre propose un rapide état des connaissances et des ressources auxquelles chacun pourra recourir en fonction de sa demande, de ses besoins. L’histoire complexe des réseaux de traite humaine d’Afrique vers les CaraïbesAmériques et celle du système esclavagiste ont fait l’objet de nombreux travaux. Ces points de repère présentent certains axes des recherches effectuées ou qui restent à entreprendre. Traite négrière et système esclavagiste Les grands circuits de traite humaine au départ des côtes africaines sont de mieux en mieux connus. L’UNESCO soutient des recherches archéologiques et le recueil de la tradition orale, traces et témoignages déterminants de ce long passé de trafics humains (voir en bibliographie : Gueye, Niane, Mikala). Le déroulement des opérations de traite, tant du point de vue commercial, stratégique que matériel est de mieux en mieux connu. Les négociations entreprises sur le continent africain, l’installation de comptoirs, la construction de forts ont fait l’objet de recherches archivistiques. Il en est de même de l’équipement des navires, des approvisionnements en marchandises d’échange, en eau et en nourriture pour la traversée de l’Atlantique, du maintien de l’ordre à bord, de la mortalité des captifs et des équipages. Les débuts de la traite française, à partir du milieu du XVe siècle, demeurent pourtant mal connus. Les sources relatives aux premiers armements ne sont pas disponibles, ou si peu nombreuses. Les réseaux financiers qui sous-tendirent ce trafic en Europe et plus particulièrement en France ont toutefois fait l’objet de travaux de recherche relativement ponctuels qui devraient aboutir à une synthèse des intérêts impliqués dans ce type 3 Volume collectif La Route de l’Esclave, UNESCO d’opérations, qu’il s’agisse des financiers, des armateurs, des assureurs. Il devrait en être de même des manufactures multiples qui, depuis les arrière-pays côtiers, fournirent pendant quatre siècles les denrées commerciales de toutes sortes embarquées pour les colonies (voir en bibliographie : Thomas, Daget, Deveau, Pétré-Grenouilleau). Les enjeux économiques liés à ce trafic humain appellent par conséquent des travaux complémentaires. Toutes les sources de financement et les réseaux d’intérêts n’ont pas été repérés. De nombreux fonds documentaires ont disparu ou demeurent hors d’atteinte, n’ayant pas fait l’objet de versement aux archives publiques. Les chiffres les plus extrêmes furent avancés concernant les bénéfices tirés de cette activité économique qui, bien que particulièrement risquée, n’en dura pas moins de trois siècles de manière légale et se poursuivit de manière intensive de manière illégale au XIXe siècle. Les récits de circuits de traite - qui pouvaient durer jusqu’à un an et demi - sont rares pour les domaines maritimes français. Il en est de même des relations de révoltes de captifs pourtant nombreuses - sur les côtes africaines et sur les navires en cours de traversée. La résistance aux razzias et aux circuits de traite en Afrique – liés aux réseaux d’approvisionnement des traites des océans Indien et Atlantique - est progressivement mieux connue. Archéologues et historiens africains confrontent leurs données à la tradition orale elle aussi recueillie (en bibliographie : travaux de l’UNESCO). Une autre piste documentaire à exploiter est le recours aux archives étrangères sur le même sujet, dans une démarche comparatiste. Les rivalités apparues entre puissances européennes dès les débuts de la traite transatlantique, dans les années 1440, ont généré des témoignages qui devraient permettre des repérages comparatifs, indiquant par exemple la présence de négociants et capitaines européens sur les côtes africaines, les traités passés avec divers royaumes des lieux et les conflits qu’ils purent provoquer. Quant aux chiffres, et plus précisément au nombre de captifs victimes de ce trafic, la plus grande réserve doit être observée. Si des dénombrements minutieux ont été effectués (voir en bibliographie : Mettas, Daget), il n’en reste pas moins que tous les documents de traite ne furent pas examinés, tous les capitaines et armateurs ne procédèrent pas aux déclarations pourtant obligatoires aux amirautés, tous les documents d’amirautés ne furent pas conservés. Les déclarations de vente d’esclaves ne furent pas toutes exactes, loin de là. Par ailleurs, de nombreux navires des ports français se livrèrent à la traite illégale après la période d’interdiction allant du Congrès de Vienne en 1815 à la dernière loi française réprimant ce 4 Volume collectif La Route de l’Esclave, UNESCO trafic en 1831. Dans les colonies, peu, voire aucune trace de l’arrivée des navires négriers et des comptes rendus de vente de leurs cargaisons humaines n’a été conservée. Le commerce des êtres humains alimentant plantations et mines des Caraïbes eut également lieu sur place, des circuits de traite reliant le Brésil, les côtes du golfe du Mexique, celles de l’Amérique du Nord et les Caraïbes insulaires. Un trafic constant, du XVIe au XIXe siècle, quasiment non chiffrable, mais qu’il convient de prendre en considération. Guadeloupe et Martinique reçurent pendant trois siècles des esclaves en provenance d’autres colonies de la région des Caraïbes, insulaires et continentales (cf. en bibliographie : Lara, Caraïbes en construction), dont le trafic s’opérait par les plaques tournantes de la traite humaines que furent Saint-Thomas, Saint-Martin ou Saint-Barthélemy. Peu de traces subsistent, enfin, des circuits que les navires négriers entreprenaient avant de repartir vers l’Europe. Beaucoup d’entre eux, en effet, effectuaient des rotations vers l’Amérique du Nord, jusqu’au Canada et à Terre-Neuve, ramenant par exemple du bois et des barriques de morue séchée ou salée. Ainsi la notion de « commerce triangulaire » apparaît-elle bien simpliste (voir en bibliographie : l’ensemble de la rubrique « Traite négrière »). Le formidable moteur économique que devinrent les colonies européennes des Caraïbes à partir du XVIIe siècle, jusqu’au milieu du XIXe - elles exportaient dans les années 1770, en valeur, deux fois et demie plus que les Treize Colonies d’Amérique du Nord avec une population deux fois moindre - reposait sur la réduction en esclavage de 80 à 90% de leurs populations totales et sur un système de contrôle et de mort sociale alors inédit. Le sucre représentait, dans les colonies françaises, 80% des exportations. La rentabilité du système n’est plus remise en question. Les techniques de production demeurèrent longtemps relativement archaïques, mais les planteurs ou leurs administrateurs avaient rapidement maîtrisé la gestion économique des exploitations et les circuits de vente. Ils maîtrisèrent également le régime d’oppression imposé aux esclaves, le système qui leur permettait, en toute légalité et en toute impunité, d’imposer des châtiments et d’exercer leur droit de vie et de mort dans le secret de ce qu’il était convenu d’appeler leurs « habitations ». Un terme très édulcoré, spécifique aux colonies françaises, désignant à l’époque les exploitations de ceux qu’on appelait les « habitants », c’est-à-dire les colons propriétaires. Un terme que l’historien cite entre guillemets, mais qui est emprunt d’une connotation d’accueil et de protection qui correspond mal à la réalité esclavagiste. Le mot « plantation », utilisé dans le domaine britannique, indique de manière plus exacte les fonctions de ce type d’exploitation vouée exclusivement au travail, à la production et à son exportation. 5 Volume collectif La Route de l’Esclave, UNESCO Il convient de signaler la grande rareté et la disparité des archives émanant de plantations – inventaires, comptes, correspondances – pour les colonies françaises. Seuls sont conservés en fonds publics des bribes de documents relatifs à des plantations de SaintDomingue ou de Martinique pour le XVIIIe siècle et un fonds documentaire pour une exploitation de Guadeloupe dans la première moitié du XIXe siècle, récemment acquis par les Archives nationales (voir en bibliographie : Schmidt). Ceci explique que depuis les descriptions du travail, des techniques de production utilisées sur ces exploitations, des conditions de vie des esclaves ou des châtiments subis, publiées par des observateurs voyageurs ou missionnaires aux XVIIIe et XIXe siècles, la connaissance du quotidien des esclaves a relativement peu progressé. Les données démographiques, dans ces conditions, demeurent davantage des suppositions et hypothèses que des résultats de calculs opérés sur des données nombreuses et fiables. Les documents émanant Une plantation dans une colonie des Caraïbes. Gravure italienne, 1820.Coll. UNESCO. des planteurs des colonies françaises – correspondance, journaux – sont eux aussi relativement rares, contrairement aux possessions britanniques1. Des journaux et des éléments de correspondance de planteurs ont été publiés, tels le Journal de Pierre Dessalles, parus sous le titre La vie d’un colon à la Martinique au XIXe siècle, vol. I à IV, édité par Henri de Frémont et Léo Elisabeth, Courbevoie, H. de Frémont, 1980-1986. Voir également les journaux de Elodie Dujon-Jourdain et Renée Dormoy-Léger publiés par Henriette Levillain sous le titre Mémoires de Békées, Paris, Editions L’Harmattan, vol.I, 1 6 Volume collectif La Route de l’Esclave, UNESCO Les Caraïbes devinrent dès la fin du XVIIe siècle un lieu global de coercition et de répression. Les gouvernements européens élaborèrent tous pour leurs territoires coloniaux une série de réglementations de la mort sociale des esclaves et de terreur répressive, sans cesse renouvelées. Un contrôle social particulièrement coercitif inscrit dans ce qu’il fut convenu d’appeler les coutumes coloniales puis dans le Code noir de 1685 (voir en bibliographie : Sala-Molins, Lara). Un système mortifère dans lequel on estime que pour un captif africain parvenu vivant aux Caraïbes-Amériques, cinq autres étaient morts en amont, au cours de leur capture en Afrique, sur les chemins menant vers les côtes, dans les baracoons côtiers ou à bord des navires négriers. Les nouveaux arrivés dans les colonies avaient une espérance de vie de cinq à six ans. 40 à 50% d’entre eux mouraient dans la première année suivant leur débarquement. Une longue succession de mesures réglementaires fixa sans cesse l’encadrement des esclaves, le contrôle de leurs travaux, de leurs déplacements, de leurs éventuelles activités hors des plantations, des événements de leur vie ainsi que la grande liberté d’action, de décision de châtiment des maîtres à leur égard. En 1771, l’intendant nouvellement nommé dans la riche colonie française de Saint-Domingue recevait des instructions dénuées d’ambiguïté. Il était en effet précisé : « Si quelques maîtres abusaient de leur pouvoir, il faut, en les réprimant en secret, laisser toujours croire aux esclaves que les premiers ne peuvent avoir de torts envers eux » (Archives nationales d’outre-mer, Instructions du 24 avril 1771, C 9A/139). 2002, et le journal d’Elodie Huc, publié sous le même titre, ibidem, vol. 2, 2006. Des lettres, notes et extraits du journal personnel de Victor Schœlcher ont été publiés et sont en cours de parution, par Nelly Schmidt : La correspondance de Victor Schœlcher, Editions Maisonneuve et Larose, Paris, 1995, et Victor Schœlcher, Documents inédits, Editions l’Harmattan, Paris, 3 vol., 2007-2008. Au sujet des archives de plantations, signalons par exemple les travaux de Gabriel Debien qui rechercha notamment des archives de plantations de Saint-Domingue. Voir la collection de ses Notes coloniales conservée à la Bibliothèque nationale de France. 7 Volume collectif La Route de l’Esclave, UNESCO Marcel Verdier, « Le châtiment des quatre-piquets », conservé à la Menil Foundation, Houston, Texas. Le tableau fut refusé au Salon du Louvre (Paris) en 1847, comme risquant de provoquer de la part du public « la haine de l’esclavage »… (Archives du Musée du Louvre, « Les Salons du Louvre », Paris). © Menil Foundation, Houston, Texas, Etats-Unis. Les historiens disposent d’un ensemble de descriptions, de témoignages parfois directs d’observateurs s’étant rendus sur place, quant à la violence, tant physique que morale, imposée aux esclaves. Les procès intentés à des maîtres ou aux commandeurs de leurs plantations pour sévices illégaux se multiplièrent dans les années 1840. Leurs comptes rendus fournissent aux historiens des informations plus précises et concrètes sur les conditions de survie des esclaves et sur les relations qui s’étaient établies entre maîtres de plantations et autorités coloniales. Le processus de discrimination et d’exclusion sociale imposé aux esclaves – et aux « libres de couleurs » - est de mieux en mieux connu, mais là encore, de nouvelles investigations devraient aboutir à une perception plus précise de la réalité. Les sources judiciaires et les éléments de correspondance relatifs aux affaires jugées n’ont pas encore fait l’objet d’une analyse spécifique. 