gouvernance dans une ville religieuse problematique

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gouvernance dans une ville religieuse problematique
GOUVERNANCE DANS UNE VILLE RELIGIEUSE
SIGLES ET ABREVIATION
ASC : Association Sportive et Culturelle
BDU : Base de Données urbaines
CEM : Collège d’Enseignement Moyen
CSPT : Compagnie Sénégalaise des Phosphates de Taïba
COTT : Cité Ouvrière de Taïba de Tivaouane
FDV : Fondation Droit à la Ville
HLM : Habitat à Loyer Modéré
ICS : Industries Chimiques du Sénégal
ONU/HABITAT : Organisation des Nations Unies pour l’habitat
PAPASTI : Projet Agropastoral de Tivaouane
PDA : Plan directeur d’assainissement
PDU : Plan Directeur d’Urbanisme
PIC : Plan d’investissent communal
PDS : Parti démocratique Sénégalais
U.C.A.D: Université Cheikh Anta Diop de Dakar.
PROBLEMATIQUE
1. Contexte et justification de l’étude
Aujourd’hui, l’importance des villes dans le développement économique et social
est avérée et l’urbanisation de plus en plus croissante de la plupart des pays du monde
témoigne de la place qu’occupent les secteurs secondaires dans l’économie monde.
Prêt de la moitié de la population mondiale, vit dans les zones urbaines ; en 2025,
ce chiffre dépassera 60%, soit environ 5 milliards de personnes.
Les villes ont vu croître, de ce fait, leur pouvoir et leur puissance économique.
Elles se positionnent ainsi comme le moteur de la croissance économique et du progrès social.
Ce progrès est lui-même lié à de nouvelles façons de vivre apparues avec les changements
introduit par le développement technique et scientifique qui inaugure des modes de
production nouveaux ainsi qu’un développement urbain sans précédant.
Cette situation est plus visible dans les pays du sud ou elle inquiète par son rythme
et son caractère massif. La croissance de la population citadine est particulièrement
importante dans les pays pauvres. Entre 1970 et 2000 cette population est passée de
635 millions à plus de 2 milliards soit une augmentation de presque 350% en 30ans alors que
dans les pays riches elle n’est que de 54%.L’urbanisation est aussi problématique dans des
pays comme le Sénégal parce étant généralement le fruit de l’exode rurale.
En effet, les années 70 sont marquées par une crise profonde du monde rural. Cette
crise est née de la baisse de la productivité des terres de culture usées par de longues années
de culture intensive de l’arachide et de la baisse du prix des produits agricoles au niveau
mondial. La crise est aggravée par des années de sécheresse que le pays a connue pendant la
même décennie. Face à cette crise qui s’aggrave et perdure, l’exode rural est la solution
adoptée par des populations dont la base matérielle de production est modifiée de manière
négative. Cette démarche n’est nullement guidée par le dynamisme économique de la ville.
Sous le poids des programmes d’ajustement structurels, la ville voit tous les jours croître le
nombre de quartiers irréguliers, les rangs des chômeurs, le degré de promiscuité et de sous
équipement, la spéculation foncière, la répartition désordonnée et imprécise des fonctions
urbaines etc. Ces problèmes traduisent le mal être des citadins : c’est la crise de la
gouvernabilité. Cette crise revêt des aspects aussi divers qu’enchevêtrés qui sont du ressort de
plusieurs disciplines dont la sociologie, l’urbanisme, la démographie, la géographie urbaine
entre autre. Elle appelle à de nouvelles formes d’actions pour assurer le développement
urbain. C’est dans ce contexte que se situe et se comprend l’enjeu des espaces urbains dans les
stratégies de développement humain durable, cheval de bataille des organismes internationaux
et des dirigeants étatiques. Les enjeux de la gouvernance urbaine sont fortement liés aux
phénomènes urbains. Cet enjeu est d’autant plus capital
« Compte tenu du potentiel
démographique, économique et social qu’il recèle, l’espace urbain représente désormais un
enjeu considérable pour l’Etat, les forces politiques et la société civile. » (Abdelfattah
Moujahid: le « gouvernement » du grand Casablanca à l’épreuve de la gouvernance urbaine.
Université
Montpellier
III-
Paul
Valery)
Ces
potentiels
socio-économiques
et
démographiques, donc forcément politique, représentent en même temps des tares qui
inquiètent la gestion future de la ville et place ainsi cette dernière comme un acteur de
premier ordre dans les affaires publiques.
A ce poids s’ajoutent les brèches ouvertes par la tournure irréversible prise par la
politique de décentralisation au Sénégal depuis 1996 par la loi portant transfert de
compétences aux collectivités locales. En effet, la mise en œuvre des politiques de
décentralisation fait reposer entre les mains des collectivités locales la responsabilité
d’apporter des réponses aux multiples problèmes d’ordre structurels , socio économiques,
environnementaux etc. la décentralisation est ainsi adoptée comme un instrument de
développement local. La décentralisation met au devant de la scène la collectivité locale par la
délégation de bon nombre de pouvoirs et de compétences de l’Etat central aux autorités de ces
entités territoriales, chargées désormais d’orchestrer le jeu des acteurs pour un développement
local durable. Cette démarche d’ouverture de l’Etat aux acteurs locaux est largement le fruit
de l’influence des bailleurs de fonds, principaux partenaires au développement des pays sous
développés comme le notre. Alors le territoire local jusque la marginalisé et écrasé par l’état
central se voit, sous l’effet de la mondialisation, de plus en plus solliciter pour jouer un rôle de
premier ordre dans le processus global de développement. Le local veut se libérer de la tutelle
publique et revendique plus d’autonomie et plus de marge de manœuvre d’ou la notoriété
actuelle du terme développement local. Définit comme “l’expression de la solidarité locale
créatrice de nouvelles relations sociales et manifeste la volonté des habitants d’une micro
région de valoriser les richesses locales, ce qui est créateur de développement économique“
(JL Guigou colloque de Poitiers sur le développement local). Le développement local se
structure donc, pour simplifier, autour de la gouvernance pour coordonner les actions entre les
acteurs sur le territoire. La gouvernance se définit elle, de manière générale, comme un
processus de coordination d’acteurs, de groupes sociaux, d institutions, pour atteindre des buts
propres discutes et définis collectivement dans des environnements fragmentés et incertains.
Cependant, la gouvernance loin d être un terme figé se pratique de façon aussi variable que la réalité
des territoires et acteurs auxquels elle s’applique. C’est dans ce cadre que cette étude sur la
gouvernance de la commune de Tivaouane trouve sa pertinence car fournissant un exemple de
gouvernance dans une ville religieuse.
