l`europe du 16e siècle

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l`europe du 16e siècle
L’EUROPE DU 16
E
SIÈCLE
– LA CIVILISATION DE LA RENAISSANCE
ESABAC
Au cours du 15 e siècle e au début du 16e, trois séries d’evenement contribuent à modifier
profondément les données de la vie en Europe:
1. le grandes découvertes maritimes, faites par le Portugais et les Espagnol, dont les
conséquences se répercutent peu à peu sur l’économie du Vieux Continent;
2. le développement de l’humanisme et de la Renaissance artistique en Italie et leur
diffusion dans toute l’Europe, grâce notamment à l’imprimerie;
3. la réforme religieuse, réclamée par tous, mais qui, faute dìavoir été entreprise par
l’Église romaine, se fait bientôt sans elle et même contre elle, entrainant la déchirure de
l’unité chrétienne.
1. LE GRANDES DÉCOUVERTES
Les buts et les moyens
Depuis le 14 e siècle, l’Europe souffre d’une pénurie chronique de métaux précieux que la
recontruction d’après 1450 ne fait qu’aggraver, avec l’essor de la population, le développement
des èchanges commerciaux, le progrès du luxe dans les classes supérieures de la societé, le
dépenses des princes. L’argent tiré des mines d’Europe centrale, l’or surtout en provenance du
Golfe de Guinée ne peuvent faire face à ces besoins accrus. C’est pourquoi les Portugais forment
le projet d’accéder directement à l’or guinéen en descendant le long des côtes d’Afrique jusqu’à la
«côte de l’or». Plus tard, Colomb et tous les découvreurs sont animés, eux aussi, par cette
obsession du métal doré du Cathay et de Cipango (la Chine et le Japon de Marco Polo) et du pays
de l’Eldorado. Incontestablement, la soif de l’or, indispensable aux grands échanges
internationaux, constitue le premier et le principal mobile économique des grandes découvertes.
La recherche des épices est moins importante et plus tardive. Certes, les besoins de l’Europe en ce
domaine sont évidents, mais ils sont depuis lpngtemps assurés par les marchands italiens, qui se
les procurent dans leurs comptoirs de Crimée, tel Caffa, et surtout dans les ports de Méditerranée
orientale où les apportent les marchands arabes. Et si l’expansion ottomane a privé Gênes de
Caffa, elle n’a guère menacé le trafic italo-arabe. Pourtant, après 1460 environ, les Portugais
envisagent d’atteindre directement les pays de l’océan Indien producteurs d’épices, afin de courtcircuiter les marchands italiens et de se procurer les produits d’Asie à bien meilleur compte.
Colomb, à son tour, fera le même calcul.
À ces mobiles économiques, s’ajoute et se mêle un mobile religieux, à savoir la conversion des
infidèles au-delà des terres chrétiennes d’Europe. Cette volonté de conversion participe à la fois
du vieil esprit de croisade e d’un nouvel esprit de mission. Le prermier reste très vivant chez les
Portugais et les Espagnols, engagés depuis des siècles dans la lutte contre l’islam. Le second
anime tous ceux qui entendent convertir sans violence, en prêchant l’Évangile. Dans l’esprit des
découvreurs et des conquerants qui leur succedéront, il n’y a aucune antinomie entre le mobile
religieux et les mobiles économiques.
Aucune révolution technique n’est à l’origine de ces grands voyages maritimes de découverte,
mais seulement la mise en ouvre progressive de connaissances et d’outils acquis souvent depuis
longtemps et perfectionné au gré des besoins et de l’experience: conviction de la rotondité de la
terre, reprise des Anciens dès le 13 e siècle; utilisation, depuis le 13 e siècle, du gouvernail
d’etambot et de la boussole, invention chinoise introduite en Europe par l’intermédiaire des
Arabes; mise au point progressive, au cours du 15e siècle, de la caravelle, navire de petit tonnage,
mais doté d’un bordage élevé et de voiles latines.
