Lutter contre les discriminations raciales sur le marché du travail

Transcription

Lutter contre les discriminations raciales sur le marché du travail
GUIDE PRAT I Q U E
SEPTEMBRE 2000
LUTTER
CONTRE LES
DISCRIMINATIONS
RACIALES
SUR LE MARCHÉ
DU TRAVAIL
CONTRATS DE VILLE DU XII PLAN
E
LUTTER
CONTRE LES
DISCRIMINATIONS
RACIALES
SUR LE MARCHÉ
DU TRAVAIL
GUIDE PRATIQUE
VOLUME 1
JUILLET 2000
DIV, DPM, DGEFP, FAS
VOLUME 1 - 2000 -
1
[
AVANT-PROPOS
]
Alors que la reprise économique s’installe dans le pays, nous ne pouvons
tolérer que les habitants des banlieues en soient exclus. Nous pouvons encore moins
accepter que certaines personnes, qu’elles soient de nationalité étrangère, d’origine
étrangère ou non, soient stigmatisées, rejetées, en raison de leur nom, de leur prénom
ou de leur apparence physique.
C’est pourquoi les comités interministériels à la Ville de janvier et
décembre 1998 ont inscrit la lutte contre les discriminations raciales parmi les orientations majeures des nouveaux contrats de ville.
Le numéro d’appel gratuit récemment mis en place l’a encore démontré, le
principal domaine où s’exercent les discriminations raciales est l’accès à l’emploi et
la vie professionnelle.
Tenant compte du rapport présenté l’année dernière au Premier ministre par
les députés Chantal Robin-Rodrigo et Pierre Bourguignon, nous avons donc décidé
d’aider les négociateurs des contrats de ville, ainsi que les acteurs du service public
de l’emploi, dans la définition des actions à prévoir pour mobiliser les partenaires
publics et privés. L’objectif est de combattre, sur chaque territoire, les pratiques et attitudes discriminatoires qui affectent le marché du travail.
Le présent guide méthodologique est construit à partir de quelques expériences de terrain repérées pour leur efficacité dans le domaine de la lutte contre les
discriminations à l’emploi. Il propose des pistes, tant pour établir des diagnostics territoriaux et organiser l’accompagnement des personnes vers l’emploi, que pour mobiliser les intermédiaires du marché du travail et les acteurs économiques.
Nous souhaitons que ce document contribue à une meilleure prise de
conscience par tous de la nécessité de rétablir une réelle égalité des chances dans
l’ensemble des populations des quartiers de la politique de la ville.
Martine Aubry
Claude Bartolone
Ministre de l’emploi et de la solidarité
Ministre délégué à la ville
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3
[
COMITÉ DE PILOTAGE DU GUIDE
]
Direction de la Population et des Migrations (DPM)
•Bureau Formation
Patrick AUBERT
Christian MAROT
Délégation Interministérielle à la Ville (DIV)
•Département Emploi, Insertion Développement Economique
Brigitte CHARBONNEAU
Brigitte RICCI
Sébastien Cornu
Direction Générale de l’Emploi et de la Formation Professionnelle (DGEFP)
Véronique BONY
Fonds d’Action Sociale por les Travailleurs Immigrés et leurs Familles (FAS)
•Direction du Développement et des Politiques Territoriales (DDPT)
Jocelyne BAC
Sylvie FALANDRY
Nassera BECHROURI
•Direction de l’Emploi et de la Formation (DEF)
Nourredine BOUBAKER
Jean-Paul MANGON
Economie et Humanisme
Cyril KRETZCHMAR
Nathalie LAURIAC
Lasaire
Christèle MASSARD
VOLUME 1 - 2000 -
5
SOMMAIRE
1. REPÈRES ET ÉLÉMENTS CONTEXTUELS
8
1.1.
Une forte volonté politique et une mobilisation des acteurs
8
1.1.1.
Quelques repères
8
1.1.2.
La reconnaissance publique des discriminations
9
1.1.3.
1.2.
6
Un rapprochement des politiques de la ville,
de l'intégration et de la lutte contre les discriminations
13
Présentation du guide
16
1.2.1.
Les objectifs du guide
16
1.2.2.
Méthode d'élaboration et contenu
17
LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL
2. DES EXPÉRIENCES
2.1.
2.2.
19
L'émergence de pratiques locales
19
2.1.1.
13 expériences de terrain
19
2.1.2.
Des initiatives diverses, ouvertes mais peu fédérées
19
2.1.3.
Une mobilisation touchant avant tout les individus
plus que les structures, dans une logique d'accompagnement
20
Expériences
22
Fiche 1 Parrainage, mission locale Est Lyon
23
Fiche 2 Mise en place d'accords d'entreprise sur la lutte contre
les discriminations raciales dans l'emploi, ASPECT
26
Fiche 3 Diagnostic territorial sur les discriminations,
Azerty ISCRA Montbéliard
32
Fiche 4 Soutien aux activités économiques des personnes
issues de l'immigration comité de bassin d'emploi Lille
37
Fiche 5 Club de jeunes diplômés issus de l'immigration MRH
41
Fiche 6 Accès aux stages en entreprise, France Télécom
45
Fiche 7 Aide au recrutement d'habitants locaux et formation
47
Fiche 8 Formation du personnel à la diversité culturelle, STAS
51
Fiche 9 Lutte contre les discriminations raciales dans l'accès
aux contrats d’apprentissage, ADEJ
55
Fiche 10 Aide au recrutement de personnes qualifiées
d'origine immigrée par un médialogue, RIVES LOIRE/MEDEF
59
Fiche 11 Formation "marché du travail et discriminations", PLIE Louviers
63
Fiche 12 Clubs de jeunes diplômés issus des quartiers défavorisés, AFIJ
66
Fiche 13 Aide au recrutement par la méthode des habiletés, Leroy-Merlin
70
VOLUME 1 - 2000 -
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REPÈRES ET
ÉLÉMENTS CONTEXTUELS
[
1.1. Une forte volonté politique
et une mobilisation des acteurs
]
1.1.1. Quelques repères
La population étrangère non européenne vivant en France compte 2 millions de
personnes. 50 % d'entre elles résident dans les quartiers de la politique de la ville,
représentant 20 % de leur population. Sur ces sites habitent également un nombre
important de personnes de nationalité française issues de l'immigration extra-européenne. On peut ainsi estimer qu'un tiers des habitants des quartiers sont d'origine
extracommunautaire.
Le taux de chômage de cette population est supérieur à 30 % 1. À catégories socioprofessionnelles équivalentes, il demeure de 1,5 à 2,7 fois supérieur à
celui des nationaux. La situation est encore plus critique pour les jeunes qui, étrangers ou issus de l'immigration, connaissent un taux de chômage avoisinant ou même
dépassant parfois les 50 % dans certains quartiers 2.
La moindre qualification d'une partie de ces personnes ne peut seule expliquer l'importance du nombre de demandeurs d'emploi étrangers ou d'origine étrangère. Le phénomène discriminatoire apparaît comme l'une des causes principales
cette situation. En effet, ces discriminations affectent des personnes, françaises ou
non, qui "ont l'air étrangères". Il peut s'agir de jeunes Français appartenant à des
familles issues de l'immigration, de Français récemment naturalisés, de personnes
originaires des DOM-TOM, de gens du voyage.
Quand elles habitent dans les quartiers "difficiles", le lieu de résidence de
ces personnes constitue un facteur supplémentaire de discrimination. Plusieurs
études ont, d’ailleurs, montré la complexité du caractère discriminatoire. Celui-ci
prend parfois une forme indirecte ou systémique découlant sur un territoire de l'attitude collective de différents acteurs du marché du travail : missions locales, ANPE,
élus locaux, associations, chambres consulaires, lycées professionnels, agences
d'intérim, centres d'apprentissage… Ainsi, des pratiques apparemment neutres
conduisent à exclure les personnes issues de l'immigration ou supposées telles du
monde du travail, sans qu'il y ait de la part de chacun de ces acteurs d'intention
discriminatoire affirmée.
Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discriminations (CERD) du 4 janvier 1969 : "l'expression discrimination raciale vise toute
1. Enquête emploi janvier 1999 : taux de chômage des étrangers venant de pays extérieurs à l'UE 30,3 %, taux de chômage des jeunes
étrangères hors UE : 36,2% - taux de chômage des jeunes de – 25 ans hors UE: 42,6% - 70 % des étrangers hors UE se situent dans les
catégories ouvriers ou employés non qualifiés. 2. Il faut souligner que les statistiques rendent compte de tendances au plan national et
masquent des écarts et disparités fortes entre sites et régions. Seule une analyse territoriale est susceptible d'identifier la réalité locale
8
LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL
distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée sur la race, la couleur, l'ascendance ou l'origine nationale ou ethnique, qui a pour but ou pour effet de détruire
ou de compromettre la reconnaissance, la jouissance ou l'exercice, dans des conditions d'égalité, des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans les
domaines politique, économique, social et culturel ou dans tout autre domaine de la
vie publique."
Article L225-1 du Code pénal (1994) : "Constitue une discrimination toute
distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, de leur
sexe, de leur situation de famille, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs
mœurs, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, à une nation,
une race ou une religion déterminée." Les mêmes principes s'appliquent pour la
discrimination à l'encontre des membres des personnes morales.
Directive relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement
entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique adoptée le 6 juin
2000 par le Conseil de l'Union européenne - définition de la discrimination indirecte : "Une discrimination indirecte se produit lorsqu'une disposition, un critère ou
une pratique apparemment neutre est susceptible d'entraîner un désavantage particulier pour des personnes d'une race ou origine ethnique donnée par rapport à
d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit
objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet
objectif ne soient appropriés et nécessaires."
1.1.2. La reconnaissance publique des discriminations
Les liens entre la politique de la ville et l’intégration sont aussi anciens qu’évidents.
Toutefois, il aura fallu vingt ans pour que l’intégration et la lutte contre les discriminations constituent une priorité transversale des contrats de ville.
Le comité interministériel du 30 juin 1998, a fixé l’intégration comme une
priorité du gouvernement et comme un axe fort et transversal qui doit se décliner
dans tous les volets des contrats de ville du XIIe plan, notamment dans la lutte contre
les discriminations.
Il faut s’appuyer sur cette volonté politique pour construire au niveau local
une politique d’accès aux droits et de lutte contre les discriminations dans les
contrats de ville.
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Les discriminations raciales : un danger majeur pour la société française et une
atteinte au pacte républicain
Intervention de Martine Aubry aux Assises de la citoyenneté,
le 18 mars 2000
"La citoyenneté aujourd'hui ne peut pas être réduite à une conception étroite et dépassée
de l'intégration *. On confond encore trop souvent intégration et assimilation. Être
citoyen, ce n'est pourtant pas cela. Ce n'est ni se renier, ni rejeter son origine,
sa culture, ses différences.
Appartenir à la République française, ne peut ni ne doit signifier l'oubli du passé,
la négation du patrimoine culturel que vous héritez de vos parents, de votre
entourage ou parfois d'un pays d'origine.
Non, être citoyen, c'est adhérer à un socle de valeurs communes et c'est respecter les
droits et les devoirs qui structurent et équilibrent la société dans laquelle on vit.
Cela n'implique donc pas de renoncer à des pans entiers de son identité. Appartenir
une collectivité, respecter ses valeurs et ses règles de vie n'interdit pas les
spécificités, les différences, les itinéraires personnels.
La diversité est une richesse : notre pays s'est historiquement façonné par additions
successives de générations d'hommes et de femmes d'origines multiples. Et je
suis convaincue que la France n'est jamais aussi forte et respectée que lorsqu'elle permet à chacun d'apporter sa contribution, d'ajouter sa pierre personnelle à notre patrimoine culturel commun.
Car être citoyen suppose aussi que la société à laquelle on appartient et dont on
épouse les valeurs, tout aussi imparfaite soit-elle par ailleurs, vous reconnaisse.
On n’est pas citoyen seul, on l'est avec d'autres, quand on a le sentiment d'appartenir à une même collectivité. Ce sentiment d'appartenance se fonde sur
l'égalité des chances et des droits.
Or, dans notre pays, ce principe républicain d'égalité est trop souvent bafoué.
Alors, oui, des discriminations existent. Nous le savons. L'État ne peut pas être sourd
à tous ces témoignages.
Et, je le dis avec force : à chaque acte discriminatoire, c'est la République tout
entière qui vacille.
La couleur de peau, un nom, un prénom, parfois une simple adresse, barrent l'accès
à un emploi, à un logement, à une boîte de nuit et compliquent aussi,
reconnaissons-le, les relations avec certains services publics.
Combien de fois un jeune a-t-il dû baisser la tête, ressentir du dépit et même de la
colère devant une porte qui se ferme devant lui parce qu'il est arabe, gitan, noir,
asiatique, ou simplement différent ?
Intégration: la définition retenue par le Haut Conseil à l'intégration dans son rapport de 1991 ("Pour un nouveau modèle d'intégration", février 1991) : "L'intégration consiste à susciter la participation active à la société tout entière de l'ensemble des femmes
et des hommes appelés à vivre durablement sur notre sol en acceptant sans arrière-pensée que subsistent des spécificités notamment
culturelles, en mettant l'accent sur les ressemblances et les convergences dans l'égalité des droits et des devoirs, afin d'assurer la
cohésion de notre tissu social".
*
10
LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL
C'est inadmissible.
La discrimination est une violence.
Le délit de faciès est une violence.
Le délit d'adresse est une violence.
Le refus de reconnaître l'autre au nom de sa différence est une violence.
C'est cette violence qui ébranle le pacte républicain.
Et, reconnaissons-le, cette violence est d'autant plus insupportable quand elle vient des
services publics eux-mêmes ou de certaines administrations. Notre devise républicaine s'affiche aux frontons de toutes les institutions. Il est intolérable que des
discriminations et des atteintes aux droits aient lieu au sein même de ce qui
devrait être le creuset et le sanctuaire de l'égalité. Et, je l'affirme clairement, il
faut exiger la tolérance zéro à l'égard des discriminations dans l'Administration
ou les services publics. L'exemple doit venir des agents publics. L'exemple doit
venir des fonctionnaires. De tous les fonctionnaires !
La République ne peut admettre de tels comportements. C'est contraire à ses valeurs,
à son esprit, à sa philosophie.
Il faut donc agir, avec force et détermination, pour rendre effective, palpable,
concrète, l'égalité d'accès aux droits. La lutte contre les discriminations est l'affaire de tous.
Avec Lionel Jospin et l'ensemble du gouvernement, nous avons choisi d'enrayer les
logiques du racisme et de briser la loi du silence."
Face à la progression et à la banalisation des discriminations raciales dans notre
pays, démontrée par les travaux des chercheurs, les enquêtes menées par les syndicats et les constats dressés en 1998 par la CNCDH et le Haut conseil à l'intégration, le gouvernement a, depuis plus de deux ans, décidé de réagir.
Il a jeté les bases d'une politique volontariste pour faire reculer ce phénomène, qui
s'est traduite par :
- une communication en conseil des ministres de Martine Aubry le 21 octobre 1998 sur
la politique d'intégration et la lutte contre les discriminations ;
- la création par Jean-Pierre Chevènement en janvier 1999 des Commissions d'accès à la
citoyenneté (CODAC)1 ;
- la convocation par Martine Aubry et Claude Bartolone d'une table ronde avec les partenaires sociaux le 11 mai 1999 sur les discriminations dans le monde du travail, au
cours de laquelle une déclaration commune a été adoptée par consensus2 ;
L'intégration est une démarche active: "Deux processus doivent se conjuguer: "le processus de s'intégrer" pour l'immigré; "le processus d'intégrer", pour la société française. Une démarche doublement volontaire des personnes à intégrer, d'une part, et de tous ceux qui composent
la mythique "société d'accueil", services publics, personnes morales, citoyens, d'autre part.”
Ce qui résulte de l'intégration n'est pas "la société d'accueil" additionnée d'immigrés ayant bénéficié d'on ne sait quelle promotion sociale,
ce qui résulte de l'intégration, c'est la notion française, qui tire sa vitalité de son renouvellement et de sa transformation constante".
(Orientations stratégiques du FAS 1999-2001.)
1
Sur les CODAC, voir annexe 4-10.
2
Le texte de la déclaration de Grenelle, voir annexe 4-3.
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11
- la réunion, par le Premier ministre, des Assises de la citoyenneté et de la lutte contre les
discriminations le 18 mars 2000.
Dans le cadre de cette politique, plusieurs mesures générales ont été prises :
- la création d'un groupe d'étude des discriminations (GIP-GED), rassemblant l'État, les
partenaires sociaux et les grandes associations de lutte contre le racisme, pour
mieux connaître les expressions de la discrimination dans tous les domaines ;
- la mise en place début mai 2000 d'un numéro d'appel gratuit sur les discriminations
raciales, le "114";
- le renforcement des CODAC en mai 2000, pour qu'elles soient le lieu de traitement des
discriminations raciales, et notamment des cas transmis par le numéro d'appel
gratuit.
Dans le domaine de l'emploi, plusieurs orientations ont été validées lors de la table
ronde entre l'État et les partenaires sociaux :
A. Sensibiliser et former les acteurs publics et privés à la lutte
contre les discriminations raciales
Des actions sont menées en direction de trois cibles privilégiées :
- le service public de l'emploi : signature d'un accord-cadre avec l'ANPE et expérimentation de formations pour les personnels des agences locales pour l'emploi; mise en
place d'un réseau de correspondants dans chaque centre AFPA, spécialement
formés sur ce sujet, dans le cadre d'un protocole d'accord signé en janvier 2000
entre l'État et l'AFPA ; organisation à l'Institut national du travail, de l'emploi et de
la formation professionnelle (INTEFP) d'un colloque en mars 2000, pour préparer les
actions de formation des personnels de l'inspection du travail et des services déconcentrés du ministère ;
- les cadres syndicaux : réexamen, avec la DGEFP et les syndicats des priorités retenues
pour l'aide de l'État à la formation des syndicalistes afin d’ancrer la thématique de
la lutte contre les discriminations ;
- les cadres d'entreprises : action expérimentale avec la FACE pour mettre au point un
module de sensibilisation des DRH des entreprises à l'approche interculturelle du
management.
B. Développer le parrainage des jeunes vers l'emploi
Le nombre de jeunes parrainés a été presque doublé en 1999. La démarche a ainsi
concerné plus de 20000 personnes. Pour permettre un plus fort accroissement des
opérations de parrainage, une charte nationale a été signée entre Martine Aubry et
de grands réseaux du monde économique. La négociation de chartes régionales a
été amorcée par les DRTEFP. Et des conventions ont été signées avec des têtes de
réseaux économiques ou associatifs. En outre, le parrainage a été inscrit parmi les
actions susceptibles d’être prévues dans le cadre des contrats de plan État-régions.
C. Inscrire la lutte contre les discriminations dans la politique de la ville
Cette thématique a été retenue parmi les priorités des nouveaux contrats de ville. Son
importance a été confirmée par le rapport parlementaire Rodrigo-Bourguignon sur
l’emploi et la ville.
D. Renforcer la législation antidiscriminatoir e
Les principales dispositions discutées avec les partenaires sociaux et inscrites dans le
projet de loi de modernisation sociale sont les suivantes : aménagement de la
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LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL
charge de la preuve, possibilité pour les syndicats de saisir la justice à la place de
la victime, renforcement des pouvoirs de l'inspection du travail, suivi de ce thème
par la Commission nationale de la convention collective, répression de toute discrimination à l'encontre des lycéens et étudiants recherchant des stages en entreprise.
E. Recenser les professions fermées aux étrangers
En 1999, plusieurs secteurs d’activité ont été évalués afin d’envisager des possibilités
d’ouverture, au cas par cas.
Professions privées fermées aux étrangers : la mission confiée au cabinet Bernard
Brunhes Consultants constate que plus de 1,2 million d’emplois sont soumis à des
conditions de nationalité ou de diplôme français.
Emplois statutaires dans les grandes entreprises et les établissements publics : le groupe
de travail constitué par les ministères de l’équipement et de l’industrie sur le
problème des restrictions d’accès des étrangers dans les domaines de l’industrie et
des transports (EDF-GDF, RATP, SNCF, Air France, La Poste, France-Télécom…)
révèle que plusieurs centaines de milliers d’emplois sont concernés.
Enquête menée par la direction de la Sécurité sociale : il s’avère que sur les 180000
emplois que comptent les organismes de Sécurité sociale, près de 3000 fonctions
techniques et postes de direction ne sont pas accessibles aux étrangers.
1.1.3. Un rapprochement des politiques de la ville,
de l’intégration et de la lutte contre les discriminations
En 1990, la nécessité se confirme d’accompagner fortement les initiatives émergeant
dans les quartiers de la politique de la ville. Cela conduit le FAS à mettre en œuvre,
sur 60 sites, un programme pilote d’intégration.
Au XIe Plan, à la suite d’un accord-cadre DIV-FAS-DPM, la démarche sera
étendue à tous les sites en contrat de ville qui ont précisé leurs objectifs en matière
d’intégration. Si le bilan de ce dispositif en ce qui concerne la construction d’une
culture commune à l’ensemble des partenaires est positif, il reste insuffisant quant
aux effets sur les populations. Afin de rendre visible et durable la volonté politique
du gouvernement au XIIe Plan, une méthode d’élaboration des contrats de ville a été
préconisée. Pour chaque site, elle s’appuie sur la construction d’un point de vue de
l’État et sur l’importance d’un diagnostic local sur les mécanismes à l'œuvre au
niveau territorial. Il s’agit de mener une analyse rigoureuse de processus complexes,
afin de produire une connaissance partagée pour agir ensemble.
La méthode a été appliquée dès 1999 à l’élaboration des 250 contrats de
ville. Elle a déjà permis une évaluation positive de cette première étape, en constatant la prise en compte transversale de la lutte contre les discriminations dans les
conventions-cadres.
Il s’agit maintenant d’accompagner les opérateurs, de qualifier leurs
pratiques, de les impliquer dans la recherche d’indicateurs permettant d’évaluer sur
la durée, notamment dans le domaine de l’emploi, les résultats des plans d’action
engagés contre les discriminations.
La place de l’intégration et de la lutte contre les discriminations dans le volet
emploi de la politique de la ville.
VOLUME 1 - 2000 -
13
Une étape a donc été franchie, la circulaire du Premier ministre de décembre 1998 1, le
rapport Rodrigo-Bourguignon 2, le colloque de Nantes 3, les Assises de la
Citoyenneté font de l’emploi et de la lutte contre les discriminations raciales dans
l’accès à l’emploi et aux formations une priorité de la politique de la ville du
XIIe plan.
Les acteurs économiques et les intermédiaires de l'emploi ont été diversement impliqués dans la négociation de la première génération des contrats de ville. La
démarche impulsée par la loi de lutte contre les exclusions aura sans doute joué un
rôle non négligeable pour que l'accès à l'emploi devienne un levier essentiel du
développement social urbain et que le volet insertion, emploi et développement
économique des contrats de ville se structure véritablement.
"L'objectif du contrat de ville est de définir des démarches permettant une meilleure lisibilité et une plus grande efficacité des dispositifs existants, et de mettre en cohérence
les actions publiques dans la lutte contre les exclusions.
Au niveau du renforcement des actions visant l'accès à l'emploi, vous savez que cet
aspect de l'action publique est prioritaire dans la politique du gouvernement que
dirige Lionel Jospin. Tout le monde peut le constater aujourd'hui : la croissance
revient, le chômage baisse dans des proportions inédites et une dynamique nouvelle
tire le pays vers un cercle vertueux de développement. Cependant, et nous le savons
bien aussi, cette embellie ne profite pas à tout le monde de manière égale, et les
habitants de nos quartiers populaires ne voient pas toujours dans leur quotidien les
améliorations auxquelles ils ont droit.
Nous devons donc non seulement rester vigilants, mais être encore plus combatifs, plus
volontaristes, pour favoriser par tous les moyens possibles l'accès à l'emploi pour
tous : il faut bien sûr renforcer les formations qualifiantes, favoriser les déplacements, accentuer l'employabilité des plus fragiles de nos concitoyens. Mais il faut
aussi lutter contre toutes les formes de discriminations. Car rien ne serait plus dangereux pour notre modèle d'intégration républicaine et notre démocratie que d'assister
impuissants à ces phénomènes d'extrême exclusion que sont le racisme et la discrimination : ne rien faire c'est être complice de l'innommable. C'est pourquoi, j'insiste
pour que dans tous les contrats de ville, le volet intégration et lutte contre l'exclusion
soit clairement identifié."
Claude Bartolone, ministre délégué à la Ville, le 26 mai 2000
"La politique de la ville est aussi un outil important d'accès à la citoyenneté et de
lutte contre les discriminations. Aujourd'hui de nombreux quartiers sont frappés du
sceau de l'exclusion sociale et souffrent d'une réputation stigmatisée. Nous ne
pouvons pas nous résigner à promettre à nos citoyens dans ces quartiers une vie
meilleure à la seule condition qu'ils les quittent. Ces quartiers doivent être mieux intégrés à la ville, leur population mieux insérée et tout particulièrement les jeunes. C'est
selon moi la cohésion de tout notre pays qui en dépend… Il faut avoir le courage
de regarder le racisme et les discriminations en face pour mieux les combattre. Se
voiler les yeux, ne rien faire, c'est en quelque sorte laisser les fondements de la
République être rongés progressivement par la ségrégation."
Déclaration de Martine Aubry aux Assises de la Citoyenneté le 18 mars 2000
L'émergence publique de la question des discriminations raciales sur la scène française, la prise de conscience de ses effets néfastes sur le marché de l'emploi, l'en-
1
2
3
Circulaire du Premier ministre du 22 décembre 1998.
Rapport Rodrigo-Bourguignon de juin 1999: “Le Territoire de la cité au service de l’emploi”.
Rencontres nationales des acteurs de la ville, Nantes, les 28 et 29juin 1999 “L’Économie et l’emploi, réussir la ville solidaire”.
14
LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL
gagement décisif des pouvoirs publics en la matière ont manifestement incité à la
prise en compte du problème.
Toutefois, les difficultés rencontrées pour cerner la question tant sur le plan qualitatif que
quantitatif sont renforcées par une analyse largement répandue, qui surestime les
difficultés des personnes d'origine étrangère en terme de carences ou de handicaps : bas niveau de formation, sous qualification professionnelle, “inemployabilité”, échec scolaire, incompréhension ou mauvaise maîtrise de la langue, des
codes culturels du pays d'accueil, refus d'intégration, etc.
Ces arguments se trouvent aujourd'hui relativisés. Ils semblent de moins en moins pertinents. En effet, des constats largement partagés mettent en évidence que les jeunes
issus de l’immigration ou supposés tels rencontrant des difficultés d'insertion professionnelle ont été majoritairement socialisés et scolarisés en France. Ils possèdent des
niveaux de formation identiques à ceux des jeunes issus des mêmes catégories
socioprofessionnelles. Or on sait que les jeunes diplômés issus de l’immigration
éprouvent aussi des difficultés spécifiques d'accès à l'emploi.
VOLUME 1 - 2000 -
15
[
1.2. Présentation du guide
]
1.2.1. Les objectifs du guide
La délégation interministérielle à la Ville (DIV), la direction de la Population et des
Migrations (DPM), la délégation générale à l'Emploi et à la Formation professionnelle (DGEFP) et le Fonds d'action sociale pour les travailleurs Immigrés et leurs
familles (FAS) ont décidé de créer un guide pratique et méthodologique de lutte
contre les discriminations raciales sur le marché du travail dans les contrats de ville.
À la suite d’un appel d'offres, la réalisation en a été confiée à Économie et
Humanisme et Lasaire, sous le pilotage des commanditaires.
