Images des enfants et des jeunes véhiculées dans les
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Images des enfants et des jeunes véhiculées dans les médias audiovisuels (télévision, publicité, Internet) Analyse CODE Avril 2012 Qu’entend-on derrière le terme « média » ? Il peut se définir comme un « procédé permettant la distribution, la diffusion ou la communication d’œuvres, de documents ou de messages sonores ou audiovisuels (presse, cinéma, affiche, radiodiffusion, télédiffusion, vidéographie, télédistribution, télématique, télécommunication) »1. Nous comprenons donc ici le terme « média » au sens large, en tant que moyen de transmission (cela touche donc à la fois la publicité, Internet,…). Evaluer l’impact du rôle des médias sur la formation et les transformations des images véhiculées à propos de l’enfant2 (ce que l’on appelle les représentations collectives de l’enfant) représente un travail conséquent3. En effet, il faut tout d’abord dégager les images construites par les médias. Il faut ensuite s’atteler à définir les contours des représentations collectives. Enfin, il faut comparer les deux, tout en tenant compte des différentes variables (en dehors des médias) qui peuvent interférées dans la mise en place et dans l’évolution des images véhiculées4. Les images véhiculées par certains médias ont plus d’impact en raison de leur plus grande « fréquentation ». Dès lors, une des questions qui se pose est notamment celle de savoir si les médias qui évoquent le plus les jeunes sont forcément ceux fréquentés par eux ? Ou encore quels médias les jeunes utilisent le plus ? « Sans surprise, Internet et la télévision emportent les suffrages : six jeunes sur dix les utilisent ‘souvent’, et les autres disent les utiliser parfois. La concurrence est donc rude pour les autres médias. A peine plus de trois jeunes sur dix s’informeraient en lisant ‘souvent’ des journaux ou des magazines ; six sur dix les lisant ‘parfois’ et un sur dix n’en lisant jamais. La radio est quant à elle en queue de peloton : deux jeunes sur dix l’écoutent souvent pour s’informer, un peu moins de la moitié 1 www.larousse.fr Pour rappel, un enfant est toute personne de 0 à 18 ans. 3 L’idée est d’analyser la façon dont les médias se représentent les enfants et non d’étudier les enfants et les médias eux-mêmes. 4 M. VANOOST, Rôle des médias sur les représentations collectives et spécifiquement sur la perception de la jeunesse. L’exemple de la RTBF et de RTL, Etude réalisée dans le cadre du colloque « L’image des jeunes dans les médias » organisé par le Parlement de la Communauté française, 23 février 2011, p. 3. Voyez aussi l’Observatoire du récit médiatique, www.cclouvain.be/orm 2 1 d’entre eux le font ‘parfois’ et un tiers d’entre eux déclarent ne jamais s’informer en écoutant la radio »5. Dans le cadre d’une réflexion sur les droits de l’enfant et les médias6 entamée par une analyse sur les réseaux sociaux, la Coordination des ONG pour les droits de l’enfant (CODE) a tenu à consacrer une analyse sur les images de l’enfant et des jeunes dans les médias7. Nous y analyserons la question des images véhiculées de manière générale. Nous aborderons ensuite la question plus précisément par le biais des journaux télévisés, d’Internet et de la publicité. 1. Quelle(s) représentation(s) ? Avant d’analyser les représentations des enfants et des jeunes dans les médias, la question se pose de savoir ce qu’il faut entendre derrière le terme « représentation » ? Les représentations sociales sont des phénomènes complexes, toujours activés et agissant dans la vie sociale. Elles sont composées d'éléments divers qui ont longtemps été étudiés de façon isolée : attitudes, opinions, croyances, valeurs, idéologies, etc.8 Denise Jodelet propose une seconde définition des représentations sociales : «la représentation sociale est une forme de connaissance socialement élaborée et partagée, ayant une visée pratique et concourant à la construction d'une réalité commune à un ensemble social ». Cette forme de connaissance, parce qu'elle se distingue de la connaissance scientifique, est parfois appelée « savoir de sens commun » ou « savoir naïf »9. Les médias10 diffusent différentes images ou représentations de l’enfant. L’on peut retrouver une approche paternaliste (sorte de bienveillance autoritaire), protectionniste, émancipatrice (libératrice) ou encore libérale (l’enfant est l’égal de l’adulte). Ces dernières années, les ONG observent une détérioration de l’image des jeunes véhiculée par les médias11. L’exemple le plus frappant à ce sujet reste celui de la délinquance juvénile12. Ce qui n’est pas sans conséquence. 