Musique et téléchargement : de la répression à la

Transcription

Musique et téléchargement : de la répression à la
Samantha Dahan
Master 1 Communication des entreprises et des institutions
Année 2005/06
Musique et téléchargement : de la répression à la
responsabilisation
Analyse de la communication
Sous la direction de Mme Françoise Boursin, Professeur des Universités - Paris
IV Sorbonne/CELSA
REMERCIEMENTS
Je tiens à adresser mes remerciements à :
L’Irma qui m’a formidablement bien accueillie durant trois mois dans le cadre de mon stage
de fin d’année, et tout particulièrement à Vincent Renoir, Céline Poirier, Mathias Milliard,
Xavier Bonnot, Thomas Lemaître, Emmanuelle Coste, Gilles Castagnac et bien évidemment
à Jean-Noël Bigotti, mon rapporteur professionnel,
Alban Martin pour ses « exclusivités », son soutien et ses précieuses connaissances,
Valérie Dété du Snep pour les visuels des campagnes,
Mathieu Letellier pour sa « revue de presse »,
Les personnes qui ont aimablement participé à mes entretiens,
Les amis et les discussions qui ont nourri ma réflexion,
Violette et Perrine (qui connaissent désormais tout du sujet !) pour leur patience et leur
investissement,
Et enfin à Anne Jarrigeon pour sa disponibilité, ses conseils et la confiance qu’elle m’a
accordée.
2
SOMMAIRE
Introduction générale _______________________________________________
5
I
8
/ Le t éléc har ge me nt da ns s on c onte x te
___________________________________________
8
I / 1. 1. Qu’est-ce que le peer-to-peer ? .................................................................
8
I / 1. 2. Retour sur la polémique .............................................................................
9
I / 1. En quête de définitions
I / 2. La musique et ses supports : entre réticence et paradoxe ________________
10
I / 2. 1. Rappels historiques ...................................................................................
10
I / 2. 2. L’innovation engendre la méfiance ............................................................
12
___________________________________________
14
I / 3. 1. Les ventes de disques augmentent en volume .........................................
14
I / 3. 2. Des internautes de plus en plus nombreux ...............................................
15
I / 4. Une multitude d’acteurs _________________________________________
16
I / 3. Le contexte en chiffres
I / 4. 1. Acteurs de l’industrie musicale .................................................................
16
I / 4. 2. Le public ......................................................................................
19
Conclusion _________________________________________________________
20
II / D u
21
t out ré pre ssif …
II / 1. La menace comme vecteur de pouvoir ______________________________
23
II / 1. 1. Une campagne choquante .........................................................................
23
II / 1. 2. Des pairs accusés pour l’exemple .............................................................
26
II / 1. 3. (Sur)médiatisation et cacophonie ..............................................................
28
3
II / 2. Non au tout répressif ! ___________________________________________
32
II / 2. 1. Un public contestataire ..............................................................................
32
II / 2. 2. Des professionnels de la musique contre le Snep ...................................
36
II / 2. 3. Libérez la musique !....................................................................................
37
Conclusion ________________________________________________________
39
III / … à la responsabilisation
40
_________________________________
41
III /1. 1. « Téléchargez-nous légalement » .............................................................
41
III /1. 2. « Adopte la Net Attitude » ..........................................................................
43
III /1. 3. Les relais d’opinion
pour légitimité ...........................................................
44
III /2. Une stratégie peu convaincante ____________________________________
45
III /2. 1. Contestation du public ...............................................................................
45
III /2. 2. Adoptez la « niet » attitude ........................................................................
48
Conclusion _________________________________________________________
49
Conclusion générale ________________________________________________
50
Bibliographie _______________________________________________________
56
Annexes __________________________________________________________
59
Résumé __________________________________________________________
97
Mots-clés _________________________________________________________
98
III /1. Vers le consensus et la pédagogie
4
Introduction générale
Internet, bien que parfois encore classé dans la catégorie des nouvelles technologies n’a
plus rien de nouveau aujourd’hui. En effet, il est devenu un moyen d’information et de
communication courant à la portée du plus grand nombre. En revanche, ce qui peut être
considéré comme novateur est l’utilisation que l’on en fait dans la consommation de biens de
loisirs : musique, films, jeux vidéos, images, etc. Nous nous intéresserons pour ce mémoire
tout particulièrement aux bouleversements qu’internet a entraînés dans l’industrie musicale
française.
Jusqu’il y a quelques années, lorsque l’on souhaitait se procurer un CD, on l’achetait ou on
l’empruntait à des amis. De nos jours, grâce aux supports vierges et aux plates-formes de
téléchargement, il est possible d‘obtenir ce même disque sans passer par les canaux
habituels. C’est ce que les réseaux peer-to-peer (P2P) - littéralement « de particulier à
particulier » - proposent. Le principe est simple : il nécessite un ordinateur et une connexion
internet. Il suffit alors d’installer un logiciel, téléchargeable gratuitement et en quelques
minutes. Une fois ce client de partages de fichiers sur son ordinateur, il est possible
d’échanger de la musique et autres données à travers le monde avec les internautes
connectés et ce toujours gratuitement.
Bien entendu, vu sous un certain angle, la culture se démocratise car désormais elle est
accessible au plus grand nombre (si tant est que nous soyons égaux face à la possibilité
d’équipement), mais dans un second temps, cette même culture échappe à ses producteurs
(nous entendons par producteurs les acteurs de l’industrie - en l’occurrence ici musicale grâce auxquels un bien culturel voit le jour). En clair, pour l’industrie, tous les fichiers
musicaux qui s’échangent entre pairs sont autant de disques vendus en moins. Ces
échanges se pratiquent le plus souvent sans l’accord des artistes et donc sans rétribution
des droits d’auteur et des marges des maisons de disques.
Voila pourquoi le secteur musical mène une lutte effrénée contre ceux qu’il qualifie de
«pirates ». Voila aussi pourquoi les médias se font l’écho d’une telle affaire. L’industrie de la
musique se sent menacée par la prolifération de tels systèmes d’échanges et entend bien
les faire cesser et punir ses usagers. En face, les dits « pirates » accusés ne comprennent
pas toujours ce pour quoi on les condamne.
5
Le fait est que même si les chutes des ventes de disques sont une réalité, rien ne prouve à
ce jour qu’elles sont dues au téléchargement. Les maisons de disques et autres acteurs de
l‘industrie musicale en sont, pour la plupart, intimement persuadés. Qu’il existe ou pas une
corrélation entre le nombre grandissant d’internautes et les baisses de ventes de disques, le
débat est né de cette idée commune et demeure. Peu importe finalement que des études
infirment ou appuient cette thèse, véritable sujet d’actualité, la question du téléchargement a
envahi les médias et par conséquent a donné lieu à un véritable débat public. Tout l’enjeu
alors pour chaque acteur est de faire passer ses idées et de les défendre. Bien que les
théories en jeu ne soient finalement pas nombreuses, les prises de parole sont fréquentes,
qu’elles émanent d’institutions ou du public, qu’elles soient formelles ou pas. Cette
polyphonie et l’envie de se faire entendre créent une certaine cacophonie. Entrer dans le
débat et le comprendre sous-entend de se familiariser avec des termes extrêmement
techniques qui perdent bien souvent le public.
Ce qui nous intéresse pour ce mémoire est bien évidemment d’ordre communicationnel. En
effet, loin d’apporter une solution au problème du téléchargement et au débat en général,
nous analyserons les productions discursives des différents acteurs ainsi que les réactions
qu’elles ont entraînées dans le but d’observer si celles-ci ont été efficaces.
Nous l’avons compris, les acteurs de l’industrie musicale veulent enrayer le phénomène du
téléchargement : dissuader les curieux et stopper les adeptes. Cependant la complexité
réside dans le fait que, d’une part, il est difficile dans ce cas précis d’obtenir des
changements de comportement sans exercer de pression, et que d’autre part, ces menaces,
bien que souvent indispensables, peuvent générer des réticences voire une forte opposition.
Comment alors le secteur musical en crise peut-il atteindre les objectifs qu’il s’est fixés ?
Quel est le ton juste à adopter, entre répression et responsabilisation, pour dissuader le
public sans le braquer ?
Nous formulons trois hypothèses. La première étant que les deux stratégies (répression et
responsabilisation) ont été adoptées chronologiquement, l’échec de la première amenant à
la seconde. La deuxième hypothèse consiste à penser, qu’en effet, la répression a tendance
à porter ses fruits – quand elle est accompagnée de mise en pratique des menaces
proférées - sur les personnes sensibles à l’intimidation. Pour autant, si elle effraie une
certaine catégorie, elle pousse d’autres à s’affirmer davantage, par provocation. Dans tous
les cas, elle attaque et finalement l’agression attire l’agression. Son efficacité est limitée.
6
Enfin, la troisième hypothèse est que la répression a fait donc place à la responsabilisation,
alors plus appropriée car moins offensive. Pour obtenir des changements de comportements
de la part du public, une des solutions envisagées est de lui faire prendre conscience de ses
actes sans l’incriminer, de le faire agir sans véritablement le forcer mais plutôt encourager
son libre-arbitre et son esprit civique.
Pour étudier les interactions et prises de paroles des différents acteurs, nous avons, dans un
premier temps, constitué un corpus d’articles de presse et sites dédiés au sujet (cf. annexe I)
et l’avons analysé en nous appuyant sur les travaux de M. Yves Jeanneret 1 sur l’affaire
Sokal. Il traite, en effet, dans son ouvrage – à partir d’une évaluation des textes - de la façon
dont les médias se sont réapproprié une polémique et l’ont alimentée ; et il met en évidence
une certaine technicité, confusion et redondance des discours. Toutes ces similitudes avec
le cas du téléchargement font de l’affaire Sokal un texte de référence.
Afin d’éclairer notre travail, nous avons également étudié les campagnes de communication
officielles sous un angle sémiologique. Cela a consisté en un repérage et une analyse des
marques d’énonciation des visuels et des textes les accompagnant.
Enfin, nous avons mené dix entretiens auprès du public afin de savoir ce qu’il savait du
débat, si de toute cette polyphonie médiatique ressortait quelque chose de cohérent et de
compréhensible, et afin de connaître l’impact des campagnes anti-téléchargement sur lui.
Ces individus ont été choisis au hasard dans les rues de Paris, tous âges et classes sociales
confondus, leur seul point commun étant leur goût pour la musique.
Pour répondre à notre problématique, nous avons volontairement décidé de ne pas nous
concentrer sur un seul acteur, émetteur des discours officiels. En effet, analyser uniquement
le discours des sociétés civiles, par exemple, qui prennent davantage la parole aurait conduit
à ignorer les réactions et positionnements des autres acteurs (artistes et public) qui tiennent
une place prépondérante dans le débat et constituent un élément incontournable dans la
problématique qui nous intéresse.
Ce mémoire se découpe donc en trois parties. Etant donnée la complexité du sujet, il nous a
semblé indispensable de consacrer une première partie aux enjeux du débat : définitions,
rappels historiques, acteurs en jeu…. La deuxième partie analyse les discours et actions en
faveur du tout-répressif et enfin la troisième, la transition vers la responsabilisation. Chacune
des deux dernières parties s’articule en deux temps : les prises de parole et les réactions
qu’elles ont suscitées.
1
Yves JEANNERET. L’affaire Sokal ou la querelle des impostures. Vendôme : PUF, 1998.
7
I / Le téléchargement dans son contexte
Avant d’entrer concrètement dans une analyse communicationnelle du phénomène du
téléchargement, il nous semble indispensable de définir les termes récurrents, jargon
technique, anglicismes, etc. qui ont tendance à éloigner les novices et à rapprocher les
initiés ; et de présenter plus en détail la situation : définitions, rappels historiques, chiffres,
acteurs en jeu… Si les enjeux semblent aussi opaques aujourd’hui c’est parce que le
langage employé est spécifique, très technique et fait appel à des connaissances que très
peu d’internautes lambda ont, à moins de se passionner pour le sujet et de faire l’effort
personnel de rechercher l’information ou le sens des mots.
I / 1. En quête de définitions
I / 1. 1. Qu’est-ce que le peer-to-peer ?
Notion maintes fois entendue, le peer-to-peer (P2P) - qui signifie littéralement de pair à pair
ou de particulier à particulier (nous emploierons plus volontiers le mot pair) – est le mode qui
permet d’échanger des fichiers entre particuliers via des plates-formes de téléchargement
qui
ne nécessitent
aucun
intermédiaire.
L’échange se produit
donc
directement
d’ordinateur(s) à ordinateur(s). Ces fichiers peuvent tout aussi bien être des vidéos, des
images, des logiciels, de la musique… Ce mode de fonctionnement est de plus en plus
rapide et totalement démonétisé, selon le principe même de l’échange ou du troc. Pour
pouvoir accéder aux données d’un pair, il faut, en principe, accepter de laisser à disposition
certains de nos fichiers afin que les autres internautes puissent atteindre le contenu de notre
disque dur. Le principe est donc simple et ne nécessite que l’installation d’un logiciel, lui
aussi gratuit.
Le premier de ces logiciels à avoir émergé est Napster en 1999, non sans créer de scandale.
Bien entendu, les internautes attirés par la gratuité et la facilité d’utilisation se sont intéressés
à cette nouvelle façon de consommer la musique. Le phénomène prenant de l’ampleur, les
maisons de disques se sont alarmées, voyant poindre une menace pour leur industrie. C’est
8
alors qu’en 2001, elles ont gagné le procès intenté contre Napster pour n’avoir pas respecté
les règles du copyright 2.
Depuis, Napster a disparu, du moins sous cette forme, mais d’autres logiciels sont apparus
comme eMule et Kazaa (pour ne citer que les plus connus) et le phénomène n’a pas faibli,
au contraire, avec les connexions de plus en plus rapides que proposent les fournisseurs
d’accès à internet (F.A.I.) et le nombre d’internautes grandissant, les téléchargements
augmentent également.
I / 1. 2. Retour sur la polémique
Ce qui pose réellement problème aujourd’hui à certains artistes et maisons de disques, c’est
le fait que ces échanges s’effectuent sans leur consentement et de façon non monétisée
(donc sans reversement des droits d’auteur et des marges pour leurs maisons de disques).
L’argument qu’avancent alors lesdits « pirates » est que ces échanges, certes gratuits, ne
sont pas plus nuisibles à l’industrie du disque que ne l’étaient les enregistrements sur
cassettes audio de morceaux passés à la radio ou que l’emprunt de CD auprès d’amis ou de
sa bibliothèque. Pour eux, internet et les réseaux peer-to-peer ont plusieurs vertus. Tout
d’abord, sur les réseaux d’échanges, on peut trouver tout aussi bien le dernier tube à la
mode qu’un vieux standard de blues disparu des rayons de grandes surfaces depuis
longtemps ou encore l’enregistrement d’un concert exclusif. Cette diversité semble faire
défaut aux autres canaux de diffusion : radios, grandes surfaces, sites légaux. Ensuite, le
peer-to-peer est l’occasion de découvertes de nouveaux talents et laisse sa place à tous les
artistes qu’ils soient signés chez une major ou autoproduits. Et enfin et surtout, cela
représente un moyen de découverte et de diffusion large qui donne au public l’envie d’aller
voir les artistes en concert, d’investir dans des produits dérivés, voire de devenir membre
privilégié d’une communauté de fans et par ce biais soutenir l’artiste dans sa promotion. En
effet, malgré les baisses des ventes de CD, les salles de concert ne désemplissent pas. Le
spectacle occupe une place de plus en plus prépondérante.
Ces échanges de fichiers représentent donc un manque à gagner pour l’industrie musicale.
Tout l’enjeu pour elle est alors de les faire cesser et d’orienter les « pirates » vers d’autres
solutions.
2
Le copyright donne à l'auteur d'un travail de création le droit exclusif de contrôler la reproduction de l'œuvre
(…).Ce droit consiste généralement en l'exclusivité de réaliser et vendre des copies de l'ouvrage, d'en faire des
ouvrages dérivés, de présenter l'ouvrage en public, et de vendre ou transférer ces droits à d'autres. Définition de
Wikipédia : http://fr.wikipedia.org
9
Plusieurs études empiriques ont été menées, notamment aux Etats-Unis, sur les effets du
téléchargement sur les ventes de disques. Toutes ont montré que s’il y avait corrélation entre
les deux, elle restait minime et n’expliquait qu’en partie les crises du marché.
Parmi elles, celle d’Eric S. Boorstin3 montre que les conséquences du téléchargement
varient en fonction de l’âge. Sur les internautes de moins de 25 ans, les conséquences sont
négatives car ils achètent moins de disques, par contre l’effet sur les plus de 25 ans est
positif. Ceci pourrait s’expliquer par le fait que les personnes âgées de moins de 25 ans
appartiennent à la génération du gratuit et du zapping. En effet, un individu qui a toujours
consommé de la musique gratuitement n’a pas d’habitude d’achats et de ce fait, il ira plus
volontiers télécharger un titre plutôt que d’acheter un album entier. L’étude d’A. Zentner4
(réalisée sur 15 000 individus dans 7 pays européens), met l’accent sur une corrélation
positive entre téléchargement et achats de disques.
