Illiquidité et insolvabilité des véhicules de placements collectifs
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Illiquidité et insolvabilité des véhicules de placements collectifs
GesKR4 498 2011 Olivier Hari / Philipp Fischer* Aufsätze Illiquidité et insolvabilité des véhicules de placements collectifs suisses – aspects juridiques choisis Table des matières I. Introduction II. Véhicules de placements collectifs suisses 1. Principes généraux 2. Placements collectifs ouverts 2.1 Fonds de placement contractuel a. Description générale b. Direction de fonds c. Banque dépositaire 2.2 SICAV a. Description générale b. Substrat de responsabilité de la SICAV 3. Placements collectifs fermés 3.1 SCPC 3.2 SICAF III. Insolvabilité d’un véhicule de placements collectifs et conséquences 1. Mesures préventives en cas d’illiquidité et d’insolvabilité 1.1 Mécanismes prévus ex ante dans les documents constitutifs du placement collectif 1.2 Mesures préventives à disposition de la FINMA a. Fondées sur la LPCC b. Fondées sur les articles 26 LB et 31 LFINMA 2. Faillite et dissolution d’un placement collectif 2.1 Nouvelle compétence exclusive de la FINMA 2.2 Placements collectifs ouverts a. Dissolution sans faillite d’un placement collectif ouvert b. Dissolution en cas de non-respect des exigences de fonds propres d’une SICAV c. Faillite de la direction de fonds ou de la banque dépositaire d’un fonds de placement d. Faillite d’une SICAV 2.3 Placements collectifs fermés a. Faillite d’une SCPC b. Faillite d’une SICAF 3. Assainissement d’un placement collectif 3.1 Side pockets 3.2 Ouverture d’une procédure d’assainissement au sens des articles 28 ss LB? a. Procédure d’assainissement au sens de la LB en général b. Cas particulier de l’assainissement de placements collectifs IV. Conclusion * Olivier Hari, avocat, docteur en droit, Schellenberg Wittmer, enève; Philipp Fischer, avocat, LL.M. (Harvard), Lenz & G Staehelin, Genève. I. Introduction La récente crise financière a considérablement péjoré la liquidité de certains actifs financiers. Faute d’un marché liquide, la tâche de déterminer la valeur de ces actifs est devenue plus ardue. Ces deux problèmes ont affecté non seulement les intermédiaires financiers (notamment les banques, les négociants en valeurs mobilières et les assurances), mais également les véhicules de placements collectifs de capitaux. Tout comme une banque, un placement collectif ouvert – dont l’une des caractéristiques est d’accorder aux investisseurs un droit de sortie exerçable, en principe, en tout temps – est exposé à un risque de liquidité découlant du décalage de maturité entre des actifs réalisables à long terme (ou illiquides) et des dettes exigibles immédiatement (asset–liability mismatch). En Suisse, ce risque s’est matérialisé avec une acuité particulière dans l’industrie des hedge funds. Confrontés à une crise de liquidité sans précédent, certains fonds se sont vus contraints de ségréguer leurs actifs illiquides dans une side pocket et de suspendre le droit au rachat des investisseurs pour cette partie du portefeuille. Dans certains cas, ces mesures d’assainissement n’ont toutefois pas permis d’éviter la liquidation du produit d’investissement. En matière de liquidation de placements collectifs de capitaux, la LPCC accorde une compétence générale à la FINMA. La nouvelle mouture des articles 173b LP et 137 LPCC, entrés en vigueur le 1er septembre 2011, permet désormais expressément à la FINMA d’ouvrir la faillite d’une direction de fonds ou d’un placement collectif suisse structuré sous une forme corporative ou quasi-corporative et de procéder à sa liquidation conformément aux règles de la faillite bancaire, qui s’appliquent par analogie. Après un tour d’horizon des véhicules de placements collectifs suisses (II), la présente contribution exposera les mesures préventives visant à éviter l’insolvabilité d’un placement collectif suisse (III.1), avant d’aborder les principales spécificités de la procédure de faillite et de liquidation de placements collectifs suisses (III.2) et, finalement les possibilités d’assainissement (III.3). La présente contribution est exclusivement consacrée Olivier Hari / Philipp Fischer – Illiquidité et insolvabilité des véhicules de placements collectifs suisses II. Véhicules de placements collectifs suisses 1. Principes généraux Dans une perspective suisse, les éléments constitutifs d’un «placement collectif» sont traditionnellement au nombre de trois (article 7 LPCC), soit: (i) un patrimoine, composé des apports des investisseurs, (ii) un investissement géré en commun (pooling) aux fins d’un rendement et/ou d’un gain en capital et (iii) une gestion par un tiers (Fremdverwaltung)1. L’introduction, par la LPCC, de placements collectifs sous forme corporative (SICAV, SICAF) ou quasi-corporative (SCPC) atténue certes la portée du critère de la Fremdverwaltung. Il n’en demeure pas moins que, même dans le cadre des véhicules précités, les investisseurs ne disposent pas, en principe, d’un droit d’intervention direct sur la gestion de leurs avoirs, ce qui crée un besoin de protection des investisseurs auquel la LPCC aspire à répondre (article 1 LPCC)2. Sur un plan conceptuel, la LPCC distingue entre les placements collectifs «ouverts» (open-ended) et «fermés» (closed-ended). Dans le cadre d’un placement collectif ouvert (structuré, en Suisse, sous la forme d’un fonds de placement ou d’une SICAV), l’investisseur dispose, en principe et sous réserve des limitations évoquées infra au chiffre III.1.1, du droit de demander en tout temps le remboursement de ses parts à la valeur nette d’inventaire (articles 8 [2] et 83 LPCC). En revanche, le titulaire d’une part dans un placement collectif fermé (structuré, en Suisse, sous la forme d’une SCPC ou d’une SICAF) ne dispose pas d’un droit au rachat (article 9 [2] LPCC). La liquidation de son investissement présuppose donc une cession de ses parts sur le marché secondaire (pour autant qu’une telle cession soit possible) ou une dissolution et une liquidation du placement collectif. 2. 2.1 Fonds de placement contractuel a. Le fonds de placement est constitué d’un faisceau de contrats de placement collectif distincts, conclus entre chaque investisseur, la direction de fonds et la banque dépositaire 3. Dans le cadre de ces contrats, la direction de fonds s’engage à gérer les apports des investisseurs et à faire participer ces derniers au résultat de la gestion en fonction des parts détenues (article 25 [1] LPCC, cf. infra chiffre II.2.1b). Pour sa part, la banque dépositaire s’engage à fournir des services de garde, de gestion du trafic des paiements et de surveillance (article 73 LPCC, cf. infra chiffre II.2.1c). Les investisseurs ne sont pas liés entre eux par une relation contractuelle 4. Le contrat de placement collectif est un contrat sui generis 5. Une «part» d’un fonds de placement représente ainsi une créance purement contractuelle correspondant à la participation du créancier (l’investisseur) à la fortune et aux revenus du fonds de placement (articles 11 et 78 [1] [a] LPCC). Cette créance doit impérativement être réglée en espèces (article 78 [2] LPCC), sous réserve d’une dérogation accordée par la FINMA (articles 10 [5] [e] et 78 [4] LPCC). Les investisseurs ne disposent d’aucune prétention réelle sur les avoirs du fonds de placement, qui sont détenus à titre fiduciaire 6 par la direction du fonds7. Les fonds de placement peuvent être catégorisés en fonction de la palette des placements autorisés. L’on distingue ainsi les fonds en valeurs mobilières (articles 53 ss LPCC), les fonds immobiliers8 (articles 58 ss LPCC) et les «autres fonds en placements traditionnels et alternatifs» (articles 68 ss LPCC). b. 4 5 2 Direction de fonds La débitrice de la créance découlant du contrat de placement collectif est la direction de fonds. Cette dernière doit revêtir la forme d’une société anonyme de droit suisse et être dotée d’un capital de CHF 1 million au minimum (articles 28 [1] LPCC et 43 OPCC). La direction est soumise à des exigences de fonds propres, qui sont déterminées en fonction des avoirs gérés par elle (articles 32 LPCC et 47 ss OPCC). 3 François Rayroux, Federal Law on the Collective Placement of Capital: New Opportunities for the Swiss Investment Funds Market, RSDA 2007, 42, 44. Lionel Aeschlimann, Société ou placement collectif? Réflexion sur le champ d’application de la loi sur les placements collectifs, in: Thévenoz/Bovet (Eds.), Journée de droit bancaire et financier 2008, Genève 2009, 38 ss. 6 7 8 499 Description générale Placements collectifs ouverts Sous l’empire de la LPCC, les placements collectifs ouverts peuvent revêtir la forme du fonds de placement contractuel (2.1) ou de la SICAV (2.2). 1 2011 BSK KAG-du Pasquier/Rayroux, Article 78 N 3. ATF 93 I 648, c. 5 (arrêt rendu sous l’empire de l’aLFP). Message concernant la révision de la loi fédérale sur les fonds de placement, FF 1993 I 208. Ces principes généraux demeurent inchangés sous l’empire de la LPCC (BSK KAG-Bünzli/Winzeler, Article 25 N 8). A noter que l’article 8 (3) aLFP contenait un renvoi explicite aux règles du mandat. Luc Thévenoz, La fiducie, cendrillon du droit suisse – propositions pour une réforme, RDS 1995 II 253, 279–282. BSK KAG-Rehm, Article 11 N 3. Cf. à ce sujet Michel Abt, Les fonds immobiliers en Suisse: aperçu général, RSDA 2010, 216 ss. Aufsätze aux véhicules de placements collectifs suisses structurés sous forme de fonds de placement, de SICAV, de SCPC ou de SICAF. GesKR 4 GesKR 4 Aufsätze 500 c. 2011 Olivier Hari / Philipp Fischer – Illiquidité et insolvabilité des véhicules de placements collectifs suisses Banque dépositaire La banque dépositaire devient partie au contrat de placement collectif dans la mesure des tâches qui lui sont confiées (article 25 [2] LPCC)9. La banque dépositaire d’un fonds de placement assume deux fonctions principales, qui sont celles (i) d’assurer la garde de la fortune collective10 (ainsi que des activités annexes telles que l’émission et le rachat des parts de fonds ainsi que la gestion du trafic des paiements, article 73 [1] LPCC) et (ii) de surveiller la conformité légale et réglementaire des activités de la direction de fonds (article 73 [2] LPCC)11. 