1. Présentation de l`œuvre 2. Contexte historique

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1. Présentation de l`œuvre 2. Contexte historique
Mme DOUS – 305/309
HISTOIRE DES ARTS
Les Temps modernes (1936), Charles Chaplin
Analyse des 15 premières minutes du film
1. Présentation de l’œuvre
Titre original : Modern Times, de Charlie Chaplin
Pays : Etats-Unis
Nature de l’œuvre : Long métrage (87 minutes)
Genre : comédie
Date de sortie : 1936.
Ecrit, produit, réalisé et joué par Chaplin.
Caractéristiques : film muet mais sonore (musique, bruits ambiants, quelques paroles et une chanson).
C’est la dernière apparition de Charlot le vagabond, né 20 ans plus tôt dans un monde très différent.
Symbole de la souffrance de tous les déshérités d’un monde à peine sorti du 19ème siècle.
C’est sans doute pourquoi Chaplin ne fait toujours pas parler Charlot dans ce film, alors que le cinéma parlant existe
pourtant depuis 10 ans. Pour lui, la pantomime est un langage universel, compris de tous et son personnage de
Charlot en est l’emblème.
2. Contexte historique
Les Temps Modernes (1936) est un film sorti pendant la période de l’entre-deux-guerres.
1929 : krach boursier qui entraîne le pays (puis l’Europe) dans une crise économique et sociale de grande ampleur.
Le krach boursier entraîne une crise bancaire (faillite des banques), puis une crise économique (fermeture d’usines)
puis une crise sociale (chômage, misère, faim). Expropriation des fermiers aussi.
1936 : les Etats-Unis sont toujours empêtrés dans la crise économique. La politique du New Deal (« Nouvelle Donne
») lancée par Roosevelt à partir de 1933 a pour objectif de relancer l’activité économique grâce à l’impulsion de
l’Etat (grands travaux…).
Depuis 1911 : apparition du Taylorisme = division du travail en tâches simples et répétitives.
But : accélération et automatisation de la production.
3. Identification de la séquence choisie
L’extrait étudié constitue les 15 premières minutes du film.
Cette séquence a été choisie, car elle montre bien le regard critique que Chaplin porte sur le contexte économique
et social des années 30 (Chômage, grèves, manifestations, misère). Chaplin désamorce la pesanteur du sujet en y
introduisant le burlesque de son personnage, Charlot.
Problématique :
Quel regard Charles Chaplin porte-t-il sur la crise économique et sociale des années 30 ? Comment, par le
burlesque, rend-il son propos universel et intemporel ?
4. Résumé rapide de la séquence (24 photogrammes)
Générique + carton d’ouverture du film qui en annonce le propos (1). Des moutons apparaissent, marchant tous vers
le spectateur (2). Puis, par un fondu enchainé (3), on voit des hommes sortant du métro, serrés les uns contre les
autres (4), se dirigeant vers l’usine (5) et y entrer (6).
Après un carton annonçant au spectateur que le plan suivant se fera dans le bureau du Président de l’usine, on voit
celui-ci à son bureau, occupé à faire un puzzle puis attrapant un journal avec une BD, pour le lire (7).
Puis, on le voit surveillant ses chaines de montage par un système de vidéosurveillance (8).
On voit ensuite Charlot qui a du mal à suivre la cadence sur sa chaine de montage (9 à 12). Puis, il fait une pause
cigarette, aussitôt interrompue par le visage du Président qui apparait sur un écran dans les toilettes (14). Tout en
marchant, il ne cesse de reproduire le geste de resserrer les boulons (13).
Pause-déjeuner : Charlot sert de cobaye pour une machine à manger (15) qui finit par se dérégler et devenir folle
(16).
Charlot reprend le travail, toujours houspillé par son collègue et son contremaître (17), mais cette fois il devient
fou. Obsédé par ces boulons à resserrer, il ne peut s’arrêter de serrer ses boulons (18) et finit par être avalé par
la machine (19 + 20).
Il en ressort fou (21 + 22). Il tente alors de resserrer tout ce qui ressemble de près ou de loin à un boulon, même
les boutons du corsage d’une femme. Il entame une danse incontrôlable et asperge ses collègues d’huile (23). Il finit
par détraquer toutes les machines. Des explosions ont lieu (24). Il finit par être emmené à l’hôpital psychiatrique.
5. Analyse
Chaplin critique plusieurs aspects de la société industrielle américaine des années 30, tout en faisant rire.
♦ L’idée que le progrès apporte forcément le bonheur :
Photogrammes 1 à 6 :
- Carton d’ouverture qui annonce ce que le film se propose de montrer : « Un récit sur l’industrie, l’initiative
individuelle et la croisade de l’humanité à la recherche du bonheur. »
Or, ce carton est tout de suite contredit par les plans suivants : plan serré sur les moutons qui, par un fondu
enchainé, sont remplacés par des hommes.
Comparaison évidente faite entre les moutons et les ouvriers. On distingue cependant un mouton noir qui annonce
sans doute le personnage de Charlot : il est le seul ouvrier qui ne s’adapte pas au travail dans l’usine et qui va tout
dérégler.
Î ironie entre le carton du début et ces premiers photogrammes : on comprend tout de suite que le travail à
l’usine ne sera pas présentée comme un moyen de trouver le bonheur.
♦ Défiance par rapport aux machines :
Le photogramme 6 est le premier plan sur les machines.
▪ Elles sont toujours filmées en plongée, des ouvriers à côté :
- insistance sur leur taille, en montrer plus : elles occupent les ¾ de l’espace du plan, réduisant
l’espace pour les hommes.