I / 2. La musique et ses supports : entre réticence et paradoxe
Quasiment à chaque nouvelle invention technologique, l’industrie musicale a réagi avec
méfiance car elle voyait une menace se profiler. Les nouveaux supports ont sans cesse été
perçus comme des ennemis capables de renverser l’industrie tout entière. Dans un second
temps, ces apparitions engendrent un certain paradoxe car ce sont les majors elles-mêmes
qui fabriquent les appareils de lecture et supports vierges, boucs émissaires de leur
réticence.
I / 2. 1. Rappels historiques 5
On peut distinguer trois grandes ères dans l’histoire des supports : celle du « disque », du
numérique et enfin celle de la dématérialisation.
L’invention du phonographe en 1877 par Thomas Edison marque la naissance de la musique
enregistrée. En 1920, sa production est concurrencée par la radio dont le coût est quasiment
nul pour l'auditeur et qui de plus ne diffuse pas seulement de musique. Le phonographe est
complètement évincé. Les premiers disques apparaissent dans les années 30. C’est en 1936
que le 78 tours remplacera le rouleau de cire. Une manipulation plus aisée, un prix moins
élevé et enfin l’ouverture de la musique à la « masse populaire » font de lui un support très
3
Eric S. BOORSTIN. Music sales in the age of file sharing. Princeton : Thesis, 2004
A. ZENTNER. Measuring the effect of music downloads on music purchases. University of Chicago, 2004.
5
D’après le site : http://net.for.free.fr/maxirecords
4
10
apprécié. Etant double face, le temps de musique sur ces supports est de plus doublé. Le 78
tours sera suivi en 1934 de la bande magnétique, essentiellement utilisée par les
professionnels : maisons de production, studios, stations de radio et télévisions. Le disque
microsillon, appelé aussi disque vinyle, a été mis au point aux États-Unis en 1948 par la
firme Columbia : impression plus facile et production à moindre coût et en grandes quantité.
Avec cinq titres par face, le 33 tours offre enfin une couverture musicale assez longue. Le
disque 45 Tours voit le jour en 1950, il a connu plusieurs versions, du deux titres au maxi 45
tours double face.
C’est en 1953 qu’est créé le premier support vierge réenregistrable : la cassette magnétique.
Inventée par Philips, la cassette est le premier support sur lequel la copie audio devient
possible. Répondant à une forte demande, la copie privée est née et les ayants droit
commencent la lutte contre la copie. La société "Audio Fidelity" lance sur le marché les
premiers 33 tours stéréophoniques en 1956. Progressivement, toutes les grandes firmes s'y
intéressent (RCA, Decca, EMI, Mercury, Telefunken...). Jusque là tout le monde y pensait
mais personne n'osait s'y lancer, l'industrie ne voulait pas d'une nouvelle guerre des
standards.
La télévision vole aux ondes radio leurs programmes en y ajoutant l'image. Les émissions de
radio se rabattent donc sur la musique, qu'elles diffusent 24 heures sur 24, lui assurant une
forte promotion. De plus, la fabrication des disques s'améliore encore. Les pochettes de
disques passent à la photographie couleur. Les disques sont très résistants.
Les cassettes préenregistrées (1965) sont mises en vente. Philips, qui les a créées deux ans
auparavant, encourage les autres compagnies à utiliser sa licence.
Les supports numériques remplacent rapidement les supports traditionnels. Aussi, le CD (ou
compact disc), lancé en 1981 par Philips et Sony au Japon, est présenté comme étant la
perfection et est adopté comme standard international. Il est inusable (ou presque), ce qui
est catastrophique sur le plan économique. Il arrive en France en 1983. Sony lance le
baladeur (walkman). La première bande audio numérique (DAT) est commercialisée au
Japon en 1987. Elle améliore la reproduction et la conservation du son.
Pour la première fois, en 1988, les ventes de CD aux Etats-Unis dépassent celles des
disques vinyles qui commencent à disparaître des magasins.
Dès 1991, le vinyle disparaît du circuit commercial de type "grande distribution". Il reste
distribué, mais de façon marginale. L'ensemble des majors annonce l'arrêt de fabrication du
45 tours (au profit de la "cassingle" - cassette à deux titres) puis du 33 tours un an plus tard.
11
Le Mini-Disc qui apparaît en 1992 est le support moderne par excellence. Petit, protégé par
une enveloppe plastique, réenregistrable un million de fois, avec la possibilité d’associer du
texte aux données audio. Il possède les avantages de la cassette (la copie) en version CD
(numérique et réinscriptible).
Une autre innovation marque la fin du XXème siècle, il s’agit de l’apparition des premiers
graveurs de CD-R (CD enregistrables) en 1995. On peut maintenant copier la musique avec
tous les avantages du CD, ce qui pose (comme avec la cassette enregistrable à son époque)
le problème des droits d'auteur.
Enfin, le premier DVD (Digital Versatile Disc) apparaît sur le marché en1996, il est capable
d’emmagasiner un grand nombre de données informatiques vidéo et audio.
Avec l’avènement d’internet une ère nouvelle a vu le jour : celle de la dématérialisation. La
piraterie musicale sur Internet (utilisant le format MP3) est assez importante pour
commencer à ébranler l’industrie du disque.
En 1999, un étudiant américain de 18 ans crée « Napster » pour échanger des fichiers MP3
avec ses amis, qui dès sa mise en ligne sur le site download.com connaît un véritable
succès. Napster disparaît en 2001, suite au procès qui lui a été intenté, mais de nouvelles
plates-formes selon le même modèle voient le jour. Avec cette émergence, on constate dans
un même temps que les ventes de disques diminuent.
I / 2. 2. L’innovation engendre la méfiance
Toutes ces innovations ont déclenché des réactions de la part des acteurs de l’industrie ainsi
que des crises du secteur, nous les analyserons en nous appuyant sur le travail de Marc
Bourreau et de Benjamin Labarthe-Piol 6.
En 1877, la naissance de la musique enregistrée est marquée par l’invention du
phonographe (cylindre en étain) par Thomas Edison. En 1880, Graham Bell l’améliore et
crée le
graphophone (cylindre en cire). Pour ces deux inventeurs, la finalité de leurs
appareils n’est pas l’enregistrement de musique. C’est la Columbia Phonograph Compagny,
en 1888, qui sera la première à l’utiliser pour la reproduction musicale. L’allemand Berliner
dépose en 1887 le brevet pour le gramophone, révolutionnaire dans le sens où l’utilisation
6
Marc BOUREAU : économiste, maître de conférence à l’ENST, Département EGSH / Department of
Economics et Benjamin LABARTHE-PIOL : étudiant à l’université Paris-Dauphine, auteurs de l’article publié
in. "Réseaux", vol. 22, n°125, 2004 : Le peer-to-peer et la crise de l’industrie du disque : une perspective
historique.
12
de disques de zinc et non plus de cylindres permet de dissocier reproduction et
enregistrement, d’où la possibilité alors de reproduire des disques à un coût bien moindre.
S’entame alors une guerre entre le disque et le cylindre (gramophone vs. phonographe). Le
gramophone s’est finalement imposé.
- 1ère crise :
C’est l’arrivée de la radio en 1920 qui va conduire l’industrie du disque à sa première crise
car celle-ci propose de la musique gratuite et correspond à une baisse des ventes de
phonogrammes. Puis très vite, la radio ne représente plus seulement une concurrente de la
musique enregistrée mais également un moyen de promotion formidable pour les artistes.
Les ventes de disques augmentent alors petit à petit.
Dans un deuxième temps, en 1948, le 33 tours apparaît suivi du 45 tours, ce qui crée la
confusion chez le consommateur et entraîne une baisse des ventes de disques. Le 33 tours
(ou microsillon) plus noble que le 45 tours, qui lui se prête mieux à la variété, devient le
standard de référence.
D’autres facteurs vont contribuer à relancer le marché, notamment l’apparition de la bande
magnétique, la baisse des coûts de production et de distribution assurée par les 45 tours,
l’innovation technique et l’arrivée du rock’n’roll.
Pendant ce temps, les maisons de disques indépendantes se regroupent afin de réaliser des
économies d’échelles dans la distribution.
- 2ème crise :
A la fin des années 70, de nouveaux loisirs entrent en concurrence (magnétoscope et jeux
vidéo) et l’offre est en baisse (désintérêt pour le disco). Mais la cassette audio enregistrable
est désignée comme unique responsable de la baisse des ventes, allant même jusqu’à faire
l’objet d’une campagne de sensibilisation aux Etats-Unis (« les copies sur cassettes tuent la
musique »). Les maisons de disques demandent alors des reversements sur les ventes de
supports vierges. En parallèle une étude montre que ces consommateurs de cassettes sont
les plus gros acheteurs de disques. Si les profits de l’industrie musicale restent faibles c’est
en partie aussi à cause des investissements marketing colossaux. Puis le marché connaît un
essor avec l’arrivée des CD et la création de MTV et des walkman.
La crise due à l’arrivée d’un nouveau support (cassette audio) a été contrôlée grâce à
l’innovation, celle du CD (meilleure qualité).
13
- 3ème crise :
L’arrivée de Napster sur le marché en 1999 est le point de départ de la troisième crise
rencontrée par l’industrie. Les échanges de fichiers MP3 sur les réseaux peer-to-peer
corroborent avec les chutes de ventes de disques. Pour certains, cette évolution pourrait
s’expliquer aussi par la fin du cycle de vie du CD, que connaît tôt ou tard tout support
musical, et le développement de nouveaux loisirs.
Deux réactions stratégiques ont été adoptées par l’industrie du disque : d’ordre technique
(mise en place de DRM - Digital Rights Management - qui empêchent, entre autres,
l’encodage en MP3 mais fait en même temps disparaître les avantages de ce format :
écouter de la musique sur tous supports) et d’ordre juridique (procès) ainsi que la mise en
place de nouvelles offres (sites de téléchargement légaux).
I / 3. Le contexte en chiffres
I / 3. 1. Les ventes de disques augmentent en volume
Selon une enquête IFOP7 réalisée pour le Snep (Syndicat National de l’Edition
Phonographique) concernant les ventes d’audio au détail au premier trimestre 2005, nous
constatons une augmentation en volume de 10,4% contre une baisse de 8,4% en valeur par
rapport à 2004. Ceci peut s’expliquer notamment par la baisse des prix des CD.
Cette étude montre également que les bénéfices sur les ventes de disques réalisés par les
grandes surfaces alimentaires (GSA) sont plus importants que ceux réalisés par les grandes
surfaces spécialisées (GSS) : 58,4% de part en volume contre 41,6%. Les formats longs
(albums) se vendent beaucoup mieux que les formats courts : leur part (en volume) a
augmenté de 13,8% alors que celle des singles observe une chute de 1,6%. Les singles
étaient à la base destinés à promouvoir les albums, mais cette stratégie marketing, trop
coûteuse est en passe d’être abandonnée. La vente des titres à l’unité sur internet devrait se
substituer à celle des singles.
7
Etude réalisée sur la base d’un panel de 1000 points de ventes de détail hors vidéos et ventes en kiosque.
14
Néanmoins, les chiffres différent lorsqu’il s’agit de vente en gros (auprès des distributeurs).
Toujours selon le même institut, les pourcentages augmentent alors en valeur et en
volume de respectivement 5,8% et 16,3%.
Cette enquête se conclut de façon positive, les producteurs peuvent être confiants puisque
« l’année 2005 s’ouvre donc sur un marché en meilleure forme que les offres légales de
téléchargement en ligne devraient logiquement dynamiser ». Néanmoins, l’institut prône la
prudence car cette bonne santé apparente du marché de gros « ne marque en France qu’un
rattrapage de la politique de réduction drastique des mises en place menées en 2004». Il
faut donc espérer que cette embellie dure. Enfin, l’accent est mis sur le fait que les ventes
en magasins restent fragiles et que la progression en volume n’a pas entraîné
d’augmentation des bénéfices car elle est due à une baisse des prix importante : -17% pour
les albums et -23% pour les singles.
I / 3. 2. Des internautes de plus en plus nombreux
Le nombre d'internautes ne cesse de progresser. Selon une étude Médiamétrie 8 réalisée en
février 2005, ils représentaient
47,9 % de la population française (soit 24 580 000
personnes) contre 42,8 % au même mois de l’année 2004, ce qui représente une évolution
positive de 11%. Près d'un français sur deux est donc internaute. Parmi eux, plus de la
moitié a une connexion haut débit à domicile. Entre 2004 et 2005, la part des foyers
d'internautes français connectés au haut débit est passée de 52,4% à 66,9%, soit une
évolution égale à + 48%.
Dans le top 30 des internautes, eMule apparaît en 19ème position comme étant l’un des sites
devant lesquels ils passent le plus de temps, sachant qu’en moyenne les Français ont passé
17h39 minutes sur internet en février 2005.
L’institut a réalisé cette même étude en avril 2005. Elle révèle que 48,7% des Français ont
déclaré s’être connectés au moins une fois à internet au cours du dernier mois, quel que soit
le lieu de connexion. 69,5% d’entre eux se sont connectés de leur domicile grâce à une
connexion haut débit. En avril 2005, le temps passé par visiteur à domicile et / ou sur le lieu
de travail sur le web est de 19h03 minutes. EMule se retrouve en 24ème position dans le top
30.
En l’espace de trois mois, les chiffres ont considérablement évolué. Le nombre d’internautes
est passé de 24 580 000 à 25 234 000. Les personnes connectées au haut débit
15
représentent désormais 69,5% contre 66,9%. Le temps passé sur internet, lui, a connu un
essor fabuleux, passant de 17h39 à 19h03. Enfin, eMule observe une chute dans le
classement de cinq places.
Bien entendu, les chiffres peuvent varier d’un mois à l’autre en fonction de l’actualité. Le
mois de mai, par exemple, a été marqué par la déclaration de revenus en ligne, d’où
l’explosion au niveau du temps passé sur le web. Cependant, l’évolution positive que connaît
internet depuis son apparition, n’est certainement pas près de s’arrêter. Les prix de plus en
plus compétitifs et la vitesse de connexion de plus en plus rapide devraient encourager de
nouveaux foyers à s’équiper.
I / 4. Une multitude d’acteurs
La forte polémique oblige les acteurs à prendre la parole régulièrement et à s’affronter par le
biais des médias. De ce fait, même si deux « camps » s’affrontent, les idées à l’intérieur de
chacun divergent. Certains se disent pour le téléchargement et contre la répression,
d’autres contre le téléchargement mais également contre le tout-répressif. D’autres encore
contre le peer-to-peer et favorables aux stratégies répressives. A cause de la cacophonie
ainsi engendrée, il est par conséquent très difficile d’identifier les positions de chacun des
acteurs. D’autant qu’eux-mêmes ne sont pas très cohérents dans leur démarche, mais ce
phénomène sera analysé plus en détail dans la deuxième partie.
Cette rapide présentation permet cependant d’y voir un peu plus clair et de déceler les
positions dominantes de chacun.
I / 4. 1. Les acteurs de l’industrie musicale
•
Les maisons de disques et les artistes
A la base du débat, les maisons de disques ont été les premières à dénoncer les réseaux
peer-to-peer et à ainsi lancer la polémique, comme nous l’avons vu précédemment avec
Napster aux Etats-Unis. Parmi elles, les plus virulentes sont les majors. Leur nombre n’a
cessé de diminuer, elles sont aujourd’hui quatre (EMI, Sony Music-BMG, Universal Music et
Warner Music) à se partager un monopole mondial. Les maisons de disques et labels
indépendants, eux, ne sont pas toujours si engagés en faveur de la lutte contre le
8
Enquête réalisée par Médiamétrie – L’Observatoire des Usages Internet – auprès de 1000 personnes âgées de
plus de 11 ans, interrogées par téléphone tous les mois.
16
téléchargement, car la plupart n’est pas confrontée à cette crise. (Pour mieux comprendre
les liens qui unissent les différents acteurs et les modes de rémunération cf. annexe II et III).
Si les artistes sont les principaux concernés par le phénomène, ils se font pourtant assez
discrets. Rares sont ceux qui prennent la parole. Plusieurs raisons peuvent expliquer cela,
comme le souligne un article du Nouvel Observateur9 dans un numéro consacré au sujet.
Les prises de position des artistes sont frileuses car lourdes de conséquence : certains
s’affichent en faveur du téléchargement légal dans le but de conserver de bonnes relations
avec leurs maisons de disques, d’autres au contraire, se disent favorables au peer-to-peer
pour créer un courant de sympathie à l’égard de leur public. Le tabou et les rapports d’argent
empêchent donc toute clarté. Il est difficile dans ce cas d’avoir une cohérence de ton quand
on sait que derrière tous ces discours se cache la voix de l’industrie musicale : à savoir tous
les réseaux et entreprises au service de la musique : artistes, producteurs, managers,
techniciens, distributeurs… Cette ambiguïté transparaît et à tendance à embrouiller quelque
peu le consommateur. D’autant que ces artistes font également partie du public, leur double
statut les empêche de prendre une position claire.