5 Média Animation ASBL, Les jeunes, leur diversité et les médias, http://www.media-animation.be/Les-jeunesleur-diversite-et-les.html 6 Voyez l’analyse de la CODE, Internet et les jeunes. Le cas particulier de Facebook disponible sur www.lacode.be 7 En raison des disparités de fréquentation des médias, nous noterons l’importance d’approcher la question des représentations par différents médias. 8 Voyez à ce sujet, W. DOISE, A. PALMONARI (sld.), L’étude des représentations sociales, Lausanne, Delachaux et Niestlé, 1986. 9 D. JODELET, Les représentations sociales, Paris, PUF, 1993. 10 Entendu au sens large, comme moyen de transmission d’informations. 2 Les psychologues sociaux13 montrent que, bien souvent, les gens, et donc les médias entre autres, exagèrent voire inventent la fréquence des relations qui existent entre deux événements ; par exemple, le fait que tous les feux de la circulation soient rouges lorsque l’on est pressé14 ou encore, l’appartenance à tel groupe ethnique ou à telle catégorie d’âge et le fait de commettre un comportement délictueux. Cette tendance, qui est considérée comme une théorie naïve somme toute bien humaine, est appelée « corrélation illusoire ». Les théories naïves ont notamment pour conséquence que non seulement nous avons tous, sans nous en rendre compte, une tendance naturelle à l’explication, mais surtout, nous sommes généralement enclins à préférer les explications qui confirment nos croyances… Ce qui, là aussi, n’est pas sans inconvénient. Ce phénomène participe en effet au renforcement et à l’entretien de nos stéréotypes15, ces images toutes faites dans lesquelles nous enfermons les groupes et leurs membres : « C’est parce que c’est une femme qu’elle conduit mal », etc. Ces théories fausses se construisent et se propagent à partir du milieu dans lequel nous évoluons. Ainsi, les médias notamment participent activement à la création de ces théories naïves. Celles-ci sont autant de vérités soi-disant observables qui, en retour, permettent de justifier nos comportements et nos attitudes : « Comme les jeunes sont de plus en plus violents, il faut nous en protéger. Nous n’avons d’autres choix que l’enfermement ». Bien que naïves, ces théories sont tellement enracinées dans notre culture et nos esprits qu’elles revêtent un statut quasi scientifique aux yeux de Monsieur et Madame Tout-lemonde. Elles leur font dire « Il n’y a pas de fumée sans feu » ou encore, dans une certaine mesure, « On peut faire dire ce que l’on veut aux chiffres » (sous-entendant : « Ne nous cachez pas la vérité, que l’on connaît trop bien… »). En particulier, « les médias peuvent se révéler particulièrement dangereux dans la création et le renforcement des stéréotypes. L’impression actuelle et généralisée que violence et 11 L’INCC (Institut National de Criminalistique et de Criminologie) met en avant que les statistiques ne confirment pas ce point de vue (CODE, Rapport alternatif des ONG sur l’application de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant par la Belgique, Bruxelles, 2010, disponible sur www.lacode.be). 12 Voyez à ce sujet l’analyse CODE L’enfermement des mineurs délinquants : état des lieux, juin 2011, disponible sur le site de la CODE : www.lacode.be 13 Sur le thème des représentations sociales, voyez notamment S. Ciccotti, 150 petites expériences de psychologie (pour mieux comprendre nos semblables), Paris, Dunod, 2004, S. Fiske, Psychologie sociale, Bruxelles, De Boeck, 2008 et C. Bonardi et N. Roussiau, Les représentations sociales, Dunod, les topos, 1999. 14 Ce principe se retrouve en partie dans la « Loi de Murphy » qui énonce que si quelque chose peut aller de travers, le phénomène se produira. 15 Plus exactement, les stéréotypes sont des croyances partagées concernant les caractéristiques personnelles d’un groupe de personnes (voyez notamment S. Fiske, op. cit.). C’est la réputation dont les groupes font partie. 3 criminalité juvéniles sont à la hausse, ou même hors de contrôle, en est un bon exemple. (…) Les stéréotypes négatifs n’affectent pas seulement la vision que les adultes ont de la jeunesse, mais la manière dont les jeunes se perçoivent eux-mêmes. La conviction que le reste du monde ne vous comprend pas et ne vous respecte pas n’encourage pas l’estime de soi »16. 