La lutte contre les discriminations sur le marché du travail butte sur deux
écueils : le déni et la surestimation de la différence liée à l'origine raciale réelle ou
supposée. Il est souvent difficile pour les acteurs économiques de comprendre et de
gérer la diversité culturelle. Pourtant, pour rendre possibles des dynamiques de
changement, il convient de faire tomber les tabous.
Le premier enjeu est donc d'ordre pédagogique. Il vise à montrer la réalité
des discriminations raciales dans le monde du travail, pour renforcer la prise de
conscience des acteurs de la politique de la ville, élus comme techniciens, associations comme interlocuteurs des employeurs. Mais l’objectif est aussi d’inscrire cette
réalité dans le contexte territorial, économique et social, où foisonnent les interrelations entre les phénomènes et les acteurs. À ce prix, tout en introduisant la
complexité de ces phénomènes, nous offrirons de nombreuses clés aux dynamiques
de changement.
L’élaboration de plans d’actions contre la discrimination nécessite une bonne
connaissance des enjeux et une appropriation des méthodes. Et cela, de la part de
tous les acteurs : ceux de la politique de la ville et ceux du marché du travail…
Pour améliorer la capacité d’implication de ces acteurs, la DIV, le FAS, la
DPM et la DGEFP accompagnent la diffusion de ce guide d’actions de sensibilisation des élus, des responsables publics et privés, des équipes MOUS, des associations, des ALE, des DDTEFP, des PLIE, des ML/PAIO, des organismes de formation,
des syndicats patronaux et salariés…
Cette démarche sera complétée par un programme expérimental de formation sur plusieurs sites dans quelques régions.
Le choix des territoires, le cahier des charges des formations, la capitalisation et le transfert de la démarche seront pilotés au niveau national par la DIV, le
FAS, la DPM et la DGEFP. Au besoin, ceux-ci s’adjoindront les compétences d’autres
partenaires.
Le second enjeu est ici de capitaliser les expériences existantes et de les diffuser pour
les rendre accessibles à des acteurs qui travaillent encore peu ensemble : les structures publiques, les associations et les opérateurs du marché du travail, mais aussi
les acteurs urbains, sociaux et économiques.
16
LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL
1.2.2. Méthode d'élaboration et contenu
La démarche d'élaboration du guide a été la suivante :
● Identification préalable par les commanditaires de 13 expériences marquantes en
France de lutte contre les discriminations à l'emploi, sur des sites en contrat de ville.
● Réalisation de monographies de ces expériences par Économie et Humanisme et
LASAIRE, puis validation avec les commanditaires (fiches d'expérience).
● Rédaction de cinq “dossiers méthode”, à partir de l'ensemble des matériaux
collectés, pour faciliter la conception et la mise en place de plans de lutte contre les
discriminations
LE GUIDE CONTIENT
VOLUME 1
DES REPÈRES
Pour appréhender la question des discriminations, en comprendre les enjeux
et les mécanismes au niveau territorial sur le marché du travail.
DES EXPÉRIENCES
Treize monographies induisant des pistes de travail et d'enseignement
sur des actions concrètes de lutte contre les discriminations.
VOLUME 2
DES MÉTHODES
Cinq dossiers méthodologiques et supports de formation pour agir et construire
des réponses adaptées pour lutter contre les discriminations.
DES SOURCES
Répertoire des dispositifs, contacts et lectures utiles sur le terrain.
VOLUME 1 - 2000 -
17
DES EXPÉRIENCES
[
2.1. L'émergence
de pratiques locales
]
2.1.1. Les expériences sélectionnées
À l'occasion de la réalisation de ce guide, les commanditaires ont repéré treize
expériences efficaces. Toutes attestent des formes émergentes de lutte contre les
discriminations raciales sur le marché du travail. Elles ne constituent pas des
modèles, ni des références idéales. Elles rendent compte et analysent des initiatives
de terrain, dans leurs spécificités, leurs forces et faiblesses. Différentes méthodes de
diagnostic et de mobilisation des acteurs y trouvent une illustration concrète.
L’analyse de ces treize expériences a porté sur leurs conditions de création et de
mise en œuvre, leurs objectifs, leur démarche ou méthodologie, et leurs résultats.
Elle permet de dégager des enseignements transférables dans le cadre des contrats
de ville. Les fiches indiquent les contacts essentiels pour en savoir plus et introduisent les cinq dossiers méthode (volume 2) :
- la conduite de diagnostics territoriaux des discriminations dans l'emploi ;
- les méthodes d'accompagnement à l'emploi des personnes en risque de discrimination;
- la mobilisation des intermédiaires du marché du travail ;
- la mobilisation des employeurs et de leurs partenaires ;
- la mobilisation du territoire dans un plan de lutte contre les discriminations sur
le marché du travail.
2.1.2. Des initiatives diverses, ouvertes…
mais peu fédérées
Les expériences décrites au long de ces treize fiches s’appuient sur quatre leviers
principaux qui peuvent agir sur des données entrecroisées :
• La volonté publique d'intégrer les populations immigrées sur les territoires de la
politique de la ville. Elle est soutenue par les délégations régionales du FAS et par
certains acteurs de l'insertion et de l'intégration (PLIE, associations impliquées dans
l'accompagnement à l'emploi ou l'intégration). Voir les fiches 2, 3, 4, 9, 11.
• Les difficultés pour faire accéder ce public à l'emploi rencontrées par plusieurs
agences locales pour l'emploi, DDTEFP, comités de bassin d'emploi, missions
locales/PAIO et associations de suivi des jeunes. Voir les fiches 1, 5, 9, 12, 13.
• Les projets de développement d'activité, de service et de recherche de maind'œuvre de certaines entreprises privées et publiques dans des territoires à fort
VOLUME 1 - 2000 -
19
potentiel humain, mais cumulant des difficultés sociales particulières. Voir les fiches
4, 7, 8, 13.
• L'impulsion donnée par des partenaires sociaux et mouvements associatifs locaux
dans la mobilisation autour de l'accès à l'emploi. Voir les fiches 2, 4, 7, 9, 13.
Ces différentes actions naissent dans des contextes locaux particuliers. Mais leurs
enseignements sont souvent susceptibles d'être transférés vers d'autres territoires.
2.1.3. Une mobilisation touchant avant tout
les individus plus que les structures,
dans une logique d'accompagnement
L'accompagnement individuel et collectif à la formation, l'emploi et la création d'activités
des personnes d'origine étrangère est le mode principal d'action présenté (fiches 1,
2, 4, 5, 6, 7, 9, 10, 13). Vient ensuite la mobilisation des intermédiaires de l'emploi (fiches 1, 2, 7, 9, 11, 13) et la mobilisation des employeurs (fiches 1, 2, 6, 7,
8, 10, 13). Les démarches de diagnostic territorial plus global (fiches 3, 9) et de
mobilisation plus systématique des acteurs du territoire (fiches 1, 2, 9) sont bien plus
rares dans les exemples présentés.
De même, la quasi-totalité des actions concerne avant tout l'accompagnement à
l'emploi des jeunes (moins de 26 ans). Quelques actions marginales (fiches 2, 7)
s'adressent également à des salariés pouvant être victimes de discriminations dans
le déroulement de leur carrière en entreprise (maintien dans des emplois de faible
qualification, absence de promotion, licenciements).
Il apparaît que la mobilisation contre les discriminations émane encore aujourd’hui
plus de l'engagement de personnes que de celui des structures. Au-delà de ces treize
expériences, d'autres actions sont conduites, sans constituer une réponse globale et
concertée. À l’heure actuelle, les acteurs locaux n’ont pas tous intégré la volonté
politique et les orientations nationales structurantes de lutte contre les discriminations.
On verra que la question des discriminations raciales est rarement mise en avant.
Souvent, elle est même tue avec soin, notamment de la part des acteurs économiques. On préfère évoquer un objectif plus général et moins sensible de lutte contre
l'exclusion. Dès lors, il s'agit d'accompagner les "exclus" vers la société d’accueil,
beaucoup plus que de contrarier les mécanismes discriminants de cette société.
20
LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL
Tableau n° 1 : Treize expériences de terrain sur la lutte contre
les discriminations dans le marché de l'emploi
Mobilisation
du territoire
Mobilisation
des employeurs
Mobilisation
des intermédiaires
Accompagnement
vers l'emploi
Diagnostic
territorial
VOLUME 1 - 2000 -
21
[
2.2. Des expériences
]
Fiche 1
Parrainage, mission locale Est Lyon
Fiche 2
Mise en place d'accords d'entreprise sur la lutte
contre les discriminations raciales dans l'emploi, ASPECT
Fiche 3
Diagnostic territorial sur les discriminations,
Azerty ISCRA Montbéliard
Fiche 4
Soutien aux activités économiques des personnes issues
de l'immigration, comité de bassin d'emploi, Lille
Fiche 5
Club de jeunes diplômés issus de l'immigration MRH
Fiche 6
Accès aux stages en entreprise, France Télécom
Fiche 7
Aide au recrutement d'habitants locaux et formation
des cadres à la diversité culturelle, Continent
Fiche 8
Formation du personnel à la diversité culturelle, STAS
Fiche 9
Lutte contre les discriminations raciales dans l'accès
aux contrats d'apprentissage, ADEJ
Fiche 10
Aide au recrutement de personnes qualifiées d'origine immigrée
par un médialogue, RIVES LOIRE/MEDEF
Fiche 11
Formation "Marché du travail et discriminations", PLIE Louviers
Fiche 12
Clubs de jeunes diplômés issus des quartiers défavorisés, AFIJ
Fiche 13
Aide au recrutement par la méthode des habiletés, Leroy-Merlin
22
LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL
Fiche 1.
Parrainage mission locale Est lyonnais-CCI de Lyon
Résumé : La CCIL et les missions locales ont
entrepris de faciliter l'accès à l'emploi des
jeunes. La méthode? Un accompagnement
réalisé par des parrains bénévoles, chefs
d'entreprises et cadres du réseau de PMEPMI, ressortissants de la chambre consulaire.
Une méthodologie et des outils de suivi et de
régulation apportent leur appui au binôme
jeune-parrain. L'action menée a favorisé les
rencontres interculturelles. Cela a contribué à
modifier les perceptions que chacun des
acteurs avait de l'autre. Et donc à lutter
contre les discriminations raciales à l'emploi.
Et ce, sans que cet objectif soit affiché par les
partenaires !
I. ANALYSE DE L'ACTION
Origine
Plusieurs constats ont attiré l'attention des
missions locales sur les discriminations
raciales à l'emploi : durée d'accompagnement vers l'emploi plus longue pour les jeunes
d'origine étrangère, récits des jeunes
concernés révélant l’existence de pratiques
discriminatoires souvent confirmées par des
opérations de double appel réalisées par les
conseillers emploi-formation.
Parallèlement, la chambre de commerce et
d'industrie de Lyon souhaitait répondre aux
difficultés de recrutement des entreprises et
apporter son appui à des jeunes en difficulté
d'insertion professionnelle.
Dans le cadre du dispositif "Objectif
Profession", le conseil régional Rhône-Alpes
favorise le parrainage de jeunes éloignés de
l'emploi. Pour les publics issus de l'immigration, ces actions ont été soutenues par le FAS.
Une charte qualité Rhône-Alpes du parrainage sera d'ailleurs signée en juin 2000
entre l'État, la région et les opérateurs de
parrainage. Une action partenariale s'est
ainsi développée, entre les missions locales
de l'Est lyonnais et la CCIL, appuyée par son
réseau de PME-PMI. Des parrains bénévoles
issus du monde de l'entreprise accompagnent les jeunes pour leur faciliter l'accès à
l'emploi.
puyant sur sa mission de base : le service et
l’appui aux entreprises pour toutes les questions de gestion et de développement. Elle
cherche à offrir aux jeunes parrainés une
meilleure connaissance de l’entreprise et des
réalités du monde du travail. Les difficultés
propres aux jeunes d'origine étrangère ne
font pas l'objet d'un traitement particulier.
Les missions locales ont centré le parrainage
sur la création de passerelles entre les jeunes
et les entreprises. La démarche aspirait à
améliorer la connaissance réciproque de ces
deux mondes, à changer les représentations
de chacun : entreprise et jeune. La lutte
contre les discriminations raciales à l'emploi
apparaît comme un objectif essentiel de leur
action. Mais elle n'a jamais été affichée par
les missions locales dans leurs opérations de
parrainage financées par la région et par
l'État.
La plupart des jeunes positionnés sur les
actions de parrainage avaient déjà bénéficié
de préparations à la recherche active d'emploi. Toutefois des difficultés ont freiné leur
démarche. Ils sont notamment confrontés à
des attitudes discriminatoires liées à leur
origine ou à leur quartier de résidence.
Certains sont issus de familles en inactivité
professionnelle. Ils ne bénéficient donc pas
de réseaux efficaces en lien avec l'entreprise.
Les clés d'accès au monde du travail leur sont
inconnues… La prégnance des discriminations raciales à l'emploi a cependant conduit
à orienter les missions locales vers des
publics d'origine étrangère. Aujourd’hui,
ceux-ci représentent 80 % des jeunes
accueillis sur l'agglomération lyonnaise, et
55 % des jeunes parrainés en 1998. Les
jeunes parrainés sont relativement plus qualifiés : 60 % d'entre eux ont un niveau de
formation IV et plus.
En 1998, une centaine de jeunes ont bénéficié des parrainages menés avec les
missions locales de Bron-Décines-Meyzieu,
Vaulx-en-Velin et Vénissieux sur l'ensemble de
la zone de l'Est lyonnais. L'opération a été
reconduite en 1999 et en 2000.
Objectifs et publics
Démarche et méthodologie
La CCIL a développé cette action en s’ap-
En lien avec les missions locales, la chambre
VOLUME 1 - 2000 -
23
consulaire a élaboré les outils méthodologiques. Elle organise les réunions d’informations et de suivi pour les jeunes et les
parrains. Tout en animant ces rencontres, elle
veille à la mise en place du cadre. Enfin, elle
est attentive au respect des engagements
souscrits par chaque partie. Les missions
locales sont plus engagées dans la mobilisation du jeune en amont du parrainage, son
suivi au cours de l’opération. Elles participent
aux réunions de suivi et de formation.
Mobilisation des jeunes et des parrains
La CCIL mobilise ses réseaux de PME-PMI
pour identifier les parrains à travers des
contacts directs, le bulletin des associations
d'entreprises et le journal de la chambre. Le
positionnement de jeunes en recherche d'emploi par les missions locales s'effectue dans le
cadre d'un parcours et sur une base volontaire de la part du jeune.
Formation
Une journée de travail avec les jeunes et les
parrains est coanimée par la CCIL et une
psychologue. Cette intervenante est spécialisée en gestion des ressources humaines. La
journée permet de définir la relation de
parrainage, d'aborder l'accès à l'emploi des
jeunes, et de préciser les représentations
mentales de chacun…
Constitution du binôme jeune-parrain
La CCIL organise la mise en relation du
binôme. Elle entérine l’engagement de
chaque partie dans une convention signée
par le jeune, le parrain, la mission locale et
la CCIL. L'accord vaut pour une période de
quatre mois.
Un "manuel du parrain" et un "manuel du
filleul" sont remis à leurs destinataires respectifs.
Ces deux outils comprennent plusieurs volets :
• Une présentation du parrainage et des
engagements de chacune des parties.
• Une "fiche de présentation du filleul" (état
civil, parcours, projet professionnel, centres d'intérêt, qualités et défauts que le jeune se reconnaît…).
• Une fiche recense les attentes du jeune par
rapport au parrainage. Elle s'articule autour
de la "convention de parrainage" et d'un
programme de rencontres.
• Un "guide d'entretien" pour aider au
travail du parrain.
• Un "annuaire des parrains" pour favoriser
leur mise en réseau.
• Un “carnet d'adresses” pour le jeune.
• Des fiches invitant à faire le point de façon
méthodique.
24
• Un "carnet de bord du parrainage pour le
recueil des données concernant les actions
vécues par le jeune".
Accompagnement du travail des binômes
Les missions locales et la CCIL assurent un suivi
de chaque binôme. L'objectif est double :
réguler les problèmes qui peuvent émerger dans
la relation jeune-parrain; mobiliser les outils
nécessaires dans le parcours du jeune (ministages, réseau d'entreprises partenaires…). Des
représentants de l'entreprise animent des
ateliers thématiques. Ces séances collectives
réunissent les jeunes pour approfondir leur
connaissance de l'entreprise, des techniques
d'entretien, et de la gestion des ressources
humaines. Des réunions rassemblent également
les parrains pour aider à leur compréhension du
comportement des jeunes. Enfin, deux tables
rondes réunissent jeunes et parrains sur deux
thèmes : “accéder à un emploi sans expérience
professionnelle” et “réussite de l’entretien de
recrutement : les pratiques”.
Des temps de bilan
Des bilans réguliers sont réalisés entre les
opérateurs de la CCIL et les missions locales.
Un "pot de clôture" réunit les différents
acteurs de l'opération. C'est l'occasion de
dresser un bilan final.
Résultats obtenus
En 1998, les situations des 100 jeunes
parrainés par les quatre missions locales se
répartissent ainsi :
CES
CDI et CDD > 6 mois
CDD < 6 mois
Contrats qualification
Formation
Recherche emploi
Emplois jeunes
10
22
11
10
10
19
6
%
%
%
%
%
%
%
Pour le jeune, le parrainage facilite la découverte de l’entreprise, de ses dirigeants, des
recruteurs. Il offre un premier accès aux
codes et aux représentations qui gouvernent
le monde du travail. En modifiant les représentations du jeune, le parrainage lui permet
d’ajuster sa stratégie de recherche d’emploi.
Il apprend aussi à traduire ses compétences
en termes pertinents pour le recruteur et à
cibler l’argumentaire développé en entretien.
L’écoute, l’intérêt que leur accordent les
parrains valorisent les jeunes, leurs
ressources, leurs potentiels, qu’eux-mêmes
ont du mal à apprécier. Même dans les cas
LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL
où l'opération ne comble pas leur désir
initial, les jeunes gagnent en confiance, en
maturité. Ils acquièrent une plus grande
capacité à communiquer et à parler d'euxmêmes.
Enfin, ce type d'action concourt à endiguer
les discriminations raciales à l'emploi. Des
rencontres interculturelles personnalisées
permettent de transformer les représentations
en sortant des a priori sur les jeunes d'origine
étrangère comme sur les entreprises.
II. ENSEIGNEMENTS DE L’ACTION
L'alliance entre un réseau de structures en
contact avec les jeunes et des réseaux d'entreprises apparaît comme un enjeu fort pour
les prochains contrats de ville. Cette collaboration doit cependant s'appuyer sur des
objectifs partagés par l'ensemble des partenaires. Deux approches sont envisageables :
une action orientée contre les discriminations
raciales à l'emploi; une démarche pragmatique centrée sur une rationalisation du recrutement des entreprises grâce à une meilleure
connaissance des jeunes, notamment ceux
qui sont issus de l'immigration.
Contacts
Odile Gailleton, responsable
de l'antenne Sud-Est de la CCIL,
chargée des actions de parrainage.
Antenne Sud-Est
4, avenue du 24-août-1944
69960 Corbas
Tél. : 0472901013
Fax : 0472514543
e-mail : [email protected]
Bernadette Epal, coordination
des actions de parrainage
pour les quatre missions
locales de l'Est lyonnais
Mission locale Rhône Sud-Est
Place du Pentacle,
BP 84, 69192 Saint-Fons cedex
Tél. : 0472893999
Fax : 0478675959
e-mail : [email protected]
Les outils et la méthodologie mis en œuvre
dans le cadre de cette action sont transposables. Il suffit d'adapter l'ingénierie aux
publics visés. Il s'agit notamment d'identifier
un accompagnement spécifique permettant
aux publics les moins qualifiés d'accéder à
ce type de dispositif. C'est, par exemple, ce
que propose le dispositif TRACE. On note, en
effet, une faible représentation des jeunes de
niveau inférieur à V. Les parrains hésitent à
prendre en charge ce type de jeune, qui
nécessite un accompagnement plus long,
plus difficile, et réclame parfois des compétences spécifiques et une plus grande disponibilité. Les jeunes peu qualifiés hésitent
eux-mêmes à s'engager dans une relation de
parrainage, parfois mal comprise, et vécue
comme un délai supplémentaire sur le chemin
de l'emploi. Un effort pédagogique important devra être mené auprès des jeunes et de
leurs familles. Sinon le parrainage risque de
s'épuiser faute de jeunes à parrainer… Par le
biais des contrats de ville, la mobilisation des
équipements de proximité (centres sociaux,
maisons des jeunes) pourrait promouvoir le
parrainage auprès des jeunes et des familles.
Ce type d'accompagnement personnalisé
mérite de susciter un intérêt élargi !
VOLUME 1 - 2000 -
25
Fiche 2.
ISM CORUM-projet ASPECT
Mise en place d’accords d’entreprises
sur la lutte contre les discriminations raciales
Résumé : ASPECT (Action spécifique pour
l’égalité des chances au travail) est une
action expérimentale conduite actuellement
en Rhône-Alpes sur quatre sites. L'objectif est
d’instaurer un débat sur la lutte contre les
discriminations raciales dans le monde du
travail. En mobilisant les partenaires sociaux,
les acteurs de l’emploi et les collectivités territoriales sur cette question, l'opération doit
permettre la signature d’accords sur l’égalité
de traitement dans les entreprises. ASPECT
entend agir au cœur de l’entreprise. Sa
démarche participative implique, bien sûr,
les partenaires sociaux. Mais, au-delà, cet
effort de sensibilisation concerne l’ensemble
des acteurs économiques, publics, politiques,
ainsi que les intermédiaires de l’emploi.
I. ANALYSE DE L’ACTION
ASPECT émane du ministère de l’Emploi et
de la Solidarité ainsi que du FAS. Le projet
est porté par ISM RA Corum. Cette structure
d’étude, d’ingénierie et de communication
interculturelle est basée à Lyon. Le pilotage
d'ASPECT est assuré par quatre types d’instances :
- un comité de suivi national,
présidé par le directeur de la DPM, regroupant le FAS, l’ANPE, la DGEFP, la DRT, la
DIIJ, la Mission FSE et la DIV ;
- un comité de suivi régional,
présidé par le préfet et composé des représentants régionaux des services de l’État, qui
s’est révélé difficile à activer ;
- un groupe opérationnel régional,
qui oriente l’action, composé des partenaires
sociaux (syndicats d’employeurs et de salariés) de la région Rhône-Alpes avec la participation de personnes et structures-ressources ;
- un conseil scientifique, constitué de
chercheurs indépendants travaillant sur l’égalité des chances.
L’équipe opérationnelle d’ASPECT est
composée de 4 chargés de mission, salariés
d’ISM, répartis sur 4 territoires : Rhône-Pluriel
(Vienne-Givors), agglomération grenobloise,
région stéphanoise et Sud-Est lyonnais. Une
assistante de projet, basée à ISM, complète
le dispositif.
Origine de l’action
L’étude sur le racisme au travail menée par la
CFDT et le laboratoire CADIS (voir encadré)
a éveillé un intérêt certain. En outre, ce
problème fait l'objet d'une prise de
conscience accrue. Dans ce contexte, un
groupe de travail national s’est constitué de
manière informelle afin d’élaborer un projet
pour combattre les discriminations raciales
sur le marché du travail. Des représentants
de la DPM, du FAS, de la DGEFP, de la DRT,
de l’ANPE, de la DIJ, de l’ADRI et de
LASAIRE ont participé à ce groupe aux côtés
de Philippe Bataille (sociologue) et de
François Sroczynski, auteur de la proposition
initiale. Le projet ASPECT est né d’une
première réflexion de ce groupe. Puis il s’est
concrétisé et développé avec ISM CORUM,
qui a accepté de lancer cette action et de la
porter en Rhône-Alpes.
Pendant quatre ans, la CFDT, en partenariat avec le laboratoire CADIS dirigé par
Michel Wieworka, a conduit une
recherche-action sur le racisme dans l’entreprise. Les résultats en ont été restitués
dans l’ouvrage de Philippe Bataille, “Le
Racisme au travail” (éditions de la
Découverte). Cette étude-action a consisté
en une exploration qualitative, menée
dans des entreprises d'Alsace, RhôneAlpes, Ile-de-France, Provence-Alpes-Côte
d’Azur et Languedoc-Roussillon 1. Elle s’est
appuyée de manière systématique sur les
militants syndicaux qui ont contribué à
f a i re évoluer des situations jusque-là
bloquées dans les entreprises. L’affichage
clair de leur engagement dans la lutte
contre les discriminations raciales, leur
rôle d’information et d’aiguillon auprès de
leurs employeurs et des autres salariés sont
apparus comme un mode d’action à la fois
efficace et bien accepté par les partenaires concernés.
Le projet ASPECT a puisé une légitimité
accrue dans plusieurs textes fondamentaux
1
Les objectifs de cette étude-action étaient les suivants : comprendre les formes de manifestation du racisme, sa provenance, les vecteurs de
sa transmission, ses conséquences, mais aussi comprendre comment les différentes composantes de l’entreprise, tous niveaux hiérarchiques
confondus, employeurs et syndicats, réagissaient face à ces questions.
26
LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL
signés par les partenaires sociaux au niveau
européen puis national 1.
Objectifs et publics visés
La finalité du projet ASPECT est la promotion
de l’égalité de traitement dans l’entreprise
afin que chacun, à compétences égales, ait
les mêmes chances en matière d’emploi, de
maintien au travail, d’évolution professionnelle ou d’accès à la formation. Il s’agit de
permettre l’application du principe d’égalité,
sans discrimination positive. L’objectif opérationnel poursuivi est la signature d’accords
sur l’égalité de traitement dans les entreprises, afin de créer une référence contractuelle forte dans chaque entreprise et de
permettre aux partenaires sociaux de jouer
leur rôle.
Pour cela, ASPECT cherche à ouvrir un débat
sur la discrimination raciale et à mobiliser les
partenaires sociaux, les acteurs de l’emploi
et les collectivités locales. En effet, la discrimination concerne toutes les composantes de
l’entreprise et se joue à l’échelle du territoire.
Ainsi, le projet concerne l’entreprise dans
son ensemble. Il implique aussi bien l'employeur que les salariés.
Démarche et méthodologie
ASPECT part du principe que la discrimination concerne toutes les composantes de l’entreprise. Donc, seule une action concertée
autorisera la mise en place d’actions de
prévention sur les lieux de travail.
La méthodologie d’intervention d’ASPECT
s’est construite de manière empirique. La
démarche a concilié recherche et action.
Dans un premier temps a été conduit un
travail de sensibilisation et de mobilisation
des partenaires sociaux en Rhône-Alpes. Et
ce, dans un contexte politique régional difficile! Cette première action s’est étalée sur
plusieurs mois. Elle a débouché sur la constitution d’un groupe de pilotage régional.
Cette structure rassemblait des représentants
des partenaires sociaux, de la DRTEFP, du
FAS, de la DRANPE et de missions locales.
Afin de travailler au cœur de l’entreprise,
ASPECT pouvait disposer de deux clés d’entrées principales : le syndicat et l’employeur.
Or, les organisations syndicales et patronales
sont présentes à deux niveaux : dans leurs
structures et sur le lieu de travail. Pour que
leur engagement sur le lieu de travail ait le
maximum de chances d’aboutir, il était indispensable qu’il soit soutenu par le niveau
régional interprofessionnel. L’entente préalable avec ces organisations s’est concrétisée
le 24 juin 1999. Ce jour-là les partenaires
sociaux en Rhône-Alpes ont signé une déclaration commune. Le texte engageait les trois
organisations syndicales patronales :
CGPME, MEDEF et UPA, ainsi que les cinq
organisations syndicales de salariés : la
CFDT, la CFE-CGT, la CFTC, la CGT et FO.
Dans un second temps, des pôles de proximité ont été mis en place sur quatre territoires
de Rhône-Alpes 2.
Animé par un chargé de mission, chaque
pôle de proximité devait procéder en
premier lieu à un diagnostic territorial.