L’aventure des grandes découvertes
L’inspirateur de la politique portugaise de découvertes est le prince henri, dit le Navigateur (13941460), second fils du roi Jean Ier. Son but est d’équiper des expéditions qui, en observant
jalousement le secret, devront aller toujours plus loin le long de la côte africaine, pour essayer à la
fois de prendre l’islam à revers et d’atteindre les régions aurifères du golfe de Guinée. Le cap
Bojador est reconnu en 1434, le cap Vert en 1445. La mort d’Henri, en 1460, marque un relatif
ralentissemnt. Pourtant le delta du Niger est atteint en 1472, l’équateur en 1475. Le but,
désormais, est d’arriver jusqu’aux marchés de l’océan Indien en contournant l’Afrique.
L’embouchure du Congo est atteinte en 1482, le tropique du Capricorne, franchi en 1486. En
1487, Diaz double le cap dit de Bonne Espérance et rentre à Lisbonne à la fin de 1488. Enfine, en
juillet 1497, Vasco de Gama contourne le continent africain, longe la côte orientale jusqu’à
Melinda et, de là, attaint Calicut, sur la côte de l’Inde, le 20 mai 1498. Il rentre à Lisbonne l’année
suivante avec deux caravelles remplies d’épices.
Christophe Colomb, de son côté, imaginant, à tort, que le Japon et la Chine sont proches de
l’Europe, estime qu’il est possible de les atteindre directement en naviguant vers l’ouest. Il
convainc de l’intérêt de son projet Isabelle de Castille, qui accepte de financier l’expédition. Parti
le 3 août 1492 avec trois caravelles, Colomb fait route plein ouest et touche terre, le 12 octobre, à
San Salvador, une des îles Bahamas, persuadé d’avoir atteint l’Asie. Au cours des trois voyages
qu’il entreprend ensuite, il aborde quelques’unes des Antilles et le littoral de l’Amérique. Il meurt
à Valladolid en 1506 sans avoir soupçonné qu’il n’avait pas atteint les Indes mais découvert un
monde inconnu jusque-là des Européeens. Pourtant, très vite, la vérité se fait jour et, en 1507, un
cartographe, Waldseemüller, baptise ce Nouveau Monde Amérique, du nom d’un navigateur
successeur de Colomb, Amerigo Vespucci. En 1521-1522, l’expédition lancée par Magellan,
Portugais passé au service de l’Espagne, et achevée par son lieutenant El Cano, contourne par le
sud le continent américain, traverse l’océan Pacifique et rentre en Europe par le cap de BonneEspérance, apportant la preuve expérimentale de la sphericité de la terre.
Le conséquences des grandes découvertes.
La première consequence des grandes découvertes est la création des empires coloniaux portugais
et espagnol. Le premier est consitué d’une série de comptoirs, depuis les Açores jusqu’à
l’Insulinde, ports forteresse dominant leur arrière pays et servant d’escales aux navires marchands,
et de points d’appui à une flotte militaire qui assure par la force le respect du monopole
commercial portugais contre tous les concurrents, européens ou asiatiques. Bien différent est
l’empire colonial espagnol. En effet, une poignée de conquérants venus d’Espagne entreprennent
la découverte et la conquête du Nouveau Monde, en trois étapes successive: les grandes Antilles
(1492-1519), le Mexique conquis sur les Aztèques par Fernand Cortez (1519-1521), le Pérou
conquis sur les Incas par François Pizarre (1531-1533). Après le pillage des trésors aztèque et
inca, c’est l’exploitation des mines d’or et surtout d’argent qui, sour l’autorité des vice-rois
représentant le rois d’Espagne, consitue, à partire du milieu du 16 e siècle, la grande richesse des
Indes espagnoles et par conséquent de leur métropole.
Les conséquences des grandes découvertes en Europe même sont considerable. Pour la première
fois, l’économie européenne, limitée, à la fin du 15 e siècle, au Vieux Continent, avec les deux
foyers de l’Italie du Nord et des Pays-Bas espagnols, assurant la redistribution des produits
coloniaux vers le reste du continent européen. Cette promotionde ports atlantiques ne signifie pas
pour autant la décadence immédiate et irrémediable des ports méditerranéens, même si elle postule
à terme leur déclin relatif.
