Illiquidité et insolvabilité des véhicules de placements collectifs

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Illiquidité et insolvabilité des véhicules de placements collectifs
GesKR4
498
2011
Olivier Hari / Philipp Fischer*
Aufsätze
Illiquidité et insolvabilité des
véhicules de placements
collectifs suisses –
aspects juridiques choisis
Table des matières
I. Introduction
II. Véhicules de placements collectifs suisses
1. Principes généraux
2. Placements collectifs ouverts
2.1 Fonds de placement contractuel
a. Description générale
b. Direction de fonds
c. Banque dépositaire
2.2 SICAV
a. Description générale
b. Substrat de responsabilité de la SICAV
3. Placements collectifs fermés
3.1 SCPC
3.2 SICAF
III. Insolvabilité d’un véhicule de placements collectifs et
conséquences
1. Mesures préventives en cas d’illiquidité et d’insolvabilité
1.1 Mécanismes prévus ex ante dans les documents
constitutifs du placement collectif
1.2 Mesures préventives à disposition de la FINMA
a. Fondées sur la LPCC
b. Fondées sur les articles 26 LB et 31 LFINMA
2. Faillite et dissolution d’un placement collectif
2.1 Nouvelle compétence exclusive de la FINMA
2.2 Placements collectifs ouverts
a. Dissolution sans faillite d’un placement collectif
ouvert
b. Dissolution en cas de non-respect des exigences
de fonds propres d’une SICAV
c. Faillite de la direction de fonds ou de la banque
dépositaire d’un fonds de placement
d. Faillite d’une SICAV
2.3 Placements collectifs fermés
a. Faillite d’une SCPC
b. Faillite d’une SICAF
3. Assainissement d’un placement collectif
3.1 Side pockets
3.2 Ouverture d’une procédure d’assainissement au sens
des articles 28 ss LB?
a. Procédure d’assainissement au sens de la LB en
général
b. Cas particulier de l’assainissement de placements
collectifs
IV. Conclusion
*
Olivier Hari, avocat, docteur en droit, Schellenberg Wittmer,
­ enève; Philipp ­Fischer, avocat, LL.M. (Harvard), Lenz &
G
Staehelin, Genève.
I.
Introduction
La récente crise financière a considérablement péjoré la
liquidité de certains actifs financiers. Faute d’un marché liquide, la tâche de déterminer la valeur de ces actifs
est devenue plus ardue. Ces deux problèmes ont affecté
non seulement les intermédiaires financiers (notamment
les banques, les négociants en valeurs mobilières et les
assurances), mais également les véhicules de placements
collectifs de capitaux. Tout comme une banque, un placement collectif ouvert – dont l’une des caractéristiques
est d’accorder aux investisseurs un droit de sortie exerçable, en principe, en tout temps – est exposé à un risque
de liquidité découlant du décalage de maturité entre des
actifs réalisables à long terme (ou illiquides) et des dettes
exigibles immédiatement (asset–liability mismatch). En
Suisse, ce risque s’est matérialisé avec une acuité particulière dans l’industrie des hedge funds. Confrontés à
une crise de liquidité sans précédent, certains fonds se
sont vus contraints de ségréguer leurs actifs illiquides
dans une side pocket et de suspendre le droit au rachat
des investisseurs pour cette partie du portefeuille. Dans
certains cas, ces mesures d’assainissement n’ont toutefois pas permis d’éviter la liquidation du produit d’investissement.
En matière de liquidation de placements collectifs de
capitaux, la LPCC accorde une compétence générale à
la FINMA. La nouvelle mouture des articles 173b LP
et 137 LPCC, entrés en vigueur le 1er septembre 2011,
permet désormais expressément à la FINMA d’ouvrir
la faillite d’une direction de fonds ou d’un placement
collectif suisse structuré sous une forme corporative
ou quasi-corporative et de procéder à sa liquidation
conformément aux règles de la faillite bancaire, qui s’appliquent par analogie.
Après un tour d’horizon des véhicules de placements
collectifs suisses (II), la présente contribution exposera
les mesures préventives visant à éviter l’insolvabilité
d’un placement collectif suisse (III.1), avant d’aborder
les principales spécificités de la procédure de faillite et
de liquidation de placements collectifs suisses (III.2)
et, finalement les possibilités d’assainissement (III.3).
La présente contribution est exclusivement consacrée
Olivier Hari / Philipp Fischer – Illiquidité et insolvabilité des véhicules de placements collectifs suisses
II. Véhicules de placements collectifs
suisses
1.
Principes généraux
Dans une perspective suisse, les éléments constitutifs d’un «placement collectif» sont traditionnellement
au nombre de trois (article 7 LPCC), soit: (i) un patrimoine, composé des apports des investisseurs, (ii) un
investissement géré en commun (pooling) aux fins d’un
rendement et/ou d’un gain en capital et (iii) une gestion
par un tiers (Fremdverwaltung)1. L’introduction, par la
LPCC, de placements collectifs sous forme corporative
(SICAV, SICAF) ou quasi-corporative (SCPC) atténue certes la portée du critère de la Fremdverwaltung.
Il n’en demeure pas moins que, même dans le cadre des
véhicules précités, les investisseurs ne disposent pas, en
principe, d’un droit d’intervention direct sur la gestion
de leurs avoirs, ce qui crée un besoin de protection des
investisseurs auquel la LPCC aspire à répondre (article
1 LPCC)2.
Sur un plan conceptuel, la LPCC distingue entre les placements collectifs «ouverts» (open-ended) et «fermés»
(closed-ended). Dans le cadre d’un placement collectif
ouvert (structuré, en Suisse, sous la forme d’un fonds de
placement ou d’une SICAV), l’investisseur dispose, en
principe et sous réserve des limitations évoquées infra
au chiffre III.1.1, du droit de demander en tout temps
le remboursement de ses parts à la valeur nette d’inventaire (articles 8 [2] et 83 LPCC). En revanche, le titulaire
d’une part dans un placement collectif fermé (structuré,
en Suisse, sous la forme d’une SCPC ou d’une SICAF)
ne dispose pas d’un droit au rachat (article 9 [2] LPCC).
La liquidation de son investissement présuppose donc
une cession de ses parts sur le marché secondaire (pour
autant qu’une telle cession soit possible) ou une dissolution et une liquidation du placement collectif.
2.
2.1 Fonds de placement contractuel
a.
Le fonds de placement est constitué d’un faisceau de
contrats de placement collectif distincts, conclus entre
chaque investisseur, la direction de fonds et la banque
dépositaire 3. Dans le cadre de ces contrats, la direction
de fonds s’engage à gérer les apports des investisseurs et
à faire participer ces derniers au résultat de la gestion
en fonction des parts détenues (article 25 [1] LPCC, cf.
infra chiffre II.2.1b). Pour sa part, la banque dépositaire
s’engage à fournir des services de garde, de gestion du
trafic des paiements et de surveillance (article 73 LPCC,
cf. infra chiffre II.2.1c). Les investisseurs ne sont pas liés
entre eux par une relation contractuelle 4.
Le contrat de placement collectif est un contrat sui generis 5. Une «part» d’un fonds de placement représente
ainsi une créance purement contractuelle correspondant
à la participation du créancier (l’investisseur) à la fortune et aux revenus du fonds de placement (articles 11
et 78 [1] [a] LPCC). Cette créance doit impérativement
être réglée en espèces (article 78 [2] LPCC), sous réserve
d’une dérogation accordée par la FINMA (articles 10 [5]
[e] et 78 [4] LPCC). Les investisseurs ne disposent d’aucune prétention réelle sur les avoirs du fonds de placement, qui sont détenus à titre fiduciaire 6 par la direction
du fonds7.
Les fonds de placement peuvent être catégorisés en
fonction de la palette des placements autorisés. L’on distingue ainsi les fonds en valeurs mobilières (articles 53 ss
LPCC), les fonds immobiliers8 (articles 58 ss LPCC) et
les «autres fonds en placements traditionnels et alternatifs» (articles 68 ss LPCC).
b.
4
5
2
Direction de fonds
La débitrice de la créance découlant du contrat de placement collectif est la direction de fonds. Cette dernière
doit revêtir la forme d’une société anonyme de droit
suisse et être dotée d’un capital de CHF 1 million au minimum (articles 28 [1] LPCC et 43 OPCC). La direction
est soumise à des exigences de fonds propres, qui sont
déterminées en fonction des avoirs gérés par elle (articles 32 LPCC et 47 ss OPCC).
3
François Rayroux, Federal Law on the Collective Placement
of Capital: New Opportunities for the Swiss Investment Funds
Market, RSDA 2007, 42, 44.
Lionel Aeschlimann, Société ou placement collectif? Réflexion
sur le champ d’application de la loi sur les placements collectifs,
in: Thévenoz/Bovet (Eds.), Journée de droit bancaire et financier
2008, Genève 2009, 38 ss.
6
7
8
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Description générale
Placements collectifs ouverts
Sous l’empire de la LPCC, les placements collectifs ouverts peuvent revêtir la forme du fonds de placement
contractuel (2.1) ou de la SICAV (2.2).
1
2011
BSK KAG-du Pasquier/Rayroux, Article 78 N 3.
ATF 93 I 648, c. 5 (arrêt rendu sous l’empire de l’aLFP).
Message concernant la révision de la loi fédérale sur les fonds de
placement, FF 1993 I 208. Ces principes généraux demeurent inchangés sous l’empire de la LPCC (BSK KAG-Bünzli/Winzeler, Article 25 N 8). A noter que l’article 8 (3) aLFP contenait un
renvoi explicite aux règles du mandat.
Luc Thévenoz, La fiducie, cendrillon du droit suisse –
propositions pour une réforme, RDS 1995 II 253, 279–282.
BSK KAG-Rehm, Article 11 N 3.
Cf. à ce sujet Michel Abt, Les fonds immobiliers en Suisse: aperçu général, RSDA 2010, 216 ss.
Aufsätze
aux véhicules de placements collectifs suisses structurés
sous forme de fonds de placement, de SICAV, de SCPC
ou de SICAF.
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c.
2011
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Banque dépositaire
La banque dépositaire devient partie au contrat de placement collectif dans la mesure des tâches qui lui sont
confiées (article 25 [2] LPCC)9. La banque dépositaire
d’un fonds de placement assume deux fonctions principales, qui sont celles (i) d’assurer la garde de la fortune
collective10 (ainsi que des activités annexes telles que
l’émission et le rachat des parts de fonds ainsi que la gestion du trafic des paiements, article 73 [1] LPCC) et (ii)
de surveiller la conformité légale et réglementaire des
activités de la direction de fonds (article 73 [2] LPCC)11.