8 Volume collectif La Route de l’Esclave, UNESCO Plantation Murat, Marie-Galante, Guadeloupe. © Conseil général de la Guadeloupe Résistance et survie Le phénomène de résistance des esclaves, dans ses dimensions individuelles et collectives, a fait l’objet de travaux relativement peu nombreux. Il demeure mal connu au regard des indices et témoignages de moyens de survie qui émergent encore des sources. Il est trop souvent convenu de considérer les actes de résistance comme connus d’une part, et en tant qu’incidents ponctuels nuisant à la prospérité des colonies d’autre part. Des incidents qu’il convenait simplement de régler par des renforts de troupes et une augmentation des membres des milices locales. Mais captifs et esclaves des colonies françaises opposèrent les modalités de résistance les plus diverses à leur condition. Les observateurs partisans de la suppression de l’esclavage eux-mêmes ne reconnurent pas à ces actes de refus de la servitude la valeur et le rôle qu’ils jouèrent réellement. On nia jusqu’aux années 1960 toute conception sociale et politique de leur action de la part des esclaves eux-mêmes. En conséquence, peu de travaux furent consacrés à la culture, aux connaissances que possédaient les captifs africains à leur arrivée dans les colonies des Caraïbes (voir toutefois en bibliographie : Lara, De l’Afrique à l’aire des Caraïbes). L’historiographie coloniale exerce encore une influence regrettable quant aux caractéristiques attribuées par les planteurs et par certains administrateurs coloniaux aux esclaves qualifiés par les uns de « paisibles et travailleurs », par les autres de « paresseux », « belliqueux » ou enclins à la révolte. Des qualificatifs attribués en fonction de l’origine géographique supposée des captifs en provenance d’Afrique. Les rébellions qui éclatèrent 9 Volume collectif La Route de l’Esclave, UNESCO régulièrement depuis les débuts de la colonisation à la fin du XVIe siècle et au début du XVIIe furent considérées comme de regrettables incidents portant atteinte à la prospérité attendue. Il en était encore de même dans la première moitié du XIXe siècle lorsque le ministère français de la Marine et des Colonies, alors que l’abolition de l’esclavage était votée par le parlement britannique, demandait à une commission spéciale de réviser le Code noir et la réglementation qui avait suivi au XVIIIe siècle afin de renforcer les cadres du contrôle social. Le marronnage dans les colonies françaises, en Guadeloupe, en Martinique, à La Réunion et en Guyane appelle également des recherches complémentaires. La survie des Nègres marrons dans les montagnes de la Basse-Terre en Guadeloupe, dans celles de la Martinique et de La Réunion et dans la forêt guyanaise n’a fait l’objet, sous la plume même des abolitionnistes occidentaux de la fin du XVIIIe siècle et du XIXe, que de mentions rapides et superficielles. Certains historiens ont toutefois fait progresser la connaissance de ces phénomènes en reliant l’analyse de la résistance à la traite humaine en Afrique aux modalités et au développement du marronnage aux Caraïbes-Amériques (voir en bibliographie : Lara, Fouchard, Hector, Moïse). Scène de poursuite d’un esclave fugitif, ou Nègre marron. © Coll. UNESCO. Enfin, rares mais déterminantes sont les sources qui permettent depuis peu d’entrevoir, en Guadeloupe, en Martinique, comme dans les îles voisines aux Caraïbes, l’existence de réseaux de résistance et de survie sociale souterrains. Des « sociétés » ou « convois » 10 Volume collectif La Route de l’Esclave, UNESCO d’esclaves, héritiers des « nations » de captifs récemment arrivés dans les colonies, vecteurs d’entraide sociale, se manifestèrent le plus souvent à l’occasion de cérémonies funéraires. Leurs fonctions étaient toutefois beaucoup plus larges et en firent des contre-pouvoirs clandestins particulièrement redoutés des planteurs et des autorités coloniales. L’histoire judiciaire, les comptes rendus de procès d’esclaves, au même titre que des correspondances et témoignages privés, devraient faire l’objet de recherche approfondies et dans la longue durée de l’histoire de ces colonies. Si l’organisation du gouvernement colonial, celle de la production, de la coercition et du châtiment sont de mieux en mieux connues, que de pans d’ombre subsistent encore, effectivement, dans notre connaissance des réactions de survie qu’impliqua le système esclavagiste. Les voix de la liberté L’historiographie occidentale des abolitions de l’esclavage a peu retenu le rôle des esclaves et de leur résistance dans le processus de suppression de la servitude. Rares furent les abolitionnistes à reconnaître l’impact des rébellions d’esclaves et de la tension sociale pourtant permanente dans les colonies sur les décisions d’abolition. Rares, également, furent les historiens, jusqu’aux années 1960, à étudier et à reconnaître le rôle pourtant déterminant des phénomènes de résistance au système des premiers abolitionnistes que furent les esclaves eux-mêmes. En Guadeloupe, en Martinique, en Guyane, à La Réunion, les révoltes d’esclaves, les menaces de soulèvements et les faits de marronnage se succédèrent de manière constante, entretenant des peurs sociales constantes. Les instructions aux gouverneurs, les rapports des procureurs témoignent d’une perpétuelle adaptation des mesures de contrôle social et du renouvellement continu des mesures de répression, seuls garants de la perpétuation du système colonial. Jusqu’au début de l’année 1848, à la veille de l’abolition de l’esclavage, des procès de planteurs pour cruautés eurent lieu. À la même époque, certains magistrats, des religieux ou des membres des forces de l’ordre choisissaient de transmettre à des abolitionnistes les comptes rendus des affaires les plus scandaleuses. La création en 1820 de la Société de la Morale Chrétienne et de son comité contre la traite et l’esclavage, avait relancé une activité antiesclavagiste réduite à néant sous l’Empire. L’abolition britannique de 1833 était suivie, en 1834, de la fondation de la Société Française pour l’Abolition de l’Esclavage à Paris. Les abolitionnistes britanniques, et notamment la 11 Volume collectif La Route de l’Esclave, UNESCO British and Foreign Anti-Slavery Society, menaient d’actives campagnes pour la suppression immédiate de l’esclavage colonial dans les pays européens et notamment en France (voir en bibliographie : Schmidt, Vergès). Médaillon abolitionniste « Ne suis-je pas un homme : un frère ? », fin du XVIIIe siècle, réalisé en 1789 par la Manufacture royale de Sèvres, inspiré du médaillon conçu par le céramiste anglais Wedgwood en 1788. Ce médaillon fut décliné sous diverses formes jusqu’au XXe siècle par de nombreux mouvements et organismes antiesclavagistes. © Musée national Adrien Dubouché, Limoges. L’abolition de l’esclavage proclamée à Saint-Domingue en 1793, dans le contexte de la rébellion des esclaves déclenchée en août 1791, fut confirmée par le vote de la Convention en février 1794 et devint effective en Guadeloupe et en Guyane. L’ordre colonial et la présence des autorités françaises firent toutefois l’objet d’une remise en cause à SaintDomingue – où Toussaint Louverture promulgua une nouvelle constitution - et en Guadeloupe. 12 Volume collectif La Route de l’Esclave, UNESCO Nicolas-André Monsiau, « L’abolition de l’esclavage par la Convention, le 16 pluviôse an II (4 février 1794) », 1794. L’original est conservé au Musée Carnavalet, Paris. © Coll. UNESCO. Sur ordre du Premier consul Napoléon Bonaparte, en 1801, des expéditions militaires de grande envergure vers les Caraïbes furent préparées. Elles arrivèrent à destination à SaintDomingue et en Guadeloupe en 1802. La guerre coloniale enclenchée à Saint-Domingue y entraîna un régime de « terreur », pour reprendre l’expression du Général Leclerc dans une lettre du 6 août 1802 : « Je fais des exemples terribles, puisqu’il ne me reste que la terreur, je l’emploie sur les révoltés ». Les combats s’intensifièrent jusqu’à la défaite des troupes françaises en novembre 1803 et à la proclamation de l’indépendance de Haïti le 1er janvier 1804 (voir en bibliographie : Hurbon, Hector, Lara, Dorsinville, Dorigny). En Guadeloupe par contre, la répression dirigée par le Général Richepance aboutissait en quelques semaines à la mort des principaux chefs et à des exécutions massives. L’esclavage était rétabli le 16 juillet 1802 en Guadeloupe, puis le 25 avril 1803 en Guyane. Les instructions aux gouverneurs rappelaient la nécessité d’une vigilance accrue à l’égard d’éventuels émissaires haïtiens infiltrés dans les deux îles françaises, Guadeloupe et Martinique (en bibliographie : Bénot, Dorigny, Dubois, Lara, Régent, Schmidt). Dans les années 1840, les dénonciations et les procès de maîtres de plantations, commandeurs, géreurs, pour sévices illégaux eurent pour conclusion une très grande majorité d’acquittements ou de non-lieux. La plupart des accusations relevaient de traitements « barbares et inhumains » infligés pendant des périodes allant de plusieurs mois à plusieurs années à des esclaves enfants et adultes. Les signalements de ce type d’affaires publiés en 1847 par Schœlcher dans Histoire de l’esclavage pendant les deux dernières années soulevèrent un tollé de protestations auprès du ministère. Jusqu’en 1848, le bureau des 13 Volume collectif La Route de l’Esclave, UNESCO Colonies recevait des lettres de dénégation des plus grands planteurs de Guadeloupe et de Martinique qui avaient tout récemment fait l’objet de procès. Les témoins à charge furent rares, mais les témoignages furent courageux. Il était en effet mal venu d’oser, pendant la première moitié du XIXe siècle, porter la moindre critique au régime colonial. Les ecclésiastiques qui se risquèrent à donner leur avis et à résister aux injonctions des gouverneurs furent immédiatement expulsés des colonies dans lesquelles ils exerçaient. L’Eglise chrétienne s’était le plus souvent conformée au fait accompli, n’intervenant que rarement pour la cause abolitionniste. Quelques pasteurs se prononcèrent en sa faveur, mais les missionnaires chrétiens qui déclarèrent leur opposition au système furent rapidement expulsés des colonies (en bibliographie : Quénum). Quant à la papauté, elle se limitait à une recommandation émise contre la traite des êtres humains par Grégoire XVI en 1839. Quelques magistrats et un gendarme ayant passé plusieurs années en poste en Guadeloupe et en Martinique rendirent leurs témoignages publics, fournissant les preuves de leurs descriptions des conditions de vie des esclaves et des abus de pouvoir des planteurs. Jean-Baptiste Rouvellat de Cussac par exemple, qui exerçait depuis 1829 comme magistrat en Guadeloupe et en Martinique, fut rappelé en France pour insoumission aux règles locales. Le magistrat constatait dans Situation des esclaves dans les colonies françaises (1835) que les abolitionnistes n’avaient jusqu’alors « rien obtenu », qu’« on est en route depuis plus de cinquante ans, et l’on semble se trouver encore au point de départ ». Il affirmait devoir à ses contemporains « vérité et justice » puisqu’on se donnait « beaucoup de soin », observait-il, « dans nos Antilles, afin que tout ce qui s’y passe de relatif aux esclaves soit ignoré en France, et pour ensevelir des faits révoltants dans l’oubli le plus profond » (voir en bibliographie : Schmidt). Les planteurs s’estimèrent alors « livrés à leurs ennemis » : les abolitionnistes complices de l’Angleterre d’une part, les représentants des départements du nord et de l’est de la France producteurs de sucre de betterave d’autre part. Le Conseil colonial de la Martinique perçut même la succession de commissions parisiennes, dédiées aux questions coloniales et à une révision du régime de l’esclavage dans les années 1840, comme un « tribunal » dont il ne pouvait « attendre qu’une sentence de mort ». A propos des engagements abolitionnistes Des travaux récents ont été publiés sur le mouvement abolitionniste français dans ses deux périodes, pendant la seconde moitié du XVIIIe siècle (voir en bibliographie : Bénot, Dorigny, 14 Volume collectif La Route de l’Esclave, UNESCO Gainot, Dorsinville, Dubois, Erhard, Wanquet, notamment), puis à partir des années 1820 (voir en bibliographie : Schmidt). Les plans d’émancipation qu’ils élaborèrent proposaient tous, de Condorcet jusqu’aux années 1840, une abolition graduelle et progressive à long terme, garantissant la protection de l’ordre public et des intérêts des planteurs. La plupart d’entre eux - à part Schœlcher, notamment - ne se rendirent pas dans les colonies et ignoraient la réalité des rapports sociaux qui s’étaient établis entre maîtres et esclaves. A partir de 1842, le principe d’une émancipation « complète et immédiate » fut admis. Les échecs de l’apprentissage dans les colonies britanniques, auquel il fut mis une fin prématurée en 1838, provoquèrent une accélération de la progression de l’idée d’abolition sans transition, de même que les campagnes de propagande qu’entreprirent les abolitionnistes britanniques en Europe (voir en bibliographie : ensemble de la rubrique « Abolitions de l’esclavage »). Par contre, les réactions des abolitionnistes aux engagements des esclaves eux-mêmes, les réponses qu’ils firent aux appels incessants que furent les actes de résistance qui n’eurent pas moins d’intensité au XIXe siècle que pendant les périodes précédentes, furent moins analysées. Certaines questions ne furent pas posées, telles que : - la prise en compte, par les abolitionnistes occidentaux, des phénomènes de résistance des esclaves ; - les relations qui purent éventuellement être établies entre esclaves et abolitionnistes lorsque ceux-ci se déplacèrent dans les colonies ; - la nature des témoignages concrets que les abolitionnistes purent avoir en mains au sujet des réalités du régime de l’esclavage et des stratégies de survie progressivement élaborées par les esclaves. Une interrogation subsiste enfin, sans réponse, relative au déséquilibre des sources dont dispose l’historien. Les témoignages authentiques d’esclaves existent pour le monde colonial anglo-saxon, pour les colonies hispanophones, même s’ils sont peu nombreux. La plupart d’entre eux furent en effet rédigés, avec de louables intentions certes, par les comités abolitionnistes en tant d’écrits de propagande. Ils sont par contre inexistants pour les colonies françaises. Le système du silence auquel les gouverneurs étaient si attachés en matière de blocage de l’information sur des incidents survenus dans une colonie afin qu’ils n’en contaminent pas une autre, était une pratique ancienne en matière de gouvernement colonial. Sur les plantations, un autre système de silence régnait, celui de la peur et de l’intimidation. Lorsque des magistrats furent chargés d’enquêter, dans les années 1840, sur l’état du travail et des relations sociales sur les plantations de Guadeloupe, de Martinique, de 15 Volume collectif La Route de l’Esclave, UNESCO Guyane et de La Réunion, les comptes rendus de visites qu’ils remirent aux gouverneurs après avoir interrogé maîtres et esclaves témoignaient du silence observé par les esclaves. C’est ce qui doit inciter au doute et à l’humilité, face à des sources dont nous dépendons, qui ne peuvent remplacer la voix des esclaves eux-mêmes, avant, pendant et après leur libération. La liberté en 1848 Les travaux de la Commission d’abolition de l’esclavage ne sauraient être consultés sans référence aux tergiversations de certains membres du Gouvernement provisoire républicain tout juste arrivé au pouvoir, face à une mesure qu’ils jugeaient prématurée et prise dans l’urgence. Victor Schœlcher, président de la commission, les appela à signer le décret d’abolition et les décrets organiques qui l’accompagnaient avant que l’Assemblée nationale constituante tout juste élue ne se fût réunie pour la première fois. Il savait l’exercice périlleux et se plaignait du retard pris pour la publication des décrets au Moniteur Universel et pour l’envoi des textes dans les colonies : « En vérité, je ne croyais pas qu’il serait si long et si difficile de tuer l’esclavage sous la République »2, écrivait-il à Pagnerre, secrétaire du gouvernement. Victor Schœlcher, par Decaisne, 1832. © Ville de Fessenheim, France. Extrait d’une lettre de Victor Schœlcher à Laurent-Antoine Pagnerre, secrétaire général du Gouvernement provisoire, 1er mai 1848, conservée à la Bibliothèque Schœlcher, Fort-de-France, Martinique. 