L’exploitation du Nouveau Monde a pour autre conséquence l’arrivée des métaux précieux
d’Amérique. Le stock disponible en Europe sera, à la fin du 16 e siècle, le double de ce qu’il était
au début, et le stock d’argent, le triple ou peut-être même le quadruple. Cet accroissement, qui
n’est d’ailleurs important qu’a partir de 1550, a un effet moteur pour l’économie marchande, en
entraînant une hausse des prix industriels et, par stimulation bénéfique, un accroissement de la
production. Tous les Européens ne profitent pas également de cet essor économique. La
bourgoisie capitaliste des grandes villes marchandes, manufacturiers, négotiants, armateurs,
banquiers, en est la grande béneficiaire. Ce n’est pas le cas, sauf exceptions, des nobles qui
doivent faire face pour tenir leur rang à des dépenses croissant plus vite que les revenus qu’ils
tirent de leurs terres. Quant aux classes populaires, paysans dépendants et salariés des villes, elles
connaissent une paupérisation relative du fait de la hausse des prix agricoles et industriels. Enfin,
si Portugais et Espagnols sont évidemment les mieux placés pour tirer parti de cet enrichissement,
le fait qu’ils tendent de plus en plus à acheter à l’exterieur presque tout ce dont ils ont besoin, a
pour consequénce que l’argent américain débarqué à Seville et les profits portugais du commerce
d’Asie enrichissent le reste de l’Europe.
L’HUMANISME ET LA RENAISSANCE ARTISTIQUE
Naissance et diffusion de l’humanisme
Dès 1539, le mot français humaniste s’applique aux érdits, d’abord italien, qui, du 14 au début du
16 siècle, remettent en honneur l’étude directe des lettres anciennes – héebraiques, grecques,
latines -, sur lesquelles ils appuient une conception de l’homme et du monde. En dépit de leur
certitude de vivre une «renaissance», une époque totalement nouvelle, en rupture avec un passé
«tenebreux» et révolu, les humanistes restent tributaire de l’héritage du Moyen Age (occidental et
oriental) et, au premier rang du christianisme. Quelles que soient leur admiration pour la sagesse
antique et leur indépendance d’esprit, ils sont presque tout profondément religieux et
naturellement chrétiens, ce qui ne va pas sans difficultés, ni contradictions. L’humanisme se
caractérise en effet par son optimisme fondamental: l’homme, mesure de tot, au centre de
l’univers, une créature privilegiée appelée à réaliser les desseins de Dieu, grâce à la raison aidée
par la grâce divine. Cette interventio de la grâce, donnée a tout, n’entrave pas la liberté humaine,
car l’homme est foncièrement bon, libre et responsable. Liberté, bonheur, beauté, respect de soimême, telles sont les grandes valeurs d’une morale individuelle qui débouche sur une morale
collective basée sur la tolérance et la paix entre les hommes. Une telle morale s’accorde mal avec
le dogme du péché originel et emble en contradiction avec certans des fondements du
christianisme; mais, pour les humanistes, il conviente de réformer celui-ci et d’en revenir à la
pureté des écritures et du message évangélique.
Le mouvement naît en Italie avec Pétrarque (1304-1374) et s’y épanouit au 15 siècle, notamment à
Florence, capitale de l’humanisme eu temps de Laurent de Médicis (1449-1492), qui réunit autour
de lui quelques-uns des plus grands esprits du temps, tels Marsile Ficin et Pic de la Mirandole. La
découverte de l’imprimerie par le strasbourgeois Gutemberg, en 1455, procure aux humanistes un
incomparable instrument de diffusion: en 1500, 236 ville d’Europe possèdent une ou plusieurs
imprimeries. Véhiculées par le latin, langue commune à tous les Européens cultivés, les idées
humanistes se répandent, au-delà des villes italiennes, dans tout le continent, de l’Espagne à la
Hongrie, de l’Angleterre à la Pologne. Êrasme de Rotterdam (1469-1536) est celui qui illustre le
mieux par sa vie et son œuvre l’idéal humaniste: philologue, avec ses nombreuses publications de
textes anciens, mais aussi moraliste, théologien, conseiller des princes.
Le destin de l’humanisme
Pourtant, à la mort d’Êrasme, en 1536, cet idéal est, sur un point essentiel, cruellement démenti
par les faits. À la place du retour à l’Évangile qu’il pronaît dans la paix et la tolérance, c’est la
rupture de l’unité chrétienne et le début des guerres de religion avec leur bûchers et leurs
massacres. Sur un autre plan, le bilan de l’humanisme apparait négatif. L’admiration
inconditionnelle vouée au grands savants de l’Antiquité, d’Aristote et Ptoloméee et à Galien, a
parfois des effets paralysants, en condamnant à l’avance toute hypothèse ou conclusion contraire à
telle assertion d’un Ancien. De là viennent toutes les difficultès de l’héliocentrisme de Nicolas
Copernique (1473-1543), recus par le savants et condamné par le théologiens, et des nouvelle
théories scientifiques (voir l’Index librorum prohibitorum et le controle de l’opinion par la
confession et l’inquisition, élements centrales de la contre-réforme catholique).