Objectif : identifier des leviers d’actions et les
personnes ressources, notamment dans les
secteurs difficiles à pénétrer. Il s’agissait
donc de constituer un réseau local ASPECT,
rassemblant l’ensemble des partenaires
locaux concernés par la démarche : collectivités locales, administrations et services
publics présents sur ce territoire, organisations départementales ou locales émanant
des partenaires sociaux, clubs d’entreprises,
p a rt e n a i res
consulaires,
entreprises
publiques… Ce réseau devait permettre de
pénétrer plus facilement les entreprises.
Plusieurs axes de travail ont été développés
par la suite. Ils sont liés à la mobilisation de
trois catégories d’acteurs sur le territoire. La
première (les entreprises) est celle que vise
ASPECT. Les deux autres constituent des intermédiaires possibles et des "facilitateurs" :
intermédiaires de l’emploi, acteurs politiques, économiques et sociaux.
Les entreprises 3
L’objectif est la signature d’un accord dans
les entreprises sur l’égalité de traitement et la
non-discrimination.
La nécessaire neutralité d’ASPECT implique
de travailler avec les dirigeants et les salariés
de l’entreprise, et aussi d'envisager l’ensemble des sensibilités syndicales. Dans
chaque établissement, la clé d’entrée peut
La déclaration de Florence, signée en 1995 par l’UNICE, le CEEP et la CES; la déclaration de Grenelle sur les discriminations raciales dans
le monde du travail, adoptée par l’État et les partenaires sociaux le 11mai 1999.
2
Vienne-Givors et Grenoble étant les pôles les plus anciens, leur étude a été privilégiée dans cette fiche.
3
Les entreprises sont ici entendues comme l’ensemble des structures employant des salariés, qu’elles aient un statut privé (SA, SARL…), public
ou associatif.
1
VOLUME 1 - 2000 -
27
être syndicale ou patronale, selon la
personne ressource identifiée en amont avec
le réseau local.
diagnostic sur les discriminations raciales est
en cours, des formations d’acteurs syndicaux
ont déjà eu lieu (élus CE et CHSCT).
Les partenaires sociaux
Du côté des employeurs, la déclaration
commune régionale ainsi que ses déclinaisons départementales permettent de toucher
des responsables d’entreprises membres des
organisations signataires. Pour toucher
d’autres types d’entreprises, d’autres réseaux
sont sollicités : les réseaux de parrainage, les
clubs et les associations d’entreprises, la
Jeune Chambre économique, la CCI, les
associations de développement local… Il est
intéressant de souligner le rôle des collectivités locales dans l'accès aux petites entreprises, d'où l’acteur syndical est souvent
absent. Leur fonction de développeur, d’aménageur du territoire, mais aussi de client
auprès des entreprises les prédestine à
devenir des alliés objectifs d’ASPECT.
Du côté des organisations syndicales et des
représentants des salariés, ASPECT propose
une démarche de sensibilisation des
instances de représentations du personnel
(CE, CHSCT, Délégués du personnel) et de
leurs élus.
Le CE ou CHSCT peut être l’interlocuteur
sollicité dans l’entreprise. Mais les sections
syndicales sont parfois privilégiées.
La clé d’entrée avec les CHSCT a parfois été
la question des accidents du travail. En effet,
les statistiques internes des entreprises révèlent très souvent que les personnes d’origine
étrangère sont plus fréquemment victimes
d’accidents du travail que les Français d’origine. Or, ce problème relève de la compétence du CHSCT.
La signature d’un accord peut se faire par
étapes. Par exemple, un protocole d’accord
entre l’employeur et les représentants des
salariés ouvrira le débat sur ce sujet. On
entreprendra alors de rechercher ensemble
des solutions.
Dans cette perspective, ASPECT lance une
réflexion, ouvre un débat au sein de l’entreprise, et noue un dialogue entre les partenaires.
Le syndicat de branche est parfois sollicité. Il
permet de démultiplier les effets d’une
réflexion et d’une négociation. Ainsi, à
Grenoble, un travail est mené avec le
syndicat de la chimie-énergie et quatre entreprises tests. Pour le moment, ASPECT conduit
l’action avec les responsables du syndicat.
Mais, par la suite, le syndicat professionnel
prendra la relève auprès de ses membres. Il
pourra aussi ouvrir la branche au niveau
patronal.
Afin de promouvoir la non-discrimination,
ASPECT cherche à utiliser tous les espaces du
dialogue social dans les entreprises. Ainsi,
ASPECT s'efforce de faire inscrire cette question dans les espaces de négociation en
cours. Par exemple, la négociation sur les
35 heures…
Dans cet objectif d’ouverture du débat, la
formation des acteurs peut être un appui intéressant : si le développement d’outils de
28
Les intermédiaires de l’emploi,
les acteurs politiques, économiques
et sociaux du territoire
La méthode participative et territorialisée permet
de construire un référentiel commun entre différents acteurs concernés par le sujet sur un territoire et d'instaurer une sorte de protocole de
repérage et de prévention des discriminations
raciales à l’emploi, dont ces acteurs pourront
garantir l’application et la pérennité.
• La mobilisation des agents du SPE et des
autres intermédiaires de l’emploi, leur formation en lien avec l’ANPE régionale peut les
aider à réagir face aux phénomènes discriminatoires.
Sur Vienne, ASPECT anime un groupe de
travail informel qui rassemble des entreprises
d’insertion, des associations intermédiaires,
des représentants d’ALE, des missions
locales, des PLIE, un GEIQ. Le premier travail
de ce groupe a consisté à recenser les discriminations raciales dans leur activité et à
analyser les pratiques développées par
rapport à ce problème. Dans un second
temps, des pistes de travail ont été élaborées.
À Grenoble, une démarche collective est en
cours de réflexion avec les intermédiaires de
l’emploi. Il s’agirait d’appréhender les
problèmes de discriminations raciales
(comme la réception d’offres discriminatoires)
en faisant intervenir le réseau (le MEDEF si
l’entreprise en est membre, des OS signataires de la déclaration commune si elles sont
présentes dans l’entreprise). En d’autres
LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL
termes, cela revient à identifier les partenaires susceptibles d’intervenir de manière
convergente auprès de l’entreprise.
• L’articulation entre la lutte contre les discriminations raciales et le développement
économique du territoire est recherchée.
Cette question doit devenir incontournable. Il
convient de l'aborder sur l’ensemble du territoire et de la prendre en compte dans toutes
les réalités économiques.
Sur Rhône-Pluriel (Vienne-Givors), le contrat
global de développement 1 est utilisé afin que
la question des discriminations soit intégrée
dans l’ensemble des volets du contrat.
ASPECT souhaiterait obtenir également un
engagement des élus de Rhône-Pluriel sur la
question de la lutte contre les discriminations
raciales. Dans un premier temps, l’objectif
visé serait l’inscription de ce sujet à l’ordre du
jour des instances de Rhône-Pluriel.
• Les relations avec les CODAC sont développées. Notamment avec l’inscription
d’ASPECT dans leurs programmes de travail
et la participation d’ASPECT à la concrétisation des travaux de ces commissions.
• Les collectivités locales sont fortement associées et sont appelées à montrer l’exemple.
En particulier en tant qu’employeurs.
Le projet est financé sur des crédits nationaux
et européens, par le biais du FAS, de la DIIJ,
de la DIV, de la DGEFP, de la DPM et de la
DG V (Commission européenne) et du FSE.
Coût total : 4,7 MF sur deux ans et demi.
Liens avec la politique de la ville
Les chargés de mission d’ASPECT ont développé des relations avec les collectivités
locales. En tant qu’organes politiques et en
tant qu'employeurs, celles-ci peuvent susciter
et fédérer des initiatives de lutte contre les
discriminations.
En outre, l’inscription de la lutte contre les
discriminations dans les contrats de ville
constitue un excellent relais pour la mobilisation des élus et pour la pérennisation de la
démarche ASPECT sur certains territoires.
Sur Rhône-Pluriel (Vienne-Givors), ASPECT a
contribué à mettre en œuvre deux contrats de
ville : à Givors-Grigny et dans le district de
Vienne. À Grenoble, une perspective de
travail se dessine dans les fiches thématiques
1
du contrat d’agglomération. ASPECT pourrait
s’y inscrire.
Pour les opérateurs des contrats de ville,
ASPECT permet d’apporter au projet une
dimension d'entreprise. Il joue le rôle d’intermédiaire entre le secteur public (collectivités)
et le privé (entreprises), la relation étant
parfois difficile à établir en direct.
Résultats et perspectives
• Une déclaration commune des partenaires
sociaux a été signée au niveau de la région
Rhône-Alpes puis dans les départements de
l’Isère et de la Loire.
• Sur l’agglomération grenobloise, des chantiers sont ouverts dans 40 entreprises. Cela
concerne aussi bien des entreprises “classiques”, que des collectivités locales ou des
organismes parapublics en tant qu’employeurs.
• Un accord d’entreprise sur l’égalité de traitement a été signé dans la Drôme.
• Plusieurs communes de l’Isère ont délibéré
sur la non-discrimination raciale. Les comptes
rendus de ces débats ont été diffusés auprès
des entreprises locales. En outre, plusieurs
municipalités ont entamé une négociation
interne sur le sujet.
• Des territoires et leurs principaux acteurs
sont sensibilisés et mobilisés. Le débat est
ouvert. Et la lutte contre les discriminations
raciales fait de plus en plus l’objet
d’échanges et de négociations.
• Les partenaires sociaux de la région se sont
saisis du problème. Impliqués, ils se sentent
désormais acteurs du projet.
• Les CODAC des différents territoires se sont
mobilisés avec ASPECT. Elles concourent au
développement de l’action.
La pérennisation de la démarche fait l'objet
d'une réflexion. En effet, ASPECT se situe
dans la dernière année d’expérimentation.
Pour le porteur de projet, cette question se
pose en termes de poursuite de la dynamique
régionale née d'ASPECT. Une évaluation à
dimension participative va être organisée par
la DPM et le FAS. Il s’agira de repérer les
éléments du projet qu'il sera opportun
d'étendre et de reconduire. Sur les sites existants, la pérennisation sera sans doute envisagée de différentes manières suivant les
territoires. Pour ISM et les partenaires
sociaux mobilisés, l’important est de maintenir un outil régional de lutte contre les
Outil de développement local de la région Rhône-Alpes.
VOLUME 1 - 2000 -
29
discriminations sur le marché du travail. Un
pilotage direct de cet outil par les partenaires
sociaux pourrait d’ailleurs être
envisagé.
II. ENSEIGNEMENTS DE L’ACTION
En France, ASPECT représente une des rares
opérations de lutte contre les discriminations
raciales agissant de manière collective et
concertée au sein de l’entreprise et à l’échelle
régionale. Les quatre territoires mobilisés
recueillent les premiers fruits de leur travail.
Toutefois, les acquis se déclinent plus en
termes de perspectives qu’en termes de résultats opérationnels - plusieurs chantiers
ouverts, mais un seul accord sur l’égalité de
traitement signé. Le manque d’engagements
des entreprises nuit à la crédibilité du projet
auprès de ses principaux partenaires. Et ce,
même si d’aucuns reconnaissent qu'il est dur
d'obtenir des changements durables dans les
entreprises par la négociation. Agir sur les
mentalités, inverser les habitudes, transformer
les pratiques… Tout cela réclame un temps de
maturation. Enfin, les difficultés globales de
mobilisation des partenaires institutionnels
(notamment l’État au niveau régional) et la
fragilité des financements freinent le développement du projet.
Contacts
Christian Arnaud,
directeur d’ISM CORUM,
ou Murielle Annequin, assistante au projet
Tél. : 0472847896
Fax : 0478622400
Pôles :
Rhône-Pluriel
Geneviève Wilson
Tél. : 0437020678.
Fax : 0437020679
Agglomération grenobloise
François Sroczynski
Tél./fax : 0476294364
Région stéphanoise
Sandrine Marcon-Berthe
Tél. : 0477937832
Fax : 0477937818
Sud-Est Lyonnais
Isabelle Piot
Tél. : 0472231343
Fax : 0478200511
Des résultats tangibles peuvent être cependant constatés : la sensibilisation des acteurs
en Rhône-Alpes produit des effets sur les territoires.
L’intervention au cœur de l’entreprise s’inscrit
dans une action plus globale auprès des
partenaires naturels de celle-ci : les intermédiaires du marché du travail, les administrations du travail, les communes, les acteurs du
territoire… Elle élargit la prise de conscience
du problème. Et elle garantit un impact réel et
durable des actions mises en œuvre.
Toutefois, le processus engagé réclame du
temps et passe par quelques complications
méthodologiques.
Le groupe opérationnel régional mériterait
sans doute d’être déconcentré sur les pôles
d’intervention afin de jouer un rôle plus actif
en aidant à résoudre des problèmes concrets
auprès des entreprises.
Le projet est étudié par d’autres régions qui
seraient intéressées par sa mise en œuvre sur
leurs territoires. L’évaluation arrive au bon
moment pour permettre la formalisation d’une
démarche. Mais elle risque de pâtir d'un
manque de résultats concrets à analyser.
30
LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL
Voir aussi :
Contrat de ville
de Givors-Grigny
La lutte contre les discriminations à
l’embauche est citée dans la thématique “emploi et insertion”. Il y est
proposé de développer des actions
de lutte contre les discriminations
raciales pour l’accès à l’emploi. Et il
y est fait référence à la mise en
place d’une cellule ASPECT.
Contrat de ville
de l’agglomération de Vienne
Le contrat-cadre précise que l’intégration et la lutte contre toutes les
formes de discriminations constituent un axe fort, qui doit se
décliner dans tous les volets du
contrat de ville. En lien avec la
CODAC, “un approfondissement
du travail entrepris en faveur de l’intégration des personnes d’origine
étrangère” doit être réalisé. Il se
concentrera sur les discriminations
à l’emploi, exploitant le travail
d'ASPECT. L’acquisition de la
langue française et la lutte contre
l’illettrisme sont citées comme des
objectifs d’action pour le développement économique des quartiers.
Contrat de ville de
l’agglomération de Grenoble
Le projet de contrat d'agglomération cite l'accès à l'emploi comme
un des quatre enjeux essentiels de
l'intégration des populations issues
de l'immigration.
Le principe d’intégration et de lutte
contre les discriminations est
proclamé comme un axe transversal
à toutes les thématiques ; un
processus d’évaluation est envisagé.
Dans
la
convention
“Économie, emploi et insertion”, les
cosignataires s’engagent à lutter
avec fermeté et constance contre les
discriminations dans l’accès à l’emploi, en lien étroit avec la commission d’accès à la citoyenneté.
Contrat de ville
de l’agglomération de Lyon
Le projet de contrat d'agglomération cite l'accès à l'emploi comme
un des quatre enjeux essentiels de
l'intégration des populations issues
de l'immigration. Il constate qu'"une
fraction de la population d'origine
étrangère, et en particulier chez les
jeunes, peut se heurter à des
pratiques et des comportements
discriminatoires en matière d'embauche, de logement et de loisirs".
Ainsi, "la lutte contre les phénomènes
de discrimination à l'embauche
constituera
une
préoccupation
majeure… Cela s'opérera en articulation avec les actions menées par le
programme ASPECT et par le service
public de l'emploi, avec pour objectif
de créer les conditions d'un égal
accès de l'emploi pour tous".
VOLUME 1 - 2000 -
31
Fiche 3.
Azerty Conseil-ISCRAcommunauté d’agglomération du pays de Montbéliard
Diagnostic territorial sur les discriminations
dans le cadre du contrat de ville d'une agglomération
Résumé : La communauté d’agglomération du
pays de Montbéliard s'est dotée de compétences relatives à l'intégration. Avec ses partenaires, elle a inscrit cet enjeu dans le contrat
de ville. Dans un bassin d'emploi à forte
présence de population d'origine étrangère, et
en transformation profonde de ses conditions
d'emploi, la question des discriminations se
pose de manière accrue. En lien avec l’État et
le FAS, la collectivité a engagé une étude des
formes et facteurs de discrimination dans
l'accès à l'entreprise publique comme privée
Le cabinet Azerty Conseil et l'organisme de
recherche ISCRA ont réalisé cette étude en
quatre étapes : une série d'entretiens avec les
acteurs socio-économiques ; des dispositifs
d’observation et de recueil d’informations mis
en place avec les acteurs locaux ; un
diagnostic des discriminations vécues par les
jeunes de l'école à l'entreprise; des recommandations
concrètes.
Inachevée
en
avril 2000, l'étude présente l'intérêt d'une
démarche de diagnostic global dans le cadre
d'un contrat de ville d'agglomération, dans un
bassin d'emploi à forte spécificité industrielle
et sociale.
I. ANALYSE DE L'ACTION
Origine
La communauté d’agglomération du pays de
Montbéliard regroupe 28 communes et
120000 habitants. Au dernier recensement,
14 % de la population était étrangère. Et les
jeunes Français d'origine étrangère par leurs
parents ou grands-parents représentent près
d'un jeune sur quatre. L'immigration a pour
principale origine l'appel à la main-d'œuvre
immigrée dans les années 50 par la Société
des automobiles Peugeot, qui reste l'employeur principal du bassin (plus de 40000
salariés en 1978, 18000 en 1998). La
population immigrée est jeune, principalement originaire du Maghreb et de la Turquie.
Les populations étrangères habitent à 65 %
en logement HLM. Elles connaissent un taux
de chômage en moyenne supérieur de
8 points au taux du bassin d'emploi (recensement de 1990).
La réduction considérable du nombre d'ouvriers de l'automobile sur Montbéliard a
d'abord touché les travailleurs immigrés
primo-arrivants. Mais des phénomènes de
discrimination à l'embauche sont aujourd'hui
également perceptibles vis-à-vis des jeunes
issus de l'immigration. L'Éducation nationale,
les organismes de formation et les structures
d'accueil des jeunes manifestent des difficultés croissantes pour trouver des stages en
entreprise pour ces jeunes.
Les tensions entre générations semblent se
renforcer au gré des difficultés de cohabitation perçues comme telles dans certains quartiers d'habitat social et dans les transports
publics. C'est ce que montre une étude sociologique récente 1.
"Le bus qui relie le quartier HLM de Grandval
au centre de Montbéliard est un observatoire
instructif des rapports entre générations dans
le quartier… (et) donne à voir le conflit de
voisinage et de valeurs qui oppose systématiquement les "jeunes" et les "vieux" (ici "jeunes
d'origine étrangère" et "vieux français” des
classes populaires)… À l'arrêt de bus de la
place commerciale, les jeunes du quartier se
chamaillent souvent, se bousculent pour entrer
les premiers, passer devant les autres. Une fois
dans le bus, les garçons se dirigent, le plus
souvent avec précipitation et bruyamment, vers
le fond du véhicule… Entre eux, ils se charrient
mutuellement, ne cessent de blaguer et de
plastronner, occupant théâtralement l'espace
qu'ils transforment en scène. Quand le niveau
sonore monte brusquement… des passagers
du devant se retournent en direction des
“perturbateurs” pour marquer par leur regard
leur désapprobation. En fait, très peu protestent ouvertement… Tout le monde semble s'être
résigné à ce type de comportements et a fini
par s'en accommoder…
La tension permanente… entre le groupe des
1
Stéphane Béaud, Michel Pialoux, “Retour sur la condition ouvrière”, enquête aux usines Peugeot de Sochaux-Montbéliard, Fayard,
novembre 1999.
32
LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL
anciens habitants du quartier… et celui des
"nouveaux" arrivés… ne trouve pas toujours à
s'exprimer par la parole, mais elle est très
sensible à travers les expressions et les regards
réprobateurs, les mimiques d'exaspération ou
d'agacement, les peurs visibles dans différents
mouvements de repli, les minuscules marques
de défiance face aux "enfants d'immigrés".
Objectifs et publics visés
La communauté d’agglomération, anciennement district urbain du pays de Montbéliard,
est une des rares structures intercommunales
à s'être dotée de compétences liées à la politique de la ville autant qu'à l'intégration. Les
enracinements de ces engagements sont à
trouver dans les sensibilités historiques et politiques, autant que dans la présence de l'immigration dès 1947. En 1992 naît un groupe
de réflexion sur l'intégration par la formation
du public migrant (région, service public de
l'emploi, FAS, district, mission locale, organismes de formation et associations à vocation sociale). Dés 1994, dans le cadre du
premier contrat de ville, une Charte pour l'intégration des populations issues de l'immigration dans le pays de Montbéliard est mise
en œuvre. Elle implique les différents partenaires publics autour de l'accès à l'école, au
logement, à l'emploi, ainsi qu'à la vie associative et culturelle.
Le projet de contrat de ville 2000-2006 érige
l'intégration au rang d'enjeu majeur dans le
pays de Montbéliard. Plus spécifiquement, il
fait de l'intégration des populations issues de
l'immigration un des deux axes transversaux
de la démarche. Dans ce domaine, les objectifs visent notamment à faciliter l'accès à l'emploi et à veiller aux éventuels phénomènes de
discrimination.
Démarche
Chevilles ouvrières de la réflexion, le service
intégration du district, le FAS et la préfecture
ont intégré progressivement la question des
discriminations dans leurs hypothèses.
Partant de la question de la formation, puis
de l'orientation et de l'accompagnement, ils
ont constaté que les pratiques discriminatoires sur Montbéliard étaient perceptibles,
mais complexes à révéler. Comment mesurer
de tels phénomènes, afin de susciter un réel
débat local? Soumise dans le cadre de
l'Année européenne contre le racisme, une
première note d'opportunité est déposée fin
1997. Hélas! elle n'aboutira pas! Cette
même année, le FAS appuie le développement d'une expérience de formation-accompagnement à la recherche d'emploi de
jeunes diplômés issus de l'immigration (projet
JEDI porté par la FRATE).
La question rebondit dans le cadre du
diagnostic préalable au lancement du
Contrat Local de Sécurité en 1998. Celui-ci
met en avant les phénomènes discriminatoires et propose un large volet d'actions
préventives.
Au titre du constat du CLS
• Les difficultés des jeunes, souvent d'origine
étrangère et en échec scolaire ou professionnel, qui ne trouvent pas leur place dans
la société actuelle et dont le comportement est
souvent mal perçu.
• Le chômage, la discrimination importante à
l'embauche (pour les populations d'origine
étrangère) aggravent la situation de ces
publics. Les risques d'actes provoquant l'insécurité sont augmentés d'autant.
Au titre des propositions
• Réduire les facteurs de dislocation sociale :
classes relais, projets "école ouverte".
• Favoriser l'accès à la formation et à l'emploi des publics jeunes par une politique de
préqualification, de qualification et d'insertion professionnelle.
• Développer la communication avec les
habitants au moyen de réunions de quartier,
d'actions avec les transporteurs et de structures d'accueil des jeunes.
À l'issue de la signature du contrat local de
sécurité, le sous-préfet et la communauté
d’agglomération ont souhaité lancer une
étude pour évaluer les problèmes de discrimination dans l'accès à l'entreprise et à la
formation.
L'étude est lancée début 2000 par la communauté d’agglomération. Elle vise à identifier
les formes et les facteurs de discrimination
dans l'accès à l'entreprise publique et privée.
Elle est centrée sur la population des jeunes
du pays de Montbéliard de 15 à 25 ans,
étrangers ou Français issus de l'immigration.
Le cahier des charges précise qu'elle ne doit
pas conduire à dénoncer tel ou tel type d'employeur, mais qu’elle doit associer les chefs
d'entreprises à la démarche. De même,
l'étude doit distinguer les discriminations liées
aux lieux d'habitat et celles qui reposent sur
des critères d’origine ethnique.
VOLUME 1 - 2000 -
33
Le comité de pilotage de l'étude regroupe la
communauté de communes, la sous-préfecture, la DDTEFP et l'ANPE, le FAS, la CAF, les
délégués de l'État dans les quartiers (à la
demande du sous-préfet), l'Éducation nationale, le MEDEF, la chambre de commerce, les
syndicats salariés et ADECCO. Le financement est porté également par la communauté
d'agglomération, le FAS et la préfecture pour
un budget total de 300000 F. Les prestataires
choisis sont Azerty Conseil et l'Institut social
et coopératif de recherche appliquée
(ISCRA).
direct avec le problème de la discrimination,
et notamment les opérateurs du marché du
travail. Si les faits discriminatoires sont avérés
sur le bassin d'emploi, un des enjeux sera
d'aider les acteurs d'emploi à en parler et à
formuler une réponse efficace. L'étude et les
débats qui s'ensuivront entre les partenaires
publics et économiques aideront les intermédiaires de l'emploi à changer de posture visà-vis des employeurs comme des demandeurs
d'emploi. Il importe de ne pas nier les discriminations, sans les survaloriser pour autant,
et de faciliter l'égalité d'accès aux offres
d'emploi et de formation…
Méthodologie
Résultats et perspectives
La discrimination résulte d'un système
complexe de faits, d'opinions et de perceptions. Et ce, au niveau de toute la société.
Seul l'engagement commun d'une grande
variété d'acteurs dans la réflexion et l'action
peut contribuer à endiguer ce phénomène.
Telles sont les deux convictions principales
des prestataires, mises en œuvre dans la
démarche engagée.
• Première étape : analyser le contexte local
du pays de Montbéliard et recueillir des
données quantitatives et qualitatives sur le
phénomène. Cela passe par une analyse des
données sociodémographiques et par des
entretiens, notamment avec des employeurs.
• Deuxième étape : observer les phénomènes
de discrimination autour de parcours de
jeunes, de l'école à l'entreprise. Cette étape
s’appuie notamment sur la mise en place de
dispositifs d’observation et de recueil d’informations avec les acteurs locaux au sein de
lycées, du CFA, de l'ANPE, de la mission
locale et d’organismes de formation ou d’insertion. L'étude tentera d'établir les parcours
d'accès à l'éducation et à l'emploi des jeunes
de manière longitudinale. Et elle s'efforcera
d'identifier les éventuels mécanismes discriminatoires qui apparaîtraient dans ces
parcours.
• Troisième étape : mener une enquête par
entretiens individuels et collectifs auprès des
jeunes (via les structures d'accueil). L'objectif
est d'analyser le point de vue des jeunes visà-vis de la discrimination et d'en appréhender les impacts.
• Les étapes finales d'analyse transversale,
de restitution et de recommandation doivent
permettre de diagnostiquer les discriminations et de définir un plan d'action.
Les résultats attendus devraient permettre de
développer un soutien aux acteurs en contact
34
Dans l'attente des résultats définitifs de cette
démarche (été 2000), trois questionnements
se dégagent…
• L'engagement politique commun des acteurs
publics reste fragile, autour d'un projet avant
tout impulsé par les techniciens et par l'État.
Assez consensuels, les engagements politiques relatifs à l'intégration dans le contrat
de ville sont explicites en termes d'actions
concrètes. En effet, la négociation se construit
autour d'un consensus par défaut. Elle est
paralysée par le refus de tout conflit entre les
partenaires. Le lancement d'une étudediagnostic cherchant à objectiver la question
de la discrimination répond aux attentes des
différentes sensibilités politiques en présence
parmi les élus. Chacun aspire à y voir plus
clair pour mieux se positionner. En période
d'échéance électorale, c'est dans l'affirmation de priorités d'action claires que les
clivages politiques vont sans doute se tendre,
au risque de mettre la dimension opérationnelle au second plan.
• Si elle reste modeste, l'implication des
entreprises dans cette étude est possible. Pour
l'instant, peu d'employeurs ont été touchés
par une démarche qui se veut pourtant mobilisatrice, au-delà du seul diagnostic. Mais,
dans un bassin d'emploi où la figure de
Peugeot est si dominatrice dans les représentations, les prémices d'ouverture au débat
entre "société civile" et entreprises sont
importants. D'ailleurs, les partenaires publics
sont les premiers surpris du bon accueil de la
plupart des employeurs contactés. Les prises
de rendez-vous et l'expression des interviewés semblent aisées sur un sujet réputé
délicat. C'est l'indice que le travail sur les
représentations de la discrimination doit sans
doute aller de pair avec l'ouverture de
LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL
l'image de l'entreprise, pas aussi fermée
qu'on peut l'imaginer.