C’est pourquoi Tivaouane offre aux chercheurs (géographe, sociologue ou autres) un terrain
riche en donnée dont l’analyse permet de saisir les liens étroits et interdépendants entre les
différents contextes du territoire, des acteurs, du développement et de la gouvernance urbaine.
Au regard des enjeux de la gouvernance urbaine dans nos pays de plus en plus composées de
villes. Et vu les compétences dévolues aux différents échelons de collectivités locales du
Sénégal, l’identification claire des acteurs, de leur légitimité, de leur motivations et
préoccupations, constitue une nécessité vitale pour celui qui a pour dessein de bien
comprendre les réalités territoriales.
La pertinence des politiques repose sur une bonne
connaissance de la logique qui définit le jeu des acteurs.
2-Objectifs de recherche
Objectif global :
Ainsi l’objectif général de l’étude est de contribuer à la facilitation du travail d’identification
et d’évaluation du poids des différents acteurs de la gouvernance dans le contexte
sociopolitique du Sénégal à travers l’exemple de la ville de Tivaouane afin de mieux cibler et
atteindre les bénéficiaires des actions de développement.
Objectifs spécifiques :
Les objectifs assignés à ce travail commandent nécessairement la direction dans laquelle
doivent être orientées nos recherches et analyses. Celles-ci doivent partir de questions
formulées de façon à suggérer des réponses susceptibles d’éclairer le processus de
construction, le positionnement des différents acteurs de la gouvernance. Ces réponses
doivent aussi être susceptibles d’éclairer les liens et interactions entre l’appartenance
confrérique des populations, le construit urbain et le cadre de gestion et de gouvernance
urbaine
Les enquêtes et recherches exploratoires ne suffisent pas encore à atteindre nos objectifs mais
permettent de poser quelques questions visant à éclairer et approfondir la problématique.
Aussi notre question de départ peut-elle être formulée ainsi : quel rôle joue le pouvoir
maraboutique sur la création et la transformation des territoires ?
Cette question en implique d’autres et nous amène à chercher de quelles logiques procèdent
l’implication du pouvoir religieux Tidjane1.Dans la gestion de la commune de Tivaouane,
quelles manifestions concrètes l’influence de ce pouvoir a sur la vie communale. Nous
essayerons de voir dans quelle mesure les préoccupations du marabout sont prises en compte
par les délibérations du conseil et par quel mécanisme se fait cette influence, quels liens
existent –ils entre la structure de l’établissement humain, la situation socio-économique et le
cadre de gestion et de gouvernance urbaine.
3 Hypothèses de recherche
 Tivaouane est d’abord une ville administrative.
 La confrérie Tidjane est un élément structurant dans l’espace de la ville de
Tivaouane.
 Le pouvoir religieux est un acteur influant dans la gouvernance urbaine de
Tivaouane.
Pour tester nos hypothèses il urge de les expliciter d’abord, d’éclairer le contenu de chaque
concept. Il faudrait notamment privilégier les interactions et les synergies occasionnées entre
la gouvernance, la décentralisation et le développement local dans le contexte de nos sociétés
Africaines.
4- Méthodologie
Décentralisation, développement local sont des concepts actuels, qui ont suscité
maintes réflexions et investigations chez les chercheurs et agents de
1
Confrérie musulmane
développement. Ces derniers s’attachent tous à montrer les voies et moyens
permettant une valorisation des ressources humaines et naturelles d’un
territoire pour satisfaire le besoin économique, social et non pour un simple
prétexte de réduction de la pauvreté..
Ainsi, toute autre initiative s’inscrivant dans cette logique nécessite une analyse
menée sur la base d’une revue documentaire permettant de donner une place et
une légitimité á notre travail. Ceci sera combiné à l’acquisition et au
traitement de données et d’informations.
A cet effet une certaine démarche favorisée par des outils adéquats s’impose. En
nous appuyant sur des structures de recherche comme les bibliothèques
universitaires de Dakar, nous avons pu présenter cette problématique qui, au
fur et à mesure de nos enquêtes, s’est améliorée.
Les enquêtes de terrains se sont déroulées en 20 jours. Ces enquêtes ont été
menées grâce à un guide d’entretien semi structuré soumis à
- 15 élus sur un total de 46 conseillers
-des personnes ressources proches de la famille du Marabout
-des populations locales
-des services déconcentrés (le service départemental de l’urbanisme)
Afin de recueillir des données qualitatives et quantitatives nous permettant de
mieux appréhender le contenu de certaines réalités.
Ensuite grâce à une photo aérienne tirée sur Google Earth, nous avons pu localiser
quelques concessions des marabouts ainsi que des lieux de cultes et établir une
base cartographique sur la ville de Tivaouane
Durant toutes ces phases, la collecte de données quantitatives était de mise. Il en
est de même pour leur traitement en rapport avec les informations qualitatives
et la revue littéraire.
5. Etude conceptuelle
Gouvernance : elle est ici comprise comme l’art de gouverner en articulant la gestion des
affaires publiques à différentes échelles de territoires, du local au mondial, en régulant les
relations au sein de la société et en coordonnant l’intervention des multiples acteurs.
La gouvernance urbaine est quant à elle, appréhendée a une échelle territoriale locale. C’est
ainsi qu’elle a connu son développement remarquable ces dernières années avec l’avènement
de la décentralisation qui a déplacé les centre de prise de décision du niveau Etatique au
niveau local. Ce cadre étant posé, on assiste à l’émergence d’une multitude d’acteurs, voulant
jouer leur partition dans la gestion des affaires locales dans ce qui est appelé le jeu des
acteurs.
Commune : La commune est façon générale définie comme une collectivité territoriale
administrée par un maire assisté d’un conseil municipal. Pour Pierre Merlin et Françoise
Choay, la commune est une collectivité territoriale dont l’étendue sert à la fois d’assise à une
circonscription de l’Etat et à une collectivité locale. Selon l’article 77 du Code des Collectivités
locales, la commune est une collectivité locale, personne morale de droit public. Elle regroupe
les habitants du périmètre d'une même localité unis par une solidarité résultant du voisinage,
désireux de traiter de leurs propres intérêts et capables de trouver les ressources nécessaires à
une action qui leur soit particulière au sein de la communauté nationale et dans le sens des
intérêts de la nation.
Ville : La ville est une agglomération relativement importante dont les habitants ont des
activités professionnelles diversifiées, notamment dans les domaines secondaire et tertiaire.
