RGO

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RGO
C@mpus National de pédiatrie et chirurgie pédiatrique
Auteur : Marc Bellaiche (Hôpital Robert Debré, Paris)
TICEM – UMVF
MAJ : 06/01/2006
Reflux Gastro-Oesophagien (RGO) chez le nourrisson et chez l'enfant
(adulte non traité). Hernie hiatale
Item 280
Objectifs :
Objectifs de l'ECN
¤ Diagnostiquer un reflux gastro-oesophagien et une hernie hiatale aux différents âges.
¤ Argumenter l’attitude thérapeutique (P) et planifier le suivi du patient.
Objectifs du collège des professeurs de pédiatrie
¤ Définir le RGO et citer les mécanismes physiopathologiques mis en jeu dans l’enfance.
¤ Enumérer les signes qui doivent conduire à évoquer un RGO chez le nourrisson et l’enfant.
¤ Citer les complications du RGO (distinguer un RGO simple d’un RGO compliqué).
¤ Argumenter l’intérêt et les indications des investigations paracliniques selon l’âge et la situation
clinique.
¤ Enumérer les possibilités thérapeutiques et argumenter leurs indications selon l’âge et la situation
clinique.
¤ Citer les situations nécessitant le recours à un avis spécialisé.
Sommaire
Introduction
1- Physiopathologiee
2- Clinique
3- Examens paracliniques
4- Traitement
5- Pronostic
Références médicales opposables (RMO)
10 commandements
Introduction
En un clin d’œil …
Le RGO représente la première cause de vomissements chez le nourrisson. Toutefois c’est un
diagnostic d’élimination, et il est indispensable de s’assurer qu’il n’existe pas d’autres étiologies
(chirurgicales ou médicales) aux vomissements. Il convient ensuite de distinguer un RGO simple d’un
RGO compliqué. Le RGO simple ne requière pas d’exploration et justifie une prise en charge hygiènodiététique. Le RGO compliqué nécessite souvent des explorations complémentaires et impose un
traitement médicamenteux. L’évolution du RGO est favorable dans la majorité des cas, en dehors d’un
terrain débilité.
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1- Physiopathologie
Le RGO est d’origine multifactorielle :
- Fonctionnelle
•
•
•
•
Inadéquation entre le volume oesogastrique et la quantité de lait ingérée
o La contenance de la « poche » oesogastrique est faible. Le volume oesophagien est
de 4 à 6 ml chez le nourrisson (180 ml chez l’adulte). Or, la quantité ingérée par jour
chez le nourrisson est de 120 ml/kg/j environ, soit l’équivalent de 8,4 kg/j pour un
adulte de 70 kg ! Cette disproportion entre le réservoir et les aliments ingérés est une
des principales causes de reflux rétrograde de l’estomac rempli vers l’œsophage puis
la bouche
Défaut de vidange gastrique
o Un retard à l’évacuation des aliments de l’estomac vers le duodénum est source de
RGO
Modification du sphincter inférieur de l'oesophage (SIO)
o Dans un tiers des cas, il existe des relaxations inappropriées du SIO. La contraction
oesophagienne n’étant pas synchrone de la déglutition, le SIO se ferme et s’ouvre au
mauvais moment. Au fil du temps ces troubles moteurs signes d’une immaturité du
SIO vont s’amender
o Parfois le SIO est hypotonique et/ou de courte longueur et/ou mal positionné. Le
liquide remonte alors dans l’œsophage sans difficulté.
Inversion du gradient de pression thoraco-abdominale
o En cas de pathologie pulmonaire avec distension thoracique, la pression externe
exercée sur le SIO s’estompe, ce qui va favoriser les reflux
- Anatomique
•
Les anomalies anatomiques du tractus digestif supérieur jouent un rôle mineur dans la
physiopathologie du RGO en terme de fréquence. Toutefois quand ils sont présents, leur
influence néfaste est incontestable. Il faut craindre une évolution moins spontanément
favorable. Ce sont essentiellement
o L’ouverture de l'angle de His
o Les ligaments cardio phréniques lâches
o L’existence d’une hernie hiatale : elle est retrouvée dans moins de 10% des RGO
2- Clinique
a) Formes digestives
- Rejets ou vomissements
•
•
Le RGO n’est jamais responsable de rejets ou de vomissements bilieux. Tout vomissement
bilieux signe une occlusion en aval de l’ampoule de Vater jusqu’à preuve du contraire.
Dans le RGO, les rejets ou vomissements ont des caractéristiques évocatrices du diagnostic,
mais celles ci ne sont pas constantes :
o Post-prandiaux volontiers tardifs
o Déclenchés souvent par les changements de position
o Favorisés par l'alimentation liquide
o Survenant surtout chez le jeune nourrisson qui ne tient pas assis
- Formes digestives compliquées :
Symptomatologie d'œsophagite (30% des cas)
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Chez le nourrisson
o Vomissements douloureux, parfois sanglants
o Pleurs, tortillements per prandiaux avec difficulté de finir le biberon.