• L'étude ouvre des possibilités de débat
entre les acteurs locaux. Dans la démarche
globale telle que la conduisent les intervenants, les échanges sont nombreux entre
partenaires. Cela augmentera la capacité
collective du bassin d'emploi à se représenter
la discrimination comme un phénomène
social. De fait, la démarche de Montbéliard
revient à susciter une prise de conscience
quant aux impacts des discriminations. Mais
elle ne saurait en mesurer l'ampleur précise !
L'étude doit permettre de comprendre de
quels processus sous-jacents se nourrissent les
discriminations, afin de faciliter un accord
sur le diagnostic autant qu'un engagement
global dans l'action concrète.
Les engagements historiques des partenaires
publics autour de la relation entre politique
de la ville et intégration sont certainement
parmi les éléments moteurs de la démarche.
À l'instar du contrat local de sécurité, les
contrats de ville successifs ont peu à peu
identifié, au-delà de l'objectif général d'intégration, les obstacles et les leviers utilisables
en matière de lutte contre les discriminations.
Peu à peu, on est passé d'une analyse thématique à une analyse transversale (de la formation, l'orientation, le logement à la relation
société-jeunes issus de l'immigration), et
d'une démarche d'accompagnement à une
démarche de transformation sociale en puissance (de l'appui aux populations dites
“fragiles” à une analyse critique des mécanismes de discrimination de la société).
Mais l'évolution du contexte économique et
social du bassin de Montbéliard est également favorable à une telle ouverture. Émergence d'un tissu d'entreprises au-delà de la
mono-industrie (même si cette émergence
reste toute relative), expression d'attentes
collectives autour du développement local et
du développement durable, de la qualité du
cadre de vie et du “vivre ensemble” dans le
creuset montbéliardais… L'approche non
stigmatisante choisie par les commanditaires
contribue à accentuer l'intérêt des
employeurs pour cette thématique.
II. ENSEIGNEMENTS DE L’ACTION
La démarche de diagnostic territorial sur les
discriminations peut s'appliquer à de
nombreux bassins d'emploi. Partout où la
question de la discrimination n'a pas encore
été débattue ! Les éléments déclencheurs
d'une telle démarche sont à réunir au moyen
d'un engagement politique conjoint de l'État
et de la collectivité. Il importe aussi de réunir
des connaissances admises par tous et le plus
objectives possible sur le phénomène. Dès le
départ, l'ouverture au dialogue devra être
affichée entre les différents partenaires
publics, économiques et associatifs.
Un tel diagnostic peut ainsi éviter une
certaine stigmatisation des opinions autour
de prétendus "victimes" et "coupables", désignés ou niés par beaucoup sans réelle
analyse de fond. Le diagnostic proposé par
Azerty et l'ISCRA permet d'analyser plus finement comment se construit ce processus de
désignation des phénomènes de discrimination, à travers la parole des acteurs et leur
propre positionnement vis-à-vis du sujet. On
peut espérer que la mobilisation des différents acteurs influents sur le marché local de
l'emploi en sera alors accentuée.
Certes, la lutte contre les discriminations est
inscrite dans les orientations du futur contrat
de ville. Mais l'articulation entre le plan de
lutte contre les discriminations qui sera issu
du diagnostic en cours et les dispositifs
opérationnels du contrat de ville et des dispositifs voisins (contrat local de sécurité…) se
révélera sans doute plus complexe, tant dans
sa conception que dans sa réalisation. Il
faudra passer d’une logique thématique à
une réelle approche transversale de la lutte
contre les discriminations. La réussite résidera dans la programmation et la mise en
œuvre d'actions du contrat de ville dont le
CLS constitue le volet "prévention de la
délinquance". En effet, son contenu fait la
part belle aux enjeux de la lutte contre les
discriminations.
Voir aussi :
Contrat de ville du pays
de Montbéliard
Parmi les objectifs transversaux cités dans le
document commun d'orientation : "l'intégration des populations issues de l'immigration,
par l'emploi notamment". La conventioncadre précise que "les engagements des
partenaires pour l'intégration des populations
issues de l'immigration ont plusieurs objectifs :
• Faciliter l'accès à l'emploi : il s'agira en
particulier de repérer et d'accompagner les
publics qui, ne maîtrisant pas ou peu la
langue française, connaissent des difficultés
d'accès aux dispositifs d'aide à l'emploi.
VOLUME 1 - 2000 -
35
• Lutter contre les discriminations dues à l'origine réelle ou supposée des personnes.
• Garantir l'égalité d'accès dans le droit à la
ville, en particulier en termes d'accès au logement des populations issues de l'immigration.
• Adapter les services pour en faciliter l'accès
si nécessaire, former les acteurs de l'intégration notamment pour les activités éducatives.
• Favoriser les échanges et les rencontres par
la promotion des personnes et cultures en
présence."
Pour l'État, à Montbéliard, les résultats essentiels doivent conduire à réduire l'écart entre le
taux de chômage des quartiers en politique de
la ville et le taux moyen du bassin. Cela
nécessitera sans doute de développer un outil
contractuel plus précis entre les acteurs
publics et les employeurs eux-mêmes, centré
sur l'égalité d'accès à l'emploi et à la formation. D'autre part, les chefs de projets de
maîtrise d'œuvre urbaine et sociale, implantés
dans le pays de Montbéliard sur l'échelle
communale, n'auront pas été impliqués dans
la démarche qui se cantonne au niveau intercommunal. Une articulation territoriale plus
efficace sera à trouver entre une problématique discriminatoire qui se manifeste à
l'échelle du bassin d'emploi, et des
programmes d'action qui sont beaucoup plus
souvent conduits à l'échelle de chaque
commune.
Contacts
Monsieur Jeanney, maire
de Grand-Charmont et vice-président
de la communauté de communes du pays
de Montbéliard, en charge de l'intégration
Mathieu Welcklen, directeur de la mission
intégration à la communauté de communes
du pays de Montbéliard
8, avenue des Alliés BP 98407
25208 Montbéliard cedex
Tél. : 0381318888
Web : www.agglo-montbeliard.fr
Fabrice Dhume, directeur d'études
Azerty Conseil
15, rue des Juifs
67000 Strasbourg
Tél. : 0388140851
Fax : 0388140900.
e-mail : [email protected]
Olivier Noël, chercheur, ISCRA
14, rue de la République
34000 Montpellier
Tél./fax : 0467926294.
e-mail : [email protected]
Chaque commune aura son propre
programme d'action. Mais il n'en existe pas
moins un volet intercommunal de la programmation du contrat de ville où figurent l'intégration, l'insertion par l'économique, le
logement d'insertion, la culture et la prévention de la délinquance. Certes, cela n'empêche pas les communes de mener leurs
p ro p res actions dans ces domaines.
Toutefois, la loi Chevènement sur l'intercommunalité alourdira le poids financier de la
communauté d'agglomération. Une coordination opérationnelle plus étroite devra être
ainsi développée sur le thème de la lutte
contre les discriminations entre communes et
communauté d'agglomération.
36
LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL
Fiche 4
Comité de bassin d’emploi de Lille
Soutien aux activités économiques des
personnes issues de l’immigration
Résumé : Le CBE de Lille a créé en son sein
une mission de “Soutien aux activités économiques des personnes issues de l’immigration”. Celle-ci emploie un permanent à temps
partiel. Objectif : mobiliser les personnes
issues de l’immigration et engendrer des
projets de création d’activité, en amont des
structures classiques d’accompagnement à la
création. En effet, le public visé profitait peu
des dispositifs traditionnels. Encore en phase
d’expérimentation, la mission cherche à
ancrer l’appui à la création d’activité comme
un véritable système sur le territoire.
I. ANALYSE DE L’ACTION
Le Comité de bassin d’emploi couvre un territoire comportant 101 communes situées
autour de Lille et regroupant 750000 habitants. Le CBE existe depuis 1982; son action
s’articule autour de 4 missions principales :
- hébergement des relais techniques territoriaux du conseil régional (mise en œuvre
d’une politique de formation professionnelle
centrée sur les jeunes et les adultes demandeurs d’emplois) ;
- mission d’appui aux PME-PMI dans leurs
projets complexes impliquant les ressources
humaines (dans le cadre d’un PIC-ADAPT) ;
- développement d'activités pour l’emploi des
jeunes (notamment programme “Nouveaux
Services, Emplois Jeunes”) ;
- mission “Soutien aux activités économiques
des personnes issues de l’immigration”.
Un comité de pilotage de cette dernière
mission regroupe le FAS, l’équipe locale
d’animation du dispositif NSEJ, le conseil
régional et la Caisse des dépôts au sein du
CBE.
Origine de l’action
Désigné par le préfet de région, le CBE
“pilote” le programme “Nouveaux Services”
sur son territoire depuis 1998. Une équipe
technique déploie un programme d’actions
qui permet de développer, professionnaliser
et pérenniser les nouvelles activités. Au début
du programme, les premiers projets émergeaient rapidement. Mais les responsables
du CBE se sont aperçus que certains territoires - les quartiers défavorisés - et certaines
populations - les jeunes issus de l’immigration
- en étaient peu bénéficiaires.
Au cours de la réflexion sur le projet, le
Comité de bassin d’emploi est amené à faire
les constats suivants :
- les structures existantes d’accompagnement
aux créateurs bénéficient très peu aux jeunes
issus de l’immigration, parce qu'elles sont
peu lisibles pour ce public ;
- ayant connu beaucoup d’échecs, le public
en question peine à se projeter sur ce genre
de perspectives.
Face à ces constats, une mission spécifique
est mise en place pour appuyer la création
d'activités par des jeunes des quartiers euxmêmes 1. Une action de mobilisation du
public sur la création d’activité est lancée. La
mise en place d’un processus d’accompagnement lié aux structures d’aide à la création apparaît comme une solution à explorer.
La mission “Soutien aux activités économiques des personnes issues de l’immigration” naît de ces réflexions. Elle résulte de
l’interaction entre une volonté politique forte
des élus du CBE et l’expérience (associative
et militante) du chargé de mission qui devait
par la suite être recruté. Ce dernier a en effet
largement contribué à l’élaboration du projet
de la mission.
Objectifs et publics visés
À l’origine, le public visé est celui des
personnes résidant dans les quartiers relevant
de la politique de la Ville, dont une grande
partie est issue de l’immigration. Les jeunes
font l’objet d'une attention particulière
(cf. origine de l’action), mais non exclusive.
Quatre objectifs sont définis dès le départ :
- créer et assurer un contact permanent avec
La parution de la circulaire conjointe Ministère de la Ville/Ministère de l’Emploi et de la Solidarité la même année, insistant sur la nécessité de créer des emplois jeunes dans les quartiers sensibles a contribué à cette mobilisation.
1
VOLUME 1 - 2000 -
37
les jeunes issus de l’immigration dans les
quartiers sensibles ;
- mieux accompagner les candidats créateurs ;
- faire émerger de nouveaux créateurs potentiels ;
- favoriser l’accès des jeunes issus de l’immigration aux emplois jeunes.
La mission se situe sur l’émergence de
projets. Elle ne porte pas sur l’accompagnement à la création. Celui-ci relève des structures spécialisées.
Le financement annuel se situe aux alentours
de 300000 F. Il est prévu sur une durée de
trois ans (jusqu’à mars 2002).
Démarche et méthodologie
L’action portée de la mission découle d’une
démarche pragmatique et empirique.
- La première intervention a consisté à entrer
en contact avec les jeunes visés et à les mobiliser. Le CBE a privilégié un premier contact
à partir des candidatures refusées à la mairie
de Lille pour des emplois jeunes. En effet,
6 000 candidatures avaient été reçues par la
Ville pour 400 postes effectifs. Le CBE a
estimé que, si ces jeunes s’étaient positionnés
sur des nouveaux services, certains seraient
sans doute intéressés par la création d’une
activité.
Un courrier a été adressé par la mission
locale de Lille à tous les jeunes issus des quartiers en difficulté ayant déposé une candidature refusée par la mairie (3860 jeunes). On
leur proposait de reprendre contact avec le
chargé de mission du CBE à l’occasion de
permanences organisées dans chaque quartier.
461 avaient quitté la région ou n’habitaient
pas à l’adresse indiquée. 780 ont répondu
positivement au courrier et 161 se sont
déplacés, ce qui correspond à résultat de
5 % sur les 3860 jeunes concernés.
Le chargé de mission a conduit un entretien
avec chacun d’eux. Cela a permis :
- de vérifier s’ils étaient toujours disponibles
(la relance ayant eu lieu plusieurs mois après
le dépôt de leur candidature) ;
- de mettre à jour et valoriser une base de
données de candidats au sein de la mission
locale ;
- de les positionner sur de nouvelles offres de
la mairie dans le cadre du programme
“Nouveaux Services, Emplois Jeunes” ;
- d’aborder avec eux la création d’activité.
38
Ce repérage a été complété grâce aux relations tissées par le chargé de mission dans sa
vie professionnelle antérieure.
Actuellement, le chargé de mission travaille
avec certains jeunes sur la base de rendezvous; avec d’autres, il travaille comme un
animateur de rue, sur le lieu de vie des
jeunes, sans relations formelles. Il aide les
jeunes potentiellement porteurs de projet à
réfléchir à leurs compétences, à faire
émerger et à formaliser des idées et les
accompagne dans leurs réflexions. Les jeunes
en recherche d’emploi sont orientés vers la
Mission Locale.
- Le travail de mobilisation nécessaire présentait une ampleur impressionnante. Et il convenait d'élargir les efforts d’émergence en
développant la présence de la mission
auprès du public ciblé. Du coup, le CBE a
suggéré à la Ville de Lille de créer trois postes
supplémentaires. Trois “agents d’émergence
et de développement de micro-activités” sont
en cours de recrutement au sein de la mission
locale de Lille sous contrats emplois jeunes.
L’action des agents d’émergence, comme
celle du chargé de mission, se situe dans les
premières phases du parcours du créateur :
la phase de mobilisation et l’accompagnement dans le passage de “l’idée” au “projet
plus formalisé”. Leur mission consistera à la
fois à susciter chez ce public l’envie de créer
et à engager une démarche de développement d’activités sur les quartiers. Les phases
suivantes nécessitent un véritable accompagnement dans la structuration du projet. Une
articulation avec les structures d’appui existantes au niveau local est donc en voie d'élaboration.
- Un comité d’accès est en cours de constitution. Il réunit les principaux partenaires :
mission locale, CBE et structures d’accompagnement et de financement à la création
d’entreprises. Il devra valider l’intérêt des
projets qu’auront suscités les trois agents
d’émergence et orienter les porteurs de
projets vers les structures d’appui appropriées.
- La mise en œuvre des projets de création
fait l'objet d'une réflexion. En effet, les
porteurs de projets actuellement suivis sont
prêts à monter leur activité. Mais la plupart
ne souhaitent pas devenir chefs d’entreprise
ou responsables de leur association. Il est
délicat d’inciter des jeunes sans expérience
et parfois en difficulté à se lancer seuls dans
une création. Le CBE étudie des systèmes
LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL
d’accompagnement et de portage collectif de
l’activité : couveuse d’entreprise à l’essai,
portage par le biais du programme emplois
jeunes dans une association existante.
La mission s’est construite dans le cadre d’un
partenariat étroit avec la mission locale.
Celle-ci a été associée à la réflexion. Elle fait
partie des partenaires opérationnels.
Le travail de ces deux partenaires devra
compléter les efforts des acteurs de quartiers.
Notamment, les commissions économiques,
pour lesquelles la création d’entreprise n’est
pas une piste de travail et de réflexion habituelle.
cours, potentiel de 58 emplois.
• Préfiguration d’un dispositif cordonné
d’émergence et d’accompagnement des
projets des personnes issues de l’immigration
• Mise en place des trois agents d’émergence (en cours).
• Lancement de l’appel d’offres pour les 40
RMistes, candidats à l’auto-emploi.
Le CBE désire ancrer la création d’activités
sur les territoires prioritaires de la politique
de la Ville. Une modélisation devra permettre
un transfert dans des quartiers d’autres
communes du bassin d’emploi de Lille.
II. ENSEIGNEMENTS DE L’ACTION
En outre, un projet d’accompagnement spécifique pour les RMistes souhaitant créer leur
activité est en phase de mise en place par le
PLIE de Lille en partenariat avec le CCAS de
la Ville de Lille et le Comité de bassin d’emploi. Un appel d’offres a été lancé pour
accompagner en entrées et sorties permanentes 40 RMistes ayant des projets de création, repérés par le CCAS.
Lien avec la politique de la ville
Les chefs de projets “contrat de ville” et les
animateurs des lieux ressources (antennes de
quartier de la mission locale) sont impliqués
dans le déroulement de la mission “Soutien
aux activités économiques des jeunes issus
de l’immigration”. Ils interviennent aussi dans
la mise en place des trois agents d’émergence. Dès le départ, le chargé de mission
les a associés à sa démarche. Il s'est intéressé à leur territoire d’intervention et aux
projets de création de services qu’ils avaient
pu relever. Pour le CBE, la mission doit
pouvoir démultiplier son action. Et les dynamiques qu’elle génère doivent être saisies par
les acteurs du territoire. Le travail en lien avec
les opérateurs de la politique de la Ville vise
aussi à pérenniser la mission.
Dans certaines communes, le chargé de
mission participe aux commissions économiques de la politique de la Ville (Loos,
Ostricourt) afin de promouvoir la création
d’activité. Le chargé de mission siège aussi
au comité de pilotage des “Jeudis de la
Ville”, aux côtés des opérateurs des contrats
de ville à un niveau régional.
Résultats et perspectives
• Rencontre de 160 jeunes sur les quartiers
de Lille, constitution d’une candidathèque et
premier repérage de projets : 33 dossiers en
La démarche est en phase d’expérimentation.
Elle se caractérise par la reconnaissance
d’un potentiel de créativité dans les quartiers
et par la volonté du CBE d’apporter aux
personnes issues de l’immigration résidant
dans ces zones un accompagnement spécifique. Nombre de facteurs ont contribué au
bon développement de l’action : une volonté
politique forte, conjuguée à l’expérience de
terrain, la connaissance du public, des associations d'aide à l'intégration des populations issues de l'immigration et des réseaux
d’insertion… Aujourd’hui, la création d’activité ne constitue pas encore un moyen
reconnu pour agir contre le chômage. Le
développement d’initiatives issues des quartiers est une piste de travail et de réflexion
encore difficile à faire prendre en compte par
les acteurs. La mission du CBE cherche à
inverser cette tendance. Elle parie sur la
capacité de création des jeunes tout en
reconnaissant que ce public exige un travail
d’accompagnement dans la proximité et la
durée avec des outils et des méthodes
adaptés. Si le temps nécessaire pour
convaincre et mettre en place un préprojet est
souvent important, il reste que les jeunes sont
reconnus comme étant des créateurs potentiels. Ils sont appelés à s’inscrire dans une
démarche de porteur de projet, ce qui
modifie totalement leur image.
Le risque d’échec est réduit par le développement d’un accompagnement adapté et une
approche collective mettant en jeu diverses
catégories d’acteurs sur le territoire. À terme,
ce dispositif pourra bénéficier à d’autres
publics.
En outre, on notera l'aspect novateur de la
démarche initiale : récrire à des jeunes qui
ont fait acte de candidature auprès d’une
collectivité. Une action positive de la part
VOLUME 1 - 2000 -
39
d’un jeune (faire acte de candidature) ouvre
ainsi une porte, même en cas d’échec de la
demande originale. Enfin, le fait d’aller à la
rencontre des jeunes sur leurs lieux de vie
permet d’éviter une éventuelle “sélection” du
public et de travailler avec des personnes qui
ont réellement besoin d’un accompagnement.
Contacts
Bouziane Delgrange,
chargé de mission CBE de Lille
Tél. : 0328380410
Annick Dubois, déléguée du CBE de Lille
Tél. : 0328380410
Corinne Tignon et Nathalie Desmaret
Mission locale de Lille
Tél. : 03201485 50
Voir aussi :
Contrat de ville de l’agglomération de Lille Métropole
Le document commun d’orientation
propose la mise en œuvre d’un plan
concerté de lutte contre les pratiques de
discriminations à l’embauche.
L’intégration et les discriminations constituent un thème transversal, que le contrat
de ville inscrira dans ses priorités et ses
plans d’action. La réduction des facteurs
de discrimination (en particulier liés à
l’origine) sera recherchée dans la mise
en œuvre du contrat de ville.
40
LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL
Fiche 5.
Maghreb ressources humaines
Résumé : MRH est un cabinet de consultants
en ressources humaines. Il a élaboré une
méthodologie pour faciliter l’accès à l’emploi
des jeunes diplômés issus de l’immigration.
Le principe de base est la création de clubs.
Les CJDIM (Clubs de jeunes diplômés issus de
l’immigration) sont fondés sur le “coaching”
et le marketing personnel. Ils associent des
entreprises, des cabinets de recrutement ou
des organismes de formation de branche.
L'objectif est d'informer les jeunes et de les
aider à élaborer leur projet professionnel.
I. ANALYSE DE L’ACTION
Maghreb ressources humaines (MRH) est un
cabinet de consultants. Le siège social de
cette SARL se situe à Dreux. Il est orienté sur
la gestion des ressources humaines dans l’espace France-Maghreb. MRH édite le magazine MRH (revue d’information des
professionnels de la gestion des ressources
humaines au Maghreb et en Europe), créé en
1992 avec le soutien de l’ANDCP
(Association des DRH de France) et des associations des professionnels de ressources
humaines du Maroc, de l’Algérie et de la
Tunisie.
Actuellement, trois territoires sont concernés :
- Dunkerque, où le CJDIM a été expérimenté
fin 1999 et où une action a été reconduite en
2000 ;
- Évreux, où une action a été entreprise à la
demande des acteurs de la politique de la
Ville et en particulier de la préfecture d’Eureet-Loir, qui a saisi l’occasion de la mise en
place de l’action pour mobiliser les socioprofessionnels et les différents partenaires ;
- Paris, où un club fonctionne en entréessorties permanentes.
Origine de l’action
MRH fonctionne comme un cabinet de
consultants en ressources humaines. Au cours
de différentes missions, ses fondateurs se sont
rendu compte que des personnes d'origine
étrangère à haut potentiel ne trouvaient pas
de solution. Leur première analyse a consisté
à étudier ce phénomène en liaison avec
l’Association des DRH et des cabinets de
recrutement, tout en ayant l’appui des
pouvoirs publics. Cette phase a débouché
1
sur l’édition d’un guide juridique et pratique.
Ce document s'adresse aux DRH1
Pour MRH, plusieurs phénomènes coexistent :
- des stéréotypes défavorables du côté des
entreprises et des jeunes diplômés issus de
l’immigration (tendance des employeurs à
ramener le jeune à une identité d’immigré,
jointe, du côté du jeune, à une reproduction
du complexe social de l’immigration) ;
- une sous-estimation du potentiel de ces
jeunes diplômés de la part des entreprises ;
- un isolement de ces jeunes diplômés au
niveau relationnel (absence de réseau) et une
concentration sur des zones où peu d’emplois sont créés ;
- une ignorance, de la part de ces jeunes, des
techniques de recherche d’emploi et d’approche du monde du travail ;
- une méconnaissance, par les structures de
l’emploi, des problèmes des jeunes issus de
l’immigration.
À partir de cette analyse, MRH a élaboré un
dispositif d’accompagnement spécifique
pour les jeunes diplômés issus de l’immigration. Le cabinet a tenu compte de leurs difficultés particulières d’accès à l’emploi.
Objectifs et publics visés
Le public visé est celui des jeunes issus de
l’immigration.
À l’origine, MRH pensait aux bac + 2. Puis
la démarche s'est étendue à ceux qui ont
poursuivi leurs études après le bac, même
sans acquisition d’un diplôme supérieur.
Sur certains sites, la cible est bien plus large :
tout jeune ayant validé un diplôme à partir
du CAP.
L’objectif des CJDIM est de promouvoir ces
publics et de faciliter ainsi le placement des
jeunes en entreprise, à des postes correspondant à leurs compétences et leur qualification. MRH prône la création de clubs pour les
jeunes issus de l’immigration. Le cabinet
dresse le constat suivant :
• Les jeunes diplômés en question souffrent
souvent de discriminations. Ils ne bénéficient
pas d’appuis à la recherche d’emploi
adaptés à leurs problématiques.
• Ils ont besoin d’un accompagnement
adapté à leurs problèmes spécifiques d’insertion professionnelle.
“Comment prévenir les discriminations raciales à l’emploi”.
VOLUME 1 - 2000 -
41
Démarche et méthodologie
MRH incite les jeunes diplômés à mesurer la
complexité des phénomènes de discriminations raciales. Cette prise de conscience se
fait en regard de leur propre situation. La
démarche souligne la nécessité de dépasser
le complexe de la “victime” dans lequel s’enferment un certain nombre de jeunes
diplômés, parfois avec la complicité - souvent
inconsciente - de structures d’appui publiques
et privées.
Deux points doivent être distingués :
- la méthodologie de travail avec les jeunes
diplômés issus de l’immigration ;
- la méthodologie de projet.
Méthodologie du projet :
• MRH intervient à partir du moment où un
territoire est demandeur, et sollicite un partenariat local.
À Dunkerque, sur d’autres sujets, MRH avait
déjà collaboré avec Rencontre. Cette association militante s'efforce de favoriser le
développement des partenariats économiques, sociaux et culturels euroméditerranéens. Le cabinet lui a proposé la démarche.
C'est alors qu'a été expérimenté le premier
CJDIM, qui est devenu permanent. Sollicitée
par l’association, l’ALE de Dunkerque a tout
de suite accepté de tenter l’expérience.
L'agence propose désormais la prestation
des CJDIM dans le cadre de ses prestations.
Avant le lancement du club, les six ALE ont
été réunies et informées.
À Évreux, la préfecture a demandé à MRH
de créer un club dans ce secteur. L’ensemble
des partenaires a été directement informé
par ce biais.
• Une fois son partenaire local identifié,
MRH procède avec lui à un travail commun.
Ensuite, l’association s’approprie la
démarche et se charge de la pérenniser.
• L’action démarre par le repérage et l’information du public. Le but est d'informer un
maximum de jeunes diplômés issus de l’immigration de la possibilité de s’inscrire dans
la démarche du club.
Pour effectuer ce repérage, les associations
de jeunes issus de l’immigration, les missions
locales, le réseau local associatif du partenaire opérationnel, les ALE sont sollicités. Ce
travail de préparation est essentiel pour
mobiliser et impliquer les acteurs! Depuis
que les clubs sont implantés sur les différents
42
territoires, les jeunes diplômés eux-mêmes
permettent de repérer d’autres jeunes.
Méthodologie de travail avec les jeunes
diplômés issus de l’immigration :
Dans l’animation des CJDIM, MRH a adopté
plusieurs partis pris :
• Les jeunes diplômés ont besoin de découvrir ce qu’est l’entreprise et le monde du
travail, mais aussi de mieux appréhender
leur futur métier, sur lequel ils ont souvent peu
d’informations concrètes malgré leur formation.
• Les animateurs évitent tout discours inhibant
par rapport aux entreprises ou aux professionnels du recrutement. L'accompagnement
repose sur la valorisation de l’ensemble des
compétences des jeunes diplômés.
• La diversité culturelle doit être présentée
comme un atout : “J’ai su m’adapter à une
double culture, donc je peux m’adapter à des
situations complexes en entreprise…” Mais
MRH milite contre toute forme d'“ethnicisation” du marché du travail.