2.2 SICAV a. Description générale Inspirée du modèle luxembourgeois12 , la SICAV est une société de capitaux dont le capital-actions n’est pas déterminé à l’avance (article 36 [1] [a] LPCC). Ainsi, les parts d’une SICAV peuvent en principe être émises, respectivement rachetées, à la valeur nette d’inventaire en tout temps, sans que doivent être respectées les formalités applicables aux augmentations et réductions du capital-actions (article 42 LPCC). La SICAV est un produit de placement sous forme de société13. Sur un plan conceptuel, la LPCC prévoit deux types de SICAV: la SICAV autogérée (self-managed) et la SICAV 9 10 11 12 13 La FINMA peut autoriser un placement collectif ouvert structuré sous la forme d’un «autre fonds en placements alternatifs» et qui procède à des placements directs (i.e., un single hedge fund, par opposition à un fund of hedge funds) à solliciter des services d’un prime broker soumis à surveillance, lequel assume dans ce cas la fonction de banque dépositaire (article 71 [5] LPCC). Moyennant une information dans le prospectus, la fonction de garde de la fortune du fonds de placement peut être déléguée à un tiers ou à un dépositaire central de titres (en Suisse ou à l’étranger). Dans cette hypothèse, la banque dépositaire ne répond que du soin avec lequel elle a choisi (cura in eligendo) et instruit (cura in instruendo) ce tiers. En l’état actuel du droit, la cura in custodiendo de la banque dépositaire est plus limitée, dans la mesure où la banque dépositaire ne répond que du soin avec lequel elle contrôle que les critères de choix du tiers sont durablement respectés (article 73 [2] LPCC). ������������������ Le projet de révision de la LPCC (FF 2011 5757), mis en consultation le 6 juillet 2011, prévoit que la banque dépositaire devrait avoir à répondre du dommage causé par un tiers auquel elle a délégué l’exécution d’une tâche, à moins qu’elle ne prouve avoir pris en matière de choix, d’instruction et de surveillance, tous les soins commandés par les circonstances. Rashid Bahar/Yaël Benmenni, Devoirs et responsabilité de la banque dépositaire: quis custodiet sub-custodians?, in: Thévenoz/ Bovet (Eds.), Journée de droit bancaire et financier 2009, Berne 2010, 26. Rolf H. Weber, Aufbruch zu neuer juristischer Person: Investmentgesellschaft mit variablem Kapital, in: Breitschmid/Portmann/Rey/Zobl (Eds.), Grundfragen der juristischen Person, Festschrift für Hans Michael Riemer zum 65. Geburtstag, Bern 2007, 438. Message du Conseil fédéral concernant la loi fédérale sur les placements collectifs de capitaux, FF 2005, 6018 (cité: Message LPCC). Il en va de même de la SCPC et de la SICAF. à gestion externe (non self-managed)14. La SICAV autogérée dispose d’une direction générale interne en charge de son administration15 (article 64 [3] OPCC). Dans le cadre d’une SICAV à gestion externe, l’intégralité du travail administratif lié à la SICAV est déléguée à une direction de fonds qui agit alors en qualité de mandataire de la SICAV (articles 51 [5] LPCC et 51 OPCC16). Selon la volonté du Conseil fédéral, la SICAV à gestion externe est destinée aux gérants de fortune indépendants qui souhaitent lancer un placement collectif suisse, sans toutefois disposer des ressources nécessaires pour créer une direction de fonds (private labelling)17. Tout comme dans le cas du fonds de placement, les avoirs de la SICAV doivent être déposés auprès d’une banque dépositaire (article 72 LPCC). En acquérant une «part» de SICAV, l’investisseur acquière une participation dans la société et un droit patrimonial (découlant de sa position d’actionnaire) au bénéfice résultant du bilan (articles 11 et 78 [1] [b] LPCC). L’investisseur obtient également le droit de se faire racheter ses actions, en principe en tout temps (article 42 [1] LPCC) et en espèces (article 78 [2] LPCC). La FINMA peut cependant accorder des dérogations à l’obligation de payer et de racheter des parts en espèces (article 78 [4] LPCC). Par ailleurs, les actionnaires de la SICAV disposent (i) de certains droits sociaux, notamment le droit de participer à l’assemblée générale (articles 46 [2] et 50 LPCC), dans le cadre de laquelle chaque action donne droit à une voix (one share, one vote, article 47 [1] LPCC)18 , (ii) de certains droits de contrôle modelés sur les dispositions de la société anonyme (article 48 LPCC) et (iii) d’un droit à l’information (article 84 [1] LPCC)19. Le capital de la SICAV est divisé en «actions des entrepreneurs» et en «actions des investisseurs» (article 36 14 15 16 17 18 19 François Rayroux, SICAV: premières expériences, in: Michel (Ed.), Placements collectifs et titres intermédiés, Lausanne 2008, 35. La notion d’«administration» comprend notamment la gestion des risques, la mise en place d’un système de contrôle interne et la compliance. La direction doit disposer, en règle générale, d’au moins trois postes à plein temps habilités à engager la SICAV (articles 44 [2] et 64 [4] OPCC). Cf. également la Circulaire FINMA 2008/37 (Délégation par la direction et la SICAV), ch. 37 ss. Message LPCC (N. 13), 6019. Cf. également Olivier Stahler, Adoption de la Loi fédérale sur les placements collectifs par les Chambres fédérales, Actualité du Centre de droit bancaire et financier (http://cms.unige.ch/droit/cdbf), article n° 448, 28 juin 2006; Rayroux (n. 14), 30 et Peter Spinnler, Die neue Rechtsform der SICAV im KAG und die Interessenwahrnehmung der Anleger als Aktionäre, GesKR 2007, 80. Les assemblées générales peuvent être tenues séparément pour chaque compartiment, sauf lorsque la décision concerne la SICAV dans son ensemble (article 62 [1] OPCC) (Rayroux [n. 14], 39). Cf. toutefois Rayroux (n. 14), 40, qui considère qu’au vu des droits spéciaux conférés aux actionnaires entrepreneurs, les actionnaires investisseurs sont placés dans une situation similaire à celle des titulaires d’une part d’un fonds de placement contractuel. [1] [b] LPCC). De manière générale, la LPCC consacre le principe d’égalité de traitement entre ces deux types d’actions (article 41 [3] LPCC). Cela étant, le droit de dissoudre la SICAV, ou l’un de ses compartiments, revient exclusivement aux actionnaires entrepreneurs (articles 41 [2] et 96 [2] [a] LPCC, article 57 OPCC)20 . Du côté actif du bilan, les apports des actionnaires entrepreneurs et ceux des actionnaires investisseurs sont alloués à des compartiments distincts (article 65 OPCFINMA)21. Par nature, la SICAV est donc un placement collectif à compartiments (fonds ombrelle)22. b. Substrat de responsabilité de la SICAV La SICAV dispose de la personnalité juridique et ne répond de ses engagements que sur sa fortune sociale (article 36 [1] [c] LPCC). Par rapport à d’autres personnes morales, le substrat de responsabilité de la SICAV présente toutefois des spécificités propres, compte tenu du fait que la SICAV dispose nécessairement d’au moins deux compartiments et que son capital est, par définition, variable. ba. Ségrégation par compartiment Chaque compartiment d’une SICAV (soit, au minimum, le compartiment des actionnaires investisseurs et celui des actionnaires entrepreneurs) n’est en principe responsable que de ses propres engagements (articles 94 [2] LPCC et 112 [3] [d] OPCC)23. La limitation de responsabilité au niveau de chaque compartiment (ring fencing) est toutefois soumise à trois restrictions: • En premier lieu, cette limitation du substrat de responsabilité n’est pas opposable aux tiers qui l’ignoraient, étant précisé qu’une mention dans le prospectus de la SICAV devrait, à notre sens, représenter une information suffisante à cet égard 24. • En second lieu, la FINMA exige, dans sa pratique, que le compartiment des actionnaires entrepreneurs soit responsable pour l’ensemble des engagements de la SICAV et, à titre subsidiaire, pour les engagements de tous les compartiments25. 20 21 22 23 24 25 En revanche, les actionnaires entrepreneurs ne peuvent demander le rachat de leurs parts que pour autant que les exigences en termes de fonds propres et d’apport minimal soient maintenues (article 58 [2] OPCC). BSK KAG-Rayroux/Nicod, Article 94 N 2. Franz Hasenböhler, Recht der kollektiven Kapitalanlagen: unter Berücksichtigung steuerrechtlicher Aspekte, Zurich 2007, N 417. Le principe de ségrégation ne s’applique qu’au niveau des compartiments, et non pas au niveau de chaque classe de parts au sein d’un même compartiment (article 61 [3] OPCC). BSK KAG-Rayroux/Nicod, Article 94 N 4. A noter que la formulation de l’article 94 (2) LPCC semble exiger une divulgation expresse «dans [l]es contrats avec des tiers». Cf. article 36 (2) des statuts modèles de la SFA pour un fonds de placement suisse en valeurs mobilières (pour fonds individuels) sous forme de société d’investissement à capital variable (SICAV); BSK KAG-Rayroux/Gerber, Article 41 N 6. GesKR 4 2011 • En troisième lieu, la limitation de responsabilité par compartiment ne s’applique pas (i) en cas de responsabilité extracontractuelle de la SICAV pour l’activité de ses employés et autres auxiliaires (article 55 CO) ou de ses organes26 et (ii) en cas de responsabilité contractuelle pour dol ou faute grave (article 100 [1] CO). bb. Maintien d’un substrat de responsabilité Compte tenu du caractère variable du capital de la SICAV, la LPCC contient une série de mécanismes destinés à assurer le maintien d’un substrat de responsabilité: • Lors de la fondation, les actions de la SICAV doivent être libérées intégralement et, en principe, en espèces (articles 40 [2] et 37 [1] LPCC a contrario), étant précisé que la FINMA peut à certaines conditions autoriser des dérogations à l’obligation de libération en espèces (articles 10 [5] [e] et 78 [4] LPCC). • La SICAV doit bénéficier d’une fortune minimale nette de CHF 5 millions dans un délai d’un an après son lancement (article 36 [2] LPCC, articles 35 [2] et 53 OPCC). Cette exigence de fortune minimale doit être remplie par chaque compartiment correspondant à des apports des actionnaires investisseurs27. • L’apport des actionnaires entrepreneurs au moment de la fondation de la SICAV doit être au minimum de CHF 250’000 (SICAV à gestion externe) ou de CHF 500’000 (SICAV autogérée). Ce montant doit être fourni en espèces lors de la fondation et être mentionné dans les statuts (article 43 [1] [c] LPCC). La valeur de l’apport minimal doit être maintenue sur une base continue (articles 37 [2] et [3] LPCC et 54 OPCC). • La SICAV autogérée est soumise à des exigences de fonds propres calculées sur la base du ratio entre les apports des actionnaires entrepreneurs et la fortune totale de la SICAV (articles 39 LPCC et 55 OPCC)28 . Les exigences de fonds propres de la SICAV à gestion externe se déterminent au niveau de la direction de fonds (articles 48 [4] et 55 [4] OPCC). En termes quantitatifs, ces exigences sont identiques à celles imposées aux directions de fonds (cf. chiffre II.2.1b)29. 