2 16 Volume collectif La Route de l’Esclave, UNESCO Victor Schœlcher, en tant que président de la Commission d’abolition et rapporteur de ses travaux auprès du Gouvernement provisoire, procéda à une étude détaillée des documents de la Révolution française dans le domaine colonial et des travaux de la Commission coloniale présidée par le Duc de Broglie entre 1840 et 1843. Il s’inspira également beaucoup du précédent britannique et des soixante six articles du décret d’abolition de 1833 dans les colonies anglaises. Il s’efforça d’atténuer la rupture trop brusque que provoquerait la transition du régime de l’esclavage auquel étaient soumis 75% de la population des colonies, à celui de la liberté et du travail rémunéré. Il indiquait au gouvernement que la commission avait entrepris « ce grand acte de réparation d’un crime de lèse-humanité » afin qu’il « s’accomplît de la manière la plus profitable à ceux qui en ont été les victimes » tout en prévenant « toute influence funeste (qui pourrait) en compromettre les résultats »3. Les décrets organiques - rédigés et signés en avril 1848, en même temps que le décret d’abolition lui-même - instauraient les droits et libertés de réunion, d’expression, de publication de presse, le vote au suffrage universel masculin pour la désignation de représentants à l’Assemblée nationale, la liberté du travail, l’accès à l’éducation pour tous. Ils étaient aussi porteurs de leur négation. Les textes proclamant la liberté contenaient tous les recours nécessaires et légaux pour la surveiller, la réglementer, la réduire enfin4. Si le décret français d’abolition diffère du précédent britannique par son caractère immédiat – alors que les Anglais avaient imposé à leurs esclaves une période d’apprentissage de quatre ans chez leurs anciens propriétaires sans rémunération – il lui est similaire par bien d’autres aspects. Les deux textes attribuent une indemnisation aux planteurs. Les esclaves restent quant à eux démunis de toute compensation financière ou lopin de terre. Ils sont même priés de quitter leur case et le terrain qu’ils mettaient en valeur sur la plantation si le propriétaire l’exige (en bibliographie : Fuma, Lara). Après une longue période historiographique de glorification pour le moins simpliste, présentant une émancipation des esclaves due à l’action d’un homme, Victor Schœlcher, et de construction mythique autour du personnage, les historiens ont analysé l’ensemble des sources disponibles. Ils ont pu montrer la complexité du contexte, les difficultés rencontrées par Schœlcher lui-même face aux intérêts en jeu – ceux des planteurs, des armateurs et négociants des grands ports – mais aussi face aux hésitations des républicains de 1848 euxmêmes. Ils ont amorcé l’analyse des conditions concrètes de l’émancipation dans les colonies, 3 Victor Schœlcher, président, et Henri Wallon, secrétaire de la commission, Premier rapport fait au ministre de la Marine et des Colonies par la commission d’émancipation, paru dans le Moniteur universel du 3 mai 1848. 4 Cf. les analyses et les documents très complets fournis par Oruno D. Lara dans l’ouvrage La liberté assassinée. Guadeloupe, Guyane, Martinique et La Réunion, 1848-1856, Paris, Editions L’Harmattan, 2005. 17 Volume collectif La Route de l’Esclave, UNESCO de la difficile et très lente transition de l’esclavage au régime du salariat. Ils ont mesuré les répercussions de la mise en œuvre d’une nouvelle politique coloniale que les autorités dotèrent des mesures d’encadrement les plus coercitives. Des recherches menées dans le cadre du CERCAM (Centre de Recherches CaraïbesAmériques) ont tout récemment abouti à l’établissement de listes de propriétaires d’esclaves en 1848 dans les colonies françaises où l’esclavage fut supprimé, en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane, à Saint-Barthélemy et au Sénégal (voir en bibliographie : FisherBlanchet, Lara). Auguste François Biard, « L’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises en 1848 », tableau de commande réalisé en 1848-1849, est conservé au Musée national du Château de Versailles. Les esclaves voient leurs chaînes brisées ; ils sont dans une attitude de joie et de remerciement face au commissaire général de la République qui, devant le drapeau républicain français, montre le décret d’abolition. Derrière lui : les marins figurent le commerce colonial dont on espère la prospérité. Les planteurs sont parmi la foule des esclaves libérés, figurant les recommandations d’« oubli du passé » lancées par les autorités coloniales et les candidats à la représentation parlementaire des colonies. © Coll. UNESCO. 18 Volume collectif La Route de l’Esclave, UNESCO Alphonse Garreau, « Proclamation de l’abolition de l’esclavage à La Réunion » (1848), tableau de commande réalisé en 1849, conservé au musée du Quai Branly, Paris. Le commissaire général de la République Joseph Napoléon Sarda-Garriga tient le décret d’abolition de la main droite et de l’autre, il montre les instruments de travail aux esclaves tout juste libérés. Au premier plan : un groupe d’esclaves en attitude de « reconnaissance » et un ensemble d’instruments de travail. En arrière-plan : au sol : des fers d’esclaves, le buste de la République portant l’inscription « Liberté », le bananier signe de prospérité, l’usine sucrière, les ruches et les abeilles, synonymes de travail. Dès son arrivée dans la colonie en octobre 1848, Sarda-Garriga édictait une réglementation du travail obligatoire avant que l’abolition ne fût proclamée le 20 décembre suivant. © Coll. UNESCO. Lendemains d’abolition : reconstruire le système colonial Les archives disponibles permettent de repérer une relative continuité dans la politique coloniale française pendant la première moitié du XIXe siècle, puis au lendemain de l’émancipation. Après 1848 fut mis en œuvre un contrôle social étroit et rigide des « nouveaux libres ». Dans l’ouvrage La liberté assassinée (voir la bibliographie) Oruno D. Lara reproduit l’ensemble des pièces qui témoignent de la progression de cette politique d’émancipation par le contrôle et l’encadrement économique, social et politique strict des populations. En 1848, la liberté avait été proclamée, les anciens esclaves étaient devenus des travailleurs salariés potentiels, prêts à occuper des emplois dans les premières fabriques puis dans les usines sucrières centrales. Le décret d’abolition leur avait conféré un statut de citoyens appelés à élire leurs représentants à l’Assemblée nationale au suffrage universel. Dans les semaines qui suivirent leur entrée en vigueur dans les colonies, les droits et libertés proclamés furent progressivement réduits. Des arrêtés furent pris sur la « police du travail », la liberté de réunion fut supprimée, la liberté de la presse fut neutralisée par des 19 Volume collectif La Route de l’Esclave, UNESCO droits de cautionnement exorbitants, les cultures pratiquées par les nouveaux libres furent contrôlées, taxées lorsqu’il ne s’agissait pas de canne à sucre ou de caféier. La circulation des « nouveaux libres » d’un bourg à l’autre fut soumise à l’obligation d’un passeport intérieur. Le port d’un livret de travail témoignant de l’engagement du travailleur auprès d’un employeur devint obligatoire sous peine d’arrestation, emprisonnement et amende pour vagabondage. Quiconque souhaitait scolariser son enfant au-delà de l’âge de 12 ans se vit contraint de payer une taxe. Une série de mesures coercitives que Schœlcher qualifiait, quelques décennies plus tard, d’« attentats à la liberté individuelle »5. Au milieu du XIXe siècle, la reconstruction d’un système de contrôle social proche de celui du temps de l’esclavage était l’héritière d’une politique d’encadrement des esclaves et de discriminations codifiée de longue date. La surveillance de la production, du commerce, de l’ordre public, de la presse, le contrôle des relations sociales furent le souci constant des gouverneurs et des services locaux. Mais comprendre 1848 et ses suites dans les colonies françaises des Caraïbes, c’est tout d’abord revenir à 1802, période de rétablissement de l’esclavage par Napoléon Bonaparte par le décret du 20 mai. C’est aussi prendre en compte la période de guerre coloniale intense et de répression à Saint-Domingue – devenue indépendante sous le nom de Haïti le 1er janvier 1804 – et en Guadeloupe. Dans cette dernière colonie comme en Martinique et en Guyane, entre 1802 et 1848, le gouvernement mena une politique allant à contre-courant des tendances abolitionnistes qui s’affirmaient alors en France même et dans le monde occidental. On craignit l’influence des événements survenus à Saint-Domingue/Haïti, l’intervention d’agents haïtiens provoquant les rébellions d’esclaves et celle des « hommes de couleur libres » auxquels « droits civiques » et « droits politiques » avaient été accordés par la loi du 24 avril 1833. Les plaidoiries d’avocats célèbres - Isambert, Gatine ou Chauveau-Lagarde - pour la défense de Bissette, Fabien et Volny, accusés et condamnés entre 1823 et 1827 pour avoir fait circuler en Martinique la brochure intitulée De la situation des hommes de couleur libres aux Antilles françaises, ne furent pas étrangères à ces décisions. Les planteurs firent pression dès 1848 sur le gouvernement pour qu’il négocie l’introduction d’une main-d’œuvre sous-payée recrutée sur contrats en Afrique, en Inde et en Chine. L’exemple avait été donné depuis les années 1815-1820 par Cuba puis par les colonies anglaises. En février 1852 le gouvernement français passait les premiers accords avec la Grande-Bretagne pour le recrutement d’Indiens dans les zones qu’elle contrôlait puis pour 5 Dans L’arrêté Gueydon à la Martinique, l’arrêté Husson à la Guadeloupe, Paris, Le Chevalier, 1872. 20 Volume collectif La Route de l’Esclave, UNESCO celui de travailleurs dits « libres » sur les côtes africaines. Des travailleurs qui percevaient des salaires - lorsqu’ils étaient effectivement versés - quatre fois moindres que ceux qui étaient légalement dus aux « nouveaux libres ». Des « immigrants » qui connurent des conditions de travail que certains contemporains purent dénoncer en tant que « second esclavage ». Mythes et paradoxes sociaux L’étude de l’histoire des colonies françaises des Caraïbes depuis la suppression de l’esclavage se conçoit mal sans une prise en compte de la mythologie à laquelle elle a donné naissance dès 1848. Erreur essentielle des lendemains de l’abolition, la monoculture de canne à sucre devint plus que jamais la panacée des économies coloniales, alors que la production de sucre de betterave suffisait à la consommation nationale depuis les années 1840… Une quarantaine d’usines sucrières étaient construites en Guadeloupe et en Martinique en trois décennies. Dès la première grande crise de surproduction, à partir de 1882-1883, leur matériel était déjà signalé comme ancien et mal entretenu. Les risques d’une économie extravertie de monoculture d’exportation et les difficultés d’écoulement qu’elle rencontrait sur le marché européen étaient déjà déplorés par certains contemporains. Le cycle de développement de la monoculture de canne à sucre industrialisée dans les colonies connut quelques grandes étapes à la suite de la crise de surproduction des années 1880. La Première Guerre Mondiale provoqua une prospérité momentanée et jugée fragile dès cette époque, par suite d’une forte hausse des prix et de la consommation de rhum. Elle fut suivie d’une longue période de contingentements de la production et d’une crise sociale qui n’eut d’équivalent que l’incapacité des économies coloniales à évoluer vers d’autres modes d’exploitation moins fragiles que la ressource bananière, considérée comme une véritable panacée face aux aléas de la canne à sucre dans les années 1930. La fermeture de la quasi totalité des usines dans les années 1960 entraîna chômage, émigration organisée d’une importante proportion des populations jeunes et sous-diplômées. Un processus migratoire dont on mesure aujourd’hui, dans les Caraïbes - l’une des régions du monde d’où l’on émigre le plus - les conséquences tant sociales que démographiques. L’influence de la période de l’émancipation de 1848 fut séculaire. Ses répercussions économiques, foncières, commerciales, sociales se font sentir jusqu’à nos jours. 