2. La présence des jeunes dans les médias traditionnels : le cas des journaux télévisés belges francophones Marie Vanoost, de l’Observatoire du récit médiatique (UCL), a réalisé une étude sur le Rôle des médias sur les représentations collectives et spécifiquement sur la perception de la jeunesse. L’exemple de la RTBF et de RTL17. Plus précisément, cette chercheuse a effectué une observation durant le mois de novembre 201018 des journaux télévisés de ces deux chaînes. Ils sont, en effet, les rendez-vous de l’information les plus suivis du public et donc les plus susceptibles d’influencer les représentations collectives. Pour diverses raisons méthodologiques, la catégorie d’âge a été celle des 12-25 ans19. Reprenons maintenant quelques principaux résultats de cette étude. En ce qui concerne les journaux télévisés que les jeunes regardent de manière générale, ceux de RTL arrivent en tête et sont cités pour un peu plus d’un jeune sur deux. Cependant, ceux de la RTBF les talonnent de très près. « Un peu moins de la moitié des jeunes qui citent l’une de ces deux chaînes, excluent l’autre. En tout, les JT belges sont visionnés par les trois quarts des jeunes interrogés20, sans que l’on puisse établir une différence notable entre ceux qui pratiquent une langue étrangère et les autres. (…) L’audience des jeunes de Belgique francophone envers les chaînes françaises est importante. Les jeunes semblent conscients du fait qu’ils ne constituent pas forcément le public cible principal de ces émissions »21. 16 Réseau Educations-médias, www.education-medias.ca M. VANOOST, op. cit. 18 Selon l’auteure, la durée d’un mois semble suffisante pour dégager des tendances d’un mois qui ne présente pas d’actualité particulière impliquant des jeunes. Notons cependant que le 20 novembre est une date qui touche directement les enfants puisqu’il s’agit du jour dédié aux droits de l’enfant vu l’anniversaire de la Convention relative aux droits de l’enfant ce 20 novembre. 19 L’auteure précise au préalable qu’il est impossible de certifier avec exactitude l’âge des personnes qui apparaissent ou sont cités dans les journaux télévisés. Il a donc fallu trouver des indices pour trouver ces jeunes (12 à 25 ans dans cette étude). Cette étude ne se base que sur des personnes dont on a pu s’assurer de leur âge grâce au fait que : leur âge est mentionné, les personnes qui jouissent d’une certaine célébrité dont la date de naissance est connue, les jeunes identifiés comme élèves dans l’enseignement secondaire ou étudiants dans l’enseignement supérieur (à l’exception des assistants en médecine et des doctorants dont l’âge dépasse souvent les limites de la catégorie analysée), les personnes qui sont qualifiées de mineures quand l’image ou le commentaire implique qu’ils ont plus de 12 ans et enfin les jeunes dont le physique montre que sans doute possible, ils ont plus de 12 ans et moins de 25 ans. 20 Afin de réaliser cette enquête, un questionnaire a été soumis à plus de 400 élèves de l’enseignement secondaire. 21 Média Animation ASBL, op. cit. 17 4 Concernant la représentation des jeunes dans les journaux télévisés (au cœur de la présente analyse), on remarque que la tranche des 12-25 ans « apparaît, à première vue, légèrement sous-représentée [par rapport à la population dans son ensemble] dans les journaux télévisés belges francophones »22 si l’on tient compte uniquement des situations dont on peut quasiment être sûr de leur âge. Si l’on comptabilise les personnes qui ont l’air de faire partie de la tranche 12-25 ans, cela relativise quelque peu la sous-représentation des jeunes dans les journaux télévisés. En bref, au quotidien, les chaînes étudiées traitent proportionnellement assez peu de la population des jeunes. Plus précisément, les journaux télévisés font très peu intervenir les jeunes dans les matières politique, économique et sociale. En ce qui concerne les sujets culturels, on remarque une petite différence entre les deux chaînes; la RTBF mobilisant un peu plus les jeunes que RTL. La plupart des sujets sportifs avec ou sur des jeunes mentionnent ou font intervenir des jeunes sportifs belges. Pour les faits divers, on ne trouve de sujets avec ou sur des jeunes appartenant à cette catégorie que sur RTL. La catégorie où l’on retrouve le plus de jeunes est celle concernant les sujets de société et les affaires judiciaires et policières. Cette importance peut s’expliquer par la grande place que ces catégories prennent dans l’information plus largement. De plus, il est intéressant de signaler que dans la plupart des cas, les jeunes sont directement liés au sujet traité. Ils sont les principaux