Lutter contre les discriminations raciales sur le marché du travail
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Lutter contre les discriminations raciales sur le marché du travail
GUIDE PRAT I Q U E SEPTEMBRE 2000 LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL CONTRATS DE VILLE DU XII PLAN E LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL GUIDE PRATIQUE VOLUME 1 JUILLET 2000 DIV, DPM, DGEFP, FAS VOLUME 1 - 2000 - 1 [ AVANT-PROPOS ] Alors que la reprise économique s’installe dans le pays, nous ne pouvons tolérer que les habitants des banlieues en soient exclus. Nous pouvons encore moins accepter que certaines personnes, qu’elles soient de nationalité étrangère, d’origine étrangère ou non, soient stigmatisées, rejetées, en raison de leur nom, de leur prénom ou de leur apparence physique. C’est pourquoi les comités interministériels à la Ville de janvier et décembre 1998 ont inscrit la lutte contre les discriminations raciales parmi les orientations majeures des nouveaux contrats de ville. Le numéro d’appel gratuit récemment mis en place l’a encore démontré, le principal domaine où s’exercent les discriminations raciales est l’accès à l’emploi et la vie professionnelle. Tenant compte du rapport présenté l’année dernière au Premier ministre par les députés Chantal Robin-Rodrigo et Pierre Bourguignon, nous avons donc décidé d’aider les négociateurs des contrats de ville, ainsi que les acteurs du service public de l’emploi, dans la définition des actions à prévoir pour mobiliser les partenaires publics et privés. L’objectif est de combattre, sur chaque territoire, les pratiques et attitudes discriminatoires qui affectent le marché du travail. Le présent guide méthodologique est construit à partir de quelques expériences de terrain repérées pour leur efficacité dans le domaine de la lutte contre les discriminations à l’emploi. Il propose des pistes, tant pour établir des diagnostics territoriaux et organiser l’accompagnement des personnes vers l’emploi, que pour mobiliser les intermédiaires du marché du travail et les acteurs économiques. Nous souhaitons que ce document contribue à une meilleure prise de conscience par tous de la nécessité de rétablir une réelle égalité des chances dans l’ensemble des populations des quartiers de la politique de la ville. Martine Aubry Claude Bartolone Ministre de l’emploi et de la solidarité Ministre délégué à la ville VOLUME 1 - 2000 - 3 [ COMITÉ DE PILOTAGE DU GUIDE ] Direction de la Population et des Migrations (DPM) •Bureau Formation Patrick AUBERT Christian MAROT Délégation Interministérielle à la Ville (DIV) •Département Emploi, Insertion Développement Economique Brigitte CHARBONNEAU Brigitte RICCI Sébastien Cornu Direction Générale de l’Emploi et de la Formation Professionnelle (DGEFP) Véronique BONY Fonds d’Action Sociale por les Travailleurs Immigrés et leurs Familles (FAS) •Direction du Développement et des Politiques Territoriales (DDPT) Jocelyne BAC Sylvie FALANDRY Nassera BECHROURI •Direction de l’Emploi et de la Formation (DEF) Nourredine BOUBAKER Jean-Paul MANGON Economie et Humanisme Cyril KRETZCHMAR Nathalie LAURIAC Lasaire Christèle MASSARD VOLUME 1 - 2000 - 5 SOMMAIRE 1. REPÈRES ET ÉLÉMENTS CONTEXTUELS 8 1.1. Une forte volonté politique et une mobilisation des acteurs 8 1.1.1. Quelques repères 8 1.1.2. La reconnaissance publique des discriminations 9 1.1.3. 1.2. 6 Un rapprochement des politiques de la ville, de l'intégration et de la lutte contre les discriminations 13 Présentation du guide 16 1.2.1. Les objectifs du guide 16 1.2.2. Méthode d'élaboration et contenu 17 LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL 2. DES EXPÉRIENCES 2.1. 2.2. 19 L'émergence de pratiques locales 19 2.1.1. 13 expériences de terrain 19 2.1.2. Des initiatives diverses, ouvertes mais peu fédérées 19 2.1.3. Une mobilisation touchant avant tout les individus plus que les structures, dans une logique d'accompagnement 20 Expériences 22 Fiche 1 Parrainage, mission locale Est Lyon 23 Fiche 2 Mise en place d'accords d'entreprise sur la lutte contre les discriminations raciales dans l'emploi, ASPECT 26 Fiche 3 Diagnostic territorial sur les discriminations, Azerty ISCRA Montbéliard 32 Fiche 4 Soutien aux activités économiques des personnes issues de l'immigration comité de bassin d'emploi Lille 37 Fiche 5 Club de jeunes diplômés issus de l'immigration MRH 41 Fiche 6 Accès aux stages en entreprise, France Télécom 45 Fiche 7 Aide au recrutement d'habitants locaux et formation 47 Fiche 8 Formation du personnel à la diversité culturelle, STAS 51 Fiche 9 Lutte contre les discriminations raciales dans l'accès aux contrats d’apprentissage, ADEJ 55 Fiche 10 Aide au recrutement de personnes qualifiées d'origine immigrée par un médialogue, RIVES LOIRE/MEDEF 59 Fiche 11 Formation "marché du travail et discriminations", PLIE Louviers 63 Fiche 12 Clubs de jeunes diplômés issus des quartiers défavorisés, AFIJ 66 Fiche 13 Aide au recrutement par la méthode des habiletés, Leroy-Merlin 70 VOLUME 1 - 2000 - 7 REPÈRES ET ÉLÉMENTS CONTEXTUELS [ 1.1. Une forte volonté politique et une mobilisation des acteurs ] 1.1.1. Quelques repères La population étrangère non européenne vivant en France compte 2 millions de personnes. 50 % d'entre elles résident dans les quartiers de la politique de la ville, représentant 20 % de leur population. Sur ces sites habitent également un nombre important de personnes de nationalité française issues de l'immigration extra-européenne. On peut ainsi estimer qu'un tiers des habitants des quartiers sont d'origine extracommunautaire. Le taux de chômage de cette population est supérieur à 30 % 1. À catégories socioprofessionnelles équivalentes, il demeure de 1,5 à 2,7 fois supérieur à celui des nationaux. La situation est encore plus critique pour les jeunes qui, étrangers ou issus de l'immigration, connaissent un taux de chômage avoisinant ou même dépassant parfois les 50 % dans certains quartiers 2. La moindre qualification d'une partie de ces personnes ne peut seule expliquer l'importance du nombre de demandeurs d'emploi étrangers ou d'origine étrangère. Le phénomène discriminatoire apparaît comme l'une des causes principales cette situation. En effet, ces discriminations affectent des personnes, françaises ou non, qui "ont l'air étrangères". Il peut s'agir de jeunes Français appartenant à des familles issues de l'immigration, de Français récemment naturalisés, de personnes originaires des DOM-TOM, de gens du voyage. Quand elles habitent dans les quartiers "difficiles", le lieu de résidence de ces personnes constitue un facteur supplémentaire de discrimination. Plusieurs études ont, d’ailleurs, montré la complexité du caractère discriminatoire. Celui-ci prend parfois une forme indirecte ou systémique découlant sur un territoire de l'attitude collective de différents acteurs du marché du travail : missions locales, ANPE, élus locaux, associations, chambres consulaires, lycées professionnels, agences d'intérim, centres d'apprentissage… Ainsi, des pratiques apparemment neutres conduisent à exclure les personnes issues de l'immigration ou supposées telles du monde du travail, sans qu'il y ait de la part de chacun de ces acteurs d'intention discriminatoire affirmée. Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discriminations (CERD) du 4 janvier 1969 : "l'expression discrimination raciale vise toute 1. Enquête emploi janvier 1999 : taux de chômage des étrangers venant de pays extérieurs à l'UE 30,3 %, taux de chômage des jeunes étrangères hors UE : 36,2% - taux de chômage des jeunes de – 25 ans hors UE: 42,6% - 70 % des étrangers hors UE se situent dans les catégories ouvriers ou employés non qualifiés. 2. Il faut souligner que les statistiques rendent compte de tendances au plan national et masquent des écarts et disparités fortes entre sites et régions. Seule une analyse territoriale est susceptible d'identifier la réalité locale 8 LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée sur la race, la couleur, l'ascendance ou l'origine nationale ou ethnique, qui a pour but ou pour effet de détruire ou de compromettre la reconnaissance, la jouissance ou l'exercice, dans des conditions d'égalité, des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social et culturel ou dans tout autre domaine de la vie publique." Article L225-1 du Code pénal (1994) : "Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs mœurs, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, à une nation, une race ou une religion déterminée." Les mêmes principes s'appliquent pour la discrimination à l'encontre des membres des personnes morales. Directive relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique adoptée le 6 juin 2000 par le Conseil de l'Union européenne - définition de la discrimination indirecte : "Une discrimination indirecte se produit lorsqu'une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d'entraîner un désavantage particulier pour des personnes d'une race ou origine ethnique donnée par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires." 1.1.2. La reconnaissance publique des discriminations Les liens entre la politique de la ville et l’intégration sont aussi anciens qu’évidents. Toutefois, il aura fallu vingt ans pour que l’intégration et la lutte contre les discriminations constituent une priorité transversale des contrats de ville. Le comité interministériel du 30 juin 1998, a fixé l’intégration comme une priorité du gouvernement et comme un axe fort et transversal qui doit se décliner dans tous les volets des contrats de ville du XIIe plan, notamment dans la lutte contre les discriminations. Il faut s’appuyer sur cette volonté politique pour construire au niveau local une politique d’accès aux droits et de lutte contre les discriminations dans les contrats de ville. VOLUME 1 - 2000 - 9 Les discriminations raciales : un danger majeur pour la société française et une atteinte au pacte républicain Intervention