21 Volume collectif La Route de l’Esclave, UNESCO Nouvelles formes de servitude au XIXe siècle Le décret d’abolition de l’esclavage de 1848 ne s’appliqua pas à l’Algérie. Dans les comptoirs français du Sénégal par contre, les propriétaires d’esclaves durent se soumettre au décret. Ceux qui résidaient dans des colonies étrangères bénéficièrent d’un délai de trois ans – davantage, dans les faits – afin de libérer leurs esclaves. Par ailleurs, selon les objectifs proclamés lors de la conférence de Berlin en 1884-1885, l’Europe devait coordonner sa lutte contre la traite humaine et c’est au nom de la « liberté » qu’elle entreprenait la colonisation du continent africain… L’acte général de la conférence prévoyait que les puissances présentes s’engageaient à « employer tous les moyens en (leur) pouvoir pour mettre fin au commerce des êtres humains dans les territoires sur lesquels elles exerceraient des droits ou une influence ». Cependant, en Afrique de l’Est, le comptoir de Zanzibar et l’île de Pemba restaient des plaques tournantes de la distribution d’esclaves dans tout l’océan Indien jusqu’au début du XXe siècle. Et l’Europe baptisait du nom de « travail forcé » l’emploi de la maind’œuvre qu’elle ne pouvait plus réduire en esclavage. Une main-d’œuvre au statut de servitude, recrutée auprès des chefs de villages pour la construction de routes, de lignes de chemin de fer, pour la circulation sur les fleuves, la pénétration en forêt, la construction de bases, l’exploitation minière et agricole. « Groupe de jeunes esclaves à Zanzibar », fin du XIXe siècle, Le Monde illustré. © Coll. UNESCO. 22 Volume collectif La Route de l’Esclave, UNESCO Le diplomate haïtien Benito Sylvain avait bien noté au début du XXe siècle, que, n’osant ouvertement « maintenir partout l’esclavage sous sa forme primitive », les Européens « lui substituèrent des succédanés à peine moins odieux »6. A la suite des conférences de Berlin et de Bruxelles, le congrès des sociétés antiesclavagistes que le Père Lavigerie organisa à Paris en septembre 1890 confirma le rôle d’accompagnateurs que les religieux missionnaires devaient jouer aux côtés des colonisateurs européens. Il assigna notamment cette fonction à l’ordre des Missionnaires d’Afrique, les « Pères blancs », dont les principales activités seraient l’implantation de colonies agricoles sans esclavage et la formation d’un clergé africain. Entre autres justifications, c’est au nom de l’abolition de l’esclavage qu’eurent lieu expéditions et prises de possession territoriales pendant le dernier quart du XIXe siècle, par exemple en Cochinchine, en Afrique et en 1896 à Madagascar, lors de qui fut appelé une « campagne de pacification ». Les prisonniers capturés lors des campagnes de conquête en Afrique furent réunis au sein de « villages de liberté » où l’armée française regroupa les personnes alors dites « non libres », constituant des réserves de main-d’œuvre à disposition des grands chantiers de colonisation (en bibliographie : Renault). L’oubli du passé Parallèlement à l’élaboration d’interprétations mythiques de l’histoire propres aux colonies françaises des Caraïbes, fut mise en œuvre une exceptionnelle politique d’oubli du passé et de canalisation de la mémoire. Le processus amorcé en 1802-1804 avec le rétablissement de l’esclavage prit une ampleur particulière à partir de 1848. Au lendemain de l’émancipation de 1848, c’est au nom de la « réconciliation sociale » entre anciens esclaves et anciens maîtres que l’administration et tous les candidats à la représentation parlementaire prônèrent explicitement l’« oubli du passé ». L’expression se retrouve dans les professions de foi rédigées par les candidats des tendances les plus opposés lors des élections législatives de 1848 et 1849. 6 Du sort des indigènes dans les colonies d’exploitation, Paris, Boyer, 1901, p. 307. 23 Volume collectif La Route de l’Esclave, UNESCO Louisy MATHIEU, ancien esclave élu représentant de la Guadeloupe à l’Assemblée nationale en 1848, au suffrage universel (masculin) dans les rangs « schœlcheristes ». © Bibliothèque nationale de France. Dans sa première intervention devant l’Assemblée nationale constituante, l’ancien esclave Louisy Mathieu, élu représentant de la Guadeloupe en 1848 dans les rangs schœlcheristes, remerciait la France pour la liberté de ses frères. Il tint, dans sa courte allocution, à souligner la « générosité » des anciens esclaves qui avaient également voté en faveur du fils de l’un des plus grands planteurs de l’île, Charles Dain, lui-même s’étant présenté dans les rangs schœlcheristes : « Ils ont tendu la main, précisait-il, et ils ont dit cette parole si noble : A l’oubli du passé ! ». Quant à François-Auguste Perrinon, « homme de couleur libre » de la Martinique devenu commissaire général de la République de l’île au lendemain de l’abolition, il avait dès le 27 février 1848 lancé un appel au calme « à (ses) frères des colonies » et leur recommandait « le plus entier oubli du passé ». Le candidat martiniquais Cyrille Bissette, « homme de couleur » né libre, affirmait à l’intention des « nouveaux libres-nouveaux citoyens » les vertus de la « réconciliation sociale aux colonies », de l’oubli du passé et de l’unité des citoyens coloniaux appartenant à « une même patrie » (voir en bibliographie : Lara, Schmidt). C’est par une efficace politique d’intimidation des populations et d’oubli du passé que les autorités coloniales firent disparaître pour plus d’un siècle de la mémoire collective le plus 24 Volume collectif La Route de l’Esclave, UNESCO retentissant procès politique qu’aient connu les Caraïbes au XIXe siècle, celui de l’indépendantiste guadeloupéen - séparatiste était le terme employé à cette époque - Léonard Sénécal et de ses partisans. Sénécal était accusé d’avoir voulu répéter les événements de Saint-Domingue en Guadeloupe au lendemain de l’abolition de 1848. Le procès au terme duquel il fut condamné au bagne en 1851 fit l’objet de la publication, aux frais du gouvernement, de plaquettes de compte rendu des débats et des condamnations destinées à éradiquer toute idée séparatiste (voir en bibliographie : Lara). Cependant que les « nouveaux libres » de 1848 étaient engagés à honorer et à remercier une République libératrice – et son représentant version coloniale, Victor Schœlcher – en « oubliant le passé », une geste historique spécifique fut progressivement élaborée. Une histoire manipulée servit les intérêts que défendaient ses auteurs, planteurs, administrateurs coloniaux qui transmirent non pas l’histoire, mais leurs revendications économiques, commerciales, politiques, et leurs peurs sociales. L’enseignement, le clergé, la presse furent les principaux relais de cette politique. La traite négrière, l’esclavage et les résistances qu’ils suscitèrent furent réduits, dans les œuvres écrites, à leur plus simple et brève expression. Des récits du temps de l’esclavage furent transmis oralement au sein de certaines familles, mais les témoignages demeurèrent bien furtifs. Cet « oubli du passé » dans des colonies où la connaissance de l’histoire risquait d’être source de vengeances ou tout au moins de la perpétuation de partitions sociales profondes, se doubla d’une occultation équivalente en France. Les échos coloniaux s’y limitèrent à des faits de gloire, à l’hommage rendu à des colons pionniers et courageux, à une abolition présentée comme ayant réglé tous les problèmes, à des encouragements adressés aux candidats investisseurs. Servitudes contemporaines Il n’existe plus, aujourd’hui, de trafic humain et d’esclavage équivalents à ceux qui se développèrent de manière intensive et légale du XVIe au XIXe siècle. Aucun amalgame n’est possible, mais on parle, au XXIe siècle, de réduction en servitude d’une quantité encore jamais atteinte d’individus dans le monde (27 à 30 millions d’adultes, 250 à 300 millions d’enfants de 5 à 17 ans, selon Anti-Slavery International et l’UNICEF). Le dénuement économique, un contexte de guerre, l’endettement familial sont aujourd’hui les causes essentielles des trafics humains et de la réduction en servitude. L’Asie du Sud, l’Inde, le 25 Volume collectif La Route de l’Esclave, UNESCO Pakistan, le continent africain, l’Indonésie, l’Amérique centrale et du Sud sont les plus touchés, mais les pays occidentaux à haut niveau de vie ne sont pas épargnés. Le rôle des organismes internationaux est déterminant depuis les années 1920-1930 dans le repérage des faits de traite humaine et d’asservissement. La Société des Nations publia dans sa Convention de 1926 la première définition internationale, au XXe siècle, de l’esclavage, qualifié d’« état ou condition d’un individu sur lequel s’exercent les attributs du droit de propriété ou certains d’entre eux ». L’Organisation Internationale du Travail (OIT), l’ONU, le Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme de l’ONU, l’UNICEF, l’UNESCO émirent, depuis lors, recommandations, programmes d’aide et d’éducation pour avertir et lutter contre l’asservissement. La Charte des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne signée en décembre 2000 interdit l’esclavage, le travail forcé et la traite des êtres humains. La Commission Européenne s’est prononcée en faveur de sanctions économiques contre les pays dans lesquels des violations des droits de l’homme tels que la réduction en servitude et le travail des enfants seraient avérés. En France, le Comité contre l’Esclavage Moderne (CCEM) fournit une aide juridique aux personnes en situation de servitude domestique. Une mission parlementaire sur l’esclavage moderne a remis un rapport en décembre 2001 sur L’esclavage en France aujourd’hui, dont certaines propositions ont été retenues pour « combattre la traite des êtres humains et en reconnaître les victimes ». En mai 2001, le Parlement français a voté la loi qualifiant « la traite et l’esclavage (des XVe-XIXe siècles) en tant que crime contre l’humanité ». En 2002, l’Assemblée nationale adoptait une loi visant à « combattre la traite des êtres humains » (voir en bibliographie : rubriques « Servitudes contemporaines » et Sitographie). A propos de l’enseignement Les programmes scolaires français reflètent très directement la méconnaissance du processus colonial qui reposa sur l’esclavage et les traites humaines entre les XVIe et XIXe siècles. Ils en offrent même, en quelque sorte, une perception « zoomée ». Ils n’abordent cette thématique que par le biais des échanges économiques, des « découvertes », ou par celui de personnages ayant marqué cette histoire, tel l’abolitionniste Victor Schœlcher7. En outre, la Cf. L’analyse des programmes des cycles primaires et secondaires de l’enseignement a fait l’objet de travaux de travaux et de propositions du Comité pour la Mémoire de l’Esclavage entre 2004 et 2008, dont l’essentiel fut publié dans Mémoires de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions, rapport du Comité pour la Mémoire de l’Esclavage, 7 26 Volume collectif La Route de l’Esclave, UNESCO plupart des manuels scolaires ne mentionnent au mieux que l’un ou l’autre des faits : la traite négrière transatlantique, la condition d’un esclave du Surinam par le biais du Candide de Voltaire, la première abolition de l’esclavage de 1794 ou encore celle de 1848. Aucun chapitre des programmes et des manuels n’est consacré de manière spécifique et globale à la question du processus colonial, aux phénomènes de traite humaine, au système esclavagiste et à leurs abolitions. La discipline désignée en tant qu’« éducation civique » mentionne au mieux l’abolition de 1848 au chapitre des « Libertés individuelles et collectives ». Certes la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et La Réunion disposent depuis 2000 de programmes « adaptés » aux contextes « locaux » à l’appui desquels une bibliographie de manuels spécifiques existe8. L’enseignement national demeure toutefois bien à l’écart de cette évolution. Les textes et l’iconographie reproduits à l’intention des élèves consacrent le mythe d’une liberté octroyée par une République triomphante9. Plus encore que la consultation de la thématique des manuels d’enseignement, celle des instructions ou « consignes » émises par le ministère de l’Education nationale à l’appui des programmes est révélatrice. Une circulaire ministérielle convia, en février 1998, les recteurs d’académies à organiser des formations à destination des enseignants sur l’histoire de la traite négrière, de l’esclavage, de leurs abolitions. Une autre, en novembre 2005, leur recommandait d’engager les enseignants à évoquer la thématique à l’occasion de la commémoration de la « Journée des esclavages et des abolitions » fixée au 10 mai de chaque année10. En fait, l’histoire est depuis de nombreuses années, dans l’enseignement français des classes primaires, reléguée au rang de ce qu’on a appelé « discipline d’éveil ». Une pratique qui fut considérée comme laissant aux enseignants la liberté d’aborder une thématique historique de leur choix, pourvu que l’école primaire inculque aux élèves - je cite les instructions ministérielles relatives aux programmes - une « conscience nationale ». Mais qu’en était-il des expansions coloniales ? Ces dimensions étaient en fait envisagées comme Paris, Editions La Découverte, 2005. Je renvoie au sujet de l’évolution de l’enseignement et des débats entraînés par le vote de la loi française du 21 mai 2001 reconnaissant la traite négrière et l’esclavage comme crimes contre l’humanité, à Nelly Schmidt, “Teaching and Commemorating Slavery and Abolition in France: From Organized Forgetfulness to Historical Debates”, in Ana Lucia Araujo, Ed., Politics of Memory : Making Slavery Visible in the Public Space, Chapter 6, Annual Meeting of the American Historical Association, Boston, January 2011, Londres, Routledge, 2012. 8 Voir le Bulletin Officiel de l’Education nationale, n°8, 24 février 2000, « Spécificités des Départements d’outre-mer dans les programmes d’histoire-géographie ». 9 Un matériel pédagogique complémentaire existe. Cf. par exemple dans le DVD de l’UNESCO intitulé « Routes de l’Esclave. Une vision globale » : Nelly Schmidt, dossier pédagogique Asservir, Quiz et informations contenues dans « Pour en savoir plus », 2010. 10 Voir le Bulletin Officiel de l’Education Nationale, n°41, 10 novembre 2005, « La mémoire de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions ». 