Critères pour choisir un couple de fluorophores
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Critères pour choisir un couple de fluorophores
Introduction au RET et à ses applications pour étudier les interactions protéine-protéine Date : 27/03/2012 Page : 17/ 77 III – CRITERES POUR CHOISIR UN COUPLE DE FLUOROPHORES Le choix d’un couple donneur-accepteur dépend de la technique utilisée (FRET, TRFRET, BRET, etc.) et des molécules disponibles pour ces méthodes (protéines fluorescentes, fluorophores organiques, enzymes, etc.). Dans l’exemple présenté ciaprès, deux couples de fluorophores organiques (donneur-accepteur) sont comparés sur la base de leurs propriétés optiques et physiques (photo-physiques). Pour des raisons de simplification nous avons choisi deux couples de fluorophores formés d’un même accepteur (Cy5) et de deux donneurs différents (Alexa488 et Cy3). A/ QUALITES REQUISES POUR UN BON FLUOROPHORE Nous avons vu précédemment les conditions qui régissent le transfert d’énergie entre deux fluorophores ainsi que certains facteurs qui modulent l’efficacité du transfert d’énergie. Lors du choix des fluorophores pour des expériences de RET, d’autres facteurs, comme les propriétés optiques et physiques des fluorophores sont essentiels à prendre en compte. Ces propriétés vont non seulement déterminer si un RET entre les fluorophores est possible mais vont surtout influer sur la qualité des mesures de fluorescence. Un bon candidat fluorophore doit avoir : - Un coefficient d’extinction molaire ε (M -1.cm-1) le plus élevé possible. C’est la capacité d’un fluorophore à absorber l’énergie apportée par un photon à une longueur d’onde. - Un rendement quantique (Φ) élevé. C’est la capacité du fluorophore à ré-émettre sous forme de lumière, l’énergie absorbée. Il est défini comme étant le rapport du nombre de photons émis sur le nombre de photons absorbés (Φ = 1 pour 100 %). - Une brillance (M-1.cm-1) élevée. Elle est le produit du coefficient d’extinction molaire ε et du rendement quantique Φ du fluorophore. Plus un fluorophore est brillant, plus il sera facile de le détecter à de faibles concentrations dans la cellule. Introduction au RET et à ses applications pour étudier les interactions protéine-protéine Date : 27/03/2012 Page : 18/ 77 - Une photostabilité9 élevée avec une faible sensibilité au photo-blanchiment. Le photo-blanchiment intervient lorsqu’un fluorophore perd sa capacité à fluorescer. Ceci est la conséquence de réactions chimiques intervenant entre le fluorophore et des molécules de son environnement comme l’oxygène. - Un déplacement de Stokes (nm) le plus grand possible afin de s’affranchir de la contamination due à la source d’excitation (voir II-B et IV-D). - Une durée de vie de fluorescence élevée (valable pour certaines techniques de transfert d’énergie) : la durée de vie correspond à la durée moyenne pendant laquelle un fluorophore reste à l’état excité. Classiquement la durée de vie d’un fluorophore est de l’ordre de quelques nanosecondes. Toutefois certaines molécules ont des durées de vie beaucoup plus longues, de plusieurs microsecondes à millisecondes. Certaines techniques de transfert d’énergie, qui seront décrites dans le chapitre IV, tirent profit de ces propriétés originales. Comparaison des propriétés photo-physiques de trois fluorophores Alexa488, Cy3 et Cy5 qui sont classiquement utilisés en biologie : ε (M-1cm-1) * Φ Brillance Déplacement de Stokes (M-1.cm-1) (nm) Photo-stabilité Alexa488 71,000 0,92 6.5 x 104 30 +++ Cy3 150,000 0,04 0.6 x 104 13 ++ 18 + Cy5 250,000 0,28 7 x 10 4 * la valeur du coefficient d’extinction molaire est donnée pour le pic d’absorption. Sur la base des caractéristiques décrites précédemment, les fluorophores qui présentent la plus grande brillance sont l’Alexa488 et le Cy5. Toutefois, l’Alexa488 présente une meilleure photo-stabilité et un déplacement de Stokes plus important que le Cy5 ce qui permet de réduire les contaminations dues à la source d’excitation (voir ci-après). 