26 Selon Rayroux/Nicod, la responsabilité de la SICAV sur la base de l’article 722 CO (applicable par renvoi de l’article 51 [6] LPCC) constitue également une exception de la limitation de responsabilité au niveau de chaque compartiment (BSK KAG-Rayroux/ Nicod, Article 95 N 6). 27 Le calcul de la fortune minimale prend uniquement en compte les compartiments des investisseurs (BSK KAG-Rayroux/Vogt Scholler, Article 36 N 23). 28 BSK KAG-Rayroux/Vogt Scholler, Article 39 N 4. 29 Message LPCC (n. 13), FF 2005, 6046. En vertu de l’article 39 (2) LPCC, la FINMA peut ajuster les exigences de fonds propres en fonction du profil de risque de la SICAV (BSK KAG-Rayroux/ Vogt Scholler, Article 39 N 11). 501 Aufsätze Olivier Hari / Philipp Fischer – Illiquidité et insolvabilité des véhicules de placements collectifs suisses GesKR 4 502 3. 2011 Olivier Hari / Philipp Fischer – Illiquidité et insolvabilité des véhicules de placements collectifs suisses Placements collectifs fermés Sous l’empire de la LPCC, les placements collectifs fermés peuvent revêtir la forme de la SCPC (3.1) ou de la SICAF (3.2). Aufsätze 3.1 SCPC La SCPC est une forme d’organisation sociale proche des structures anglo-saxonnes de limited partnerships. Inspirée de la forme juridique de la société en commandite du CO, la SCPC présente des particularités destinées à faciliter son utilisation en tant que véhicule de placements collectifs. La SCPC est une société de personnes et n’a pas la personnalité morale au sens strict. En revanche, la SCPC dispose de la capacité de jouissance (Rechtsfähigkeit) et d’exercice (Handlungsfähigkeit) des droits civils (article 602 CO par renvoi de l’article 99 LPCC). Le but exclusif de la SCPC doit être le placement collectif de capitaux (article 98 [1] LPCC). La SCPC peut procéder à des investissements dans le capital-risque (article 103 [1] LPCC), ainsi que dans des projets immobiliers et de construction ou des placements alternatifs (article 121 OPCC). La structure fermée de la SCPC en fait un véhicule particulièrement adapté aux placements peu liquides. L’associé indéfiniment responsable (general partner, «GP») de la SCPC doit être une société anonyme suisse (article 98 [2] LPCC) disposant d’un capital-actions libéré de CHF 100’000 au minimum (article 118 [2] OPCC). Si le GP ne figure pas formellement sur la liste des entités soumises à autorisation (article 13 LPCC), les conditions d’autorisation – notamment en termes d’organisation interne, de bonne réputation et de garantie d’une activité irréprochable – lui sont applicables par analogie (article 118 [1] et [3] OPCC)30 . Le GP ne peut agir en cette qualité qu’au sein d’une seule SCPC (article 98 [2] LPCC), mais n’est pas soumis à la prohibition de concurrence généralement applicable aux associés d’une société en commandite classique au sens du CO (article 104 [2] LPCC, articles 561 et 598 [2] CO). Les investisseurs dans la SCPC, soit les commanditaires ou limited partners, doivent impérativement être des investisseurs qualifiés (articles 10 [3] et 98 [3] LPCC)31 et 30 Département fédéral des finances, Rapport explicatif sur l’ordonnance sur les placements collectifs de capitaux (OPCC), 22 novembre 2006, http://www.efd.admin.ch/dokumentation/zahlen/ 00578/01091/index.html?lang=fr (visité le 12 novembre 2011), 32 (cité: Rapport OPCC). 31 A noter que les personnes physiques à la tête du GP (soit en pratique les promoteurs de la SCPC) peuvent également devenir investisseurs (même sans remplir les conditions d’un investisseur qualifié au sens de la LPCC), pour autant qu’une telle participation soit prévue par le contrat de société, que les fonds utilisés proviennent de leur fortune privée et que la souscription intervienne lors du lancement de la SCPC (article 119 [3] OPCC). être au nombre de cinq au moins au premier anniversaire du lancement de la SCPC (article 5 [3] OPCC). Les limited partners n’ont en principe pas de droit de décision ou de veto s’agissant des placements (article 600 [1] CO par renvoi de l’article 99 LPCC), mais peuvent consulter les états financiers de la SCPC et être renseignés sur la marche des affaires sur une base trimestrielle (article 106 LPCC). Les investisseurs ne disposent en principe pas d’un droit au remboursement de leurs parts32. Les distributions aux investisseurs doivent être réglées dans le contrat de société et sont généralement échelonnées dans le temps, en fonction du cycle d’investissement de la SCPC33. 3.2 SICAF La SICAF est une société anonyme au sens du CO, dont le but unique est le placement collectif de capitaux (article 110 [a] LPCC). Seules sont soumises à la LPCC les SICAF (i) qui ne sont pas cotées à une bourse suisse et (ii) dont les actionnaires ne sont pas tous des investisseurs qualifiés au sens de l’article 10 (3) LPCC. Par ailleurs, les sociétés anonymes qui poursuivent une activité commerciale ou industrielle et les sociétés holdings sont exclues du champ d’application de la LPCC (article 2 [2] [d] et [e] LPCC), même si un récent arrêt du Tribunal fédéral a semé quelques doutes dans ce domaine 34. Hormis quelques règles spécifiques prévues dans la LPCC, la SICAF est pour l’essentiel régie par les dispositions du CO relatives aux sociétés anonymes. La palette de placements autorisés ouverts à la SICAF est très large, dans la mesure où l’article 115 (2) LPCC renvoie aux dispositions régissant les «autres fonds en placements traditionnels et alternatifs». Le droit des actionnaires de participer au bénéfice de la SICAF découle des statuts. A notre connaissance, il n’existe, à l’heure actuelle, aucune SICAF assujettie à la surveillance de la FINMA, ce qui peut notamment s’expliquer par le fait que la cotation à une bourse suisse ou la limitation du cercle des actionnaires à des investisseurs qualifiés permet de sor- 32 Dans certains cas, le contrat de société pourra cependant prévoir un droit de rachat des commanditaires, le cas échéant avec certaines limitations (article 102 [1] [f] LPCC) (Shelby du Pasquier/Xavier Oberson, La société en commandite de placements collectifs-aspects juridiques et fiscaux, RSDA 2007, 210). 33 du Pasquier/Oberson (n. 32), 209. Cf. chiffres 73 ss de la documentation modèle pour les sociétés en commandite de placements collectifs préparée par la SECA et la SFA. 34 TF, 2C_571/2009 du 5 novembre 2010. Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a considéré qu’une société détenant un hôtel n’exerçait pas une activité «commerciale ou industrielle», au motif que la société avait confié la gestion de l’hôtel à une société hôtelière. Selon le Tribunal fédéral, l’exemption prévue à l’article 2 (2) (d) LPCC serait limitée aux entreprises dont les revenus découlent d’une activité entrepreneuriale, soit d’une activité de production, de négoce ou de fourniture de services (cf. arrêt précité, c. 3.4). Sur ces questions, cf. Aeschlimann (n. 2), 42 ss. tir relativement aisément du champ d’application de la LPCC. III. Insolvabilité d’un véhicule de placements collectifs et conséquences 1. Mesures préventives en cas d’illiquidité et d’insolvabilité 1.1 Mécanismes prévus ex ante dans les documents constitutifs du placement collectif La problématique des mesures préventives en vue d’éviter l’illiquidité ou l’insolvabilité d’un placement collectif se pose avec une acuité particulière dans le domaine des placements collectifs ouverts, dans la mesure où ces produits accordent aux investisseurs un droit de présenter leurs parts au rachat en tout temps. Cette problématique ne se pose pas dans les mêmes termes dans le cadre des placements collectifs fermés, qui n’accordent pas de droit de sortie à leurs investisseurs (cf. Section II.1 supra). Le principe général selon lequel les investisseurs d’un placement collectif ouvert peuvent en tout temps liquider leur investissement peut toutefois être tempéré par le biais de plusieurs mécanismes. Si le placement collectif ouvert investit dans des placements difficilement évaluables ou négociables (par exemple en raison de l’absence de marché ou de l’illiquidité du marché existant)35, le règlement de placement 36 peut limiter le droit d’obtenir le remboursement des parts à des échéances déterminées, dont la fréquence ne doit toutefois pas être inférieure à quatre fois par an (articles 79 [1] LPCC et 109 [1] OPCC). Par ailleurs, le règlement de placement peut prévoir un délai de préavis pour l’exercice du droit de demander le rachat des parts37. S’agissant des fonds immobiliers, la loi prévoit expressément que les investisseurs ne peuvent demander le rachat de leurs parts que pour la fin d’un exercice et moyennant un délai de préavis de douze mois (article 66 [2] LPCC)38 . En sus des échéances de remboursement et des délais de préavis, d’autres restrictions au droit de demander le rachat en tout temps sont envisageables. Si le place- Cf. par exemple le «Emerging Markets Fund» évoqué dans le rapport annuel de la CFB 1996, 43. 36 Le «règlement» d’un placement collectif ouvert est constitué du contrat de placement collectif (s’agissant du fonds de placement) ou des statuts et du règlement de placement (s’agissant de la SICAV) (article 8 [3] LPCC). 37 BSK KAG-Rayroux/du Pasquier, Article 79 N 6. 38 La portée de cette disposition est tempérée par l’exigence, à charge de la direction de fonds ou de la SICAV, d’assurer le négoce régulier en bourse ou hors bourse des parts d’un fonds immobilier (article 67 LPCC). 