27 Volume collectif La Route de l’Esclave, UNESCO devant confirmer la « cohésion nationale », par l’intermédiaire d’un choix judicieux d’événements à signaler, à faire apprendre, aux dépens d’autres, souvent moins glorieux. Le statut de l’histoire est différent dans l’enseignement secondaire. Elle y est une discipline obligatoire depuis toujours, certes, mais de récentes mesures ministérielles - en 2009-2010 - tendent à réduire son enseignement dans les dernières classes du cursus. Il est ici utile d’évoquer les « consignes » ou instructions auxquelles doit répondre l’enseignement de l’histoire en France de nos jours. Ces consignes s’adressent en fait à la mémoire, elles sont affaires de mythes, de certitudes à transmettre. Il ne s’agit pas de comprendre, mais d’avoir en mémoire un certain nombre de faits qui permettent d’acquérir, comme le préconisèrent Michelet ou Lavisse il y a plus d’un siècle, cette fameuse « conscience nationale ». Il s’agit de transmettre une sélection de faits symboliques d’une nation, de son émergence, de son unité, de sa puissance, au nom de valeurs considérées comme « universelles »... Commémorations Parmi les questions que soulève l’analyse d’une commémoration, certaines concernent le sens, les fonctions du phénomène, et la mémoire qu’il est sensé transmettre. La liaison apparaît ainsi immédiate entre commémoration et pouvoir politique. Une commémoration se choisit, se décide, s’organise, se rend visible du grand public par de multiples moyens. L’étude des fonctions qui lui sont assignées, de manière plus ou moins explicite, est particulièrement révélatrice de la manière dont l’autorité commémoratrice entend guider, voire canaliser la mémoire du fait commémoré. Les questions qui se posent alors sont directement liées au rapport existant entre histoire et pouvoir. Dans le cadre spécifique des célébrations liées à l’histoire des colonies françaises des Caraïbes, et notamment de l’esclavage et de ses abolitions, quatre périodes commémoratives sont évoquées ici : la célébration du premier anniversaire de l’abolition de l’esclavage en Guadeloupe en 1849, la commémoration du Tricentenaire des Antilles et de la Guyane en 1935, le centenaire de l’abolition de l’esclavage en 1948 puis son cent cinquantenaire en 1998. 1849 En 1849, malgré les instructions très précises adressées aux gouverneurs coloniaux par le ministère de la Marine et des Colonies pour le déroulement de l’événement, le premier anniversaire dit « de la liberté » donna lieu, en Guadeloupe, à des incidents qui opposèrent les 28 Volume collectif La Route de l’Esclave, UNESCO tendances politiques en lice pour les élections législatives du mois de juin. Un arbre de la liberté devait être planté par le gouverneur en présence du préfet apostolique. Les leaders du premier courant indépendantiste de l’île, apparu en 1848 à l’initiative de Marie-Léonard Sénécal, entreprirent de subtiliser l’arbre préparé pour l’événement et d’en détourner l’utilisation à leur profit. Ils organisèrent une commémoration parallèle à grands renforts d’annonces dans les campagnes. Alors que les trois-quarts de la population de la colonie venaient d’accéder au statut de liberté, proclamations officielles et cérémonies se multipliaient pour encourager au travail, au respect de la propriété privée, de l’ordre public, pour établir un système de contrôle social susceptible de remplacer les cadres de l’esclavage. A la fin du XIXe siècle, si les commémorations de l’abolition se traduisirent, à Paris, sous la forme de banquets en l’honneur de Schœlcher, elles prirent un caractère plus politique après sa mort survenue en 1893. Les associations du souvenir se multiplièrent, à Paris et dans les colonies. C’est en son hommage que les premiers soldats de Guadeloupe et de Martinique engagés pour le premier conflit mondial partirent pour l’Europe. Cependant qu’en 1914, le gouverneur de Guadeloupe Emile Merwart faisait du 21 juillet, jour de la Saint-Victor, une fête légale. 1935 Comme une réponse aux alertes lancées au sujet des maux dont souffraient les colonies depuis des décennies, aux grèves des travailleurs de la canne des années 1930, mais aussi aux difficultés liées à la reconstruction de la Guadeloupe après le cyclone dévastateur de septembre 1928, le gouvernement organisa une grande célébration, celle du Tricentenaire du rattachement des Antilles et de la Guyane à la France, 1635-193511. En écho au succès de l’Exposition coloniale internationale de Paris en 1931, un programme de commémoration des débuts de la colonisation française était élaboré alors que des mouvements de remise en cause des « bienfaits » du processus colonial se faisaient jour tant aux Caraïbes, en Afrique qu’en Asie. L’Etat prit les rênes de cette entreprise inédite de manipulation de l’histoire. On organisa, à Paris, les manifestations les plus diverses, conférences, réalisation de films, spectacles à l’opéra, expositions, dîners commémoratifs. Une luxueuse croisière transporta plus de trois cents personnalités vers les Caraïbes sur le paquebot Colombie. Rues, routes, ponts et monuments de Guadeloupe, de Martinique et de Guyane étaient restaurés à la hâte La loi du Tricentenaire du rattachement des Antilles et de la Guyane à la France, dont le projet fut présenté le 25 février 1935, fut votée le 25 avril suivant. 11 29 Volume collectif La Route de l’Esclave, UNESCO pour l’occasion. La presse fut sollicitée pour chanter en un chœur uni les louanges et les promesses de l’attachement indéfectible de ces colonies à la « mère patrie » depuis trois siècles. Les récits historiques les plus fantaisistes évoquèrent les dangers courus par les premiers colons faisant face aux populations autochtones présentées comme de redoutables cannibales. On souligna la compétence des premiers administrateurs, le caractère salvateur de la traite négrière et le généreux traitement de la main-d’œuvre esclave. L’un des objectifs principaux était d’attirer capitaux et commerçants dans des colonies qui se remettaient mal de troubles sociaux chroniques. Mais si l’Exposition coloniale internationale de 1931 devait étonner ses visiteurs par la vision d’une « plus grande France », les manifestations du Tricentenaire des Antilles et de la Guyane n’avaient pas le même objectif. Il fallait en effet convaincre les populations coloniales elles-mêmes des bienfaits de leur dépendance, et la population française que ces terres lointaines étaient des prolongements exotiques de la France qui avaient, depuis trois siècles, montré les preuves de leur attachement à l’hexagone. Une adroite propagande devait, sur ces fondements, persuader investisseurs et entrepreneurs de réelles promesses de prospérité outre-Atlantique. 1948 Le contexte de la commémoration du centenaire de l’abolition de l’esclavage, celui des lendemains du second conflit mondial, était aussi celui du vote de la toute récente loi de départementalisation. Le mythe schœlcherien forgé au lendemain de l’abolition de 1848 n’avait fait que s’amplifier. Il avait justifié bien des décisions politiques et symbolisé le mythe républicain dans les domaines coloniaux. Pendant la seconde Guerre mondiale, le nom de Victor Schœlcher avait été invoqué tant par la propagande des autorités de Vichy que dans les rangs de la Résistance. On célébra de toutes parts l’« attachement à la patrie » par des célébrations publiques de la Saint Victor. Aimé Césaire, en 1946, s’était référé à plusieurs reprises à Schœlcher, en tant qu’héritier des Principes de 1789 et de la première République, au cours du discours qu’il prononça en tant que rapporteur du projet de loi de départementalisation des « anciennes colonies ». En 1947, Emile Merwart et Gaston Monnerville étaient à la tête d’un Comité fédéral des originaires d’outre-mer pour l’organisation du centenaire de l’abolition de l’esclavage et le transfert des cendres de Victor Schœlcher et de Félix Eboué au Panthéon. Les comités départementaux créés dans les colonies organisaient les festivités locales et la 30 Volume collectif La Route de l’Esclave, UNESCO « plantation d’un arbre de la liberté »12. La personnalité de Schœlcher, la date du 27 avril 1848, jour de la signature des décrets d’abolition par une majorité des membres du Gouvernement provisoire à Paris, étaient les deux références célébrées et retenues par le ministère de l’Education nationale. Le ministère recommandait aux recteurs d’organiser la commémoration de l’abolition en joignant à la circulaire d’instruction une « Notice sur Victor Schœlcher »13. En Sorbonne, Gaston Monnerville, Léopold Sedar Senghor et Aimé Césaire étaient invités à prononcer des conférences le 27 avril 194814. Le discours commémoratif était simple : l’abolition de l’esclavage était due à l’action d’un homme qui avait renouvelé le courant d’assimilation coloniale apparu sous la Révolution Française et dont l’aboutissement avait été le vote de la loi de départementalisation du 19 mars 1946. Il bénéficia de relais efficaces dans la presse, de conférences et d’émissions de radio organisées par le Grand Orient de France, de circulaires ministérielles dans le domaine de l’éducation qui transmirent sans variante le leitmotiv prévu. Mais malgré de nombreuses publications, réalisées tant à Paris15 que dans les colonies16 - recueils de textes de Schœlcher, de correspondances de divers contemporains - aucune initiative de recherche, aucun mouvement historique ne naquit de l’ensemble de ces manifestations. 1998 Cent cinquante ans après l’abolition de l’esclavage, les médiateurs demeuraient surpris lorsque des historiens leur expliquaient la réussite plus que séculaire de la politique d’oubli du passé mise en œuvre en 1848. L’iconographie abondamment répandue recourait sans critique à l’imagerie mise au point sur commande en 1848-1849. Le cliché de l’esclave aux chaînes rompues portant un regard reconnaissant vers l’abolitionniste et la République libérateurs était encore à l’ordre du jour. Des tableaux commandés par le gouvernement de la IIe République, tels que ceux de François Auguste Biard, « L’abolition de l’esclavage dans les colonies 12 Voir le récit des événements de Guadeloupe dans le fascicule intitulé Commémoration du Centenaire de l’abolition de l’esclavage, conférence prononcée le 27 avril 1948 à Basse-Terre, en Guadeloupe, par Raoul Bogat, Imprimerie officielle, Basse-Terre, 1949. 13 Circulaire du 16 avril 1948 signée par le directeur de cabinet du ministre de l’Education nationale H. Viguier. La notice intitulé « Schœlcher et l’abolition de l’esclavage », due à l’historien Charles-André Julien, était un extrait de la revue encyclopédique Le Larousse mensuel de mai 1948. 14 Les discours prononcés en Sorbonne furent publiés par les Presses universitaires de France en 1948. 15 Par exemple, le recueil d’extraits d’ouvrages de Schœlcher réuni par Emile Tersen sous le titre Esclavage et colonisation, paru aux Presses universitaires de France en 1948, l’article « Centenaire de la liberté » publié par la Revue d’histoire des colonies la même année, celui de L. Joubert, intitulé « Les conséquences géographiques de l’émancipation des Noirs aux Antilles, 1848 » dans les Cahiers d’outre-mer, ou l’ouvrage de Gaston-Martin, L’abolition de l’esclavage : 27 avril 1848, paru dans la Collection du Centenaire de la Révolution de 1848 ouverte par les Presses universitaires de France. 16 Voir par exemple Pierre Baude, Centenaire de l’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises et la Seconde République française, 1848-1948, Fort-de-France, Imprimerie o 31 Volume collectif La Route de l’Esclave, UNESCO françaises »17 ou d’Alphonse Garreau, « Proclamation de l’abolition de l’esclavage à La Réunion »18 glorifiaient la liberté apportée par les commissaires généraux de la République qui remplaçaient les gouverneurs du temps de la monarchie, mais des éléments importants de ces œuvres de grande dimension étaient, aussi, des instruments aratoires, des profils d’usines sucrières, de champs de canne à sucre et, au loin, de navires de commerce en attente de leurs cargaisons de barriques de sucre et autres denrées coloniales. Pas de liberté sans travail, ordre public, respect de la propriété privée, soumission à la nouvelle « police du travail ». La même remarque peut d’ailleurs être faite au sujet du célèbre tableau « A Slave Family in Exaultation » conservé à la Bibliothèque nationale de la Jamaïque, et qui figure parmi les représentations les plus largement utilisées de la période de l’émancipation dans les British West Indies. La lithographie représentant la « Plantation d’un arbre de la liberté à BasseTerre »19 en Guadeloupe, en mai 1848, annonce de manière tout aussi précise quels seraient les médiateurs de la politique républicaine en matière coloniale. Sur fond de foule porteuse de piques, de baïonnettes, de bonnets phrygiens évocateurs et de crucifix, la scène représente la plantation, en guise d’arbre de la liberté, d’une tige de canne à sucre en présence du gouverneur, de ses conseillers privés et du préfet apostolique de la colonie. Le discours du cent-cinquantenaire fut quant à lui particulièrement ambigu. Le slogan des principaux organisateurs des manifestations au niveau national, le ministère de la Culture et le secrétariat d’Etat à l’Outre-Mer, fut « Tous nés en 1848 ». Ainsi aboutissait-on à une manière de nier les siècles de résistance des esclaves qui avaient précédé, et de conférer à 1848 un caractère de fatalité heureuse, de solution à tous les problèmes qui se posaient alors, en une sorte de réconciliation nationale. Les siècles d’esclavage, les phénomènes de résistance des esclaves et les processus d’abolition au sujet desquels tant de travaux historiques restaient à entreprendre, se voyaient dissous dans un discours célébrant « l’expression créative de l’identité » des continents mis en présence par la traite négrière transatlantique en un « métissage »20 joyeux et positif, qui gommait les antagonismes du passé… S’il convient de reconnaître l’impact indéniable qu’eurent les multiples manifestations de tous ordres qui furent organisées en 1998, tant sur l’opinion publique, les médias qu’à plus long terme sur la recherche et l’enseignement, force est de constater que l’ensemble demeura très franco-centré. Aujourd’hui conservé au musée national du Château de Versailles. Aujourd’hui conservé au musée du Quai Branly à Paris. 