•
Les sociétés civiles (ou sociétés de gestion collective)
Ce sont des sociétés de perception et de répartition des droits dont la mission première est
d’aider et de défendre les acteurs de l’industrie musicale, par conséquent leur prise de
position concernant le téléchargement est nécessaire. Leurs discours bien que différents,
s’orientent vers la même idée : faire cesser les téléchargements illégaux et relancer ainsi
l’industrie du disque.
Il faut distinguer aujourd’hui deux types de sociétés de gestion
collective : celles conçues par et pour des auteurs-compositeurs et éditeurs, et celles qui
permettent d’assurer une meilleure perception et distribution des droits voisins au droit
d’auteurs, ces dernières concernant donc les producteurs et les artistes interprètes (cf.
schéma annexe IV).
Parmi elles, les principales sont :
- Les sociétés d’artistes :
L’Adami (Société civile pour l'administration des droits des artistes et des musiciens
interprètes) gère les droits des artistes interprètes et consacre une partie des droits perçus à
l’aide à la création, à la diffusion et à la formation.
9
Stéphane ARTETA et Doan BUI. «Libérez l@ musique », p.10 in : Le Nouvel Observateur n°2100 – du 3 au 9
février 2005.
17
La Spedidam (Société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes
musique et danse) perçoit et répartit entre les artistes-interprètes les sommes générées par
les droits qui leur sont reconnus par le code de la propriété intellectuelle concernant la
rémunération pour copie privée, la rémunération équitable et les droits généraux.
L’Adami et la Spedidam sont les sociétés civiles les moins virulentes. Elles entendent en
effet participer à la lutte contre le téléchargement mais sont totalement opposées à toute
forme de répression. Du côté des artistes, elles déplorent les actions répressives mises en
place.
- Les sociétés de producteurs :
La Sacem (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique) a pour vocation de
protéger, représenter et servir les auteurs compositeurs et éditeurs de musique
Elle collecte les droits d’auteur et les redistribue aux ayants droit. Elle promeut et soutient la
création musicale sous toutes ses formes. Malgré sa position, elle est de l’avis des
producteurs dans ce débat.
Le Snep (Syndicat national de l’édition phonographique). Branche française de l’Ifpi (la
fédération internationale de l’industrie phonographique). Ses membres sont des fabricants,
des
producteurs
et
éditeurs
de
phonogrammes,
des
distributeurs
exclusifs
de
phonogrammes, des producteurs, distributeurs et éditeurs exclusifs de vidéomusiques. Son
engagement militant et sa position fortement marquée en faveur de la répression font de ce
syndicat un des acteurs leaders du débat.
La Scpp (Société civile des producteurs phonographiques) est une société de perception et
de répartition des rémunérations perçues pour le compte de ses membres auprès des
utilisateurs de phonogrammes et de vidéomusiques . Parmi ses membres, de nombreux
producteurs indépendants et de grandes sociétés internationales comme Sony BMG, EMI,
Universal et Warner. « La SCPP a également pour mission la lutte contre la piraterie
musicale sous toutes ses formes, ou plus précisément l’action en justice pour faire cesser
toute infraction visée à l’article 426-1 du Code Pénal (nouvel article L.335-4 du CPI) aux
droits reconnus par la loi du 3 juillet 1985 et par les conventions internationales » 10 .
Les sociétés de producteurs indépendants :
10
Propos recueillis sur le site de la Scpp : http://www.scpp.fr/
18
La Sppf (Société civile des producteurs de phonogrammes en France). Créée pour répartir
les droits des producteurs indépendants, c’est aussi un outil de réflexion projeté sur l'avenir
du métier de producteur de phonogrammes. A sa tête, Pascal Nègre, également président
d’Universal Music France, remarqué pour ses prises de position radicales en faveur du toutrépressif.
L’Upfi (Union des producteurs phonographiques français indépendants) fédère les 70
principaux producteurs indépendants français. Fédérer et centraliser toutes les actions
permettant à la production et à la distribution indépendante française de se développer.
Le Snep et l’Upfi ont signé un contrat d’objectifs communs afin, principalement, de lutter
contre la piraterie. Leur positionnement est très marqué, comme en témoigne ces quelques
lignes issues du site du Snep
11
: « Le Snep et l'Upfi considèrent que la piraterie musicale en
ligne, via les pratiques d'échanges de fichiers illégaux est la cause majeure de la crise que
connaît la production phonographique ».
Les sociétés de producteurs que nous venons de citer sont toutes engagées dans la lutte
contre le téléchargement et ont tendance à opter pour le tout-répressif. Elles s’unissent
régulièrement pour mener des actions et sont très actives dans la défense des droits de
leurs membres.
I / 4. 2. Le public
Comme nous l’avons vu, les internautes sont de plus en plus nombreux, ce qui ne veut pas
dire pour autant que tous téléchargent de la musique de façon illégale. Il est impossible de
déterminer un nombre, car le principe même du peer-to-peer est totalement opaque, du
moins ne permet pas une évaluation précise de ses adeptes. Une enquête révèle pourtant
que nous serions près de 8 millions à avoir téléchargé de cette façon au moins une fois et la
Fédération Internationale de l'industrie Phonographique (Ifpi) affirme qu’environ 800 millions
de fichiers musicaux sont disponibles sur les réseaux P2P.
Nous pouvons classer la population selon :
- Les internautes
- qui utilisent les réseaux peer-to-peer (occasionnellement / très fréquemment)
- ceux qui ne sont pas adeptes (opposés au système ou utilisateurs potentiels).
- Les personnes non connectées à internet et parmi elles :
- celles qui se positionnent pour le téléchargement dit illégal
- celles qui se positionnent contre et
11
http://www.disqueenfrance.com
19
- celles qui n’on pas d’avis sur la question.
Nous apprendrons à mieux connaître ces publics grâce aux entretiens que nous allons
mener.
Conclusion
Au vu de ce rapide état des lieux, nous pouvons repérer qu’un climat de tension s’est
instauré entre les différents acteurs de la relation. Si au départ le débat opposait
indépendants et majors (David contre Goliath), il s’est aujourd’hui déplacé pour confronter
industrie musicale et « pirates » et placer l’un et l’autre dans des catégories bien distinctes,
presque hermétiques qui semblent empêcher tout dialogue.
Mais la crise actuelle n’a rien d’exceptionnel, elle rappelle celles survenues à chaque
innovation, synonyme de méfiance pour l’industrie (lors de l’arrivée de la radio ou encore des
cassettes audio), à la différence près que cette fois l’évolution est double car elle se situe au
niveau des supports mais également à celui de la promotion. La dématérialisation de ce bien
de divertissement qu’est la musique amène l’industrie à repenser ses modèles et à admettre,
sinon la fin, du moins la désaffection progressive que suscite aujourd’hui le CD.
S’il est vrai que les ventes de disques connaissent un fort déclin depuis quelques années qui
correspondent à l’explosion d’internet, aucune étude ne prouve cependant de lien entre ces
deux facteurs. Néanmoins, les acteurs leaders de l’industrie musicale pensent, à tort ou à
raison, que le téléchargement est la cause de leur mauvaise santé financière. Par
conséquent, ils élaborent différentes stratégies dans le but de faire cesser ces échanges.
Dans un premier temps, les industriels ont voulu intimider les internautes frauduleux, ils ont
choisi d’opter pour le tout-répressif.
20
II / Du tout répressif…
Afin de pousser les internautes à cesser tout échange de fichiers de façon non légale, les
syndicats et institutions ont utilisé le ton de la répression voire de la culpabilisation. Ce
procédé est employé dans bon nombre de cas lorsqu’il s’agit de sensibiliser le public à des
questions graves. Nous pensons en particulier aux campagnes d’intérêt public contre le
tabac, celles concernant la sécurité routière ou encore les problèmes de santé liés la
nutrition. Le leitmotiv de ces campagnes est toujours, ou presque, basé sur cette
culpabilisation et place le consommateur dans une position indélicate et abaissante.
Dernièrement, l’INPES (Institut national de prévention et d'éducation pour la santé) a lancé
une campagne sur le tabagisme passif. Deux spots télévisés sont diffusés régulièrement, ils
sont déclinés en affichage (dans des lieux public) et à la radio. Un des spots met en scène
une petite fille entourée d’un monticule de cigarettes représentant tout le tabac qu’elle a
consommé chez elle de façon passive12. Le ton est grave et incriminant : « Quand vous
fumez à côté d’un non fumeur, il fume aussi ». Les parents, destinataires du message, se
voient ainsi accusés de mauvais traitement et d’irresponsabilité.
Autre exemple, les campagnes de la Sécurité Routière. La dernière en date, « Attachez votre
ceinture à l’arrière » (mars 2005), représente une famille en voiture : à l’avant les parents et
derrière leurs deux garçons. Ils discutent de choses et d’autres, il règne une bonne humeur
générale. Un texte apparaît et la voix off le prononce : « Dans cette voiture, quelque chose a
été oublié ». On comprend qu’il s’agit certainement d’une publicité de la Sécurité Routière,
on pense donc tout naturellement aux ceintures. Pourtant on a beau y regarder de plus près,
tout le monde est attaché. Après un silence, la voix reprend : « Vous avez trouvé ? ».
Soudain, un bruit de frein perçant se fait entendre et un des enfants percute le pare-chocs.
La mère hurle. « La ceinture du passager arrière » nous répond-t-on.
12
Spot visible sur le site de l’Inpes, au lien suivant : http://www.inpes.sante.fr/index.asp?page=30000/31148.htm
21
Ces deux exemples mettent en exergue que pour espérer faire agir, les annonceurs ont
souvent besoin de recourir à cette logique de la peur voire de la terreur. Les termes peuvent
sembler forts, toutefois c’est bien de cela dont il s’agit lorsque est mise en scène la mort
d’enfants par la faute des parents. Les publicitaires utilisent alors ce levier dans l’espoir
d’éveiller les consciences et de modifier les comportements, mais ce procédé utilisé de façon
récurrente a tendance à irriter les personnes visées qui se sentent jugées et dévalorisées.
D’autant qu’il ne peut être efficace que lorsque les comportements à changer sont reconnus
nuisibles et les conséquences chiffrables, ce qui n’est pas le cas du téléchargement.
Néanmoins, les syndicats ont choisi la répression pour faire changer les habitudes des
consommateurs. La logique de la peur et de la culpabilité agit alors comme vecteur d'un
pouvoir. De quelle façon s’en sont-ils servis? Leur méthode a-t-elle été efficace ?
.
22
II / 1. La menace comme vecteur de pouvoir
Si l’avènement du téléchargement remonte à quelques années, les actions de
communication, quant à elles, sont récentes. Les professionnels touchés par le phénomène
ont en effet tardé à réagir. Les premières campagnes sont
par conséquent à l’heure
actuelle, peu nombreuses. Ceci étant, elles ne sont pas les seuls moyens utilisés par
l’industrie musicale pour tenter de faire passer son message. Plusieurs actions répressives
ont été mises en place dans le but de dissuader les usagers du peer-to-peer. De plus, les
médias et le public ont tant relayé l’affaire, que la communication autour du sujet se fait
naturellement.
II / 1. 1. Une campagne choquante
C’est donc selon ce processus de culpabilisation qu’a été construite la campagne du Snep
(cf. annexe V), parue dans la presse quotidienne nationale et régionale en mai 2004. On
pouvait y voir une main dessinée, doigts repliés, majeur tendu et l’accroche suivante : « La
musique gratuite a un prix », avec plus bas un rappel concernant la peine encourue en cas
de non-respect du code de la propriété intellectuelle (‘’3 ans d’emprisonnement et 300 000
euros d’amende’’). Cette affiche n’a laissé personne indifférent. Bien que peu visible dans la
presse, le visuel n’a pas manqué de susciter les émois des personnes qui l’ont croisé ! Un tel
ton, une telle audace de la part d’une institution comme le Snep a en effet de quoi choquer.
Le syndicat s’est ainsi mis à dos le public et n’a fait que relancer la polémique déjà vive.
Comment répondre à une agression ? Par l’attaque, semble être l’avis du Snep. Si les
internautes ne paraissent pas savoir les torts qu’ils causent en téléchargeant illégalement de
la musique, le Snep se charge de le leur faire comprendre en adoptant leurs mauvaises
manières. Oui, sauf que pour la plupart de ces personnes, télécharger de la musique n’a rien
de criminel et certainement rien qui mérite une telle « agressivité » et une telle « vulgarité »,
tels ont été les mots repris dans les forums ou par les médias suite à cette campagne.
Le geste parle de lui-même, cependant il mérite quelques explications.
23
Le visuel est très frappant. Si l’objectif premier d’une campagne de communication est
d’accrocher le regard, le pari est gagné pour celle-ci ! Cela est bien évidemment dû à la
présence du doigt d’honneur, mais pas seulement. Le choix des couleurs accentue cette
agressivité. En effet, le rouge, le noir et le blanc sont les couleurs utilisées par les
anarchistes et les révolutionnaires, de manière générale par les contestataires. Ces teintes
sont chargées de symboles historiques : avec la Révolution, le rouge devient le symbole du
peuple révolté. Au XXème siècle, cette même couleur est étroitement associée à l’histoire du
communisme. Elle n’est pas seulement propre aux drapeaux des pays socialistes, mais
aussi aux acteurs d’événements décisifs : aux gardes rouges de la « Révolution d’octobre »
par exemple. En mai 68, drapeaux rouges des trotskistes et des maoïstes et drapeaux noirs
des anarchistes se côtoient. Ces deux couleurs sont cependant ambivalentes. On retrouve
en effet le rouge et le noir dans le drapeau des nazis et le noir est aussi emblématique du
fascisme (Chemises noires).
Il faut davantage, ici, interpréter ce choix de couleurs comme une volonté de rester dans la
lignée de la lutte des syndicats, car il ne faut pas oublier que le Snep en est un. Ces trois
couleurs réunies représentent le combat, la contestation et reflètent donc parfaitement sa
position. En effet, lorsqu’on observe les affiches anarchistes et syndicalistes (cf. annexe VI)
on note certaines similitudes avec ladite campagne : les couleurs - dont on vient de parler puis la main tendue. Sur beaucoup de ces visuels, les personnages ont le bras levé et le
poing fermé en signe de contestation. Bien que la position des doigts soit différente, la
présence de la main n’est pas sans rappeler ces affiches. Ce clin d’œil fait aux affiches
contestataires est là pour rappeler que le Snep se bat en faveur des artistes et de leurs
droits et qu’il est prêt à aller jusqu’au bout dans ce combat, jusqu’aux poursuites judiciaires
s’il le faut.
Le fait que le Snep ait choisi un dessin très schématique plutôt qu’une photographie n’a rien
d’anodin. En effet, ce dernier adoucit la violence du geste et rappelle les affiches de mai 68
qui utilisaient des formes très épurées, minimalistes, bien souvent de deux seules couleurs.
Cette campagne a donc la simplicité de construction des visuels militants. Peu chargée, elle
se comprend rapidement et facilement. Le message est court et direct. Pas besoin
d’argumentation, les personnes visées savent de quoi il retourne. L’objectif est d’une part
d’attirer l’attention de tous les publics et d’autre part de dissuader les pairs de continuer à
télécharger illégalement de la musique.
La simplicité de la construction (trois blocs de texte) ne met que plus en valeur le contenu
des propos. Le texte, en réserve (blanc sur fond noir ou rouge) ressort davantage. Il apparaît
dans des cases qui rappellent les espaces réservés aux utilisateurs pour taper les mots-clés
24
de leur recherche, notamment ceux des réseaux peer-to-peer. Le premier encart textuel
(www.partager.mp3) est une fausse adresse de site de partages de fichiers, censée
représenter tous les réseaux de téléchargement illégal.
Le découpage de l’accroche en deux blocs renforce le message. La première partie, dans la
case internet (« la musique gratuite ») peut représenter les mots-clés saisis par l’internaute
et l’autre (« a un prix »), la réponse du Snep. Enfin, le dernier paragraphe, rappelant le code
de la propriété intellectuelle, arrive comme une réponse définitive à tous les usagers
frauduleux.
La typographie pixélisée, utilisée pour cette annonce, fait penser à l’écriture informatique. Le
haut de casse choisi pour l’accroche (« La musique gratuite a un prix ») connote l’injonction,
voire l’agressivité. Les variations des différents corps de police visent à faire ressortir les
informations importantes.
Ce visuel est d’autre part très polysémique car le doigt d’honneur peut-être perçu de deux
façons. Il représente dans une premier temps - on le comprend lorsqu’on voit la main
derrière les barreaux d’une prison – le pair, qui par son attitude désinvolte et irrespectueuse
attaque l’industrie musicale. Or, une seconde lecture peut émerger : les producteurs
phonographiques font un doigt d’honneur au public, du moins à celui qu’ils considèrent
comme « pirate ». Cette ambiguïté, peut-être non voulue par les créateurs du visuel, a été en
tout cas ressentie par la plupart des personnes auxquelles nous l’avons montré.