de Martine Aubry aux Assises de la citoyenneté, le 18 mars 2000 "La citoyenneté aujourd'hui ne peut pas être réduite à une conception étroite et dépassée de l'intégration *. On confond encore trop souvent intégration et assimilation. Être citoyen, ce n'est pourtant pas cela. Ce n'est ni se renier, ni rejeter son origine, sa culture, ses différences. Appartenir à la République française, ne peut ni ne doit signifier l'oubli du passé, la négation du patrimoine culturel que vous héritez de vos parents, de votre entourage ou parfois d'un pays d'origine. Non, être citoyen, c'est adhérer à un socle de valeurs communes et c'est respecter les droits et les devoirs qui structurent et équilibrent la société dans laquelle on vit. Cela n'implique donc pas de renoncer à des pans entiers de son identité. Appartenir une collectivité, respecter ses valeurs et ses règles de vie n'interdit pas les spécificités, les différences, les itinéraires personnels. La diversité est une richesse : notre pays s'est historiquement façonné par additions successives de générations d'hommes et de femmes d'origines multiples. Et je suis convaincue que la France n'est jamais aussi forte et respectée que lorsqu'elle permet à chacun d'apporter sa contribution, d'ajouter sa pierre personnelle à notre patrimoine culturel commun. Car être citoyen suppose aussi que la société à laquelle on appartient et dont on épouse les valeurs, tout aussi imparfaite soit-elle par ailleurs, vous reconnaisse. On n’est pas citoyen seul, on l'est avec d'autres, quand on a le sentiment d'appartenir à une même collectivité. Ce sentiment d'appartenance se fonde sur l'égalité des chances et des droits. Or, dans notre pays, ce principe républicain d'égalité est trop souvent bafoué. Alors, oui, des discriminations existent. Nous le savons. L'État ne peut pas être sourd à tous ces témoignages. Et, je le dis avec force : à chaque acte discriminatoire, c'est la République tout entière qui vacille. La couleur de peau, un nom, un prénom, parfois une simple adresse, barrent l'accès à un emploi, à un logement, à une boîte de nuit et compliquent aussi, reconnaissons-le, les relations avec certains services publics. Combien de fois un jeune a-t-il dû baisser la tête, ressentir du dépit et même de la colère devant une porte qui se ferme devant lui parce qu'il est arabe, gitan, noir, asiatique, ou simplement différent ? Intégration: la définition retenue par le Haut Conseil à l'intégration dans son rapport de 1991 ("Pour un nouveau modèle d'intégration", février 1991) : "L'intégration consiste à susciter la participation active à la société tout entière de l'ensemble des femmes et des hommes appelés à vivre durablement sur notre sol en acceptant sans arrière-pensée que subsistent des spécificités notamment culturelles, en mettant l'accent sur les ressemblances et les convergences dans l'égalité des droits et des devoirs, afin d'assurer la cohésion de notre tissu social". * 10 LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL C'est inadmissible. La discrimination est une violence. Le délit de faciès est une violence. Le délit d'adresse est une violence. Le refus de reconnaître l'autre au nom de sa différence est une violence. C'est cette violence qui ébranle le pacte républicain. Et, reconnaissons-le, cette violence est d'autant plus insupportable quand elle vient des services publics eux-mêmes ou de certaines administrations. Notre devise républicaine s'affiche aux frontons de toutes les institutions. Il est intolérable que des discriminations et des atteintes aux droits aient lieu au sein même de ce qui devrait être le creuset et le sanctuaire de l'égalité. Et, je l'affirme clairement, il faut exiger la tolérance zéro à l'égard des discriminations dans l'Administration ou les services publics. L'exemple doit venir des agents publics. L'exemple doit venir des fonctionnaires. De tous les fonctionnaires ! La République ne peut admettre de tels comportements. C'est contraire à ses valeurs, à son esprit, à sa philosophie. Il faut donc agir, avec force et détermination, pour rendre effective, palpable, concrète, l'égalité d'accès aux droits. La lutte contre les discriminations est l'affaire de tous. Avec Lionel Jospin et l'ensemble du gouvernement, nous avons choisi d'enrayer les logiques du racisme et de briser la loi du silence." Face à la progression et à la banalisation des discriminations raciales dans notre pays, démontrée par les travaux des chercheurs, les enquêtes menées par les syndicats et les constats dressés en 1998 par la CNCDH et le Haut conseil à l'intégration, le gouvernement a, depuis plus de deux ans, décidé de réagir. Il a jeté les bases d'une politique volontariste pour faire reculer ce phénomène, qui s'est traduite par : - une communication en conseil des ministres de Martine Aubry le 21 octobre 1998 sur la politique d'intégration et la lutte contre les discriminations ; - la création par Jean-Pierre Chevènement en janvier 1999 des Commissions d'accès à la citoyenneté (CODAC)1 ; - la convocation par Martine Aubry et Claude Bartolone d'une table ronde avec les partenaires sociaux le 11 mai 1999 sur les discriminations dans le monde du travail, au cours de laquelle une déclaration commune a été adoptée par consensus2 ; L'intégration est une démarche active: "Deux processus doivent se conjuguer: "le processus de s'intégrer" pour l'immigré; "le processus d'intégrer", pour la société française. Une démarche doublement volontaire des personnes à intégrer, d'une part, et de tous ceux qui composent la mythique "société d'accueil", services publics, personnes morales, citoyens, d'autre part.” Ce qui résulte de l'intégration n'est pas "la société d'accueil" additionnée d'immigrés ayant bénéficié d'on ne sait quelle promotion sociale, ce qui résulte de l'intégration, c'est la notion française, qui tire sa vitalité de son renouvellement et de sa transformation constante". (Orientations stratégiques du FAS 1999-2001.) 1 Sur les CODAC, voir annexe 4-10. 2 Le texte de la déclaration de Grenelle, voir annexe 4-3. VOLUME 1 - 2000 - 11 - la réunion, par le Premier ministre, des Assises de la citoyenneté et de la lutte contre les discriminations le 18 mars 2000. Dans le cadre de cette politique, plusieurs mesures générales ont été prises : - la création d'un groupe d'étude des discriminations (GIP-GED), rassemblant l'État, les partenaires sociaux et les grandes associations de lutte contre le racisme, pour mieux connaître les expressions de la discrimination dans tous les domaines ; - la mise en place début mai 2000 d'un numéro d'appel gratuit sur les discriminations raciales, le "114"; - le renforcement des CODAC en mai 2000, pour qu'elles soient le lieu de traitement des discriminations raciales, et notamment des cas transmis par le numéro d'appel gratuit. Dans le domaine de l'emploi, plusieurs orientations ont été validées lors de la table ronde entre l'État et les partenaires sociaux : A. Sensibiliser et former les acteurs publics et privés à la lutte contre les discriminations raciales Des actions sont menées en direction de trois cibles privilégiées : - le service public de l'emploi : signature d'un accord-cadre avec l'ANPE et expérimentation de formations pour les personnels des agences locales pour l'emploi; mise en place d'un réseau de correspondants dans chaque centre AFPA, spécialement formés sur ce sujet, dans le cadre d'un protocole d'accord signé en janvier 2000 entre l'État et l'AFPA ; organisation à l'Institut national du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (INTEFP) d'un colloque en mars 2000, pour préparer les actions de formation des personnels de l'inspection du travail et des services déconcentrés du ministère ; - les cadres syndicaux : réexamen, avec la DGEFP et les syndicats des priorités retenues pour l'aide de l'État à la formation des syndicalistes afin d’ancrer la thématique de la lutte contre les discriminations ; - les cadres d'entreprises : action expérimentale avec la FACE pour mettre au point un module de sensibilisation des DRH des entreprises à l'approche interculturelle du management. B. Développer le parrainage des jeunes vers l'emploi Le nombre de jeunes parrainés a été presque doublé en 1999. La démarche a ainsi concerné plus de 20000 personnes. Pour permettre un plus fort accroissement des opérations de parrainage, une charte nationale a été signée entre Martine Aubry et de grands réseaux du monde économique. La négociation de chartes régionales a été amorcée par les DRTEFP. Et des conventions ont été signées avec des têtes de réseaux économiques ou associatifs. En outre, le parrainage a été inscrit parmi les actions susceptibles d’être prévues dans le cadre des contrats de plan État-régions. C. Inscrire la lutte contre les discriminations dans la politique de la ville Cette thématique a été retenue parmi les priorités des nouveaux contrats de ville. Son importance a été confirmée par le rapport parlementaire Rodrigo-Bourguignon sur l’emploi et la ville. D. Renforcer la législation antidiscriminatoir e Les principales dispositions discutées avec les partenaires sociaux et inscrites dans le projet de loi de modernisation sociale sont les suivantes : aménagement de la 12 LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL charge de la preuve, possibilité pour les syndicats de saisir la justice à la place de la victime, renforcement des pouvoirs de l'inspection du travail, suivi de ce thème par la Commission nationale de la convention collective, répression de toute discrimination à l'encontre des lycéens et étudiants recherchant des stages en entreprise. E. Recenser les professions fermées aux étrangers En 1999, plusieurs secteurs d’activité ont été évalués afin d’envisager des possibilités d’ouverture, au cas par cas. Professions privées fermées aux étrangers : la mission confiée au cabinet Bernard Brunhes Consultants constate que plus de 1,2 million d’emplois sont soumis à des conditions de nationalité ou de diplôme français. Emplois statutaires dans les grandes entreprises et les établissements publics : le groupe de travail constitué par les ministères de l’équipement et de l’industrie sur le problème des restrictions d’accès des étrangers dans les domaines de l’industrie et des transports (EDF-GDF, RATP, SNCF, Air France, La Poste, France-Télécom…) révèle que plusieurs centaines de milliers d’emplois sont concernés. Enquête menée par la direction de la Sécurité sociale : il s’avère que sur les 180000 emplois que comptent les organismes de Sécurité sociale, près de 3000 fonctions techniques et postes de direction ne sont pas accessibles aux étrangers. 