2011 ment collectif investit dans des placements non cotés en bourse, des placements hypothécaires ou des placements de private equity 39, la FINMA peut, sur requête motivée dans le cadre de la procédure d’approbation du produit, restreindre le droit de demander le remboursement des parts, pour une durée maximale de cinq ans. Une telle restriction doit être expressément mentionnée dans le règlement, le prospectus et le prospectus simplifié (article 109 OPCC). En pratique, les limitations du droit au rachat peuvent notamment prendre la forme d’une interdiction de rachat durant une certain période (lock-up), d’un ajustement des conditions de rachat en fonction de la date d’exercice de ce droit (soft lock-up) ou d’une limitation du nombre de parts qui peuvent être présentées au rachat durant un certain laps de temps (gate). Si le règlement du placement collectif peut prévoir des règles générales et abstraites qui viennent encadrer l’exercice du droit au rachat, il est également envisageable de mentionner, dans le règlement, les situations dans lesquelles le droit d’obtenir le remboursement des parts sera purement et simplement suspendu40 . Il s’agit de situations exceptionnelles qui paralysent l’activité du placement collectif, comme par exemple la fermeture d’un marché financier qui constitue la base de l’évaluation d’une part importante de la fortune du placement collectif, la survenance d’un cas de force majeure ou la mise en place de restrictions au trafic des devises (article 110 [1] [a] à [c] OPCC). Une telle suspension du droit au rachat peut également intervenir lorsqu’un nombre élevé de parts sont présentées au rachat et que les intérêts des autres investisseurs (qui n’ont pas demandé le remboursement de leurs parts) s’en trouvent affectés (article 110 [1] [d] OPCC). La situation des investisseurs restants peut en effet être péjorée si, faute d’une suspension du droit au rachat, les actifs du placement collectif doivent être liquidés à bref délai (fire sale) de manière à générer les liquidités nécessaires à la satisfaction des demandes de rachat41. Il s’agit ici d’une première mesure préventive, mise en place lors de la création du produit d’investissement, destinée à prévenir les sorties massives d’actifs par des investisseurs pris de panique, à l’image des déposants prenant d’assaut l’établissement bancaire en difficulté dont ils seraient clients (bank run). Au niveau 39 35 GesKR 4 La liste des placements permettant des restrictions au droit de demander le rachat en tout temps n’est pas exhaustive (Rapport OPCC [n. 30], 31). 40 Le titre marginal de l’article 110 OPCC en langue allemande («Aufschub der Rückzahlung») montre qu’en réalité, il ne s’agit pas de la suspension du droit des investisseurs de soumettre une demande de rachat, mais uniquement de la suspension du droit d’obtenir le remboursement de leurs parts. 41 La problématique d’un afflux massif de demandes de rachat peut cependant également être appréhendée par un système de gates qui peuvent, le cas échéant, être structurées selon le principe du «first in, first out» (BSK KAG-Rayroux/du Pasquier, Article 79 N 8). 503 Aufsätze Olivier Hari / Philipp Fischer – Illiquidité et insolvabilité des véhicules de placements collectifs suisses GesKR 4 Aufsätze 504 2011 Olivier Hari / Philipp Fischer – Illiquidité et insolvabilité des véhicules de placements collectifs suisses de la compétence, une telle suspension est en principe mise en place par la direction de fonds ou par la SICAV (autogérée) (article 81 [1] LPCC). Une autre mesure préventive qui peut être mise en place lors de la création d’un placement collectif ouvert consiste à prévoir dans le contrat de fonds de placement – ou dans les statuts ou le règlement de placement de la SICAV – la possibilité, pour la direction de fonds ou la SICAV et moyennant approbation de la FINMA (article 16 LPCC), de procéder à des restructurations du placement collectif par le biais de regroupements de compartiments, de regroupements des actifs et passifs de fonds de placement contractuels disposant de la même direction de fonds ou de transferts de patrimoine au sens de la LFus, s’agissant de SICAVs (articles 95 LPCC et 112 [5], 114 et 115 OPCC). 1.2 Mesures préventives à disposition de la FINMA a. Fondées sur la LPCC La LPCC accorde expressément à la FINMA le droit de prendre certaines mesures préventives destinées à protéger les intérêts des investisseurs. Ainsi, la FINMA peut décider elle-même de suspendre le droit au remboursement des parts pour une durée déterminée, si une telle mesure est dans l’intérêt des investisseurs (article 81 [2] LPCC). Cette mesure, dont la FINMA doit faire usage avec parcimonie et uniquement dans des cas exceptionnels42 , peut être ordonnée, même si le règlement du placement collectif ne contient pas une référence expresse à la liste des situations exceptionnelles figurant à l’article 110 OPCC43. La FINMA peut aussi accorder des dérogations à l’obligation de racheter les parts en espèces (article 78 [2] LPCC). Si une telle dérogation peut en principe être prévue dans le règlement d’un placement collectif ouvert destiné à des investisseurs qualifiés (article 10 [5] [e] LPCC), la FINMA devrait également, à notre sens, avoir la possibilité de la mettre en œuvre à titre de mesure préventive destinée à protéger les intérêts des investisseurs, sur requête ou d’office. Cette mesure paraît particulièrement appropriée dans l’hypothèse où les actifs sous-jacents sont peu liquides ou si, dans un but d’économie de frais de transaction, les actifs sousjacents ne peuvent pas être réalisés immédiatement. Par ailleurs, la FINMA peut également ordonner au titulaire d’une autorisation (direction de fonds, SICAV, SCPC ou SICAF) la fourniture de sûretés s’il appert que les droits des investisseurs sont menacés (article 133 [3] LPCC). Ces sûretés visent en premier lieu à ga- rantir la présence d’actifs liquides dans les situations dans lesquelles les investisseurs pourraient être amenés à faire valoir des prétentions en responsabilité contre un assujetti, par exemple dans le cadre d’une action en restitution d’avoirs prélevés illicitement aux dépens du placement collectif (article 85 LPCC) ou d’une action en responsabilité (article 145 LPCC) 44. Cela étant, de telles sûretés pourraient également servir à pallier une violation des exigences de fonds propres à réglementaires (applicables à la direction de fonds ou à la SICAV autogérée) 45 ou à garantir le remboursement des frais encourus par un chargé d’enquête nommé par la FINMA (article 36 [4] LFINMA) 46 . b. L’on peut légitimement se demander si la FINMA aurait la compétence de prendre d’office, sans requête, la décision de restreindre le droit de demander en tout temps le remboursement des parts ou d’obliger un placement collectif à constituer des side pockets (cf. chiffre III.3.1 infra). Plus généralement, cela revient à se demander si, en sus des mécanismes prévus par la LPCC, la FINMA peut d’office entreprendre des démarches destinées à prévenir les conséquences préjudiciables d’une insolvabilité d’un placement collectif par des mesures ciblées. Depuis le 1er septembre 2011, la loi (article 137 LPCC à lire en combinaison avec l’article 173b LP) mentionne expressément que la LB est applicable par analogie en cas de faillite d’une direction de fonds ou d’un placement collectif structuré sous forme corporative ou quasi-corporative. La loi précise que la FINMA peut mettre en faillite l’une des entités précitées, à défaut de perspectives d’assainissement ou si l’assainissement a échoué, laissant ainsi clairement entendre, malheureusement sans renvoi explicite, que les articles 28 ss LB (procédure d’assainissement) sont également applicables dans le cadre des placements collectifs suisses (cf. chiffre III.3. infra). Selon nous, rien ne devrait non plus s’opposer à l’application analogique de l’article 26 LB (mesures protectrices) au domaine des placements collectifs. En vertu de cette disposition, la FINMA peut prendre des mesures protectrices s’il existe des raisons sérieuses de craindre que l’assujetti ne soit surendetté ou ne souffre de problèmes de liquidité importants, ou encore, s’agissant d’une direction de fonds ou d’une SICAV autogérée, que celle-ci n’ait pas rétabli une situation conforme aux prescriptions en matière de fonds propres dans le délai imparti par la FINMA (article 25 LB par analogie). 44 42 43 BSK KAG-du Pasquier/Rayroux, Article 81 N 9. Hasenböhler (n. 22), N 266. Fondées sur les articles 26 LB et 31 LFINMA ATF 99 Ib 512, c. 6a; ATF 96 I 474, c. 3; ATF 94 III 65, c. 3 (arrêts rendus sous l’empire de l’aLFP). 45 Message du Conseil fédéral concernant la loi fédérale sur les fonds de placement (aLFP), FF 1965 III 264, 330. 46 BSK KAG-Taisch/Meyer, Article 133 N 12. Olivier Hari / Philipp Fischer – Illiquidité et insolvabilité des véhicules de placements collectifs suisses A notre sens, la décision de restreindre le droit au remboursement immédiat des parts dans le cadre d’un placement collectif ouvert pourrait être prise en application de l’article 26 (1) (f) ou (h) LB (en sus de l’article 81 [2] LPCC), tandis que l’obligation de créer des side pockets (cf. chiffre III.3.1 infra) pourrait être imposée sur la base de l’article 26 (1) (a) LB. Ces mesures sont en effet en tous points comparables à l’interdiction qui peut être faite à une banque de faire des paiements ou à la prorogation des créances de la clientèle (article 26 [1] [f] et [h] LB). Même si l’on devait admettre que l’article 26 LB ne s’applique pas aux placements collectifs (faute d’un renvoi exprès à l’article 137 LPCC), il n’en demeure pas moins que l’article 31 LFINMA constitue, à notre sens, une base légale qui permettrait à la FINMA de prendre toutes mesures aptes et nécessaires à rétablir l’ordre légal en cas de risque de lésion des intérêts des investisseurs, notamment en raison d’un problème de solvabilité affectant un placement collectif. Il est en effet admis que, même si l’article 31 LFINMA n’est pas un blanc-seing en faveur de la FINMA, cette disposition constitue non seulement une base légale permettant à la FINMA d’adopter une ou plusieurs mesures prévues expressément dans une loi spéciale s’appliquant à des assujettis, mais aussi qu’elle autorise la FINMA à prendre à l’égard des assujettis toute mesure utile non énumérée dans la LFINMA ou une loi spéciale 47. Il va de soi que la marge de manœuvre de l’autorité est circonscrite par l’obligation de se conformer au principe de proportionnalité 48 . On peut donc en conclure que la FINMA est habilitée à prendre toute mesure préventive expressément mentionnée par l’article 26 LB ou par la LPCC, ou encore toute autre mesure qui serait fondée cette fois sur la clause générale de l’article 31 LFINMA, en plus des mécanismes prévus expressément par la LPCC. De manière générale, en cas d’illiquidité, respectivement d’insolvabilité avérée, la désignation quasi-systématique d’un chargé d’enquête paraît s’imposer, ayant pour mission de suivre sur une base régulière l’évolution de la situation et d’évaluer les mesures aptes à résoudre le problème de liquidité ou d’insolvabilité (article 36 LFINMA). 