L’image de militant engagé et déterminé que se donne le syndicat est positive si l’on se
positionne en tant qu’artiste mais devient nettement moins valorisante si - comme la plupart
des personnes visées – on fait partie du public amateur de musique. Cette double vision
rappelle la théorie dite « des faces »13 (développée depuis la fin des années 70 et inspirée
du sociologue E. Goffman14) selon laquelle tout individu possèderait deux faces : une face
négative (l’intériorité) et une face positive (ce que l’on représente). Lors d’un échange
locuteur / interlocuteur, on considère qu’il y a donc quatre faces en présence. Pour faire en
sorte de ne pas nuire à une face lorsqu’on en valorise une autre, il faut composer, faire des
compromis. Dans le cas de la campagne du Snep, ce dernier valorise sa face positive en se
donnant, on l’a vu, une image de combattant. En revanche, la face positive du destinataire,
elle, est égratignée. Pour se mettre en avant, le syndicat a dévalorisé l’image du public en
l’incriminant. Ce choix, le met finalement dans une position inconfortable et place le débat
dans une configuration manichéenne : les gentils sont donc les acteurs de l’industrie
13
Dominique MAINGENEAU. Analyser les textes de communication. Belgique : Lettres Sup., Nathan
Université, 2003.
14
Erving GOFFMAN. Les rites d’interaction. Trad. fr. Paris : Editions de Minuit, 1974
25
musicale : artistes, éditeurs, producteurs… ainsi que les personnes qui ne téléchargent pas
illégalement et les méchants sont les « pirates », d’où le choix du qualificatif. On nous
propose donc une répartition nette entre les deux camps : celui des gendarmes et celui des
voleurs. Le fait est que peu de personnes se sentent assez concernées par le débat au point
de se ranger dans l’une ou l’autre de ces deux catégories. De ce fait, les positions
intermédiaires (majoritaires) ont été exclues du débat et ne se sont pas senties visées ni par
les campagnes, ni par les moyens de répression mis en place. Pourtant ces messages
s’adressaient en réalité à eux. Le « pirate », identifié comme tel, continuera à télécharger,
car la conscience qu’il a de ses actes fait de lui un rebelle qui agit dans des buts précis et n’a
pas l’intention d’évoluer tant que les majors ne trouvent pas de solutions satisfaisantes. Par
contre, le public qui télécharge peu et occasionnellement (ou pas encore) sans réelle
conscience de la nuisance que cela pourrait entraîner, a sans doute plus de raisons de
cesser si l’on s’adresse à lui. Pour autant ceux-là ne sont pas les destinataires principaux de
ces campagnes.
II / 1. 2. Des pairs accusés pour l’exemple
Les réseaux peer-to-peer existent grâce à la présence de gros usagers ‘altruistes’ (appelés
hubs) qui fournissent leurs fichiers à d’autres qui ne laissent parfois rien à disposition. Si ces
personnes-là disparaissaient des réseaux, ces derniers chuteraient fortement. Or, en France
du moins, l’industrie musicale a décidé de s’attaquer à des « petits » consommateurs, afin de
créer une identification forte de la part du public. Pour appuyer leurs campagnes de
sensibilisation, les syndicats et maisons de disques ont intenté des procès envers des pairs
ordinaires, issus de toutes classes sociales et dont la consommation n’est pas excessive.
C’est alors qu’un instituteur ou qu’une chômeuse - monsieur et madame tout-le-monde en
somme -
ont été inculpés et menacés des peines prévues par le code de la propriété
intellectuelle (CPI). Parmi ces personnes, certaines ont été médiatisées, entraînant la
méfiance, voire la paranoïa des autres usagers. Selon Pascal Nègre, "il n'y a pas plus
d'injustice ou de bouc émissaire dans cette histoire que quand un automobiliste en excès de
vitesse se fait pincer par un radar". Voici quelques « pirates » pris au hasard, pour l’exemple.
Les gendarmes sont entrés chez Alexis B., instituteur, le 18 août 2004 afin d'y saisir son
matériel informatique. L'analyse des disques a confirmé les soupçons et la Scpp s'est portée
partie civile. La Snep et la Scpp ont demandé plus de 28 000 euros de dommages et intérêts
là où le procureur n'en demandait que 1500 avec la confiscation du matériel informatique.
Cet instituteur a fait beaucoup parler de lui certainement d’une part, grâce à sa profession
qui confère un certain sérieux et une crédibilité et d’autre part, parce que sa condamnation
est apparue aux yeux de beaucoup comme une condamnation pour l’exemple. Pour se
26
rendre compte de l’ampleur de l’engouement qu’a suscité son histoire, nous avons tapé
« Alexis + B + peer » sur un moteur de recherches, nous nous sommes alors aperçue que
son cas est repris sur plusieurs sites : des spécialisés (01net.com, pcinpact.com, génération
MP3…) aux blogs (celui de zdnet.fr ou encore du monde.fr, …) en passant par des sites
d’information générale (20 minutes, Journal du net, …).
Anne-Sophie, chômeuse de 27 ans, accusée d’avoir téléchargé 1 500 morceaux sur les
réseaux peer-to-peer, est condamnée à 3 ans d’emprisonnement et 300 000 euros
d’amende, autrement dit la peine maximale prévue par le CPI. En dehors de la une de
Télérama, elle est également apparue dans plusieurs émissions télévisées : Le 6 minutes
sur M6, Le journal télévisé de France 2, Soyons direct sur M6, J'y vais, j'y vais pas sur
France 3 et France Europe Express toujours sur France 3. Son histoire a été reprise à
plusieurs occasions, notamment par les défenseurs du téléchargement libre.
Un jeune homme de 22 ans, habitant de Rodez, a finalement été relaxé après avoir
téléchargé près de 500 films, parce que le code de la propriété intellectuelle prévoit que l’on
puisse avoir des copies privées et parce que le procès n’a pas porté sur la provenance de
ces fichiers.
La liste est loin d’être exhaustive. Depuis 2002, on estime à plus de 400 le nombre
d’internautes ayant fait l’objet d’un rapport de gendarmerie. Dans le cadre de la "lutte contre
la piraterie musicale sur Internet", le département de la lutte contre la cybercriminalité de
Rosny-sous-Bois (composé de neuf gendarmes spécialisés) a transmis à lui seul 120
affaires de piraterie musicale au parquet en 2003 et plus d’une cinquantaine en 2004. En
raison du délai des enquêtes et de l’instruction, la grande majorité de ces rapports de
gendarmerie n’ont pas encore donné lieu à des procès. En France, toutes les unités de
gendarmerie peuvent se saisir des affaires de téléchargement sur internet, en vertu de la loi
sur la contrefaçon de 1957, sans avoir besoin qu’une plainte soit déposée au préalable par
un ayant droit ou une société d’auteur. La gendarmerie applique sur internet le système des
radars sur la route. L’infraction est constituée dès qu’un morceau est mis à disposition ou
téléchargé illégalement. La répétition de l’infraction semble être l’élément déterminant, le
volume de données étant secondaire.
Les sociétés d’auteurs peuvent également lancer des poursuites en faisant appel à des
agents assermentés. Suite à la réforme en août 2004 de la loi informatique et libertés de
1978, ils pourront bientôt constituer des fichiers d’infraction. A ce jour, les sociétés d’auteur
ne peuvent pas constituer ce genre de fichiers puisqu’elles doivent faire une demande
d’autorisation préalable auprès de la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des
libertés). De plus, il faut compter environ un mois avant que la commission ne donne son feu
27
vert. La Cnil et l’industrie musicale doivent d’abord se mettre d’accord sur les principaux
critères (données sur l’internaute, fréquence du téléchargement…).
Dans cette politique du bâton, l’industrie musicale a besoin de complices capables de
coincer les malfrats. C’est alors que les fournisseurs d’accès se voient contraints de
transmettre les coordonnées des abonnés qu’ils ont attirés avec des arguments de vitesse
de connexion (700 demandes d'identification d'abonnés par mois auprès des FAI français).
Leur position est donc très ambiguë et frise, pour certains, l’hypocrisie. "C'est une rupture
mais aussi, in fine, une couverture. En transmettant l'information, les FAI ne sont plus tenus
pour responsables" note un spécialiste du secteur dans le magazine en ligne l’Internaute 15.
Mais les amendes et menaces tardent à se mettre en place. Le cas du jeune homme de
Rodez, finalement relaxé, rassure les internautes. Celui-ci ayant réussi à prouver que ces
disques gravés étaient des copies privées, se voit épargné. De plus, rien n'est clair et le
terme même de « copie privée » reste à définir en ce qui concerne le P2P, comme le
prouvent les jugements contradictoires qui se succèdent dans ces procès. Les
condamnations interviennent surtout pour l'échange et/ou la revente de données piratées.
II / 1. 3. (Sur)médiatisation et cacophonie
Ces menaces judiciaires et procès envers les pairs se multipliaient en même temps que les
unes des journaux et émissions. Tous ces cas ont été fortement médiatisés et ont eu un
impact sur le reste des Français. Se croyant jusqu’ici hors d’atteinte, ils réalisent qu’ils
pourraient très bien être à la place de ces pairs sur le banc des accusés.
Si au départ le sujet n’intéressait que les médias spécialisés, il s’est vite propagé à tous les
supports, les plus généralistes soient-ils. Ainsi Télérama a fait sa une la semaine du 23
octobre 2004 avec Anne-Sophie, la fameuse RMiste dont nous parlions plus haut. Le Nouvel
Observateur a consacré un numéro spécial au sujet en février 2005. A la veille du Midem,
Radio France a programmé un spécial « Téléphone sonne », … . La liste est longue.
Bien entendu, l’angle adopté varie d’un support à l’autre en fonction que l’on s’adresse au
public des magazines féminins ou à celui d’une revue spécialisée dans l’informatique. Nous
avons donc analysé chacune de ces diffusions (cf. extrait tableau annexe VII) selon le
modèle inspiré de l’étude de M. Yves Jeanneret. Nous observerons les différentes prises de
position selon les supports, le choix du vocabulaire, le degré d’énonciation, le niveau de
technicité, etc. Au total, notre corpus est constitué de huit articles et de six sites internet (cf.
28
corpus annexe I). Les critères d’analyse portent sur la forme (disposition, illustration,…) et le
fond (auteur, prise de position, polyphonie,…)
La plupart des articles sont sous forme d’enquêtes ou de dossiers (6 articles sur 8). La
moyenne se situe entre trois et quatre pages par article. Ils sont annoncés en une ou font la
couverture dans cinq cas sur huit. On s’aperçoit donc que le téléchargement nécessite un
traitement de fond et que de plus il est devenu un véritable phénomène d’actualité
intéressant le plus grand nombre.
L’entretien est une forme assez usitée pour traiter le sujet (3 articles). Tous les journalistes
reprennent les propos des acteurs leaders sous forme de citations ou d’interviews. Zic
Boom, par exemple, dans « Internet, musique et Adami », consacre une double page à
l’interview du trésorier de l’Adami. L’article de Libération, « Musique sur le net : Les fausses
notes du payant » cite les propos de différents acteurs : Pascal Nègre, François Monboisse
(Fnacmusic), Jérôme Roger (DG de l’Upfi), Marc Thonon (patron d’Atmosphériques, label
indépendant). Généralement la parole est donnée à toutes les parties : majors,
indépendants, sociétés civiles… Les articles sont le plus souvent des collectes de discours
des acteurs leaders mis en forme et habillés par le journaliste.
L’intertextualité est
également utilisée pour citer des textes de loi (code de la propriété intellectuelle) ou encore
d’autres revues ayant traité du sujet. L’appel du Nouvel Obs. est évoqué dans plusieurs
papiers.
Les illustrations représentent, dans la majorité des cas, les personnes interviewées. Leur
présence sert sans doute à contrebalancer avec la froideur du medium et de la technologie
en général. Ces visages humanisent le débat.
Les principaux angles adoptés, dans l’ordre, sont les suivants : juridique, économique et
technique. La place n’est quasiment pas laissée aux préoccupations d’ordre artistique ou
humain. En ce qui concerne les auteurs, pour les trois généralistes (Libération, Le Nouvel
Observateur et Télérama), il s’agit de journalistes de renom soit par leur fonction soit parce
qu’ils sont spécialistes du domaine. Pour Libération, il s’agit de Florent Latrive, journaliste
économique du quotidien mais également co-éditeur et auteur d’un livre sur le P2P16. Dans
Télérama, un des chapeaux est rédigé par Marc Jézégabel, directeur de la rédaction, et les
articles sont d’Emmanuel Tellier, rédacteur en chef adjoint de la rubrique « Musiques, arts et
spectacles ». Enfin, le Nouvel Observateur a fait appel à deux de ses journalistes
15
16
http://www.linternaute.com, selon un dossier réalisé par Ludovic Desautez le 24 janvier 2003
Florent LATRIVE. Du bon usage de la piraterie : culture libre, sciences ouvertes. Mayenne : Editions Exils,
2004.
29
spécialistes du sujet : Stéphane Arteta et Doan Bui, initiateurs de l’appel "Libérez l@
musique !".
La quasi-totalité des journalistes (7 sur 8) prend position dans le débat, de façon plus ou
moins directe. Aucun ne soutient la stratégie du tout-répressif, qu’ils jugent extrême et
démesurée par rapport au problème. Le ton est souvent engagé, contestataire et très
cynique : « Et les majors de pleurer avec les mêmes arguments », « faire rager Pascal
Nègre sur des plateaux télé » (Glamour), « permet de détourner l’attention d’un véritable
enjeu : la guerre sur le montant des droits d’auteur, sur leur répartition (…) », « hypocrisie »
(Le Nouvel Observateur), « au-delà de son aspect bouffon » (Libération), etc.
Les sites sélectionnés sont au nombre de six. Bien entendu, les supports traitant du sujet
sont, comme dans la presse, très variés. Cependant sur internet, la qualité rédactionnelle
varie d’un site à l’autre, selon qu’il s’agisse d’un blog, d’un site personnel ou du support
internet d’un quotidien. Pour cette raison, nous avons uniquement analysé les versions web
de médias d’actualité reconnus : Le Monde, 20 minutes, Le Nouvel Observateur et Le
Journal du Net.
Au vu des sources choisies, il est bien évident que le genre récurrent est l’article
d’information. Néanmoins, la neutralité suggérée n’est pas toujours respectée. La moitié des
journalistes adopte un ton engagé et prend position. Le journaliste du Nouvel Observateur
parle de « la plus grande hypocrisie » en ce qui concerne les FAI. Toujours dans le même
magazine, un autre journaliste emploie un ton très cynique : « fort Alamo », « shérif fais-moi
peur » qui tend à tourner en ridicule les majors et leur combat. 20 minutes, quant à lui,
qualifie l’« industrie du disque » comme « dépassée »
Les angles technique et économique reviennent le plus fréquemment (trois articles chacun),
l’aspect juridique est évoqué à deux reprises et enfin un seul article traite du culturel.
En ce qui concerne les auteurs, on retrouve Stéphane Arteta et Doan Bui pour le Nouvel
Observateur, leurs deux spécialistes du sujet. Quant aux autres, il s’agit de journalistes
permanents.
Les propos rapportés sont très nombreux. On constate que les journalistes font souvent
allusion aux mêmes personnes : les représentants de société civiles, de majors, des
distributeurs, des instituts d’études… Bref, la parole est donnée à tous les acteurs du débat
et à tous ceux qui peuvent apporter des éléments éclairants sur le sujet. Sur le site du
Nouvel Observateur, par exemple, l’article « Musique : des majors pas très net » du 27 mai
2004 fait allusion à une dizaine d’acteurs : Idate (société d'études), Apple, Sony France,
Universal, Virgin France, Lagardère Plurimedia…
Après analyse du corpus, nous pouvons établir plusieurs constats.
30
On s’aperçoit tout d’abord que la préoccupation principale n’est pas d’ordre artistique. Rares
sont les articles qui font référence à la musique en tant que patrimoine culturel ou qui
prennent en compte le point de vue des artistes. Généralement les journalistes adoptent des
angles économiques ou juridiques : véritables préoccupations du public et des acteurs en
jeu. Ensuite, nous pouvons noter également que les articles consacrés au téléchargement
sont très riches : nourris de beaucoup de citations, de définitions, d’intertextualité… De ce
fait, ils se présentent très souvent sous la forme de dossiers ou d’enquêtes. Le troisième
point qu’il est intéressant de souligner, est que le débat anime même les journalistes qui ont
du mal à rester neutres et à ne pas prendre partie. Leur ton est souvent sarcastique voire
cinglant envers les acteurs en faveur du tout répressif.
Cette surmédiatisation, loin d’apporter un éclaircissement au débat, a entraîné la confusion
du public. En effet, lorsque nous avons commencé à nous intéresser au sujet du
téléchargement, nous nous sommes confrontée à un problème de compréhension dû à
l’extrême technicité des termes employés. Dans un deuxième temps, il nous a été très
difficile de nous faire une idée précise de la position à adopter. D’un côté, télécharger de la
musique sans l’autorisation des artistes est illégal et irrespectueux ; de l’autre, certains
spécialistes du sujet affirment que cet échange n’a rien de nuisible à l’industrie du disque.