Jacques Lévy et Michel Lussault (Jacques LEVY et Michel LUSSAULT (2003),
Dictionnaire de la Géographie et de l’espace des sociétés, Paris, Editions Bélin)
ont eux défini la ville comme un géotype de substance sociétale fondé sur la
coprésence. Ils ajoutent qu’une autre manière de définir la ville est de mettre en
avant le couple densité – diversité. Par ailleurs, la ville se caractérise par une
relation spécifique entre territoires et réseaux.
la ville est un carrefour, une place de commerce, une place forte avec un centre
administratif pour Jean Bastié et Bernard Dézert (Jean BASTIE et Bernard
DEZERT (1991), La ville, Paris, Editions Masson).
Aussi affirment-ils que les villes sont devenues des lieux de fabrication d’objets
artisanaux, puis manufacturés, des lieux de concentration des capitaux, et aussi
souvent des foyers de rayonnement religieux, culturel et des capitales politiques.
PREMIERE PARTIE : TIVAOUANE, UNE VILLE MULTIDIMENSIONNELLE
Au Sénégal, pendant la période coloniale avec le développement de la culture arachidière et
des escales de traite, des centres de peuplement relativement denses se sont multipliés dans
l’intérieur du pays. Certains d’entre eux allaient devenir des communes mixtes à la suite du
décret de 1891. L’application de cette même loi a permis l’érection de Thiès, Louga et
Tivaouane en communes en 1904. Ville historiquement constituée, chef lieu de département,
ancienne capitale du Cayor, ville carrefour polarisant des zones agricoles, rurale, semi rurale
et industrielle, Tivaouane se trouve être la capitale de la Tidjania depuis l’installation de EL
HADJI MALICK SY en 1902. Elle se présente comme une localité multidimensionnelle où
l’implantation humaine et l’organisation de l’espace ont obéi et continuent d’obéir à des
facteurs historiquement, économiquement, socialement et politiquement déterminés.
I-PRESENTATION DE LA VILLE DE TIVAOUANE
La ville de Tivaouane se situe à 92 km de Dakar sur l’axe Dakar –Thiès- Saint Louis au centre ouest
de la frange littorale appelée « Zone des Niayes » s’étendant de Dakar aux environs de Saint-Louis.
Située dans l’ancien royaume Wolof du Cayor, Tivaouane est implantée sur un important nœud de
communication. En effet, les réseaux routiers et ferroviaires la mettent en relation avec les principales
villes de l’ouest et du nord du pays.
Située à 22 km de la capitale régionale, Tivaouane est le chef lieu de département le plus vaste de la
Région de Thiès avec une superficie de 3221 km2 contre 1873 km2 pour le département de Thiès et
1607 km2 pour celui de MBour.
Elle constitue un relais naturel entre Dakar et le nord du pays, notamment Louga et Saint Louis.
Compte tenu de sa position stratégique et de ses attributs religieux, la ville de Tivaouane joue aussi un
rôle de centre d’échanges très important dont le rayonnement va au-delà de la Région de Thiès.
Toutefois, sa population est six fois moins élevée que celle de Thiès et ne représente qu’un tiers de
celle de Mbour.
Les voies de communication jouent un rôle très important dans le développement de la ville de
Tivaouane. Les axes routiers et ferroviaires permettent de relier Tivaouane aux principales villes et
zones rurales de l’intérieur (bassin arachidier, zone des Niayes, frange maritime).
Le Département de Tivaouane abrite d’importantes unités industrielles : Les phosphates de Thiès et
les Industries Chimiques du Sénégal (ICS).
Ces deux entreprises emploient plus de 2000 personnes et octroient près de 6,5 milliards de FCFA de
salaires par an (Source : Plan Directeur d’Urbanisme : PDU Tivaouane, 1994).
Capitale de la confrérie Tidjane, la ville de Tivaouane, avec l’installation de El Hadj Malick Sy, est
devenue un centre religieux très important. La ville reçoit pendant « le Maouloud ou Gamou »2 des
dizaines de milliers de pèlerins en provenance de toutes les régions du pays, de l’Afrique de l’Ouest et
même des pays occidentaux. Elle joue ainsi un rôle touristique et socioculturel important pour le
Sénégal. Cependant cette fonction n’étant pas la seule fonction reconnue de la ville de Tivaouane
l’attribut de ville religieuse peut être discuté à Tivaouane. En effet, il faut noter que Tivaouane, à
cause de son statut administratif, ne joue que de façon très limitée son rôle de centre religieux
urbanisant comme Touba le fait si spectaculairement. En effet, si Touba est une ville à caractère
purement religieux comme le souligne Guy Mainet dans son ouvrage Petites et moyennes villes
d’Afrique noire, ou il dit que « le fait religieux suscite au Sénégal des conditions particulières
d’urbanisme, on peut dire qu’il existe des villes quasiment privées » à l’instar de Touba et Médina
Gounasse. Tivaouane, elle, a une existence voire une « urbanité » antérieure a l’arrivée de El hadji
Malick Sy.
1-Ancienne capitale du Cayor
La ville a été une localité importante pour le royaume du Cayor pendant la période précoloniale.
Durant cette époque, le site se caractérisait par un faible taux d’occupation de l’espace. Il était
occupé par les villages traditionnels ou encore par des concessions des représentants des
autorités de tutelle envoyées par le souverain du royaume dominateur.les origines des
2
Célébration de l’anniversaire de la naissance du prophète Mohamed (PSL)
quartiers kouly, Dialo et Keur mass(ou encore Keur Dieuwrign Maissa Mbaye Sall de son
ancien nom) remonteraient à cette période. La ville de Tivaouane a en outre abrité la
résidence de plusieurs Damels3 du Cayor et le plus célèbre d’entre eux est certainement le
Damel Samba Laobé Fall. Un statut en son nom est érigé dans la ville. Dans la cité persiste
jusqu'à nos jours les restes de cet époque et le quartier le plus marqué, est sans aucun doute le
quartier Keur Mass ou nous notons une organisation sociale et spatiale autour de la famille
« Sall » 4qui rappel cette période de l’histoire de l’ancienne ville Thiéddo5 qu’est Tivaouane.
Les grandes familles qui ont jadis porté le pouvoir conservent jusqu'à présent une mainmise
sur la ville ne serais que sur le plan du foncier ou les plus grands propriétaires de terres
aujourd’hui à Tivaouane sont entre autres les Sall, les fall…etc.
2-Ancienne ville coloniale
Elle est marquée par le développement de la ville, à partir de l’Escale, avec l’ouverture du
chemin de fer. Elle consacre l’immigration des populations des localités des régions de
Diourbel, de Louga, attirées par les potentialités économiques de la ville naissante. Ces
immigrés ont constitué les masses laborieuses de la machine coloniale. Ils étaient employés de
maison, aides commerciaux, dockers, commis, etc. Ils ont constitué les quartiers indigènes de
la ville autour de l’escale.