2.2 SICAV
a.
Description générale
Inspirée du modèle luxembourgeois12 , la SICAV est une
société de capitaux dont le capital-actions n’est pas déterminé à l’avance (article 36 [1] [a] LPCC). Ainsi, les
parts d’une SICAV peuvent en principe être émises, respectivement rachetées, à la valeur nette d’inventaire en
tout temps, sans que doivent être respectées les formalités applicables aux augmentations et réductions du capital-actions (article 42 LPCC). La SICAV est un produit
de placement sous forme de société13.
Sur un plan conceptuel, la LPCC prévoit deux types de
SICAV: la SICAV autogérée (self-managed) et la SICAV
9
10
11
12
13
La FINMA peut autoriser un placement collectif ouvert structuré
sous la forme d’un «autre fonds en placements alternatifs» et qui
procède à des placements directs (i.e., un single hedge fund, par
opposition à un fund of hedge funds) à solliciter des services d’un
prime broker soumis à surveillance, lequel assume dans ce cas la
fonction de banque dépositaire (article 71 [5] LPCC).
Moyennant une information dans le prospectus, la fonction de
garde de la fortune du fonds de placement peut être déléguée à
un tiers ou à un dépositaire central de titres (en Suisse ou à
l’étranger). Dans cette hypothèse, la banque dépositaire ne
répond que du soin avec lequel elle a choisi (cura in eligendo) et
instruit (cura in instruendo) ce tiers. En l’état actuel du droit,
la cura in custodiendo de la banque dépositaire est plus limitée,
dans la mesure où la banque dépositaire ne répond que du soin
avec lequel elle contrôle que les critères de choix du tiers sont
durablement respectés (article 73 [2] LPCC). ������������������
Le projet de révision de la LPCC (FF 2011 5757), mis en consultation le 6 juillet
2011, prévoit que la banque dépositaire devrait avoir à répondre
du dommage causé par un tiers auquel elle a délégué l’exécution
d’une tâche, à moins qu’elle ne prouve avoir pris en matière de
choix, d’instruction et de surveillance, tous les soins commandés
par les circonstances.
Rashid Bahar/Yaël Benmenni, Devoirs et responsabilité de la
banque dépositaire: quis custodiet sub-custodians?, in: Thévenoz/
Bovet (Eds.), Journée de droit bancaire et financier 2009, Berne
2010, 26.
Rolf H. Weber, Aufbruch zu neuer juristischer Person: Investmentgesellschaft mit variablem Kapital, in: Breitschmid/Portmann/Rey/Zobl (Eds.), Grundfragen der juristischen Person,
Festschrift für Hans Michael Riemer zum 65. Geburtstag, Bern
2007, 438.
Message du Conseil fédéral concernant la loi fédérale sur les
placements collectifs de capitaux, FF 2005, 6018 (cité: Message
LPCC). Il en va de même de la SCPC et de la SICAF.
à gestion externe (non self-managed)14. La SICAV autogérée dispose d’une direction générale interne en charge
de son administration15 (article 64 [3] OPCC). Dans le
cadre d’une SICAV à gestion externe, l’intégralité du
travail administratif lié à la SICAV est déléguée à une
direction de fonds qui agit alors en qualité de mandataire de la SICAV (articles 51 [5] LPCC et 51 OPCC16).
Selon la volonté du Conseil fédéral, la SICAV à gestion
externe est destinée aux gérants de fortune indépendants
qui souhaitent lancer un placement collectif suisse, sans
toutefois disposer des ressources nécessaires pour créer
une direction de fonds (private labelling)17.
Tout comme dans le cas du fonds de placement, les
avoirs de la SICAV doivent être déposés auprès d’une
banque dépositaire (article 72 LPCC).
En acquérant une «part» de SICAV, l’investisseur acquière une participation dans la société et un droit patrimonial (découlant de sa position d’actionnaire) au bénéfice résultant du bilan (articles 11 et 78 [1] [b] LPCC).
L’investisseur obtient également le droit de se faire racheter ses actions, en principe en tout temps (article 42
[1] LPCC) et en espèces (article 78 [2] LPCC). La FINMA peut cependant accorder des dérogations à l’obligation de payer et de racheter des parts en espèces (article
78 [4] LPCC). Par ailleurs, les actionnaires de la SICAV
disposent (i) de certains droits sociaux, notamment le
droit de participer à l’assemblée générale (articles 46 [2]
et 50 LPCC), dans le cadre de laquelle chaque action
donne droit à une voix (one share, one vote, article 47 [1]
LPCC)18 , (ii) de certains droits de contrôle modelés sur
les dispositions de la société anonyme (article 48 LPCC)
et (iii) d’un droit à l’information (article 84 [1] LPCC)19.
Le capital de la SICAV est divisé en «actions des entrepreneurs» et en «actions des investisseurs» (article 36
14
15
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17
18
19
François Rayroux, SICAV: premières expériences, in: Michel
(Ed.), Placements collectifs et titres intermédiés, Lausanne 2008,
35.
La notion d’«administration» comprend notamment la gestion
des risques, la mise en place d’un système de contrôle interne et
la compliance. La direction doit disposer, en règle générale, d’au
moins trois postes à plein temps habilités à engager la SICAV (articles 44 [2] et 64 [4] OPCC).
Cf. également la Circulaire FINMA 2008/37 (Délégation par la
direction et la SICAV), ch. 37 ss.
Message LPCC (N. 13), 6019. Cf. également Olivier Stahler,
Adoption de la Loi fédérale sur les placements collectifs par les
Chambres fédérales, Actualité du Centre de droit bancaire et financier (http://cms.unige.ch/droit/cdbf), article n° 448, 28 juin
2006; Rayroux (n. 14), 30 et Peter Spinnler, Die neue Rechtsform der SICAV im KAG und die Interessenwahrnehmung der
Anleger als Aktionäre, GesKR 2007, 80.
Les assemblées générales peuvent être tenues séparément pour
chaque compartiment, sauf lorsque la décision concerne la SICAV
dans son ensemble (article 62 [1] OPCC) (Rayroux [n. 14], 39).
Cf. toutefois Rayroux (n. 14), 40, qui considère qu’au vu des
droits spéciaux conférés aux actionnaires entrepreneurs, les actionnaires investisseurs sont placés dans une situation similaire
à celle des titulaires d’une part d’un fonds de placement contractuel.
[1] [b] LPCC). De manière générale, la LPCC consacre
le principe d’égalité de traitement entre ces deux types
d’actions (article 41 [3] LPCC). Cela étant, le droit de
dissoudre la SICAV, ou l’un de ses compartiments, revient exclusivement aux actionnaires entrepreneurs
(articles 41 [2] et 96 [2] [a] LPCC, article 57 OPCC)20 .
Du côté actif du bilan, les apports des actionnaires entrepreneurs et ceux des actionnaires investisseurs sont
alloués à des compartiments distincts (article 65 OPCFINMA)21. Par nature, la SICAV est donc un placement
collectif à compartiments (fonds ombrelle)22.
b.
Substrat de responsabilité de la SICAV
La SICAV dispose de la personnalité juridique et ne répond de ses engagements que sur sa fortune sociale (article 36 [1] [c] LPCC). Par rapport à d’autres personnes
morales, le substrat de responsabilité de la SICAV présente toutefois des spécificités propres, compte tenu du
fait que la SICAV dispose nécessairement d’au moins
deux compartiments et que son capital est, par définition, variable.
ba. Ségrégation par compartiment
Chaque compartiment d’une SICAV (soit, au minimum,
le compartiment des actionnaires investisseurs et celui
des actionnaires entrepreneurs) n’est en principe responsable que de ses propres engagements (articles 94
[2] LPCC et 112 [3] [d] OPCC)23. La limitation de responsabilité au niveau de chaque compartiment (ring fencing) est toutefois soumise à trois restrictions:
• En premier lieu, cette limitation du substrat de responsabilité n’est pas opposable aux tiers qui l’ignoraient, étant précisé qu’une mention dans le prospectus de la SICAV devrait, à notre sens, représenter
une information suffisante à cet égard 24.
• En second lieu, la FINMA exige, dans sa pratique,
que le compartiment des actionnaires entrepreneurs
soit responsable pour l’ensemble des engagements de
la SICAV et, à titre subsidiaire, pour les engagements
de tous les compartiments25.
20
21
22
23
24
25
En revanche, les actionnaires entrepreneurs ne peuvent demander
le rachat de leurs parts que pour autant que les exigences en
termes de fonds propres et d’apport minimal soient maintenues
(article 58 [2] OPCC).
BSK KAG-Rayroux/Nicod, Article 94 N 2.
Franz Hasenböhler, Recht der kollektiven Kapitalanlagen:
unter Berücksichtigung steuerrechtlicher Aspekte, Zurich 2007,
N 417.
Le principe de ségrégation ne s’applique qu’au niveau des compartiments, et non pas au niveau de chaque classe de parts au sein
d’un même compartiment (article 61 [3] OPCC).
BSK KAG-Rayroux/Nicod, Article 94 N 4. A noter que la formulation de l’article 94 (2) LPCC semble exiger une divulgation
expresse «dans [l]es contrats avec des tiers».
Cf. article 36 (2) des statuts modèles de la SFA pour un fonds de
placement suisse en valeurs mobilières (pour fonds individuels)
sous forme de société d’investissement à capital variable (SICAV);
BSK KAG-Rayroux/Gerber, Article 41 N 6.
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• En troisième lieu, la limitation de responsabilité par
compartiment ne s’applique pas (i) en cas de responsabilité extracontractuelle de la SICAV pour l’activité de ses employés et autres auxiliaires (article 55
CO) ou de ses organes26 et (ii) en cas de responsabilité contractuelle pour dol ou faute grave (article 100
[1] CO).
bb. Maintien d’un substrat de responsabilité
Compte tenu du caractère variable du capital de la
SICAV, la LPCC contient une série de mécanismes destinés à assurer le maintien d’un substrat de responsabilité:
• Lors de la fondation, les actions de la SICAV doivent
être libérées intégralement et, en principe, en espèces
(articles 40 [2] et 37 [1] LPCC a contrario), étant précisé que la FINMA peut à certaines conditions autoriser des dérogations à l’obligation de libération en
espèces (articles 10 [5] [e] et 78 [4] LPCC).