Des artistes eux-mêmes avouent télécharger. Dans cette zone de non droit qu’est internet, il
est de plus, quasiment impossible de créer une cohérence au niveau des procès. Certains
sont relaxés quand d’autres se voient infliger la plus haute peine.
Certains journalistes, ayant perçu cette confusion du public, se sont attelés à construire des
articles clairs, rappelant le fonctionnement du peer-to-peer et les principales définitions à
connaître, ainsi que les enjeux du débat. Pour autant, puisque cette polémique ne repose
que sur des études empiriques et non sur des faits concrets et vérifiables, il est difficile
d’avoir une vision juste de la situation actuelle. La polyphonie dans les médias a amené à
des contradictions qui elles-mêmes ont conduit à une certaine cacophonie.
Cette cacophonie commence à être identifiée comme telle par les médias. Aussi le 14 février
2005, Florent Latrive et Bruno Massi écrivent dans Libération un article à ce sujet : « P2P :
les artistes en pleine cacophonie ». Ils y pointent du doigt le fait que les artistes eux-mêmes
« écartelés entre le refus du flicage et le désir de vivre de leur création » se sentent perdus
et ont du mal à adopter une position claire et tranchée.
31
II / 2. Non au tout-répressif
Les réactions vives suite à la politique de répression mise en place par l’industrie musicale
ont émané de toute part, aussi bien du public que des artistes, en passant par les sociétés
civiles.
II / 2. 1. Un public contestataire
•
Le public des entretiens
Nos entretiens ont été menés auprès de dix personnes choisies au hasard, auxquelles la
question filtre suivante a été posée : « Ecoutez-vous de la musique ? ». Bien que la réponse
à cette question semble a priori évidente et commune à tous, il nous a semblé important de
la poser, pour justement éviter de tomber dans des préjugés qui consistent à penser que tout
le monde est forcément amateur de musique.
Un guide d’entretien a été établi au préalable (cf. annexe VIII), mais bien entendu les
questions étaient différentes en fonction des réponses apportées par les sondés. Ce guide
se découpe
en
deux
parties,
la première
renseignant
sur
leurs
habitudes
de
« consommation » et leur connaissance de la polémique et enfin une seconde, portant sur
les visuels des campagnes.
Pour ce qui est des actions en faveur du tout-répressif et de la campagne du Snep, voici ce
que nous avons pu observer.
Les personnes interrogées, ont été seulement deux à reconnaître le visuel du Snep pour
l’avoir déjà vu auparavant. Parmi elles, une seule semblait réellement le connaître.
Celles qui découvraient l’annonce pour la première fois ont immédiatement réagi : « Oh la
vache ! », « C’est vulgaire ! », « Très agressif », « Désagréable »…
La plupart a reconnu que le rappel du CPI (code de la propriété intellectuelle) donnait à
réfléchir.
Bien que certaines personnes reconnaissent avoir éprouvé quelques craintes au début de la
médiatisation de ces affaires, elles téléchargent aujourd’hui en toute impunité. Le réel
32
déclencheur a été la mise en application des menaces et les personnes, qui au hasard, ont
été désignées comme exemples à ne pas suivre. Mais là encore les conséquences sur le
public n’ont pas duré. Lorsqu’on l’interroge sur la question des poursuites judiciaires, il
répond que, d’une part, sa consommation n’est pas excessive et que, d’autre part, il a
« entendu dire que maintenant on ne risquait plus rien en téléchargeant ».
« Je ne pense pas être la cible de ce genre de pubs », ou encore « Je ne me sens pas
visée » sont des propos que nous avons recueillis à plusieurs reprises. « Pour moi, on est
intouchable, y en a qui font pire ! » affirme Nathalie, 23 ans, professeur des écoles. Il est vrai
que la consommation des personnes rencontrées, n’a, selon leurs dires, rien de démesuré.
Cependant, nous l’avons vu, celle des individus jugés actuellement non plus. Malgré ces
similitudes, le public a du mal à se projeter à la place des accusés. Il est invincible car
prudent : « on n’y va pas trop », « je fais attention de ne pas le laisser (l’ordinateur) tourner
toute la nuit ».
Pour résumer l’impact de la campagne du Snep, et à travers elle celle du tout-répressif, nous
pouvons donc dire qu’il y a eu un manque de visibilité, que le ton provocateur a choqué, que
finalement personne ne se sent réellement concerné, et que donc ses effets ont été limités.
•
Internet comme lieu de contestation
Les réactions n’ont pas tardé à se faire entendre sur internet, notamment sur les blogs (sites
de discussion libre entre internautes).
Anne-Sophie est devenue en très peu de temps l’icône du « pirate » ordinaire. Suite à son
interpellation, plusieurs internautes ont réagi :
« C'est vraiment dégueulasse et ignoble ce qui lui arrive ainsi qu'aux autres avant
elle. Tout ça parce qu'elle a téléchargé de la musique. Pourquoi ne pas arrêter les
vrais criminels qui eux tuent et violent sans aucun remord ? »
« Je n'ai pas de mots assez forts pour exprimer mon indignation face au traitement
que subit Anne-Sophie (…)». 17
Pascal Nègre, président d’Universal Music France et de la Scpp (Société civile des
producteurs phonographiques) est la bête noire des pairs. Figure emblématique, il s’est
clairement opposé au peer-to-peer. Les internautes s’en donnent à cœur joie, Pascal Nègre
est devenu leur tête de turc :
17
Réactions recueillies sur le site : http://p2p.over-blog.com/
33
« Je suis fatigué d’entendre Pascal Nègre et ses poulains et pouliches pleurer et
tenter de nous émouvoir sur leur sort. Les pauvres ils perdent des ventent à cause du
téléchargement... . La copie qui se distribue gratuitement a toujours existé,
rappelons-nous des tonnes de cassettes vierges que nous achetions tous pour copier
les disques des copains. Pourtant les disques se vendaient… car ils étaient
meilleurs». 18
« Ah si, j’allais oublier, heu, Pascal N., t’es toujours un con, je ne t’avais pas
oublié ».19
Le site lamusiquenapasdeprix.com propose même une rubrique pour suivre « les aventures
de Pascal Nègre » en vidéo20. Ses films amateurs représentent un théâtre inspiré de
Guignol, où le patron de la major tient le rôle du policier. Il y est représenté comme un
dirigeant sans scrupule qui produit des artistes selon la tendance du marché et dans un
objectif uniquement financier et non artistique.
•
« La culture n’a pas de prix »
Un plagiat de la fameuse campagne (cf. annexe IX) remplaçant le majeur dressé par l’index
et l’auriculaire et signé par un certain Korben, a circulé sur internet. L’adresse du site
imaginé par cet internaute : www.vaches-à-lait.snep. Les mêmes codes couleurs, la même
construction ont été repris. Le texte est une réponse directe au Snep et commence ainsi :
« Vous nous vendez de la musique de qualité médiocre à des prix exorbitants ». Le ton est
donné. Le dernier encart s’adresse aux partisans du téléchargement libre et gratuit :
« Mes frères et sœurs de « consommation », si comme nous tous, vous en avez assez
de payer pour de la merde, que vous trouvez les CDs trop chers, et que vous ne tolérez
pas que la « grande et puissante » industrie du disque vous menace… »
Ce texte empreint de cynisme et de sarcasme montre bien la rivalité entre les pairs et
« l’industrie du disque », plus précisément les majors. Le téléchargement est alors un moyen
de protester contre les politiques marketing qui poussent, selon lui, ces maisons de disques
à produire des artistes, sans souci de qualité et à des prix excessifs. Plus qu’un moyen de
consommer de la musique, les réseaux peer-to-peer sont devenus des lieux de rébellion et
de contestation
18
Propos recueillis sur le site : http://blogs.zdnet.fr/
19
Propos recueillis sur le site : http://labile.canalblog.org
http://www.lamusiquenapasdeprix.com/guignol/index.php
20
34
•
« La musique n’a pas de prix »
Les Audionautes 21, en réaction à la campagne du Snep qu’ils qualifient d’ « injurieuse », ont
créé un site : http://www.lamusiquenapasdeprix.com, sur lequel tous les titres du label sont
proposés en téléchargement libre et gratuit. Les auditeurs décident après écoute de soutenir
financièrement l’artiste ou pas, soit en achetant le disque soit en faisant des dons libres.
L’initiative de ce site a été évoquée par Sylvie Krstulovic sur le site ratatium.com, également
très engagé en faveur de la musique libre.
•
Music 3.0 : des interventions passionées.
Le 20 avril dernier, nous avons assisté à une conférence sur le sujet à la Mairie du 3ème
arrondissement de Paris (cf. verbatim annexe X, également disponible sur le blog d’Alban
Martin22). Parmi les intervenants se trouvaient : Tariq Krim (auteur d'une étude pour l'Adami
sur les modèles économiques pour la musique en ligne), Alban Martin (diplômé d'HEC,
auteur du livre " The Entertainment Industry is Cracked, Here is the patch!" sur la co-création
de valeur possible entre les majors et les consommateurs), Sylvie Krstulovic (diplômée
ESSEC et auteur d’un mémoire intitulé «les stratégies de différenciation des fournisseurs
d’accès à internet dans la distribution de musique en ligne».), Grégory Olivier (directeur
marketing chez MSN) et Morvan Boury (directeur adjoint de Virgin Music France et directeur
de la stratégie numérique pour EMI Music France).
Cette réunion avait pour but de trouver des solutions afin d’harmoniser la relation
internaute/industrie musicale. Dans un premier temps, les intervenants ont pris la parole
pour exposer leur théorie et leur vision de la situation. Puis, en fin de séance, le public était
libre d’intervenir et de poser ses questions aux professionnels présents.
Le ton est très vite monté. Loin d’être destinées à la recherche de solutions, les interventions
s’adressaient pour la majorité à Morvan Boury d’EMI.
La discussion prévue s’est
transformée en un monologue du public, qui avait enfin l’occasion de dire tout haut (et à un
de ses représentants) ce qu’il pensait de l’industrie musicale. Nous pouvons, parmi ces
interventions, en retenir quelques unes, symboles de la tension ambiante.
21
http://www.audionautes.net/blog
35
Un des membres du public a fait une allusion à la campagne du Snep :
« Alors moi je me dis à quoi ça sert, aujourd’hui, dans le monde de l’internet, un éditeur
de musique ? Je vois que ça sert à m’embêter, parce que finalement ça me traite de
pirate, et des fois ça me montre du doigt de manière…extrêmement violente !».
Preuve, une fois de plus, que la campagne de la société civile a été très mal accueillie par le
public.
Cette même personne est intervenue à nouveau :
« Alors moi, une industrie qui vit en disant : Un, mes usagers sont captifs et je les traite
de méchants ; et deux, je mets des péages partout, j’en connais pas beaucoup qui sont
viables à part le système des impôts ! Donc heu… Je me pose des questions sur la
viabilité de ce système qui (…) refuse de voir les réalités du nouveau monde. (…) Ca
serait un monde beaucoup moins gai et qui perdrait quand même beaucoup de
communication et de possibilités de créativité ».
La gratuité et les possibilités qu’offrent aujourd’hui internet sont difficilement près d’être
abandonnées. Certaines personnes voient d’un très mauvais œil les tentatives de contrôle
mises en place par l’industrie musicale, perçues comme une intrusion. Depuis l’avènement
d’internet, les amateurs de musique peuvent totalement se passer de ses services. Jusqu’à
présent ces entreprises qui avaient le monopole se voient évincer d’une relation dans
laquelle ils n’occupent plus le rôle d’intermédiaire. Au vu des réactions recueillies, il
semblerait que désormais les internautes souhaitent établir une relation plus directe avec les
artistes et la musique. Les applaudissements qui ont suivi suite à l’intervention prouvent bien
que cet avis est partagé.
II / 2. 3. Des professionnels de la musique contre le Snep
Sur le site de l’institut national de l’audiovisuel (www.ina.fr 23), Jean-François Dutertre,
secrétaire général de l’Adami, réagit : « C'est une mauvaise chose de s'engager dans une
voie uniquement répressive et de culpabiliser le public ». De son côté, Pascal Rogard,
directeur général de la SACD (Société des auteurs et compositeurs dramatiques) juge
l'attitude du Snep « totalement excessive, indigne de gens qui défendent la création ».
22
http://cocreation.blogs.com/alban/2005/04/compte_rendu_ve.html
Article d’Estelle DUMOUT, journaliste pour le quotidien en ligne spécialisé dans les nouvelles technologies
ZDNet France (www.zdnet.fr).
23
36
Certains artistes, eux aussi, ont jugé la réaction du Snep « excessive » et ne s’y retrouvent
pas du tout. Pour eux, il est nécessaire d’enrayer ce phénomène de téléchargement illégal
mais certainement pas de cette façon. Le ton trop agressif des campagnes et les menaces
d’amendes et d’emprisonnements ne correspondent pas au message que veulent faire
passer ces artistes. Sur le site du Nouvel Obs. des artistes ont réagi, c’est le cas du chanteur
Sinclair : « Fliquer Internet, c’est odieux, je ne veux pas pactiser avec Big Brother ».
Quelques semaines après sa diffusion, l’Adami et la Spedidam se sont insurgées contre la
campagne du Snep. Avec eux, les voix de plusieurs syndicats d'artistes-interprètes et des
associations de défense des consommateurs (UFC – Que Choisir, CLCV, ...) se sont fait
entendre. Ils ont signé ensemble un texte anti-Snep car ils sont opposés à la politique mise
en place par le syndicat : «Nous sommes contre une logique purement répressive qui ne
peut que détériorer les relations entre les artistes et leur public ». Ensemble, ils dénoncent la
campagne du Snep qu’ils qualifient d’ « indécente et irresponsable » et qui, selon eux,
« insulte et menace 20 millions d’internautes ». Dans un communiqué du 24 mai 2004, ils
demandent « l’arrêt immédiat des pressions et menaces fondées sur des poursuites
judiciaires à l’encontre des internautes tant qu’un vrai débat n’aura pas eu lieu et que des
solutions innovantes n’auront pas été proposées »24.
L’Adami et la Spedidam ne sont pas les seules à avoir réagi. Le 12 mai 2004, lors d’un
entretien donné par Laurent Petitgirard (le président de la Sacem) au Journal du Net
25
,
celui-ci a reconnu que « la majorité des intervenants (du colloque antipiraterie organisé par
le CNC et Canal+ à la veille du festival de Cannes, ndlr.) a été d'accord pour dire que les
campagnes extrêmement répressives de ce type-là, et à plus forte raison, lorsqu'elles sont
vulgaires en faisant un doigt d'honneur aux internautes sont d'un goût détestable ».
II / 2. 3. Libérez la musique !
Le cas d’Alexis B. l’instituteur accusé dont nous parlions plus haut, n’a pas seulement
suscité l’intérêt du public. La semaine du 3 février 2005, en réaction à sa condamnation - et
derrière elle à toute une politique qu’il juge injuste - l’hebdomadaire invite ceux qui le
souhaitent à signer son appel et à ainsi protester contre le tout-répressif. Les personnalités,
qu’elles soient pour ou opposées au système du peer-to-peer, s’accordent toutes pour dire
que la « politique répressive et disproportionnée » doit cesser.
24
Communiqué disponible dans son intégralité sur :
http://www.adami.fr/portail/affiche_article.php?arti_id=539&rubr_lien_int=324
25
http://www.journaldunet.com/0405/040512sacem.shtml
37
Certains signataires reconnaissent aussi par ce biais, faire partie des pairs tant incriminés.
L’ex-leader du groupe Zebda, Magyd Cherfi, fait partie de ces téléchargeurs assumés : « Je
télécharge (…), mes potes téléchargent, mes enfants téléchargent », Pierre Lescure, exPDG de Canal +, également : « Je suis fan de disques, je continue à acheter et à
collectionner, mais il m’est évidemment arrivé de télécharger », de même pour Sinclair dont
nous parlions plus haut, et bien d’autres encore.
En moins de 24 heures l'initiative a remporté plus de 5 000 signatures. Le 21 juin dernier, le
site annonçait fièrement avoir franchi le cap des 39 000. Parmi lesquelles celles d’artistes ou
de personnalités mais pas uniquement, on retrouve également beaucoup d’anonymes
travaillant dans le secteur musical ou tout simplement des personnes qui se sentent
impliquées.
Bien évidemment, tous ne suivent pas la démarche du Nouvel Obs. Le 7 février, les
producteurs de disques, majors et indépendants, ripostent : "La musique n'a pas besoin
d'être libérée, elle a besoin d'être respectée." Suit un rappel du "Manifeste des artistes pour
la création à l'ère numérique", adressé aux parlementaires français en avril 2004 dans le
cadre des débats relatifs au projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique. Ce
texte sera signé par des artistes qui proclament : "Oui à la musique légale sur Internet, non
au pillage des enregistrements. Oui à la copie privée, non au piratage privé... Non à la
démagogie et à l'hypocrisie d'une musique gratuite sur Internet." Là encore, la cacophonie
est patente : Jean-Louis Aubert, par exemple, a signé les deux appels.