L’escale située sur ce qu’on appelle aujourd’hui le quartier commercial a été la porte
d’entrée de l’urbain dans la cinquième commune du Sénégal. Edifiée par l’autorité coloniale
pour administrer le cercle dont Tivaouane était le chef lieu mais aussi pour assurer
l’acheminement de l’arachide à partir de la gare ferroviaire de Tivaouane ouverte en 1885
(septième gare d’un réseau de voie ferrée très dense) et enfin pour véhiculer la civilisation
européenne à travers les grandes maisons de commerce installées sur l’actuel site du marché
central.
3
Titre que portait le roi du Cayor
4
Ce sont les descendants de Demba War Sall proche collaborateur de Lat Dior (dernier Damel du
Cayor) et de Massamba Sall chef de canton de Tivaouane
5
Communauté païenne qui peuplait le royaume du Cayor
Cette civilisation est aussi fortement portée par les formes architecturales des édifices
coloniaux comme la gare ou la résidence du commandant de cercle abritant l’actuelle
Préfecture, mais surtout par le tracé des rues et la forme en damier du parcellaire ; les routes
bitumées et hiérarchisées séparent des îlots de constructions en dur parallèles les unes aux
autres. L’escale de Tivaouane est une réplique parfaite des villes coloniales Sénégalaises de
cette période. Ces villes ressemblent à des greffes conçues pour répondre aux préoccupations
des populations qu’elle reçoit et il se trouve que ces dernières n’ont pas de nombreux traits de
ressemblance avec les populations autochtones.
Cependant, cette greffe générera une forme d’implantation typiquement locale appelée
villages indigènes. En effet, l’escale a constitué un véritable pôle d‘attraction des populations
rurales grâce au dynamisme économique de la machine coloniale. Ce dynamisme est
perceptible à travers le nombre important d’emplois générés par l’administration et les unités
commerciales. D’importantes vagues migratoires sont alors notées en provenance
essentiellement des régions du centre, du sud et des villages environnants. Ces personnes
candidates à l’emploi se sont regroupées dans des quartiers en fonction de leurs origines
surtout régionales et ethniques. C’est ainsi qu’on assiste à la création de quartiers indigènes
comme Ndoutt en référence aux sérères ndoutts et le quartier Fogny pour les Diolas de la
Casamance. Ces quartiers étaient à l’image des villages d’origine de ces employés de maison,
aides commerciaux, commis dans l’administration. C’est ainsi que des quartiers comme
Fogny et Ndoutt se sont développés autour de l’escale
Photo1 : ancien siège de l’autorité coloniale (la gare, la poste, la caserne devenue la police)
Source : enquête pour mémoire de maitrise (2006-2007)
Après l’indépendance du Sénégal qui procède a un nouveau découpage administratif de son
territoire, la localité de Tivaouane est érigée en chef lieu de département du même nom. La
ville devient ainsi une capitale administrative avec une autorité territoriale officielle avec une
préfecture, gendarmerie, police…etc. au même titre que les autres centres urbains du pays.
Ces différentes casquettes de la ville font qu’elle ne peut en aucun cas être considéré comme
une ville exclusivement religieuse, notons juste pour illustrer ce propos la présence d’une
communauté chrétienne forte d’environ 400 personnes. Ainsi que l’existence d’une
communauté mouride très structurée on va même jusqu'à parler de quartiers mourides comme
Keur cheikh Awa Balla Mbacké ou encore Keur cheikh Marouba. On peut donc dire que
Tivaouane est une ville cosmopolite ou se croise et cohabite catholique et musulmans,
mourides et Tidjanes cette cohabitation entre des acteurs aux préoccupations souvent
divergentes se fait grâce a un jeu d’acteurs sans précédent. Ce jeu s’organise autour des
autorités politiques, administratives pour la prise en charge des besoins de chacun de ces
groupes sociaux. Ce jeu compte un acteur de taille qui s’est structuré sur l’espace et le vécu
de la ville et même au-delà, il s’agit de la confrérie Tidjane.
DEUXIEMEPARTIE : UN POUVOIR RELIGIEUX STRUCTURANT
I-Tivaouane, une capitale de la Tidjania
La confrérie Tidjania, l’une des confréries les plus répandues en Afrique a été fondée au
milieu du XVIIIe siècle à Fès, au Maroc par Ahmed Tidjane, originaire du Sud de l’Algérie.
L’introduction de cette Tarîqat (confrérie) dans la sous-région vers le début du XIXe siècle a
été l’œuvre des tribus maures et des marabouts guerriers toucouleurs (El hadj Omar Tall).Au
Sénégal, cette voie fut introduite par El Hadj Malick Sy (au Cayor) et El Hadji Abdoulaye
Niasse (dans le Saloum). Au Sénégal, la confrérie Tidjane est représenté par six familles
religieuses, regroupées autour de Tivaouane, le bastion religieux principal; la branche
Niassène à Kaolack, la famille des descendants d’El Hadj Omar Tall (famille omarienne
regroupée principalement au Nord du pays, dans les régions de Podor et de Matam; la famille
Haïdara de Darou Khaïry en Casamance et les bastions religieux de Médina Gounass, près de
Kolda, dans l’Est du pays et de Thiénaba, situé dans le département de Thiès). La Tidjania,
l’une des confréries les plus répandues en Afrique dénombre plus de 50% de la population au
Sénégal.
En 1902, le marabout El hadji Malick Sy s’installe dans l’actuelle ville de Tivaouane. Cette
date est le début d’une nouvelle ère dans l’histoire du peuplement de Tivaouane : homme de
lettres, El Hadji Malick Sy quitte le Fouta (région du nord du Sénégal) et s’installe à
Tivaouane pour y enseigner le coran et y véhiculer les préceptes de la confrérie Tidjania au
Sénégal. C’est à partir de là que Tivaouane se fit une place dans la cartographie religieuse du
Sénégal. En effet, le saint homme était un des rares hommes de lettres à s’installer dans cette
région considérée comme le fief des Ceddo (grande civilisation païenne dotée d’un grand
pouvoir politique toutefois remise en cause par leur défaite devant les occupants blancs).
Cette période marque ainsi la naissance d’un grand intérêt des populations païennes pour la
religion musulmane car s’était une façon de continuer la résistance à la colonisation française
et de dire non aux exactions du pouvoir Ceddo. Les disciples vinrent de partout pour
apprendre le coran. Le nombre d’élèves était si important que la maison qui a été prêtée dans
le quartier Fogny au saint homme ne pouvait plus les contenir. Alors, il décida de s’installer à
COGNE DIAKA ou l’actuel quartier El Hadji Malick.