• La SICAV doit bénéficier d’une fortune minimale
nette de CHF 5 millions dans un délai d’un an après
son lancement (article 36 [2] LPCC, articles 35 [2] et
53 OPCC). Cette exigence de fortune minimale doit
être remplie par chaque compartiment correspondant à des apports des actionnaires investisseurs27.
• L’apport des actionnaires entrepreneurs au moment
de la fondation de la SICAV doit être au minimum
de CHF 250’000 (SICAV à gestion externe) ou de
CHF 500’000 (SICAV autogérée). Ce montant doit
être fourni en espèces lors de la fondation et être
mentionné dans les statuts (article 43 [1] [c] LPCC).
La valeur de l’apport minimal doit être maintenue
sur une base continue (articles 37 [2] et [3] LPCC et
54 OPCC).
• La SICAV autogérée est soumise à des exigences de
fonds propres calculées sur la base du ratio entre les
apports des actionnaires entrepreneurs et la fortune
totale de la SICAV (articles 39 LPCC et 55 OPCC)28 .
Les exigences de fonds propres de la SICAV à gestion externe se déterminent au niveau de la direction de fonds (articles 48 [4] et 55 [4] OPCC). En
termes quantitatifs, ces exigences sont identiques à
celles imposées aux directions de fonds (cf. chiffre
II.2.1b)29.
26
Selon Rayroux/Nicod, la responsabilité de la SICAV sur la base
de l’article 722 CO (applicable par renvoi de l’article 51 [6] LPCC)
constitue également une exception de la limitation de responsabilité au niveau de chaque compartiment (BSK KAG-Rayroux/
Nicod, Article 95 N 6).
27 Le calcul de la fortune minimale prend uniquement en compte
les compartiments des investisseurs (BSK KAG-Rayroux/Vogt
Scholler, Article 36 N 23).
28 BSK KAG-Rayroux/Vogt Scholler, Article 39 N 4.
29 Message LPCC (n. 13), FF 2005, 6046. En vertu de l’article 39 (2)
LPCC, la FINMA peut ajuster les exigences de fonds propres en
fonction du profil de risque de la SICAV (BSK KAG-Rayroux/
Vogt Scholler, Article 39 N 11).
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3.
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Placements collectifs fermés
Sous l’empire de la LPCC, les placements collectifs fermés peuvent revêtir la forme de la SCPC (3.1) ou de la
SICAF (3.2).
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3.1 SCPC
La SCPC est une forme d’organisation sociale proche
des structures anglo-saxonnes de limited partnerships.
Inspirée de la forme juridique de la société en commandite du CO, la SCPC présente des particularités destinées à faciliter son utilisation en tant que véhicule de
placements collectifs. La SCPC est une société de personnes et n’a pas la personnalité morale au sens strict.
En revanche, la SCPC dispose de la capacité de jouissance (Rechtsfähigkeit) et d’exercice (Handlungsfähigkeit) des droits civils (article 602 CO par renvoi de l’article 99 LPCC).
Le but exclusif de la SCPC doit être le placement collectif de capitaux (article 98 [1] LPCC). La SCPC peut procéder à des investissements dans le capital-risque (article
103 [1] LPCC), ainsi que dans des projets immobiliers
et de construction ou des placements alternatifs (article
121 OPCC). La structure fermée de la SCPC en fait un
véhicule particulièrement adapté aux placements peu liquides.
L’associé indéfiniment responsable (general partner,
«GP») de la SCPC doit être une société anonyme suisse
(article 98 [2] LPCC) disposant d’un capital-actions
libéré de CHF 100’000 au minimum (article 118 [2]
OPCC). Si le GP ne figure pas formellement sur la liste
des entités soumises à autorisation (article 13 LPCC),
les conditions d’autorisation – notamment en termes
d’organisation interne, de bonne réputation et de garantie d’une activité irréprochable – lui sont applicables par
analogie (article 118 [1] et [3] OPCC)30 . Le GP ne peut
agir en cette qualité qu’au sein d’une seule SCPC (article
98 [2] LPCC), mais n’est pas soumis à la prohibition de
concurrence généralement applicable aux associés d’une
société en commandite classique au sens du CO (article
104 [2] LPCC, articles 561 et 598 [2] CO).
Les investisseurs dans la SCPC, soit les commanditaires
ou limited partners, doivent impérativement être des investisseurs qualifiés (articles 10 [3] et 98 [3] LPCC)31 et
30
Département fédéral des finances, Rapport explicatif sur l’ordonnance sur les placements collectifs de capitaux (OPCC), 22 novembre 2006, http://www.efd.admin.ch/dokumentation/zahlen/
00578/01091/index.html?lang=fr (visité le 12 novembre 2011), 32
(cité: Rapport OPCC).
31 A noter que les personnes physiques à la tête du GP (soit en pratique les promoteurs de la SCPC) peuvent également devenir investisseurs (même sans remplir les conditions d’un investisseur
qualifié au sens de la LPCC), pour autant qu’une telle participation soit prévue par le contrat de société, que les fonds utilisés
proviennent de leur fortune privée et que la souscription intervienne lors du lancement de la SCPC (article 119 [3] OPCC).
être au nombre de cinq au moins au premier anniversaire
du lancement de la SCPC (article 5 [3] OPCC). Les limited partners n’ont en principe pas de droit de décision
ou de veto s’agissant des placements (article 600 [1] CO
par renvoi de l’article 99 LPCC), mais peuvent consulter les états financiers de la SCPC et être renseignés sur
la marche des affaires sur une base trimestrielle (article
106 LPCC). Les investisseurs ne disposent en principe
pas d’un droit au remboursement de leurs parts32. Les
distributions aux investisseurs doivent être réglées dans
le contrat de société et sont généralement échelonnées
dans le temps, en fonction du cycle d’investissement de
la SCPC33.
3.2 SICAF
La SICAF est une société anonyme au sens du CO, dont
le but unique est le placement collectif de capitaux (article 110 [a] LPCC). Seules sont soumises à la LPCC
les SICAF (i) qui ne sont pas cotées à une bourse suisse
et (ii) dont les actionnaires ne sont pas tous des investisseurs qualifiés au sens de l’article 10 (3) LPCC. Par
ailleurs, les sociétés anonymes qui poursuivent une activité commerciale ou industrielle et les sociétés holdings
sont exclues du champ d’application de la LPCC (article
2 [2] [d] et [e] LPCC), même si un récent arrêt du Tribunal fédéral a semé quelques doutes dans ce domaine 34.
Hormis quelques règles spécifiques prévues dans la
LPCC, la SICAF est pour l’essentiel régie par les dispositions du CO relatives aux sociétés anonymes. La palette de placements autorisés ouverts à la SICAF est très
large, dans la mesure où l’article 115 (2) LPCC renvoie
aux dispositions régissant les «autres fonds en placements traditionnels et alternatifs». Le droit des actionnaires de participer au bénéfice de la SICAF découle des
statuts.
A notre connaissance, il n’existe, à l’heure actuelle, aucune SICAF assujettie à la surveillance de la FINMA,
ce qui peut notamment s’expliquer par le fait que la cotation à une bourse suisse ou la limitation du cercle des
actionnaires à des investisseurs qualifiés permet de sor-
32
Dans certains cas, le contrat de société pourra cependant prévoir un droit de rachat des commanditaires, le cas échéant avec
certaines limitations (article 102 [1] [f] LPCC) (Shelby du Pasquier/Xavier Oberson, La société en commandite de placements collectifs-aspects juridiques et fiscaux, RSDA 2007, 210).
33 du Pasquier/Oberson (n. 32), 209. Cf. chiffres 73 ss de la documentation modèle pour les sociétés en commandite de placements
collectifs préparée par la SECA et la SFA.
34 TF, 2C_571/2009 du 5 novembre 2010. Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a considéré qu’une société détenant un hôtel n’exerçait pas une activité «commerciale ou industrielle», au motif que
la société avait confié la gestion de l’hôtel à une société hôtelière.
Selon le Tribunal fédéral, l’exemption prévue à l’article 2 (2) (d)
LPCC serait limitée aux entreprises dont les revenus découlent
d’une activité entrepreneuriale, soit d’une activité de production,
de négoce ou de fourniture de services (cf. arrêt précité, c. 3.4). Sur
ces questions, cf. Aeschlimann (n. 2), 42 ss.
tir relativement aisément du champ d’application de la
LPCC.
III. Insolvabilité d’un véhicule de
placements collectifs et conséquences
1.
Mesures préventives en cas d’illiquidité
et d’insolvabilité
1.1 Mécanismes prévus ex ante dans les
documents constitutifs du placement collectif
La problématique des mesures préventives en vue d’éviter l’illiquidité ou l’insolvabilité d’un placement collectif se pose avec une acuité particulière dans le domaine
des placements collectifs ouverts, dans la mesure où ces
produits accordent aux investisseurs un droit de présenter leurs parts au rachat en tout temps. Cette problématique ne se pose pas dans les mêmes termes dans le cadre
des placements collectifs fermés, qui n’accordent pas de
droit de sortie à leurs investisseurs (cf. Section II.1 supra).
Le principe général selon lequel les investisseurs d’un
placement collectif ouvert peuvent en tout temps liquider leur investissement peut toutefois être tempéré par
le biais de plusieurs mécanismes.
Si le placement collectif ouvert investit dans des placements difficilement évaluables ou négociables (par
exemple en raison de l’absence de marché ou de l’illiquidité du marché existant)35, le règlement de placement 36
peut limiter le droit d’obtenir le remboursement des
parts à des échéances déterminées, dont la fréquence
ne doit toutefois pas être inférieure à quatre fois par an
(articles 79 [1] LPCC et 109 [1] OPCC). Par ailleurs, le
règlement de placement peut prévoir un délai de préavis pour l’exercice du droit de demander le rachat des
parts37. S’agissant des fonds immobiliers, la loi prévoit
expressément que les investisseurs ne peuvent demander
le rachat de leurs parts que pour la fin d’un exercice et
moyennant un délai de préavis de douze mois (article 66
[2] LPCC)38 .
En sus des échéances de remboursement et des délais
de préavis, d’autres restrictions au droit de demander
le rachat en tout temps sont envisageables. Si le place-
Cf. par exemple le «Emerging Markets Fund» évoqué dans le rapport annuel de la CFB 1996, 43.
36 Le «règlement» d’un placement collectif ouvert est constitué du
contrat de placement collectif (s’agissant du fonds de placement)
ou des statuts et du règlement de placement (s’agissant de la
SICAV) (article 8 [3] LPCC).