9 La photo-stabilité correspond au nombre d’excitations que peut subir une molécule fluorescente avant de perdre ses propriétés d’émission de photons de fluorescence. Introduction au RET et à ses applications pour étudier les interactions protéine-protéine Date : 27/03/2012 Page : 19/ 77 B/ PROPRIETES REQUISES POUR UN BON COUPLE DE FLUOROPHORES Pour former un bon couple de fluorophores en RET il faut, un donneur et un accepteur d’énergie avec des propriétés optiques et physiques optimales : bonne compatibilité énergétique et bonne sélectivité spectrale. Pour illustrer ces différents paramètres, les couples Alexa488-Cy5 et Cy3-Cy5 seront analysés et comparés. Condition 1 : comme nous l’avons vu précédemment, le spectre d’émission du donneur doit recouvrir au moins partiellement celui de l’accepteur pour qu’un transfert d’énergie soit permis. Cette surface de recouvrement (ou intégrale de recouvrement J) est représentée en gris sur la Figure 11 pour les deux couples de fluorophores. Cy5 Abs. Intensité 400 Cy3 Em. Cy5 Abs. Intensité Alexa488 Em. 500 600 700 Longueur d’onde (nm) 400 500 600 700 800 Longueur d’onde (nm) Figure 11. Intégrale de recouvrement. D’après la Figure 11, l’intégrale de recouvrement J pour le couple Cy3-Cy5 est supérieure à celle du couple Alexa488-Cy5. Cela signifie que la probabilité pour qu’un transfert d’énergie ait lieu avec le couple Cy3-Cy5 est plus grande que pour le couple Alexa488-Cy5. Introduction au RET et à ses applications pour étudier les interactions protéine-protéine Date : 27/03/2012 Page : 20/ 77 Condition 2 : les spectres d’absorption du donneur et de l’accepteur doivent être suffisamment séparés pour que l’accepteur ne soit pas excité directement par la source lumineuse d’excitation du donneur. Cy5 Abs. Cy3 Abs. Absorption 400 Cy5 Abs. Absorption Alexa488 Abs. 500 600 700 excitation Longueur d’onde (nm) Figure 12. La sélectivité spectrale 800 10 500 600 700 excitation Longueur d’onde (nm) 800 (absorption). Selon le décalage entre les spectres d’absorption du donneur et de l’accepteur, la source d’excitation du donneur pourra aussi exciter l’accepteur directement. d’excitation correspond à la longueur d’onde de la source lumineuse d’excitation. On peut observer sur la Figure 12 que le Cy5 est directement excité par la source lumineuse servant à exciter le Cy3 alors que son excitation directe à la longueur d’onde d’excitation de l’Alexa488 est négligeable. Cela a plusieurs conséquences : - D’une part, si l’accepteur est directement excité par la source lumineuse, il ne pourra pas, dans le même temps, être excité par le donneur via un transfert d’énergie. - D’autre part, la fluorescence due au RET sera « contaminé » par la fluorescence de l’accepteur directement excité par la source lumineuse. 10 Le terme sélectivité spectrale (ou fuite spectrale) fait référence à la capacité de séparation des différents signaux provenant spécifiquement soit du donneur soit de l’accepteur. Introduction au RET et à ses applications pour étudier les interactions protéine-protéine Date : 27/03/2012 Page : 21/ 77 Condition 3 : l’accepteur doit émettre à des longueurs d’ondes où le donneur émet peu ou pas. Cy5 Em. Cy3 Em. Cy5 Em. Emission Emission Alexa488 Em. 500 600 700 Longueur d’onde (nm) 800 500 600 700 800 Longueur d’onde (nm) Figure 13. La sélectivité spectrale (émission). Selon le décalage entre les spectres d’émission du donneur et de l’accepteur, le signal d’émission du donneur excité par la source lumineuse pourra contaminer celui de l’accepteur (dû au RET) en émettant aux mêmes longueurs d’ondes. La contamination du Cy5 par l’émission du donneur Cy3 (Figure 13, zone hachurée) est plus importante que celle avec le donneur Alexa488 du fait de la plus forte proximité entre les spectres d’émission du Cy5 et du Cy3 (Figure 13). Une petite partie du signal mesuré aux longueurs d’ondes de l’accepteur Cy5 pourra donc avoir pour origine le fluorophore donneur Cy3 lors de l’utilisation du couple Cy3-Cy5. Expérimentalement la sélectivité (ou fuite) spectrale des fluorophores peut être vérifiée : 1) En excitant à la longueur d’onde du donneur un échantillon ne contenant soit que le donneur soit que l’accepteur et en mesurant le signal d’émission à la longueur d’onde de l’accepteur (Figure 14A et 14B). Introduction au RET et à ses applications pour étudier les interactions protéine-protéine 500 600 700 excitation Intensité excitation Intensité 400 800 400 500 Longueur d’onde (nm) A Fuite spectrale du donneur = émission aux longueurs d’ondes de l’accepteur Donneur seul (Cy3) émission Cy5 Exc. Em. émission Cy3 