19 Lithographie, Bibliothèque nationale de France. 20 Voir le vocabulaire employé dans le Préambule de la liste officielle des manifestations et initiatives culturelles de la commémoration du 150e anniversaire de l’abolition de l’esclavage pour l’année 1998, ministère de la Culture et secrétariat d’Etat à l’Outre-Mer. 17 18 32 Volume collectif La Route de l’Esclave, UNESCO La dimension comparatiste internationale qui eût permis de situer les événements commémorés dans leur large contexte – mis à part quelques colloques universitaires – resta étrangère à la démarche générale. Le programme de « La Route de l’Esclave » avait pourtant été lancé par l’UNESCO depuis 1994. En 1983, la loi du 30 juin (n°83-550) relative à la commémoration de l’abolition de l’esclavage a fixé une date spécifique à chaque ancienne colonie, le choix étant lié à la période la plus significative en ce domaine dans l’histoire de chacune d’elles. Les dates suivantes sont devenues des jours fériés : Martinique : 22 mai ; Guadeloupe : 27 mai ; Guyane : 10 juin, La Réunion : 10 décembre, Mayotte : 27 avril. La date du 10 mai fut choisie en 2005 pour la France hexagonale, suite aux recommandations de la loi du 21 mai 2001 et aux travaux du Comité pour la Mémoire de l’Esclavage, pour la célébration de la « Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions ». *** 33 Volume collectif La Route de l’Esclave, UNESCO RESSOURCES La recherche historique La recherche historique relative aux traites négrières, à l’esclavage, à leurs abolitions est, on le voit, en perpétuelle évolution depuis les années 1970. Elle souffrit toutefois, jusqu’aux années 2000, d’une réelle sous-considération au sein des organismes de recherche en sciences humaines et sociales, pourtant susceptibles de lui accorder reconnaissance et financements. Si aucune chaire d’histoire de l’esclavage et de ses abolitions n’existe encore à ce jour dans l’université française, certaines équipes se sont toutefois constituées. Centres de recherche universitaires : ‐ Université Paris IV-Sorbonne, Centre R. Mousnier - Histoire et Civilisations (UMR 8596 du CNRS) : Programme « Esclavage, abolitions, abolitionnistes de l’esclavage, politiques coloniales : histoire comparée, XVIIIe-XXe siècles » ; ‐ Université Paris I : Centre d’Etudes des Mondes Africains (CEMAF), UMR du CNRS ; ‐ Université des Antilles-Guyane : Projet « Les esclavages : institutions, lois et mémoires », Centre de Recherche sur les Pouvoirs Locaux dans la Caraïbe (UMR 8053 du CNRS) ; groupe AIHP-GEODE, Archéologie Industrielle, Histoire, Patrimoine - Géographie, Développement, Environnement de la Caraïbe ; ‐ Université de La Réunion : Centre d’Histoire de l’Université de La Réunion. Histoire-Politique-Patrimoines (CRESOI), axes de recherches « Colonisation et décolonisation (XIXe-XXe siècles) », « Esclavage et Mémoires » ; ‐ Université de Nantes : Centre de Recherches en Histoire Internationale et Atlantique (CRHIA) ; ‐ Université de Rennes : Programme « Sociétés littorales et rurales. Espaces et échanges », Centre de Recherches Historiques de l’Ouest (CERHIO, UMR 5268 du CNRS) ; ‐ Université Bordeaux III-Michel de Montaigne : programme de recherche Ameriber – Mondes américains, Atelier 2 – Caraïbe plurielle : dynamiques et mouvances, « Dynamiques sociétales et géopolitiques caribéennes (XVIIIe-XXIe siècles) » ; 34 Volume collectif La Route de l’Esclave, UNESCO ‐ Institut des Hautes Etudes de l’Amérique Latine : Centre de Recherche et de Documentation des Amériques (CREDA), Université Paris III – CNRS ; ‐ Institut de Sciences Politiques, Bordeaux, programme « Les Afriques dans le Monde » (LAM, UMR 5115 du CNRS) ; ‐ Groupement d’Intérêt Scientifique – GIS - Réseau Amérique Latine (CNRS, Institut de Recherche pour le Développement, IRD, EHESS) : regroupe plusieurs institutions universitaires et de recherche en France, au Mexique et au Pérou (www.reseau-amerique-latine.fr). Le Centre international de recherche sur les esclavages, CIRESC, CNRS Le Centre international de recherche sur les esclavages. Acteurs, systèmes, représentations (CIRESC), a succédé au Réseau thématique prioritaire (RTP) « Esclavages » du CNRS. Il a initié un programme européen, intitulé EURESCL (Europe Esclavage) qui a pour objet de « replacer la traite et l’esclavage dans l’histoire de la construction de l’identité européenne ». "Slave Trade, Slavery, Abolitions and their Legacies in European Histories and Identities" est le libellé du thème central. Des programmes de recherches collectives, liant plusieurs universités (France, Royaume-Uni, Canada, Sénégal), sont en cours de réalisation et donnent lieu à des colloques, séminaires et ateliers organisés dans les différents pays partenaires. Le Social Sciences and Humanities Research Council of Canada finance le programme “Slavery, Memory, Citizenship” développé au sein de l’Harriet Tubman Institute, York University, Toronto. L’Agence Nationale de la Recherche (France) finance le programme AFRODESC « Afrodescendants et esclavages : domination, identification et héritages dans les Amériques (XVe-XXIe siècles) » et l’Agence Universitaire de la Francophonie finance le projet « Les esclavages et les traites : communautés, frontières et identités » au sein de l’Université Cheikh Anta Diop à Dakar (cf. les sites http://www.esclavages.cnrs.fr et http://www.eurescl.eu). Le programme « Histoire comparée des esclavages, des abolitions et des politiques coloniales européennes aux Caraïbes-Amériques, XVIIIe-XXe siècles » de l’Université Paris IV-Sorbonne, CNRS, UMR 8596 A l’université Paris IV-Sorbonne, le programme pluriannuel de recherche intitulé « Histoire comparée des esclavages, des abolitions et des politiques coloniales européennes aux 35 Volume collectif La Route de l’Esclave, UNESCO Caraïbes-Amériques VIIIe-XXe siècles », financé par le Conseil scientifique, s’articule autour de plusieurs thématiques : - histoire comparée des esclavages ; - histoire des abolitions et des abolitionnistes de l’esclavage, 18e-20e siècles (démarche comparative entre les colonies françaises, britanniques, néerlandaises, danoises, hispanophones, le Brésil et les États-Unis) ; - analyse des immigrations de main-d’œuvre sous contrats après les abolitions de l’esclavage, dans l’ensemble des colonies insulaires des Caraïbes et dans les pays d’Amérique du Sud ; - analyse et typologie des propositions de réforme qui se succédèrent aux 18e et 19e siècles, venant des organes officiels, ou pas ; les abolitions de l’esclavage successives entraînèrent partout une révision des politiques coloniales ; - histoire des politiques coloniales européennes aux Caraïbes-Amériques, 18e-20e siècles ; les colonies françaises dans le concert des relations internationales de la France aux Amériques ; - histoire des mouvements politiques des Caraïbes, 18e-19e siècles. Un séminaire mensuel a lieu pour les étudiants-chercheurs préparant masters et doctorat. Un programme de publication annotée de documents et ouvrages inédits ou peu connus, relatifs aux thèmes du programme, a été élaboré. La constitution d’une base de données informatique et bibliographique sur les esclavages, les abolitions, les abolitionnistes de l’esclavage et les politiques coloniales européennes, XVIIIe-XXe siècles, a par ailleurs été mise en œuvre. UNESCO Le site du programme « La Route de l’Esclave » de l’UNESCO propose un ensemble très complet de documents d’information et de ressources pédagogiques. On peut également consulter le Bulletin d’Information du Projet « La Route de l’Esclave », De l’esclavage à la liberté…, 2004, Année internationale de commémoration de la lutte contre l’esclavage et de son abolition, numéro spécial, et la brochure Luttes contre l’esclavage, UNESCO, 2004. La Commission française pour l’UNESCO a formé en 2004 un comité d’experts pour la réalisation de travaux, colloques et publications en liaison avec le Réseau des écoles associées du programme « Briser le silence » (« Breaking the Silence »). L’objectif : réfléchir à l’enseignement, à tous niveaux, de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions et fournir aux enseignants non seulement la publication de ces réflexions mais aussi des 36 Volume collectif La Route de l’Esclave, UNESCO exemples concrets de traitement de ces thèmes en milieu scolaire. Un séminaire dédié à l’enseignement de ces thèmes fut organisé avec les enseignants du REseau des écoles associées. Les actes en furent publiés en 2005 sous le titre Quel enseignement de la traite négrière, de l’esclavage et des abolitions ? Voir également, paru en 2011, Briser le Silence. Teaching the Transatlantic Slave Trade: Achievements, Challenges and Perspectives. Final report of the interregional online consultation of the UNESCO Associated Schools (ASPnet), 30 novembre-16 décembre 2010, UNESCO Associated Schools, 2011. Il s’agit du dernier bilan du programme TST (Transatlantic Slave Trade) du réseau des écoles associées. Le Comité pour la Mémoire et l’Histoire de l’Esclavage, CPMHE, Paris Créé en janvier 2004 en application de la loi du 21 mai 2001 qualifiant la traite négrière et l’esclavage en tant que crime contre l’humanité, le Comité pour la Mémoire de l’Esclavage, devenu en 2009 Comité pour l’Histoire et la Mémoire de l’Esclavage, réunit une douzaine de personnes venant du monde de la recherche scientifique, des associations ou des arts. Il a œuvré dans ses premières années d’existence en faveur de la promotion des thèmes de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions au niveau des divers niveaux de l’enseignement et pour l’ouverture de programmes de recherche plus développés sur ces sujets. Il a également recommandé l’amélioration et l’accroissement des ressources disponibles pour l’accès à la connaissance à tous niveaux, et enclenché un inventaire des collections muséales relatives à ces thèmes, en collaboration avec la Direction des Musées de France. Le CPMHE s’attache aux commémorations du 10 mai, date qu’il a proposée en 2005 pour la « Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions ». Son site propose une synthèse de l’ensemble de ces activités : www.cpmhe.fr La recherche archéologique La recherche archéologique s’intéresse de manière relativement récente aux thèmes de la traite humaine et de l’esclavage. Les fouilles archéologiques, en Guadeloupe comme en Martinique et en Guyane, furent longtemps l’équivalent d’une série de pillages ou le fait d’amateurs qui ne purent effectuer leurs travaux et transmettre leurs résultats de manière scientifique et durable. Ces recherches font aujourd’hui l’objet d’un encadrement strict. Elles sont réalisées par des archéologues dont les comptes rendus de recherches sont effectués dans 37 Volume collectif La Route de l’Esclave, UNESCO le cadre des Directions Régionales des Affaires Culturelles ou des Conseils régionaux et généraux. Longtemps circonscrites aux sites précolombiens, ces recherches s’attachent depuis peu au repérage et à quelques sauvetages de vestiges de plantations ou de cimetières d’esclaves. Des travaux sont également menés dans le domaine de l’archéologie sous-marine. Des informations sur les plus récentes recherches archéologiques effectuées sur les lieux d’une ancienne plantation de Guadeloupe peuvent être consultées sur le site de l’Institut National de Recherches Archéologiques Préventives, INRAP (www.inrap.fr/archeologiepreventive/actualite/les-dernieres-decouvertes/2010). Il s’agit d’une intervention sur le site d’aménagement de l’université « La Cité de la Connaissance » à Saint-Claude où les vestiges d’une ancienne plantation du quartier de l’Espérance ont été mis au jour. Plusieurs sites d’« habitations » ont été repérés et font - ou feront - l’objet de fouilles. Il en est de même de cimetières tels que celui de Sainte-Marguerite où plusieurs centaines de tombes ont été mises au jour à la suite de prélèvements de sable. Il s’agirait d’un cimetière d’esclaves dont la première occupation remonterait au milieu du XVIIIe siècle et dont l’utilisation se serait prolongée jusqu’après 1850. En outre, l’Association Archéologie des Petites Antilles (AAPA) a ouvert plusieurs chantiers de fouilles tant en archéologie sous-marine que terrestre (aapa.e-monsite.com). En Martinique, des recherches archéologiques sont effectuées en collaboration avec l’équipe AIHP-GEODE de l’université des Antilles-Guyane. Depuis 1990, le Groupe de recherche en archéologie navale (GRAN) réalise l’inventaire du patrimoine archéologique sous-marin de la Martinique, avec l’aide des Conseils régional et général, et du ministère de la Culture. Il collabore au programme de carte archéologique de Guadeloupe et de Martinique. Actuellement, le Service régional d’Archéologie a recensé en Martinique plus de 500 sites de plantations/sucreries, 78 sites sous-marins, hors des sites précolombiens ou sites fortifiés (www.culture.gouv.fr/culture/archeo/martinique.htm). En Guyane, le Service régional de l’archéologie a notamment financé des recherches sur le site de la plantation Loyola (Rémire), sur celui de l’habitation Poncel (RémireMontjoly). A La Réunion, un service régional d’archéologie devrait être prochainement mis en place au sein de la DRAC. 38 Volume collectif La Route de l’Esclave, UNESCO L’archéologie sous-marine : les derniers travaux effectués dans ce domaine concernent l’île des Sables, dite « de Tromelin » dans l’océan Indien. Des campagnes de fouilles furent menées en 2006, 2008 et 2010 par le Groupe de Recherche en Archéologie Navale (GRAN) sur ces îlots afin de mettre au jour les traces de survie des soixante esclaves échoués suite au naufrage du navire de traite l’Utile de la Compagnie des Indes Orientales en 1761. Ils avaient été embarqués en vue de leur transport de Madagascar vers l’Ile Maurice. Huit d’entre eux furent retrouvés survivants lorsque le chevalier de Tromelin vint les chercher, en 1776. Le compte rendu des travaux des missions successives du projet « Esclaves oubliés » peut être consulté sur