Enfin, la montée des langues et des littératures nationales consitue, jusqu’à un certain point, un
échec de l’humanisme. Certes, les grands écrivains qui, dans plusieurs pays européens, prennent le
parti de s’exprimer en langue «vulgaire» partagent la même admiration pour l’héritage de
l’Antiquité et considèrent les auteurs grecset latins, non seulement comme des maîtres à penser,
mais aussi comme de modèles de composition etde style avec lesquels on s’efforce de rivaliser.
Mais leur volonté de s’appuyer sur une langue et une culture nationales marque une rupture avec
le cosmopolitisme des humanistes, qui étaient liés par un idéal commun, mais aussi par un langage
commun, le latin. L’arioste et Machiael en Italie (après Dante, Pétrarque et Boccace au 14 siècle),
Rabelais, Ronsard, Montaigne en France, Comoens au Portugal, Cervantès en Espagne,
Shakespeare en Angleterre «defendent» et «illustrent» la langue «vulgaire» deleur pays respectif.
Pourtant, l’essentiel de méthodes humanistes et ses idéaux a pénetré l’enseignement des
universités et surtout des collèges: les «humanités» vont consituer jusqu’au 20 siècle
l’apprentissage obligatoire de tout Européen cultivé.
La Renaissance artistique
L’Italie n’est pas seulement le berceau de l’humanisme, elle l’est aussi de la Renaissance
artistique qui lui est intimement liée: de même que pour l’humaniste l’exaltation du beau est
inséparable de celle du vrai, pour l’artiste de la Renaissance, l’homme est la mesure de tout. Dans
un cas comme dans l’autre, le modèle est l’Antiquité redécouverte. La longue période qui va de
1420 environ à 158 ou 1600 voir une extraordinaire floraison de chefs-d’œuvre appelés à servir de
réferences incontestées pour tous les artistes auropéens jusqu’au début du 20 siècle. Cet art
classique est fondé sur la beauté et sur la symétrie: les soin apporté à la composition, qu’il s’agisse
d’un palais, d’une staue ou dìun tableau, l’étagement régulier des «ordres» empruntés à
l’Antiquité, le respect des proportions idéales du corps humani sont autant de moyens techniques
pour traduire cette symétrie et cette beauté. Par ailleurs, à coté des sujets religieux, toujours
prédominants, sculpture et peinture s’ouvrent aux sujets profanes: le paysage (avec l’utilisation de
la perspective) et le portrait occupent une plas de plus en plus grande. Trois étapes peuvent être
distinguées: la renaissance florentine du Quattrocento (1420-1500), avec l’architecte Brunelleschi,
constructeur du dôme de Santa Maria del Fiore, le peintre Masaccio, le scuplteur Donatello, puis,
à la fin du siècle, les grands peintres Botticelli et Léonard de Vinci; la renaissance romaine (15001530), avec le début de la reconstruction de la basilique de Saint-Pierre de Rome et les œuvres de
Raphaël et de Michel-Ange, architecte, peintre et sculpteur; le maniérisme (1530-1580), caractersé
par l’imitation quelque peu académique, des grandes œuvres précédentes.
Dès la fin du 15 siècle, la publication, grâce à l’imprimerie et à la gravure sur cuivre, de grands
traités illustrés, le séjour jprs d’Italie d’artiste appelés par les souverains, le voyages diplomatiques
ou militaires dans la péninsule contribuent à la diffusion dans toute l’Europedes modèles italiens.
Toutefois, cette diffusion ne se fait pas sans difficultés, résistances ou adaptations, variables selon
le pays, compte tenu des traditions propres. Par exemple, aux Pays-Bas, l’influence italienne se
heurte à l’existence, au 15 siècle, d’un art national riche et novateur, représenté entre autre par
Jean van Eyck. En France, se forme vers 1550 un style classique proprement français par la
synthèse des influences italiennes et antque et des traditions nationales (le Moyen Age). Cette
même adaptation aux condition locale s’observe dans l’Empire, avec Albrecht Dürer, par exemple,
et en Espange, où Philippe II se fait construire l’Escurial, à la fois monastère, église et palais.