D’autres personnalités se sont positionnées de manière personnelle par rapport à l’appel du
Nouvel Obs. C’est le cas de JJ Goldman. Voici le texte qu’il a adressé au magazine en
réponse à son appel :
"Je serai solidaire du Nouvel Obs lorsqu'il sera photocopié et vendu illégalement. Il y
a sûrement beaucoup à réfléchir mais, comme d'hab', il semble que votre réflexion
soit faite : DEPENALISER d'abord et réfléchir ensuite. Cette "réflexion" ne m'étonne
pas outre mesure de votre part : Démagogie et pensée unique, parfait pour votre
clientèle.
Comptez
sur
moi
pour
continuer
à
ne
pas
vous
suivre.
Farouchement".
Bruno Lion, éditeur musical, ancien chargé de mission rock chanson variétés au cabinet de
Jack Lang, s’est lui aussi exprimé et qualifie la campagne de "démago-jeuniste faisant le jeu
ultralibéral des forces qui affaiblissent chaque jour la diversité culturelle".
38
Pascal Nègre, connu pour ses positions, témoigne également sur le site du Nouvel Obs. :
« Avec cet appel, vous voulez tuer l’industrie musicale ou quoi ? Un appel contre la
répression c’est totalement idiot».
Conclusion
Pour enrayer le phénomène du téléchargement les acteurs de l’industrie musicale ont choisi
de menacer ceux qu’ils qualifient de « pirates », d’une part par le biais de campagnes de
communication, puis en passant à l’acte avec les procès (la peine maximale prévue par le
code de la propriété intellectuelle étant de 300 000 euros d’amende et trois ans
d’emprisonnement). Toutes ces actions de répression ont été relayées par la presse et par le
public, de plus en plus apeuré. Les téléchargements ont, en effet, diminué durant la période
des procès.
Cependant, le tout-répressif a engendré une seconde réaction : la contestation. L’opinion,
choquée par les moyens extrêmes employés pour dissuader les pairs, a très vite réagi. Le
public, certaines sociétés civiles, des artistes et des journalistes se sont mobilisés et ont
massivement exprimé leur désaccord. La campagne du Snep s’est attirée les foudres de
toute part. Le choix du syndicat est apparu choquant et démesuré même aux yeux de ceux
qui luttent à ses côtés contre le téléchargement.
Ces actions sont survenues dans un contexte où l’information sur le sujet était encore plus
floue qu’elle ne l’est aujourd’hui. La médiatisation abondante a plongé le public dans une
cacophonie de laquelle il est quasiment impossible de tirer un son clair. Peut-être aurait-il
mieux valu, en amont, une vraie campagne d’information sur le sujet plutôt que d’appliquer
des méthodes de répression et de dissuasion ? De plus, la zone de non-droit que représente
internet a obligé la justice à des jurisprudences qui ont rassuré le public.
Pour toutes ces raisons, les protagonistes ont dû revoir leur stratégie et adopter un ton plus
consensuel. C’est alors que la répression a fait place à la responsabilisation.
39
III / … à la responsabilisation
Au vu des violentes réactions suscitées par les actions et campagnes pour le tout-répressif,
les acteurs leaders ont dû se remettre en question. En plus d’être considérée comme
choquante aux yeux du plus grand nombre, la politique du bâton s’est également avérée
inefficace. Bien que les réseaux peer-to-peer aient connu une légère baisse suite à la vague
de procès, leur fréquentation est très vite repartie à la hausse. Cette stratégie a même eu
pour effet de renforcer certaines convictions auprès des pairs. Ne se sentant jusqu’alors, pas
réellement impliqués, ils entrent dans le débat et se construisent une opinion forte, appuyée
parfois par les artistes eux-mêmes et certaines sociétés civiles.
Les téléchargements ne faiblissent donc pas, au contraire. Il est temps pour l’industrie
musicale d’adopter un nouveau ton. La répression doit être abandonnée au profit d’une
stratégie plus efficace : la responsabilisation.
Cette notion même implique plus de liberté, des prises de conscience et des agissements
autonomes qui font appel à l’éthique et au libre-arbitre de chacun. A priori, cette stratégie
vise à respecter davantage le public auquel l’industrie musicale s’adresse, à le comprendre.
Seulement voila, il ne s’agit là que d’un artifice communicationnel car derrière cette notion se
cache une fois de plus la répression. Si le changement de stratégie et de ton est visible dans
les campagnes officielles, les supports de communication, les discours… néanmoins, en
coulisse, des procès se préparent et la menace (bien que désormais plus au premier plan)
est latente.
Qu’est-ce qui va conduire les internautes adeptes de la gratuité et du libre partage vers des
sites certes légaux mais payants ? La peur du gendarme. Si quelques uns seront touchés
par les arguments qui consistent à dire que télécharger égal voler, la plupart, eux, n’agissent
que parce qu’ils se sentent menacés.
40
La nuance entre « répression » et « responsabilisation » est donc légère et artificielle mais a
l’avantage de calmer les ardeurs du public. Riches de leur expérience, les partisans de l’antitéléchargement, savent qu’ils n’atteindront leur objectif ni par la force ni par l’intimidation. A
moins de procéder discrètement.
III / 1. Vers le consensus et la pédagogie
III / 1. 1. « Téléchargez-nous légalement »
Le Snep, en collaboration avec l’Upfi et la Sppf : deux syndicats de producteurs
indépendants et le Ministère de la culture, a mis au point une nouvelle campagne (cf. annexe
XI). Près de 300 000 affiches ont été posées durant la semaine du 17 au 24 janvier 2005.
Egalement publiés dans la presse locale francilienne et placardés dans le métro parisien
(450 affiches), ces visuels représentent cinq artistes accompagnés de l’accroche suivante :
« Téléchargez-nous légalement », (déclinés également de façon individuelle : un seul artiste
par affiche avec la même accroche « Téléchargez-moi légalement »). Quatorze artistes 26 se
sont affichés en faveur de cette cause et la visibilité cette fois était bien meilleure : la
campagne a été lancée dans les vingt-neuf plus grandes villes françaises et à la veille de
l’ouverture du Midem 27 (salon des professionnels de la musique). Le ton se veut plus
pédagogique, l’image des chanteurs est utilisée dans le but de sensibiliser les fans, elle
humanise le discours. Plusieurs sources d’énonciation sont en présence : les artistes et les
sociétés civiles. Les syndicats ont choisi une nouvelle stratégie qui consiste à montrer les
atteintes faites aux artistes, pas de façon directe mais par la suggestion. Il est très judicieux
de la part des annonceurs, d’avoir mis en scène l’artiste. Il s’est jusqu’alors très peu exprimé
et sa présence ici recadre le débat. Il ne s’agit pas d’économie, de produits marketing mais
bien d’être humains dont la musique est le métier et leur unique source de revenus. Les
chanteurs font ici office de médiateurs. Désormais, il ne s’agit plus de menacer les pairs
mais de les amener à un acte civil, dans le respect de la loi et des artistes. En quelque sorte,
le slogan dit : « Si vous aimez ce que je fais et que vous me respectez, passez par des sites
légaux et payants pour lesquels j’ai donné mon accord et je suis rémunéré(e)».
26
I. Boulay, Calogero, L. Chédid, Corneille, B. Crawford, G. De Palmas, Garou, F. Hardy, E. Mitchell, Nadiya,
Renaud, Tragédie, V. Sanson, Zazie.
27
Salon qui réunit chaque année tous les professionnels de la musique et qui a eu lieu à Cannes entre le 23 et 27
janvier 2005.
41
Bien qu’en apparence assez simple dans sa construction, l’affiche est très riche au niveau
sémiologique. Les photographies sont soignées, alternant couleur et noir et blanc. La
sobriété voire l’absence de l’environnement assure une meilleure mise en valeur.
Le fait que les artistes soient représentés en plans très rapprochés induit une certaine
confrontation à leur public. Les visages, pour la plupart, sont souriants et ouverts. La majorité
d’entre eux sont en situation frontale : yeux fixés vers l’interlocuteur absent de l’image (le
public), cette position est dite « du discours ». Ces personnalités s’imposent alors à nous
comme des modèles et nous donnent une règle de vie. Elles représentent un miroir
valorisant et le visage des sociétés à la base de cette campagne. Ces regards peuvent
également lancer un défi, adouci par la présence de visages au regard baissé.
Les affiches, déclinées en trois versions, sont toutes construites de la même façon. Nous
analyserons l’une d’entre elles, mais les commentaires valent pour toutes.
Exemple de l’affiche 1 (cf. annexe XI) : Sur les cinq artistes : trois sont en position frontale,
deux en gros plan et le troisième de plan pied, le quatrième de trois quart mais le regard rivé
sur le spectateur, et enfin le dernier de trois quart, cette fois avec le regard baissé.
Afin de permettre une meilleure compréhension de l’explication qui va suivre, entendonsnous sur l’identité de chacun : Nadiya (artiste 1), Billy Crawford (artiste 2), Louis Chédid
(artiste 3), Corneille (artiste 4) et Isabelle Boulay (artiste 5).
La position de Billy Crawford connote une certaine supériorité : en contre-plongée, le visage
fermé, il pointe vers nous son index, une gestuelle assurée ou autoritaire, selon
l’interprétation. Le visage de trois quarts de Nadiya adoucit les positions frontales de Louis
Chédid et d’Isabelle Boulay, elle est entre récit et discours. Le regard, bien que direct, est
moins offensif et induit une implication et une pression moins fortes. On passe ainsi de
l’injonction à l’invitation, de la prescription à la suggestion. Le regard en coin, caché derrière
une mèche de cheveux, suppose une position entre le contact et le retrait. Corneille, quant à
lui, par son regard baissé, rompt toute relation directe avec le destinataire. Bien que
l’implication ne disparaisse pas totalement, elle est différente et suscite un transfert, une
projection du spectateur. Les regards de Louis Chédid et d’Isabelle Boulay, plus directs,
nous interpellent et nous font « entrer » dans l’affiche, dans le sens où ce sont eux qui
captent notre attention et nous amènent à lire le texte.
Cette hétérogénéité entre récit et discours est indispensable pour altérer l’effet d’injonction
de cette campagne. La présence des cinq personnalités sur le même visuel tend à donner
une image solidaire et unie du milieu artistique.
42
Il n’y a que très peu de texte, par conséquent la lecture est facilitée. Cette lisibilité est
également due au fait que le texte soit en réserve (blanc sur noir) et en bâton. La
typographie haut de casse et grasse de l’accroche, la détache distinctement du visuel. Les
majuscules suggèrent l’impératif, l’injonction qui est une marque de la présence fortement
implicative. La typographie en bâton, elle, connote la neutralité, la fonctionnalité, elle est
réservée à des informations courtes. Dans le cadre noir au bas du visuel, les logos en
couleur, parfaitement équilibrés au niveau de la construction sont mis en valeur et facilement
identifiables.
L’affiche se veut également informative car elle énumère quelques sites légaux et propose
de retrouver la liste complète sur promusicfrance.com. Riches de l’expérience précédente,
les sociétés civiles ont jugé nécessaire d’informer le public sur les autres façons de
consommer de la musique en utilisant internet, mais en toute légalité. En effet, ces platesformes sont assez méconnues du public. Certes, leur existence a été abordée mais jamais
vraiment de façon incitative. Leurs noms n’évoquent pas grand chose et leur fonctionnement
est encore obscur. On nous parle de musique légale. A priori, cette solution apparaît comme
idéale : télécharger de la musique en ligne, pouvoir donc l’avoir sur son ordinateur ou sur
son baladeur MP3. Oui, mais voilà, on ne nous parle pas d’argent. La différence
fondamentale entre le peer-to-peer et ces plates-formes là réside, outre dans la légalité,
dans la monétisation. Si le texte stipule seulement la légalité, il omet, volontairement, le
caractère payant du service. Or, bien entendu, pour télécharger en accord avec la loi, il faut
payer. Cette omission a pour but d’attirer le public sur ces sites. Proposition séduisante et
attractive mais pas totalement franche.
III / 1. 2. « Adopte la Net Attitude »
Un guide du Forum des Droits de l’Internet (FDI) a été distribué aux lycéens de France à 450
000 exemplaires (également disponible en ligne). « Musique et film : adopte la Net attitude »
(cf. couverture en annexe XII 28), a pour but de les sensibiliser au problème du piratage, de la
même façon que des manuels sont distribués dans les écoles pour sensibiliser à la drogue
ou au port du préservatif. Ce livret de 16 pages donne des conseils pratiques aux jeunes
internautes afin de leur expliquer comment partager et télécharger des fichiers sans se
tromper. Ce guide à l’initiative du Ministre de la culture et de la communication, Renaud
Donnedieu de Vabres, du Ministre délégué à l’industrie, Patrick Devedjian et du Ministre
délégué à la recherche, François d’Aubert, fait appel à la maturité des lycéens et à leur libre
arbitre, espérant ainsi obtenir une influence sur leurs comportements.
28
Ou téléchargeable sur http://www.foruminternet.org/telechargement/documents/guide_musique20050320.pdf
43
Le contenu rédigé par le FDI a été validé par un comité éditorial composé de représentants
de l’Adami, la Sacem, le Snep, l’AFA (l’association des fournisseurs d'accès et de services
internet), ….
Pour entrer dans leur univers, les institutions adoptent « la jeune attitude ». Le vocabulaire
employé est volontairement adapté à celui des adolescents : « Pur liens », « kézako », « ça
décolle », etc. Les choix graphiques créent un univers dynamique que ce soit grâce aux
couleurs vives (orange et violet), aux illustrations (jeunes urbains aux allures new-yorkaises)
ou aux choix typographiques. La typographie originale utilisée pour les titres, comme effacée
par endroit, donne un côté décalé au livret. La construction est aérée et énergique : des
encarts orientés vers la droite produisent des obliques qui dynamisent les pages. Enfin, le
tutoiement a pour but de créer une réelle proximité voire complicité avec le public visé. Par
moment, le ton adopté, qui se veut accessible et détendu, est simpliste et caricatural. Le
lecteur, bien que jeune, a un certain niveau de langage et une certaine intelligence, qui ici ne
sont pas du tout valorisés.
On reconnaît les pratiques illégales chez les jeunes et on en parle sans tabou: « Si tu as un
virus et que tu penses que c’est à cause d’un fichier que tu as téléchargé sur un réseau P2P,
efface le fichier et désinfecte ta machine ». En admettant ainsi les habitudes de
consommation des adolescents, on entre dans leur univers et on crée un courant de
sympathie. Mais derrière cette compréhension apparente, se cachent tout de même des
mises en garde et de la culpabilisation : « l’argent qu’ils auraient pu gagner si tu avais acheté
l’œuvre au lieu de la graver », « si tu es condamné cela peut être inscrit à ton casier
judiciaire et certaines portes risquent de se fermer », « être conscient et mesurer tes actes »,
etc. De plus, le livret est agrémenté de rappels du code de la propriété intellectuelle et de
citations d’artistes victimes du téléchargement illégal.
Ce guide est très représentatif de la nouvelle stratégie de l’industrie du disque. Sous couvert
de complicité et de responsabilisation, il menace. La compréhension apparente n’est ni plus
ni moins qu’un stratagème pour amadouer les jeunes et faire passer un peu inaperçus les
messages de répression.
III / 1. 3. Les relais d’opinion pour légitimité
Le journal télévisé de 20 heures sur TF1 a traité le 16 avril 2005 de la question du
téléchargement légal. Claire Chazal y expliquait que ce processus, contrairement aux
réseaux peer-to-peer, assurait une qualité des contenus sonores « excellente » et l’absence
de virus. Elle a souligné que ces sites pouvaient être visités sans crainte de poursuite. La
44
journaliste a également abordé le fait que finalement la loi était peu connue concernant le
sujet. Elle a donc rappelé que l’enregistrement de titres sur les sites illégaux, contrairement à
ceux effectués à partir de la radio ou de la télévision sur cassettes audio et vidéo, ne faisait
l’objet d’aucune autorisation. Un dernier rappel juridique enfin a été mentionné, concernant
les copies : « seules celles qui restent privées sont légales ».
A une heure de très grande écoute, une des principales chaînes hertziennes a donc relayé
une information concernant le téléchargement légal. Tout le crédit et la neutralité conférés à
une journaliste comme Claire Chazal ainsi qu’au journal qu’elle présente, ont donc été
utilisés dans le but de présenter cette nouvelle solution des majors comme modèle de
référence. On sent lors, que le ton a changé. Bien qu’ayant abordé l’existence des réseaux
peer-to-peer et leur caractère illégal, la journaliste ne s’est pas étendue sur le sujet et n’a
pas jugé bon de menacer une fois de plus les usagers de ces plates-formes. Cette rapide
allusion est en accord avec toutes les nouvelles actions menées par le secteur musical.
Finalement, plutôt que d’incriminer, mieux vaut reconnaître l’existence de ces usagers et
leurs pratiques. Banaliser ces usages revient à amoindrir leurs effets et par conséquent
dissuade les pairs qui agissent par contestation à poursuivre.