1.1.3. Un rapprochement des politiques de la ville, de l’intégration et de la lutte contre les discriminations En 1990, la nécessité se confirme d’accompagner fortement les initiatives émergeant dans les quartiers de la politique de la ville. Cela conduit le FAS à mettre en œuvre, sur 60 sites, un programme pilote d’intégration. Au XIe Plan, à la suite d’un accord-cadre DIV-FAS-DPM, la démarche sera étendue à tous les sites en contrat de ville qui ont précisé leurs objectifs en matière d’intégration. Si le bilan de ce dispositif en ce qui concerne la construction d’une culture commune à l’ensemble des partenaires est positif, il reste insuffisant quant aux effets sur les populations. Afin de rendre visible et durable la volonté politique du gouvernement au XIIe Plan, une méthode d’élaboration des contrats de ville a été préconisée. Pour chaque site, elle s’appuie sur la construction d’un point de vue de l’État et sur l’importance d’un diagnostic local sur les mécanismes à l'œuvre au niveau territorial. Il s’agit de mener une analyse rigoureuse de processus complexes, afin de produire une connaissance partagée pour agir ensemble. La méthode a été appliquée dès 1999 à l’élaboration des 250 contrats de ville. Elle a déjà permis une évaluation positive de cette première étape, en constatant la prise en compte transversale de la lutte contre les discriminations dans les conventions-cadres. Il s’agit maintenant d’accompagner les opérateurs, de qualifier leurs pratiques, de les impliquer dans la recherche d’indicateurs permettant d’évaluer sur la durée, notamment dans le domaine de l’emploi, les résultats des plans d’action engagés contre les discriminations. La place de l’intégration et de la lutte contre les discriminations dans le volet emploi de la politique de la ville. VOLUME 1 - 2000 - 13 Une étape a donc été franchie, la circulaire du Premier ministre de décembre 1998 1, le rapport Rodrigo-Bourguignon 2, le colloque de Nantes 3, les Assises de la Citoyenneté font de l’emploi et de la lutte contre les discriminations raciales dans l’accès à l’emploi et aux formations une priorité de la politique de la ville du XIIe plan. Les acteurs économiques et les intermédiaires de l'emploi ont été diversement impliqués dans la négociation de la première génération des contrats de ville. La démarche impulsée par la loi de lutte contre les exclusions aura sans doute joué un rôle non négligeable pour que l'accès à l'emploi devienne un levier essentiel du développement social urbain et que le volet insertion, emploi et développement économique des contrats de ville se structure véritablement. "L'objectif du contrat de ville est de définir des démarches permettant une meilleure lisibilité et une plus grande efficacité des dispositifs existants, et de mettre en cohérence les actions publiques dans la lutte contre les exclusions. Au niveau du renforcement des actions visant l'accès à l'emploi, vous savez que cet aspect de l'action publique est prioritaire dans la politique du gouvernement que dirige Lionel Jospin. Tout le monde peut le constater aujourd'hui : la croissance revient, le chômage baisse dans des proportions inédites et une dynamique nouvelle tire le pays vers un cercle vertueux de développement. Cependant, et nous le savons bien aussi, cette embellie ne profite pas à tout le monde de manière égale, et les habitants de nos quartiers populaires ne voient pas toujours dans leur quotidien les améliorations auxquelles ils ont droit. Nous devons donc non seulement rester vigilants, mais être encore plus combatifs, plus volontaristes, pour favoriser par tous les moyens possibles l'accès à l'emploi pour tous : il faut bien sûr renforcer les formations qualifiantes, favoriser les déplacements, accentuer l'employabilité des plus fragiles de nos concitoyens. Mais il faut aussi lutter contre toutes les formes de discriminations. Car rien ne serait plus dangereux pour notre modèle d'intégration républicaine et notre démocratie que d'assister impuissants à ces phénomènes d'extrême exclusion que sont le racisme et la discrimination : ne rien faire c'est être complice de l'innommable. C'est pourquoi, j'insiste pour que dans tous les contrats de ville, le volet intégration et lutte contre l'exclusion soit clairement identifié." Claude Bartolone, ministre délégué à la Ville, le 26 mai 2000 "La politique de la ville est aussi un outil important d'accès à la citoyenneté et de lutte contre les discriminations. Aujourd'hui de nombreux quartiers sont frappés du sceau de l'exclusion sociale et souffrent d'une réputation stigmatisée. Nous ne pouvons pas nous résigner à promettre à nos citoyens dans ces quartiers une vie meilleure à la seule condition qu'ils les quittent. Ces quartiers doivent être mieux intégrés à la ville, leur population mieux insérée et tout particulièrement les jeunes. C'est selon moi la cohésion de tout notre pays qui en dépend… Il faut avoir le courage de regarder le racisme et les discriminations en face pour mieux les combattre. Se voiler les yeux, ne rien faire, c'est en quelque sorte laisser les fondements de la République être rongés progressivement par la ségrégation." Déclaration de Martine Aubry aux Assises de la Citoyenneté le 18 mars 2000 L'émergence publique de la question des discriminations raciales sur la scène française, la prise de conscience de ses effets néfastes sur le marché de l'emploi, l'en- 1 2 3 Circulaire du Premier ministre du 22 décembre 1998. Rapport Rodrigo-Bourguignon de juin 1999: “Le Territoire de la cité au service de l’emploi”. Rencontres nationales des acteurs de la ville, Nantes, les 28 et 29juin 1999 “L’Économie et l’emploi, réussir la ville solidaire”. 14 LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL gagement décisif des pouvoirs publics en la matière ont manifestement incité à la prise en compte du problème. Toutefois, les difficultés rencontrées pour cerner la question tant sur le plan qualitatif que quantitatif sont renforcées par une analyse largement répandue, qui surestime les difficultés des personnes d'origine étrangère en terme de carences ou de handicaps : bas niveau de formation, sous qualification professionnelle, “inemployabilité”, échec scolaire, incompréhension ou mauvaise maîtrise de la langue, des codes culturels du pays d'accueil, refus d'intégration, etc. Ces arguments se trouvent aujourd'hui relativisés. Ils semblent de moins en moins pertinents. En effet, des constats largement partagés mettent en évidence que les jeunes issus de l’immigration ou supposés tels rencontrant des difficultés d'insertion professionnelle ont été majoritairement socialisés et scolarisés en France. Ils possèdent des niveaux de formation identiques à ceux des jeunes issus des mêmes catégories socioprofessionnelles. Or on sait que les jeunes diplômés issus de l’immigration éprouvent aussi des difficultés spécifiques d'accès à l'emploi. VOLUME 1 - 2000 - 15 [ 1.2. Présentation du guide ] 1.2.1. Les objectifs du guide La délégation interministérielle à la Ville (DIV), la direction de la Population et des Migrations (DPM), la délégation générale à l'Emploi et à la Formation professionnelle (DGEFP) et le Fonds d'action sociale pour les travailleurs Immigrés et leurs familles (FAS) ont décidé de créer un guide pratique et méthodologique de lutte contre les discriminations raciales sur le marché du travail dans les contrats de ville. À la suite d’un appel d'offres, la réalisation en a été confiée à Économie et Humanisme et Lasaire, sous le pilotage des commanditaires. La lutte contre les discriminations sur le marché du travail butte sur deux écueils : le déni et la surestimation de la différence liée à l'origine raciale réelle ou supposée. Il est souvent difficile pour les acteurs économiques de comprendre et de gérer la diversité culturelle. Pourtant, pour rendre possibles des dynamiques de changement, il convient de faire tomber les tabous. Le premier enjeu est donc d'ordre pédagogique. Il vise à montrer la réalité des discriminations raciales dans le monde du travail, pour renforcer la prise de conscience des acteurs de la politique de la ville, élus comme techniciens, associations comme interlocuteurs des employeurs. Mais l’objectif est aussi d’inscrire cette réalité dans le contexte territorial, économique et social, où foisonnent les interrelations entre les phénomènes et les acteurs. À ce prix, tout en introduisant la complexité de ces phénomènes, nous offrirons de nombreuses clés aux dynamiques de changement. L’élaboration de plans d’actions contre la discrimination nécessite une bonne connaissance des enjeux et une appropriation des méthodes. Et cela, de la part de tous les acteurs : ceux de la politique de la ville et ceux du marché du travail… Pour améliorer la capacité d’implication de ces acteurs, la DIV, le FAS, la DPM et la DGEFP accompagnent la diffusion de ce guide d’actions de sensibilisation des élus, des responsables publics et privés, des équipes MOUS, des associations, des ALE, des DDTEFP, des PLIE, des ML/PAIO, des organismes de formation, des syndicats patronaux et salariés… Cette démarche sera complétée par un programme expérimental de formation sur plusieurs sites dans quelques régions. Le choix des territoires, le cahier des charges des formations, la capitalisation et le transfert de la démarche seront pilotés au niveau national par la DIV, le FAS, la DPM et la DGEFP. Au besoin, ceux-ci s’adjoindront les compétences d’autres partenaires. Le second enjeu est ici de capitaliser les expériences existantes et de les diffuser pour les rendre accessibles à des acteurs qui travaillent encore peu ensemble : les structures publiques, les associations et les opérateurs du marché du travail, mais aussi les acteurs urbains, sociaux et économiques. 