47 48 BSK BEHG FINMA-Roth Pellanda, Art. 31 N 9. TF, 2C_571/2009 du 5 novembre 2010 (déjà cité à la n. 34), c. 4.1. 2. 2011 Faillite et dissolution d’un placement collectif 505 2.1 Nouvelle compétence exclusive de la FINMA En application de l’article 137 (1) LPCC dans sa nouvelle teneur en vigueur depuis le 1er septembre 2011 et si des raisons sérieuses font craindre qu’une direction de fonds, une SICAV, une SCPC ou une SICAF soient surendettées ou aient des problèmes de liquidité importants, la FINMA, à défaut de perspectives d’assainissement ou si l’assainissement a échoué, retire l’autorisation du titulaire concerné, prononce la faillite et la publie. La formulation de l’article 137 (1) LPCC, identique à celle de l’article 33 (1) LB, permet de partir du principe que l’ouverture de la faillite est une ultima ratio, qui doit nécessairement être précédée de tentatives de sauvetage 49, à moins que la situation ne soit clairement désespérée ab initio. L’article 137 (2) LPCC exclut désormais expressément l’application des dispositions relatives à la procédure concordataire (articles 293 à 336 LP), à l’ajournement de la faillite des sociétés anonymes (articles 725 ss CO) et à l’obligation pour l’organe de révision d’aviser le juge (article 728c [3] CO). La procédure de faillite de l’une des entités précitées est donc régie par les articles 33 à 37g LB, applicables par analogie (article 137 [3] LPCC). L’article 173b LP a été modifié avec effet au 1er septembre 2011 également. Cette disposition prévoit à présent que si la réquisition de faillite concerne une direction de fonds, une SICAV, une SCPC ou une SICAF, le juge de la faillite doit transmettre le dossier à la FINMA qui procède conformément aux articles 33 à 37g LB et à l’OFB-FINMA. 2.2 Placements collectifs ouverts a. Dissolution sans faillite d’un placement collectif ouvert La FINMA dispose de la compétence de prononcer la dissolution, sans faillite, d’un placement collectif ouvert (fonds de placement ou SICAV) en cas d’abaissement de la fortune sous la limite légale de CHF 5 millions50 (articles 96 [1] [c] [2] et 96 [2] [c] [2] LPCC). L’abaissement de la fortune sous la limite légale peut, mais ne doit pas 49 Par la mise en œuvre d’une ou plusieurs mesures prévues dans la LPCC ou à l’article 26 LB, ou encore par l’ouverture d’une procédure d’assainissement.. 50 Au plus tard un an après son lancement, le fonds de placement ou la SICAV (ou chaque compartiment du fonds ou de la SICAV) doit disposer d’une fortune minimale nette de CHF 5 millions (articles 25 [3] LPCC et 35 (2) OPCC (fonds); articles 36 (2) LPCC et 53 OPCC [SICAV]). Ce délai peut être prolongé par la FINMA sur demande. Si l’exigence de fortune minimale n’est pas respectée, la FINMA doit être immédiatement informée (articles 25 [3] LPCC et 35 OPCC). Aufsätze En application de l’article 26 LB, la FINMA peut notamment donner des instructions aux organes de l’assujetti, limiter l’activité de l’assujetti, interdire à l’assujetti d’opérer des paiements, d’accepter des versements ou d’effectuer des transactions sur titres, fermer l’assujetti ou encore accorder un sursis ou proroger les échéances (article 26 [1] [a] et [e] à [h] LB). GesKR 4 GesKR 4 Aufsätze 506 2011 Olivier Hari / Philipp Fischer – Illiquidité et insolvabilité des véhicules de placements collectifs suisses nécessairement, constituer un cas d’insolvabilité du placement collectif. En pareilles circonstances, après la liquidation des actifs et le paiement des dettes, le liquidateur prépare un dernier rapport annuel (article 89 LPCC) et un tableau de distribution, qui sont soumis à l’organe de révision. Le remboursement des parts requiert à l’autorisation de la FINMA et de l’AFC (articles 116 [3] OPCC et 33 [3] OIA). Les investisseurs du fonds de placement ont droit à une part proportionnelle du produit de la liquidation (article 97 [2] LPCC). Dans le cas de la SICAV, la loi renvoie aux dispositions du CO relatives à la liquidation de sociétés anonymes (article 97 [3] LPCC). A son entrée en fonction, le liquidateur doit procéder à un appel aux créanciers (article 742 [2] CO). Après la liquidation des actifs, le liquidateur dresse le bilan final de chacun des compartiments (article 65 OPC-FINMA). Avant de rembourser les parts, l’autorisation de la FINMA et de l’AFC doit être obtenue (articles 116 [3] OPCC et 33 [3] OIA). A notre sens, le délai d’attente d’un an à compter de l’appel aux créanciers (article 745 [2] CO) n’est pas applicable en matière de SICAV, dans la mesure où le remboursement des parts est approuvé au préalable par l’autorité de surveillance51. Les actionnaires investisseurs ont droit à une part proportionnelle du résultat de la liquidation de leur compartiment, les actionnaires entrepreneurs étant colloqués en deuxième rang (articles 94 [1] et 97 [3] LPCC). Dans la mesure où chaque compartiment n’est en principe responsable que de ses propres engagements (article 94 [2] LPCC), la problématique d’une collocation en second rang ne devrait se matérialiser que dans les hypothèses dans lesquelles il est fait abstraction du ring fencing par compartiment (cf. supra chiffre II.2.2ba)52. b. Dissolution en cas de non-respect des exigences de fonds propres d’une SICAV Comme exposé sous chiffre II.2.2bb supra, la SICAV autogérée est soumise à des exigences de fonds propres calculées sur la base du ratio entre les apports des actionnaires entrepreneurs et la fortune totale de la SICAV53. Les exigences de fonds propres de la SICAV à gestion externe se déterminent, quant à elles, au niveau de la direction de fonds. Si les exigences de fonds propres ne sont plus remplies, la SICAV (soit le conseil d’administration de la SICAV autogérée, la direction de la SICAV à gestion externe ou l’organe de révision 54) doit informer immédiatement la BSK KAG-Staehelin/Bopp, Article 97 N 24. BSK KAG-Staehelin/Bopp, Article 97 N 25. 53 BSK KAG-Rayroux/Vogt Scholler, Article 39 N 4. 54 Article 128 LPCC; Circulaire CFB 2007/1 N 33 (qui reste applicable en vertu de la Circulaire FINMA 2008/41 N 5); BSK KAGRayroux/Vogt Scholler, Article 39 N 4. FINMA (article 55 [6] OPCC). Il appartient ensuite à la FINMA de fixer un délai pour le rétablissement des fonds propres (articles 133 LPCC et 31 LFINMA). Si les fonds propres ne sont pas rétablis dans ce délai, la F INMA peut retirer l’autorisation (article 37 LFINMA) et prononcer la liquidation de la SICAV (articles 96 [2] [c] [3] et 134 LPCC). Le projet de LPCC sanctionnait le non-respect des exigences de fonds propres par une obligation, à charge des actionnaires entrepreneurs, de procéder à des versements supplémentaires55. Cette exigence a toutefois été supprimée lors de l’adoption de la LPCC. Cela étant, vu que les exigences en termes de valeur de l’apport minimal (article 54 [3] OPCC) et de fonds propres (article 55 [5] OPCC pour la SICAV autogérée) doivent être maintenues de manière continue, il existe de facto une obligation à charge des actionnaires entrepreneurs de procéder à des versements supplémentaires afin d’éviter la liquidation de la SICAV56 . c. Faillite de la direction de fonds ou de la banque dépositaire d’un fonds de placement Comme indiqué sous chiffre II.2.1a supra, un fonds de placement contractuel ne constitue pas une entité juridique propre, mais un contrat, faisant intervenir trois parties, soit chaque investisseur, la direction de fonds et la banque dépositaire. Par la conclusion du contrat, l’investisseur acquiert une créance envers la direction sous la forme d’une participation à la fortune et au revenu du fonds de placement (article 78 [1] [a] LPCC). L’investisseur peut demander en principe en tout temps le rachat de ses parts et leur remboursement en espèce (article 78 [2] LPCC). Ce sont donc les conséquences de l’insolvabilité de la direction de fonds, et également, dans une moindre mesure, celle de la banque dépositaire qui intéresseront l’investisseur. La direction de fonds et la banque dépositaire sont toutes deux soumises aux règles spéciales du droit de l’insolvabilité bancaire (articles 137 [1] LPCC et 13 [2] [a] pour la direction, articles 33 LB ss pour la banque dépositaire). Ces deux acteurs, qui doivent être au bénéfice d’une autorisation – le premier en sa qualité de direction de fonds, et le second en sa qualité de banque suisse – sont donc scrutés en permanence par la FINMA, qui peut ainsi très vite détecter un éventuel cas d’insolvabilité, irrémédiable ou non. La mise en faillite de la direction de fonds ou de la banque dépositaire ne devrait pas avoir pour conséquence automatique la dissolution du fonds de placement. L’intérêt bien compris des investisseurs comman- 51 52 55 Article 40 (2) du projet de loi fédérale sur les placements collectifs de capitaux (FF 2005 6103). 