En outre, dans le Sénégal rural et des petites villes dans une moindre mesure, les relations entre l’État
et les collectivités n’ont jamais été aisées. L’État sénégalais était souvent perçu dans les villages
comme une entité abstraite, importée, surtout insensible aux problèmes des collectivités. À
l’inverse, les marabouts, qui se font propriétaires terriens, en recrutant des milliers d’adeptes
dans leurs champs agricoles, en pourvoyant aux nécessités de base des paysans, en offrant
gîtes, nourriture et subsides
Aux collectivités seront perçus comme des acteurs du développement. Le marabout, s’étant
substitué au chef traditionnel depuis l’époque coloniale et par sa présence constante dans le
quotidien des populations, représente encore souvent l’unique autorité locale reconnue par les
populations. C’est désormais autour de lui que la société tend à s’organiser les populations
pour les questions locales.
1-Production d’un espace religieux Tidjane
L’établissement du guide ne fut pas sans conséquence sur le plan de l’occupation de l’espace
car il entraîna le déplacement de nombreuses familles Ceddo de cette zone dérangées par la
cohabitation avec le pouvoir religieux et surtout que l’influence du guide devenait très
importante. Ces familles ainsi déplacées occupèrent le coté opposé dégagé par la voie ferrée
laissant un espace énorme que les disciples du khalife ne tarderont pas à occuper.
En effet, les Talibés, à la fin de leur apprentissage, cherchent du travail dans la ville, se
marient et s’y installent définitivement en plus des originaires d’autres régions qui, une fois à
la retraite, choisissent d’acheter une maison prés de leur marabout pour y vivre avec leur
famille. Cette nouvelle fonction de la ville attire de nombreuses populations qui s’installent
cependant de façon très spontanée car les sites occupés n’ont fait l’objet d’aucun
aménagement préalable de l’espace pour prendre en compte leurs mutations mais surtout la
fonction religieuse de la ville. Tivaouane, capitale de la Tidjania au Sénégal, est devenue,
depuis 1907, une ville touristique avec l’organisation annuelle du Gamou ou Maouloud qui
est la commémoration de la naissance du Prophète de l’Islam. Cet événement initié par le
guide de la Tidjania à Tivaouane réunit des millions de pèlerins pendant au moins trois jours.
Tivaouane est devenue un centre religieux très important. Elle reçoit pendant le Gamou
annuel des dizaines de milliers de pèlerins en provenance de toutes les régions du pays, de
l’Afrique de l’ouest et du monde entier. Elle joue ainsi un rôle touristique et sociologique
important, pour le Sénégal. Au Sénégal le nombre de fidèles Tidjanes est très important par
rapport à la population totale. Cela confère aux guides de cette confrérie un pouvoir
d’influence indéniable sur le jeu politique national et surtout local. L’autorité qui est à la tête
de la confrérie Tidjane a par conséquent une forte influence sur la gestion de la ville. A coté
du pouvoir politique et de l’autorité administrative, on note la présence et même le poids du
pouvoir religieux d’où la spécificité de la ville de Tivaouane. On peut parler d’une
communauté religieuse urbanisante à Tivaouane dans la mesure où parmi les Talibés, il y en
a qui sont venus très jeunes apprendre le coran. Ils sont de toutes les origines. Ils sont sous le
couvert du Marabout qui est chargé de leur éducation. C’est à la fin de cet apprentissage qu’ils
seront dans la plupart du temps insérés par le marabout dans un des secteurs d’activité. Ils se
mettent alors soit au commerce ou à l’artisanat soient ils restent dans le domaine du religieux
aux services du Marabout. Grâce aux facilités relationnelles du marabout, de nombreux
Talibés sont recrutés aux ICS (il existe selon des employés des ICS un cota des marabouts
dans cette entreprise comme dans d’autres structures de la région et même du pays).
Toujours est- il que ces jeunes Talibés deviennent adultes, fondent des familles et constituent
des facteurs de croissance démographique. Cette croissance se matérialise par une extension
spatiale. Mais cette extension est singulière dans la mesure où elle se fait souvent dans le
domaine foncier des Marabouts. Le domaine foncier du marabout est essentiellement
constitué de parcelles achetées par le guide et les membres de sa famille ou encore des
attributions de parcelles par les autorités habilitées à le faire au niveau de la ville.
La carte qui suit est une représentation des maisons, mausolées, parcelles appartenant aux
membres de la « famille Sy ». Cette carte est réalisée grâce à des informations obtenues
auprès des populations locales et confirmées par le service de l’urbanisme de Tivaouane, non
sans émettre quelques réserves cependant. Pour les parcelles du khalife général, il a été facile
de vérifier parce qu’elles sont souvent entouré de murs particuliers : une clôture qu’on ne
trouve que sur parcelles à Tivaouane.
2-le quartier El Hadji Malick Sy
Le quartier El hadji Malick de Tivaouane premier bastion de la confrérie Tidjane est devenu
au fil des années le lieu de résidence par excellence des membres de cette famille ainsi que
des proche Talibés. Le quartier porte les marques de la religion musulmane à travers
l’omniprésence des écoles coraniques, des mausolées et des mosquées.
L’historique du quartier nous informe sur les origines de la population estimée à 4888
habitants répartis sur 631 parcelles (source : rapport étude de faisabilité du projet de
restructuration et de régularisation foncière de Tivaouane 2008). Ainsi, grâce à la place
religieuse du quartier dans la ville de Tivaouane, au Sénégal et la sous région en général, il
devient aisé de définir le profil de sa population. En effet, dans leur écrasante majorité, les
habitants du quartier son d’anciens disciples d’El Hadj Malick. Venus de toutes les régions du
pays, ils ne sont pas tous rentrés à la fin de leur apprentissage du coran. C’est ce qui explique
la diversité ethnique, très forte, notée dans la population très jeune de ce quartier. La jeunesse
de la population est essentiellement due au nombre important de jeunes talibés qui affluent
vers les daaras qui se trouvent dans le quartier dont la densité est de 169 habitants/ha. Les
wolofs sont majoritaires dans la population.
Carte de situation du quartier El hadj Malick SY
L’estimation de la répartition de la population par quartier a été effectuée à partir de la
population de 2001, du nombre de ménages par quartier et du nombre moyen de personnes par
ménage. Ces statistiques ont été rapportées à la superficie du quartier pour calculer la densité
moyenne.