37 BSK KAG-Rayroux/du Pasquier, Article 79 N 6.
38 La portée de cette disposition est tempérée par l’exigence, à
charge de la direction de fonds ou de la SICAV, d’assurer le négoce
régulier en bourse ou hors bourse des parts d’un fonds immobilier (article 67 LPCC).
2011
ment collectif investit dans des placements non cotés
en bourse, des placements hypothécaires ou des placements de private equity 39, la FINMA peut, sur requête
motivée dans le cadre de la procédure d’approbation du
produit, restreindre le droit de demander le remboursement des parts, pour une durée maximale de cinq ans.
Une telle restriction doit être expressément mentionnée
dans le règlement, le prospectus et le prospectus simplifié (article 109 OPCC). En pratique, les limitations du
droit au rachat peuvent notamment prendre la forme
d’une interdiction de rachat durant une certain période
(lock-up), d’un ajustement des conditions de rachat en
fonction de la date d’exercice de ce droit (soft lock-up)
ou d’une limitation du nombre de parts qui peuvent être
présentées au rachat durant un certain laps de temps
(gate).
Si le règlement du placement collectif peut prévoir des
règles générales et abstraites qui viennent encadrer
l’exercice du droit au rachat, il est également envisageable de mentionner, dans le règlement, les situations
dans lesquelles le droit d’obtenir le remboursement des
parts sera purement et simplement suspendu40 . Il s’agit
de situations exceptionnelles qui paralysent l’activité
du placement collectif, comme par exemple la fermeture
d’un marché financier qui constitue la base de l’évaluation d’une part importante de la fortune du placement
collectif, la survenance d’un cas de force majeure ou la
mise en place de restrictions au trafic des devises (article
110 [1] [a] à [c] OPCC). Une telle suspension du droit au
rachat peut également intervenir lorsqu’un nombre élevé
de parts sont présentées au rachat et que les intérêts des
autres investisseurs (qui n’ont pas demandé le remboursement de leurs parts) s’en trouvent affectés (article 110
[1] [d] OPCC). La situation des investisseurs restants
peut en effet être péjorée si, faute d’une suspension du
droit au rachat, les actifs du placement collectif doivent
être liquidés à bref délai (fire sale) de manière à générer
les liquidités nécessaires à la satisfaction des demandes
de rachat41. Il s’agit ici d’une première mesure préventive, mise en place lors de la création du produit d’investissement, destinée à prévenir les sorties massives d’actifs par des investisseurs pris de panique, à l’image des
déposants prenant d’assaut l’établissement bancaire en
difficulté dont ils seraient clients (bank run). Au niveau
39
35
GesKR 4
La liste des placements permettant des restrictions au droit de
demander le rachat en tout temps n’est pas exhaustive (Rapport
OPCC [n. 30], 31).
40 Le titre marginal de l’article 110 OPCC en langue allemande
(«Aufschub der Rückzahlung») montre qu’en réalité, il ne s’agit
pas de la suspension du droit des investisseurs de soumettre une
demande de rachat, mais uniquement de la suspension du droit
d’obtenir le remboursement de leurs parts.
41 La problématique d’un afflux massif de demandes de rachat peut
cependant également être appréhendée par un système de gates
qui peuvent, le cas échéant, être structurées selon le principe du
«first in, first out» (BSK KAG-Rayroux/du Pasquier, Article 79
N 8).
503
Aufsätze
Olivier Hari / Philipp Fischer – Illiquidité et insolvabilité des véhicules de placements collectifs suisses
GesKR 4
Aufsätze
504
2011
Olivier Hari / Philipp Fischer – Illiquidité et insolvabilité des véhicules de placements collectifs suisses
de la compétence, une telle suspension est en principe
mise en place par la direction de fonds ou par la SICAV
(autogérée) (article 81 [1] LPCC).
Une autre mesure préventive qui peut être mise en
place lors de la création d’un placement collectif ouvert
consiste à prévoir dans le contrat de fonds de placement
– ou dans les statuts ou le règlement de placement de la
SICAV – la possibilité, pour la direction de fonds ou la
SICAV et moyennant approbation de la FINMA (article
16 LPCC), de procéder à des restructurations du placement collectif par le biais de regroupements de compartiments, de regroupements des actifs et passifs de fonds
de placement contractuels disposant de la même direction de fonds ou de transferts de patrimoine au sens de
la LFus, s’agissant de SICAVs (articles 95 LPCC et 112
[5], 114 et 115 OPCC).
1.2 Mesures préventives à disposition
de la FINMA
a.
Fondées sur la LPCC
La LPCC accorde expressément à la FINMA le droit de
prendre certaines mesures préventives destinées à protéger les intérêts des investisseurs. Ainsi, la FINMA peut
décider elle-même de suspendre le droit au remboursement des parts pour une durée déterminée, si une telle
mesure est dans l’intérêt des investisseurs (article 81 [2]
LPCC). Cette mesure, dont la FINMA doit faire usage
avec parcimonie et uniquement dans des cas exceptionnels42 , peut être ordonnée, même si le règlement du placement collectif ne contient pas une référence expresse à
la liste des situations exceptionnelles figurant à l’article
110 OPCC43.
La FINMA peut aussi accorder des dérogations à l’obligation de racheter les parts en espèces (article 78 [2]
LPCC). Si une telle dérogation peut en principe être
prévue dans le règlement d’un placement collectif ouvert destiné à des investisseurs qualifiés (article 10 [5]
[e] LPCC), la FINMA devrait également, à notre sens,
avoir la possibilité de la mettre en œuvre à titre de mesure préventive destinée à protéger les intérêts des investisseurs, sur requête ou d’office. Cette mesure paraît particulièrement appropriée dans l’hypothèse où
les actifs sous-jacents sont peu liquides ou si, dans un
but d’économie de frais de transaction, les actifs sousjacents ne peuvent pas être réalisés immédiatement.
Par ailleurs, la FINMA peut également ordonner au titulaire d’une autorisation (direction de fonds, SICAV,
SCPC ou SICAF) la fourniture de sûretés s’il appert
que les droits des investisseurs sont menacés (article
133 [3] LPCC). Ces sûretés visent en premier lieu à ga-
rantir la présence d’actifs liquides dans les situations
dans lesquelles les investisseurs pourraient être amenés
à faire valoir des prétentions en responsabilité contre
un assujetti, par exemple dans le cadre d’une action en
restitution d’avoirs prélevés illicitement aux dépens du
placement collectif (article 85 LPCC) ou d’une action
en responsabilité (article 145 LPCC) 44. Cela étant, de
telles sûretés pourraient également servir à pallier une
violation des exigences de fonds propres à réglementaires (applicables à la direction de fonds ou à la SICAV
autogérée) 45 ou à garantir le remboursement des frais
encourus par un chargé d’enquête nommé par la FINMA (article 36 [4] LFINMA) 46 .
b.
L’on peut légitimement se demander si la FINMA aurait
la compétence de prendre d’office, sans requête, la décision de restreindre le droit de demander en tout temps
le remboursement des parts ou d’obliger un placement
collectif à constituer des side pockets (cf. chiffre III.3.1
infra). Plus généralement, cela revient à se demander si,
en sus des mécanismes prévus par la LPCC, la FINMA
peut d’office entreprendre des démarches destinées à
prévenir les conséquences préjudiciables d’une insolvabilité d’un placement collectif par des mesures ciblées.
Depuis le 1er septembre 2011, la loi (article 137 LPCC à
lire en combinaison avec l’article 173b LP) mentionne
expressément que la LB est applicable par analogie en
cas de faillite d’une direction de fonds ou d’un placement collectif structuré sous forme corporative ou quasi-corporative. La loi précise que la FINMA peut mettre
en faillite l’une des entités précitées, à défaut de perspectives d’assainissement ou si l’assainissement a échoué,
laissant ainsi clairement entendre, malheureusement
sans renvoi explicite, que les articles 28 ss LB (procédure
d’assainissement) sont également applicables dans le
cadre des placements collectifs suisses (cf. chiffre III.3.
infra).
Selon nous, rien ne devrait non plus s’opposer à l’application analogique de l’article 26 LB (mesures protectrices) au domaine des placements collectifs. En vertu de
cette disposition, la FINMA peut prendre des mesures
protectrices s’il existe des raisons sérieuses de craindre
que l’assujetti ne soit surendetté ou ne souffre de problèmes de liquidité importants, ou encore, s’agissant
d’une direction de fonds ou d’une SICAV autogérée,
que celle-ci n’ait pas rétabli une situation conforme aux
prescriptions en matière de fonds propres dans le délai
imparti par la FINMA (article 25 LB par analogie).
44
42
43
BSK KAG-du Pasquier/Rayroux, Article 81 N 9.
Hasenböhler (n. 22), N 266.
Fondées sur les articles 26 LB et 31 LFINMA
ATF 99 Ib 512, c. 6a; ATF 96 I 474, c. 3; ATF 94 III 65, c. 3 (arrêts
rendus sous l’empire de l’aLFP).
45 Message du Conseil fédéral concernant la loi fédérale sur les fonds
de placement (aLFP), FF 1965 III 264, 330.
46 BSK KAG-Taisch/Meyer, Article 133 N 12.
Olivier Hari / Philipp Fischer – Illiquidité et insolvabilité des véhicules de placements collectifs suisses
A notre sens, la décision de restreindre le droit au remboursement immédiat des parts dans le cadre d’un placement collectif ouvert pourrait être prise en application de l’article 26 (1) (f) ou (h) LB (en sus de l’article
81 [2] LPCC), tandis que l’obligation de créer des side
pockets (cf. chiffre III.3.1 infra) pourrait être imposée
sur la base de l’article 26 (1) (a) LB. Ces mesures sont
en effet en tous points comparables à l’interdiction qui
peut être faite à une banque de faire des paiements ou à
la prorogation des créances de la clientèle (article 26 [1]
[f] et [h] LB).
Même si l’on devait admettre que l’article 26 LB ne s’applique pas aux placements collectifs (faute d’un renvoi
exprès à l’article 137 LPCC), il n’en demeure pas moins
que l’article 31 LFINMA constitue, à notre sens, une
base légale qui permettrait à la FINMA de prendre
toutes mesures aptes et nécessaires à rétablir l’ordre
légal en cas de risque de lésion des intérêts des investisseurs, notamment en raison d’un problème de solvabilité affectant un placement collectif. Il est en effet
admis que, même si l’article 31 LFINMA n’est pas un
blanc-seing en faveur de la FINMA, cette disposition
constitue non seulement une base légale permettant à
la FINMA d’adopter une ou plusieurs mesures prévues
expressément dans une loi spéciale s’appliquant à des assujettis, mais aussi qu’elle autorise la FINMA à prendre
à l’égard des assujettis toute mesure utile non énumérée
dans la LFINMA ou une loi spéciale 47. Il va de soi que
la marge de manœuvre de l’autorité est circonscrite par
l’obligation de se conformer au principe de proportionnalité 48 .