• MRH refuse de se cantonner à la mise en
relation avec les entreprises. Sa démarche
n’est pas une démarche d’insertion. Le CJDIM
doit apprendre au jeune diplômé à se
débrouiller seul et à être plus efficace et
précis dans sa recherche d’emploi.
Démarche
• Chaque candidat remplit un questionnaire
de positionnement. Ce document l’engage
vis-à-vis du club.
• Un accompagnement d’une durée de 3 à
5 mois est mis en place, à la fois collectif et
individuel. Il est complété par un suivi téléphonique ou épistolaire.
Cet accompagnement s’appuie sur les
méthodes du marketing appliquées à la
personne et sur les principes du coaching. Il
passe par la revalorisation de l’image
sociale, l’élaboration d’un projet professionnel et d’une stratégie de recherche d’emploi. Il se traduit par la redynamisation des
jeunes diplômés.
La phase d’accompagnement fait intervenir
des responsables d’entreprises et des cabinets de recrutement spécialisés dans différentes filières, sollicités pour présenter les
métiers de leur filière. L’objectif est d’ouvrir
des perspectives aux jeunes diplômés. En
principe collectives, les interventions de ces
partenaires extérieurs peuvent aussi avoir
lieu en tête-à-tête avec un jeune intéressé par
LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL
un domaine d’activité et mieux le préparer à
l’entretien d’embauche.
À Dunkerque, l’accompagnement est réalisé
en binôme par l’association Rencontre (d’origine militante) et MRH, spécialistes des
ressources humaines. Cette double animation
suscite la confiance des jeunes, les fait bénéficier de méthodes professionnelles et leur
ouvre un réseau. À Évreux, le même schéma
est en cours de réalisation, avec quelques
adaptations.
• MRH dispose d’un partenariat avec
l’ANDCP, un certain nombre de cabinets de
recrutement (le plus souvent spécialisés dans
des secteurs d’activité) et des entreprises dirigées par des jeunes issus de l’immigration.
Le partenariat local à Dunkerque s’est organisé avec l’ANPE puis avec l’intervention du
FAS pour l’année 2000. Le pilotage est
effectué par MRH et l’association Rencontre,
avec l’ANPE, le FAS, le CBE, la communauté
urbaine, la CCI et la chambre des métiers
pour l’action menée en 2000.
• Ce partenariat est plus large sur Évreux. Là, la
sous-préfecture est associée au projet avec l’ensemble des structures d’accompagnement et la
DDTEFP. L’ANPE d’Évreux assure le suivi du
CJDIM. Et un comité de pilotage, sous la responsabilité de la préfecture, tient des réunions régulières de bilan et de programmation.
Comment le projet s’est-il inscrit dans la politique de la Ville ?
À Évreux, le préfet a demandé l’intervention
de MRH. L’équipe dirigeante des CJDIM a
présenté sa démarche à l’occasion de
plusieurs réunions avec des socioprofessionnels, des maires, le conseil général, le
service public de l’emploi, l’Éducation nationale, le FAS…). Ces réunions ont servi à la
mise en place de la CODAC. Elles ont permis
de mobiliser les acteurs de la politique de la
Ville autour de la problématique de la discrimination à l’embauche en direction des
jeunes issus de l’immigration.
Résultats et perspectives
Résultats quantitatifs
• À Dunkerque, sur 14 jeunes diplômés
suivis, 9 ont trouvé un CDD ou un CDI correspondant à leur projet, 2 ont changé de projet
professionnel et sont entrés en formation.
Pour les autres, l’accompagnement a été
prolongé sur deux mois lorsqu’ils le souhaitaient.
• À ce jour, près de 25 jeunes diplômés sont
intégrés dans les CJDIM à Dunkerque, 15 à
Évreux
Résultats qualitatifs : élaboration
de projets professionnels
Des perspectives de transfert de l’action s’ouvrent avec des “maisons de l’emploi” : 18
villes ont été repérées par MRH.
• À Dunkerque, l’association Rencontre
souhaite développer l’implication des entreprises de la région mais aussi travailler avec
les agences d’intérim et les cabinets de recrutement locaux. Elle renouvelle l’action après
l’expérimentation de fin 1999 avec une
centaine de jeunes (trois groupes de 40
personnes) : ces derniers sont en cours de
repérage. Pour l’association Rencontre,
l’enjeu en 2000 est d’ancrer le club dans le
réseau local et le territoire, notamment par
rapport aux entreprises locales.
• À Évreux, un CJDIM permanent est en perspective.
II. ENSEIGNEMENTS DE L’ACTION
Si les CJDIM semblent bien fonctionner, des
difficultés opérationnelles subsistent. Ainsi,
sur l’ensemble des sites, les jeunes sont
convaincus qu’il n’existe pas de solution. Ce
pessimisme les rend difficiles à mobiliser. On
peut contourner cette difficulté en travaillant
avec des structures en lesquelles ils ont
confiance…
En outre, le recours systématique au partenariat local permet à MRH d’être vite accepté
par les autres intervenants et de travailler
concrètement avec eux. De leur côté, les
associations locales bénéficient de l’expertise
de MRH ainsi que de son réseau national et
international. En effet, MRH dispose de
multiples connexions parmi les entreprises de
différents secteurs d’activité, les cabinets de
recrutements et l’ANDCP. Ce maillage facilite
la mobilisation de personnes ressources dans
le cadre des clubs.
L’intervention de consultants et de chefs d’entreprises issus de l’immigration auprès de ces
jeunes diplômés est un autre facteur de mobilisation du public. Celui-ci se sent proche de
ces interlocuteurs. Il accepte bien leurs
conseils et les démarches proposées. De
surcroît, cela permet d'affiner le diagnostic
des problèmes rencontrés par les jeunes et de
leur proposer des démarches concrètes.
MRH dispose un projet de transfert des Clubs
de jeunes diplômés issus de l’immigration sur
VOLUME 1 - 2000 -
43
d’autres territoires. Clairement identifiée, la
méthodologie peut être mise en place
ailleurs, même si le niveau du public visé
n’est pas forcément harmonisé (CAP à
Dunkerque, bac + 2 à Évreux). De fait, le
CJDIM adapte ses démarches aux niveaux
de formation des candidats et à leurs secteurs
professionnels.
L’action des CJDIM s’appuie sur un parti pris
de lutte contre les discriminations raciales
dans le recrutement. En effet, le dispositif
s'adresse aux jeunes diplômés issus de l’immigration, et à eux seuls. Certes, la méthodologie s'inspire de la gestion des ressources
humaines. Mais elle est modulée en fonction
de leurs difficultés spécifiques.
Le lien avec les entreprises est établi en les
sollicitant en tant que personnes ressources.
Leur engagement consiste à venir informer les
jeunes, à les aider à se positionner. Il s’agit
surtout de cabinets de recrutement.
Notamment dans les secteurs qui ont du mal
à trouver des salariés adaptés à leurs
besoins : hôtellerie-restauration, bâtiment,
centres d’appel… La plupart de ces entreprises font partie du réseau de MRH. Elles
sont donc déjà sensibles aux difficultés de
recrutement rencontrées par les jeunes d'origine étrangère : la difficulté est de solliciter
des entreprises implantées localement, qui
pourraient recruter et qui n’ont pas toujours
la même ouverture d’esprit. Cela sera peutêtre plus aisé à Évreux, compte tenu de l’impulsion donnée par le sous-préfet au départ.
44
Contacts
M. Mohamed El Ouahdoudi
Tél. : 0607993392
Fax : 0237383145
e-mail : [email protected]
M. Monique VAN Lancker, directrice de
l’association Rencontre, CJDIM de Rencontre
Voir aussi :
Contrat de ville de l’agglomération d’Évreux
Parmi les orientations stratégiques citées
dans la convention cadre du contrat de
Ville, le développement d’une politique
active contre les processus de ségrégation sociale prévoit de favoriser l’intégration des personnes issues de
l’immigration. Celles-ci sont identifiées
parmi les populations ciblées sur le volet
Exclusion.
LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL
Fiche 6.
Ouverture d'une offre de stages pour les élèves
du lycée professionnel "Les Canuts" à Vaulx-en-Velin
et accord d'entreprise à France Télécom
Résumé : Avec le soutien de la fondation
FACE, un accompagnement a été développé
pour des élèves du lycée professionnel "Les
Canuts" à Vaulx-en-Velin, qui ne trouvaient
pas de stages en entreprise. Participant à
l'opération, France Télécom a inclus un volet
centré sur l'insertion professionnelle des
jeunes dans le cadre d'un accord d'entreprise national.
La lutte contre les discriminations raciales à
l'emploi ne représente pas un objectif propre
au niveau de l'entreprise. Celle-ci inscrit son
action dans le cadre de la lutte contre les
exclusions et l'appui aux jeunes en difficulté.
Cependant, cette action qui associe plusieurs
grandes entreprises permet chaque année à
une quarantaine de jeunes, majoritairement
issus de l'immigration, de connaître une
première expérience dans le monde économique, jusque-là fermé à leurs demandes de
stages.
I. ANALYSE DE L'ACTION
Origine du projet
Le lycée professionnel de Vaulx-en-Velin “Les
Canuts” accueille 400 élèves pour des formations professionnelles dans le domaine industriel et dans le secteur tertiaire. D'après le
proviseur, les élèves sont marqués par l'échec
scolaire, la précarité économique des familles,
l'absence d'écoute et de reconnaissance. 90 à
95 % d'entre eux sont d'origine étrangère. Les
formations dispensées par le lycée exigent
chacune une période de stage en entreprise.
En 1995, les difficultés rencontrées par les
jeunes, mais également par les équipes enseignantes, pour identifier des terrains de stages
conduisaient le lycée à renoncer à l'accueil
des élèves en entreprise et à envisager une
organisation en interne de ces périodes d'apprentissage pratique. L'étendue des pratiques
discriminatoires des entreprises était confirmée
par les récits des élèves, les témoignages des
enseignants et les constats émanant de
l'équipe de direction.
Face à ces difficultés, le contrat de ville et
la commune de Vaulx-en-Velin ont sollicité
la fondation FACE afin de mobiliser ses
entreprises partenaires. Se sont associées
au projet France Télécom en particulier,
mais aussi EDF, la SNCF, la Société lyonnaise de transport en commun et quelques
entreprises locales implantées à Vaulx-enVelin.
Au niveau national, un accord cadre signé
entre France Télécom et les syndicats CFDT,
FO, CFTC, CGT définissait l'insertion professionnelle des jeunes comme un terrain d'action à privilégier au même titre que les
questions de l'emploi et des conditions de
travail. Il s'est traduit au niveau régional par
la mise en œuvre de trois actions en partenariat avec FACE : offre de stages aux élèves
du lycée professionnel “Les Canuts”; actions
de parrainage; développement de la formation en alternance.
Objectifs et publics visés
Permettre aux élèves du lycée professionnel
de surmonter les barrières discriminatoires et
leur proposer une expérience qualifiante au
sein d'entreprises reconnues : ces deux
objectifs justifient l'action, telle qu'elle est
présentée par FACE et par le lycée "Les
Canuts".
France Télécom inscrit davantage son action
dans le cadre de la participation d'une entreprise citoyenne à la lutte contre les exclusions. Au-delà des objectifs généraux,
l'entreprise cherche à mieux répondre aux
difficultés d'exploitation de ces services, en
intervenant plus particulièrement sur le
secteur de l'Est lyonnais, marqué par un fort
taux de dégradation des cabines téléphoniques et un nombre important de ruptures de
lignes suite à des difficultés de paiement.
Enfin, ont également concouru à cette mobilisation le souci d'asseoir la légitimité de l'entreprise sur des critères plus larges que la
rentabilité économique, la volonté d'améliorer l'image de France Télécom, ainsi que
la personnalité du directeur régional, très
soucieux des questions sociales, et membre
de la fondation FACE.
Démarche et méthodologie
Une convention a été signée entre la fondation FACE, les entreprises et le lycée en 1995
VOLUME 1 - 2000 -
45
en présence de Martine Aubry. Elle est tacitement reconduite d'année en année. Lors de
chaque rentrée scolaire, une première
réunion rassemble les différents partenaires.
On y négocie le nombre de stagiaires que
chaque entreprise s'engage à accueillir. De
leur côté, les élèves sont invités à engager
des démarches de recherche de stage de
façon autonome, les propositions des entreprises partenaires ne leur étant communiquées qu'en dernier ressort. Les entreprises
identifient les salariés prêts à s'engager dans
un travail de tutorat.
À France Télécom, une formation est organisée avec l'AFPA en direction de l'ensemble
des tuteurs investis dans les actions d'accueil
de stagiaires, de parrainage et de suivi des
contrats en alternance. Une réunion
rassemble ensuite l'ensemble des tuteurs pour
leur présenter les formations dispensées par
le lycée, les objectifs des stages et leurs
modalités de fonctionnement. Enfin, les
tuteurs se réunissent chaque année pour faire
un bilan de l'action…
Résultats et perspectives
En général, l'accueil en entreprise se déroule
sans accroc. Les jeunes réputés difficiles au
sein du lycée semblent s'amender à l'occasion du stage. La mobilisation de l'entreprise,
l'engagement des tuteurs sont interprétés
comme autant d'éléments de reconnaissance
du jeune et de son potentiel. La relation avec
un adulte, centrée sur une expérience
concrète, dans une communauté d'intérêt
différente de celle du lycée ou de la famille,
marque fortement le parcours des jeunes
accueillis.
La rencontre avec des jeunes en difficultés est
également valorisée par les tuteurs. L'impact
de ce type d'expérience sur les pratiques ou
les représentations discriminatoires n'est pas
évalué par France Télécom, qui considère
que ce type de problème ne se pose pas au
sein de l'entreprise.
professionnel accueillant une forte majorité
de jeunes d'origine étrangère, cette action
menée par France Télécom participe à la
lutte contre les discriminations, sans que l'objectif soit affiché par l'entreprise. Cette action
favorise une réelle égalisation des chances
d'accès à l'emploi en conjuguant un souci
d'insertion professionnelle et une approche
territoriale orientée de facto vers une population donnée.
Il est parfois nécessaire de faire intervenir un
médiateur entre les deux champs que sont le
secteur économique et l'Éducation. La fondation FACE a ainsi joué un rôle clé face aux
contraintes et aux exigences de ses deux
partenaires. Du côté des entreprises, les
exigences de productivité pèsent sur le temps
de disponibilité des tuteurs et leur capacité à
accueillir
de
nouveaux
stagiaires.
Parallèlement, la volonté du lycée de ne
proposer les offres des entreprises partenaires qu'en dernier ressort réserve à cellesci les élèves les plus en difficulté dont
l'accueil en entreprise se révèle parfois
complexe. Un tiers est ainsi nécessaire pour
favoriser les compromis entre des acteurs
dont les logiques d'action diffèrent.
Contacts
M. Mario Viviani, chargé de mission
développement local, direction régionale
Rhône-Alpes de France Télécom.
Tél. : 0478639157
Mme France DAVID, proviseur du lycée
professionnel “Les Canuts”, Vaulx-en-Velin.
Tél. : 0437452000
Fax : 0437452019
Mme Fernanda Simoes, responsable de
FACE Lyonnais
Tél. : 0472041632
Fax : 0472041661
Le lycée des Canuts désire élargir l'action
aux sous-traitants des grandes entreprises
partenaires, afin de développer l'offre de
stages jugée aujourd'hui insuffisante. France
Télécom souhaite poursuivre l'action en
conservant le rythme d'intégration actuel.
II. ENSEIGNEMENTS DE L'ACTION
Au moyen d'un partenariat avec un lycée
46
LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL
Fiche 7.
Continent Marseille
Continent Marseille : préférence locale à
l'embauche et formation des cadres à la
diversité culturelle
Résumé : L’installation d’un hypermarché
Continent dans les quartiers Nord de
Marseille, dans une zone dite "sensible",
relevait du pari, non seulement pour l’entreprise et la pérennité économique de son
projet, mais aussi pour le quartier afin de
transformer cette implantation en vecteur d’intégration et de dynamisation.
Via un partenariat entre le service public de
l'emploi, les opérateurs, les équipements de
proximité et la FACE, une préférence locale à
l'embauche a favorisé le recrutement d’habitants dont une forte part est d’origine étrangère. Le développement de programmes de
formation des cadres à la diversité culturelle
a permis une réelle intégration dans l'entreprise des personnes recrutées, en particulier
des jeunes d’origine étrangère.
I. ANALYSE DE L'ACTION
Origine
Les "quartiers Nord" sont situés dans les 15e
et 16e arrondissements de Marseille. Ils
présentent des facteurs multiples d'exclusions
urbaines et sociales, principalement liées à
un sous-emploi structurel. En 1995, le taux de
chômage de ces deux arrondissements était
de 33 % et atteignait des records de plus de
50 % dans certaines cités d'habitat social,
selon l'agence locale pour l'emploi. La stigmatisation de ces quartiers crée une discrimination liée au lieu de résidence des
demandeurs d'emploi. Elle renforce les
phénomènes de discriminations raciales
jugés significatifs par les acteurs locaux intervenant sur ces territoires (voir “Fiche
n° 13.Leroy Merlin”).
Le chantier de construction du centre commercial Grand Littoral débute en 1994 sur le site
de la ZAC Saint-André, au cœur de ces quartiers. Très vite, des tensions opposent les
entreprises sous-traitantes aux habitants de
ces cités, qui ont le sentiment d'être laissés en
marge de cet immense chantier et de ses
opportunités d'emploi. À l'issue de plusieurs
réunions organisées à l'initiative du souspréfet à la Ville, un accord est conclu entre
les entreprises et les pouvoirs publics. Des
moyens de régulation sont mis à la disposition du chantier en contrepartie de la centralisation des offres d'emploi par l'ANPE. Dans
ce contexte, la direction de Continent
(groupe Promodes) entame des démarches
en direction des associations d'habitants, des
équipements de proximité et des pouvoirs
publics.
Le PDG de Promodes s'est investi au sein de
la fondation FACE. Son entreprise est
soucieuse de réussir à s'implanter dans des
quartiers dits "difficiles". Ces éléments vont
conduire Continent à définir une politique de
recrutement originale, élaborée avec ses
partenaires et sous la pression des habitants.
Objectifs et publics visés
L'entreprise a renoncé à recourir aux mutations internes habituellement occasionnées
par l'ouverture d'un magasin. A l'inverse,
une procédure de préférence locale à l'embauche est mise en œuvre. Elle réserve en
priorité les offres d'emploi, à compétences
égales, aux habitants des 15e et 16e arrondissements.
Cette "discrimination raisonnée" va être
portée par un partenariat fort entre l'ANPE,
la DDTEFP, le GPU, le PLIE et les opérateurs
de l'emploi sur deux opérations distinctes :
- 400 offres d'emploi sont confiées à la
mission emploi de l'ANPE 1.
- 60 offres sont réservées à un public très
éloigné de l'emploi avec le soutien de la
fondation FACE.
Démarche et méthodologie
A. La convention Continent-ANPE
Une convention a été signée entre le magasin
Continent et l'ANPE. Aux termes de cet
accord, l'exclusivité du recrutement est
réservée à l'agence, sur la base d'un principe de préférence locale à l'embauche.
Cette disposition fera également l'objet d'une
charte proposée par Tréma, l'aménageur et
1
La Mission Emploi mise en place dans le cadre du Grand Projet Urbain est composée d'agents statutaires de l'ANPE et de contractuels.
Elle a pour vocation de constituer un vivier de candidatures de demandeurs d'emploi, de développer les contacts avec les entreprises et
d'assurer le placement privilégié des demandeurs d'emploi résidant dans le périmètre du GPU à travers un suivi personnalisé.
VOLUME 1 - 2000 -
47
le futur gestionnaire du centre commercial, à
l'ensemble des entreprises participant au
chantier, puis aux enseignes s'installant dans
le périmètre du centre.
Une première étude des fichiers de demandeurs d'emploi de l'ANPE a permis à
Continent d'analyser le potentiel du territoire,
afin de déterminer les conditions d'un recrutement qui concilie qualité et proximité.
Parallèlement, les agents de la mission
emploi ont élaboré des profils de postes à
pourvoir à partir de séances d'observation et
d'analyse du fonctionnement d'un magasin
Continent situé à proximité de Marseille. À
partir de ce diagnostic, les critères de recrutements ont été définis. Ils sont venus s'ajouter
au critère de résidence initialement retenu.
Contrairement aux procédés habituels, aucun
diplôme n'était requis. Excepté pour certains
postes spécifiques : bouchers, poissonniers…
Les exigences de l'entreprise se sont concentrées sur la motivation des candidats et le
vécu d'une première expérience de travail.
L'annonce de l'ouverture d'un centre commercial avait suscité d'immenses espoirs parmi
les populations et favorisé l'expression de
multiples promesses quant aux embauches
prochaines. Près de 6000 candidatures ont
afflué. Toutes ont été examinées. La maîtrise
de l'information a été un des enjeux principaux de l'opération. Une nouvelle communication a ainsi été organisée. Une première
information a été conduite en direction des
structures de proximité. Celles-ci ont reçu une
description minutieuse des postes et de la
procédure de recrutement. Puis des assemblées ont permis d'accueillir les candidats et
de présenter l'entreprise, les postes de travail
et leurs contraintes.
Cette présentation (amplitude horaire, majorité de temps partiels…) a conduit à une
première sélection. Les candidats retenus
devaient alors remplir une fiche de candidature avant d'être reçus dans le cadre d'entretiens collectifs. Des entretiens de recrutement
plus classiques ont ensuite été menés. Ils ont
débouché sur le recrutement de 431
personnes, dont une partie importante a pu
bénéficier d'un contrat initiative emploi (CIE).
Durant cette phase de trois mois et demi, les
agents de la mission emploi ont travaillé de
concert avec le personnel de Continent.
L'abaissement du niveau des prérequis pour
les postes ainsi pourvus exigeait de
Continent un effort de formation important
48
préalablement à l'ouverture du magasin. Afin
de tenir compte du caractère exceptionnel de
l'opération, le service public de l'emploi s'est
engagé sur l'élaboration et le montage financier du plan de formation. Ainsi un financement du Fonds social européen est venu,
exceptionnellement, abonder ce programme
de formation interne.
B. La convention FACE/Continent
Par convention, Continent a confié à la
fondation FACE la préparation du recrutement pour 60 postes, réservés à des demandeurs d'emploi très en difficulté sur le plan
social et professionnel. Des niveaux de priorités concentriques ont été définis. En effet,
les offres s'adressaient, en priorité, aux cités
d'habitat social situées à proximité du chantier, puis aux habitants du 15e et du 16e
arrondissement, et enfin à l'ensemble du
bassin d'emploi marseillais. La méthodologie
et la démarche du projet ont été formalisées
en amont avec l'accord de Continent. Un
comité de suivi, réunissant la mission locale,
le PLIE, l'ANPE, la DDTEFP, Continent et
FACE, a été mis en place afin de valider
chaque phase du processus.
Une première étude a défini les profils de
postes, les critères de recrutement et recensé
les structures en contact avec les personnes
en difficulté. La démarche a permis d'élargir
le recrutement aux personnes non inscrites à
l'ANPE et de s'assurer que l'ensemble des
candidats était suivi par un référent social. La
FACE a joué un rôle de médiateur entre le
secteur social, le PLIE, la mission locale, le
service RMI, les équipements de proximité et
l'entreprise. Les fiches de postes et les profils
des candidats ont été communiqués à l'ensemble de ces structures auxquelles les candidats repérés devaient transmettre un CV et
une lettre de motivation. Une présélection a
été validée par le comité de suivi. 150
personnes étaient retenues. À la suite d'une
réunion collective, proposant une présentation de l'entreprise et des postes de travail,
des entretiens individuels ont permis une
deuxième sélection.
Les 90 candidats restants ont alors été intégrés dans un programme de formation en
alternance élaboré en partenariat avec le
service public de l'emploi. Après une remise
à niveau en mathématiques et en français,
une première approche des métiers de la
grande distribution était proposée. Quatre
groupes de niveaux ont été formés, dont un
LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL
groupe destiné aux personnes très éloignées
des prérequis tant en termes de savoir de
base que de pratique professionnelle. Un
stage pratique a également été organisé au
sein d'un magasin Continent. Au cours de
cette phase, la coordination des acteurs
locaux mobilisés a permis d'apporter des
réponses aux problèmes sociaux qui se
posaient : transports, garde d'enfants…
Après une dernière réunion de préparation
avec la FACE, un entretien de recrutement
final, mené par Continent, identifiait les 58
personnes définitivement retenues.
Le chantier de construction de Continent avait
pris 6 mois de retard. Il fallait donc tenir
compte de ce contretemps et permettre aux
personnes recrutées de conserver un niveau
de ressources minimal. En accord avec la
DDTEFP, un traitement différencié des
personnes a été organisé afin de leur
proposer, selon leurs profils, des formations
ou des contrats de travail courts sous différents statuts.
C. Préparation de l'intégration
de ce personnel
La question des discriminations raciales a été
abordée dans le cadre plus large des discriminations spatiales. Cependant, à l'issu des
entretiens, la forte représentation des
personnes issues de l'immigration, parmi les
employés recrutés, a amené la direction de
Continent et ses partenaires à envisager plus
précisément la question de leur intégration au
sein de l'entreprise.
En effet, les postes recrutés localement ne
concernaient que des postes d'employés,
l'encadrement étant assuré par du personnel
de Continent ayant déjà une expérience
dans l'entreprise. Majoritairement originaire
du nord de la France, où Continent est traditionnellement implanté, ces cadres ne
connaissaient pas Marseille, avaient peu
l'habitude de travailler avec des personnes
auparavant en grande difficulté socioprofessionnelle et principalement issues de l'immigration.
Une formation a été organisée par FACE afin
de préparer ces cadres et garantir une
meilleure intégration des équipes. Après une
intervention sur l'histoire et l'environnement
de Marseille, le programme abordait la question de la diversité culturelle en analysant
plus précisément les spécificités culturelles
des populations d'origine maghrébine qui
formaient la majorité des salariés recrutés.
Une formation plus courte a permis un
échange sur ce sujet avec les employés
recrutés localement. Malgré le renouvellement des équipes, ces formations n'ont
cependant pas été reconduites localement.
Mais elles ont été démultipliées au niveau
national dans le cadre d'un accord
Continent-FACE.
La question a également été évoquée dans le
cadre du stage pratique suivi par les demandeurs d'emploi recrutés avec la collaboration
de FACE. Majoritairement issus de l'immigration, les stagiaires étaient accueillis dans un
magasin Continent dont la direction s'inquiétait des tensions possibles avec le personnel
en place et des "réserves" éventuelles de la
clientèle. Deux médiateurs ont alors été
recrutés. Leur rôle consistait à informer les
équipes du magasin des motivations et des
objectifs des stagiaires et à travailler avec
ceux-ci les questions de comportement, de
tenue vestimentaire, de langage… À l'issue
du stage, on pouvait dresser un bilan positif
sur leur intégration au sein des équipes de ce
magasin et sur les relations développées
avec la clientèle.
D'autre part, une action d'accompagnement
à l'embauche a été mise en œuvre pour
certains jeunes diplômés issus du quartier.
Cinq d'entre eux ont eu accès à des contrats
de qualification dans d'autres sites Continent
de la région. L'un d'eux a été par la suite
recruté en CDI dans l'hypermarché de Grand
Littoral.
Résultats et perspectives
Ce dispositif a permis de recruter une forte
majorité de personnes issues des quartiers
nord (75 %), d'origine étrangère pour la
plupart. Le dispositif de recrutement a ouvert
des postes à des personnes en difficulté, non
formées, parfois très éloignées du service
public de l'emploi. La qualité de l'intégration
du magasin et, plus largement, du centre
commercial, dans les quartiers est aujourd'hui jugée positive. Le faible niveau des
dégradations témoigne aussi de cette réussite.