D’un niveau de scolarisation assez faible dans l’ensemble, la plupart
des personnes, cependant, savent lire et écrire en arabe.
Les principales activités économiques menées dans ce quartier sont
l’artisanat (couture, mécanique), le commerce. Les chauffeurs, les ouvriers
tacherons sont aussi très nombreux. Cela s’explique par le fait que ce sont des
métiers dont l’apprentissage ne demande pas trop de temps, donc qu’un élève
qui a atteint un certain âge après la mémorisation du coran peut rapidement
assimiler, mais aussi, grâce aux relations dont bénéficie le marabout.
L’insertion de ces anciens Talibés se fait assez facilement. Ainsi un nombre
très élevé des chefs de ménage travaillent comme ouvriers ou chauffeurs aux
ICS. L’enseignement du coran occupe une grande part dans la répartition des
catégories socioprofessionnelles. Ensuite, l’activité la plus singulière du
quartier et par ailleurs la moins bien cernée est celle liée au culte. Le nombre
exact de ceux qui s’activent dans ce domaine et les fourchettes de revenus qu’il
génère reste difficilement quantifiable à cause de la périodicité des
célébrations. Depuis quelques décennies, on note la hausse du taux
d’inscription des enfants à l’école et cette tendance se traduit par l’intégration
des services de l’administration par des groupuscules toujours minoritaires. La
situation économique du quartier se caractérise essentiellement par l’aspect
informel de la plupart des activités et surtout l’hétérogénéité du niveau de vie.
2-1 Les différents nivaux d’organisation du quartier
Par ce volet, nous entendons les différentes formes d’organisation
mises en place par les populations dans un quartier pour communiquer avec
l’autorité et prendre en charge les problèmes auxquels elles sont confrontées au
quotidien. C’est le chef de quartier qui est l’intermédiaire direct entre la
population et l’administration. Ensuite, on note aussi la présence d’associations
de femmes orientées vers le micro crédit. Nous avons noté cependant que tous
les groupements de femmes ayant obtenu un financement sont composé pour
l’essentiel par les cuisinières des maisons des marabouts. Ce constat démontre
le poids du pouvoir maraboutique comme force de facilitation ne serais que
pour l’obtention de crédits. En outre on a noté que les formes d’organisation
associatives féminines les plus dynamiques se font autours des « wagn »6 et
des « dahira »7. Pour ce qui est du quartier El Hadji Malick, le cas est un peu
atypique car sa fonction religieuse donne une autorité à ceux qui gèrent le culte
en l’occurrence la famille du khalife et ce pouvoir dépasse le domaine du
religieux ou du quartier, en ce sens que les populations, dans leur écrasante
majorité pensent c’est le marabout qui sert de tampon entre eux et les autorités
administratives ainsi ils n’hésitent pas a le faire intervenir pour porter une
requête. Cela se comprend par le fait que cette autorité est à la base de la
création de ce quartier et que ce dernier vit au rythme des événements
religieux.
2-2-L’organisation de l’espace
L’organisation de l’espace est surtout marquée par l’opération de
restructuration que le quartier a connue en 1978. Cette action commanditée par
l’Etat du Sénégal a remodelé le tissu urbain jadis caractérisé par
l’inorganisation et la promiscuité.
Sur une superficie totale de 28.9 ha, le quartier El Hadji Malick SY est ainsi
occupé : 19.3ha sont dévolus à l’habitat alors que la voirie n’occupe que 2.7 ha, les
équipements couvrent 6.9 ha et les espaces verts sont inexistants.
Le dualisme entre les différentes formes architecturales est un élément très visible dans ce
quartier. On remarque, en effet, deux formes architecturales dans ce quartier : l’une est de
forme quasi majestueuse, ce sont les édifices religieux avec les esplanades des mosquées et
des mausolées mais aussi des résidences des guides religieux. Dans ce même ensemble, on
note aussi des maisons de proches de la famille maraboutique. Cet ensemble occupe une
6
Signifie cuisine en Wolof, les maisons des marabouts en disposent de très grandes compte tenu
du nombre important de pensionnaires de ces maisons. Les femmes qui y travaillent le font
de façon volontaire et bénévole.
7
Association de disciples
grande partie du quartier. Il est caractérisé par la construction en dur, le standing est
généralement très élevé. Les constructions sont pour l’essentiel à étage. On note aussi des
maisons vétustes qui sont dans un état de délabrement assez avancé.
Le second ensemble est plus hétérogène ; il se dessine autour du premier. Au sortir de cette
classification des habitants du quartier El Hadji Malick Sy, on retrouve dans le document de
l’Agenda 21 local de Tivaouane que le nombre de population équipé est de 2352 soit 81%.
Les personnes assez équipées sont au nombre de 514 soit 10% et 1992 personnes vivent sans
robinet intérieur ni électricité soit 9% de la population totale du quartier. Cet indice montre
clairement que l’accès facile à l’eau et à l’électricité reste un confort qu’une partie de la
population ne peut s’offrir. Cela confirme le contraste que nous avons signalé dans les formes
architecturales de ce quartier.
2-3 Les équipements collectifs
Le sous-équipement est manifeste, ne serait qu’en matière d’équipement scolaire.
Le quartier ne compte aucun établissement scolaire. Les élèves du quartier sont
polarisés par les écoles qui se situent dans les quartiers voisins. Ainsi l’école 2 de
Ndoutt, l’école 4 Médine et aussi l’école Mansour Sy de commercial se partagent
les élèves du quartier. Il n’y a ni centre ni de poste de santé. C’est l’hôpital se
trouvant à Tivaouane Wolof qui polarise les populations de cette zone. Les
équipements marchands sont aussi localisés dans d’autres quartiers. Le souséquipement reste cependant le lot de toutes les zones de la ville. Il faut noter
qu’avec les mausolées, le quartier reste le site où se concentre le plus grand
nombre d’équipements religieux de la région, ce qui fait de lui un lieu de
pèlerinage très fréquenté.
TROIXIEME PARTIE : LE JEU DES ACTEURS
I- Les pratiques de gouvernance de la confrérie Tidjane dans l’espace urbain de
Tivaouane
L’implication du pouvoir maraboutique Tidjane dans la gouvernance de Tivaouane est avérée et ne
date pas d’aujourd’hui. L’autorité religieuse est toujours consultée avant la prise d’une décision
importante pour la ville. Et si cette consultation n’est pas faite, les actions qui sont entreprises peuvent
se trouvé bloquer. C’est l’exemple du projet de construction d’une église par le clergé catholique en
1989.Le bâtiment a finalement était transformé en lycée c’est l’actuel lycée Ababacar Sy de
Tivaouane. D’après nos sources, cependant, ce revirement n’était nullement le résultat de rapports de
force mais le fruit d’une médiation conduite par feu serigne Abdou Aziz Sy8 . Et les exemples sont
nombreux même si parfois cette même autorité peine à imposer sa vision dans la ville de Tivaouane
comme cela se fait si facilement à Touba. En effet la population très diversifiée à Tivaouane car
composée de mouride, de Tidjanes, de chrétien, de khadre … est moins prompte à respecter les
exigences de décence d’une ville religieuse.