16 LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL 1.2.2. Méthode d'élaboration et contenu La démarche d'élaboration du guide a été la suivante : ● Identification préalable par les commanditaires de 13 expériences marquantes en France de lutte contre les discriminations à l'emploi, sur des sites en contrat de ville. ● Réalisation de monographies de ces expériences par Économie et Humanisme et LASAIRE, puis validation avec les commanditaires (fiches d'expérience). ● Rédaction de cinq “dossiers méthode”, à partir de l'ensemble des matériaux collectés, pour faciliter la conception et la mise en place de plans de lutte contre les discriminations LE GUIDE CONTIENT VOLUME 1 DES REPÈRES Pour appréhender la question des discriminations, en comprendre les enjeux et les mécanismes au niveau territorial sur le marché du travail. DES EXPÉRIENCES Treize monographies induisant des pistes de travail et d'enseignement sur des actions concrètes de lutte contre les discriminations. VOLUME 2 DES MÉTHODES Cinq dossiers méthodologiques et supports de formation pour agir et construire des réponses adaptées pour lutter contre les discriminations. DES SOURCES Répertoire des dispositifs, contacts et lectures utiles sur le terrain. VOLUME 1 - 2000 - 17 DES EXPÉRIENCES [ 2.1. L'émergence de pratiques locales ] 2.1.1. Les expériences sélectionnées À l'occasion de la réalisation de ce guide, les commanditaires ont repéré treize expériences efficaces. Toutes attestent des formes émergentes de lutte contre les discriminations raciales sur le marché du travail. Elles ne constituent pas des modèles, ni des références idéales. Elles rendent compte et analysent des initiatives de terrain, dans leurs spécificités, leurs forces et faiblesses. Différentes méthodes de diagnostic et de mobilisation des acteurs y trouvent une illustration concrète. L’analyse de ces treize expériences a porté sur leurs conditions de création et de mise en œuvre, leurs objectifs, leur démarche ou méthodologie, et leurs résultats. Elle permet de dégager des enseignements transférables dans le cadre des contrats de ville. Les fiches indiquent les contacts essentiels pour en savoir plus et introduisent les cinq dossiers méthode (volume 2) : - la conduite de diagnostics territoriaux des discriminations dans l'emploi ; - les méthodes d'accompagnement à l'emploi des personnes en risque de discrimination; - la mobilisation des intermédiaires du marché du travail ; - la mobilisation des employeurs et de leurs partenaires ; - la mobilisation du territoire dans un plan de lutte contre les discriminations sur le marché du travail. 2.1.2. Des initiatives diverses, ouvertes… mais peu fédérées Les expériences décrites au long de ces treize fiches s’appuient sur quatre leviers principaux qui peuvent agir sur des données entrecroisées : • La volonté publique d'intégrer les populations immigrées sur les territoires de la politique de la ville. Elle est soutenue par les délégations régionales du FAS et par certains acteurs de l'insertion et de l'intégration (PLIE, associations impliquées dans l'accompagnement à l'emploi ou l'intégration). Voir les fiches 2, 3, 4, 9, 11. • Les difficultés pour faire accéder ce public à l'emploi rencontrées par plusieurs agences locales pour l'emploi, DDTEFP, comités de bassin d'emploi, missions locales/PAIO et associations de suivi des jeunes. Voir les fiches 1, 5, 9, 12, 13. • Les projets de développement d'activité, de service et de recherche de maind'œuvre de certaines entreprises privées et publiques dans des territoires à fort VOLUME 1 - 2000 - 19 potentiel humain, mais cumulant des difficultés sociales particulières. Voir les fiches 4, 7, 8, 13. • L'impulsion donnée par des partenaires sociaux et mouvements associatifs locaux dans la mobilisation autour de l'accès à l'emploi. Voir les fiches 2, 4, 7, 9, 13. Ces différentes actions naissent dans des contextes locaux particuliers. Mais leurs enseignements sont souvent susceptibles d'être transférés vers d'autres territoires. 2.1.3. Une mobilisation touchant avant tout les individus plus que les structures, dans une logique d'accompagnement L'accompagnement individuel et collectif à la formation, l'emploi et la création d'activités des personnes d'origine étrangère est le mode principal d'action présenté (fiches 1, 2, 4, 5, 6, 7, 9, 10, 13). Vient ensuite la mobilisation des intermédiaires de l'emploi (fiches 1, 2, 7, 9, 11, 13) et la mobilisation des employeurs (fiches 1, 2, 6, 7, 8, 10, 13). Les démarches de diagnostic territorial plus global (fiches 3, 9) et de mobilisation plus systématique des acteurs du territoire (fiches 1, 2, 9) sont bien plus rares dans les exemples présentés. De même, la quasi-totalité des actions concerne avant tout l'accompagnement à l'emploi des jeunes (moins de 26 ans). Quelques actions marginales (fiches 2, 7) s'adressent également à des salariés pouvant être victimes de discriminations dans le déroulement de leur carrière en entreprise (maintien dans des emplois de faible qualification, absence de promotion, licenciements). Il apparaît que la mobilisation contre les discriminations émane encore aujourd’hui plus de l'engagement de personnes que de celui des structures. Au-delà de ces treize expériences, d'autres actions sont conduites, sans constituer une réponse globale et concertée. À l’heure actuelle, les acteurs locaux n’ont pas tous intégré la volonté politique et les orientations nationales structurantes de lutte contre les discriminations. On verra que la question des discriminations raciales est rarement mise en avant. Souvent, elle est même tue avec soin, notamment de la part des acteurs économiques. On préfère évoquer un objectif plus général et moins sensible de lutte contre l'exclusion. Dès lors, il s'agit d'accompagner les "exclus" vers la société d’accueil, beaucoup plus que de contrarier les mécanismes discriminants de cette société. 20 LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL Tableau n° 1 : Treize expériences de terrain sur la lutte contre les discriminations dans le marché de l'emploi Mobilisation du territoire Mobilisation des employeurs Mobilisation des intermédiaires Accompagnement vers l'emploi Diagnostic territorial VOLUME 1 - 2000 - 21 [ 2.2. Des expériences ] Fiche 1 Parrainage, mission locale Est Lyon Fiche 2 Mise en place d'accords d'entreprise sur la lutte contre les discriminations raciales dans l'emploi, ASPECT Fiche 3 Diagnostic territorial sur les discriminations, Azerty ISCRA Montbéliard Fiche 4 Soutien aux activités économiques des personnes issues de l'immigration, comité de bassin d'emploi, Lille Fiche 5 Club de jeunes diplômés issus de l'immigration MRH Fiche 6 Accès aux stages en entreprise, France Télécom Fiche 7 Aide au recrutement d'habitants locaux et formation des cadres à la diversité culturelle, Continent Fiche 8 Formation du personnel à la diversité culturelle, STAS Fiche 9 Lutte contre les discriminations raciales dans l'accès aux contrats d'apprentissage, ADEJ Fiche 10 Aide au recrutement de personnes qualifiées d'origine immigrée par un médialogue, RIVES LOIRE/MEDEF Fiche 11 Formation "Marché du travail et discriminations", PLIE Louviers Fiche 12 Clubs de jeunes diplômés issus des quartiers défavorisés, AFIJ Fiche 13 Aide au recrutement par la méthode des habiletés, Leroy-Merlin 22 LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL Fiche 1. Parrainage mission locale Est lyonnais-CCI de Lyon Résumé : La CCIL et les missions locales ont entrepris de faciliter l'accès à l'emploi des jeunes. La méthode? Un accompagnement réalisé par des parrains bénévoles, chefs d'entreprises et cadres du réseau de PMEPMI, ressortissants de la chambre consulaire. Une méthodologie et des outils de suivi et de régulation apportent leur appui au binôme jeune-parrain. L'action menée a favorisé les rencontres interculturelles. Cela a contribué à modifier les perceptions que chacun des acteurs avait de l'autre. Et donc à lutter contre les discriminations raciales à l'emploi. Et ce, sans que cet objectif soit affiché par les partenaires ! I. ANALYSE DE L'ACTION Origine Plusieurs constats ont attiré l'attention des missions locales sur les discriminations raciales à l'emploi : durée d'accompagnement vers l'emploi plus longue pour les jeunes d'origine étrangère, récits des jeunes concernés révélant l’existence de pratiques discriminatoires souvent confirmées par des opérations de double appel réalisées par les conseillers emploi-formation. Parallèlement, la chambre de commerce et d'industrie de Lyon souhaitait répondre aux difficultés de recrutement des entreprises et apporter son appui à des jeunes en difficulté d'insertion professionnelle. Dans le cadre du dispositif "Objectif Profession", le conseil régional Rhône-Alpes favorise le parrainage de jeunes éloignés de l'emploi. Pour les publics issus de l'immigration, ces actions ont été soutenues par le FAS. Une charte qualité Rhône-Alpes du parrainage sera d'ailleurs signée en juin 2000 entre l'État, la région et les opérateurs de parrainage. Une action partenariale s'est ainsi développée, entre les missions locales de l'Est lyonnais et la CCIL, appuyée par son réseau de PME-PMI. Des parrains bénévoles issus du monde de l'entreprise accompagnent les jeunes pour leur faciliter l'accès à l'emploi. puyant sur sa mission de base : le service et l’appui aux entreprises pour toutes les questions de gestion et de développement. Elle cherche à offrir aux jeunes parrainés une meilleure connaissance