LES RÉFORMES RELIGIEUSES
Le désir de réforme.
Depuis le milieu du 14 e siècle, une série de cataclysmes et d’épreuves a ébranlé la Chrétienté. La
Grande Peste de 1348 et ses nombreuses épidémies subséquentes, la guerre de Cent Ans et son
cortège de misères, les malheurs qui ont frappé la tête même de l’Église, avec le Grand Schisme et
les conflits entre papes et conciles, sont apparus à beaucoup comme des punitions de Dieu et
l’annonce de Malheurs plus grands encore. Plus que dan n’importe quelle autre période de
l’histoire, se crée un climat de peur collective: peur de la peste contre laquelle on se sent
totalement démuni; peur de Satan et des sorciers, ses suppôts; surtout peur de la mort, du jugement
et de l’enfer. Partout se font jour une profonde inquiétude religieuse et un grand désir de réformer
l’Église. Pour mettre fin au schisme et promouvoir les réformes souhaitées, plusieurs conciles se
sont réunis au 15 e siècle. Ils ont rétabli l’unité sous l’autorité d’un pape unique. En revanche, ni
les conciles, ni le pape nìont réussi à opérer la réforme de l’Église.
Or, au début du 16 siècle, celle-co apparaît de plus en plus nécessaire. On reproche au pape son
luxe et les impôts très lourde qu’il fait peser sur toute la Chrétienté, aux évêques leur absentéisme
trop fréquent, aux membres du bas clergé l’ignorance de la majorité d’entre eux. Surtout, ce que
rèclament les meilleurs des chrétiens, tels Érasme ou Martin Luther, c’est un clergé dont les
membres ne soient pas seulement des dispensateur des sacrements, mais des hommes capable
d’enseigner la Parole de Dieu et de répondre ainsi aux inquiétudes et aux préoccupations du
temps.
Les réformes protestantes
Martin Luther (1483-1546), moine du couvent allemand de Wittenberg, ex Saxe, acquiert la
conviction, à la lecture de certains écrits de saint Paul et de saint Augustin, que les œuvres
humaines (et à plus forte raison les indulgences) ne jouent aucun rôle dans le salut individuel:
seule la foi en Dieu peut rendre l’homme juste et le sauver (sola fide). Il répond ainsi à l’attente de
beaucoup de ses contemporains. De même, il estime que tous les chrétiens sont égaux par le
baptême et son donc tous prêtres (sacerdoce universel). Il récuse ainsi la superiorité spirituelle du
pape, des évêques et du clergé en général. Enfin, tout en reconnaissant une certaine valeur à la
Tradition, il affirme que la Révélation est contenue tout entière dans la Bible (sola scriptura). En
consequence de ces trois principes, qui lui valent d’être excommunié par le pape en 1520, Luther
rejette le rôle du clergé: les pasteurs, qui ne sont pas astrents au célibat, sont de simples fidèles
dont la fonction est d’enseigner la Parole de Dieu. Il nie le rôle d’intercesseurs reconnu à la Vierge
et aux saints. Enfin, il ne conserve que deux sacrements, simples rites extérieurs sans effet par
eux-mêmes: le baptème et la cène (il admet la présence réelle, mai avec consubstantiation, non
transsubstantiation). Ses idées sont formulées de façon systematique par l’un de ses disciples,
Melanchton, dans la Confession d’Augsbourg, credo des luthériens. Le luthéranisme se répand en
Allemagne grâce à l’appui d’un certain nombre de princes, dont le premier geste est de supprimer
le clergé et de séculariser ses biens, et à qui Luther reconnaît des droits très étendus qui en font en
quelque sorte les chefs spirituels de leur État. Hors d’Allemagne, la réforme luthérienne gagne les
pays scandinaves.
Vers 1520, d’autres réformateurs développent, à partir de la justification par la foi, des idées plus
ou moins inspirées de celles de Luther. C’est le cas de Bucer, qui introduit la réforme à Strasbourg
en 1523, et surtout de Zwingli, qui l’introduit à Zurich. Prêtre et humaniste, Zwingli se démarque
de Luther à propos des sacrements (il nie la présence réelle). Quant à l’anabaptisme, qui se
développe à partir de 1523, c’est moins une tentative de réforme du christianisme qu’une
aspiration religieuse se rattachant à certains courants millenaristes médievaux.