Attention des pleurs et tortillements accompagnés d'érythrose faciale chez un
nourrisson vorace, eutrophe, sujet aux gaz et ballonnements abdominaux évoquent
avant tout le diagnostic de coliques du nourrisson et non d'oesophagite
•
Chez le grand enfant :
o Brûlures rétro-sternales, pyrosis, dysphagie
hémorragie digestive
•
•
Œsophagite = 1ère cause d'hémorragie digestive chez le nourrisson
Saignement occulte, révélé par une anémie hypochrome
Sténose peptique : exceptionnelle
Retard staturo-spondéral
En général croissance normale
Impose la recherche d'une malabsorption associée (forme émétisante de maladie cœliaque en
particulier).
b) Formes extra digestives
- Manifestations pulmonaires
•
•
•
Toux à prédominance nocturne
Bronchites ou pneumopathies à répétition sur le même territoire (en particulier du lobe
moyen), sans prédominance saisonnière
Asthme (RGO : cause et/ou conséquence ?)
- Manifestations O.R.L.
•
•
Laryngites à répétition avec érythème de la margelle postérieure, très évocatrices de RGO
Sinusites, otites, rhinopharyngites : lien d'imputabilité discuté
- Malaises du nourrisson
•
•
Perte de contact, pâleur, cyanose, hypotonie, apnée, bradycardie
Un malaise impose une enquête étiologique systématique (cf item malaise)
c) Formes pronostiques
RGO simple
Tous les critères suivants
Rejets non sanglants
Rejets non bilieux
Croissance normale
Orexie conservée
RGO compliqué
Un ou plusieurs critères
Oesophagite
Malaise
Retard staturo-pondéral
Manifestation O.R.L. et/ou pulmonaire
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3- Examens paracliniques
a) Examens biologiques
•
•
Ils ne sont jamais indiqués dans le RGO.
Ils sont parfois prescrits dans le cadre d’un diagnostic différentiel avec une sténose du pylore
(ionogramme sanguin) ou dans l’hypothèse d'un saignement occulte (NFS)
b) Explorations fonctionnelles digestives
•
•
•
•
•
La pH-métrie
o C’est l’examen de référence du RGO. Sa sensibilité, spécificité et reproductibilité sont
bonnes. Pour être interprétable, l’enregistrement doit durer au moins 18 heures, au
mieux 24 heures
o Elle n'a aucune indication en cas de vomissements extériorisés (cf RMO)
o La pH-métrie est l’examen de choix pour le diagnostic des formes extra digestives
La fibroscopie œsogastrique
o Indiquée en cas de suspicion d'oesophagite ou d'hématémèse
o L'œsophagite signe la présence d'un RGO
o L'absence d'œsophagite ne permet pas de conclure
Le transit œso-gastro-duodénal (TOGD)
o Sensibilité et spécificité insuffisantes pour le diagnostic de RGO
o Meilleur examen pour visualiser une anomalie morphologique du tractus digestif
supérieur, imposant parfois une prise en charge particulière
Position anormale de l'angle de Treitz (malrotation intestinale)
Hernie hiatale par glissement.
Présence d’arcs vasculaires anormaux
La manométrie œsophagienne
o Etudie les pressions du sphincter inférieur et supérieur de l'œsophage, la motricité du
corps œsophagien et les relaxations inappropriées
o Indiquée dans les recherche d'achalasie (mégaoesophage idiopathique), de
sclérodermie (exceptionnelle) ou pour un bilan pré-opératoire
La scintigraphie œsophagienne, l’impédancemétrie oesophagienne et l'échographie
œsophagienne n'ont pas d'indication en pratique.
4- Traitement
Le reflux gastro-œsophagien s'amende spontanément dans 80 % des cas au cours de la première
année de vie. Le traitement permet d'éviter les complications et, soulage les « mamans » de
vomissements itératifs invalidants au quotidien.
a) Prise en charge psychologique : rassurer les parents
•
Diminuer l'angoisse parentale en modérant la surestimation du phénomène par l'entourage
b) Traitement hygiéno- diététique
•
•
•
•
Vérifier la bonne reconstitution des biberons
Epaississement de l'alimentation
Lutte contre le tabagisme passif
Mise en proclive si échec des mesures précédentes et du traitement médicamenteux
o avec une bonne contention
o dorsal à 30°
o ventral à 30° en cas de syndrome de Pierre Robin ou de fente labio-palatine
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c) Traitements médicamenteux
•
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Anti-acides (pansements œsophagiens) après les repas : mesure adjuvante
o Polysilane gel® : 1 noisette après les repas
Prokinétiques avant les repas : peu ou pas efficaces
o Métoclopramide (Motilium®) 1 ml/kg/j (1 dose kg x 3 / jour)
En cas d'oesophagite grade II : inhibiteurs de la pompe à proton
o Oméprazole (Mopral®) 1 mg/kg/j (gélules à 10 mg) en 1 à 2 prises
d) Traitement chirurgical
•
•
Technique : Fundoplicature de Nissen
Indications exceptionnelles
o Complications du RGO invalidantes et rebelles au traitement médical
o RGO non contrôlé sur un terrain débilité: encéphalopathies, atrésie de l'oesophage,
bronchopathies chroniques
5- Pronostic
L’évolution est en général spontanément favorable lors de la diversification alimentaire, et au-delà lors
de l’acquisition de la marche.