Le dernier exemple de violences nées du refus des Tivaouanois de ce plié à l’autorité des Talibés date
du mois de novembre 2009. C’était à l’occasion de la fête de l’Aïd El Fitr ou Tabaski 9 : des jeunes ont
organisé une soirée dansante et des disciples s’y sont opposé par des jets de pierre, il s’en est suivi une
bataille rangée, de nombreux baissés, des dégâts matériels estimés a des millions et l’arrestation ces
disciples responsables de l’agression. Mais c’est après quelques temps qu’on apprend que ces
derniers sont libérés sans aucune poursuite.
Alors même si elle n’est pas très probante, il existe une certaine volonté des autorités religieuses de
Tivaouane relayée par leurs disciples d’assigner à la ville une certaine image « musulmane » mais
singulièrement « Tidjane ». Cette volonté n’est pas facile à imposé dans une ville comme Tivaouane,
qui s’est faite au fils des vagues de peuplements toutes différentes les une des autres. La diversité des
cultures et des religions mais aussi et surtout la présence forte de l’autorité administrative et ceux
même avant l’arrivée de confréries à Tivaouane font cette ville aussi sainte soit elle ne peut être une
ville religieuse qui soumettrai au voile, a l’interdiction de la musique, de l’alcool et du tabac ces
populations.
8
Khalife général des Tidjanes à l’époque
9
Fête musulmane
1- Les rapports entre religieux et politiques dans la commune de Tivaouane
En accédant à l’indépendance en 1960, l’État sénégalais, fort d’une légitimité de type rationnel légal et
soucieux d’assurer la promotion immédiate et simultanée du développement économique et social
avait dû largement faire appel à la collaboration des marabouts. Ceux-ci semblent être la réelle force
de stabilisation et de continuité pour la jeune nation et les collectivités locales sénégalaises encore
habitées par de fortes convictions religieuses (Diop, M.C. (1992). Sénégal, trajectoires d’un État.
Dakar : CODESRIA). La nature clientéliste des relations entre pouvoirs politique (chefs de partis) et
religieux (chefs maraboutiques) assure aux politiques, une légitimité sans équivoque. Ainsi, les
factions qui se disputent le pouvoir, ont besoin des voix des électeurs notamment dans les villages,
lesquels sont soumis aux marabouts. Ils vont donc s’inscrire dans la même logique que
l’administration coloniale, de rapprochement avec les confréries pour résoudre leurs problèmes, faire
avancer leurs revendications, en assistant à des cérémonies religieuses, en montrant publiquement leur
soutien à l’autorité maraboutique et reçoivent en retour, un fort appui pendant les périodes d’élection.
La particularité de la famille Sy c’est qu’elle est la plus en de la confrérie Tidjane forte d’une
communauté de plus de 50% de la population au Sénégal. Même si son emprise n’est pas forte
sur le vécu des populations locales, elle entretient des rapports de collaboration avec
l’institutionnel. « Les marabouts par leur rôle dans le réseau de clientèle politique, nomment
des députés, des maires (ceux-ci cherchent leur aval), établissent un lien direct avec le chef de
l’Exécutif (…). Les autorités administratives locales sont obligées de leur « faire acte
d’allégeance » pour pouvoir se maintenir en place» Diop, M.C. et M. Diouf (2002).
«L’administration, les confréries religieuses et les paysanneries» pour citer Diop,
M.C. et M. Diouf, La construction de l’État au Sénégal. Paris :
Kartala, pp.28-47.Cette implication dans la vie politique est perceptible par
tous les acteurs politiques dans la ville de Tivaouane.
Selon les conseillers enquêtés, c’est le porte parole de la famille est
toujours consulté pour désigner le maire quelque soit le parti qui remporte les
élections. Si on prend l’exemple des dernières élections, « le porte- parole
s’est impliqué dans les investitures en convoquant les responsables locaux du
PDS (Parti Démocratique Sénégalais) et du parti REWMI 10pour leur demander
10
Un des partis de l’opposition les plus représentatifs de la ville de Tivaouane, donné favoris pour
les élections locales de mars 2009 à Tivaouane
de s’unir parce qu’il n’était pas question que la Coalition Sopi11 perde les
élections à Tivaouane après tout les efforts que le Président de la république a
consenti de faire pour la ville de Tivaouane ces deux dernières année . C’est
après la promesse du Président de la république Maitre Abdoulaye Wade « de
faire de Tivaouane un ville moderne » lors d’une visite au Khalife général des
Tidjanes, que la commune a bénéficiée d’un important projet de restructuration
et de régularisation foncière estimé a plus de 14 milliard, financé par la
coopération allemande. Il parait selon toujours des conseillers que nous avons
interrogé (nous avons fait le choix de taire leurs noms) c’est grâce à cette
médiation que les deux partis protagonistes se sont réunis autours d’une seule
liste électorale qui a finalement remporté les élections au nom de la Coalition
Sopi.
En 2002, « c’est un inconnu du jeu politique à Tivaouane qui a été
investi à la surprise générale des conseillers élus et des populations cause de
son non et par reconnaissance à ses parents qui étaient de proches Talibés au
détriment d’un autre candidat qui était donné favori par les conseillés ».
En plus de cette implication partisane, il y a aussi « le mot d’ordre » qui n’est certes plus
respecté comme avant mais qui reste efficace dans certains contextes. Ce mot d’ordre est,
selon des sources proches de la famille du Khalife, toujours donné par le marabout aux
moukhadams12 qui diffusent à leur tour la consigne. Cette pratique est plus courante chez les
moustachidines13 qui ont une grande discipline de groupe.
Au lieu de chercher la confiance des populations les politiques
cherchent à être les protégés du marabout. Le maire est l’organe exécutif et il
est le seul en réalité. Le conseil n’est qu’un organe consultatif et ça les
marabouts l’on comprit et il constitue de ce fait une sorte de troisième chambre
qui valide et porte certaines décisions auprès de l’état.