56 Rapport OPCC (n. 30), 21; BSK KAG-Rayroux/Vogt Scholler, Article 39 N 10; Hasenböhler (n. 22), N 395. Olivier Hari / Philipp Fischer – Illiquidité et insolvabilité des véhicules de placements collectifs suisses En cas de faillite de la direction de fonds, les avoirs du fonds de placement sont distraits de la masse au bénéfice des investisseurs (article 35 [1] LPCC)57. Les avoirs et dettes du fonds de placement forment un patrimoine ségrégué des autres avoirs et dettes de la direction de fonds. Les dettes de la direction de fonds ne découlant pas du contrat de fonds de placement ne peuvent pas être compensées par des créances liées au fonds de placement (article 35 [2] LPCC). En revanche, pourront être déduites de ces avoirs ségrégués les créances dont la direction de fonds est titulaire en raison de l’exécution du contrat de fonds de placement, dans la mesure où ces créances peuvent être débitées de la fortune du placement collectif (article 33 [1] et [2] LPCC). Il est important de souligner que la direction de fonds dispose d’un droit à être libérée des engagements qu’elle a contractés dans le cadre de l’exécution des obligations découlant du contrat de fonds de placement (article 33 [1] [b] LPCC). Les créanciers de ces engagements, qui peuvent être débités de la fortune du placement collectif, occupent donc de facto une position privilégiée par rapport aux autres créanciers de la direction de fonds58 . Le cas échéant, il appartiendra au chargé d’enquête nommé par la FINMA de faire valoir le droit de distraction de l’article 35 (1) LPCC contre l’administration de la faillite de la direction de fonds. L’on ne saurait en effet exiger de chaque investisseur qu’il ouvre lui-même action en revendication. Le régime ordinaire de la faillite bancaire (articles 33 ss LB) s’applique en cas d’insolvabilité de la banque dépositaire. En sa qualité de cocontractante de la banque dépositaire, la direction de fonds peut se prévaloir du droit de distraction prévu aux articles 16 et 37d LB et aux articles 17 et 18 LTI59. La liquidation de la banque dépositaire sera ouverte et conduite par la FINMA – ou le liquidateur que celle-ci aura nommé – en application des règles de la LB et de l’OFB-FINMA. d. Du point de vue de l’investisseur, c’est donc la faillite de la SICAV qui est la plus préoccupante, étant précisé que la faillite de la banque dépositaire entraîne les conséquences déjà décrites sous chiffre III.2.2c supra. Plus particulièrement, la question principale qui se pose est celle du substrat de désintéressement disponible pour les créanciers et/ou les actionnaires investisseurs, à mettre en perspective avec la notion de compartiments, dont on rappellera qu’ils sont au minimum au nombre de deux (compartiment des actionnaires entrepreneurs et compartiment des actionnaires investisseurs). En droit suisse de la faillite, qu’elle soit bancaire ou ordinaire, tous les créanciers appartenant à la même classe ont un droit égal sur le produit de liquidation. Autrement dit, l’intégralité des actifs de l’entité faillie est dévolue à l’intégralité des créanciers, certains créanciers ayant toutefois le droit d’être désintéressés en priorité sur d’autres, en fonction d’un éventuel privilège attaché à leur créance. Ledit privilège trouve une justification sociale. Ces règles générales ne sont toutefois pas applicables telles quelles à la SICAV. En premier lieu, la débitrice de toute créance, même si elle ne concerne qu’un seul compartiment, est la SICAV en sa qualité de personne morale, par opposition à chaque compartiment, qui ne bénéficie pas de la personnalité juridique. Une poursuite doit donc être dirigée contre la SICAV et se continue par voie de faillite (article 39 [1] [13] LP) 60 prononcée par la FINMA (articles 137 [1] LPCC et 173b LP). La SICAV se voit ainsi exposée à un risque de liquidation complète, même si la dette en question n’affecte que l’un de ses compartiments 61. Cela étant, la FINMA utilisera, selon toute vraisemblance, 59 Cette disposition de droit public vient renforcer le droit de distraction que le droit civil accorde en principe déjà aux investisseurs (article 401 [2] et [3] CO) (BSK KAG-Abegglen, Article 35 N 2 et 10). 58 BSK KAG-Abegglen, Article 35 N 10. 507 Faillite d’une SICAV Comme indiqué sous chiffre II.2.2a supra, la SICAV est une société (article 36 [1] LPCC) et dispose de la personnalité juridique. L’actionnaire investisseur acquiert une participation dans la SICAV et au bénéfice résultant du bilan (article 78 [1] [b] LPCC). BSK KAG-Abegglen, Article 35 N 12. Rayroux (n. 14), 36. 61 BSK KAG-Rayroux/Nicod, Article 94 N 7; Hasenböhler (n. 22), N 419. ������������������������������������������������� A l’inverse, en droit luxembourgeois, chaque compartiment d’un OPCVM structuré sous forme de SICAV peut être liquidé séparément sans qu’une telle liquidation n’ait pour effet d’entraîner la liquidation d’un autre compartiment (article 133 (6) de la Loi luxembourgeoise concernant les organismes de placement collectif) (BSK KAG-Rayroux/Nicod, Article 94 N 7). 60 57 2011 Aufsätze dera en effet que la mesure la moins incisive soit prise par la FINMA. Dès lors, en pareilles circonstances, il est recommandé qu’un chargé d’enquête au sens de l’article 36 LFINMA ou de l’article 26 (1) (b) LB soit nommé par la FINMA, lequel aura pour mission d’élucider si, cumulativement, le maintien du fonds de placement est dans l’intérêt des investisseurs et s’il est possible de trouver à très bref délai une nouvelle direction ou banque dépositaire, en application de l’article 141 (1) OPCC. Si le chargé d’enquête arrive à la conclusion, souhaitable, que les deux conditions cumulatives précitées sont remplies, la FINMA pourra alors décider de transférer le contrat de fonds de placement, avec tous les droits et obligations qui en découlent, à la nouvelle banque dépositaire ou à la nouvelle direction de fonds, cette dernière acquérant, à titre fiduciaire, les droits, créances et obligations faisant partie du fonds de placement (article 141 [1] et [2] OPCC). GesKR 4 GesKR 4 Aufsätze 508 2011 Olivier Hari / Philipp Fischer – Illiquidité et insolvabilité des véhicules de placements collectifs suisses les instruments de surveillance prévus aux articles 26 LB et 133 ss LPCC avant de prononcer la faillite de la SICAV. L’une des mesures que la FINMA pourrait ordonner dans ce contexte est la liquidation du compartiment concerné 62. En second lieu, les actionnaires (qu’ils soient investisseurs ou entrepreneurs) ne peuvent, de par la loi, être désintéressés que sur le produit de liquidation du compartiment dans lequel ils ont investi63, soit le solde restant après le règlement des engagements afférents à ce compartiment (articles 93 et 94 LPCC). Chaque compartiment constitue en effet un placement collectif distinct (article 92 LPCC). La ségrégation de chaque compartiment se manifeste dans une perspective active (les investisseurs ne participent qu’à la fortune du compartiment correspondant à leurs apports) et passive (chaque compartiment n’est responsable que de ses engagements). Cela étant, en application de l’article 94 (2), seconde phrase LPCC, la SICAV répond de ses engagements sur sa fortune totale si la limitation de responsabilité par compartiments n’a pas été divulguée au tiers concerné 64. L’on notera que bien que les actionnaires aient le droit de demander en tout temps à la SICAV le remboursement de leurs parts en espèces 65, cela ne signifie pas encore qu’ils sont de ce fait créanciers de la SICAV. Les actionnaires deviennent créanciers après qu’ils ont demandé expressément le remboursement de leurs parts, exerçant ainsi un droit formateur (similaire à une option «put»). Par conséquent, ce n’est que si un actionnaire a demandé le remboursement de ses parts, et que la SICAV tombe en faillite juste avant de rembourser à l’actionnaire le montant de ses parts, que celui-ci peut être qualifié de créancier, et peut ainsi produire dans la faillite dans la SICAV. Notons que la survenance d’une telle situation demeure relativement théorique, dans la mesure où en cas de difficultés (illiquidité d’une grande partie des sous-jacents par exemple), il est probable qu’une suspension du droit au rachat puisse être opposée valablement aux actionnaires, que ce soit parce que cette suspension est prévue dans les documents constitutifs ou parce qu’elle aura été ordonnée par la FINMA. Mentionnons encore que les actionnaires de la SICAV ne disposent pas d’un droit de distraction similaire à celui qui prévaut en cas de faillite de la direction d’un fonds de placement, puisque la SICAV dispose d’un droit de pleine propriété sur les actifs du placement collectif66 . 2.3 Placements collectifs fermés a. En tant que placement collectif fermé, la SCPC ne donne aucun droit aux investisseurs au remboursement de leurs parts. Les modalités de distributions aux investisseurs sont réglées dans le contrat de société 67. Les investisseurs ne détiennent pas de créance contractuelle à l’égard de la SCPC. Le risque de faillite d’une SCPC peut donc principalement découler soit d’une poursuite initiée par un créancier tiers, par exemple un salarié, un bailleur, l’auditeur, ou tout délégataire de gestion ou de représentation, qui seraient par hypothèse impayés, soit de la faillite d’un ou plusieurs associés, par contagion. La première hypothèse n’appelle pas de commentaire particulier, dans la mesure où elle n’est pas spécifique à la SCPC. Dans le cadre de la liquidation par voie de faillite d’une SCPC, le liquidateur de la faillite nommé par la FINMA (articles 137 [3] LPCC et 33 [2] LB) procédera à la réalisation de tous les actifs et au recouvrement de toutes les créances de celle-ci. L’excédent de liquidation sera restitué aux associés de la SCPC (limited partners et GP), conformément à la clé de répartition convenue dans le contrat de société (articles 588 et 619 CO). Pour ce qui a trait au risque de faillite par contagion, il convient de préciser que la faillite de la SCPC est déconnectée de celle de ses associés, en ce sens que la faillite de la structure n’entraîne pas automatiquement la faillite des participants, et vice versa (article 615 CO68). En revanche, l’administration de la faillite d’un associé, ou un créancier qui a fait saisir une part de liquidation 69, peuvent demander la dissolution de la SCPC avec un préavis de 6 mois (article 575 [1] CO)70 . Cette conséquence peut être évitée en désintéressant soit le créancier poursuivant (qui agit dans le cadre d’une saisie), soit la masse en faillite de l’associé concerné (article 575 [3] CO). Cette dernière hypothèse est peu vraisemblable en pratique, dans la mesure où elle implique le paiement de toutes les créances admises dans la faillite de l’associé concerné (article 245 LP). Dans un tel cas de figure, la dissolution de la SCPC peut néanmoins être évitée en excluant le saisi ou le failli et en versant sa part de liquidation à l’office des poursuites ou à l’administration de la faillite 67 62 BSK KAG-Rayroux/Nicod, Article 94 N 7. La situation est identique s’agissant des fonds de placement composés de plusieurs compartiments. 