www.archeonavale.org/tromelin. Lieux de mémoire La mise en valeur de nombreux lieux de mémoire bénéficie progressivement d’une reconnaissance historique publique et de financements permettant la conservation et la promotion de plusieurs sites. Les quais de plusieurs ports négriers, tels Nantes, Bordeaux, Lorient, La Rochelle, Saint-Malo, Le Havre, Honfleur, Marseille et quelques autres, les sites portuaires de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane, de Saint-Martin, de Saint-Barthélemy et de La Réunion, des sites de plantations et usines sucrières de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane, de La Réunion font l’objet de repérages ou de fouilles archéologiques, de mesures de conservation et de rénovation. Il en est de même des lieux concernés, dans l’est de la France, par la « Route des abolitions de l’esclavage et des Droits de l’Homme » (voir en bibliographie la rubrique « Documents publiés par les musées ou à l’occasion d’expositions. Lieux de mémoire »). Guadeloupe, Martinique, Guyane, La Réunion possèdent de très nombreux lieux de mémoire ou, devrait-on dire, lieux d’histoire. Chacun de ces territoires est en fait lui-même, dans sa globalité, un lieu d’histoire et de mémoire de la traite négrière, de l’esclavage et des abolitions. Il convient en effet de souligner que la totalité de l’espace de ces territoires, ports, villes, bourgs, rues, forêts, mornes et campagnes, a été marquée par plus de trois siècles de trafics humains et d’esclavage. Sur certains sites, monuments et statues ont été érigés en commémoration de certains événements liés à cette histoire. Les quelques indications qui suivent, non exhaustives, ne concernent que les lieux historiques relevant strictement – et datant – de la période de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions. 39 Volume collectif La Route de l’Esclave, UNESCO . En Guadeloupe : ‐ les « Marches des esclaves », Petit-Canal ; ‐ le site de Matouba, Saint-Claude ; ‐ l'Habitation Beausoleil, Saint-Claude ; ‐ le Fort Louis Delgrès, Basse-Terre ; ‐ l'Habitation La Grivelière, Vieux-Habitants; ‐ l'Indigoterie de l'anse à la Barque, Vieux-Habitants ; ‐ le cachot d'esclaves de l'Habitation Belmont, Trois-Rivières ; ‐ le Fort Fleur d'Epée, Gosier ; ‐ l'Habitation La Mahaudière, Anse-Bertrand ; ‐ l’Habitation La Ramée, Sainte-Rose ; ‐ le Cimetière d'esclaves de l'anse Sainte-Marguerite ; ‐ l'Habitation Néron, Le Moule ; ‐ l’Habitation caféière Morendais, Vieux-Habitants ; ‐ l’Habitation Pirogue, Marie-Galante ; ‐ l'Habitation Murat, Marie-Galante ; ‐ l'Habitation Roussel-Trianon, Marie-Galante ; ‐ le Musée Schœlcher, Pointe-à-Pitre. . En Martinique : ‐ l’Habitation Anse Latouche, Le Carbet ; ‐ l’Habitation Pécoul, Basse-Pointe; ‐ l’Habitation Clément, Le François ; ‐ l’Habitation Céron, Le Prêcheur ; ‐ l’Habitation Beauséjour, Grand’Rivière ; ‐ l’Habitation Lajus ; ‐ l’Habitation Acajou, Le François ; ‐ l’Habitation La Frégate, Le François ; ‐ l’Habitation La Sucrerie, Les Anses d’Arlets ; ‐ l’Habitation Château-Gaillard ; ‐ l’Habitation La Gondeau ; ‐ l’Habitation O’Mullane ; ‐ l’Habitation Case Paul ; 40 Volume collectif La Route de l’Esclave, UNESCO ‐ la plantation Leyritz, Basse-Pointe ; ‐ La Pagerie, Trois-Ilets ; ‐ le Château Dubuc, Trinité ; ‐ la Poterie, Trois-Ilets ; ‐ la Bibliothèque Schœlcher. . En Guyane : ‐ l’Habitation Eléonore, près de Cacao ; ‐ l’Habitation Loyola, Rémire ; ‐ l’Habitation Vidal, Mondélice, Rémire ; ‐ le Moulin à vent de Rémire ; ‐ Mana ; ‐ Les villages de Nègres marrons de Tonnégrande. . A La Réunion : ‐ les Hauts, refuges des esclaves marrons ; ‐ le musée Villèle, habitation Panon-Desbassayns. . La « Route des abolitions de l’esclavage et des Droits de l’Homme », Pontarlier (Doubs) : Cette association en réseau implique un ensemble de lieux situés dans l’est de la France : la Maison de l’Abbé Grégoire à Emberménil ; ‐ le Château de Joux près de Pontarlier (lieu de mort en déportation de Toussaint Louverture) ; ‐ la maison d’Anne-Marie Javouhey à Chamblanc ; la Maison Victor Schœlcher à Fessenheim ; ‐ la Maison de la Négritude et des Droits de l’Homme à Champagney. ‐ . A Nantes : ‐ l’association Les Anneaux de la Mémoire a publié un dépliant intitulé « Sur les traces de Nantes port négrier ». Associations historiques ‐ Le Centre de Recherches Caraïbes-Amériques (CERCAM), Paris : 41 Volume collectif La Route de l’Esclave, UNESCO Les membres du centre de recherches Caraïbes-Amériques (CERCAM), initialement créé en 1982 en tant qu’Axe prioritaire de recherche de l’Université Paris X-Nanterre, ont formé le comité « De l’oubli à l’histoire » et déterminé un programme pluridisciplinaire de travail et de réunions/ateliers consacrés à la diffusion des connaissances de l’histoire et des cultures des populations ayant subi l’esclavage aux Caraïbes-Amériques. Le CERCAM, déjà investi dans l’écriture et la publication d’ouvrages sur ces thèmes, à caractère scientifique et pédagogique (avec le CNDP par exemple), organise des séminaires, des journées d’étude, des colloques et des expositions. Parmi les publications du CERCAM : Catalogue de l’exposition Victor Schœlcher, CERCAM, en collaboration avec le Laboratoire d’Ethnologie du Musée de l’Homme, Paris, 1994 ; les séries Cimarrons, en collaboration avec les Editions Jean-Michel Place, Paris, et Espaces Caraïbes, Université Paris XNanterre Ces différents travaux scientifiques s’adressent aux chercheurs, aux enseignants pour une part du programme, ainsi qu’à un public large (voir la bibliographie) ; www.cercam-leblog.com. ‐ Les Anneaux de la Mémoire, Nantes : L’association organisatrice de l’exposition « Les Anneaux de la Mémoire » en 1992 au Château des Ducs de Bretagne à Nantes, édite la revue annuelle Les Cahiers des Anneaux de la Mémoire depuis 1999 ; site www.anneauxdelamémoire.org. ‐ L’Association pour l’Etude de la Colonisation Européenne (1750-1850) – APECE, Paris : L’association a pour objet des activités consacrées à l’histoire des esclavages et aux processus d’abolition. Elle tient un séminaire mensuel à la Sorbonne et publie des Actes (voir bibliographie). ‐ La Société d’Histoire de la Guadeloupe, Archives départementales de la Guadeloupe. Edite un bulletin. ‐ La Société d’Histoire de la Martinique, Archives départementales de la Martinique. Edite un bulletin. ‐ La Société Française d’Histoire d’Outre-Mer : édite la revue Outre-Mers. Revue d’Histoire, et ses numéros spéciaux, sfhom.free.fr. 42 Volume collectif La Route de l’Esclave, UNESCO ‐ La Route des Abolitions de l’Esclavage et des Droits de l’Homme, Pontarlier : Groupe de cinq lieux : la Maison Abbé Grégoire à Emberménil, le Château de Joux près de Pontarlier, la maison Anne-Marie Javouhey à Chamblanc, la Maison Victor Schœlcher à Fessenheim et la Maison de la Négritude et des Droits de l’Homme de Champagney ; (www.abolitions.org et http://www.chateaudejoux.com). ‐ Le Groupe de Recherche en Archéologie Navale, GRAN : Cette association a notamment effectué des fouilles sur l’île de Tromelin (océan Indien, projet « Esclaves oubliés »). Elle a également entrepris des investigations sur le site du Havre de Trinité en Martinique, en Polynésie française, sur les traces de l’expédition de La Pérouse, aux abords de l’île de Gorée et à Valparaiso (Chili) (archeonavale.org). ‐ Mémoire St Barth : L’association propose, en ligne, des ressources dédiées à l’histoire de SaintBarthélemy : la traite négrière, l’esclavage et leurs abolitions ; www.memoirestbarth.com; ‐ L’Histoire par l’image, 1789-1939 : Un site qui, en association avec la Direction générale des Patrimoines, la Réunion des Musées Nationaux et le ministère de l’Education Nationale, « explore l’Histoire de France à travers les collections des musées et les documents d’archives » ; www.histoire-image.org; rubrique « Esclavage » ; ‐ Historun : L’association alimente un site internet, en liaison avec les Archives départementales de La Réunion, et organise conférences et séminaires sur l’histoire de La Réunion et les cultures de l’océan Indien ; www.historun.com. 43 Volume collectif La Route de l’Esclave, UNESCO Ressources pédagogique Plusieurs organismes officiels et certaines associations culturelles ont entrepris, depuis les années 1980, la réalisation de divers matériels à destination des enseignants et de leurs élèves au sujet des traites humaines, de l’esclavage et de leurs abolitions. Le Centre national de documentation pédagogique a notamment lancé le mouvement en publiant plusieurs numéros de la célèbre série « Textes et Documents pour la Classe » - « L’esclavage », n°350, 1984, par Oruno D. Lara, « Les abolitions de l’esclavage. Une longue marche », n°663, 1993, par Oruno D. Lara et Nelly Schmidt, et un film consacré à Victor Schœlcher, réalisé en 1981. La commémoration du 150e anniversaire de l’abolition de l’esclavage en 1998 puis le vote de la loi de mai 2001 qualifiant la traite négrière et l’esclavage en tant que crime contre l’humanité provoquèrent un renouveau de la mise à disposition de documents de travail pédagogique. Le CNDP et plusieurs centres régionaux s’impliquèrent dans la réalisation de supports aux divers niveaux de l’enseignement. Il en fut de même de plusieurs musées dont les fonds permirent expositions et publications sur ces thèmes. Le ministère de l’Education nationale a demandé aux recteurs, par une circulaire adressée en novembre 2005, l’observation par les enseignants d’une séance dédiée au thème de l’esclavage dans les écoles et collèges. Une circulaire du Premier ministre du 29 avril 2008 (J.O. n°0130 du 2 mai 2008) a ensuite recommandé aux recteurs et inspecteurs d’académies, au titre des « Actions éducatives », de promouvoir les ressources disponibles au sein des centres régionaux de documentation pédagogique « pour enseigner l’histoire de l’esclavage » et de solliciter en ce sens les archives, les musées et autres lieux de mémoire. Un état des lieux a par la suite été dressé, consultable sur http://eduscol.education.fr/cid45786/memoirede-la-traite-negriere-de-l’esclavage-et de leurs abolitions.html. Le CIDEM, Centre d’Information civique (www.cidem.org) a élaboré un dossier de la série « Itinéraires de citoyenneté » sur le thème « Mémoire de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions » (http://itinerairesdecitoyennete.org). Il offre, sous la rubrique « Mémoire et Histoire », un ensemble de textes, de documents et une iconographie particulièrement bien choisis. Le CIRESC (Centre International de Recherches sur les Esclavages) collabore avec les formateurs de l’IUFM de Créteil-Université Paris XII pour la constitution d’outils pédagogiques. Le programme EURESCL (http://www.eurescl.eu) met à disposition des ressources élaborées par des enseignants qui contiennent, pour diverses périodes, des informations et des textes historiques expliqués. Rappel : un colloque, Enseigner les traites 44 Volume collectif La Route de l’Esclave, UNESCO négrières et les esclavages, a eu lieu à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (Paris) en mai 2011. Plusieurs rapports furent élaborés au sujet de l’enseignement de la traite humaine, de l’esclavage et de leurs abolitions en France. Il convient par exemple de signaler l’analyse effectuée par le Comité pour la Mémoire de l’Esclavage en 2004-2005 (Mémoires de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions, rapport du CPME, Paris, Editions La Découverte, 2005), ou le rapport de l’INRP, Institut National de Recherche Pédagogique, L’enseignement de l’esclavage et des traites dans l’espace scolaire hexagonal paru en 2011 (voir les indications bibliographiques) et disponible en ligne sur www.inrp.fr. Travaux des Centres régionaux de documentation pédagogique : Plusieurs centres ont produit des dossiers relatifs à la traite négrière, à l’esclavage et à leurs abolitions, à l’intention de l’enseignement de l’histoire et du français. Ils sont répertoriés en bibliographie (voir infra, « Pour en savoir plus… »). Patrimoine et pédagogie L’esclave fut souvent représenté par les artistes. Peintres, sculpteurs puisèrent dans ce thème une inspiration particulière, de Michel-Ange à Delacroix, Géricault, ou David d’Angers. Les deux abolitions de l’esclavage proclamées par le gouvernement français en 1794 puis en 1848 donnèrent lieu à des œuvres visant à la glorification de la décision. Ces œuvres eurent également des fonctions politiques. Il en fut ainsi, en 1848, de tableaux réalisés sur commande par les peintres François-Auguste Biard (« Proclamation de la liberté des Noirs aux colonies ») ou Alphonse Garreau (« Proclamation de l’abolition de l’esclavage à La Réunion »)21 qui représentaient, devant un groupe d’esclaves tout juste libérés de leurs chaînes, les commissaires de la République tenant d’une main le décret d’émancipation et montrant, de l’autre, les instruments du travail agricole auquel ils allaient devoir se livrer sans délai. Aujourd’hui, de nombreux musées, par l’intermédiaire de leurs services éducatifs, ont ouvert des ateliers thématiques, utilisant comme vecteurs les œuvres relatives à la traite humaine et à l’esclavage qu’ils conservent. 21 Conservés au Musée du Château de Versailles pour le premier, au Musée du Quai Branly à Paris pour le second. 