11
Coalition dont fait parti le parti au pouvoir, le PDS (Parti Démocratique Sénégalais)
12
Dignitaires de la confrérie Tidjane c’est comme le titre de Cheikh chez les Mourides
13
Sous groupe de la confrérie Tidjane de Tivaouane
En contre partie de ce soutien les autorités religieuses bénéficie d’une considération
particulière de la part des élus. C’est ce qui justifie a notre avis les grasses parts de la famille
maraboutique dans la distribution de parcelles par la municipalité de Tivaouane.
Le cas du lotissement de Pam Complémentaire est un exemple parlant du traitement des
marabouts que d’aucun trouvent « normal parce que tout l’intérêt que les autorités manifestent
à la ville c’est grâce a là famille Sy ». Pam complémentaire est un lotissement sur 915
parcelles, il a été réalisé en octobre 2004. Ce lotissement est réalisé sur des champs de culture
d’agriculteurs, habitants l’ancien village de Pam récemment rattaché à la commune de
Tivaouane. Sur les procès verbaux d’attribution des 915 parcelles du lotissement, 108
parcelles ont étaient attribué aux membres et proches de la famille maraboutique contre 167
parcelles pour les anciens propriétaires de champs, soit 11,80% du lotissement pour la famille
du marabout et moins de 69%des parcelles pour plus de 50 000 habitants.
II-
La construction et l’ émergence d’un espace mouride à Tivaouane
En 1960, la population de la ville était estimée à 7900 personnes en 2000 elle est
estimée à 50 000 habitants (source(PIC) Plan d’investissement communal,
commune de Tivaouane, 2002). Ces chiffres s’expliquent par un taux
d’accroissement naturel assez soutenu mais surtout par le dynamisme économique
de Tivaouane devenu un pôle incontournable dans la région grâce à ses fonctions
administratives et religieuses mais aussi grâce à sa position géographique qui en
fait un nœud de communication reliant les différentes zones du pays. Cette
attraction de la ville sur son voisinage se traduit sur le plan spatial par est marquée
par la poursuite de l’extension aréolaire. La combinaison des effets des années de
sécheresses, de l’extension des limites de la commune, les impacts
environnementaux de la création d’une plate-forme chimique en 1984 dans le
périmètre départemental (Méouane et Darou Khoudoss) a œuvré et continue à
œuvrer à la déperdition du potentiel agricole des villages environnants de
Tivaouane. Ce déficit de terres arables et la disparition progressive de l’activité
agricole entraînent un exode rural massif en direction de Tivaouane où les ruraux
intègrent le secteur informel par le billet des activités comme l’artisanat ou le
commerce.
C’est comme ça que se créent des annexes des tous premiers quartiers. Situées plus à
l’écart des deux centres (l’escale et le centre religieux), ces extensions constituent les
zones d’accueil de populations rurales à la recherche de subsistance. Ainsi la ville
commence à s’étendre sur les champs les plus proches, donnant alors naissance à la
périphérie, nouveau front d’urbanisation de la ville. C’est dans ce contexte que vont naître
les quartiers comme Darou Salam, Keur Khaly, Ndiandakhoum, Keur cheikh Marouba et
Keur Cheikh Awa Balla. Les deux derniers quartiers cités ont une particularité. Ils portent
en effet le nom de leurs fondateurs, tous deux des Cheikh14 de cheikh Ahmadou Bamba
Mbacké, fondateur du mouridisme15.En effet Tivaouane, d’après certains témoignages, a
accueilli le premier foyer du mouridisme par la personne de Serigne cheikh Marouba
Gueye en 1900 c’est à dire deux ans avant l’arrivée de El hadji Malick. Selon toujours ces
sources le « cheikh » c’était installé à en environ 1km de la préfecture pour mener ces
activités d’agriculture et d’enseignement du coran au service de Serigne Touba. Ce
dernier, en allant en Mauritanie à fait escale à Tivaouane chez son Talibé, Cheikh
Marouba Gueye, et le saint homme y a fait la prière de fadiar et c’est en commémoration à
cette prière que chaque année des centaines de fidèles mouride se rendent dans le domicile
de cheikh Marouba pour un Magal16 dit des « Niarry racca de serigne Touba à
Tivaouane ».
Comme leur nom l’indique (Keur signifie en Wolof maison) ces quartiers étaient à l’
origine des concessions de ces représentant (cheikh Marouba Gueye et cheikh Awa balla
Mbacké) de Serigne Touba17.
Ces nouveaux venus à Tivaouane majoritairement
originaires de villages à dominante mouride s’installèrent naturellement à proximité des
concessions des « cheikhs » pour profiter de leur facilité d’accès à la terre ou en général
pour bénéficier de la solidarité qui caractérise la communauté mouride.
14
C’est un titre honorifique que les khalifes mourides donnent à certains de leurs disciples
15
Il compte environ 30%(selon Mountaga Diagne dans son article décentralisation, participation
politique en Afrique : rôle des confréries religieuses dans la gouvernance locale au Sénégal, publié par l’ARUCISDC, Série : Recherches, numéro 18,) de la population est l’une des confréries les plus connues et les plus
dynamiques du Sénégal.
16
Appellation des cérémonies commémoratives par les Mourides
17
Chez les mouride c’est l’appellation d’une cérémonie commémorative
Et au fil des années, l’extension de la ville aidant, les villages voisins de la commune ont
été intégrés dans la commune de Tivaouane. Parmi ces villages il y en a qui sont a
dominante Tidjane mais pour la plus part, ce sont des villages mourides à l’instar des
villages de Selko, Parba, Keur Bakar, Keur magueye, Sinou Khaly, Keur Massamba. La
dernière extension du périmètre communal date de l’année 2009. Aujourd’hui, malgré
l’inexistence d’un recensement orienté dans domaine, il n’est pas exagéré de se poser la
question de savoir : qui des Tidjanes ou des mourides sont les plus nombreux dans la
commune de Tivaouane ?
Cette question est d’autant plus pertinente que depuis quelques années, on note à
Tivaouane, la création et la massification de nombreux dahiras mouride. La présence de
ces dahiras se manifeste notamment par fréquence des « Thiant »18, chaque semaine à
tours de rôle dans les quartiers de la ville
Le plus grand centre de vote est Keur cheikh et le deuxième centre,
école 4 qui constitue le deuxième bastion mouride
18
Séances de chants et de causerie pour rendre grâce à Serigne Touba et aux membres de sa
famille
Conclusion générale
Le couple décentralisation/développement locale est d’actualité dans des pays
comme le Sénégal. De l’indépendance à aujourd’hui, la décentralisation a suivi
un long processus dont l’étape la plus marquante et sans doute la plus
révolutionnaire est les réformes de 1996.
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