de l’entreprise et des réalités du monde du travail. Les difficultés propres aux jeunes d'origine étrangère ne font pas l'objet d'un traitement particulier. Les missions locales ont centré le parrainage sur la création de passerelles entre les jeunes et les entreprises. La démarche aspirait à améliorer la connaissance réciproque de ces deux mondes, à changer les représentations de chacun : entreprise et jeune. La lutte contre les discriminations raciales à l'emploi apparaît comme un objectif essentiel de leur action. Mais elle n'a jamais été affichée par les missions locales dans leurs opérations de parrainage financées par la région et par l'État. La plupart des jeunes positionnés sur les actions de parrainage avaient déjà bénéficié de préparations à la recherche active d'emploi. Toutefois des difficultés ont freiné leur démarche. Ils sont notamment confrontés à des attitudes discriminatoires liées à leur origine ou à leur quartier de résidence. Certains sont issus de familles en inactivité professionnelle. Ils ne bénéficient donc pas de réseaux efficaces en lien avec l'entreprise. Les clés d'accès au monde du travail leur sont inconnues… La prégnance des discriminations raciales à l'emploi a cependant conduit à orienter les missions locales vers des publics d'origine étrangère. Aujourd’hui, ceux-ci représentent 80 % des jeunes accueillis sur l'agglomération lyonnaise, et 55 % des jeunes parrainés en 1998. Les jeunes parrainés sont relativement plus qualifiés : 60 % d'entre eux ont un niveau de formation IV et plus. En 1998, une centaine de jeunes ont bénéficié des parrainages menés avec les missions locales de Bron-Décines-Meyzieu, Vaulx-en-Velin et Vénissieux sur l'ensemble de la zone de l'Est lyonnais. L'opération a été reconduite en 1999 et en 2000. Objectifs et publics Démarche et méthodologie La CCIL a développé cette action en s’ap- En lien avec les missions locales, la chambre VOLUME 1 - 2000 - 23 consulaire a élaboré les outils méthodologiques. Elle organise les réunions d’informations et de suivi pour les jeunes et les parrains. Tout en animant ces rencontres, elle veille à la mise en place du cadre. Enfin, elle est attentive au respect des engagements souscrits par chaque partie. Les missions locales sont plus engagées dans la mobilisation du jeune en amont du parrainage, son suivi au cours de l’opération. Elles participent aux réunions de suivi et de formation. Mobilisation des jeunes et des parrains La CCIL mobilise ses réseaux de PME-PMI pour identifier les parrains à travers des contacts directs, le bulletin des associations d'entreprises et le journal de la chambre. Le positionnement de jeunes en recherche d'emploi par les missions locales s'effectue dans le cadre d'un parcours et sur une base volontaire de la part du jeune. Formation Une journée de travail avec les jeunes et les parrains est coanimée par la CCIL et une psychologue. Cette intervenante est spécialisée en gestion des ressources humaines. La journée permet de définir la relation de parrainage, d'aborder l'accès à l'emploi des jeunes, et de préciser les représentations mentales de chacun… Constitution du binôme jeune-parrain La CCIL organise la mise en relation du binôme. Elle entérine l’engagement de chaque partie dans une convention signée par le jeune, le parrain, la mission locale et la CCIL. L'accord vaut pour une période de quatre mois. Un "manuel du parrain" et un "manuel du filleul" sont remis à leurs destinataires respectifs. Ces deux outils comprennent plusieurs volets : • Une présentation du parrainage et des engagements de chacune des parties. • Une "fiche de présentation du filleul" (état civil, parcours, projet professionnel, centres d'intérêt, qualités et défauts que le jeune se reconnaît…). • Une fiche recense les attentes du jeune par rapport au parrainage. Elle s'articule autour de la "convention de parrainage" et d'un programme de rencontres. • Un "guide d'entretien" pour aider au travail du parrain. • Un "annuaire des parrains" pour favoriser leur mise en réseau. • Un “carnet d'adresses” pour le jeune. • Des fiches invitant à faire le point de façon méthodique. 24 • Un "carnet de bord du parrainage pour le recueil des données concernant les actions vécues par le jeune". Accompagnement du travail des binômes Les missions locales et la CCIL assurent un suivi de chaque binôme. L'objectif est double : réguler les problèmes qui peuvent émerger dans la relation jeune-parrain; mobiliser les outils nécessaires dans le parcours du jeune (ministages, réseau d'entreprises partenaires…). Des représentants de l'entreprise animent des ateliers thématiques. Ces séances collectives réunissent les jeunes pour approfondir leur connaissance de l'entreprise, des techniques d'entretien, et de la gestion des ressources humaines. Des réunions rassemblent également les parrains pour aider à leur compréhension du comportement des jeunes. Enfin, deux tables rondes réunissent jeunes et parrains sur deux thèmes : “accéder à un emploi sans expérience professionnelle” et “réussite de l’entretien de recrutement : les pratiques”. Des temps de bilan Des bilans réguliers sont réalisés entre les opérateurs de la CCIL et les missions locales. Un "pot de clôture" réunit les différents acteurs de l'opération. C'est l'occasion de dresser un bilan final. Résultats obtenus En 1998, les situations des 100 jeunes parrainés par les quatre missions locales se répartissent ainsi : CES CDI et CDD > 6 mois CDD < 6 mois Contrats qualification Formation Recherche emploi Emplois jeunes 10 22 11 10 10 19 6 % % % % % % % Pour le jeune, le parrainage facilite la découverte de l’entreprise, de ses dirigeants, des recruteurs. Il offre un premier accès aux codes et aux représentations qui gouvernent le monde du travail. En modifiant les représentations du jeune, le parrainage lui permet d’ajuster sa stratégie de recherche d’emploi. Il apprend aussi à traduire ses compétences en termes pertinents pour le recruteur et à cibler l’argumentaire développé en entretien. L’écoute, l’intérêt que leur accordent les parrains valorisent les jeunes, leurs ressources, leurs potentiels, qu’eux-mêmes ont du mal à apprécier. Même dans les cas LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL où l'opération ne comble pas leur désir initial, les jeunes gagnent en confiance, en maturité. Ils acquièrent une plus grande capacité à communiquer et à parler d'euxmêmes. Enfin, ce type d'action concourt à endiguer les discriminations raciales à l'emploi. Des rencontres interculturelles personnalisées permettent de transformer les représentations en sortant des a priori sur les jeunes d'origine étrangère comme sur les entreprises. II. ENSEIGNEMENTS DE L’ACTION L'alliance entre un réseau de structures en contact avec les jeunes et des réseaux d'entreprises apparaît comme un enjeu fort pour les prochains contrats de ville. Cette collaboration doit cependant s'appuyer sur des objectifs partagés par l'ensemble des partenaires. Deux approches sont envisageables : une action orientée contre les discriminations raciales à l'emploi; une démarche pragmatique centrée sur une rationalisation du recrutement des entreprises grâce à une meilleure connaissance des jeunes, notamment ceux qui sont issus de l'immigration. Contacts Odile Gailleton, responsable de l'antenne Sud-Est de la CCIL, chargée des actions de parrainage. Antenne Sud-Est 4, avenue du 24-août-1944 69960 Corbas Tél. : 0472901013 Fax : 0472514543 e-mail : [email protected] Bernadette Epal, coordination des actions de parrainage pour les quatre missions locales de l'Est lyonnais Mission locale Rhône Sud-Est Place du Pentacle, BP 84, 69192 Saint-Fons cedex Tél. : 0472893999 Fax : 0478675959 e-mail : [email protected] Les outils et la méthodologie mis en œuvre dans le cadre de cette action sont transposables. Il suffit d'adapter l'ingénierie aux publics visés. Il s'agit notamment d'identifier un accompagnement spécifique permettant aux publics les moins qualifiés d'accéder à ce type de dispositif. C'est, par exemple, ce que propose le dispositif TRACE. On note, en effet, une faible représentation des jeunes de niveau inférieur à V. Les parrains hésitent à prendre en charge ce type de jeune, qui nécessite un accompagnement plus long, plus difficile, et réclame parfois des compétences spécifiques et une plus grande disponibilité. Les jeunes peu qualifiés hésitent eux-mêmes à s'engager dans une relation de parrainage, parfois mal comprise, et vécue comme un délai supplémentaire sur le chemin de l'emploi. Un effort pédagogique important devra être mené auprès des jeunes et de leurs familles. Sinon le parrainage risque de s'épuiser faute de jeunes à parrainer… Par le biais des contrats de ville, la mobilisation des équipements de proximité (centres sociaux, maisons des jeunes) pourrait promouvoir le parrainage auprès des jeunes et des familles. Ce type d'accompagnement personnalisé mérite de susciter un intérêt élargi ! VOLUME 1 - 2000 - 25 Fiche 2. ISM CORUM-projet ASPECT Mise en place d’accords d’entreprises sur la lutte contre les discriminations raciales Résumé : ASPECT (Action spécifique pour l’égalité des chances au travail) est une action expérimentale conduite actuellement en Rhône-Alpes sur quatre sites. L'objectif est d’instaurer un débat sur la lutte contre les discriminations raciales dans le monde du travail. En mobilisant les partenaires sociaux, les acteurs de l’emploi et les collectivités territoriales sur cette question, l'opération doit permettre la signature d’accords sur l’égalité de traitement dans les entreprises. ASPECT entend agir au cœur de l’entreprise. Sa démarche participative implique, bien sûr, les partenaires sociaux. Mais, au-delà, cet effort de sensibilisation concerne l’ensemble des acteurs économiques, publics, politiques, ainsi que les intermédiaires de l’emploi. I. ANALYSE DE L’ACTION ASPECT émane du ministère de l’Emploi et de la Solidarité ainsi que du FAS. Le projet est porté