protagonistes du problème ou de la situation sans lesquels le sujet n’existerait pas. Il est par contre peu courant de les voir apparaître comme « simple » citoyen, dans le rôle de personnes « interchangeables », ou dans des sujets où plusieurs individus sont impliqués, mais où le journaliste choisit de faire intervenir des jeunes. C’est donc essentiellement l’actualité en tant que telle qui influence la présence des jeunes dans les journaux télévisés, plus qu’une volonté de la part des chaînes télévisées23. A ce sujet, il est intéressant de mentionner une étude de Média Animation qui aborde notamment la question des centres d’intérêt des jeunes. « Globalement, les jeunes se passionnent pour des sujets ‘jeunes’, essentiellement liés à l’univers du divertissement : la musique, le sport, les nouveautés culturelles, etc. Ces thèmes et la communication avec les amis sont les moteurs de leurs usages médiatiques. Aux côtés de la présence massive des loisirs, les jeunes ne répugnent pas à s’intéresser à des sujets plus sérieux pour lesquels ils s’ouvrent volontiers à l’interaction avec le monde adulte, sans doute perçu comme peuplé d’experts potentiels (les parents et les enseignants) »24. 22 M. VANOOST, op. cit., p. 4. Ibid., p. 6. 24 Média Animation ASBL, Les jeunes, leur diversité et les médias, décembre 2010, URL : http://www.mediaanimation.be/Les-jeunes-leur-diversite-et-les.html, 23 5 En fait, la « parole des jeunes apparaît très rarement comme se suffisant à elle-même. Elle est le plus souvent encadrée par la parole de personnes plus âgées. Néanmoins, il existe de grandes disparités dans le temps de parole accordé aux jeunes en fonction du type d’actualité traité »25. Soulignons également que l’analyse de Marie Vanoost démontre que les journaux télévisés présentent souvent les jeunes de façon stéréotypée. L’image des jeunes est alors liée à celle de la criminalité, de l’alcool, de l’échec scolaire ou encore des conduites dangereuses. Mais l’analyse montre aussi qu’il faut être prudent et tenter de dépasser les apparences. « Ainsi, s’il est vrai que le stéréotype le plus présent dans les journaux télévisés est celui qui associe jeunesse et violence, les jeunes y sont aussi largement présentés comme victimes, et non pas uniquement auteurs, de violences. (…) Par ailleurs, il faut également souligner le fait que les journaux télévisés présentent aussi les jeunes sous des angles qui semblent beaucoup plus éloignés des stéréotypes habituels : les jeunes peuvent également être des citoyens engagés, motivés et actifs dans le monde du travail, croyants cherchant à concilier leur foi avec la société actuelle, etc. »26. Finalement, différentes interrogations restent en suspens : Quel peut être l’impact de ces sujets sur les téléspectateurs ? « Dépend-il d’abord du nombre de sujets consacrés à un problème ou plutôt de la force des propos tenus dans les sujets, même si ceux-ci sont peu nombreux ? »27,… 3. L’image des enfants dans la publicité Différents auteurs se sont posés la question de savoir si l’évolution des représentations des enfants dans les publicités témoignait plus largement d’une évolution de l’image de l’enfant dans la société. Catherine Makereel, journaliste au Soir, souligne que « l’enfant est omniprésent dans la pub, pas seulement comme support marketing mais aussi comme cible. (…) Il est toujours plus prescripteur »28 et pose la question de l’évolution du modèle familial ou de la dérive de la publicité. Elle met en avant le fait que le rôle joué par les enfants dans les publicités s’est modifié au cours du temps. « ‘Au début, l’utilisation des enfants était très primaire, du style un gamin disant ‘regardez comme c’est bon’. Aujourd’hui le spectateur connaît les coulisses de la fabrication de la pub. Il connaît nos stratégies. Il se méfie d’autant plus qu’il est capable de décrypter très vite nos intentions. Les publicitaires sont donc obligés de créer de nouvelles 25 M. VANOOST, op. cit., p. 6. Ibid., p. 23. 27 Ibidem. 