Au sein de l'entreprise, cette action a également conduit à des changements de représentations très importants concernant les
publics en difficulté, dont une majorité était
d'origine étrangère, mais aussi à une transformation forte des images liées au secteur
VOLUME 1 - 2000 -
49
social et au rôle d'une entreprise privée dans
ce domaine.
II. ENSEIGNEMENTS DE L'ACTION
La préférence locale à l'embauche a permis
le recrutement d'une part importante de
personnes d'origine étrangère à travers
l'identification et la reconnaissance de
compétences, en dehors de toute considération d'origine. La transparence et l'explicitation des modalités et des critères de
recrutement sont apparus comme un préalable indispensable. Le dispositif s'est aussi
appuyé sur des procédures d'information et
de concertation avec les habitants et leurs
associations. Cela a donné la possibilité de
mieux faire connaître et partager les buts de
l'opération et de lever les tensions initiales
sur ses conditions de mise en œuvre.
L'espace de négociation a été ouvert par le
partenariat stratégique et opérationnel entre
l'entreprise, le service public de l'emploi et
l'ensemble des équipements de proximité.
Contacts
Mme Fontenelle, responsable
de la mission politique de la Ville,
préfecture des Bouches-du-Rhône
Tél. : 0491156216
M. Chachuat, responsable régional
des ressources humaines, Continent
Tél. : 0491039516
Fax : 0491039525
M. Nedelec, délégué général
de la Fondation agir contre l'exclusion
Tél. : 0149237794
La démarche est originale. Elle a notamment
permis un diagnostic des perceptions locales
et une étude du potentiel de l'offre et de la
demande d'emploi du territoire. Le constat
partagé de difficultés spécifiques d'insertion
professionnelle pour les populations des
quartiers Nord a ainsi conduit à la mise en
place d'un dispositif de recrutement dégagé
des critères d'embauche habituels, généralement fondés sur l'expérience ou le diplôme…
De nouvelles exigences ont été formulées, qui
reposaient sur une observation en situation
de travail de personnes occupant un poste
similaire. Le principe de préférence locale à
l'embauche a ainsi pu s'intégrer dans une
démarche de rationalisation des pratiques de
recrutement.
50
LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRA VAIL
Fiche 8.
Société de transport de l’agglomération
stéphanoise (STAS)
Formation du personnel à la diversité culturelle et recrutement d’agents d’accueil
Résumé : Confrontée à des problèmes de
sécurité sur ses réseaux, la STAS s’est interrogée sur ses pratiques et a posé le problème
de la diversité culturelle et de l’ouverture aux
quartiers défavorisés. Deux actions principales ont été mises en place : une formation
du personnel à la diversité culturelle et le
recrutement d’agents d’accueil dans les véhicules. Peu à peu, et même si des problèmes
subsistent, cette politique amène un changement dans les pratiques de recrutement et les
mentalités du personnel.
I. ANALYSE DE L’ACTION
Constituée sous forme de société anonyme,
la STAS exploite les services de transports de
l’agglomération stéphanoise pour le compte
du SIOTAS (Syndicat intercommunal pour
l’organisation des transports collectifs de
l’agglomération stéphanoise). Elle emploie
environ 700 personnes, en majorité sur des
postes de conducteurs.
Origine de l’action
Entre 1996 et 1997, la STAS a connu une
situation de crise sans précédent. Les
rapports entre le personnel roulant et certains
jeunes des quartiers en difficulté étaient
conflictuels et atteignaient un stade alarmant.
Des incidents graves (bagarres en centreville, incendie d’un bus…) s’étaient produits.
Et un racisme ambiant se développait au sein
de la société, avec notamment la tentative de
création d’un syndicat Front national. Les
organisations syndicales représentées dans
l’entreprise étaient en difficulté.
La direction a décidé de faire face à une
situation devenue insoutenable. La dégradation des conditions de travail ainsi que
l'image négative de l’entreprise nuisaient au
fonctionnement du service.
La STAS a décidé d’apaiser le climat social
interne et externe, en intervenant sur les deux
fronts.
Dans un premier temps, la STAS a créé un
service prévention et sécurité au cours du
1
deuxième trimestre 1997. La direction en a
été confiée à un sociologue expérimenté en
matière de prévention et de lutte contre l’insécurité.
Objectifs et publics visés
Le premier objectif opérationnel visé par la
STAS était la réduction de l’insécurité sur le
réseau. La direction a alors décidé de poursuivre deux démarches complémentaires :
En interne : répondre aux besoins du
personnel en matière de sécurité, apaiser le
climat social et assainir le débat sur l'insécurité.
En externe : modifier l'image de la STAS,
pour la rendre plus ouverte sur les quartiers
et, partant, diminuer la violence dont elle
faisait l’objet.
Démarche et méthodologie
Pour la STAS, la multiplication des systèmes
de protection ou une répression accrue ne
pouvaient pas répondre au problème auquel
elle était confrontée. Il importait de rassurer
les agents, de montrer que certaines attitudes
ne pouvaient être tolérées sans pour autant
considérer l’insécurité comme un problème
provoqué uniquement par l’extérieur. La
STAS même avait peut-être des pratiques peu
favorables à un climat de paix sociale.
Ainsi, en comparant la base sociologique du personnel de la STAS et celle
de sa clientèle, il apparaissait clairement
un écart important : le personnel se
situait plutôt autour d’une moyenne
d’âge de 40 ans, avec une origine française1 et très souvent rurale dans la
plupart des cas, tandis que la clientèle
était plutôt jeune, avec une forte proportion de personnes issues de l’immigration, et essentiellement urbaine.
Ainsi, la STAS a développé une politique
globale de sécurité basée sur deux volets :
1) La sécurité : développement d’une collaboration avec la Police nationale, mise en
place de systèmes de sécurité, prise en
Origine présumée du fait du patronyme.
VOLUME 1 - 2000 -
51
charge des victimes, système de communication directe sur les incidents…
l’encadrement des entreprises sur l’ensemble
des sites FACE.
2) La prévention, avec deux actions distinctes :
Dans la Loire, le site FACE Saint-Étienne a
proposé en 1999 deux sessions de formation
(d’une durée de deux jours) à ses entreprises
adhérentes. Au total, une dizaine d’entreprises ont été concernées. Les responsables
“veille et intervention”, agents de maîtrise du
service prévention et sécurité de la STAS, ont
participé aux sessions.
- réflexion puis formation en interne ;
- recrutement d’agents d’accueil et de médiation sociale.
Les deux actions développées dans le cadre
du volet prévention ont conduit la STAS à
aborder le problème du racisme et de la
diversité culturelle.
Action de réflexion et de formation à
l’interne
• Des “ateliers de régulation” (s’apparentant
à des groupes d’analyse de la pratique) ont
été mis en place en 1997 afin de permettre
au personnel de s’exprimer sur les problèmes
de sécurité. Le débat s’est vite orienté vers les
problèmes liés aux jeunes issus des quartiers
défavorisés et issus de l’immigration. Le
groupe de travail a permis l’identification de
blocages. Il a conduit à une première définition de besoins d’apports extérieurs et de
formation de la part des agents.
• À partir des réflexions de ce groupe et finalement à la demande de plusieurs participants, une formation à la diversité culturelle
a été mise en place en 1998. Il s’agissait de
favoriser l’ouverture mentale du personnel
sur son environnement. La formation a été
suivie par l’ensemble des vérificateurs, des
chefs de groupe et des conducteurs des
lignes desservant les quartiers, soit 70
personnes. Objectifs : relativiser les généralisations véhiculées au sein du personnel à
propos des personnes d’origine étrangère ;
rendre les agents capables de faire la part
de choses entre un agresseur et la population
d’un quartier. Réalisée par MOZAICAL et
AFORE (Sauvegarde de l’enfance), la formation a apporté aux agents une connaissance
sérieuse des personnes issues des quartiers
difficiles, principalement d’origine maghrébine.
En 1999, une autre action de formation
proposée par la FACE (Fondation agir contre
l’exclusion) a sensibilisé les agents de
maîtrise du service prévention et sécurité au
management interculturel. La formation s’est
inscrite dans le cadre d’une action nationale
de la FACE soutenue par la DPM et le FAS.
La fondation avait confié à un prestataire
(FORUM
à Nevers),
le soin de sensibiliser
Origine présumée
du fait du patronyme.
1
52
L’objectif de la formation était d’optimiser le management dans les entreprises confrontées à la diversité
culturelle. Comment? En apportant des
points de repère sur la culture, l’histoire
et la religion des personnes d’origine
étrangère afin de comprendre les positionnements et les attitudes de ces
personnes, de mieux gérer cette diversité
et de développer l’efficacité de l’entreprise. L'approche interactive s’adressait
à tous les niveaux d’encadrement.
Désormais, la FACE souhaite accroître la
sensibilisation sur les discriminations raciales
en touchant plus précisément les DRH et le
personnel non encadrant, sans doute en lien
avec ASPECT à Saint-Étienne.
La formation a éveillé un vif intérêt chez les
responsables “veille et intervention”. Ils expriment un besoin complémentaire sur la “relation avec les usagers issus de l’immigration”,
qui n’a pas pu être apporté par ce type de
formation.
Actuellement, le service formation de la STAS
veut intégrer la formation à la diversité culturelle de manière transversale dans le plan de
formation de l’entreprise. La FACE SaintÉtienne participe à cette réflexion.
Action de recrutement d’agents d’accueil
Il s’agissait de recruter des agents d’accueil
pour prévenir les débordements, la violence,
le vandalisme et rétablir le dialogue avec la
clientèle
Au départ, le contraste entre la base sociologique des clients et celle du personnel de la
STAS avait conduit la direction à appliquer
une politique de discrimination positive en
faveur des jeunes issus de l’immigration, tout
en souhaitant garder une certaine mixité des
origines. La direction s’est alors aperçue que
les jeunes en question, mais aussi les parte-
LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL
naires de l’insertion et de l’accueil des
jeunes, avaient tendance à considérer le
travail d’agent d’accueil comme “réservé”
aux jeunes issus de l’immigration et résidant
dans les quartiers. La STAS s’est donc vue
dans l’obligation de pratiquer une discrimination “inverse” pour que les postes d’agents
d’accueil ne soient pas l'apanage des jeunes
issus de l’immigration. Pour le directeur du
service prévention et sécurité, l’objectif était
de créer un mode d’organisation professionnel. Il importait d’éviter une “ethnicisation” de la fonction et d’échapper à un
recrutement lié à l’origine. Les agents d’accueil en poste à la STAS sont donc pour
moitié des jeunes d’origine française et des
jeunes issus de l’immigration, et aussi pour
moitié des jeunes hommes et des jeunes filles.
Actuellement, 60 agents de médiation, encadrés par des responsables “veille et intervention”, sont en poste : ils circulent en binômes
sur l’ensemble des lignes. La STAS n’a pas
souhaité que ces agents ne circulent que sur
les lignes des quartiers en difficulté. En effet,
leur mission doit se situer dans la logique
d’un nouveau service offert à l’ensemble des
usagers. Il fallait éviter de stigmatiser la fonction d’agent d’accueil et le public des jeunes
résidant dans les quartiers en difficulté.
“veille et intervention” sur 6 ont suivi la
formation proposée par la FACE en 1999. La
démarche de formation devrait se poursuivre, ainsi que la politique d’ouverture vers
les quartiers.
• La STAS s’est rajeunie et son personnel
ressemble plus au public transporté : auparavant, seul 2 % de son personnel était issu
de l’immigration, actuellement, il s’agit d’environ 20 % de son personnel (8-10 % hors
agent d’accueil).
• Des résultats très satisfaisants et mesurables
ont été obtenus sur le plan de la sécurité :
baisse des dégradations, diminutions des
incapacités temporaire de travail… Une
évaluation très précise a été faite par la STAS
sur les économies réalisées et les coûts évités
par rapport à la situation antérieure. Le
chiffre de 1,5 million de francs d’économies
est avancé par le directeur du service sécurité et prévention. La STAS songe à pérenniser les postes d’agents d’accueil en
valorisant le gain final.
• Les organisations syndicales sont plus
sereines et moins débordées par la base sur
la question de l’insécurité, le climat social est
assaini.
II. ENSEIGNEMENTS DE L’ACTION
Par-delà ces deux actions, la STAS mène en
effet une politique globale de prévention qui
rapproche l’entreprise et les quartiers. Par
l’intermédiaire des responsables “veille et
intervention”, elle est impliquée dans des
actions menées dans les quartiers, parfois
organisées par les chefs de projets du contrat
de ville. Elle dispose aussi d’une ligne budgétaire pour accompagner des projets sportifs,
culturels… Enfin, la STAS s’appuie sur les
acteurs des quartiers et de la politique de la
ville quand elle rencontre des difficultés sur
son réseau.
Résultats et perspectives :
La démarche de prévention choisie par la
STAS est efficace et bien acceptée par le
personnel. En privilégiant une méthode en
deux temps (un groupe de travail débouchant sur une formation), la STAS a permis la
réussite et surtout l’acceptation par le
personnel de la formation “diversité culturelle”. Si la société n’avait pas choisi cette
stratégie et qu'elle ait simplement imposé la
formation, des dysfonctionnements importants en auraient sans doute découlé.
En outre, les agents ont bien accepté l’action
de prévention, dans la mesure où, dans le
même temps, la société se préoccupait de
leur sécurité. Le directeur du service prévention et sécurité note que la plupart des
conducteurs n’utilisent pas les cabines vitrées
sécurisées des bus. Ils préfèrent garder le
contact avec la clientèle. Cela correspond
bien à la politique choisie par la STAS.
• 70 membres du personnel ont suivi la
formation à la diversité culturelle en 1998.
Celle-ci a fait l’objet d’une évaluation qui a
démontré une évolution très importante des
mentalités des stagiaires (plus ouverts, plus
optimistes qu’au début). 4 responsables
L’entreprise STAS a opté pour la prévention
alors que les élus locaux qui présidaient le
SIOTAS étaient partagés sur les solutions
proposées. Non seulement elle a agi en
direction des usagers en mettant en place les
agents d’accueil, mais elle a aussi cherché à
La STAS a aussi élargi les créneaux horaires
pour la desserte des quartiers. Ainsi, en
janvier 1999, la desserte en soirée de
Montreynaud (un des quartiers les plus difficiles de l’agglomération) a été rétablie.
VOLUME 1 - 2000 -
53
provoquer des changements internes en
formant son personnel. Petit à petit, des
évolutions se font jour au sein de l’entreprise,
même si des problèmes subsistent. Chez les
agents d’accueil, malgré un recrutement
professionnel qui a permis leur bonne acceptation dans l’entreprise, la STAS n’est pas
parvenue à développer un véritable savoirfaire et le turn-over reste important. En
revanche, la brèche ouverte par leur recrutement a facilité l’embauche de personnes
d'origine étrangère sur d’autres types de
postes.
Contacts
M. Yves GRASSET, directeur du service
prévention et sécurité à la STAS
Tél. : 0472928200.
Mme Pilar JACQUET, directrice de FACE
Saint-Étienne
Tél. : 0477490103
Voir aussi :
L’intervention de la STAS s’est centrée sur sa
propre organisation et ses propres pratiques.
Mais elle a développé des partenariats avec
des structures associatives pour modifier le
comportement du public des quartiers.
Le diagnostic initial a consisté à analyser la
politique de sécurité antérieure et la composition sociologique du personnel, ainsi que
son attitude face aux difficultés rencontrées
dans le réseau. Cela a permis à la STAS de
définir sa politique sur de bonnes bases.
Aujourd’hui, la politique de la STAS est
observée par de nombreux opérateurs. Et les
élus de l’agglomération stéphanoise la
soutiennent activement.
54
Contrat de ville 2000-2006
Ville de Saint-Étienne
Au sein de l’orientation stratégique prioritaire “Soutenir les populations les plus
démunies”, le contrat de ville de SaintÉtienne prévoit de lutter contre les
pratiques discriminatoires en articulation
avec les dispositifs d’insertion professionnelle et économique. Sur le volet
thématique “Insertion économique” est
inscrite la volonté de lutter contre les
pratiques discriminatoires à l’embauche.
LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL
Fiche 9.
Association dijonnaise pour l’emploi des jeunes (ADEJ)
Lutte contre des discriminations raciales
dans l’accès aux contrats d’apprentissage
Résumé : En 1998 à Dijon, l’ADEJ a lancé
une étude-action sur l’accès des jeunes d'origine étrangère aux contrats d’apprentissage.
Il s’agissait de repérer les freins et les
obstacles à l’entrée de ce public sur les
contrats d’apprentissage, et aussi d’expérimenter des méthodes pour résorber cette
situation sur le territoire de l’agglomération
de Dijon. L’intérêt des actions mises en place
réside dans la démarche de mobilisation de
quatre types de partenaires, à savoir l’entreprise, les opérateurs du marché du travail et
de la formation, les familles et les jeunes.
I. ANALYSE DE L’ACTION
Association intermédiaire, l’ADEJ s’adresse
en priorité à un public jeune. Elle intervient
sur la mise à disposition de personnels en
entreprises et chez des particuliers. Elle existe
depuis 1987 à Dijon.
L’ADEJ a été sollicitée par le FAS pour porter
une étude-action sur l’accès des jeunes d’origine étrangère à l’apprentissage en raison
de ses relations nombreuses à la fois avec les
entreprises et avec les jeunes.
Un comité de pilotage large a été mis en
place, associant les bailleurs de fonds, les
partenaires opérationnels et institutionnels.
Ce dernier n’a cependant pas apporté un
soutien très actif au développement de
l’étude-action : seuls le FAS régional et l’ADEJ
se sont véritablement impliqués dans sa
conception et son déroulement.
L’étude-action est conduite par deux chargés
de mission. Elle a une durée de 2 ans pour
un budget global de 1,4 million de francs
(comprenant un partenariat transnational).
Origine de l’action
La DARES a publié en 1995 une étude sur
l’insertion professionnelle des étrangers. Le
document faisait valoir que seuls 2,5 à 3,9 %
(selon le type de contrat) des jeunes présents
dans ces filières étaient étrangers, alors que
ceux-ci représentaient 11,8 % des demandeurs d’emplois 1. Or ce type de formation est
un excellent accès à l’entreprise et à l’emploi.
1
La situation tendait donc à démontrer qu’un
premier blocage devait être levé : ouvrir, aux
jeunes d’origine étrangère, des formations
leur permettant d'intégrer l’entreprise.
Face à ce constat, réalisé au niveau national,
le FAS de la région Bourgogne a réfléchi aux
raisons du blocage et aux éventuelles solutions, avec pour terrain d’expérimentation et
de réflexion l’agglomération de Dijon. Celleci ne rencontre pas de problème particulier.
Mais elle abrite des îlots de précarité : le
quartier des Grésilles, où vit une très forte
proportion de population marocaine, un
autre quartier - les Fontaines d’Ouche - non
classé zone urbaine sensible, mais où des
problèmes se développent, et enfin le centreville, où une population d’origine étrangère
vit en situation précaire dans des zones d’habitats dégradés.
Objectifs et publics visés
Un double objectif est visé :
- connaître les raisons du faible accès des
jeunes d’origine étrangère aux filières de
l’apprentissage ;
- proposer et expérimenter les bonnes
pratiques et les solutions pour inverser cette
tendance.
Le public visé par l’étude-action est celui des
jeunes étrangers, d’origine étrangère ou
connaissant des problèmes de discrimination
en raison de leur nom, de leur lieu de résidence ou de leur “faciès”.
Démarche et méthodologie
Deux phases distinctes peuvent être identifiées :
1) Une réflexion et une analyse sur les mécanismes qui conduisent les publics jeunes
étrangers ou français de l’immigration à être
faiblement représentés dans la filière apprentissage.
Cette analyse a été réalisée par le biais de
rencontres avec différents acteurs : les opérateurs du marché de l’emploi et de l’insertion
(ANPE, missions locales, CFA, organismes de
formation, services de l'emploi, organismes
consulaires…), les acteurs du monde écono-
Voir bibliographie, étude citée par Bayade, “L'Insertion professionnelle des étrangers”, DPM, 1997.
VOLUME 1 - 2000 -
55
mique (organisations professionnelles, entreprises), les jeunes…
Les jeunes ont été approchés dans deux types
de situations :
- d’une part, des jeunes issus de l’immigration
en recherche de contrats d’apprentissage
afin de repérer les obstacles et les difficultés
qu’ils rencontrent ;
- d’autre part, des jeunes en apprentissage,
afin de connaître les sources d’information
dont ils ont disposé, les filières proposées, les
raisons de leur choix et la manière dont
s’était déroulée la recherche de contrat.
Le monde économique a été approché par le
biais des organisations professionnelles, des
syndicats de branches et des entreprises
elles-mêmes (20 entreprises rencontrées).
Cette analyse révèle un “racisme déguisé” de
la part des entreprises et une méconnaissance des filières de l’apprentissage de la
part des familles d'origine étrangère. De leur
côté, les jeunes ont une image dévalorisante
de ces métiers. Leurs parents y ont souvent
connu des expériences négatives.
2) Face aux résultats de cette analyse, les
deux promoteurs principaux de l’étude-action
ont choisi de travailler dans plusieurs directions afin de répondre à l'ensemble de la
problématique :
- en direction des familles ;
- en direction des jeunes ;
- en direction des opérateurs du marché du
travail ;
- en direction des entreprises.
Il s’agissait de toucher l’ensemble des acteurs
susceptibles d’interférer à un moment ou à un
autre sur le processus d’accès des jeunes
d’origine étrangère aux contrats d’apprentissage, de les sensibiliser à ce problème et de
monter avec eux des actions spécifiques pour
faire évoluer la situation.
Ces quatre directions ont donné lieu aux
expérimentations suivantes :
Action en direction des familles :
Il s’agit d’informer ces familles sur les filières,
les métiers de l’apprentissage et les entreprises susceptibles de recruter par ce biais.
L’objectif poursuivi est de revaloriser auprès
d’elles (et indirectement auprès de leurs
enfants) l’image des métiers utilisateurs de
l’apprentissage afin que les jeunes se positionnent plus facilement sur ces filières.
L'action est mise en place dans le cadre d’un
partenariat avec des centres sociaux ou des
associations (tel le CESAME) qui dispensent
des cours d’alphabétisation dans les quartiers. Ce parti pris permet de toucher un
56
public déjà constitué, qui se situe dans une
démarche active d’intégration. L’action n'en
est que plus efficace.
Des sessions d’information sont développées
à l’occasion des cours d’alphabétisation.
Elles portent sur les dispositifs de formation
professionnelle, les organismes locaux intervenant dans ce domaine, les métiers susceptibles d’être préparés en alternance, les
enjeux d’une bonne orientation pour l’insertion professionnelle et sociale. Des visites
d’entreprises et de centres de formation d'apprentis sont également organisées.
Action en direction des jeunes :
Il s’agit de faire découvrir aux jeunes d’origine étrangère les entreprises et les métiers
qui peuvent être abordés par l’apprentissage.
Une action intitulée “Dix films pour découvrir
l’entreprise” a été mise en place. Objectif :
aider les jeunes à connaître et à apprécier
des métiers en réalisant des films de présentation, qui les amènent à rencontrer des chefs
d’entreprises et des salariés. Ils deviennent
ensuite des porte-parole de ces métiers
auprès d’autres jeunes. Cette action est
conduite avec un service de prévention
spécialisée, un organisme de formation en
charge de l’action préparatoire à l’insertion
professionnelle sur l’agglomération dijonnaise et un centre multimédia pour la partie
technique.
Action en direction des opérateurs du marché
du travail et de la formation :
L’objectif est de faire évoluer la prise en
compte d’un public jeune issu de l’immigration dans les systèmes de formation de droit
commun. Elle se concrétise par la mise en
place de deux types de formation :
• “Marché de l’emploi et discrimination”
pour les médiateurs du marché de l’emploi.
Cette formation avait pour but d’aider les
participants à identifier les situations de
discriminations, à concevoir et à appliquer
des stratégies contre les discriminations, à
repérer les représentations des acteurs du
milieu économique sur les populations immigrées, le travail et l’intégration.
• “Gestion des diversités culturelles et
sociales dans l’animation des groupes en
formation”, à destination des formateurs et
enseignants des CFA 2.
La mise en place du travail avec les opérateurs du marché du travail n’a pas été aisée.
En effet, le thème de la discrimination raciale
n’est pas directement considéré comme une
LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL
problématique par les opérateurs (notamment par l’ANPE).
Action en direction des entreprises et des
branches professionnelles :
L’objectif est de favoriser une évolution des
représentations des chefs d’entreprises et de
leur encadrement sur les jeunes étrangers ou
d'origine étrangère. Un premier projet
réfléchi avec l’organisme de formation
continue dépendant du MEDEF départemental consistait à organiser une réunion
large sur la question de la diversité culturelle
(dans le cadre d’un cycle de petits déjeuners
destinés aux chefs d’entreprise), cette réunion
permettant d’effectuer un premier pas vers la
mise en place de sessions de formation
auprès de groupes d’entreprises. Des changements de personnes parmi les interlocuteurs de l’ADEJ ont conduit à l’abandon du
projet au profit d’une opération beaucoup
moins “visible”.
Trois actions spécifiques sont en place :
• Une formation sur la gestion de la diversité
culturelle est menée dans une entreprise
volontaire pour le premier semestre 2000.
• L’ADEJ participe au groupe de réflexion
“Cap sur l’Avenir”, initié au niveau national
par le MEDEF. L’association tente de faire
évoluer le débat sur les discriminations
raciales. Une proposition a été formulée pour
ajouter, aux modules de formation des tuteurs,
la diversité culturelle dans l’entreprise.
•Une action initiée en partenariat avec la
CGPME et l’Union départementale des boulangers et boulangers-pâtissiers se développe
également. Il s’agit d’organiser une bourse de
stages en entreprise pour des collèges situés en
zones sensibles et de faire intervenir des chefs
d’entreprises dans ces mêmes collèges.
L'action s’est mise en place sur proposition du
président régional URPMI-CGPME formulée
auprès de la CODAC Côte-d’Or.
- 3 formations pour les médiateurs du marché
du travail et une formation pour les formateurs sont organisées en 2000 ;
- une formation à la gestion de la diversité
culturelle est en cours dans une entreprise de
l’agglomération ;
- 3 films ont été réalisés par les jeunes sur
différents métiers ;
- 8 périodes de stage ont été organisées pour
des collégiens des zones sensibles, mobilisant 24 entreprises variées. Cette action se
poursuit :
- un référentiel de formation à destination des
familles sur l’apprentissage et ses métiers est
en cours d’élaboration ;
- une action de parrainage pour des jeunes
issus de l’immigration ou résidant dans des
quartiers en difficulté est envisagée.
Les différentes actions mises en place constituent les principaux résultats de cette opération. Il convient d’y ajouter le processus de
sensibilisation enclenché sur l’ensemble de
l’agglomération, l’ouverture d’un débat sur la
question des discriminations raciales dans
l’accès à l’emploi et à la formation en entreprise.
L’étude-action se termine en juillet 2000. Un
bilan en sera alors tiré. Il conviendrait de
trouver d’autres relais financiers pour poursuivre la mobilisation et les actions enclenchées pendant ces deux années.
II. ENSEIGNEMENTS DE L’ACTION
Un des intérêts de la démarche réside dans
la conduite d’une action sur plusieurs volets.
Ceux-ci correspondent à l’ensemble des
points de blocage repérés en amont par
l’ADEJ : les familles, les jeunes eux-mêmes,
les entreprises, les organismes de formation
et les opérateurs du marché du travail. Il est
ainsi intéressant de relever la volonté d’apporter une réponse globale à ce problème sur
l’agglomération.
Résultats et perspectives
Conçue dans un objectif de changements en
profondeurs des mentalités, de sensibilisation
des acteurs à ce problème afin de faire
évoluer les pratiques, l’action n’avait pas
d’objectifs en termes de placements.