64 D’autres exceptions au ring fencing par compartiment sont évoquées sous chiffre II.2.2ba supra. 65 Articles 42 (1) et 78 (2) LPCC. 66 Adrian Heberlein, Die Investmentgesellschaft mit variablem Kapital (SICAV) und die Investmentgesellschaft mit festem Kapital (SICAF) im Vergleich, Zurich 2008, 165. 63 Faillite d’une SCPC du Pasquier/Oberson (n. 32), 209. Les dispositions du CO relatives à la société en commandite s’appliquent par le biais du renvoi de l’article 99 LPCC. 69 Les créanciers personnels d’un associé d’une société en nom collectif ou d’une société en commandite n’ont aucun droit sur l’actif social. En revanche, ces créanciers ont droit aux créances de l’associé contre la société et à une part de l’actif social correspondant à la part de liquidation (article 572 CO). 70 Hasenböhler (n. 22), N 650. Les dispositions du CO relatives à la société en nom collectif s’appliquent par le biais du renvoi des articles 99 LPCC et 619 (2) CO. 68 (article 578 CO)71. Le mécanisme prévu dans le CO ne doit toutefois pas occulter le fait que, dans une perspective réglementaire, une SCPC doit nécessairement disposer d’un GP et d’au moins cinq investisseurs (limited partners). Ainsi, en cas de sortie du GP, ce dernier doit impérativement être remplacé (article 141 OPCC par analogie), de manière à assurer la continuité de la SCPC. Un tel remplacement ne sera pas nécessairement aisé, compte tenu du rôle de «moteur» de la SCPC joué par le GP. b. Faillite d’une SICAF Une SICAF est avant tout régie par les dispositions du CO relatives à la société anonyme (article 110 LPCC). Comme dans le cas d’une SCPC, l’actionnaire investisseur ne dispose pas d’une créance contractuelle envers la SICAF. La faillite d’une SICAF risque donc avant tout d’être ouverte suite à une poursuite initiée par un tiers créancier. Une SICAF en faillite est liquidée par la FINMA ou par le liquidateur nommé par celle-ci (articles 137 [3] LPCC et 33 [2] LB) conformément aux articles 37 ss LB. 3. Assainissement d’un placement collectif Le présent chapitre est consacré aux modalités d’assainissement d’un placement collectif. L’une des modalités d’assainissement qui a récemment fait couler beaucoup d’encre est la création de side pockets (3.1). Nous examinerons également dans quelle mesure les règles sur l’assainissement bancaire, auxquelles la nouvelle mouture de l’article 137 (1) LPCC renvoie implicitement, sont pertinentes dans le domaine des placements collectifs (3.2). 3.1 Side pockets La nécessité de limiter le droit au rachat immédiat de parts s’est manifesté avec une acuité particulière durant la crise financière de 2008–2009. Durant cette période, certaines directions de fonds suisses ont été confrontées à un manque de liquidités dans le cas de certains placements collectifs structurés sous la forme de funds of hedge funds (FoHF). Certaines directions de fonds se trouvèrent en effet pris en tenaille entre, d’une part, les demandes de rachat des parts de FoHF (accrues en cas de crise financière) et, d’autre part, les difficultés d’obtenir les liquidités nécessaires au vu de l’assèchement du marché des hedge funds dans lesquels les FoHF avaient investi. A la mi-décembre 2008, la SFA a soumis une demande à l’ex-CFB visant à autoriser les placements collectifs suisses à créer des side pockets. La mise en place d’une side pocket consiste à séparer, au sein d’un placement collectif, les actifs liquides des actifs illiquides et 71 Jean-Paul Vulliéty, in: Tercier/Amstutz (Eds.), Commentaire romand du CO II, Bâle 2008, Article 575 CO N 6 ss. GesKR 4 2011 à suspendre le droit des investisseurs à obtenir le remboursement des actifs illiquides, de manière à pouvoir réaliser ces actifs progressivement et sans devoir recourir à des fire sales 72. Le 23 janvier 2009, la FINMA annonça73 que la constitution de side pockets dans le cadre de placements collectifs suisses était, en principe, possible, moyennant (i) l’approbation de l’autorité, (ii) la préservation des droits des investisseurs lors de la création des side pockets et (iii) la garantie que la création des side pockets est dans l’intérêt de l’ensemble des investisseurs74. Dans le cadre d’un fonds de placement, la création d’une side pocket est une décision de la direction de fonds et doit en principe respecter la procédure de modification du contrat de placement collectif (article 27 LPCC), notamment afin de créer un nouveau compartiment ou une nouvelle classe de parts destiné à accueillir les actifs illiquides75. La création d’une side pocket constitue une véritable mesure d’assainissement pour un placement collectif ouvert, étant précisé que seule une partie, et non la majorité ou l’intégralité des avoirs, peuvent être ségrégués de la sorte76. 3.2 Ouverture d’une procédure d’assainissement au sens des articles 28 ss LB? L’article 137 LPCC, à lire en combinaison avec l’article 173b LP, prévoit que la FINMA est compétente pour ouvrir une procédure de faillite concernant un placement collectif, mais seulement «à défaut de perspectives d’assainissement ou si l’assainissement a échoué» (article 137 [1] LPCC). L’on notera à cet égard la similitude existant entre la disposition précitée et l’article 33 (1) LB. La formulation de l’article 137 LPCC laisse ainsi supposer que la procédure d’assainissement au sens des articles 28 ss LB serait également applicable aux place- 72 73 74 75 76 Sur la question des side pockets, cf. Dominik Oberholzer, Die Bildung von «Side Pockets» nach Schweizer Recht, GesKR 2009, 226. FINMA, Side Pockets dans le cadre de Funds of Hedge Funds, 23 janvier 2009, http://www.finma.ch/f/aktuell/pages/aktuellsidepockets-20090123.aspx (visité le 12 novembre 2011); communication de la SFA n° 10/2009 du 6 mars 2009 intitulée «Side pockets» dans le cadre de Funds of Hedge Funds. En particulier, la création d’une ou plusieurs side pocket(s) doit mieux sauvegarder les intérêts des investisseurs que les deux mesures prévues par la LPCC, à savoir la liquidation du placement collectif de capitaux ou la suspension du droit au remboursement des parts. En cas de modification du contrat de fonds de placement, l’article 27 (3) LPCC prévoit qu’en principe les investisseurs doivent être informés du fait qu’ils peuvent demander le rachat de leurs parts conformément aux délais contractuels et réglementaires. Afin que la création de la side pocket ne soit pas vidée de son sens, il convient donc de prévoir une suspension du droit au remboursement des parts (fondée sur les articles 81 (1) LPCC et 110 (1) OPCC) qui s’applique durant l’intégralité de la procédure de modification du contrat de fonds de placement (Oberholzer [n. 72], 229, 231). La FINMA n’a pas indiqué le pourcentage maximal des avoirs qui peuvent être placés dans une side pocket (communication de la SFA n° 10/2009 [n. 73], 2). 509 Aufsätze Olivier Hari / Philipp Fischer – Illiquidité et insolvabilité des véhicules de placements collectifs suisses GesKR 4 510 Olivier Hari / Philipp Fischer – Illiquidité et insolvabilité des véhicules de placements collectifs suisses ments collectifs de capitaux. L’on verra toutefois que cette procédure ne peut être appliquée telle quelle et que des adaptations sont nécessaires. a. Aufsätze 2011 Procédure d’assainissement au sens de la LB en général Une procédure d’assainissement77 peut être ouverte en application de la LB, à l’initiative de la FINMA 78 , si existent alternativement des raisons sérieuses de craindre qu’une banque ne soit surendettée, qu’elle souffre de problèmes de liquidités importants, ou encore que les prescriptions en matière de fonds propres ne soient pas respectées79, en d’autres termes que l’établissement bancaire soit insolvable: la protection des intérêts des créanciers constitue la ratio legis des dispositions légales consacrées à l’insolvabilité bancaire au sens large80 , un assainissement devant apparaître objectivement et concrètement hautement vraisemblable81. Le plan d’assainissement poursuit deux objectifs, d’égale valeur: le sauvetage de la banque, ou d’une partie de ses activités, et le désintéressement optimal des créanciers82 , par des mesures qui soient économiquement adéquates pour les actionnaires ou propriétaires. Au titre des mesures traditionnelles d’assainissement, l’on mentionnera la reprise de l’entité par un tiers, une réorientation de ses activités, une fusion par absorption, une scission, la vente de certains actifs, respectivement des désinvestissements, dans ces deux cas seulement si le produit de la vente est supérieur à leur valeur comptable, une augmentation de capital, voire une diminution suivie d’une augmentation, une dissolution de réserves latentes, des opérations de debt-to-equity swap, la négociation d’abandon ou de subordination partiels ou totaux de certaines créances ou de prêts subordonnés. Un plan d’assainissement bancaire ne peut être homologué par la FINMA que si les conditions suivantes sont notamment remplies (article 31 LB dans sa nouvelle version au 1er septembre 2011): • le plan d’assainissement est fondé sur une évaluation prudente des actifs de la banque; 77 78 79 80 81 82 Articles 28 à 32 LB. Renate Schwob, in: Bodmer/Kleiner/Lutz (Eds.), Kommentar zum Bundesg����������������������������������������������� esetz über die Banken und Sparkassen vom 8. ��� November 1934, Zurich 2006, Article 28 N 5; BSK BG-Bauer, Art. 28 N 17. Une procédure d’assainissement peut être ouverte à l’initiative de la FINMA en cas de soupçons, éventuellement à la suite de renseignements communiqués par la banque elle-même, l’organe de révision, un tiers, le chargé d’enquête et lors de publicité ad