28 C. MAKEREEL, L’enfant tout-puissant de la pub, Le Soir, 12 juillet 2011, URL : www.lesoir.be 26 6 formes, plus surprenantes’. Et ce qui marche fort depuis quelque temps, c’est de mettre en scène des enfants tout-puissants, plus adultes que leurs parents »29. En outre, la cible semble avoir changé. Auparavant, l’enfant semblait plutôt correspondre à une image à laquelle on recourait afin de faire vendre un produit à la ménagère. Aujourd’hui, il ne serait plus seulement ça, « il est aussi un client potentiel, ou en tout cas un prescripteur d’achat non négligeable. En Belgique, les enfants sont à l’initiative d’un achat alimentaire sur deux mais aussi d’une grosse partie des achats électroménagers, de télécoms ou même de voitures »30. On peut donc conclure que la publicité et l’image qu’elle renvoie est directement liée à son public cible. Un responsable de la communication d’une grande entreprise ayant réalisé une série de publicités qui inversait le rôle enfant-parent confirme ce constat : « On s’est d’abord posé la question de notre cible prioritaire. Il s’est avéré que la famille et plus particulièrement la famille avec enfants ou jeune ados est pour nous une cible intéressante parce consommatrice de télécoms et avec un fort potentiel en termes de pénétration de produits »31. Soulignons enfin les risques que peuvent causer de telles publicités. En effet, « l’utilisation d’images d’enfants ou d’adolescents est devenue un sujet particulièrement inquiétant ces dernières années. Il a été sous-entendu que de telles images peuvent être utilisées de façon inappropriée, ou pour atteindre les enfants et adolescents photographiés. Ce problème s’est davantage compliqué avec l’avancement de la technologie internet et des images et des informations plus faciles à obtenir et à diffuser »32. 4. L’image des jeunes par le biais d’Internet Internet constitue un média particulièrement intéressant dans le cadre d’une analyse sur les représentations des enfants et des jeunes dans les médias. En effet, d’une part, les jeunes sont plus acteurs dans les nouveaux médias que dans les médias traditionnels. D’autre part, on peut penser que cela a pour effet de présenter une vision moins clichée de la jeunesse puisque les jeunes y participent d’eux-mêmes. Par exemple, par la création de blogs, on peut montrer une réelle alternative constructive de la jeunesse. De plus, cela suggère une image plus juste du jeune, plus sage et sérieuse que celle imaginée33. 29 Ibidem. Ibidem. 31 C. MAKEREEL, Bienvenue chez Belgacom Papounet…, Le Soir, 12 juillet 2011, URL : www.lesoir.be 32 Child Rights Information Network, L’utilisation d’images d’enfants dans les médias, 10/07/2009, URL : www.crin.org. 33 T. DE SMEDT, Présentation sur l’accès et l’éducation aux médias, Université d’été organisée par le CIDE, l’IUKB, l’IDE et la DEI, Louvain-la-Neuve, juillet 2011. 30 7 En particulier, pour faire face à cette image négative des jeunes fréquemment véhiculée34, le Délégué général de la Communauté française aux droits de l’enfant a créé le site « En Ligne Directe »35. Ce site constitue une banque de données d’images, de sons et de textes destinées aux acteurs du secteur mais également à tous les médias de la Fédération Wallonie-Bruxelles afin qu’ils aient accès à une information plurielle et diversifiée sur l’enfance et la jeunesse pour pouvoir construire, étayer ou illustrer leurs sujets. Ce blog se veut donc être une référence en matière d’informations. Il vise à contrer le fait que trop souvent les médias se nourrissent des médias. Les journalistes n’ont dès lors généralement pas accès à une information juste, et partagent, entretiennent, reproduisent les clichés d’autres confrères. La même logique transparaît dans les secteurs socioprofessionnels de l’enfance et de la jeunesse qui s’enferment dans leur propre conception36. Ce projet tente de s’inscrire dans l’ère des nouvelles technologies qui apparaissent plus mobiles et faciles d’accès. En outre, les nouveaux modes de communication, comme les blogs par exemple, sont énormément utilisés par les jeunes37. Au final, par une telle démarche, l’objet poursuivi est entre autres (nous pensons aussi par exemple à favoriser la participation des jeunes38) de « donner au grand public, non seulement les enfants et les jeunes, mais aussi les adultes, une image plus conforme de l’enfance et de la jeunesse »39. « L’objectif est donc de faire entendre une ‘autre’ voix dans le débat citoyen et politique sur l’enfance et la jeunesse »40. 5. Conclusion et recommandations de la CODE L’analyse de ces différents médias nous a permis de mettre en avant qu’ils ne montrent pas une image homogène de l’enfant ou du jeune. Ainsi, si la télévision, par exemple, par le biais des journaux télévisés, montre une image de l’enfant assez passive, Internet illustre celle d’un jeune pouvant occuper une place active dans la société. En outre, soulignons qu’il faut distinguer l’impact que les images peuvent avoir sur les jeunes eux-mêmes de l’impact sur le 34 Ils sont cependant des acteurs médiatiques trop souvent amenés à subir plutôt qu’à agir. Pensons notamment au manque de place laissée pour une réelle participation des enfants. 