En 1536, le français Jean Calvin (1509-1564) publie en latin (puis en français en 1541)
l’Institution de la religion chrétienne où il expose l’essentiel de la doctrine qu’il a peu à peu
élaborée sous l’influence des idées de Luther. Comme celui-ci, il fonde la religion chrétienne sur
la justification par la foi, le sacerdoce universel et l’autorité de la seule Bible, mais en
infléchissant quelque peu ces trois principes. Pour lui, la justification par la foi postule la
prédestination, c’est à dire «le conseil éternel de Dieu par lequel il a determiné ce qu’il voulait
faire d’un chacun homme»ı. Par ailleurs, la Bible étant le seul dépôt de la Révelation, chaque
fidèle doit pouvoir y accéder par une lecture directe et quotidienne. Enfin, Calvin organise
fortement chaque. Église locale: s’il n’y a pas de sacerdoce particulier, il y a des ministères, c’estàdire des fonctions diverses dévolues à divers ministres. Dans la cène, la présence réelle ne doit
s’entendre que dans un sens purement spirituel. De Genève, où Calvin s’est installé en 1541, le
calvinisme se répand en Allemagne, en Europe centrale, en Écosse, en Angleterre et en France. En
Angleterre, l’anglicanisme, établi par Elisabeth Ire est un compromis entre calvinisme et
catholicisme. En France, la diffusion des idée calviniste se heurte à une violente répression.
La réforme catholique.
En dépit des aspirations des fidèles et de quelques réussites isolées, l’Église romaine s’est révélée
incapable de promuvoir et d’opérer elle-même la profonde réforme religieuse tant souhaitée: celleci s’est faite en dehors d’elle et contre elle. Pourtant Rome se décide enfin à réagir à partir de 1540
environ. De ce fait, l’œuvre entreprise est à la fois contre-réforme et réforme catholique: contreréforme, c’est-à-dire réaction de défense (non seulement doctrinale, mais souvent violente) face
aux positions adoptées par ceux que l’on appelle depuis 1530 les «protestants»; réforme
catholiques, c’est-à-dire réponse originale apporté à l’attente des fidèles et comparable en cela aux
diverses réformes protestantes.
En dehors de la création de la Compagnie de Jésus par Ignace de Loyola, l’œuvre essentielle est
accomplie par le concile de Trente, réuni en 1545 à l’initiative du pape Paul III. Le concile, qui
tient sa dernière session en 1563, après plusieurs interruptions et reprises, définit beaucoup plus
clairement qu’auparant les pints du dogme mis en cause par le protestants, en condamnant ceux-ci
sans équivoque. Il réaffirme le rôle des œuvres dans le salut, la place de la Tradition, à côté de la
Bible, comme élement de la Révelation, le caractère sacré des membres du clergé, l’existence de
sept sacraments, la valeur du culte des saints, notamment celui de la Vierge. En matière de
discipline, il condamne les abus comme la non-résidence des évêques ou le cumul de plusieurs
évêchés, maintient le célibat ecclesiastique et le latin comme langue liturgique, et surtout
recommande la fondation d’un séminaire dans chaque diocèse pour la fomation morale,
intellectuelle et religieuse des futurs clercs afin de les rendre plus aptes à transmettre la foi par le
catéchisme et la prédication.
La condamnation sans appel du protestantisme prononcée par le concile et l’autorité accrue que
retire la papauté du succès de celui-ci achèvent de consacrer la division de la Chrétienté
occidentale. Vers 1600, à une Europe restée catholique s’oppose – outre une Europe orthodoxe à
l’Est – une Europe protestante sous la forme soit luthérienne, soit calviniste, soit anglicane. Cette
division se maintient aux siècles suivants, en dépit des tentatives de réunion, et va marquer
profondément la sensibilité collective des peuples européens selon qu’ils sont passés au
protestantisme ou sont restés fidèles à Rome.