On peut donc en conclure que la FINMA est habilitée à
prendre toute mesure préventive expressément mentionnée par l’article 26 LB ou par la LPCC, ou encore toute
autre mesure qui serait fondée cette fois sur la clause générale de l’article 31 LFINMA, en plus des mécanismes
prévus expressément par la LPCC. De manière générale, en cas d’illiquidité, respectivement d’insolvabilité
avérée, la désignation quasi-systématique d’un chargé
d’enquête paraît s’imposer, ayant pour mission de
suivre sur une base régulière l’évolution de la situation
et d’évaluer les mesures aptes à résoudre le problème de
liquidité ou d’insolvabilité (article 36 LFINMA).
47
48
BSK BEHG FINMA-Roth Pellanda, Art. 31 N 9.
TF, 2C_571/2009 du 5 novembre 2010 (déjà cité à la n. 34), c. 4.1.
2.
2011
Faillite et dissolution d’un placement
collectif
505
2.1 Nouvelle compétence exclusive de la FINMA
En application de l’article 137 (1) LPCC dans sa nouvelle teneur en vigueur depuis le 1er septembre 2011 et
si des raisons sérieuses font craindre qu’une direction
de fonds, une SICAV, une SCPC ou une SICAF soient
surendettées ou aient des problèmes de liquidité importants, la FINMA, à défaut de perspectives d’assainissement ou si l’assainissement a échoué, retire l’autorisation du titulaire concerné, prononce la faillite et la
publie.
La formulation de l’article 137 (1) LPCC, identique
à celle de l’article 33 (1) LB, permet de partir du principe que l’ouverture de la faillite est une ultima ratio,
qui doit nécessairement être précédée de tentatives de
sauvetage 49, à moins que la situation ne soit clairement
désespérée ab initio.
L’article 137 (2) LPCC exclut désormais expressément
l’application des dispositions relatives à la procédure
concordataire (articles 293 à 336 LP), à l’ajournement de
la faillite des sociétés anonymes (articles 725 ss CO) et
à l’obligation pour l’organe de révision d’aviser le juge
(article 728c [3] CO). La procédure de faillite de l’une
des entités précitées est donc régie par les articles 33 à
37g LB, applicables par analogie (article 137 [3] LPCC).
L’article 173b LP a été modifié avec effet au 1er septembre 2011 également. Cette disposition prévoit à présent que si la réquisition de faillite concerne une direction de fonds, une SICAV, une SCPC ou une SICAF, le
juge de la faillite doit transmettre le dossier à la FINMA
qui procède conformément aux articles 33 à 37g LB et à
l’OFB-FINMA.
2.2 Placements collectifs ouverts
a.
Dissolution sans faillite d’un placement
collectif ouvert
La FINMA dispose de la compétence de prononcer la
dissolution, sans faillite, d’un placement collectif ouvert
(fonds de placement ou SICAV) en cas d’abaissement de
la fortune sous la limite légale de CHF 5 millions50 (articles 96 [1] [c] [2] et 96 [2] [c] [2] LPCC). L’abaissement
de la fortune sous la limite légale peut, mais ne doit pas
49
Par la mise en œuvre d’une ou plusieurs mesures prévues dans
la LPCC ou à l’article 26 LB, ou encore par l’ouverture d’une
procédure d’assainissement..
50 Au plus tard un an après son lancement, le fonds de placement
ou la SICAV (ou chaque compartiment du fonds ou de la SICAV)
doit disposer d’une fortune minimale nette de CHF 5 millions
(articles 25 [3] LPCC et 35 (2) OPCC (fonds); articles 36 (2) LPCC
et 53 OPCC [SICAV]). Ce délai peut être prolongé par la FINMA
sur demande. Si l’exigence de fortune minimale n’est pas respectée, la FINMA doit être immédiatement informée (articles 25 [3]
LPCC et 35 OPCC).
Aufsätze
En application de l’article 26 LB, la FINMA peut notamment donner des instructions aux organes de l’assujetti, limiter l’activité de l’assujetti, interdire à l’assujetti
d’opérer des paiements, d’accepter des versements ou
d’effectuer des transactions sur titres, fermer l’assujetti
ou encore accorder un sursis ou proroger les échéances
(article 26 [1] [a] et [e] à [h] LB).
GesKR 4
GesKR 4
Aufsätze
506
2011
Olivier Hari / Philipp Fischer – Illiquidité et insolvabilité des véhicules de placements collectifs suisses
nécessairement, constituer un cas d’insolvabilité du placement collectif.
En pareilles circonstances, après la liquidation des actifs et le paiement des dettes, le liquidateur prépare un
dernier rapport annuel (article 89 LPCC) et un tableau
de distribution, qui sont soumis à l’organe de révision.
Le remboursement des parts requiert à l’autorisation de
la FINMA et de l’AFC (articles 116 [3] OPCC et 33 [3]
OIA). Les investisseurs du fonds de placement ont droit
à une part proportionnelle du produit de la liquidation
(article 97 [2] LPCC).
Dans le cas de la SICAV, la loi renvoie aux dispositions
du CO relatives à la liquidation de sociétés anonymes
(article 97 [3] LPCC). A son entrée en fonction, le liquidateur doit procéder à un appel aux créanciers (article
742 [2] CO). Après la liquidation des actifs, le liquidateur dresse le bilan final de chacun des compartiments
(article 65 OPC-FINMA). Avant de rembourser les
parts, l’autorisation de la FINMA et de l’AFC doit être
obtenue (articles 116 [3] OPCC et 33 [3] OIA). A notre
sens, le délai d’attente d’un an à compter de l’appel aux
créanciers (article 745 [2] CO) n’est pas applicable en
matière de SICAV, dans la mesure où le remboursement
des parts est approuvé au préalable par l’autorité de surveillance51. Les actionnaires investisseurs ont droit à
une part proportionnelle du résultat de la liquidation
de leur compartiment, les actionnaires entrepreneurs
étant colloqués en deuxième rang (articles 94 [1] et 97
[3] LPCC). Dans la mesure où chaque compartiment
n’est en principe responsable que de ses propres engagements (article 94 [2] LPCC), la problématique d’une
collocation en second rang ne devrait se matérialiser que
dans les hypothèses dans lesquelles il est fait abstraction du ring fencing par compartiment (cf. supra chiffre
II.2.2ba)52.
b.
Dissolution en cas de non-respect des
exigences de fonds propres d’une SICAV
Comme exposé sous chiffre II.2.2bb supra, la SICAV
autogérée est soumise à des exigences de fonds propres
calculées sur la base du ratio entre les apports des actionnaires entrepreneurs et la fortune totale de la
SICAV53. Les exigences de fonds propres de la SICAV à
gestion externe se déterminent, quant à elles, au niveau
de la direction de fonds.
Si les exigences de fonds propres ne sont plus remplies,
la SICAV (soit le conseil d’administration de la SICAV
autogérée, la direction de la SICAV à gestion externe ou
l’organe de révision 54) doit informer immédiatement la
BSK KAG-Staehelin/Bopp, Article 97 N 24.
BSK KAG-Staehelin/Bopp, Article 97 N 25.
53 BSK KAG-Rayroux/Vogt Scholler, Article 39 N 4.
54 Article 128 LPCC; Circulaire CFB 2007/1 N 33 (qui reste applicable en vertu de la Circulaire FINMA 2008/41 N 5); BSK KAGRayroux/Vogt Scholler, Article 39 N 4.
FINMA (article 55 [6] OPCC). Il appartient ensuite à
la FINMA de fixer un délai pour le rétablissement des
fonds propres (articles 133 LPCC et 31 LFINMA). Si
les fonds propres ne sont pas rétablis dans ce délai, la
­F INMA peut retirer l’autorisation (article 37 ­LFINMA)
et prononcer la liquidation de la SICAV (articles 96 [2]
[c] [3] et 134 LPCC).
Le projet de LPCC sanctionnait le non-respect des exigences de fonds propres par une obligation, à charge
des actionnaires entrepreneurs, de procéder à des versements supplémentaires55. Cette exigence a toutefois été
supprimée lors de l’adoption de la LPCC. Cela étant, vu
que les exigences en termes de valeur de l’apport minimal (article 54 [3] OPCC) et de fonds propres (article 55
[5] OPCC pour la SICAV autogérée) doivent être maintenues de manière continue, il existe de facto une obligation à charge des actionnaires entrepreneurs de procéder
à des versements supplémentaires afin d’éviter la liquidation de la SICAV56 .
c.
Faillite de la direction de fonds ou de la
banque dépositaire d’un fonds de placement
Comme indiqué sous chiffre II.2.1a supra, un fonds
de placement contractuel ne constitue pas une entité
juridique propre, mais un contrat, faisant intervenir
trois parties, soit chaque investisseur, la direction de
fonds et la banque dépositaire. Par la conclusion du
contrat, l’investisseur acquiert une créance envers la
direction sous la forme d’une participation à la fortune
et au revenu du fonds de placement (article 78 [1] [a]
LPCC). L’investisseur peut demander en principe en
tout temps le rachat de ses parts et leur remboursement
en espèce (article 78 [2] LPCC). Ce sont donc les
conséquences de l’insolvabilité de la direction de fonds,
et également, dans une moindre mesure, celle de la
banque dépositaire qui intéresseront l’investisseur.
La direction de fonds et la banque dépositaire sont
toutes deux soumises aux règles spéciales du droit de
l’insolvabilité bancaire (articles 137 [1] LPCC et 13 [2]
[a] pour la direction, articles 33 LB ss pour la banque dépositaire). Ces deux acteurs, qui doivent être au bénéfice
d’une autorisation – le premier en sa qualité de direction de fonds, et le second en sa qualité de banque suisse
– sont donc scrutés en permanence par la FINMA, qui
peut ainsi très vite détecter un éventuel cas d’insolvabilité, irrémédiable ou non.
La mise en faillite de la direction de fonds ou de la
banque dépositaire ne devrait pas avoir pour conséquence automatique la dissolution du fonds de placement. L’intérêt bien compris des investisseurs comman-
51
52
55
Article 40 (2) du projet de loi fédérale sur les placements collectifs
de capitaux (FF 2005 6103).