III / 2. Une stratégie peu convaincante
III / 2. 1. Contestations du public
•
Des affiches taguées :
Durant la campagne « Téléchargez-nous légalement », nous avons pu remarquer dans le
métro, quelques affiches taguées : « Non, la culture pour tous » ou encore « Vive le P2P ».
Ces expressions du public sont bien le reflet qu’une partie des Français n’est pas prête à
passer à un autre modèle. Pour ceux-là, la musique constitue une sorte de patrimoine
duquel nous pouvons jouir librement et gratuitement. Dès lors que ces créations sont
destinées au public, il considère qu’elles lui appartiennent. C’est tout le débat sur la gratuité
de la culture. Le droit d’auteur n’est pas la préoccupation de ces « pirates », qui, parce qu’ils
aiment la musique qu’ils écoutent, la téléchargent et en font une libre utilisation.
•
Un public peu sensible :
Nos entretiens ont montré que le public accueillait les sites de téléchargement légaux de
façon plutôt positive (6 sur 10). Pour autant, aucun d’entre eux ne s’est jamais rendu sur ces
45
sites et avoue ne pas avoir l’intention de le faire, « à moins qu’on n’ait pas le choix ». Et tout
le problème réside dans le caractère payant de ces offres. En effet, les sites comme eCompil
ou Fnacmusic apparaissent pour les internautes comme des solutions intermédiaires mais
pas parallèles au peer-to-peer. Ils s’y rendront certainement qu’en dernier recours, si les
réseaux peer-to-peer disparaissent par exemple. Tant qu’ils auront la possibilité (aussi
« illégale » soit-elle) de consommer de la musique gratuitement, ces plates-formes ne
représentent aucun intérêt. Bien que certains d’entre eux, la plupart même, craignent les
poursuites judiciaires, ils se sentent à l’abri. Au-delà de la solution proposée par l’industrie
musicale, « intelligente » et compréhensible, ils ont noté cependant que la présence de
« gros artistes » sur les affiches n’était pas justifiée. A 60%, ils ont regretté que ne soient pas
médiatisés des jeunes talents ou des indépendants. Des personnalités comme Calogero ou
Billy Crawford, n’ont, selon eux, pas à s’exprimer contre le téléchargement car ils gagnent
assez d’argent grâce à la vente de leurs disques, aux produits dérivés ou aux places de
concert. « Les artistes qui ont une grande carrière, si c’est pour défendre leur intérêt, c’est
pas justifié ! » (Sébastien, 24 ans, professeur des écoles). Le choix de ces artistes n’a aucun
impact sur le public que nous avons rencontré. D’une part, parce que la plupart d’entre eux
ne sont pas amateurs de cette musique et d’autre part, parce que ces artistes ont une
grande notoriété et une carrière importante, qui les discréditent complètement dans ce
combat.
Les 40% restant ont trouvé que cette campagne était « plus soft » et que c’était une « bonne
parade » de la part de l’industrie du disque. Pour autant, une seule personne a l’intention de
se rendre sur ces sites pour y acheter de la musique, parce que le prix d’un album est trop
élevé et que bien souvent elle ne l’achète que pour quelques chansons. Les autres ont
reconnu l’idée séduisante, néanmoins pas autant que les réseaux peer-to-peer qu’elles ne
sont pas près de quitter au profit des plates-formes légales.
On peut se poser alors la question de la légitimité. Est-ce que des artistes dont la carrière
est lancée et dont les revenus ne sont pas à plaindre, ont une légitimité dans ce combat ?
Ces artistes de variétés sont davantage prêts (ou obligés) à faire des concessions par
rapport au marketing. Signés chez des majors, ils ont un contrat qui les contraint
certainement à représenter la maison de disques qui les signe. Il est certain qu’en faisant
appel à des gens comme Garou ou Billy Crawford, les annonceurs sont sûrs de toucher le
plus grand nombre. Au-delà des goûts musicaux, ces personnalités sont connues car très
médiatisées et que leurs titres passent en boucle à la radio. Néanmoins, elles ne sont pas
celles qui pourraient attirer un peu de compassion de a part du public, à cause du succès
qu’elles rencontrent aujourd’hui et justement leur grande notoriété.
•
Music 3.0 : une conférence pour un consensus
46
La conférence à laquelle nous avons assisté, se déroulait en avril 2005, donc après les
campagnes analysées et après le lancement des sites légaux. Le but, nous l’avons vu, était
de mettre d’accord industrie musicale et téléchargeurs, EMI (une des quatre majors,
représentée ici par Morvan Boury) participait à cet échange. Cette conférence est le reflet
d’un changement. La discussion est ouverte. Les acteurs leaders ne peuvent plus nier
l’ampleur du phénomène du téléchargement, il s’agit donc désormais de le prendre en
considération et de s’y adapter.
En fin de séance, suite aux interventions de Morvan Boury, nous avons pu entendre
plusieurs personnes se manifester :
« C’est complètement faux, faut arrêter cette propagande ! ».
Les termes choisis sont extrêmement forts et violents. Les majors sont perçues comme des
ennemies qui tentent d’endoctriner le public.
En parlant des artistes signés chez EMI, un autre membre du public est intervenu :
« C’est pas des artistes qui ont besoin d’EMI pour vivre, c’est des artistes dont EMI a
besoin pour vivre »
L’aspect économique a été fréquemment abordé par le public. Comme si dégager des
bénéfices lorsqu’il s’agit du domaine artistique avait une connotation négative voire
antinomique. Les discours empreints d’une certaine frénésie sont animés par énormément
de passion. Alors qu’une personne (la même qui voulait faire cesser la propagande)
reproche aux majors le caractère mercantile de leur activité, Morvan Boury lui répond, que
comme toute activité économique, la sienne doit, en effet, également générer de l’argent.
Devant cette évidence, le contestataire répond :
« Un artiste il cherche pas la rentabilité ! Il fait de la musique quand il se lève le matin
(...). Un musicien ne fait pas de la musique parce qu’il VEUT faire de la musique il
fait de la musique parce qu’il FAIT de la musique, il est musicien, c’est sa nature !! ».
Pour le public, certains paradoxes restent encore obscurs :
« Sony qui produit de la musique et vend aussi des supports comme des graveurs,
vit grâce aux copies en tout genre. Est-ce qu’y a pas un conflit d’intérêt avec ça ? »
Un homme a pris la parole, suite à ces interventions, pour s’adresser une fois de plus au
représentant de la major :
« Je vous reproche pas de faire du pognon là-dessus, je vous reproche de faire trop
de pognon et d’en abuser ».
47
« Alors ne vous étonnez pas à partir de là que les gens en aient en fait strictement
marre de votre attitude et prennent des voies qui pour l’instant sont considérées
comme étant illégales. Cessez d’abuser et on arrivera à un équilibre ! »
Ses interventions ont été accueillies par des applaudissements du public.
On se rend alors vraiment compte, comme nous en parlions plus haut, que les réseaux peerto-peer sont des moyens de contestation, voire de pression auprès des grands industriels
musicaux. Ils représentent une façon d’exprimer son mécontentement envers les majors et
leur politique : prix des CD trop élevés, qualité des artistes promus médiocre, manque d’aide
aux nouveaux talents… Tout ce qui semble faire défaut aux maisons de disques,
les
internautes peuvent y pallier grâce aux plates-formes de téléchargement « illégales » et ainsi
manifester leur désapprobation.
III / 2. 2. Adoptez la « Niet » attitude
En réaction à l’initiative du FDI, la ligue Odébi (entité apolitique qui défend les internautes
contre tous types d'atteintes à leurs droits, intérêts et libertés) a demandé à François Fillon le
22 mars 2005, de faire cesser immédiatement la distribution du guide "Adopte la Net
attitude" dans les établissements scolaires. Le ministre n’ayant pas répondu à cette requête,
la ligue a publié son propre livret à destination des enseignants et des parents d'élèves
"Adoptez la niet attitude" (cf. la première de couverture en annexe XIII29). Le but de cette
démarche : « rétablir certaines vérités et démasquer les mensonges du discours des
majors ». Dans ce guide, les auteurs reprennent toutes les idées reçues sur le
téléchargement et les contredisent en y apportant des arguments : chiffres et graphiques à
l’appui. Ils citent également l’Ifpi qui confirme une bonne santé du marché mondial du
disque. Le ton est assez virulent. Les idées reçues, comme nous les avons nommées, sont
qualifiées de mensonges par la ligue.
Les auteurs dénoncent notamment la mauvaise qualité des plates-formes « légales », leur
manque de choix et leur prix trop élevé, l’hypocrisie des majors dont les bénéfices sont
colossaux, leur politique de licenciements massifs, etc.
Pour ce guide, les couleurs choisies sont les mêmes que celles utilisées par le FDI :
jaune/orangé, violet, rouge. Il y a énormément d’illustrations, mais paradoxalement la mise
en page est plus classique que celle du livret plagié.
La ligue Odébi, contestataire et
engagée, adopte un ton, des codes graphiques beaucoup moins originaux, peut-être parce
qu’elle a moins besoin d’user d’artifices pour se faire entendre.
29
A retrouver dans son intégralité sur : http://www.odebi.org/telecharger_guide.php
48
Conclusion
Plusieurs actions basées sur la responsabilisation ont été mises en place dans l’espoir que
cette fois, elles parviendraient à faire cesser les échanges sur les réseaux peer-to-peer
(campagne de communication grand public, livret de sensibilisation à destination des
lycéens…). En dehors de ces actions de communication, les maisons de disque ont repensé
leur industrie et mis leur catalogue en ligne sur des plates-formes où le téléchargement est
légal et payant et cette fois-ci sous leur contrôle. Pour inciter les pairs à s’orienter vers ces
nouveaux espaces de consommation, ils ont entre autres, utilisé les médias comme relais
afin de présenter ce modèle comme une solution idéale et surtout unique.
Pourtant, quand on y regarde de plus près, on s’aperçoit que malgré ses efforts et le ton
consensuel adopté, l’industrie du disque n’a pas tout à fait abandonné sa première
stratégie qui consiste à menacer pour dissuader. Les supports de communication cachent
tous des mises en garde rappelant le caractère illégal du P2P et les poursuites qu’il entraîne.
Bien entendu, comme ce fut le cas pour les autres actions, le public n’a pas manqué de
réagir. Il prend désormais un malin plaisir à contredire, plagier et rejeter toutes les
propositions des majors. Comme si cette dualité était devenue en quelque sorte un jeu.
Ainsi, la « net attitude » proposée par le Forum des droits de l’internet (FDI) devient la « niet
attitude », les affiches se retrouvent taguées, les forums regorgent de textes cinglants à
l’égard des majors et de leur industrie,… . Il semblerait que le public ne soit pas dupe et que
les tentatives de responsabilisation passent pour de la démagogie à ses yeux.
Certaines sociétés civiles et artistes, à leur tour, manifestent leur mécontentement. Les
médias, en particulier internet, sont devenus des espaces de contestation où journalistes,
anonymes et acteurs de l’industrie musicale expriment librement leurs idées sur la question.
Le débat anime le plus grand nombre et les solutions proposées par l’industrie du disque
sont assez mal accueillies. Il semblerait, qu’une fois de plus, la stratégie mise en place pour
enrayer le P2P n’ait fait que raviver la polémique et renforcer les positions de certains de ses
usagers. La responsabilisation apparente n’aura été qu’un stratagème pour enrober
judicieusement la répression. Derrière un ton plus consensuel et moins agressif, l’industrie a
néanmoins conservé sa stratégie première et le public a nettement perçu cet artifice
communicationnel.
49
Conclusion générale
Le peer-to-peer comme mode de « consommation » est bel et bien installé dans le paysage
musical français. Depuis plusieurs années déjà il est même, pour certains internautes,
l’unique façon de se procurer de la musique. Toute l’industrie musicale est alors face à un
réel concurrent. Ces échanges de fichiers posent deux problèmes majeurs : le premier, est
que ces partages sont totalement gratuits et le second pose la question des droits d’auteur.
En effet, ces plates-formes agissent comme une immense bourse d’échanges où des
internautes du monde entier se retrouvent pour partager de la musique sans jamais reverser
quoi que ce soit à l’artiste ou à sa maison de disques. Et bien entendu, pour cela les
créateurs de l’œuvre n’ont, dans la majorité des cas, pas donné leur accord.
De l’autre côté, les mélomanes, eux ont le choix entre payer un album aux alentours de 20
euros ou obtenir ce même album gratuitement de chez eux et ce en quelques clics. Malgré le
caractère illégal, reconnu par tous, cette pratique fait de plus en plus d’adeptes.
L’industrie musicale voit dans ce phénomène une menace colossale, cause principale de la
crise qu’elle traverse actuellement. Les pairs, quant à eux, rétorquent en affirmant que le
téléchargement n’a aucun impact sur les baisses de ventes de disques et que surtout le CD,
est aujourd’hui un « goodies » qui les amène à soutenir autrement la production musicale.
En effet, le spectacle occupe une place de plus en plus prépondérante et les produits dérivés
connaissent une embellie.
Mais internet est un vaste espace encore très obscur aussi bien en terme juridique
qu’économique. Comment savoir si les morceaux qui s’échangent sur les réseaux P2P
auraient été achetés ? Comment savoir si les internautes vont au concert des artistes qu’ils
ont téléchargés ou s’ils soutiennent leur promotion ? Des chercheurs se sont penchés sur
ces questions et des études empiriques ont été menées. Mais elles se contredisent souvent
et ne reposent sur aucune donnée réellement vérifiable. Chacun retient alors les chiffres qui
appuient sa théorie, la subjectivité empêche tout clarté.
Quoiqu’il en soit, industrie du disque et pairs s’affrontent et soutiennent leurs points de vue
de façon acharnée. La première entend faire cesser les échanges entre pairs, à défaut de
pouvoir éradiquer les réseaux peer-to-peer, elle s’attaque à ses usagers. En effet, suite au
cas Napster, les nouvelles plates-formes du genre ne gèrent plus les demandes par un
serveur central, elles se protègent ainsi, les plaintes déposées sont alors jugées
irrecevables. Elles sont des lieux d’accueil, en quelque sorte, sur lesquelles les internautes
troquent.
50
Pour que les usagers cessent leur activité, il a fallu trouver des stratagèmes
communicationnels. Dans un premier temps, l’industrie du disque a opté pour la répression.
Une campagne nationale a ainsi était lancée par le Snep, un des syndicats les plus actifs
dans cette lutte. Le visuel choisi a suscité un véritable tollé. Le doigt d’honneur fait à des
millions d’internautes a été un choc. Public, sociétés civiles, artistes ont aussitôt manifesté
leur indignation. La campagne a été plagiée, les commentaires ont été nombreux et
virulents. « Excessivité », « vulgarité » ont été les mots les plus souvent employés pour
qualifier ladite campagne. Le Snep qui a agi dans un élan de colère a payé très cher son
audace. Les professionnels qu’il est censé représenter ont eux-mêmes été choqués par un
tel ton. Bien qu’opposés au téléchargement duquel ils sont les premières victimes, le toutrépressif ne correspond pas à leur philosophie. Le public agressé, lui, n’a pas pour autant
cessé sa « consommation ». Au contraire, ces affiches ont renforcé sa position et conforté
ses pratiques. Malgré l’échec de cette campagne, le Snep et les autres institutions ont
continué leur lutte dans le sens de la répression. Puisque la menace n’a pas fonctionné, ils
ont décidé de passer à l’acte. C’est alors que des procès ont été intentés. Non pas en
direction des plates-formes peer-to-peer ou des fournisseurs d’accès mais à l’égard de pairs
anonymes et ordinaires. Plusieurs internautes se sont ainsi vus condamnés à des peines
d’emprisonnement et à de lourdes amendes. Ces amateurs de musique ont été choisis au
hasard, pas tant à cause de leur « consommation » excessive que par ce qu’ils peuvent
représenter d’identification. Ces « pirates » sont des personnes qui n’appartiennent pas à
une tranche d’âge ou à une classe sociale en particulier, ils sont instituteurs, étudiants,
Rmistes… Ils pourraient être notre voisine, notre père et c’est pour cette raison qu’ils ont été
désignés. Médiatisées, leurs histoires ont suscité la méfiance voire la panique chez les
autres usagers. Les menaces proférées étaient donc bien réelles. Avec ses accusations,
l’industrie musicale frappe un grand coup. Les téléchargements faiblissent durant les
périodes de médiatisation des procès.
Mais cette répression donne lieu à un deuxième mouvement, celui de la contestation. Pairs,
artistes, médias, associations de consommateurs, sociétés de gestion des droits d’artistes…
tous s’insurgent, trouvant de telles pratiques démesurées. Ils mettent alors en place des
actions pour lutter contre le tout-répressif. Le Nouvel Observateur lance son appel, « Libérez
l@ musique », immédiatement suivi et signé par des milliers de personnes : anonymes ou
personnalités, salariés du secteur musical ou simples mélomanes qui clament : « Nous
sommes tous des pirates ». D’après une initiative de l’Adami et du Spedidam, un texte antiSnep a également été rédigé pour dénoncer sa campagne « indécente et irresponsable ».