PETIT GLOSSAIRE:
anabaptiste [anabatist] n. et adj. • 1525; du gr. ecclés. anabaptizein « baptiser à nouveau »
Adhérent à l'un des mouvements
religieux issus de la Réforme qui n'admettent pas le baptême des enfants et procèdent à un second baptême de leurs adeptes à
l'âge de raison. mennonite. — Adj. Doctrine anabaptiste (ANABAPTISME n. m., 1564).
cène [sDn] n. f. • fin Xe; lat. cena « repas du soir »
1 Relig. La Cène : repas que Jésus-Christ prit avec ses apôtres la veille de la Passion et au cours duquel il institua l'Eucharistie
( cénacle). — Cérémonie du jeudi saint.
Communion (spécialt Communion sous les deux espèces, chez les protestants).
consubstantiation [kTsypstSsjasjT] n. f. • 1567; lat. ecclés. consubstantiatio
Théol. chrét. Présence réelle, simultanée du
corps et du sang de Jésus-Christ dans le pain et le vin de l'Eucharistie.
eucharistie [VkaYisti] n. f. • 1165; lat. ecclés. eucharistia; gr. eukharistia « action de grâce »
Sacrement essentiel du
christianisme qui commémore et perpétue le sacrifice du Christ. cène, communion. Le mystère, le sacrement de l'Eucharistie.
Célébration de l'Eucharistie. messe.
Les espèces (pain et vin) qui, selon la doctrine catholique, contiennent substantiellement le corps, le sang, l'âme et la divinité
de Jésus-Christ. transsubstantiation; hostie. Donner, recevoir l'Eucharistie. « Fréquentons donc ce sacré repas de
l'Eucharistie, et vivons en union avec nos frères ; mangeons ce pain qui soutient l'homme; buvons ce vin qui doit réjouir le
cœur » (Bossuet). — Doctrine luthérienne de l'Eucharistie. consubstantiation, impanation.
huguenot, ote ['yg(B)no, Ct] n. et adj. • 1550; eyguenet 1520; altér. all. Eidgenossen « confédérés » (nom des Genevois
partisans de la confédération contre le duc de Savoie) 1 Surnom (péjoratif à l'origine) donné par les catholiques aux
protestants calvinistes, en France, du XVIe au XVIIIe s. Les papistes et les huguenots. Par ext. protestant. — Adj. La croix
huguenote. « ses cousines huguenotes » (Sainte-Beuve).
indulgence [RdylFSs] n. f. • 1190 sens 2; lat. indulgentia « bonté », puis « remise d'une peine » 1 (1564) Facilité à excuser, à
pardonner. bienveillance, bonté, charité, clémence, compréhension, générosité, humanité, longanimité, mansuétude,
miséricorde, 1. patience, tolérance. Indulgence excessive. complaisance, faiblesse, laxisme, mollesse. Cette « indulgence que
la femme trouve dans son cœur pour les folies qu'elle inspire » (Balzac). Avoir, montrer de l'indulgence pour les fautes de qqn.
Faire preuve d'indulgence envers qqn, à l'égard de qqn. L'avocat demande pour son client l'indulgence de la cour. Être reçu à
un examen grâce à l'indulgence du jury. — Par ext. Regard plein d'indulgence, sans indulgence.
Une, des indulgences. Acte
indulgent. « ses indulgences soudaines et ses complaisances
pour Robespierre » (Sainte-Beuve). 2 Relig. cathol.
Rémission par l'Église des peines temporelles que les péchés méritent. L'indulgence plénière, partielle.
Par ext. (1298) Une
indulgence : rémission accordée dans une circonstance et dans des conditions précises. Indulgence plénière et générale
( jubilé). La querelle des indulgences, sous le pape Léon X (déb. du XVIe s.).
mennonite [menCnit] n. et adj. • XVIIe; de Mennon Simonis, trad. lat. de Menno Simons, n. d'un prêtre frison
Relig.
Membre d'un mouvement anabaptiste (1re moitié du XVIe s.), implanté aujourd'hui aux Pays-Bas et aux États-Unis.
transsubstantiation [tYS(s)sypstSsjasjT] n. f. • 1495; transustanciacion 1374; lat. ecclés. transsubstantiatio, de substantia
1
Relig. chrét. Changement de toute la substance du pain et du vin ( espèce) en toute la substance du corps et du sang de
Jésus-Christ. eucharistie. Les protestants n'acceptent pas le dogme de la transsubstantiation.