par ISM RA Corum. Cette structure d’étude, d’ingénierie et de communication interculturelle est basée à Lyon. Le pilotage d'ASPECT est assuré par quatre types d’instances : - un comité de suivi national, présidé par le directeur de la DPM, regroupant le FAS, l’ANPE, la DGEFP, la DRT, la DIIJ, la Mission FSE et la DIV ; - un comité de suivi régional, présidé par le préfet et composé des représentants régionaux des services de l’État, qui s’est révélé difficile à activer ; - un groupe opérationnel régional, qui oriente l’action, composé des partenaires sociaux (syndicats d’employeurs et de salariés) de la région Rhône-Alpes avec la participation de personnes et structures-ressources ; - un conseil scientifique, constitué de chercheurs indépendants travaillant sur l’égalité des chances. L’équipe opérationnelle d’ASPECT est composée de 4 chargés de mission, salariés d’ISM, répartis sur 4 territoires : Rhône-Pluriel (Vienne-Givors), agglomération grenobloise, région stéphanoise et Sud-Est lyonnais. Une assistante de projet, basée à ISM, complète le dispositif. Origine de l’action L’étude sur le racisme au travail menée par la CFDT et le laboratoire CADIS (voir encadré) a éveillé un intérêt certain. En outre, ce problème fait l'objet d'une prise de conscience accrue. Dans ce contexte, un groupe de travail national s’est constitué de manière informelle afin d’élaborer un projet pour combattre les discriminations raciales sur le marché du travail. Des représentants de la DPM, du FAS, de la DGEFP, de la DRT, de l’ANPE, de la DIJ, de l’ADRI et de LASAIRE ont participé à ce groupe aux côtés de Philippe Bataille (sociologue) et de François Sroczynski, auteur de la proposition initiale. Le projet ASPECT est né d’une première réflexion de ce groupe. Puis il s’est concrétisé et développé avec ISM CORUM, qui a accepté de lancer cette action et de la porter en Rhône-Alpes. Pendant quatre ans, la CFDT, en partenariat avec le laboratoire CADIS dirigé par Michel Wieworka, a conduit une recherche-action sur le racisme dans l’entreprise. Les résultats en ont été restitués dans l’ouvrage de Philippe Bataille, “Le Racisme au travail” (éditions de la Découverte). Cette étude-action a consisté en une exploration qualitative, menée dans des entreprises d'Alsace, RhôneAlpes, Ile-de-France, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Languedoc-Roussillon 1. Elle s’est appuyée de manière systématique sur les militants syndicaux qui ont contribué à f a i re évoluer des situations jusque-là bloquées dans les entreprises. L’affichage clair de leur engagement dans la lutte contre les discriminations raciales, leur rôle d’information et d’aiguillon auprès de leurs employeurs et des autres salariés sont apparus comme un mode d’action à la fois efficace et bien accepté par les partenaires concernés. Le projet ASPECT a puisé une légitimité accrue dans plusieurs textes fondamentaux 1 Les objectifs de cette étude-action étaient les suivants : comprendre les formes de manifestation du racisme, sa provenance, les vecteurs de sa transmission, ses conséquences, mais aussi comprendre comment les différentes composantes de l’entreprise, tous niveaux hiérarchiques confondus, employeurs et syndicats, réagissaient face à ces questions. 26 LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL signés par les partenaires sociaux au niveau européen puis national 1. Objectifs et publics visés La finalité du projet ASPECT est la promotion de l’égalité de traitement dans l’entreprise afin que chacun, à compétences égales, ait les mêmes chances en matière d’emploi, de maintien au travail, d’évolution professionnelle ou d’accès à la formation. Il s’agit de permettre l’application du principe d’égalité, sans discrimination positive. L’objectif opérationnel poursuivi est la signature d’accords sur l’égalité de traitement dans les entreprises, afin de créer une référence contractuelle forte dans chaque entreprise et de permettre aux partenaires sociaux de jouer leur rôle. Pour cela, ASPECT cherche à ouvrir un débat sur la discrimination raciale et à mobiliser les partenaires sociaux, les acteurs de l’emploi et les collectivités locales. En effet, la discrimination concerne toutes les composantes de l’entreprise et se joue à l’échelle du territoire. Ainsi, le projet concerne l’entreprise dans son ensemble. Il implique aussi bien l'employeur que les salariés. Démarche et méthodologie ASPECT part du principe que la discrimination concerne toutes les composantes de l’entreprise. Donc, seule une action concertée autorisera la mise en place d’actions de prévention sur les lieux de travail. La méthodologie d’intervention d’ASPECT s’est construite de manière empirique. La démarche a concilié recherche et action. Dans un premier temps a été conduit un travail de sensibilisation et de mobilisation des partenaires sociaux en Rhône-Alpes. Et ce, dans un contexte politique régional difficile! Cette première action s’est étalée sur plusieurs mois. Elle a débouché sur la constitution d’un groupe de pilotage régional. Cette structure rassemblait des représentants des partenaires sociaux, de la DRTEFP, du FAS, de la DRANPE et de missions locales. Afin de travailler au cœur de l’entreprise, ASPECT pouvait disposer de deux clés d’entrées principales : le syndicat et l’employeur. Or, les organisations syndicales et patronales sont présentes à deux niveaux : dans leurs structures et sur le lieu de travail. Pour que leur engagement sur le lieu de travail ait le maximum de chances d’aboutir, il était indispensable qu’il soit soutenu par le niveau régional interprofessionnel. L’entente préalable avec ces organisations s’est concrétisée le 24 juin 1999. Ce jour-là les partenaires sociaux en Rhône-Alpes ont signé une déclaration commune. Le texte engageait les trois organisations syndicales patronales : CGPME, MEDEF et UPA, ainsi que les cinq organisations syndicales de salariés : la CFDT, la CFE-CGT, la CFTC, la CGT et FO. Dans un second temps, des pôles de proximité ont été mis en place sur quatre territoires de Rhône-Alpes 2. Animé par un chargé de mission, chaque pôle de proximité devait procéder en premier lieu à un diagnostic territorial. Objectif : identifier des leviers d’actions et les personnes ressources, notamment dans les secteurs difficiles à pénétrer. Il s’agissait donc de constituer un réseau local ASPECT, rassemblant l’ensemble des partenaires locaux concernés par la démarche : collectivités locales, administrations et services publics présents sur ce territoire, organisations départementales ou locales émanant des partenaires sociaux, clubs d’entreprises, p a rt e n a i res consulaires, entreprises publiques… Ce réseau devait permettre de pénétrer plus facilement les entreprises. Plusieurs axes de travail ont été développés par la suite. Ils sont liés à la mobilisation de trois catégories d’acteurs sur le territoire. La première (les entreprises) est celle que vise ASPECT. Les deux autres constituent des intermédiaires possibles et des "facilitateurs" : intermédiaires de l’emploi, acteurs politiques, économiques et sociaux. Les entreprises 3 L’objectif est la signature d’un accord dans les entreprises sur l’égalité de traitement et la non-discrimination. La nécessaire neutralité d’ASPECT implique de travailler avec les dirigeants et les salariés de l’entreprise, et aussi d'envisager l’ensemble des sensibilités syndicales. Dans chaque établissement, la clé d’entrée peut La déclaration de Florence, signée en 1995 par l’UNICE, le CEEP et la CES; la déclaration de Grenelle sur les discriminations raciales dans le monde du travail, adoptée par l’État et les partenaires sociaux le 11mai 1999. 2 Vienne-Givors et Grenoble étant les pôles les plus anciens, leur étude a été privilégiée dans cette fiche. 3 Les entreprises sont ici entendues comme l’ensemble des structures employant des salariés, qu’elles aient un statut privé (SA, SARL…), public ou associatif. 1 VOLUME 1 - 2000 - 27 être syndicale ou patronale, selon la personne ressource identifiée en amont avec le réseau local. diagnostic sur les discriminations raciales est en cours, des formations d’acteurs syndicaux ont déjà eu lieu (élus CE et CHSCT). Les partenaires sociaux Du côté des employeurs, la déclaration commune régionale ainsi que ses déclinaisons départementales permettent de toucher des responsables d’entreprises membres des organisations signataires. Pour toucher d’autres types d’entreprises, d’autres réseaux sont sollicités : les réseaux de parrainage, les clubs et les associations d’entreprises, la Jeune Chambre économique, la CCI, les associations de développement local… Il est intéressant de souligner le rôle des collectivités locales dans l'accès aux petites entreprises, d'où l’acteur syndical est souvent absent. Leur fonction de développeur, d’aménageur du territoire, mais aussi de client auprès des entreprises les prédestine à devenir des alliés objectifs d’ASPECT. Du côté des organisations syndicales et des représentants des salariés, ASPECT propose une démarche de sensibilisation des instances de représentations du personnel (CE, CHSCT, Délégués du personnel) et de leurs élus. Le CE ou CHSCT peut être l’interlocuteur sollicité dans l’entreprise. Mais les sections syndicales sont parfois privilégiées. La clé d’entrée avec les CHSCT a parfois été la question des accidents du travail. En effet, les statistiques internes des entreprises révèlent très souvent que les personnes d’origine étrangère sont plus fréquemment victimes d’accidents du travail que les Français d’origine. Or, ce problème relève de la compétence du CHSCT. La signature d’un accord peut se faire par étapes. Par exemple, un protocole d’accord entre l’employeur et les représentants des salariés ouvrira le débat sur ce sujet. On entreprendra alors de rechercher ensemble des solutions. Dans cette perspective, ASPECT lance une réflexion, ouvre un débat au sein de l’entreprise, et noue un dialogue entre les partenaires. Le