45 Volume collectif La Route de l’Esclave, UNESCO Centres d’archives, musées, bibliothèques, organismes gouvernementaux, expositions récentes Centres d’archives : Les Archives nationales ont publié en 2007 un Guide des sources de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions (Paris, Archives Nationales, La Documentation Française). Un instrument de travail qui complète les inventaires existant sur les fonds relatifs à ces thèmes, conservés aux Archives nationales, aux Archives nationales d’outre-mer et dans divers centres d’Archives départementales. Certains de ces derniers ont publié, dans le cadre de leurs services pédagogiques, une documentation à destination des enseignants. Il convient notamment de signaler : ‐ Archives départementales de la Guadeloupe : o Esclavage et traite négrière en Guadeloupe du XVIIe au XIXe siècle, dossier double + Cd-rom. o Les immigrations en Guadeloupe au XIXe siècle. ‐ Archives départementales de la Martinique : o L’habitation, domaine terrien des Antilles avant et après la révolution industrielle. o La Martinique au temps de la Révolution française 1789-1794. o L’immigration indienne à la Martinique. ‐ Archives départementales de La Réunion : o Bourbon, les archives de l’esclavage, 1665-1848. Musées : Un inventaire des collections nationales et régionales des objets relatifs à la traite négrière, à l’esclavage et à leurs abolitions dans les musées de France a été initié dans le cadre du Comité pour la Mémoire de l’Esclavage entre 2005 et 2006. Les premiers résultats ont été mis en ligne avec des textes de Nelly Schmidt et Françoise Vergès (http://www.comitememoire-esclavage.fr/inventaire, rubrique Culture/Patrimoine, « L’inventaire muséographique sur le site du CPME »). Parmi les musées qui possèdent des objets et œuvres d’art relatifs à ces thèmes – exposés en salles permanentes ou conservés en réserves - il convient de citer : ‐ Le Musée Régional d’Histoire et d’Ethnographie, Fort-de-France, Martinique ; 46 Volume collectif La Route de l’Esclave, UNESCO ‐ La Maison de la Canne, Trois-Ilets, Martinique ; ‐ Le Site de Fond Saint-Jacques, Martinique ; ‐ L’Ecomusée de Rivière-Pilote, Martinique ; ‐ Le Musée Schœlcher, Pointe-à-Pitre, Guadeloupe ; ‐ Le Musée des Cultures guyanaises, Cayenne, Guyane ; ‐ Le Musée Villèle, Saint-Gilles, La Réunion ; ‐ Le Musée du Quai Branly, Paris (- collections d’objets, notamment le don de Victor Schœlcher au Musée d’Ethnographie du Trocadéro, devenu Musée de l’Homme22 ; collection iconographique spécifique ; - activités sur le thème de l’esclavage), voir http://www.quaibranly.fr/fr/actualites/journee-annuelle-des-memoires-de-la-traite-del-esclavage-et-de-leurs-abolitions/le-musee-du-quai-branly-et-l-esclavage.html; ‐ Musée Dapper, Paris, Festival cinématographique «Regards sur l’esclavage : Mémoire vive» ; ‐ Musée d’Aquitaine, Bordeaux, salles permanentes pour l’exposition « Bordeaux, le commerce atlantique et l’esclavage », depuis 2009 ; ‐ Musée du Château des Ducs de Bretagne, Nantes (exposition temporaire De l’esclavage à son abolition, catalogue de l’exposition réalisée au musée (1992-1994) par l’association Les Anneaux de la Mémoire) et salles permanentes ; ‐ Musée du Nouveau Monde, La Rochelle (publication : L’esclavage dans les collections du Musée du Nouveau Monde, par Thierry Lefrançois, Editions des Musées d’art et d’histoire) ; ‐ Musée de la Compagnie des Indes, Lorient ; ‐ Musée de la Marine de Loire, Châteauneuf-sur-Loire ; ‐ Muséum d’Histoire Naturelle, Nîmes ; ‐ Musée africain, Lyon. Bibliothèques : ‐ Bibliothèque nationale de France, site Gallica ; ‐ Bibliothèque de l’Arsenal, Paris, Bibliothèque nationale de France ; Cf. Nelly Schmidt, Victor Schœlcher, Paris, Editions Fayard, 1994, annexe : Les « dons Schœlcher » et Inez FisherBlanchet, Catalogue de l’exposition Victor Schœlcher au Musée de l’Homme, à partir des dons Schœlcher, Centre de Recherches Caraïbes-Amériques, 1994. 22 47 Volume collectif La Route de l’Esclave, UNESCO ‐ Bibliothèque Schœlcher et Archives Départementales de la Martinique, Fort-deFrance, Martinique : site web « Histoire et Patrimoine. Autour de la correspondance de Victor Schœlcher », écrit par Nelly Schmidt ; ‐ Bibliothèque universitaire, Université de La Rochelle, exposition « La Route des Abolitions de l’Esclavage et des Droits de l’Homme », réalisée par l’association du même nom. Organismes gouvernementaux : ‐ Assemblée nationale : « Histoire et patrimoine », « Abolition de l’esclavage », www.assemblee-nationale.fr/histoire/esclavage/abolition.asp ; ‐ Sénat : les sites www.senat.fr/Evenements et Senatin-Junior proposent « Victor Schœlcher (1804-1893). Une vie, un siècle », écrit par Nelly Schmidt. Expositions récentes : ‐ Ville de Houilles (Yvelines, 78), exposition Victor Schœlcher, ses voyages, ses combats, ses passions, 2004 (catalogue disponible) ; ‐ Conseil général des Yvelines, Versailles (Yvelines, 78), Orangerie du Domaine de Madame Elisabeth et Ville de Houilles, Combats pour une abolition. Sur les pas de Victor Schœlcher, 2010-2011 (catalogue disponible) ; ‐ Bibliothèque Mazarine, Paris, « Les Antilles à Paris : Trésors de la Bibliothèque Mazarine », 2011 ; ‐ Musée Schœlcher, Pointe-à-Pitre, Guadeloupe, exposition de photographies « Lieux de mémoire, mémoire des lieux. Sur les traces de la traite négrière et de l'esclavage » (Philippe Monges), 2009 ; ‐ Sur le site de l’UNESCO : version française de l’exposition « Lest We Forget », Schomburg Center, New York ; ‐ Musée du Quai Branly, Paris (exposition d’objets spécifiques en 2011 à l’occasion de l’Année des Outre-Mers) ; ‐ IUFM de Nantes, exposition « Des outils pédagogiques autour de la traite et de l’esclavage », association Les Anneaux de la Mémoire, 2011 ; ‐ Secrétariat d’Etat à l’Outre-Mer, Traite négrière, esclavage, abolitions. Mémoires et Histoire, exposition conçue par Nelly SCHMIDT, Marcel DORIGNY, Marie-Hélène DUMESTE, Paris, mai 2008, publication du dossier-catalogue en 2009. 48 Volume collectif La Route de l’Esclave, UNESCO ‐ Musée d’Angoulême, exposition « Chemins d’esclaves », 2010. Enjeux et débats Le prisme colonial est particulièrement révélateur des non-dits et des lacunes qui subsistent lorsqu’on aborde les sujets relatifs à la colonisation et aux phénomènes de servitude dans l’histoire. Les a priori sont encore légions non seulement dans l’enseignement, mais aussi dans les media et dans certains milieux mêmes de la recherche. Les amalgames opérés récemment – à partir du début de ce XXIe siècle – au sujet des lois dites « mémorielles » ont éclairé les fosses béantes qui séparent encore la recherche de ses moyens de transmission vers le public le plus large. L’un des effets de la captation du passé qui se mit en place après l’abolition de l’esclavage de 1848 en France et dans les colonies françaises se manifeste encore dans les réactions de surprise, de déni parfois, quand une histoire jusqu’alors minorée, souvent édulcorée, parfois falsifiée, se propulse au rang de commémoration nationale. Ce fut le cas lorsqu’après le vote de la loi française de mai 2001 qualifiant la traite négrière et l’esclavage de crimes contre l’humanité, une journée nationale de commémoration fut fixée au 10 mai. Les débats suscités, par exemple, par l’article 4 de la loi du 23 février 2005 relatif à l’enseignement des « bienfaits » de la colonisation française - abrogé depuis - témoignent de la difficulté qu’éprouvent la France et certains pays d’Europe à se tourner vers leur passé colonial, passé de traites humaines et de réduction en servitude de millions d’individus23. Il paraît encore bien laborieux, en effet, de lever le voile sur les enjeux de la réalité coloniale et esclavagiste française alors que semblent renaître certains hymnes à la glorification de la colonisation, tant au sein du parlement français que dans certains milieux universitaires européens, et que les media sortent à peine d’une longue période d’autocensure sur ces thèmes. Comment comprendre que si certains historiens estimèrent à juste titre qu’il s’agissait là de pans entiers de l’histoire de l’humanité qu’il convenait d’étudier, de critiquer, de transmettre, d’autres jugèrent tout à fait obsolète, voire déplacée la qualification en tant que crime contre l’humanité dont traite négrière et esclavage firent l’objet ? Comment accepter que certains estiment tout à fait injustifiée l’affirmation d’un traumatisme inscrit Je me réfère notamment aux débats suscités par cet article de loi de février 2005 votée par l’Assemblée nationale française, portant que « Les programmes de recherche universitaire accordent à l’histoire de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, la place qu’elle mérite » et que « Les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, et accordent à l’histoire et aux sacrifices des combattants de l’armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit ». Voir également, concernant l’historiographie britannique, l’article de Seumas Milne, « Réhabilitation du colonialisme », in Le Monde Diplomatique, Paris, mai 2005. 23 49 Volume collectif La Route de l’Esclave, UNESCO dans le long terme, provoqué par ces événements et ressenti aujourd’hui encore par les héritiers de cette histoire ? Comment admettre que l’on ait pu méconnaître à ce point, nier parfois, l’ampleur et la longévité des séquelles liées à un système colonial dont de si nombreux aspects sont encore sensibles aujourd’hui ? La politique de l’oubli du passé mise en œuvre en 1848 et la canalisation des mémoires avaient-elles à ce point atteint leurs objectifs ? Pour en savoir plus Il s’agit là d’une sélection bibliographique en langue française. Pour une bibliographie internationale, indispensable pour situer et comparer les thèmes évoqués, voir les autres indications bibliographiques contenues dans cet ouvrage et sur le site web correspondant, ainsi que le DVD de l’UNESCO « Routes de l’Esclave. Une vision globale », éléments pédagogiques en PDF : « Asservir » et « Pour en savoir plus ». Traite négrière BARRY, Boubacar, La Sénégambie du Xve au XIXe siècle : traite négrière, Islam et conquête coloniale, Paris, Editions L’Harmattan, 1988. DAGET, Serge, Ed. , De la traite à l ’esclavage, du XVe au XVIIIe siècle, actes du colloque de Nantes, 1985, Centre d’étude du monde atlantique, Nantes, Société française d’histoire d’outre-mer, 2 vol., Paris, 1988. DAGET, Serge, La traite des Noirs : bastilles négrières et velléités abolitionnistes, Rennes, Editons Ouest-France, 1990. DAGET, Serge, Répertoire des expéditions négrières françaises à la traite illégale, 18141850, Nantes, CRHMA, 1988. 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Mémoires et Histoire, exposition conçue par Nelly SCHMIDT, Marcel DORIGNY, Marie-Hélène DUMESTE, Paris, Secrétariat d’Etat à l’Outre-Mer, mai 2008, publication du dossier catalogue en 2009. - SCHMIDT, Nelly, Victor Schœlcher, ses voyages, ses combats, ses passions, catalogue de l’exposition, Ville de Houilles (78), 2004. - SCHMIDT, Nelly, Combats pour une abolition, catalogue de l’exposition organisée à l’Orangerie de Madame Elisabeth, Versailles, Conseil général des Yvelines, France, 2010. - De l ’esclavage à son abolition, catalogue de l’exposition de l’association Les Anneaux de la Mémoire au Musée du Château des Ducs de Bretagne, Nantes, France, 1992. ‐ GIORDANI, Jean-Pierre, La Guadeloupe face à son patrimoine, Paris, Editions Karthala, 1996. ‐ NICOLAS, Thierry, « Les lieux de mémoire de l’esclavage dans les départements d’outre-mer (DOM) », EchoGéo, A la poursuite du patrimoine, 2009. ‐ La Route de l'Esclave. 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Certaines d’entre elles ont produit des documents pédagogiques, tels que par exemple : o Académie de la Réunion, CRDP : L’esclavage dans le monde des origines à nos jours, Sépia, 2006 ; Le Code Noir et autres textes de loi sur l’esclavage, Sépia, 2006 ; o Académie de la Guadeloupe, CRDP : Autour de l’esclavage, figures littéraires emblématiques de femmes, 2009. o Académie de la Martinique, CRDP : Histoire des habitations de la Martinique, 2007. o Académie de Bordeaux, CRDP : Silvia Marzagalli, dir., Comprendre la traite négrière atlantique ; o Académie de Nice : « L’esclavage, 5e » ; o Académie de Besançon : DVD Toussaint Louverture et l’abolition de l’esclavage ; o Académie de Créteil : Enseigner l’histoire de la traite négrière, de l’esclavage, des résistances et des abolitions (CNDP), 2007 ; o Maison départementale de l’éducation du Val d’Oise et CDDP du Val d’Oise : ressources et documents divers en ligne ; 61 Volume collectif La Route de l’Esclave, UNESCO o Académie de Poitiers : « La mémoire de l’esclavage et des traites négrières » ; o Académie de Versailles : « Les chemins d’une liberté, esclavage et abolitions » ; WebTV de l’Académie de Versailles : « Journée d’étude et de réflexion : la traite, l’esclavage, l’abolition » ; o Académie de Nantes, CRDP Pays de Loire : dossier « Mémoire de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions » ; o Educasources : « L’abolition de l’esclavage et les traites négrières » ; o Académie de Metz : dossier sur l’enseignement artistique et l’esclavage. Sitographie . Archives nationales d’outre-mer : www.archivesnationales.culture.gouv.fr/anom/fr . Archives départementales de la Guadeloupe : http://www.cg971.fr/archives . Archives départementales de la Martinique : http://www.cg972.fr/archives . Archives départementales de la Guyane : http://www.cg973.fr/archives . Archives départementales de La Réunion : http://www.cg974.fr/archives . Centre de Recherches Caraïbes-Amériques : www.cercam-leblog.com . Centre International de Recherche sur les Esclavages : www.esclavage.cnrs.fr . Historun, La Réunion : http://www.historun.com . Centre de recherche sur les sociétés de l’océan Indien de l’Université de La Réunion (CRESOI ): http://www.centre-histoire-ocean-indien.fr . Ensemble des dossiers et des textes de conventions internationaux sur le site du Haut Commissariat aux Droits de l ’Homme de l’ONU (Genève) : http://www.ohchr.org (/law/ slavery; / law/abolition ; / law/slavetrade ; / law/ trafficpersons ; /law/forcedlabour ; /law/ protocol traffic ; /law/childlabour). . Anti-Slavery International : http://www.antislavery.org . Human Rights Watch: http://www.hrw.org . End Child Prostitution Child Pornography and Trafficking of Children for Sexual Purposes, . ECPAT: http: //www.ecpat.org . International Labour Office, Bureau International du Travail : http: //www. ilo.org . UNICEF: http://www.unicef.org . Comité contre l ’Esclavage Moderne (France) : http: //www.esclavagemoderne.org . Amnesty International : http://www.amnesty.org 62 Volume collectif La Route de l’Esclave, UNESCO . Commission européenne, Programme Daphné, en collaboration avec l’International Organization for Migration (IOM), contre l’esclavage moderne et les trafics humains : http://www.victimes-of-trafficking.org 63