56 Rapport OPCC (n. 30), 21; BSK KAG-Rayroux/Vogt Scholler, Article 39 N 10; Hasenböhler (n. 22), N 395.
Olivier Hari / Philipp Fischer – Illiquidité et insolvabilité des véhicules de placements collectifs suisses
En cas de faillite de la direction de fonds, les avoirs du
fonds de placement sont distraits de la masse au bénéfice des investisseurs (article 35 [1] LPCC)57. Les avoirs
et dettes du fonds de placement forment un patrimoine
ségrégué des autres avoirs et dettes de la direction de
fonds. Les dettes de la direction de fonds ne découlant
pas du contrat de fonds de placement ne peuvent pas
être compensées par des créances liées au fonds de placement (article 35 [2] LPCC). En revanche, pourront
être déduites de ces avoirs ségrégués les créances dont la
direction de fonds est titulaire en raison de l’exécution
du contrat de fonds de placement, dans la mesure où ces
créances peuvent être débitées de la fortune du placement collectif (article 33 [1] et [2] LPCC). Il est important de souligner que la direction de fonds dispose d’un
droit à être libérée des engagements qu’elle a contractés
dans le cadre de l’exécution des obligations découlant du
contrat de fonds de placement (article 33 [1] [b] LPCC).
Les créanciers de ces engagements, qui peuvent être débités de la fortune du placement collectif, occupent donc
de facto une position privilégiée par rapport aux autres
créanciers de la direction de fonds58 .
Le cas échéant, il appartiendra au chargé d’enquête
nommé par la FINMA de faire valoir le droit de distraction de l’article 35 (1) LPCC contre l’administration de
la faillite de la direction de fonds. L’on ne saurait en effet
exiger de chaque investisseur qu’il ouvre lui-même action en revendication.
Le régime ordinaire de la faillite bancaire (articles 33 ss
LB) s’applique en cas d’insolvabilité de la banque dépositaire. En sa qualité de cocontractante de la banque
dépositaire, la direction de fonds peut se prévaloir du
droit de distraction prévu aux articles 16 et 37d LB et
aux articles 17 et 18 LTI59. La liquidation de la banque
dépositaire sera ouverte et conduite par la FINMA – ou
le liquidateur que celle-ci aura nommé – en application
des règles de la LB et de l’OFB-FINMA.
d.
Du point de vue de l’investisseur, c’est donc la faillite
de la SICAV qui est la plus préoccupante, étant précisé que la faillite de la banque dépositaire entraîne les
conséquences déjà décrites sous chiffre III.2.2c supra.
Plus particulièrement, la question principale qui se pose
est celle du substrat de désintéressement disponible
pour les créanciers et/ou les actionnaires investisseurs, à
mettre en perspective avec la notion de compartiments,
dont on rappellera qu’ils sont au minimum au nombre
de deux (compartiment des actionnaires entrepreneurs
et compartiment des actionnaires investisseurs).
En droit suisse de la faillite, qu’elle soit bancaire ou ordinaire, tous les créanciers appartenant à la même classe
ont un droit égal sur le produit de liquidation. Autrement dit, l’intégralité des actifs de l’entité faillie est dévolue à l’intégralité des créanciers, certains créanciers
ayant toutefois le droit d’être désintéressés en priorité
sur d’autres, en fonction d’un éventuel privilège attaché
à leur créance. Ledit privilège trouve une justification
sociale.
Ces règles générales ne sont toutefois pas applicables
telles quelles à la SICAV.
En premier lieu, la débitrice de toute créance, même si
elle ne concerne qu’un seul compartiment, est la SICAV
en sa qualité de personne morale, par opposition à
chaque compartiment, qui ne bénéficie pas de la personnalité juridique. Une poursuite doit donc être dirigée
contre la SICAV et se continue par voie de faillite (article
39 [1] [13] LP) 60 prononcée par la FINMA (articles 137
[1] LPCC et 173b LP). La SICAV se voit ainsi exposée à
un risque de liquidation complète, même si la dette en
question n’affecte que l’un de ses compartiments 61. Cela
étant, la FINMA utilisera, selon toute vraisemblance,
59
Cette disposition de droit public vient renforcer le droit de distraction que le droit civil accorde en principe déjà aux investisseurs (article 401 [2] et [3] CO) (BSK KAG-Abegglen, Article 35
N 2 et 10).
58 BSK KAG-Abegglen, Article 35 N 10.
507
Faillite d’une SICAV
Comme indiqué sous chiffre II.2.2a supra, la SICAV est
une société (article 36 [1] LPCC) et dispose de la personnalité juridique. L’actionnaire investisseur acquiert une
participation dans la SICAV et au bénéfice résultant du
bilan (article 78 [1] [b] LPCC).
BSK KAG-Abegglen, Article 35 N 12.
Rayroux (n. 14), 36.
61 BSK KAG-Rayroux/Nicod, Article 94 N 7; Hasenböhler
(n. 22), N 419. �������������������������������������������������
A l’inverse, en droit luxembourgeois, chaque compartiment d’un OPCVM structuré sous forme de SICAV peut
être liquidé séparément sans qu’une telle liquidation n’ait pour effet d’entraîner la liquidation d’un autre compartiment (article 133
(6) de la Loi luxembourgeoise concernant les organismes de placement collectif) (BSK KAG-Rayroux/Nicod, Article 94 N 7).
60
57
2011
Aufsätze
dera en effet que la mesure la moins incisive soit prise par
la FINMA. Dès lors, en pareilles circonstances, il est recommandé qu’un chargé d’enquête au sens de l’article 36
LFINMA ou de l’article 26 (1) (b) LB soit nommé par la
FINMA, lequel aura pour mission d’élucider si, cumulativement, le maintien du fonds de placement est dans
l’intérêt des investisseurs et s’il est possible de trouver
à très bref délai une nouvelle direction ou banque dépositaire, en application de l’article 141 (1) OPCC. Si le
chargé d’enquête arrive à la conclusion, souhaitable, que
les deux conditions cumulatives précitées sont remplies,
la FINMA pourra alors décider de transférer le contrat
de fonds de placement, avec tous les droits et obligations
qui en découlent, à la nouvelle banque dépositaire ou à
la nouvelle direction de fonds, cette dernière acquérant,
à titre fiduciaire, les droits, créances et obligations faisant partie du fonds de placement (article 141 [1] et [2]
OPCC).
GesKR 4
GesKR 4
Aufsätze
508
2011
Olivier Hari / Philipp Fischer – Illiquidité et insolvabilité des véhicules de placements collectifs suisses
les instruments de surveillance prévus aux articles 26
LB et 133 ss LPCC avant de prononcer la faillite de la
SICAV. L’une des mesures que la FINMA pourrait ordonner dans ce contexte est la liquidation du compartiment concerné 62.
En second lieu, les actionnaires (qu’ils soient investisseurs ou entrepreneurs) ne peuvent, de par la loi, être désintéressés que sur le produit de liquidation du compartiment dans lequel ils ont investi63, soit le solde restant
après le règlement des engagements afférents à ce compartiment (articles 93 et 94 LPCC). Chaque compartiment constitue en effet un placement collectif distinct
(article 92 LPCC). La ségrégation de chaque compartiment se manifeste dans une perspective active (les investisseurs ne participent qu’à la fortune du compartiment
correspondant à leurs apports) et passive (chaque compartiment n’est responsable que de ses engagements).
Cela étant, en application de l’article 94 (2), seconde
phrase LPCC, la SICAV répond de ses engagements sur
sa fortune totale si la limitation de responsabilité par
compartiments n’a pas été divulguée au tiers concerné 64.
L’on notera que bien que les actionnaires aient le droit de
demander en tout temps à la SICAV le remboursement
de leurs parts en espèces 65, cela ne signifie pas encore
qu’ils sont de ce fait créanciers de la SICAV. Les actionnaires deviennent créanciers après qu’ils ont demandé
expressément le remboursement de leurs parts, exerçant
ainsi un droit formateur (similaire à une option «put»).
Par conséquent, ce n’est que si un actionnaire a demandé
le remboursement de ses parts, et que la SICAV tombe
en faillite juste avant de rembourser à l’actionnaire le
montant de ses parts, que celui-ci peut être qualifié de
créancier, et peut ainsi produire dans la faillite dans la
SICAV. Notons que la survenance d’une telle situation
demeure relativement théorique, dans la mesure où en
cas de difficultés (illiquidité d’une grande partie des
sous-jacents par exemple), il est probable qu’une suspension du droit au rachat puisse être opposée valablement aux actionnaires, que ce soit parce que cette suspension est prévue dans les documents constitutifs ou
parce qu’elle aura été ordonnée par la FINMA.
Mentionnons encore que les actionnaires de la SICAV ne
disposent pas d’un droit de distraction similaire à celui
qui prévaut en cas de faillite de la direction d’un fonds
de placement, puisque la SICAV dispose d’un droit de
pleine propriété sur les actifs du placement collectif66 .
2.3 Placements collectifs fermés
a.
En tant que placement collectif fermé, la SCPC ne
donne aucun droit aux investisseurs au remboursement
de leurs parts. Les modalités de distributions aux investisseurs sont réglées dans le contrat de société 67.
Les investisseurs ne détiennent pas de créance contractuelle à l’égard de la SCPC. Le risque de faillite d’une
SCPC peut donc principalement découler soit d’une
poursuite initiée par un créancier tiers, par exemple un
salarié, un bailleur, l’auditeur, ou tout délégataire de
gestion ou de représentation, qui seraient par hypothèse
impayés, soit de la faillite d’un ou plusieurs associés, par
contagion.
La première hypothèse n’appelle pas de commentaire
particulier, dans la mesure où elle n’est pas spécifique
à la SCPC. Dans le cadre de la liquidation par voie de
faillite d’une SCPC, le liquidateur de la faillite nommé
par la FINMA (articles 137 [3] LPCC et 33 [2] LB) procédera à la réalisation de tous les actifs et au recouvrement de toutes les créances de celle-ci. L’excédent de liquidation sera restitué aux associés de la SCPC (limited
partners et GP), conformément à la clé de répartition
convenue dans le contrat de société (articles 588 et 619
CO).