35 Voyez www.enlignedirecte.be 36 L. GRAZIANI, « ‘En ligne directe’ : une autre voie dans le débat citoyen » in Journal du droit des jeunes, n°303, mars 2011, p. 30. 37 Ibid., p. 31. 38 « L’objectif est de faciliter le droit d’expression et de parole des enfants et des jeunes. Ce dernier point mérite en effet une attention particulière. L’écueil est bien connu, trop souvent on ne leur donne la parole, qu’à propos seulement des questions qui les concernent directement et oublie qu’ils sont des citoyens avant d’être des jeunes ou des enfants et donc potentiellement intéressés par tous les sujets de société. Quand on parle du jeune, c’est souvent de manière émotionnelle et sensationnelle en abordant toujours les mêmes thèmes comme la délinquance juvénile » (L. GRAZIANI, op. cit., p. 30). 39 L. GRAZIANI, op. cit.,p. 30. 40 Ibid., p. 30. 8 grand public. En effet, les stéréotypes véhiculés par le biais des médias peuvent avoir des impacts négatifs différents sur ces deux groupes. Rappelons en outre qu’en ce qui concerne la Convention relative aux droits de l’enfant, le terme « média » ne se retrouve que dans l’article 17 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant qui aborde la question de l’accès et de la diffusion de l’information. Soulignons cependant que la Convention doit se penser de manière holistique, tous les droits promus dans le texte doivent être pensés de manière indivisible. La question des médias ne peut dès lors pas se penser indépendamment de celle de la participation, des loisirs,… De plus, la Convention a été adoptée il y a maintenant plus de 20 ans. Depuis 1989, beaucoup de choses ont évolué et surtout dans le domaine des médias et des nouvelles technologies. Le défi de la Convention sera alors de s’adapter aux nouvelles technologies. En guise de conclusion, rappelons également quelques-unes des nos principales recommandations sur le sujet41 : 1. Soutenir les initiatives des écoles et du travail socio-culturel liées à l’éducation aux médias. 2. Sensibiliser activement, non seulement les enfants, mais aussi les parents, aux possibilités et aux risques des divers médias, en particulier les médias audiovisuels et Internet. 3. Mieux protéger les enfants contre toute publicité qui leur est spécifiquement adressée et contre les nouvelles techniques publicitaires. Etendre aux chaînes privées les règles valables pour les chaînes publiques qui sont destinées à protéger les enfants. 4. Garantir le droit à la vie privée des enfants et des jeunes qui participent à des programmes de télévision et utilisent Internet. 5. Garantir l’accès à l’éducation aux médias à tous les enfants. Dans ce cadre, une attention particulière doit être accordée aux enfants les plus vulnérables. 6. Encourager activement une image positive des mineurs. Valoriser une représentation conséquente des enfants et des jeunes dans les médias et une vigilance accrue en termes d’images et de stéréotypes négatifs des jeunes. 7. Dans le cadre de la formation des journalistes, intégrer des cours de déontologie, en particulier dans la perspective des droits de l’enfant. 41 CODE, Rapport alternatif des ONG sur l’application de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant, op. cit., pp. 84-85. 9 Cette analyse a été réalisée par la Coordination des ONG pour les droits de l’enfant (CODE) et représente la position de la majorité de ses membres. La CODE est un réseau d’associations ayant pour objectif de veiller à la bonne application de la Convention relative aux droits de l’enfant en Belgique. En font partie : Amnesty international, ATD Quart Monde, BADJE (Bruxelles Accueil et Développement pour la Jeunesse et l’Enfance), le BICE (Bureau International Catholique de l’Enfance) Belgique, le Conseil de la Jeunesse, DEI (Défense des enfants international) Belgique section francophone, ECPAT (End Child Prostitution and Trafficking of Children for sexual purposes) Belgique, la Ligue des droits de l’Homme, la Ligue des familles, Plan Belgique et UNICEF Belgique. La CODE a notamment pour objet de réaliser un rapport alternatif sur l’application de la Convention qui est destiné au Comité des droits de l’enfant des Nations Unies. De plus amples informations peuvent être obtenues via notre site www.lacode.be Rue du Marché aux Poulets 30 à 1000 Bruxelles www.lacode.be Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles 10