Exc. Em. Date : 27/03/2012 Page : 22/ 77 600 700 800 Longueur d’onde (nm) B Excitation directe de l’accepteur à la longueur d’onde du donneur Accepteur seul (Cy5) Figure 14. Analyse de la fuite spectrale. La mesure est effectuée à la longueur d’onde d’émission de l’accepteur (670 nm). Si le donneur émet à la longueur d’onde d’émission de l’accepteur et/ou que l’accepteur est excité directement par la longueur d’onde d’excitation du donneur (535 nm), le signal de RET mesuré sera contaminé par ces signaux parasites qu’il sera nécessaire de soustraire. d’excitation correspond à la longueur d’onde de la source lumineuse d’excitation. d’émission correspond aux longueurs d’ondes pour lesquelles le signal est mesuré. 2) Si les contrôles qui précédent révèlent une fuite spectrale, il sera nécessaire d’enlever les signaux contaminant au signal mesuré en présence du donneur et de l’accepteur (Figure 15). Introduction au RET et à ses applications pour étudier les interactions protéine-protéine Cy5 Exc. Em. Intensité Cy3 Exc. Em. Date : 27/03/2012 Page : 23/ 77 400 500 600 700 Accepteur seul B Donneur seul Excitation directe de l’accepteur C Donneur 800 A + Fuite spectrale du donneur Accepteur signal spécifique RET de C = signal total mesuré – (signal A + signal B) Figure 15. Correction de la fuite spectrale. Le signal (fluorescence émise) spécifique de RET mesuré à 670 nm correspond au signal total mesuré en présence du donneur et de l’accepteur auquel sont soustraits les signaux des conditions A et B. La correction de la fuite spectrale n’est applicable que dans des conditions expérimentales où tous les échantillons (donneur seul, accepteur seul, donneur + accepteur) contiennent les mêmes quantités de fluorophores donneur et accepteur. Si cette condition n’est pas remplie, il sera nécessaire d’appliquer d’autres facteurs de correction dont nous ne parlerons pas ici. Condition 4 : il est préférable que le rayon de Förster R0 du couple de fluorophores se situe dans la gamme de distance donneur-accepteur analysée. Dans des systèmes d’interactions dynamiques, la variation de l’efficacité du transfert d’énergie est maximale pour des distances donneur-accepteur oscillant autours du R0 (Figure 16). Cependant, cette condition est difficile à satisfaire car la variation de Introduction au RET et à ses applications pour étudier les interactions protéine-protéine Date : 27/03/2012 Page : 24/ 77 distance réelle entre les fluorophores est le plus souvent inconnue (voir chapitre II-CInfluence du facteur d’orientation). Si la technique de RET utilisée le permet, il est souhaitable de tester différents couples de fluorophores avec des R0 variables ou de modifier la position des fluorophores au niveau des protéines d’intérêt. Dans l’exemple de la Figure 16, une variation de distance de 1 nm à des effets très variables sur l’efficacité du transfert d’énergie selon que la distance entre les Efficacité de RET fluorophores est proche ou éloignée du R0. 1 nm 1 nm 2 4 R 6 0 1 nm 0.8 0.4 0 0 8 10 Distance (nm) Figure 16. Impact de la distance entre les fluorophores et du rayon de Förster du couple sur l’efficacité du transfert d’énergie. Bilan des deux couples de fluorophores Alexa488-Cy5 et Cy3-Cy5 : Les deux couples de fluorophores présentés dans ce chapitre sont classiquement utilisés en biologie dans des analyses de RET. Intuitivement le couple Cy3-Cy5 semble plus intéressant que le couple Alexa488-Cy5 du fait de son plus important recouvrement spectral entre le spectre d’émission du Cy3 et le spectre d’absorption du Cy5. En analysant plus en détail les caractéristiques de ces deux couples de fluorophores, il apparait pourtant que leurs rayons de Förster (R0) sont sensiblement identiques, R0Cy3-Cy5 = 5,5 nm et R0A488-Cy5 = 5,6 nm (voir II-B). Ceci est dû au plus grand rendement quantique de l’Alexa488. D’autre part, bien que le signal de l’Alexa488 soit émis à des longueurs d’ondes où les cellules fluorescent 11 , les propriétés photo-physiques du couple Alexa488-Cy5 permettent une meilleure séparation des composantes spectrales des fluorophores donneur et accepteur d’énergie. 11 Un élément important à prendre en compte dans les expériences de fluorescence est l’auto-florescence naturelle des cellules due à certains acides aminés, NADPH, flavines, au milieu, etc.