La lune témoigne de la sphéricité de la terre

Transcription

La lune témoigne de la sphéricité de la terre
La lune témoigne de la sphéricité de la terre
Marcus Manilius est un poète latin et astrologue probablement né en
Afrique du Nord qui, vers l'an 10 av. J.-C. (dans les dernières années
du règne de l'empereur Auguste) écrivit
un poème didactique en cinq livres sur
l'astronomie ancienne et l'astrologie:
les Astronomiques (Astronomica en
latin).
« S’il est étonnant pour un lecteur
moderne de voir dans un texte poétique
sur l’astrologie une démonstration de la
sphéricité terrestre, il n’en allait pas de
même dans l’Antiquité. En effet,
Manilius,
l’auteur
d’un
poème
didactique intitulé les Astronomiques,
indépendamment de la forme de son
œuvre, se devait de suivre les grands
La déesse Diane,
jalons de la tradition cosmologique. Or
associée à la lune
les ouvrages d’astronomie, tant grecs
que latins, commençaient volontiers par
l’exposé des principes généraux de cette discipline : nature de
l’univers, place et forme de la Terre, entre autres. Manilius se prête
ainsi lui aussi, mais cette fois en vers, à cet exercice. »
Émilie-Jade Poliquin, Regards sur la nature : place de l’observation dans les textes
astronomiques latins, Pallas revue d'études antiques
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Te testem dat, luna, sui glomeraminis orbis ;
Quæ cum mersa nigris per noctem deficis umbris,
Non omnes pariter confundis sidere gentes:
Sed prius eoæ quærunt tua lumina terræ;
Post, medio subiecta polo quæcumque feruntur ;
Ultima ad hesperios infectis volveris alis
Seraque in extremis quatiuntur gentibus æra.
Quod si plana foret tellus, semel orta per omnem
Deficeret, pariter toti miserabilis orbi.
Sed quia per teretem deducta est terra tumorem,
His modo, post illis adparet Delia terris,
Exoriens simul atque cadens ; quia fertur in orbem
Ventris et acclivis pariter declivia jungit,
Atque alios superat gyros, aliosque relinquit.
Ex quo colligitur terrarum forma rotunda.
Hanc circum variae gentes hominum atque ferarum
Aeriaeque colunt volucres. Pars ejus ad Arctos
Eminet , austrinis pars est habitabilis oris,
Sub pedibusque jacet nostris, supraque videtur
Ipsa sibi, fallente solo declivia longa,
Et pariter surgente viā pariterque cadente.
Marcus Manilius
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Vocabulaire sommaire
Manilius s'adresse à la lune...
Traduction
acclivius, a, um : en pente montante
aera, arum : [instruments] d'airain (de cuivre)
aerius, a, um : du ciel
ala, ae, f. : aile
austrinus, a, um : du midi
confundo, is, ere, -fudi, fusum : mélanger, mettre sens dessus dessous
declivis, is, e : en pente descendante
deduco, is, ere, -duxi, -ductum : emmener, étendre
deficio, is, ere, -feci, -fectum : cesser, manquer
Delia, ae, f. : la Délienne (surnom de la lune)
eous, a, um : oriental
gens, gentis, f. : peuple
glomeramen, inis, n. : sphéricité
hesperius, a, um : de l'ouest, occidental
infectus, a, um : pp de inficio – imprégner, teindre
lumen, inis, n. : lumière
mergo, is, ere, -si, -sum : plonger
ora, ae, f : extrémité, bord, rivage
polus, i, m. : axe du ciel
quaero, is, ere, quaesi(v)i, quaesitum : réclamer, demander
quatio, is, ere : agiter, frapper
serus, a,, um : tardif, dernier
teres, teretis : arrondi, rond
testis, is, m. : témoin
tumor, tumoris, m. : boursouflure
volvo, is, ere : rouler
La terre te fait témoin, Ô lune, de sa sphéricité, toi qui,
lorsque tu t'évanouis dans la nuit, plongée dans des ombres
noires, ne troubles pas à la fois tous les peuples par la
disparition de ton astre : ce sont d'abord les terres de l'est qui
cherchent ta lumière, puis toutes les régions qui se trouve
placées sous l'axe médian du ciel ; pour finir, tu es entraînée sur
des ailes invisibles vers les peuples d'occident, et les dernières
trompettes résonnent parmi les peuples du bout du monde.
Car si la terre était plate, la lune – apparue au même
instant pour chacun – disparaîtrait de la même façon, pleurée
du monde entier. Mais, parce que la Terre est façonnée en
forme de boule arrondie, la déesse de Délos apparaît d’abord à
telles régions, puis à telles autres, se levant, se couchant à la
fois ; parce qu'elle parcourt la courbure terrestre, elle joint les
abîmes aux sommets, et quand elle commence à dominer sur
une partie, elle cesse de dominer sur la partie voisine. D'où la
forme ronde de la terre. La surface de la terre est habitée par
diverses nations, par différentes espèces d’animaux, par des
oiseaux. Une partie s’élève vers les deux ourses ; une autre,
également habitable, s’étend vers les climats méridionaux ;
celle-ci est sous nos pieds, elle nous croit sous les siens : c’est un
effet de la pente insensible du globe, dont chaque point est dans
un sens plus élevé, dans un autre plus abaissé que celui qui le
précède.
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