Quelques chiffres peuvent cependant être
cités :
- 50 personnes ont été informées et sensibilisées sur les filières d’apprentissage (action
famille) ;
2
Le manque de soutien de la part de l’État
ne facilite pas la mobilisation des acteurs
sur l'opération. Et l’association redoute
une interruption des actions initiées au
moment de la fin de l’étude-action. De
s u rc roît, l’ADEJ rencontre des difficultés de
dialogue sur les discriminations raciales. Il
est aussi délicat de monter des actions
volontaristes affichant clairement cet
objectif. Pour travailler dans ce sens avec
les entreprises, elle a été amenée à effacer
Ces deux formations font partie du catalogue du FAS.
VOLUME 1 - 2000 -
57
cet objectif au profit d’une réponse à leurs
besoins en compétences et en maind’œuvre.
Les branches et syndicats professionnels ou
patronaux ne sont pas fermés à la question.
Mais ils craignent de l’afficher. Pour faire
évoluer l’action, il s’est révélé important de
“déculpabiliser” les entreprises sur cette
question et de partir de leurs problèmes. Sur
ce point, le partenariat avec les opérateurs
du marché du travail a été également difficile
à mettre en place. Actuellement, le travail
avec les entreprises est dans une phase positive, le déficit de compétences sur le marché
de l’emploi facilitant leur ouverture à une
population plus diversifiée.
58
Contacts
Samuel Bresse, ADEJ,
ou Véronique Jean-Baptiste
Tél. : 0380596540.
Voir aussi :
Contrat de ville
de l’agglomération dijonnaise
L’intégration des populations immigrées
et la lutte contre toute forme de discrimination constituent une orientation prioritaire pour les cinq objectifs définis dans
la convention cadre. Sur l’objectif de
“cohésion sociale” et le thème de
“l’accès à l’emploi”, il convient de développer des groupes de travail thématique
associant le FAS et le renforcement du
lien entre les actions de formation linguistique et celles de droit commun.
LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL
Fiche 10.
Association RIVES Loire (MEDEF)
Aide au recrutement de personnes qualifiées
d'origine étrangère
L’association RIVES Loire a été constituée à
l’initiative du MEDEF Loire avec l’appui de
plusieurs administrations régionales ou
départementales (préfecture de région, de
département, DDTEFP, DDANPE, conseil
régional, conseil général) : elle s’est donné
pour objectif de “réussir l’insertion vers les
entreprises”. L’association porte trois actions
différentes :
- “Mode d’emplois” : prospection et identification d’emplois pour des chômeurs de
longue durée dans les entreprises; suivi des
contrats initiative emploi : suivi et accompagnement en entreprise des personnes bénéficiant d’un CIE ;
- l’opération “Médialogue”.
Le pilotage de la dernière opération est
assuré par la délégation départementale
ANPE, Emploi Loire observatoire (observatoire de l’emploi sous forme associative,
financé par différentes structures publiques
départementales) et la DDTEFP.
Le financement de l’action (310000 F) est
entièrement apporté par la DDTEFP de la
Loire.
Loire a dressé le constat suivant : de
nombreuses offres n’étaient pas satisfaites,
dans la mécanique notamment, et des jeunes
d’origine maghrébine souvent formés dans
ces métiers ne trouvaient pas de travail. La
conjugaison de ces deux phénomènes
pouvait laisser à penser que les responsables
d’entreprises ne souhaitaient pas embaucher
de personnes d'origine étrangère.
Du coup, le service public de l’emploi a
souhaité mettre en place un projet de médiateur interculturel pour faciliter l’intégration
des personnes d’origine étrangère dans les
entreprises. Pour porter ce projet, la DDTEFP
s’est adressée au MEDEF départemental, et
plus particulièrement au Syndicat métallurgique patronal de la Loire (SMPL), en lui
proposant de monter une association.
Regroupant les services de prospection d’emplois pour l’insertion, cette structure aurait
également pu porter le projet.
Le MEDEF et le SMPL ont accepté. En effet, le
travail d’insertion ne leur était pas inconnu
(Mode d’emplois). En outre, la métallurgie
souffrait d'une pénurie de main-d'œuvre
compétente. Des centaines d’offres restaient
non satisfaites sur le département, car l’employeur ne trouvait pas le profil recherché,
dans un contexte où la pyramide des âges
était élevée. La possibilité de recourir à une
main-d’œuvre d’origine étrangère qualifiée,
et notamment des jeunes, apparaissait dès
lors comme une solution à encourager dans
les entreprises.
Le groupe de travail du service public de
l’emploi avait ciblé un profil de chargé de
mission très précis : une personne d'origine
étrangère ayant vécu une expérience de
responsable d’entreprise. Malgré la difficulté
d’une telle recherche, un ancien directeur
d’entreprise issu de l’immigration a pu être
recruté.
Origine de l’action
Objectifs et publics visé
La Loire est un département marqué par des
difficultés économiques depuis de longues
années. La sidérurgie, les mines - secteurs
d’activité où abondait la main-d'œuvre d’origine étrangère - ont été l’objet de restructura tions et de fermetures de sites. Pour autant,
certains secteurs restent dynamiques. En
particulier la mécanique.
En 1997, le service public de l’emploi de la
Il s’agit de lever les préjugés et les incompréhensions susceptibles de gêner l'insertion
professionnelle des personnes d’origine
maghrébine. L'approche retenue repose sur
les compétences et les aptitudes des postulants.
Le secteur industriel et celui de la mécanique
et donc les jeunes disposant d’une formation
dans ces secteurs - étaient les premiers visés.
Résumé : Portée par un syndicat patronal et
soutenue par la DDTEFP de la Loire, l’opération Médialogue facilite le recrutement de
personnes qualifiées d'origine étrangère
dans les entreprises. Comment ? Par un
travail de préparation auprès du public et
des entreprises avant la mise en relation et en
offrant un suivi. Une sensibilisation plus
directe des entreprises pour un recrutement
diversifié serait une perspective de développement de cette opération.
I. ANALYSE DE L’ACTION
VOLUME 1 - 2000 -
59
Mais l’opération devait s’adresser à tous les
secteurs.
Démarche et méthodologie
Trois axes de travail ont été repérés :
• Une sensibilisation des employeurs pour
les inciter à ne pas négliger cette maind’œuvre potentielle. Ce travail devait aussi
passer par une intervention auprès des
employeurs ne faisant pas de distinction
e n t re les origines ethniques de leurs
employés afin de disposer d’un fichier d’actions d’entreprises locales à citer comme
référence.
• Un travail de sensibilisation et de mobilisation auprès du public afin de bien lui
faire appréhender les règles du monde du
travail.
• Une médiation en cas de difficultés liées
à la diversité culturelle dans une entreprise.
Même si l’objectif est resté similaire, la
démarche a dû évoluer.
Ainsi, la sensibilisation en direction des
entreprises ayant peu ou prou des attitudes
discriminantes au recrutement n’a pas pu
être effective. En effet, la plupart de ces
e n t reprises refusent le dialogue. De
surcroît, la DDTEFP et le SMPL n’ont pas
souhaité que le chargé de mission tienne un
discours “moralisateur”. Celui-ci s’est donc
attaché à travailler avec des entreprises
ayant des besoins de recrutement. Il leur a
proposé les candidatures de personnes
d'origine étrangère “préparées” à l’entretien, avec un contact préalable avec le
responsable d’entreprise pour présenter la
personne. En se présentant avec l’étiquette
MEDEF-SMPL, le contact avec le chef d’entreprise est naturellement facilité ! Un suivi
de candidature est aussi assuré.
Dans les faits, les entreprises visées ne sont
pas forcément repérées comme ayant des
pratiques discriminatoires. Le chargé de
mission part du principe que la discrimination est souvent inconsciente et diffuse. Ces
entreprises sont identifiées avec les parten a i res qui recueillent des off res (par
exemple, les missions locales) ou par le
biais des jeunes qui viennent rencontrer le
chargé de mission avec leurs offres d’emplois.
Parallèlement, le médialogue a constaté
chez le public une difficulté importante à
appréhender le monde de l’entreprise et
60
ses règles. Un travail spécifique a donc été
engagé.
Un partenariat a été mis en place avec des
assistantes sociales, des missions locales,
des associations de quartier pour repérer
ce public, le préparer à l’entrée en entreprise et faciliter son recrutement lorsqu’il
dépose une candidature.
Dans la mesure où ne sont présentées à
l’entreprise que des personnes aptes à
prendre le poste proposé, Il ne s’agit pas
d’une démarche d’insertion. Le travail du
chargé de mission repose sur le savoir-être
des demandeurs d’emploi, qui souvent
n’ont pas eu la possibilité de connaître l’entreprise auparavant (difficulté d’accès aux
stages ou à l’alternance notamment).
Enfin, le médialogue intervient également,
en lien avec la CAPEB et le SMPL, pour
sensibiliser des jeunes d'origine étrangère
à des métiers où les besoins de maind’œuvre sont importants. Il les rencontre
par le biais des maisons de quartier ou
d’associations. Puis il leur présente les
possibilités de formation. Il s’agit justement
de secteurs au sein desquels les parents des
jeunes ont travaillé à leur arrivée en
France, souvent dans des conditions difficiles. Le médialogue leur présente les possibilités de carrière que les jeunes ignorent le
plus souvent.
Les éléments clés de cette méthodologie
consistent :
- à privilégier un discours axé sur les
compétences et non sur la diversité culturelle (jugé stigmatisant) en direction des
entreprises ;
- à proposer aux publics issus de l’immigration une vision réaliste du monde du
travail et de l’entreprise, en leur apportant
des règles de comportements, en les rassurant (contact préalable avec le recruteur) et
en les revalorisant.
L’intervention en situation de travail, troisième axe de l’action, n’a pas pu être mise
en place. Car la médiation ne semblait pas
correspondre à un besoin véritable dans les
entreprises. Celles-ci sont en effet rétives à
toute intervention extérieure. La démarche
a été élaborée dans l’action par le chargé
de mission, avec validation du comité de
pilotage.
Résultats et perspectives
• Aucun objectif quantitatif n’avait été fixé.
LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL
Mais l’action a permis le placement de
plusieurs jeunes issus de l’immigration ou
des entrées en formation sur des métiers
demandés sur le marché du travail.
• Un changement de mentalité des responsables d’entreprises est perceptible.
• Le partenariat avec le SMPL s’est amplifié
au fil de l’action. Le médialogue est intervenu devant le bureau du syndicat pour
présenter non seulement son action, mais
surtout les problèmes de l’immigration et de
l’intégration. Un débat ouvert a eu lieu à
cette occasion.
En 2000, la DDTEFP a proposé un objectif
quantitatif de 30 placements.
II. ENSEIGNEMENTS DE L’ACTION
L’opération Médialogue relève beaucoup
de la personnalité et de l’énergie du
chargé de mission, de son histoire personnelle et de son attitude par rapport à l’immigration.
Bénéficiant aujourd’hui d’une bonne image
et d’une reconnaissance locale, l’opération
rencontre cependant quelques difficultés.
Ainsi, bien que le MEDEF Loire ait accepté
de porter l’opération Médialogue par l'intermédiaire d’une association, l'organisation patronale s’est assez peu impliquée au
niveau opérationnel. Le chargé de mission
a donc peu bénéficié de son réseau dans
un premier temps. Cette situation serait en
train d’évoluer grâce à la satisfaction des
chefs d’entreprises partenaires.
Le travail de sensibilisation auprès de
groupes d’entreprises n’a pas pu débuter.
En effet, le SMPL et les clubs d’entreprises
rencontrés dans le département préfèrent
voir se développer des contacts individuels
liés aux problèmes des entreprises plutôt
que des interventions sur la diversité culturelle ou les discriminations raciales.
Ensuite, le partenariat avec la délégation
départementale ANPE et ses agences n’a
pas encore eu de manifestation concrète.
Enfin, le travail d’intermédiaire entre l’entreprise et le public a évolué vers une
action plus prononcée en direction du
second. Le chargé de mission cherche à
rapprocher le public de l’entreprise, qu'il
imagine pal en train de faire le premier
pas.
d’un contexte économique propice. La
reprise facilite la prise de conscience des
entreprises quant à la nécessité de recruter
du personnel nouveau et compétent sans
discrimination. Le déficit de main-d’œuvre
qui pénalise certains secteurs permet à
l’opération de répondre aux besoins des
entreprises, et donc de se développer dans
un climat plus ouvert. L'action démontre
également que les partenaires patronaux dans les conditions et les limites qu’ils se
fixent - peuvent se mobiliser pour l’égalité
des chances et ouvrir un débat. En
mai 2000, cette mobilisation croissante
s'est traduite par la signature d'un accord
départemental entre patronat et syndicats
sur les luttes contre les discriminations à
l'emploi, impulsé par la démarc h e
ASPECT 1.
Au niveau de l’entreprise, la “lutte contre
les discriminations raciales” s'estompe
devant les arguments liés aux compétences
des personnes. Le chargé de mission essaie
d’élargir le débat avec certaines entreprises… Mais il préfère généralement
c o n t o u rner la question plutôt que de
l’aborder de front. L’intérêt de l’entreprise
est donc mis en avant, sans que la diversité
culturelle soit abordée en tant que telle. Les
résultats de l’action peuvent être intéressants en termes de placement. Toutefois,
elle risque d'avoir peu d’influence sur les
comportements réels des entreprises. Une
démarche de sensibilisation des entreprises
ou de formation du personnel à la diversité
culturelle pourrait être une voie d’évolution
pour cette action.
Malgré ces limites, l’opération bénéficie
1
Voir fiche n° 2.
VOLUME 1 - 2000 -
61
Contacts
Mohamed Chouieb, chargé de mission,
opération Médialogue
Monsieur Dugas, président de RIVES LOIRE
Tél. : 0477937817
Fax : 0477937818
Alain Fouquet, DDTEFP
adjoint de la Loire
Tél. : 0477434180
Voir aussi :
Contrat de ville 2000-2006
Ville de Saint-Étienne
Au sein de l’orientation stratégique prioritaire “Soutenir les populations les plus
démunies”, le contrat de ville de SaintÉtienne prévoit de lutter contre les
pratiques discriminatoires en articulation
avec les dispositifs d’insertion professionnelle et économique. Sur le volet
thématique “Insertion économique” est
inscrite la volonté de lutter contre les
pratiques discriminatoires à l’embauche.
62
LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL
Fiche 11.
Formation “Marché du travail et discriminations” :
l’exemple du PLIE de Louviers (Eure)
Résumé : L'équipe et les partenaires du PLIE
de Louviers ont suivi la formation "Marché du
travail et discriminations" financée par le
FAS et dispensée par l'organisme de formation IFCIL SA, avec l'appui de FORUM.
La formation a donné aux acteurs locaux une
meilleure compréhension des attitudes et
représentations culturelles des demandeurs
d'emploi issus de l'immigration. Ces acteurs
locaux ont amélioré leur pratique quotidienne de l’accompagnement. Des outils
méthodologiques et conceptuels ont enrichi
leur réflexion et leur rôle de médiateur entre
la demande et l'offre d'emploi sur la question
des discriminations.
Aucun projet collectif n'a cependant été mis
en œuvre à l'issue de la formation par les
acteurs locaux. Ceux-ci paraissent encore
assez démunis face aux discours et aux
pratiques discriminatoires de certains
employeurs.
I. ANALYSE DE L'ACTION
Origine
Le PLIE Seine-Eure fédère les efforts d'insertion des 15 communes de l'agglomération de
Louviers, Val-de-Reuil et les communes
voisines. Ces communes abritent des quartiers fortement paupérisés, mais aussi des
parcs industriels importants. Le repérage de
pratiques discriminatoires sur le territoire a
été l'occasion de différents échanges informels entre les intermédiaires de l'emploi.
Ainsi, les récits des jeunes et des adultes
étaient croisés avec les discours recueillis
auprès des employeurs, invoquant alternativement les réticences de leur personnel,
celles de leurs sociétés clientes ou de leurs
usagers pour justifier "une préférence nationale". Des traitements différenciés étaient
également constatés dans l'évolution des
carrières et le positionnement des personnes
d'origine étrangère fréquemment affectées à
des postes de faible niveau de qualification,
quels que soient leur parcours et leur formation. Parallèlement, chacun se heurtait à une
attitude fataliste des demandeurs d'emploi,
jeunes en particulier, analysant le rejet de
1
leur candidature par l'affirmation systématique des motivations racistes de l'employeur.
Grâce au catalogue de formation du FAS 1,
l'équipe du plan local d'insertion pour l'emploi de la communauté de communes SeineEure a pris connaissance de la formation
"Marché du travail et discriminations"
financée par le FAS et dispensée par l'organisme IFCIL SA, avec l'appui de FORUM
installé à Nevers. Le PLIE a ainsi proposé à
l'ensemble de ses partenaires l'organisation
de cette formation à Louviers.
Objectifs et publics
Les principaux partenaires du PLIE sollicités
se sont inscrits à la formation : PLIE de SeineEure, PLIE d'Évreux, CRIF (organisme de
formation), Emploi Conseil (accueil et accompagnement des demandeurs d'emploi
adultes), GEIQ BTP départemental, mission
locale. L'ANPE était représentée par la référente PLIE mise à disposition par l'agence.
Les attentes des partenaires vis-à-vis de cette
formation visaient autant le repérage et la
lutte contre les discriminations raciales à
l'emploi que la compréhension des comportements et des représentations culturelles des
personnes issues de l'immigration. Comment
comprendre certains freins à l'accès à l'emploi liés, de manière réelle ou supposée, à
leur culture d'origine? Comment aborder ces
questions avec les personnes concernées et
les aider à surmonter ce qui représente
parfois un handicap dans la poursuite de leur
parcours? Comment identifier les comportements discriminatoires des employeurs et
rendre leur perception plus objective ?
Comment modifier les représentations des
employeurs? Quelles réponses donner aux
arguments avancés par les employeurs pour
légitimer des critères de recrutement d'origine ethnique ?
Démarche et méthodologie
La formation se déroule sur deux séances de
deux jours. Son contenu s'articule autour de
trois grands axes : appréhender les diversités
Voir fiche dispositif n°4.4. sur l'offre de formation du FAS.
VOLUME 1 - 2000 -
63
culturelles et leurs représentations, analyser
les discriminations fondées sur l'origine
raciale, construire des outils pour repérer et
lutter contre les discriminations. L'organisme
de formation oriente également son intervention de manière à inciter les participants à
former des groupes de travail pour développer des réponses collectives face à ces
problèmes.
Dans un premier temps, l'intervenant formateur invite les participants à la formation à
s'interroger
sur
leurs
pro p re s
représentations : comment se construit notre
propre image de l'étranger? La démarche
permet de mettre à jour leurs perceptions
spontanées, les différents registres mobilisés
dans la relation à l'autre. L'objectif est de
permettre à chacun de maîtriser ses propres
représentations de façon à aborder sereinement les diversités culturelles. Des éléments
de connaissance sur l'histoire de l'immigration en France, l'impact de l'histoire coloniale, les spécificités des aires culturelles du
Maghreb et de l'Afrique noire sont également communiqués aux participants.
Emanant des participants, des études de cas
offrent ensuite un premier support de travail
sur les discriminations. Une grille est
proposée afin d'analyser ces pratiques. Des
méthodes d'intervention sont ensuite avancées. La loi et les dispositions réglementaires
sont rappelées. Les bonnes pratiques de lutte
contre les discriminations, identifiées sur un
plan national et international, sont présentées. Enfin, des outils et argumentaires sont
élaborés avec le groupe en fonction des
études de cas présentées.
D'autres attentes semblent cependant être
restées insatisfaites. Les participants ont le
sentiment de manquer d'éléments pour
comprendre les mécanismes de discriminations internes à l'entreprise et d'être davantage outillés pour dialoguer avec les
demandeurs d'emploi que pour aborder les
employeurs. Depuis l'organisation de cette
formation, un an auparavant, aucun projet
spécifique n'a vu le jour, aucune réunion n'a
rassemblé les participants de la formation sur
cette thématique des discriminations à l'emploi. Dans d'autres villes, comme à Dijon,
des formations de nature assez voisines ont
donné lieu en revanche à une mobilisation
plus forte des partenaires dans l'action.
II. ENSEIGNEMENTS DE L’ACTION
La formation constitue un outil pertinent dans
une perspective de lutte contre les discriminations. Ce type d'action favorise une verbalisation, une première analyse d'un
phénomène souvent occulté. Et elle permet
de rompre le processus de discrimination
construit par "l'effet cumulatif et interactif des
différentes idéologies et pratiques, à l'œuvre
au niveau du marché du travail mais aussi du
système local d'insertion" 1.
Pour être pleinement efficace, cet outil doit
pouvoir s'intégrer dans un plan d'ensemble
élaboré avec les acteurs locaux ou être porté
par un acteur prêt à s'engager sur le suivi et
la mobilisation des participants. Au-delà de
la sensibilisation, la mise en place d'un
projet collectif à plus long terme paraît indispensable. La formation pourra alors jouer un
rôle de levier, d'élément catalyseur.
Résultats et perspectives
Selon les participants, l'apport principal de
la formation est d'attirer leur vigilance sur les
spécificités culturelles des personnes d'origine étrangère et de conduire à une
meilleure écoute des récits de vie, des
parcours de ces
personnes depuis leur pays d'origine. Dans
leur pratique quotidienne, une meilleure
compréhension des différences culturelles
leur permet aussi de mieux décoder ce qui
relève ou non du culturel et d'aborder, avec
les personnes concernées, les attitudes et
comportements qui compromettent l'accès à
l'emploi.
La formation a déjà été mise en œuvre dans
plusieurs villes : Strasbourg, Dijon, Orléans,
Hyères… En outre, la formation de représentants de l'entreprise offre un outil complémentaire dans la sensibilisation et la
mobilisation des acteurs. C'est déjà le cas à
Limoges et à Saint-ÉtIenne 2 avec l'appui de
FORUM et des clubs d'entreprise de la
Fondation agir contre l'exclusion.
1
Olivier Noël, “Jeunes issus de familles immigrées: accès à l'entreprise et processus de discrimination. Les représentations des intermédiaires sur le bassin d'emploi de Narbonne”, ISCRA, septembre 1999.
2
Voir fiche n° 8, STAS.
64
LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL
Contacts
Voir aussi :
M. Christophe Gaeremynck,
directeur du PLIE Seine-Eure
PLIE Seine-Eure, maison Condorcet
26, boulevard Jules-Ferry
27400 Louviers
Tél. : 0232095987
Fax : 0232095981
M. Hamdani, FORUM
10, rue François-Mitterrand
58000 Nevers
Tél. : 0386239732
Fax : 0386239732
e-mail : [email protected]
Contrat de ville
de Louviers/Val-de-Reuil
/Pont-de-l'Arche
La convention cadre cite comme l'un des
six enjeux majeurs "l'intégration des
personnes issues de l'immigration et la
lutte contre les exclusions". Elle fait état
d'une "proportion importante de jeunes
de moins de 25 ans (36 % de la population Lovérienne et 50 % de la population de Val-de-Reuil), dont une partie
issue de l'immigration, parfois en quête
de repères". Elle parle également d'une
population de nationalité étrangère
supérieure dans les deux communes à la
moyenne départementale et deux fois
plus touchée par le chômage".
VOLUME 1 - 2000 -
65
Fiche 12.
AFIJ
Action pour les jeunes diplômés issus des
quartiers défavorisés
Résumé : Sur plusieurs sites en France et tout
particulièrement ceux de la politique de la
Ville, l’AFIJ a développé une démarche d’accompagnement spécifique en direction des
jeunes diplômés issus de l’immigration. À un
accompagnement classique proposé à l’ensemble du public jeune diplômé, l’AFIJ a
ajouté un suivi individualisé et l’appui de
réseaux d’experts. L'objectif est de pallier le
handicap principal des jeunes issus de l’immigration : l’absence de réseau relationnel.
I. ANALYSE DE L’ACTION
L’“Association pour faciliter l’insertion professionnelle des jeunes diplômés” a été créée
par l’ensemble des organisations étudiantes
représentatives et mutuelles étudiantes en
1994. Depuis l'origine, elle travaille avec un
public large de jeunes diplômés, de l’étudiant au salarié occupant un emploi “d’attente” après ses études, en passant par le
jeune tout juste diplômé, à la recherche d’un
premier emploi, à partir du niveau bac + 2.
L’AFIJ compte aujourd’hui 25 sites en France.
Elle est principalement financée par le ministère de l’Emploi et de la Solidarité, le ministère de l’Éducation nationale, les collectivités
locales et les administrations déconcentrées.
Sa méthode d’intervention a toujours été
axée sur un travail en collectif, l’AFIJ partant
du principe que le public jeune diplômé est
autonome.
Origine de l’action
Trois raisons ont conduit l’AFIJ à lancer cette
action :
• L’association recevait des jeunes diplômés
issus de l’immigration qui exprimaient le
problème de la discrimination raciale à l’embauche et le considéraient comme la raison
principale de leur difficulté à accéder à un
emploi correspondant à leur qualification.
• L’AFIJ s’est rendu compte qu’elle recevait
proportionnellement peu de jeunes des quartiers en difficulté et d'origine étrangère alors
que ceux-ci représentaient un nombre non
négligeable de jeunes diplômés et qu'ils
semblaient rencontrer des difficultés particulières pour accéder à l’emploi. À Lyon, la
directrice régionale explique : “Les jeunes
66
diplômés inscrits étaient tous de Lyon intramuros. Nous n’avions pratiquement personne
résidant de l’autre côté du périphérique ;
lorsque cela était le cas, ils ne venaient
jamais dans nos locaux.”
• Des partenaires implantés dans les quartiers (missions locales, PAIO…) ont exprimé
auprès de l’AFIJ leur difficulté à traiter les
problèmes de cette population de jeunes
diplômés, pour lesquels leurs outils n’étaient
pas adaptés.
Objectifs poursuivis et publics ciblés
Au départ, l’action a été guidée par les
préoccupations suivantes :
- intervenir dans les quartiers de manière
nouvelle pour toucher les jeunes diplômés
issus de l’immigration en offrant un soutien
individuel adapté ;
- mobiliser les moyens d’actions collectifs
offerts par l’AFIJ à tout le public jeune
diplômé en faveur des jeunes diplômés des
quartiers défavorisés
Et, au cours de la première expérimentation :
- faciliter l’accès des jeunes diplômés issus de
l’immigration à l’ensemble du marché de
l’emploi et donc développer leur réseau relationnel
Dans un premier temps, l’AFIJ a ciblé les
jeunes diplômés issus de l’immigration. Puis
le projet a évolué en direction des jeunes
diplômés des quartiers défavorisés. Les
jeunes diplômés issus de l’immigration représentent en moyenne au moins 50 % du public
accueilli. À Lyon, ils représentent de 55 à
60 % des jeunes diplômés issus des quartiers
défavorisés accompagnés par l’association.
Diagnostic
Pendant la phase d’expérimentation, l’AFIJ a
conduit un diagnostic avec le soutien du FAS
sur l’insertion professionnelle des jeunes
diplômés issus de l’immigration, avec une
analyse comparative de l’insertion professionnelle de ce groupe par rapport à celle
des jeunes diplômés résidant dans les quartiers relevant de la politique de la Ville et des
autres jeunes diplômés. Ce diagnostic a
permis d’infléchir la conduite de l’action et
de valider certaines hypothèses.
L'étude porte sur le public et non sur le
comportement des employeurs. Elle révèle
LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL
plusieurs phénomènes :
• Un processus de déqualification : les
jeunes diplômés issus de l’immigration sont
plus souvent amenés à accepter des emplois
inférieurs à leur niveau de qualification.
• La plus grande difficulté pour les jeunes
issus des quartiers relevant de la politique de
la Ville et plus particulièrement pour les
jeunes issus de l’immigration à accéder au
marché de l’emploi “caché”, alors qu’il est
démontré que, au niveau national, les jeunes
diplômés trouvent leur premier emploi majoritairement de cette manière : en d’autres
termes, la faiblesse du réseau relationnel est
une des principales causes des difficultés
d’accès à l’emploi des jeunes issus de l’immigration.