Pour ce qui a trait au risque de faillite par contagion, il
convient de préciser que la faillite de la SCPC est déconnectée de celle de ses associés, en ce sens que la faillite
de la structure n’entraîne pas automatiquement la faillite
des participants, et vice versa (article 615 CO68). En revanche, l’administration de la faillite d’un associé, ou un
créancier qui a fait saisir une part de liquidation 69, peuvent demander la dissolution de la SCPC avec un préavis
de 6 mois (article 575 [1] CO)70 . Cette conséquence peut
être évitée en désintéressant soit le créancier poursuivant (qui agit dans le cadre d’une saisie), soit la masse en
faillite de l’associé concerné (article 575 [3] CO). Cette
dernière hypothèse est peu vraisemblable en pratique,
dans la mesure où elle implique le paiement de toutes
les créances admises dans la faillite de l’associé concerné
(article 245 LP). Dans un tel cas de figure, la dissolution de la SCPC peut néanmoins être évitée en excluant
le saisi ou le failli et en versant sa part de liquidation à
l’office des poursuites ou à l’administration de la faillite
67
62
BSK KAG-Rayroux/Nicod, Article 94 N 7.
La situation est identique s’agissant des fonds de placement composés de plusieurs compartiments.
64 D’autres exceptions au ring fencing par compartiment sont
évoquées sous chiffre II.2.2ba supra.
65 Articles 42 (1) et 78 (2) LPCC.
66 Adrian Heberlein, Die Investmentgesellschaft mit variablem
Kapital (SICAV) und die Investmentgesellschaft mit festem Kapital (SICAF) im Vergleich, Zurich 2008, 165.
63
Faillite d’une SCPC
du Pasquier/Oberson (n. 32), 209.
Les dispositions du CO relatives à la société en commandite s’appliquent par le biais du renvoi de l’article 99 LPCC.
69 Les créanciers personnels d’un associé d’une société en nom
collectif ou d’une société en commandite n’ont aucun droit sur
l’actif social. En revanche, ces créanciers ont droit aux créances
de l’associé contre la société et à une part de l’actif social
correspondant à la part de liquidation (article 572 CO).
70 Hasenböhler (n. 22), N 650. Les dispositions du CO relatives à
la société en nom collectif s’appliquent par le biais du renvoi des
articles 99 LPCC et 619 (2) CO.
68
(article 578 CO)71. Le mécanisme prévu dans le CO ne
doit toutefois pas occulter le fait que, dans une perspective réglementaire, une SCPC doit nécessairement disposer d’un GP et d’au moins cinq investisseurs (limited
partners). Ainsi, en cas de sortie du GP, ce dernier doit
impérativement être remplacé (article 141 OPCC par
analogie), de manière à assurer la continuité de la SCPC.
Un tel remplacement ne sera pas nécessairement aisé,
compte tenu du rôle de «moteur» de la SCPC joué par
le GP.
b.
Faillite d’une SICAF
Une SICAF est avant tout régie par les dispositions du
CO relatives à la société anonyme (article 110 LPCC).
Comme dans le cas d’une SCPC, l’actionnaire investisseur ne dispose pas d’une créance contractuelle envers la
SICAF. La faillite d’une SICAF risque donc avant tout
d’être ouverte suite à une poursuite initiée par un tiers
créancier. Une SICAF en faillite est liquidée par la FINMA ou par le liquidateur nommé par celle-ci (articles
137 [3] LPCC et 33 [2] LB) conformément aux articles
37 ss LB.
3.
Assainissement d’un placement collectif
Le présent chapitre est consacré aux modalités d’assainissement d’un placement collectif. L’une des modalités
d’assainissement qui a récemment fait couler beaucoup
d’encre est la création de side pockets (3.1). Nous examinerons également dans quelle mesure les règles sur l’assainissement bancaire, auxquelles la nouvelle mouture de
l’article 137 (1) LPCC renvoie implicitement, sont pertinentes dans le domaine des placements collectifs (3.2).
3.1 Side pockets
La nécessité de limiter le droit au rachat immédiat de
parts s’est manifesté avec une acuité particulière durant
la crise financière de 2008–2009. Durant cette période,
certaines directions de fonds suisses ont été confrontées
à un manque de liquidités dans le cas de certains placements collectifs structurés sous la forme de funds of
hedge funds (FoHF). Certaines directions de fonds se
trouvèrent en effet pris en tenaille entre, d’une part, les
demandes de rachat des parts de FoHF (accrues en cas
de crise financière) et, d’autre part, les difficultés d’obtenir les liquidités nécessaires au vu de l’assèchement du
marché des hedge funds dans lesquels les FoHF avaient
investi. A la mi-décembre 2008, la SFA a soumis une demande à l’ex-CFB visant à autoriser les placements collectifs suisses à créer des side pockets. La mise en place
d’une side pocket consiste à séparer, au sein d’un placement collectif, les actifs liquides des actifs illiquides et
71
Jean-Paul Vulliéty, in: Tercier/Amstutz (Eds.), Commentaire
romand du CO II, Bâle 2008, Article 575 CO N 6 ss.
GesKR 4
2011
à suspendre le droit des investisseurs à obtenir le remboursement des actifs illiquides, de manière à pouvoir
réaliser ces actifs progressivement et sans devoir recourir à des fire sales 72.
Le 23 janvier 2009, la FINMA annonça73 que la constitution de side pockets dans le cadre de placements collectifs suisses était, en principe, possible, moyennant (i)
l’approbation de l’autorité, (ii) la préservation des droits
des investisseurs lors de la création des side pockets et
(iii) la garantie que la création des side pockets est dans
l’intérêt de l’ensemble des investisseurs74. Dans le cadre
d’un fonds de placement, la création d’une side pocket est
une décision de la direction de fonds et doit en principe
respecter la procédure de modification du contrat de placement collectif (article 27 LPCC), notamment afin de
créer un nouveau compartiment ou une nouvelle classe de
parts destiné à accueillir les actifs illiquides75. La création
d’une side pocket constitue une véritable mesure d’assainissement pour un placement collectif ouvert, étant précisé que seule une partie, et non la majorité ou l’intégralité des avoirs, peuvent être ségrégués de la sorte76.
3.2 Ouverture d’une procédure d’assainissement
au sens des articles 28 ss LB?
L’article 137 LPCC, à lire en combinaison avec l’article
173b LP, prévoit que la FINMA est compétente pour
ouvrir une procédure de faillite concernant un placement collectif, mais seulement «à défaut de perspectives d’assainissement ou si l’assainissement a échoué»
(article 137 [1] LPCC). L’on notera à cet égard la similitude existant entre la disposition précitée et l’article 33
(1) LB. La formulation de l’article 137 LPCC laisse ainsi
supposer que la procédure d’assainissement au sens des
articles 28 ss LB serait également applicable aux place-
72
73
74
75
76
Sur la question des side pockets, cf. Dominik Oberholzer, Die
Bildung von «Side Pockets» nach Schweizer Recht, GesKR 2009,
226.
FINMA, Side Pockets dans le cadre de Funds of Hedge Funds,
23 janvier 2009, http://www.finma.ch/f/aktuell/pages/aktuellsidepockets-20090123.aspx (visité le 12 novembre 2011); communication de la SFA n° 10/2009 du 6 mars 2009 intitulée «Side pockets» dans le cadre de Funds of Hedge Funds.
En particulier, la création d’une ou plusieurs side pocket(s) doit
mieux sauvegarder les intérêts des investisseurs que les deux mesures prévues par la LPCC, à savoir la liquidation du placement
collectif de capitaux ou la suspension du droit au remboursement
des parts.
En cas de modification du contrat de fonds de placement, l’article
27 (3) LPCC prévoit qu’en principe les investisseurs doivent être
informés du fait qu’ils peuvent demander le rachat de leurs parts
conformément aux délais contractuels et réglementaires. Afin
que la création de la side pocket ne soit pas vidée de son sens, il
convient donc de prévoir une suspension du droit au remboursement des parts (fondée sur les articles 81 (1) LPCC et 110 (1)
OPCC) qui s’applique durant l’intégralité de la procédure de modification du contrat de fonds de placement (Oberholzer [n. 72],
229, 231).
La FINMA n’a pas indiqué le pourcentage maximal des avoirs qui
peuvent être placés dans une side pocket (communication de la
SFA n° 10/2009 [n. 73], 2).
509
Aufsätze
Olivier Hari / Philipp Fischer – Illiquidité et insolvabilité des véhicules de placements collectifs suisses
GesKR 4
510
Olivier Hari / Philipp Fischer – Illiquidité et insolvabilité des véhicules de placements collectifs suisses
ments collectifs de capitaux. L’on verra toutefois que
cette procédure ne peut être appliquée telle quelle et que
des adaptations sont nécessaires.
a.
Aufsätze
2011
Procédure d’assainissement au sens
de la LB en général
Une procédure d’assainissement77 peut être ouverte
en application de la LB, à l’initiative de la FINMA 78 ,
si existent alternativement des raisons sérieuses de
craindre qu’une banque ne soit surendettée, qu’elle
souffre de problèmes de liquidités importants, ou encore que les prescriptions en matière de fonds propres
ne soient pas respectées79, en d’autres termes que l’établissement bancaire soit insolvable: la protection des intérêts des créanciers constitue la ratio legis des dispositions légales consacrées à l’insolvabilité bancaire au sens
large80 , un assainissement devant apparaître objectivement et concrètement hautement vraisemblable81.
Le plan d’assainissement poursuit deux objectifs,
d’égale valeur: le sauvetage de la banque, ou d’une partie de ses activités, et le désintéressement optimal des
créanciers82 , par des mesures qui soient économiquement adéquates pour les actionnaires ou propriétaires.
Au titre des mesures traditionnelles d’assainissement,
l’on mentionnera la reprise de l’entité par un tiers, une
réorientation de ses activités, une fusion par absorption,
une scission, la vente de certains actifs, respectivement
des désinvestissements, dans ces deux cas seulement si le
produit de la vente est supérieur à leur valeur comptable,
une augmentation de capital, voire une diminution suivie
d’une augmentation, une dissolution de réserves latentes,
des opérations de debt-to-equity swap, la négociation
d’abandon ou de subordination partiels ou totaux de certaines créances ou de prêts subordonnés.
Un plan d’assainissement bancaire ne peut être homologué par la FINMA que si les conditions suivantes sont
notamment remplies (article 31 LB dans sa nouvelle version au 1er septembre 2011):
• le plan d’assainissement est fondé sur une évaluation
prudente des actifs de la banque;
77
78
79
80
81
82
Articles 28 à 32 LB.
Renate Schwob, in: Bodmer/Kleiner/Lutz (Eds.), Kommentar
zum Bundesg�����������������������������������������������
esetz über die Banken und Sparkassen vom 8. ���
November 1934, Zurich 2006, Article 28 N 5; BSK BG-Bauer,
Art. 28 N 17. Une procédure d’assainissement peut être ouverte à
l’initiative de la FINMA en cas de soupçons, éventuellement à la
suite de renseignements communiqués par la banque elle-même,
l’organe de révision, un tiers, le chargé d’enquête et lors de publicité ad hoc.