syndicat de branche est parfois sollicité. Il permet de démultiplier les effets d’une réflexion et d’une négociation. Ainsi, à Grenoble, un travail est mené avec le syndicat de la chimie-énergie et quatre entreprises tests. Pour le moment, ASPECT conduit l’action avec les responsables du syndicat. Mais, par la suite, le syndicat professionnel prendra la relève auprès de ses membres. Il pourra aussi ouvrir la branche au niveau patronal. Afin de promouvoir la non-discrimination, ASPECT cherche à utiliser tous les espaces du dialogue social dans les entreprises. Ainsi, ASPECT s'efforce de faire inscrire cette question dans les espaces de négociation en cours. Par exemple, la négociation sur les 35 heures… Dans cet objectif d’ouverture du débat, la formation des acteurs peut être un appui intéressant : si le développement d’outils de 28 Les intermédiaires de l’emploi, les acteurs politiques, économiques et sociaux du territoire La méthode participative et territorialisée permet de construire un référentiel commun entre différents acteurs concernés par le sujet sur un territoire et d'instaurer une sorte de protocole de repérage et de prévention des discriminations raciales à l’emploi, dont ces acteurs pourront garantir l’application et la pérennité. • La mobilisation des agents du SPE et des autres intermédiaires de l’emploi, leur formation en lien avec l’ANPE régionale peut les aider à réagir face aux phénomènes discriminatoires. Sur Vienne, ASPECT anime un groupe de travail informel qui rassemble des entreprises d’insertion, des associations intermédiaires, des représentants d’ALE, des missions locales, des PLIE, un GEIQ. Le premier travail de ce groupe a consisté à recenser les discriminations raciales dans leur activité et à analyser les pratiques développées par rapport à ce problème. Dans un second temps, des pistes de travail ont été élaborées. À Grenoble, une démarche collective est en cours de réflexion avec les intermédiaires de l’emploi. Il s’agirait d’appréhender les problèmes de discriminations raciales (comme la réception d’offres discriminatoires) en faisant intervenir le réseau (le MEDEF si l’entreprise en est membre, des OS signataires de la déclaration commune si elles sont présentes dans l’entreprise). En d’autres LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL termes, cela revient à identifier les partenaires susceptibles d’intervenir de manière convergente auprès de l’entreprise. • L’articulation entre la lutte contre les discriminations raciales et le développement économique du territoire est recherchée. Cette question doit devenir incontournable. Il convient de l'aborder sur l’ensemble du territoire et de la prendre en compte dans toutes les réalités économiques. Sur Rhône-Pluriel (Vienne-Givors), le contrat global de développement 1 est utilisé afin que la question des discriminations soit intégrée dans l’ensemble des volets du contrat. ASPECT souhaiterait obtenir également un engagement des élus de Rhône-Pluriel sur la question de la lutte contre les discriminations raciales. Dans un premier temps, l’objectif visé serait l’inscription de ce sujet à l’ordre du jour des instances de Rhône-Pluriel. • Les relations avec les CODAC sont développées. Notamment avec l’inscription d’ASPECT dans leurs programmes de travail et la participation d’ASPECT à la concrétisation des travaux de ces commissions. • Les collectivités locales sont fortement associées et sont appelées à montrer l’exemple. En particulier en tant qu’employeurs. Le projet est financé sur des crédits nationaux et européens, par le biais du FAS, de la DIIJ, de la DIV, de la DGEFP, de la DPM et de la DG V (Commission européenne) et du FSE. Coût total : 4,7 MF sur deux ans et demi. Liens avec la politique de la ville Les chargés de mission d’ASPECT ont développé des relations avec les collectivités locales. En tant qu’organes politiques et en tant qu'employeurs, celles-ci peuvent susciter et fédérer des initiatives de lutte contre les discriminations. En outre, l’inscription de la lutte contre les discriminations dans les contrats de ville constitue un excellent relais pour la mobilisation des élus et pour la pérennisation de la démarche ASPECT sur certains territoires. Sur Rhône-Pluriel (Vienne-Givors), ASPECT a contribué à mettre en œuvre deux contrats de ville : à Givors-Grigny et dans le district de Vienne. À Grenoble, une perspective de travail se dessine dans les fiches thématiques 1 du contrat d’agglomération. ASPECT pourrait s’y inscrire. Pour les opérateurs des contrats de ville, ASPECT permet d’apporter au projet une dimension d'entreprise. Il joue le rôle d’intermédiaire entre le secteur public (collectivités) et le privé (entreprises), la relation étant parfois difficile à établir en direct. Résultats et perspectives • Une déclaration commune des partenaires sociaux a été signée au niveau de la région Rhône-Alpes puis dans les départements de l’Isère et de la Loire. • Sur l’agglomération grenobloise, des chantiers sont ouverts dans 40 entreprises. Cela concerne aussi bien des entreprises “classiques”, que des collectivités locales ou des organismes parapublics en tant qu’employeurs. • Un accord d’entreprise sur l’égalité de traitement a été signé dans la Drôme. • Plusieurs communes de l’Isère ont délibéré sur la non-discrimination raciale. Les comptes rendus de ces débats ont été diffusés auprès des entreprises locales. En outre, plusieurs municipalités ont entamé une négociation interne sur le sujet. • Des territoires et leurs principaux acteurs sont sensibilisés et mobilisés. Le débat est ouvert. Et la lutte contre les discriminations raciales fait de plus en plus l’objet d’échanges et de négociations. • Les partenaires sociaux de la région se sont saisis du problème. Impliqués, ils se sentent désormais acteurs du projet. • Les CODAC des différents territoires se sont mobilisés avec ASPECT. Elles concourent au développement de l’action. La pérennisation de la démarche fait l'objet d'une réflexion. En effet, ASPECT se situe dans la dernière année d’expérimentation. Pour le porteur de projet, cette question se pose en termes de poursuite de la dynamique régionale née d'ASPECT. Une évaluation à dimension participative va être organisée par la DPM et le FAS. Il s’agira de repérer les éléments du projet qu'il sera opportun d'étendre et de reconduire. Sur les sites existants, la pérennisation sera sans doute envisagée de différentes manières suivant les territoires. Pour ISM et les partenaires sociaux mobilisés, l’important est de maintenir un outil régional de lutte contre les Outil de développement local de la région Rhône-Alpes. VOLUME 1 - 2000 - 29 discriminations sur le marché du travail. Un pilotage direct de cet outil par les partenaires sociaux pourrait d’ailleurs être envisagé. II. ENSEIGNEMENTS DE L’ACTION En France, ASPECT représente une des rares opérations de lutte contre les discriminations raciales agissant de manière collective et concertée au sein de l’entreprise et à l’échelle régionale. Les quatre territoires mobilisés recueillent les premiers fruits de leur travail. Toutefois, les acquis se déclinent plus en termes de perspectives qu’en termes de résultats opérationnels - plusieurs chantiers ouverts, mais un seul accord sur l’égalité de traitement signé. Le manque d’engagements des entreprises nuit à la crédibilité du projet auprès de ses principaux partenaires. Et ce, même si d’aucuns reconnaissent qu'il est dur d'obtenir des changements durables dans les entreprises par la négociation. Agir sur les mentalités, inverser les habitudes, transformer les pratiques… Tout cela réclame un temps de maturation. Enfin, les difficultés globales de mobilisation des partenaires institutionnels (notamment l’État au niveau régional) et la fragilité des financements freinent le développement du projet. Contacts Christian Arnaud, directeur d’ISM CORUM, ou Murielle Annequin, assistante au projet Tél. : 0472847896 Fax : 0478622400 Pôles : Rhône-Pluriel Geneviève Wilson Tél. : 0437020678. Fax : 0437020679 Agglomération grenobloise François Sroczynski Tél./fax : 0476294364 Région stéphanoise Sandrine Marcon-Berthe Tél. : 0477937832 Fax : 0477937818 Sud-Est Lyonnais Isabelle Piot Tél. : 0472231343 Fax : 0478200511 Des résultats tangibles peuvent être cependant constatés : la sensibilisation des acteurs en Rhône-Alpes produit des effets sur les territoires. L’intervention au cœur de l’entreprise s’inscrit dans une action plus globale auprès des partenaires naturels de celle-ci : les intermédiaires du marché du travail, les administrations du travail, les communes, les acteurs du territoire… Elle élargit la prise de conscience du problème. Et elle garantit un impact réel et durable des actions mises en œuvre. Toutefois, le processus engagé réclame du temps et passe par quelques complications méthodologiques. Le groupe opérationnel régional mériterait sans doute d’être déconcentré sur les pôles d’intervention afin de jouer un rôle plus actif en aidant à résoudre des problèmes concrets auprès des entreprises. Le projet est étudié par d’autres régions qui seraient intéressées par sa mise en œuvre sur leurs territoires. L’évaluation arrive au bon moment pour permettre la formalisation d’une démarche. Mais elle risque de pâtir d'un manque de résultats concrets à analyser. 