• Plus le diplôme est élevé, plus il est difficile
pour un jeune diplômé issu de l’immigration
de trouver un emploi : la discrimination jouerait plus pour des postes à responsabilités.
• Une mauvaise orientation scolaire et donc
un profil de diplôme particulièrement décalé
par rapport au marché de l’emploi seraient
également un important facteur de difficulté
d’insertion professionnelle.
• Des phénomènes d’autodiscrimination se
conjuguent parfois à des phénomènes
communautaires de repli et à une vision
négative de l’entreprise.
Le diagnostic a réorienté l’AFIJ
• L'intérêt de mettre en place un accompagnement renforcé et d’aller à la rencontre des
jeunes afin de répondre aux phénomènes
d’autodiscrimination et de repli communautaire.
• L'importance de poursuivre l’accompagnement des jeunes jusqu’à ce qu’ils accèdent à
un emploi cor respondant à leur qualification
afin de lutter contre le phénomène de déqualification. Très concrètement, il est apparu
indispensable de poursuivre l’accompagnement pendant que le jeune occupait un
emploi “alimentaire”.
• La nécessité de développer le réseau relationnel de ces jeunes pour qu’ils aient plus de
chances d’accéder à un emploi.
•
L'intérêt
de
travailler
sur
les
représentations : celles des jeunes sur le
travail, celles des employeurs sur les jeunes
diplômés des quartiers défavorisés.
L’AFIJ a souhaité rester dans son rôle d’accompagnement du public (les jeunes
diplômés). Elle n’est pas entrée dans une
action de sensibilisation des employeurs en
tant que tels.
Démarche et méthodologie
Trois temps peuvent être repérés :
• Entre 1997 et 1998, l’AFIJ expérimente sur
trois sites en France (Marseille, Tours, La
Seyne-sur-Mer) un accompagnement spécifique pour les jeunes diplômés résidant dans
les quartiers défavorisés. Cette première
expérimentation permet de confirmer l’hypothèse de départ concernant les difficultés
particulières de ce public pour accéder à
l’emploi et la nécessité d’aller au-devant des
jeunes.
• En 1999 : démultiplication des actions
d’accompagnement sur plus de dix sites avec
1 000 jeunes touchés (Grenoble, Lyon,
Bourges,
Marseille,
Nîmes,
Paris,
Montpellier, Mulhouse, Perpignan, Toulouse,
Strasbourg, Tours, Avignon). Expérimentation
d’un travail sur la mise en relation individuelle entre les jeunes et des professionnels
(réseau
d’experts)
à
partir
de
septembre 1999.
• En 2000, accompagnement de 3000 jeunes
diplômés prévus sur dix-huit sites, dont 1000
devraient bénéficier des réseaux d’experts.
Éléments principaux
de cette méthodologie
• Le repérage et mobilisation des jeunes :
l’AFIJ va au-devant du public, en travaillant
avec les associations de quartiers, les structures de proximité (Missions Locales, PAIO,
Mairie, CCAS) pour informer et mobiliser le
maximum de jeunes. La convention signée
avec la DIIJ en 1998 a facilité l’implication
du réseau des Missions Locales. Ce premier
élément de méthodologie consistant à avoir
une démarche active d’information et de
sensibilisation en direction des jeunes est
essentiel dans la réussite de l’action.
• À cette occasion, un premier entretien
d’une heure environ a lieu avec le jeune. Il
permet de lui présenter l’accompagnement,
de l’aider à ajuster sa recherche d’emploi et
de le sensibiliser à la nécessité de se remobiliser pour son insertion professionnelle.
• Un suivi individuel est ensuite organisé
dans les locaux de l’AFIJ, souvent situés au
centre ville. Ce suivi individuel est une
nouveauté pour l’AFIJ qui a toujours privilégié l’accompagnement collectif, partant du
principe que les jeunes diplômés sont suffisamment autonomes pour assumer leur
recherche d’emploi. Ce suivi individuel a été
mis en place en raison des difficultés particulières du public en matière d’insertion professionnelle : celui-ci avait vraisemblablement
VOLUME 1 - 2000 -
67
besoin d’être mieux armé, d’être remotivé,
compte tenu des échecs successifs qu’il avait
souvent subis et il devait maîtriser les
éléments nécessaires pour mener à bien une
recherche d’emploi qualifié.
• Le suivi individuel est accompagné du suivi
collectif classique proposé par l’AFIJ
(modules de formation et rencontres collectives avec des professionnels) et de l’accès à
l’ensemble des services existants (centre de
documentation…).
• Expérimentée auparavant sur le site de
Lyon avec d’autres publics (les jeunes
diplômés souhaitant travailler à l’international), la mobilisation de réseaux d’experts
est devenue un élément clé du dispositif d’accompagnement des jeunes diplômés des
quartiers en difficulté. Il s’agit de mettre en
relation le jeune avec une personne
ressource, un expert, travaillant dans le
domaine d’activité et le métier sur lequel le
jeune s’oriente afin de le remotiver sur son
métier, de lui donner des informations
concrètes afin de mieux se positionner, de
modifier sa représentation du monde du
travail et de lui apporter un “début de réseau
professionnel”.
Proche du parrainage, l’action s’en différencie en ce qu’elle propose une entrée par
les compétences : le réseau d’experts doit
être adapté au public, les experts sont identifiés en fonction de leur métier et de leurs
compétences.
Ces derniers s’engagent uniquement sur un
entretien – l’AFIJ étant chargé de l’accompagnement du jeune dans la durée : les deux
protagonistes décident ensuite s’ils continuent
de se voir et si cela est effectivement nécessaire. La relation peut continuer mais un
simple entretien semble déjà apporter une
aide importante au jeune.
L’association a pris le parti de “sélectionner”
ses experts en fonction de leur capacité à
donner des informations pertinentes au jeune
dans leur domaine de compétence. Des
modules d’information leur sont proposés
offrant aux experts une meilleure connaissance du public, des formations et une
approche des questions de discriminations.
Les experts sont repérés parmi le réseau de
l’AFIJ, par la cooptation (des experts en trouvent d’autres), par le biais de structures partenaires (CCI, jeune chambre économique,
ANDCP, unions patronales locales…).
Les arguments utilisés pour les convaincre
sont les suivants :
- les experts ne s’engagent qu’à un entretien ;
- ils n’ont rien à préparer (c’est leur expérience, leur compétence qui est sollicitée) ;
68
- ils reçoivent un jeune de leur secteur d’activité.
Le réseau d’experts sur sites est ensuite animé
de manière régulière par les chargés de
mission, les experts étant encouragés à
travailler en réseau (remise d’un annuaire des
experts, édition de “la lettre du réseau entreprises” en Rhône-Alpes : “JD et Entreprises”).
L’AFIJ constitue et développe un réseau de
personnes ressources. Mais elle cherche
également à l’adapter en permanence aux
besoins de son public. Pour l’AFIJ, il est indispensable que les jeunes aient été suivis et
accompagnés avant la mise en relation avec
un expert : la plupart ont besoin de faire un
travail d’éclaircissement de leur projet et
d’améliorer leur positionnement vis-à-vis de
l’entreprise.
L’action de l’AFIJ est encadrée depuis le
14 juin 1999 par une convention multipartite
entre la DPM, la DIIJ et la DIV pour le développement des réseaux d’experts sur l’ensemble du réseau AFIJ.
Les partenaires opérationnels sont les opérateurs du marché du travail, particulièrement
pour le repérage des jeunes. Les missions
locales sont très impliquées notamment à
Marseille et à Lyon, ainsi que l’ANPE.
Les partenaires financiers de l’action diffèrent
selon les territoires, chaque site ayant élaboré
son propre financement : le FAS, les collectivités, le parrainage, le DSU, la préfecture, le
programme “Nouveaux Services, Emplois
Jeunes” ont été sollicités.
Coût par jeune : entre 2000 et 2500 F.
Lien avec la politique de la Ville
L’ensemble des territoires d’intervention
relève de la politique de la Ville, dont les
financements sont sollicités sur certains sites.
Résultats et perspectives
Actions 1997-98 : sur 6 mois, 40 % des
jeunes ont accédé à l’emploi.
En 1999, à Marseille, le taux d’insertion est
de 61,5 % ; et 56 % des jeunes ayant accédé
à l’emploi sont issus de l’immigration.
250 à 300 professionnels sont mobilisés
dans les réseaux d’experts au niveau
national, 36 à Lyon et 35 à Marseille.
II. ENSEIGNEMENTS DE L’ACTION
L’AFIJ n’a pas rencontré de difficultés pour
LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL
mobiliser les professionnels (les “experts”).
Cela s’explique notamment par le fait que la
plupart de ces professionnels connaissent au
moins un jeune diplômé à la recherche d’un
emploi, qu’ils ne peuvent pas aider parce
que celui-ci ne se situe pas dans leur
domaine de compétence et ne correspond
pas à leur réseau. Par ailleurs, la démarche
proposée est accessible pour eux car
adaptée au service qu’ils peuvent effectivement rendre.
L’intervention des experts se situe sur l’aide
aux jeunes en difficulté : la thématique de la
discrimination raciale est rarement abordée
directement, même si des modules de formation proposent de débattre de la question. La
sollicitation des employeurs est délimitée :
elle peut avoir un impact sur les représentations des experts sollicités mais l’essentiel de
l’action de l’AFIJ se situe sur le public.
Avec les jeunes diplômés résidant dans les
quartiers en difficulté, l’association expérimente un accompagnement individualisé
couplé avec un accompagnement collectif.
Ainsi, le public est intégré dans les modules
d’accompagnement classiques : seul l’accompagnement individuel lui est particulièrement destiné, en raison de ses problèmes
spécifiques de motivations (dû à des échecs
répétés) et d’une tendance à l’autodévalorisation. Les jeunes diplômés ne sont pas munis
d’outils spécifiques par rapport aux autres
jeunes suivis par l’AFIJ. Mais ils sont épaulés
dans leur démarche…
L’AFIJ, identifiée comme une association
nationale, a parfois rencontré des difficultés
à se faire accepter sur le terrain, les acteurs
locaux et notamment ceux de la politique de
la Ville craignant l’imposition par le haut
d’une méthode de travail sans prise en considération des spécificités locales. Cet obstacle
a pu être contourné dans la mesure où l’AFIJ
a choisi très vite de s’appuyer sur des structures locales et particulièrement les missions
locales.
Un autre frein à l’action a consisté à toucher
les jeunes ciblés, ces derniers étant très
méfiants par rapport aux structures d’aide à
l’emploi. L’AFIJ a donc choisi d’aller à la
rencontre des jeunes en décentralisant son
intervention auprès de différents partenaires
et en s’appuyant sur des structures déjà
connues des jeunes. L’intérêt de la démarche
de l’AFIJ réside bien dans cette attitude dynamique par rapport au public : sans elle,
aucune action significative n’aurait pu se
mettre en place.
Contact
Frédérique Lebel,
directrice du développement, AFIJ
Tél. : 0153638310
Fax : 0153638319
Voir aussi :
Contrat de ville de Marseille
L’intégration des personnes issues de
l’immigration et la lutte contre les discriminations font partie des principes
conducteurs du contrat de ville de
Marseille. Ils se déclinent dans les différents programmes thématiques et les
conventions territoriales. Sur la question
de l’accès à l’emploi et en lien avec la
CODAC, on développe des actions de
parrainage pour les jeunes issus de l’immigration (y compris les jeunes
diplômés), et on les informe sur les
concours administratifs et leur préparation.
VOLUME 1 - 2000 -
69
Fiche 13.
ANPE
et Leroy-Merlin Marseille
Recrutement par la méthode des “habiletés”
Résumé : La méthode dite des “habiletés” est
utilisée par l’ANPE depuis quelques années
pour recruter à des postes de premier niveau
dans l’industrie, et depuis peu dans la
grande distribution. Cela permet de repérer
les habiletés des candidats sur un poste par
le biais de simulations. Le recrutement
devient ainsi le plus objectif possible. En ce
sens, la méthode est un outil de lutte contre
les discriminations. L’opération de recrutement menée par Leroy-Merlin et l’ANPE à
Marseille a permis à des personnes des quartiers Nord et à des candidats d'origine étrangère
d’intégrer
l’entreprise.
Leurs
compétences avaient été reconnues, alors
que leur passé professionnel et leur qualification ne correspondaient pas, a priori, aux
postes.
Un contact a été pris avec l’ALE de
Bougainville, chargée de la grande distribution. Celle-ci a accepté de lancer l’opération
avec l’appui d’un conseiller professionnel
d’une ALE voisine (Sainte-Marthe) ayant déjà
utilisé à plusieurs reprises cette méthode sur
un autre département.
I. ANALYSE DE L’ACTION
Objectifs et publics visés
Leroy-Merlin fait partie du groupe AUSSPAR.
Spécialisé dans le bricolage, il emploie
15 000 salariés en France, dont 1 500
environ dans les régions PACA et LanguedocRoussillon, région dans laquelle se situe le
magasin Leroy-Merlin Marseille-Grand
Littoral. Pour le recrutement mené à Marseille
à l’occasion de l’ouverture du magasin, la
responsable du personnel et des ressources
humaines du magasin a piloté l’opération en
collaboration avec l’agence Locale pour
l’emploi de Bougainville.
Pour Leroy-Merlin, l’objectif était double :
- recruter de manière plus pertinente ;
- donner sa chance à toute personne motivée,
en dehors des critères de diplômes et d’expérience professionnelle habituels.
Origine de l’action
Un magasin Leroy-Merlin devait être implanté
à Marseille sur la zone commerciale Grand
Littoral qui surplombe la Ville. La caractéristique du site de Grand Littoral est d’être
entouré par les quartiers Nord de Marseille.
Ces quartiers sont en réalité composés de
plusieurs zones d’habitations assez espacées. Ils sont caractérisés par un chômage
massif et une population jeune majoritairement issue de l’immigration 1.
Cette spécificité avait alerté la direction du
magasin 2 soucieuse de s’intégrer et de se
faire accepter sur ce territoire, conditions
1
2
nécessaires pour que le magasin fonctionne
bien et soit rentable. Pendant le chantier, de
fortes pressions avaient été exercées par les
comités de chômeurs des différents arrondissements. Selon eux, le magasin devait
embaucher prioritairement des gens des
quartiers Nord. En dehors des personnes
résidant dans les quartiers, des élus locaux
sont également intervenus auprès de LeroyMerlin pour que la société favorise leur recrutement.
Leroy-Merlin ne souhaitait pas embaucher à
tout prix des habitants des quartiers en difficulté. Le magasin voulait plutôt se donner les
moyens de repérer les compétences de ces
personnes et, ce faisant, de leur donner une
véritable chance d’être recrutées. En effet, ce
public est souvent mis en échec par le système
classique de recrutement :
- la présentation d’un CV où les périodes non
travaillées sont parfois dominantes suscite la
méfiance des employeurs ;
- le passage d’un entretien, souvent stressant,
nécessite de connaître des codes, de maîtriser
une certaine forme de communication alors
que cela n’est pas nécessaire dans la situation
de travail ;
- la référence à un diplôme exclut parfois d’office les candidatures de certains d’entre eux.
Démarche et méthodologie
La méthode des “habiletés” repose sur le
principe suivant : au lieu de recruter un
Voir fiche n°7, Continent.
L’équipe de direction d’un magasin est composée six mois à un an avant l’ouverture.
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LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL
candidat en fonction d’un diplôme acquis
(qui n’est généralement pas nécessaire pour
le travail demandé) ou d’une expérience
professionnelle dans un métier donné, il
s’agit de :
- définir les habiletés nécessaires pour tenir le
poste ;
- construire des simulations permettant de
mettre en pratique ces habiletés ;
- observer les candidats dans la réalisation
des simulations.
L’utilisation de la méthode suppose que l’entreprise soit prête à ne faire aucune discrimination à l’embauche : âge, sexe, origine, etc.
Les seuls critères observés sont les habiletés
définies au départ.
Dans le cas de Leroy-Merlin, trois types de
postes étaient concernés : conseillers de
vente, employé logistique et hôtesse de
caisse.
L’ANPE a commencé par rencontrer les titulaires des postes et des responsables hiérarchiques n + 1 et n + 2 dans un autre magasin
de l’enseigne. Cela a permis de définir les
trois principales habiletés requises : initiativeautonomie, communication-travail en équipe
et travail sous tension 1.
L’identification des habiletés a ensuite été
validée avec la responsable des ressources
humaines régionale.
Une fois les habiletés répertoriées, les simulations ont été élaborées par l’ANPE, puis
présentées à la direction et testées par des
titulaires de postes.
Chaque simulation durait deux heures et
demie. Elle permettait d’observer plusieurs
candidats en même temps. Les agents de
l’ANPE chargés disposaient d’une grille
d’analyse et d'un barème de notation.
Une simulation est composée en réalité de
plusieurs événements consécutifs : pour LeroyMerlin, onze événements se succédaient. La
succession, minutée, des événements fait
partie intégrante de l’exercice : la personne
est amenée à changer d’activité à plusieurs
reprises. Elle doit faire le choix d’arrêter ou
non la première si celle-ci n’est pas terminée,
selon son importance. Les règles du jeu
étaient présentées au départ : un agent
ANPE présentait les profils recherchés par
Leroy-Merlin, ses priorités, sa politique
commerciale, une réunion plus complète d’information ayant été conduite en amont des
simulations.
À l’issue de la simulation, la notation globale
était établie par l’ensemble des agents.
L’annonce déposée à l’ANPE présentait
succinctement le poste. Elle ne stipulait aucun
autre prérequis.
Sur les 640 candidatures déposées au
départ, 500 personnes s’étaient rendues aux
tests de présélection en communication 2, et
240 avaient été retenues. 210 personnes sur
les 240 prévues se sont présentées et ont
effectué des simulations. Cela a nécessité
plus de 40 jours de travail pour l’ANPE sur le
bassin.
72 personnes ont été retenues par le biais
des simulations et présentées à l’entreprise. À
ce stade, Leroy-Merlin n’avait toujours pas
rencontré le moindre candidat !
La dernière phase de recrutement a été
réalisée par la direction de Leroy-Merlin sur
entretien, afin de retenir les 67 candidats
nécessaires.
Résultats et perspectives
Selon l’ANPE, la méthode permet le recrutement de 20 à 30 % de profils “hors normes”.
Cela s’est vérifié pour Leroy-Merlin. Dans un
schéma classique de recrutement, une forte
proportion de personnes n’auraient pas été
embauchées.
67 personnes ont été recrutées, 35 en CDI et
32 en CDD. Leroy-Merlin a recruté plus de
personnes que prévu par ce biais. Au départ,
seuls 60 postes devaient être pourvus grâce
à ce type de recrutement. Sur le total, 63 %
des personnes recrutées résidaient dans les
quartiers Nord. Ceux-ci représentaient également 50 % des personnes recrutées en CDI.
Actuellement, un an après, les personnes
recrutées sont toujours en poste. En outre,
une quinzaine de personnes d'origine étrangère mais aussi de personnes plus âgées (3540 ans) font désormais partie du personnel.
Cela représente une évolution par rapport
aux recrutements habituellement pratiqués.
L’équipe de direction et les cadres du
magasin sont très satisfaits de l’équipe
recrutée, la mesure de satisfaction de la clientèle est également excellente.
Une grille, élaborée par l’ANPE, répertorie 14 habiletés et permet d’identifier celles que réclame un poste donné.
Exercices permettant de repérer chez le candidat la maîtrise de l’expression orale et écrite - sans pour autant exiger une maîtrise parfaite
de la grammaire et de l’orthographe, jugée inutile pour les postes proposés - et de notions de calcul.
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VOLUME 1 - 2000 -
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Pour l’ANPE, l’utilisation de cette méthode lui
a permis de se positionner différemment par
rapport à l’entreprise en lui offrant un service
de recrutement adapté à ses besoins propres.
En ce qui concerne les demandeurs d’emploi,
le conseiller de l’ALE Sainte-Marthe estime
que l’agence a joué véritablement son rôle
d’insertion en permettant et facilitant l’accès
à l’emploi de chômeurs de longue durée, tout
en donnant satisfaction à l’entreprise.
Le recrutement pas les habiletés a donné de
très bons résultats. Du coup, la direction
régionale Sud-Est de Leroy-Merlin y recourt
plus fréquemment. À l’occasion d’une ouverture de magasin à Nîmes, la méthode a été
également utilisée, à la demande du directeur. À Nîmes, le contexte était différent. La
problématique des quartiers n’était pas
présente dans la zone d’implantation du
nouvel établissement. Mais on a souhaité
réaliser un recrutement plus pertinent.
À Marseille, l’utilisation de la méthode des
habiletés n’a pas permis uniquement d’effectuer le recrutement : elle a également servi à
repérer des potentiels, ce qui devrait
permettre de faire évoluer les personnes.
Compte tenu de l’évolution actuelle du
marché de l’emploi (baisse du chômage et
déficit de main d’œuvre dans certains
secteurs), cette méthode de recrutement sera
sans doute de plus en plus utilisée. Sur le sudest, il est prévu de constituer une plate-forme
pour le recrutement par les habiletés dans le
secteur de la grande distribution : cela
permettrait de disposer d’un lieu fixe avec le
matériel nécessaire. L’ANPE souhaiterait
aussi développer un travail sur la filière sécurité, marquée par l’absence de véritables
critères de recrutement.
II. ENSEIGNEMENTS DE L’ACTION
La méthode des habiletés présente de
nombreux avantages pour les demandeurs
d’emploi. Ils savent pour quel motif leur
candidature a été rejetée. Et, lorsqu’ils ne
sont pas retenus, ils ont moins tendance à
considérer ce résultat comme un échec. En
outre, le caractère ludique des simulations les
décontracte. Ils manipulent des objets, interprètent des saynètes, etc. Les postulants se
sentent moins stressés qu’en situation d’entre-
tien. Ils se prennent au jeu, car ils en connaissent les règles. La notation est un élément
important : elle part d’un nombre de points
donné et non de zéro.
Pour le recruteur, la méthode permet de
repérer de façon mesurable des compétences
transversales. Celles-là mêmes qui font
souvent la diff é re n c e ! La transparence
constitue un atout majeur. Face aux pressions
des comités de chômeurs, la direction du
magasin et la responsable régionale des
ressources humaines ont été amenées à organiser une réunion avec l’ANPE en invitant les
membres de ces comités. La méthode de
recrutement a été présentée à cette occasion.
Il a été précisé qu’aucun autre prérequis ne
serait exigé. Malgré un débat houleux au
départ, les personnes du comité de chômeurs
ont été convaincues. Et, par la suite, LeroyMerlin n’a plus rencontré de problèmes.
Dans le cas de Leroy-Merlin, certaines difficultés sont cependant apparues. La méthode
étant nouvelle, les membres de l’équipe de
direction, nommés entre-temps, ont eu la
tentation de revenir sur un recrutement classique au moment des entretiens décisifs et de
revenir sur des éléments que les simulations
avaient déjà permis de valider. Ils souhaitaient aussi voir plus de candidats avant de
prendre leur décision. En effet, le faible
nombre de personnes proposées (environ 90
pour une soixantaine de postes) était très
inhabituel pour eux.
Enfin, l’utilisation de cette méthode inquiétait
le futur directeur du magasin. Il était difficile
pour lui de tester un nouveau mode de recrutement à l’occasion d’une ouverture, forcément stratégique. Par la suite et face aux
résultats, il a été emballé !
La méthode peut permettre de lutter indirectement contre les discriminations raciales à
l’embauche ou contre toute autre forme de
discrimination. En effet, les prétextes utilisés
habituellement par les employeurs sont difficiles à retenir 5 : l’habileté à tenir le poste est
attestée par l’extérieur. On note ici que, à
part dans la phase de démarrage (études des
postes et simulations), Leroy-Merlin a laissé
l’ANPE conduire le recrutement sans intervenir, jusqu’à la sélection finale. En
revanche, la méthode ne peut pas être
5
En effet, comme le dit Olivier Noël, “la discrimination à l’embauche a un caractère latent et systémique “. On assiste le plus souvent à un
“déplacement des critères justifiant le refus d’embauche: manque de compétences, profil inadapté, manque d’expérience…” (Olivier Noël,
ISCRA, “Notes et Études” n° 2, septembre 1999. “Jeunes issus de familles immigrées; accès à l’entreprise et processus de discrimination.
Les représentations et stratégies des intermédiaires sur le bassin d’emploi de Narbonne”.).
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LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL
utilisée avec une entreprise qui pratique une
discrimination ouverte et refusera à coup sûr
de s'y prêter. Elle s’adresse plutôt aux entreprises qui ne se pensent pas discriminantes,
mais qui, dans les faits, recrutent très peu ou
jamais de personnes d’origine étrangère.
Celles-ci ne seront pas gênées par le postulat
de départ : absence de discrimination. Ces
entreprises pourront recruter des personnes
d’origine étrangère parmi d’autres parce
qu’elles auront été repérées comme compétentes. Pour les personnes issues de l’immigration, cette méthode peut combattre la
tendance à l’ethnicisation des postes, dans la
mesure où les habiletés nécessaires sont repérées en amont.
Il reste que l’entreprise effectue le choix final
et qu’une objectivité totale du recrutement est
impossible à atteindre. La méthode peut
réduire une subjectivité défavorable à une
catégorie de personnes. Mais elle n’empêchera pas cette subjectivité de s’exercer, à un
moment ou à un autre, au détriment d’un individu.
La méthode connaît d’autres limites. Compte
tenu des moyens et de l’ingénierie nécessaires, elle n’est, pour le moment, utilisée par
l’ANPE que pour des recrutements numériquement importants.
L’intérêt de cette action réside surtout dans le
fait qu’une entreprise n’a pas cherché à
adapter et à préparer des personnes “en
insertion” à tenir des postes. Mais elle s’est
donné les moyens de repérer les compétences nécessaires à son activité. Cela a
permis de recruter des personnes qui avaient
connu des difficultés. Celles-ci sont recrutées
pour leurs compétences reconnues. Elles sont
placées dans une situation égale à celle des
autres salariés de l’enseigne.
Contacts
ANPE
M. Acqueloque,
ALE Sainte-Marthe, Marseille
Tél. : 0491103040
Mme Fabienne Zennache,
ALE Bougainville, Marseille
Tél. : 0491082260
Direction régionale Sud-Est Leroy Merlin :
Mme Jacquin
Tél. : 0490037407
Mme MARQUEZ
Tél. : 0490037400
Voir aussi :
Contrat de ville de Marseille
L’intégration des personnes issues de
l’immigration et la lutte contre les discriminations font partie des principes
conducteurs du contrat de ville de
Marseille. Elles se déclinent dans les
différents programmes thématiques et les
conventions territoriales. Sur la question
de l’accès à l’emploi et en lien avec la
CODAC, on développe des actions de
parrainage pour les jeunes issus de l’immigration, y compris les jeunes
diplômés. Et on les informe sur les
concours administratifs et leur préparation…
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Délégation interministérielle à la Ville (DIV)
194, av. du Président Wilson - 93217 Saint-Denis-La Plaine
Direction de la population et des migrations (DPM)
10-16, rue Brancion - 75015 Paris
Fonds d’action sociale pour les travailleurs
immigrés et leurs familles (FAS)
Tour Paris-Lyon - 209, rue de Bercy - 75585 Paris Cedex 12
Direction générale à l’emploi et la formation
professionnelle (DGEFP)
7, square Max-Hymans - 75015 Paris
MINISTÈRE
DE L’EMPLOI ET
DE LASOLIDARITÉ
MINISTÈRE
DÉLÉGUÉ
A LAVILLE
Réalisation : INSTINCTGRAFIC
Imprimé en France : Atelier du Cadratin
Septembre 2000
ISBN 2-11-091743-1