Les réactions que nous avons recueillies lors de nos entretiens auprès du public, sur les
blogs ou encore à la conférence Music 3.0 à laquelle nous avons assisté vont toutes dans ce
même sens. Membres du public et professionnels sont unanimes pour dire que la campagne
51
est choquante et démesurée et surtout qu’elle n’a eu aucun impact en terme de
comportement.
L’industrie musicale s’attire ainsi les foudres de tous et doit se remettre en question car son
combat reste à mener. Bien décidée à enrayer le phénomène, elle revient sur le devant de la
scène, cette fois-ci avec une nouvelle stratégie. Puisque la répression est trop brutale et
inefficace, elle décide de sensibiliser le « consommateur » en le responsabilisant. Le ton
nouvellement adopté se veut donc plus conciliant. En effet, l’heure est à la proposition de
solutions. Puisque ce phénomène a pris une telle ampleur c’est qu’il traduit une demande de
la part des consommateurs. Si les alternatives proposées par les majors en particulier, ne
font plus l’unanimité, c’est que les nouveaux modes de diffusion satisfont un autre type
d’attentes. En effet, comme le souligne Alban Martin30, ce qui compte aujourd’hui pour le
consommateur, ce n’est plus un bon produit mais une bonne expérience de celui-ci, à savoir
par exemple, la possibilité suite à un achat de CD de le mettre au format MP3 afin de pouvoir
l’écouter sur son baladeur.
L’industrie met alors en place des supports de communication en direction des jeunes et une
nouvelle campagne d’affichage. Désormais, les artistes qu’elle défend sont utilisés en tant
que médiateurs. Jusqu’ici très discrets, ils s’adressent directement au public pour l’orienter
vers les nouvelles solutions mises en place. Les maisons de disques, qui ont compris que le
support CD entrait dans une phase de déclin, ont alors décidé de mettre leurs catalogues en
ligne. Puisque internet est une technologie si attractive pour leurs consommateurs, elles
l’utilisent à leur tour pour en tirer profit. Les qualités premières du web sont l’immédiateté, la
facilité d’utilisation, la baisse des coûts, la diversité… Bref, tout ce qui semble faire défaut
aux autres réseaux de distribution. Les majors proposent alors les titres à partir de 0,99
centimes d’euros, soit quatre fois moins cher que le prix d’un single à la Fnac. Les albums
sont vendus au minimum à 9,99 euros. Les tarifs sont avantageux et les droits d’auteurs
respectés. Reste à convaincre le public d’abandonner la gratuité et la diversité pour la
légalité. Pour ce faire, les sociétés civiles ont demandé à quatorze artistes de variété de
s‘afficher pour demander : « Téléchargez-nous légalement ».
Avec cette campagne, l’industrie du disque nous informe que des solutions nouvelles
existent pour télécharger autrement. L’emploi des artistes est judicieux, il responsabilise.
Outre cette campagne grand public, la communication a également été émise à destination
des adolescents. Un livret (« Adopte la Net Attitude ») concernant le téléchargement a été
distribué dans les lycées français. Officiellement, le but de la démarche est d’aider les jeunes
30
Alban MARTIN. The entertainment industry is cracked. Here is the patch !. Editions Publibook, 2004.
52
à mieux comprendre internet et à télécharger sans se tromper. Mais derrière cette pédagogie
apparente, règne un climat menaçant. Il est rappelé au jeune pair, que ses pratiques tuent la
création et qu’à cause de cela, les artistes gagnent moins d’argent.
Dans sa volonté d’amener le public à des comportements conformes avec la loi, les
institutions ont utilisé les medias comme relais d’opinion. Aussi, le journal télévisé de TF1 de
Claire Chazal, a présenté en avril 2005, les plates-formes légales comme une référence,
seul modèle reconnu et autorisé. Le crédit conféré au journal permet ainsi d’apporter toute la
légitimité nécessaire.
Mais malgré toutes ces tentatives axées sur le consensus et la pédagogie, les réactions
négatives ont été massives. Des affiches de la campagne ont été taguées avec les
inscriptions suivantes : « Non. La culture pour tous », « Vive le P2P ! ». Les personnalités qui
ont répondu présentes ont été qualifiées de « démagogues » par d’autres artistes. De plus, il
semblerait que celles-ci n’aient pas la légitimité nécessaire pour communiquer sur le sujet.
Lors de nos entretiens, tous les sondés ont regretté que ne soient pas médiatisés des
nouveaux talents ou des indépendants dont ils respectent davantage les créations. Zazie, De
Palmas, Billy Crawford… remplissent les salles de concert, vendent des disques et ont une
forte notoriété. Le fait qu’ils défendent ici leurs intérêts n’a aucun écho auprès des personnes
interrogées. Un plagiat du livret du FDI a été réalisé par la ligue Odébi, la « Net attitude » est
devenue la « Niet attitude ». Les propos tenus dans le guide destiné aux étudiants sont de
purs mensonges selon la ligue. Elle a donc publié son propre livret, censé rétablir la vérité
auprès des parents et enseignants.
La rivalité entre l’industrie musicale et les pairs est très forte. Les acteurs se répondent selon
un jeu de miroirs. Dès qu’une campagne ou qu’un discours officiel est médiatisé, sitôt il est
détourné, plagié. Chaque action de communication a eu son écho. Le doigt d’honneur a
inspiré les cornes de vaches, la « Net attitude » a donné naissance à la « Niet attitude », les
poursuites judiciaires ont suscité un véritable tollé poussant le Nouvel Observateur à lancer
son appel, etc. Tous les moyens sont bons pour permettre de clamer sa désapprobation. La
polémique crée des circulations entre les acteurs et leurs productions discursives. Les
propos de Pascal Nègre, par exemple, aussitôt médiatisés vont susciter des réactions
auprès du public. Internet est un média extrêmement réactif mais également éphémère qui
permet de rebondir instantanément sans réellement laisser de trace. Aussi, la liberté
d’expression y est plus large et plus démocratique. C’est un lieu très propice à la
contestation mais paradoxalement un moyen très vite dissout. Entre les citations, les liens
hypertexte, les renvois… il permet une richesse de contenus mais a également tendance à
perdre le lecteur. Par conséquent, on ne sait plus vraiment qui pense quoi, qui s’exprime, qui
53
donne son avis ou se contente de reprendre celui des autres. La forte médiatisation du
phénomène a donné naissance à une importante cacophonie. Les artistes, à cause de leur
double statut de créateur et de « consommateur » ont eux aussi eu du mal à se positionner
et à donner une idée précise de la direction à emprunter. C’est certainement une des raisons
pour lesquelles ils se sont fait si rares.
Le partage manichéen entre pour et contre le téléchargement ne tient plus aujourd’hui. En
effet, la question n’est plus de savoir s’il faut se positionner d’un côté ou de l’autre, soutenir
ou pas ce nouveau mode de diffusion de la musique qu’est le téléchargement, mais bel est
bien de le prendre en considération et d’en tirer profit. L’industrie musicale semble avoir fait
un premier pas vers ce compromis en proposant leurs sites de téléchargement. Néanmoins,
d’autres solutions sont envisageables comme la licence légale ou une taxe imposée par le
biais des FAI. Des discussions sont en cours. Mais sur les sites légaux une nouvelle guerre
est née, celle des formats. En effet, tous les appareils de lecture ne sont pas compatibles
avec les morceaux vendus sur les sites, ce qui a tendance à freiner leur fréquentation.
Pourtant les professionnels de la musique peuvent se réjouir pour l’avenir. Un sondage Ipsos
réalisé en mai 2005 pour l’Adami montre que 83% des Français seraient prêts à payer une
redevance sur l’abonnement aux fournisseurs d’accès pour pouvoir échanger librement.
L’industrie musicale a également su rebondir et passer à la dématérialisation. Les majors
proposent le téléchargement de musique sur les téléphones portables et cette initiative
remporte un véritable succès. Inexistant il y a encore trois ans, il représente aujourd'hui
quelque 4 milliards d'euros dans le monde. En France, il pèse près de 200 millions d'euros,
soit désormais bien plus que la vente de CD «single».
Ce qu’il est finalement important de retenir c’est que la polémique actuelle, comme toutes les
autres, est animée par beaucoup de passion. Les acteurs en jeu sont extrêmement
nombreux. Le phénomène du téléchargement apparemment complexe, a suscité un véritable
intérêt auprès de tous les publics. Par le biais des médias, et internet en particulier, tous ont
pu exprimer leur point de vue, créant ainsi une cacophonie évidente. Le public s’est imposé
et a énormément participé au débat. Le peer-to-peer, au-delà d’être un lieu d’échanges, est
essentiellement un lieu de contestation. Loin de vouloir nuire aux artistes, les pairs veulent
avant tout manifester leur mécontentement quand aux politiques des majors. Le débat
actuel, permet comme le pensent certains, de détourner l’attention du véritable enjeu :
l’évolution des majors par rapport à leur politique de prix et leur fonctionnement. Nous
pouvons donc penser que dans quelques années, comme le soulignait un membre du public
de la conférence Music 3.0, il se peut que le débat qui anime tant les professionnels de la
54
musique nous fasse sourire, comme aujourd’hui la menace de la cassette audio
enregistrable ou celle de la radio.
55
BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages :
BRUNET Alain
« Le disque ne tourne pas rond »
Editions Coronet liv. 2003, Cap Saint-Ignace (Québec), Canada. (292 pages)
FARCHY Joëlle
« Internet et le droit d’auteur. La culture Napster »
CNRS Editions, avril 2003, Lonrai (France)
JEANNERET Yves
« L’affaire Sokal ou la querelle des impostures »
PUF, septembre 1998, Vendôme, (274 pages).
LATRIVE Florent
« Du bon usage de la piraterie. Culture libre, sciences ouvertes »
Editions Exils, octobre 2004, Mayenne.
MAINGENEAU Dominique
« Analyser les textes de communication »
Nathan Université, 2003, Liège (Belgique), (211 pages)
MARTIN Alban
« The entertainment industry is cracked. Here is the patch ! »
Editions Publibook, 2004, (160 pages).
Revues :
« Les industries culturelles à l’heure d’internet » (dossier).
In. Problèmes économiques bimensuel n° 2.867, mercredi 19 janvier 2005
56
Larribeau Sophie et Pénard Thierry.
« Le commerce électronique en France : un essai de mesure sur le marché des CD »
In. Economie et statistique n° 355-356, 2002.
Beuscart Jean-Samuel.
« Les usagers de Napster, entre communauté et clientèle. Construction et régulation d’un
collectif sociotechnique ».
In. Sociologie du travail 44, 461-480, 2002.
« L’actualité du disque » – Edition 2004
Edité par le SNEP (Syndicat National des Editeurs Phonographiques)
Presse :
Libération n°7361 du lundi 10 janvier 2005
« La culture paie de sa pochette ». Philippe Azoury
Libération n°7372 du samedi 22 et dimanche 23 février 2005
« Musique sur le Net : les fausses notes du payant ». Florent Latrive.
« La musique est le seul argument de vente d’un disque ». Entretien de Manfred Eicher,
propos recueillis par Eric Dahan.
Le Nouvel Observateur n° 2100 du 3 au 9 février 2005
Dossier : « L’appel des artistes contre la répression des pirates du net : Libérez l@
musique ! ».
Télérama n° 2858 du 23 au 29 octobre 2004
Dossier : « Piratage sur Internet : rencontre avec une pirate ordinaire ; le cinéma victime du
téléchargement ». Stéphane Arteta et Doan Bui.
Mémoire :
LABARTHE-PIOL Benjamin, « Internet et l’industrie musicale », mémoire majeur D.E.A.,
Paris IX Dauphine, 2001.
57
Etudes :
BOORSTIN Eric S. “Music sales in the age of file sharing”. Princeton : Thesis, 2004.
ZENTNER. A. “Measuring the effect of music downloads on music purchases”. University of
Chicago, 2004.
Sites internet :
http://www.audionautes.net
http://www.journaldunet.com
http://www.lemonde.fr
http://net.for.free.fr/maxirecords/
http://www.musique-libre.com
http://www.nouvelobs.com
http://www.phonopaca.com/
http://www.ratatium.com
http://www.toutsurlacom.com
http://fr.wikipedia.org/
http://www.lemonde.fr :
« Lourde sanction financière pour avoir téléchargé des fichiers musicaux ». 03 février 2005.
Nathaniel Herzberg.
« L’industrie musicale attends son salut du téléchargement légal et du téléphone mobile ».
26 janvier 2005. Bruno Lesprit et Véronique Mortaigne, envoyés spéciaux à Cannes.
Article paru dans l’édition du 27 janvier 2005.
« Comment la concentration de la distribution nuit au disque ». 21 janvier 2005
Bruno Lesprit.
http://www.journaldunet.com :
Interview de Alban Martin, auteur du livre : “The entertainment industry is cracked. Here is
the patch !”.11 février 2005.
58
RÉSUMÉ
Trois crises majeures ont marqué l’histoire de la musique : l’arrivée de la radio en
1920, celle des cassettes enregistrables dans les années 70 et aujourd’hui l’arrivée
d’internet. A chacune de ces évolutions technologiques, les industriels se sont sentis
menacés, car le changement a entraîné de nouvelles façons de « consommer » la
musique. Finalement ces crises ont conduit l’industrie musicale à repenser ses
modèles et à innover à son tour et par conséquent d’avancer.
Selon la plupart des professionnels de la musique, la mauvaise santé actuelle de leur
industrie est due aux téléchargements sur les réseaux peer-to-peer. Aucune étude
ne montre réellement de corrélation entre les deux, néanmoins, cette conviction
pousse les acteurs leaders à réagir. Pour lutter contre le phénomène, ils adoptent
chronologiquement deux stratégies.
Au départ, ils choisissent la technique de l’intimidation, en incriminant dans un
premier temps les pairs par le biais de campagnes de communication, puis - ces
dernières ne portant pas leurs fruits - par des actions en justice. Cette politique du
bâton a choqué énormément d’acteurs en jeu (sociétés civiles, artistes, public…) qui
se sont insurgés et ont immédiatement rétorqué.
Contraints de changer de stratégie, les partisans du tout-répressif ont dû opter pour
un ton plus consensuel : celui de la responsabilisation. Mais derrière cette notion aux
connotations plus libérales et démocratiques, se cache toujours la répression. En
effet, même si les campagnes et les discours se sont adoucis, en filigrane la menace
reste omniprésente. Là encore, les réactions ne se sont pas fait attendre.
La communication a eu un rôle très fort dans cette relation industrie musicale /
« pirates », car par son biais les acteurs se sont affrontés et répondus de façon quasi
systématique. Néanmoins, l’heure ne semble plus être au conflit mais à la réflexion
commune pour donner naissance à de nouvelles solutions et à des compromis.
59
GLOSSAIRE
Blog : contraction de weblog (mot-valise anglais issu d’une contraction de web et log : log
étant un journal de bord de la marine et l’aviation américaine). C’est un site web sur lequel
une ou plusieurs personnes s’expriment librement, sur la base d’une certaine périodicité.
Contrefaçon : La contrefaçon est le fait de reproduire ou d'imiter quelque chose sans en
avoir le droit. Elle s'applique dans deux domaines différents : le droit commercial et la
propriété intellectuelle
Copyleft : le fait de détenir les droits d’une œuvre mais choisir de ne pas les exercer en le
stipulant de façon explicite.
Copyright : Cf. droit d’auteur
La DRM (Digital Rights Management) : permet de diffuser des contenus sonores, textuels,
etc. par voie numérique tout en protégeant les droits d'auteur associés en cryptant ces
fichiers pour qu'on ne puisse les lire qu'avec un lecteur adapté et sécurisé et ne pas les
copier. Il est possible de personnaliser dans le détail la diffusion de chaque fichier
commercialisé.
Droit d’auteur (ou copyright) : protège automatiquement et sans formalité toute oeuvre de
l’esprit 70 ans après la mort de l’auteur en France (auteurs et compositeurs). Pour les
producteurs et interprètes ils sont soumis au régime des « droits voisins » valables 50 ans
après la première diffusion de l’œuvre.
FAI : Fournisseurs d’accès à internet (Free, Wanadoo, le Neuf, etc.)
GSA : Grandes surfaces alimentaires types Carrefour, Auchan…
GSS : Grandes surfaces spécialisées types Fnac, Virgin…
Licence légale (ou obligatoire) : permet la diffusion d’une oeuvre musicale pour laquelle le
détenteur du copyright a donné son autorisation en contrepartie d’une rémunération.
MP3 : (abréviation de MPEG-1/2 Audio Layer 3). C’est un format de compression audio
capable de réduire la quantité de données nécessaire pour restituer de l'audio, mais sans
perte significative de qualité sonore. Il occupe 12 fois moins d'espace que le format original,
ce qui facilite le téléchargement.
WMA (Windows Media Audio). C’est un format audio appartenant à Microsoft. Le fichier
WMA a une taille plus petite que le fichier MP3. Le format WMA offre pour spécificité la
possibilité de protéger dès l'encodage les fichiers de sortie par une technique nommée
Digital Rights Management (cf. DRM).
60

Documents pareils