- l’ouvrier mis sur le même plan que la machine : il est à son service, il est un rouage de la machine.
→ Cette idée est reprise dans les photogrammes 10 à 12 et 17 à 20.
▪ La machine à manger : elle se dérègle et s’acharne sur Charlot.
Plus tard, la chaine de montage avale Charlot (machine = monstre avec des dents etc.).
Î La machine se sert de l’homme, s’en nourrit, annihile son humanité en en faisant un composant de son
mécanisme.
♦ Annihilation/négation de l’homme par la machine
▪ La machine dysfonctionne = critique du capitalisme moderne, de l’homme en position de soumission. L’univers de la
machine ne convient pas à celui de l’homme.
Les autres ouvriers poursuivent Charlot mais s’arrêtent instantanément quand la chaine de montage se remet en
route et se remettent au travail tels des robots.
Î La machine devient donc un peu aussi son alliée contre les autres employés.
Î La folie de Charlot rend un peu de liberté aux corps grâce à la poursuite.
♦ La séparation des classes (photogrammes 6 à 9)
▪ Les employés d’un côté, le patron de l’autre. Ils sont rarement filmés dans le même plan. Quand c’est le cas :
- ils sont séparés par un écran (photogrammes 8, 9 et 14)
- ils sont séparés par la chaine de montage : les ouvriers sont toujours à gauche des plans, de la chaine
de montage ; la droite, c’est le côté du patron.
→ Quand Charlot passe à droite, c’est quand il est devenu fou : transgression de l’ordre social établi.
▪ Le patron fait un puzzle puis lit : activités lentes, demandent du temps ≠ cadence de travail des ouvriers.
Î Le patron a le temps du loisir ≠ ses ouvriers n’ont même pas le temps d’aller aux toilettes ou de fumer une
cigarette.
Î Ces 18 minutes = négation des activités humaines ; tout cela est nié au nom de la productivité.
▪ système de vidéosurveillance + négation des activités humaines : renvoie à un ordre totalitaire.
Î La folie de Charlot va briser cet ordre établi.
Î 2 mondes se côtoient, sans communiquer.
Conclusion
1. Les Temps Modernes est un film charnière dans la carrière de Chaplin :
- Il est le dernier grand film muet du réalisateur et un des derniers grands films muets de l’histoire du cinéma.
- Avant Les Temps Modernes, Chaplin a réalisé plusieurs chefs d’œuvre du muet (Le Kid, La Ruée vers l’or, Le
Cirque, Les Lumières de la ville …).
Après, il est une des rares stars du muet à réussir le tournant du parlant avec Le Dictateur (1940) ou Les Feux de
la Rampe (1952) par exemple.
2. Les Temps Modernes est également un film important de l’histoire du cinéma par :
- la parfaite maitrise du rythme burlesque. 75 ans après sa sortie, le film continue à faire rire, partout dans le
monde. Cela prouve sa force universelle.
- l’utilisation originale et très habile du son (bruitages, chant, musique) et son refus de céder aux sirènes du
cinéma parlant. Il critique l’emprise de la technologie et défend la liberté de création.
- La critique cinglante du travail à la chaine (taylorisme/fordisme).
- La dénonciation des injustices sociales aggravées par la Grande Dépression, que d’autres artistes ont dénoncées
aussi.
Î Le film est avant tout une revendication plus qu’une critique du progrès : c’est la revendication de pouvoir
vivre libre, à son rythme, et ne pas être enfermé dans le rythme effréné du travail à la chaine. critique en
tant
Î L’image d’un humain immobilisé par des gestes répétitifs, par son poste à la chaine
Î le monde moderne entraine l’immobilité et la contrainte.
QUESTIONS POSSIBLES
♦ Expliquer le Taylorisme :
- En 1911, Franck Taylor, ingénieur économiste, crée l’Organisation Scientifique du Travail (l’OST) : on l’appellera le
Taylorisme.
- Division horizontale du travail = on supprime toute tâche intellectuelle → l’ouvrier se concentre sur son travail
manuel.
- Division verticale du travail = chaque travailleur a 1 tâche spécifique à faire (répétitive) →accélération +
automatisation de la production.
- Ford ont été les premières à adopter ce système dans ses usines de montage de voitures.
♦ Qui était Chaplin ? voir travail biographique
♦ Autres titres de films de Chaplin ? voir travail biographique
♦ Autres grands comiques burlesques de la même époque que Chaplin ? Buster Keaton, Langdon.
♦ Comment Chaplin traite-t-il les conséquences économiques et sociales de la crise 1929 dans la suite du
film ?
♦ Quels autres artistes ont traité de la crise de 1929 ?
Dorothea Lange (parler de son travail de photographe pendant la Grande Dépression + la photo étudiée en classe)
John Steinbeck à travers certains romans comme « Des Souris et des hommes »
John Ford, cinéaste, a transposé à l’écran un roman de Steinbeck « Les raisins de la colère » traitant de la Grande
Dépression.
♦ Aspects comiques de l’extrait ? citez des exemples et précisez que c’est un comique de geste (la danse, ce qu’il
fait avec sa clef) et un comique de situation (quand il est avalé par la machine).
♦ Autre film engagé de Chaplin ? Le Dictateur, tourné en 1939 et qui montre déjà les interdictions en tous genres
faites aux Juifs puis arrestations, exécutions et camps de concentration + satire du personnage de Hinkel qui est
en fait Hitler.