hoc. Article 25 (1) (b) LB. BSK BG-Hüpkes, Vor. 11. Abschnitt N 32. Article 28 (1) LB. BSK BG-Bauer, Article 28 N 9, 16. Schwob (n. 78); Article 29 N 2; Message concernant la modification de la loi fédérale sur les banques et les caisses d’épargne du 20 novembre 2002, FF 2002 7476, 7504. • le plan d’assainissement est selon toute vraisemblance plus favorable aux créanciers que l’ouverture immédiate d’une faillite; • le plan d’assainissement respecte la priorité des intérêts des créanciers sur ceux des propriétaires ainsi que l’ordre de collocation des créanciers. En cas d’atteinte aux intérêts des créanciers, ceux-ci doivent pouvoir se prononcer et refuser le plan d’assainissement (article 31a LB). b. Cas particulier de l’assainissement de placements collectifs La question – spécifique – de l’assainissement des placements collectifs de capitaux n’a pas fait l’objet de développements particuliers de la part du Conseil fédéral dans son Message concernant la modification de l’article 137 LPCC83. Cette question ne semble pas non plus avoir été traitée par les Chambres fédérales. Pourtant, force est de constater que les mesures traditionnelles d’assainissement (cf. chiffre III.3.2a supra), si elles se comprennent s’agissant de sociétés opérationnelles déployant une ou plusieurs activités dans le secteur financier, le sont moins s’agissant de placements collectifs. Par définition, un véhicule de placements collectifs soumis à la LPCC n’exerce pas d’activité commerciale ou industrielle (article 2 [2] [d] LPCC)84. Comme en matière de faillite, en cas d’insolvabilité vraisemblable de la direction de fonds et/ou de la banque dépositaire, de la SICAV, de la SCPC et/ou de son GP, ou encore de la SICAF, un chargé d’enquête devra être nommé par la FINMA, lequel aura pour mission principale d’évaluer les chances d’assainissement. L’assainissement de la partie opérationnelle d’un placement collectif ne présente, à notre avis, qu’un intérêt limité. En effet, les frais de fonctionnement, dont la réduction peut constituer un mode d’assainissement, représentent en règle générale des montants peu importants au regard des besoins financiers qui sont à l’origine de l’assainissement. Cela étant, des mesures de type organisationnel sont susceptibles d’être utilisées: licenciements d’employés, résiliation ou renégociation des contrats, notamment ceux conclus avec les membres du réseau de distribution du placement collectif. Par ailleurs, en cas de problème affectant la banque dépositaire ou la direction de fonds d’un fonds de placement ou d’une SICAV, un remplacement de ceux-ci peut être envisagé (article 141 OPCC). En revanche, des mesures d’assainissement pourraient être prises au niveau des actifs du placement collectif. 83 Message concernant la modification de la loi fédérale sur les banques (garantie des dépôts du 12 mai 2010), FF 2010 3645, 3662, 3678–3679. 84 TF, 2C_571/2009 du 5 novembre 2010 (déjà cité à la n. 34). S’agissant d’un placement collectif ouvert, la première étape sera sans doute de ségréguer les actifs illiquides dans une side pocket (cf. chiffre III.3.1 supra). Une fois cette mesure prise, le chargé d’enquête pourra examiner dans quelle mesure et selon quel calendrier les actifs du placement collectif peuvent être restructurés dans la perspective d’un assainissement, notamment compte tenu de l’évolution escomptée des marchés financiers. L’on pourrait également penser ici à l’abandon, par une SCPC, d’un projet immobilier enlisé ou dénué de chances de succès dans la perspective d’autres projets immobiliers plus prometteurs, pour autant que ceuxci s’intègrent dans la politique de placement (article 102 [1] [h] LPCC). Des SCPC peuvent également être actives dans le domaine du private equity, notamment dans le cadre des différentes phases d’évolution de startup. Dans ce cas, une restructuration de la participation dans une start-up (par exemple un debt-to-equity swap) ou un assainissement de la start-up en elle-même pourraient constituer des mesures d’assainissement envisageables. En matière de sociétés opérationnelles, l’augmentation de capital constitue un mode classique d’assainissement. A notre sens, un placement collectif soumis à une procédure d’assainissement pourrait également être autorisé à émettre de nouvelles parts en faveur d’investisseurs pleinement informés de la situation, si les liquidités générées dans ce contexte sont de nature à améliorer les chances de succès de l’assainissement85. En conclusion, force est de constater que la procédure d’assainissement au sens des articles 28 ss LB doit être ajustée aux particularités des placements collectifs. En règle générale, les mesures d’assainissement devront être focalisées sur une restructuration des actifs du placement collectif. S’agissant de placements collectifs ouverts, la création de side pockets (cf. chiffre III.3.1 supra) semblent être la méthode la plus usitée en pratique. IV. Conclusion L’entrée en vigueur des nouvelles versions des articles 173b LP et 137 LPCC a comblé une lacune de la loi dans le domaine des placements collectifs. La FINMA dispose à présent d’une base légale claire pour prononcer la faillite d’une direction de fonds, d’une SICAV, d’une SICAF ou d’une SCPC. A notre sens, la FINMA est également, et surtout, compétente pour prendre des me- 85 Une telle démarche devra être discutée avec la FINMA, dans la mesure où l’autorité a estimé, dans le contexte de sa prise de position relative aux side pockets (n. 73), que l’émission de nouvelles parts, ou la distribution de placements collectifs partiellement illiquides n’est en principe pas compatible avec les règles de conduite prévues par la loi, en particulier les devoirs de fidélité et de diligence (article 20 [a] et [b] LPCC). GesKR 4 2011 sures préventives, que celles-ci soient fondées sur une disposition de la LPCC ou sur la clause générale de l’article 31 LFINMA. La faillite d’un placement collectif de capitaux ouvert sera le constat de l’échec des nombreux garde-fous mis en place par le législateur, et serait catastrophique, tant d’un point de vue réputationnel que patrimonial, vu le nombre d’investisseurs potentiellement concernés. A vrai dire, au regard de l’arsenal législatif existant en matière de surveillance, de mesures préventives et de mesures curatives, elle est peu probable. En revanche, la faillite d’une SCPC ou d’une SICAV est une hypothèse beaucoup plus crédible. Ajoutons que la pondération des risques diffère énormément entre les deux types de placements collectifs. Le premier peut à notre avis réagir rapidement si des sous-jacents présentent des risques d’illiquidité et de dévaluation. Le second sera davantage tributaire du but choisi, et il ne sera pas toujours aisé pour lui, voire impossible, de se défaire d’actifs – qui peuvent être des entreprises – au rendement douteux. Une procédure d’assainissement d’un placement collectif est également envisageable, mais pas dans le sens prévu par la LB, et surtout pour un placement collectif fermé. Dans un placement collectif ouvert, l’un des aspects-clés sera sans doute de tempérer le droit des investisseurs de demander le rachat de leurs parts en tout temps, de manière à permettre, dans l’intérêt de l’ensemble des investisseurs, la mise en place d’une restructuration des actifs dans les meilleures conditions. Dans un placement collectif fermé, une procédure d’assainissement indirecte, par exemple par l’assainissement des sous-jacents ou l’abandon de projets non rentables, pourra être mise en place. Cette contribution a permis entre autres d’aborder la question de l’assainissement d’un placement collectif suisse. A titre anecdotique, l’on relèvera qu’un placement collectif suisse peut lui-même être utilisé à des fins d’assainissement, notamment en tant que structure appelée à recueillir les actifs illiquides d’un établissement bancaire. Ainsi, le véhicule qui a acquis certains actifs d’UBS SA en novembre 2008 a été structuré sous la forme d’une SCPC 86 . 86 SNB StabFund Société en commandite de placements collectifs. Sur l’opportunité du choix de cette forme juridique, cf. Peter V. Kunz, Eine etwas überraschende Wiederbelebung der Personengesellschaften durch die Schweizerische Nationalbank, in: Jusletter 15 décembre 2008, passim. 511 Aufsätze Olivier Hari / Philipp Fischer – Illiquidité et insolvabilité des véhicules de placements collectifs suisses GesKR 4 512 Olivier Hari / Philipp Fischer – Illiquidité et insolvabilité des véhicules de placements collectifs suisses Abréviations AFC aLFP Aufsätze 2011 CFB CO FINMA FoHF GP LB LFINMA LFP LFus LP LPCC LTI OFB-FINMA OIA OPCC OPC-FINMA OPCVM SCPC SECA SFA SICAF SICAV Administration fédérale des contributions Loi fédérale du 1er juillet 1966 sur les fonds de placement (abrogée à compter du 1er janvier 1995 par l’entrée en vigueur de la LFP) Commission fédérale des banques Code des obligations du 30 mars 1911 Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers FINMA Fund of hedge funds General partner d’une SCPC Loi fédérale du 8 novembre 1934 sur les banques et les caisses d’épargne Loi fédérale du 22 juin 2007 sur l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers Loi fédérale du 18 mars 1994 sur les fonds de placement (abrogée à compter du 1er janvier 2007 par l’entrée en vigueur de la LPCC) Loi fédérale du 3 octobre 2003 sur la fusion, la scission, la transformation et le transfert de patrimoine Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite Loi fédérale du 23 juin 2006 sur les placements collectifs de capitaux Loi fédérale du 3 octobre 2008 sur les titres intermédiés Ordonnance de la FINMA du 30 juin 2005 sur la faillite de banques et de négociants en valeurs mobilières Ordonnance du 19 décembre 1966 sur l’impôt anticipé Ordonnance du 22 novembre 2006 sur les placements collectifs de capitaux Ordonnance de la FINMA du 21 décembre 2006 sur les placements collectifs de capitaux Organisme de placement collectif en valeurs mobilières Société en commandite de placements collectifs Swiss Private Equity & Corporate Finance Association Swiss Funds Association Société d’investissement à capital fixe Société d’investissement à capital variable