Le RGO persiste toutefois dans 10 à 30 % des cas.
Diagnostics differentiels
Physiopathologie
Terrain
Date d'apparition
Type
Trouble du transit
Examen abdominal
Cassure pondérale
Signes associés
fréquents
Diagnostic
Explorations
Evolution
Traitement
RGO simple
Sténose du pylore
Trouble fonctionnel Obstacle
anatomique
Aucun
Garçons,
prématurés
1er jours ou différés Intervalles libres de
dans les 3 mois
3 à 6 semaines
Post prandiaux,
Post prandiaux,
favorisés par les
abondants, en jet,
changements de
jamais bilieux
position
Aucun
Constipé
Normal
Olive pylorique
Non
Oui
Vomissements
Voracité
isolés
+/-Ictère prolongé
Clinique :
Echographie :
Diagnostic
Hypertrophie du
d'élimination
muscle
pylorique > 4 mm
Aucune
Echographie,
ionogramme
Guérison dans 80 Déshydratation si
% des cas à 15
retard au traitement
mois
Médical
Chirurgical
Allergie au lait de vache
Pathologie immunologique
Atopique
Lors du sevrage
Après ingestion lactée parfois
contemporain de diarrhées
Souvent diarrhée
Normal
Souvent
Eczéma rectorragies
Rash cutané
Clinique : Exclusion –réintroduction
des PLV
Peu utile
Guérison vers 15 mois (allergies
associées fréquentes)
Diététique
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Références médicales opposables (RMO) concernant le RGO
Indications des explorations dans le diagnostic et le suivi du reflux gastro-œsophagien
(R.G.O.) du nourrisson et de l’enfant.
Ces références s’appliquent aux R.G.O. primaires (*).
1. Il n’y a pas lieu de pratiquer d’investigation préalablement à la mise en route du traitement en
cas de R.G.O. non compliqué (histoire typique, développement staturo-pondéral normal).
2. Il n’y a pas lieu de pratiquer – en dehors de l’exploration du malaise du nourrisson –
d’enregistrement du pH œsophagien en cas de R.G.O. cliniquement évident, même
compliqué, lorsque les complications peuvent lui être attribuées.
3. Il n’y a pas lieu de contrôler par une pH métrie œsophagienne un R.G.O. qui répond au
traitement médical ou qui a guéri spontanément après l’âge de la marche.
commentaires :
Le reflux gastro-œsophagien non compliqué de l’enfant se manifeste par des régurgitations et des
vomissements qui débutent avant 3 mois. Ces troubles surviennent sans effort et peuvent se répéter
plusieurs fois par jour. L’enfant a un développement staturo-pondéral normal et ne présente aucun
autre symptôme. L’évolution est spontanément favorable après 3 mois et ne nécessite aucune
exploration.
Une fibroscopie est par contre justifiée lorsqu’on suspecte une œsophagite associée. (Hématémèse,
pleurs persistants au cours des biberons, cassure de la courbe staturo-pondérale.)
Des symptômes extra-digestifs peuvent faire évoquer un R.G.O. même en l’absence de
régurgitations : apnée ou malaise grave, laryngites, pneumopathies à répétition…
La pH métrie trouve alors une indication de choix.
(*) A l’exclusion des R.G.O. secondaires, se manifestant par des vomissements récurrents au cours
d’affections très diverses (infections chroniques, insuffisances cardiaques, maladies métaboliques et
neuro-musculaires, allergies alimentaires, erreurs diététiques, affections chirurgicales telle que la
sténose du pylore…)
10 commandements
1. Il n’y a pas lieu de pratiquer d’investigation préalablement à la mise en route du traitement, en
cas de RGO non compliqué (histoire typique, développement staturo-pondéral normal).
2. La pH-métrie n’a d’intérêt que dans une symptomatologie extra digestive
3. Il n’y a pas lieu de contrôler par une pH-métrie œsophagienne un RGO qui répond au
traitement médical ou qui a guéri spontanément après l’âge de la marche.
4. Le seul intérêt du TOGD est de visualiser les anomalies morphologiques du tractus digestif
supérieur (en particulier, arcs vasculaires anormaux, malposition de l’angle de Treitz, hernie
hiatale)
5. Devant un RGO avec une mauvaise croissance, endoscopie avec biopsie tu prescriras
6. LeRGO est un diagnostic d’exclusion, une fois éliminées toutes les causes de vomissements
7. Le RGO non compliqué est traité par des mesures hygièno-diététiques après avoir rassuré les
parents
8. Des prokinétiques tu n’attendras aucune efficacité !
9. Le RGO compliqué est le plus souvent traité par antisecrétoires (Inhibiteurs pompe à protons)
10. Aux situations exceptionnelles sur un terrain souvent à risque, tu réserveras le traitement
chirurgical
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