Article 25 (1) (b) LB.
BSK BG-Hüpkes, Vor. 11. Abschnitt N 32.
Article 28 (1) LB. BSK BG-Bauer, Article 28 N 9, 16.
Schwob (n. 78); Article 29 N 2; Message concernant la modification de la loi fédérale sur les banques et les caisses d’épargne du 20
novembre 2002, FF 2002 7476, 7504.
• le plan d’assainissement est selon toute vraisemblance plus favorable aux créanciers que l’ouverture
immédiate d’une faillite;
• le plan d’assainissement respecte la priorité des intérêts des créanciers sur ceux des propriétaires ainsi
que l’ordre de collocation des créanciers.
En cas d’atteinte aux intérêts des créanciers, ceux-ci
doivent pouvoir se prononcer et refuser le plan d’assainissement (article 31a LB).
b.
Cas particulier de l’assainissement
de placements collectifs
La question – spécifique – de l’assainissement des placements collectifs de capitaux n’a pas fait l’objet de développements particuliers de la part du Conseil fédéral
dans son Message concernant la modification de l’article
137 LPCC83. Cette question ne semble pas non plus
avoir été traitée par les Chambres fédérales.
Pourtant, force est de constater que les mesures traditionnelles d’assainissement (cf. chiffre III.3.2a supra),
si elles se comprennent s’agissant de sociétés opérationnelles déployant une ou plusieurs activités dans le
secteur financier, le sont moins s’agissant de placements
collectifs. Par définition, un véhicule de placements collectifs soumis à la LPCC n’exerce pas d’activité commerciale ou industrielle (article 2 [2] [d] LPCC)84.
Comme en matière de faillite, en cas d’insolvabilité
vraisemblable de la direction de fonds et/ou de la banque
dépositaire, de la SICAV, de la SCPC et/ou de son GP,
ou encore de la SICAF, un chargé d’enquête devra être
nommé par la FINMA, lequel aura pour mission principale d’évaluer les chances d’assainissement.
L’assainissement de la partie opérationnelle d’un placement collectif ne présente, à notre avis, qu’un intérêt limité. En effet, les frais de fonctionnement, dont
la réduction peut constituer un mode d’assainissement, représentent en règle générale des montants peu
importants au regard des besoins financiers qui sont à
l’origine de l’assainissement. Cela étant, des mesures de
type organisationnel sont susceptibles d’être utilisées:
licenciements d’employés, résiliation ou renégociation
des contrats, notamment ceux conclus avec les membres
du réseau de distribution du placement collectif. Par
ailleurs, en cas de problème affectant la banque dépositaire ou la direction de fonds d’un fonds de placement
ou d’une SICAV, un remplacement de ceux-ci peut être
envisagé (article 141 OPCC).
En revanche, des mesures d’assainissement pourraient
être prises au niveau des actifs du placement collectif.
83
Message concernant la modification de la loi fédérale sur les
banques (garantie des dépôts du 12 mai 2010), FF 2010 3645, 3662,
3678–3679.
84 TF, 2C_571/2009 du 5 novembre 2010 (déjà cité à la n. 34).
S’agissant d’un placement collectif ouvert, la première
étape sera sans doute de ségréguer les actifs illiquides
dans une side pocket (cf. chiffre III.3.1 supra). Une fois
cette mesure prise, le chargé d’enquête pourra examiner dans quelle mesure et selon quel calendrier les actifs
du placement collectif peuvent être restructurés dans
la perspective d’un assainissement, notamment compte
tenu de l’évolution escomptée des marchés financiers.
L’on pourrait également penser ici à l’abandon, par
une SCPC, d’un projet immobilier enlisé ou dénué de
chances de succès dans la perspective d’autres projets
immobiliers plus prometteurs, pour autant que ceuxci s’intègrent dans la politique de placement (article
102 [1] [h] LPCC). Des SCPC peuvent également être
actives dans le domaine du private equity, notamment
dans le cadre des différentes phases d’évolution de startup. Dans ce cas, une restructuration de la participation
dans une start-up (par exemple un debt-to-equity swap)
ou un assainissement de la start-up en elle-même pourraient constituer des mesures d’assainissement envisageables.
En matière de sociétés opérationnelles, l’augmentation
de capital constitue un mode classique d’assainissement.
A notre sens, un placement collectif soumis à une procédure d’assainissement pourrait également être autorisé
à émettre de nouvelles parts en faveur d’investisseurs
pleinement informés de la situation, si les liquidités générées dans ce contexte sont de nature à améliorer les
chances de succès de l’assainissement85.
En conclusion, force est de constater que la procédure
d’assainissement au sens des articles 28 ss LB doit être
ajustée aux particularités des placements collectifs. En
règle générale, les mesures d’assainissement devront
être focalisées sur une restructuration des actifs du placement collectif. S’agissant de placements collectifs ouverts, la création de side pockets (cf. chiffre III.3.1 supra)
semblent être la méthode la plus usitée en pratique.
IV. Conclusion
L’entrée en vigueur des nouvelles versions des articles
173b LP et 137 LPCC a comblé une lacune de la loi dans
le domaine des placements collectifs. La FINMA dispose à présent d’une base légale claire pour prononcer
la faillite d’une direction de fonds, d’une SICAV, d’une
SICAF ou d’une SCPC. A notre sens, la FINMA est
également, et surtout, compétente pour prendre des me-
85
Une telle démarche devra être discutée avec la FINMA, dans
la mesure où l’autorité a estimé, dans le contexte de sa prise
de position relative aux side pockets (n. 73), que l’émission de
nouvelles parts, ou la distribution de placements collectifs
partiellement illiquides n’est en principe pas compatible avec les
règles de conduite prévues par la loi, en particulier les devoirs de
fidélité et de diligence (article 20 [a] et [b] LPCC).
GesKR 4
2011
sures préventives, que celles-ci soient fondées sur une
disposition de la LPCC ou sur la clause générale de l’article 31 LFINMA.
La faillite d’un placement collectif de capitaux ouvert
sera le constat de l’échec des nombreux garde-fous mis
en place par le législateur, et serait catastrophique, tant
d’un point de vue réputationnel que patrimonial, vu le
nombre d’investisseurs potentiellement concernés. A
vrai dire, au regard de l’arsenal législatif existant en matière de surveillance, de mesures préventives et de mesures curatives, elle est peu probable. En revanche, la
faillite d’une SCPC ou d’une SICAV est une hypothèse
beaucoup plus crédible. Ajoutons que la pondération
des risques diffère énormément entre les deux types de
placements collectifs. Le premier peut à notre avis réagir rapidement si des sous-jacents présentent des risques
d’illiquidité et de dévaluation. Le second sera davantage
tributaire du but choisi, et il ne sera pas toujours aisé
pour lui, voire impossible, de se défaire d’actifs – qui
peuvent être des entreprises – au rendement douteux.
Une procédure d’assainissement d’un placement collectif est également envisageable, mais pas dans le sens
prévu par la LB, et surtout pour un placement collectif fermé. Dans un placement collectif ouvert, l’un des
aspects-clés sera sans doute de tempérer le droit des
investisseurs de demander le rachat de leurs parts en
tout temps, de manière à permettre, dans l’intérêt de
l’ensemble des investisseurs, la mise en place d’une restructuration des actifs dans les meilleures conditions.
Dans un placement collectif fermé, une procédure d’assainissement indirecte, par exemple par l’assainissement
des sous-jacents ou l’abandon de projets non rentables,
pourra être mise en place.
Cette contribution a permis entre autres d’aborder la
question de l’assainissement d’un placement collectif suisse. A titre anecdotique, l’on relèvera qu’un placement collectif suisse peut lui-même être utilisé à des
fins d’assainissement, notamment en tant que structure
appelée à recueillir les actifs illiquides d’un établissement bancaire. Ainsi, le véhicule qui a acquis certains
actifs d’UBS SA en novembre 2008 a été structuré sous
la forme d’une SCPC 86 .
86
SNB StabFund Société en commandite de placements collectifs.
Sur l’opportunité du choix de cette forme juridique, cf. Peter V.
Kunz, Eine etwas überraschende Wiederbelebung der Personengesellschaften durch die Schweizerische Nationalbank, in: Jusletter 15 décembre 2008, passim.
511
Aufsätze
Olivier Hari / Philipp Fischer – Illiquidité et insolvabilité des véhicules de placements collectifs suisses
GesKR 4
512
Olivier Hari / Philipp Fischer – Illiquidité et insolvabilité des véhicules de placements collectifs suisses
Abréviations
AFC
aLFP
Aufsätze
2011
CFB
CO
FINMA
FoHF
GP
LB
LFINMA
LFP
LFus
LP
LPCC
LTI
OFB-FINMA
OIA
OPCC
OPC-FINMA
OPCVM
SCPC
SECA
SFA
SICAF
SICAV
Administration fédérale des contributions
Loi fédérale du 1er juillet 1966 sur les fonds de placement (abrogée à compter du 1er janvier 1995 par l’entrée en
vigueur de la LFP)
Commission fédérale des banques
Code des obligations du 30 mars 1911
Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers FINMA
Fund of hedge funds
General partner d’une SCPC
Loi fédérale du 8 novembre 1934 sur les banques et les caisses d’épargne
Loi fédérale du 22 juin 2007 sur l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers
Loi fédérale du 18 mars 1994 sur les fonds de placement (abrogée à compter du 1er janvier 2007 par l’entrée en
vigueur de la LPCC)
Loi fédérale du 3 octobre 2003 sur la fusion, la scission, la transformation et le transfert de patrimoine
Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite
Loi fédérale du 23 juin 2006 sur les placements collectifs de capitaux
Loi fédérale du 3 octobre 2008 sur les titres intermédiés
Ordonnance de la FINMA du 30 juin 2005 sur la faillite de banques et de négociants en valeurs mobilières
Ordonnance du 19 décembre 1966 sur l’impôt anticipé
Ordonnance du 22 novembre 2006 sur les placements collectifs de capitaux
Ordonnance de la FINMA du 21 décembre 2006 sur les placements collectifs de capitaux
Organisme de placement collectif en valeurs mobilières
Société en commandite de placements collectifs
Swiss Private Equity & Corporate Finance Association
Swiss Funds Association
Société d’investissement à capital fixe
Société d’investissement à capital variable