30 LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL Voir aussi : Contrat de ville de Givors-Grigny La lutte contre les discriminations à l’embauche est citée dans la thématique “emploi et insertion”. Il y est proposé de développer des actions de lutte contre les discriminations raciales pour l’accès à l’emploi. Et il y est fait référence à la mise en place d’une cellule ASPECT. Contrat de ville de l’agglomération de Vienne Le contrat-cadre précise que l’intégration et la lutte contre toutes les formes de discriminations constituent un axe fort, qui doit se décliner dans tous les volets du contrat de ville. En lien avec la CODAC, “un approfondissement du travail entrepris en faveur de l’intégration des personnes d’origine étrangère” doit être réalisé. Il se concentrera sur les discriminations à l’emploi, exploitant le travail d'ASPECT. L’acquisition de la langue française et la lutte contre l’illettrisme sont citées comme des objectifs d’action pour le développement économique des quartiers. Contrat de ville de l’agglomération de Grenoble Le projet de contrat d'agglomération cite l'accès à l'emploi comme un des quatre enjeux essentiels de l'intégration des populations issues de l'immigration. Le principe d’intégration et de lutte contre les discriminations est proclamé comme un axe transversal à toutes les thématiques ; un processus d’évaluation est envisagé. Dans la convention “Économie, emploi et insertion”, les cosignataires s’engagent à lutter avec fermeté et constance contre les discriminations dans l’accès à l’emploi, en lien étroit avec la commission d’accès à la citoyenneté. Contrat de ville de l’agglomération de Lyon Le projet de contrat d'agglomération cite l'accès à l'emploi comme un des quatre enjeux essentiels de l'intégration des populations issues de l'immigration. Il constate qu'"une fraction de la population d'origine étrangère, et en particulier chez les jeunes, peut se heurter à des pratiques et des comportements discriminatoires en matière d'embauche, de logement et de loisirs". Ainsi, "la lutte contre les phénomènes de discrimination à l'embauche constituera une préoccupation majeure… Cela s'opérera en articulation avec les actions menées par le programme ASPECT et par le service public de l'emploi, avec pour objectif de créer les conditions d'un égal accès de l'emploi pour tous". VOLUME 1 - 2000 - 31 Fiche 3. Azerty Conseil-ISCRAcommunauté d’agglomération du pays de Montbéliard Diagnostic territorial sur les discriminations dans le cadre du contrat de ville d'une agglomération Résumé : La communauté d’agglomération du pays de Montbéliard s'est dotée de compétences relatives à l'intégration. Avec ses partenaires, elle a inscrit cet enjeu dans le contrat de ville. Dans un bassin d'emploi à forte présence de population d'origine étrangère, et en transformation profonde de ses conditions d'emploi, la question des discriminations se pose de manière accrue. En lien avec l’État et le FAS, la collectivité a engagé une étude des formes et facteurs de discrimination dans l'accès à l'entreprise publique comme privée Le cabinet Azerty Conseil et l'organisme de recherche ISCRA ont réalisé cette étude en quatre étapes : une série d'entretiens avec les acteurs socio-économiques ; des dispositifs d’observation et de recueil d’informations mis en place avec les acteurs locaux ; un diagnostic des discriminations vécues par les jeunes de l'école à l'entreprise; des recommandations concrètes. Inachevée en avril 2000, l'étude présente l'intérêt d'une démarche de diagnostic global dans le cadre d'un contrat de ville d'agglomération, dans un bassin d'emploi à forte spécificité industrielle et sociale. I. ANALYSE DE L'ACTION Origine La communauté d’agglomération du pays de Montbéliard regroupe 28 communes et 120000 habitants. Au dernier recensement, 14 % de la population était étrangère. Et les jeunes Français d'origine étrangère par leurs parents ou grands-parents représentent près d'un jeune sur quatre. L'immigration a pour principale origine l'appel à la main-d'œuvre immigrée dans les années 50 par la Société des automobiles Peugeot, qui reste l'employeur principal du bassin (plus de 40000 salariés en 1978, 18000 en 1998). La population immigrée est jeune, principalement originaire du Maghreb et de la Turquie. Les populations étrangères habitent à 65 % en logement HLM. Elles connaissent un taux de chômage en moyenne supérieur de 8 points au taux du bassin d'emploi (recensement de 1990). La réduction considérable du nombre d'ouvriers de l'automobile sur Montbéliard a d'abord touché les travailleurs immigrés primo-arrivants. Mais des phénomènes de discrimination à l'embauche sont aujourd'hui également perceptibles vis-à-vis des jeunes issus de l'immigration. L'Éducation nationale, les organismes de formation et les structures d'accueil des jeunes manifestent des difficultés croissantes pour trouver des stages en entreprise pour ces jeunes. Les tensions entre générations semblent se renforcer au gré des difficultés de cohabitation perçues comme telles dans certains quartiers d'habitat social et dans les transports publics. C'est ce que montre une étude sociologique récente 1. "Le bus qui relie le quartier HLM de Grandval au centre de Montbéliard est un observatoire instructif des rapports entre générations dans le quartier… (et) donne à voir le conflit de voisinage et de valeurs qui oppose systématiquement les "jeunes" et les "vieux" (ici "jeunes d'origine étrangère" et "vieux français” des classes populaires)… À l'arrêt de bus de la place commerciale, les jeunes du quartier se chamaillent souvent, se bousculent pour entrer les premiers, passer devant les autres. Une fois dans le bus, les garçons se dirigent, le plus souvent avec précipitation et bruyamment, vers le fond du véhicule… Entre eux, ils se charrient mutuellement, ne cessent de blaguer et de plastronner, occupant théâtralement l'espace qu'ils transforment en scène. Quand le niveau sonore monte brusquement… des passagers du devant se retournent en direction des “perturbateurs” pour marquer par leur regard leur désapprobation. En fait, très peu protestent ouvertement… Tout le monde semble s'être résigné à ce type de comportements et a fini par s'en accommoder… La tension permanente… entre le groupe des 1 Stéphane Béaud, Michel Pialoux, “Retour sur la condition ouvrière”, enquête aux usines Peugeot de Sochaux-Montbéliard, Fayard, novembre 1999. 32 LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL anciens habitants du quartier… et celui des "nouveaux" arrivés… ne trouve pas toujours à s'exprimer par la parole, mais elle est très sensible à travers les expressions et les regards réprobateurs, les mimiques d'exaspération ou d'agacement, les peurs visibles dans différents mouvements de repli, les minuscules marques de défiance face aux "enfants d'immigrés". Objectifs et publics visés La communauté d’agglomération, anciennement district urbain du pays de Montbéliard, est une des rares structures intercommunales à s'être dotée de compétences liées à la politique de la ville autant qu'à l'intégration. Les enracinements de ces engagements sont à trouver dans les sensibilités historiques et politiques, autant que dans la présence de l'immigration dès 1947. En 1992 naît un groupe de réflexion sur l'intégration par la formation du public migrant (région, service public de l'emploi, FAS, district, mission locale, organismes de formation et associations à vocation sociale). Dés 1994, dans le cadre du premier contrat de ville, une Charte pour l'intégration des populations issues de l'immigration dans le pays de Montbéliard est mise en œuvre. Elle implique les différents partenaires publics autour de l'accès à l'école, au logement, à l'emploi, ainsi qu'à la vie associative et culturelle. Le projet de contrat de ville 2000-2006 érige l'intégration au rang d'enjeu majeur dans le pays de Montbéliard. Plus spécifiquement, il fait de l'intégration des populations issues de l'immigration un des deux axes transversaux de la démarche. Dans ce domaine, les objectifs visent notamment à faciliter l'accès à l'emploi et à veiller aux éventuels phénomènes de discrimination. Démarche Chevilles ouvrières de la réflexion, le service intégration du district, le FAS et la préfecture ont intégré progressivement la question des discriminations dans leurs hypothèses. Partant de la question de la formation, puis de l'orientation et de l'accompagnement, ils ont constaté que les pratiques discriminatoires sur Montbéliard étaient perceptibles, mais complexes à révéler. Comment mesurer de tels phénomènes, afin de susciter un réel débat local? Soumise dans le cadre de l'Année européenne contre le racisme, une première note d'opportunité est déposée fin 1997. Hélas! elle n'aboutira pas! Cette même année, le FAS appuie le développement d'une expérience de formation-accompagnement à la recherche d'emploi de jeunes diplômés issus de l'immigration (projet JEDI porté par la FRATE). La question rebondit dans le cadre du diagnostic préalable au lancement du Contrat Local de Sécurité en 1998. Celui-ci met en avant les phénomènes discriminatoires et propose un large volet d'actions préventives. Au titre du constat du CLS • Les difficultés des jeunes, souvent d'origine étrangère et en échec scolaire ou professionnel, qui ne trouvent pas leur place dans la société actuelle et dont le comportement est souvent mal perçu. • Le chômage, la discrimination importante à l'embauche (pour les populations d'origine étrangère) aggravent la situation de ces publics. Les risques d'actes provoquant l'insécurité sont augmentés d'autant. Au titre des propositions • Réduire les facteurs de dislocation sociale : classes relais, projets "école ouverte". • Favoriser l'accès à la formation et à l'emploi des publics jeunes par une politique de préqualification, de qualification et d'insertion professionnelle. • Développer la communication avec les habitants au moyen de réunions de quartier, d'actions avec les transporteurs et de structures d'accueil des jeunes. À l'issue de la signature du contrat local de sécurité, le sous-préfet et la communauté d’agglomération ont souhaité lancer une étude pour évaluer les problèmes de discrimination dans l'accès à l'entreprise et à la formation. L'étude est lancée début 2000 par la communauté d’agglomération. Elle vise à identifier les formes et les facteurs de discrimination dans l'accès à l'entreprise publique et privée. Elle est centrée sur la population des jeunes du pays de Montbéliard de 15 à 25 ans, étrangers ou Français issus de l'immigration. Le cahier des charges précise qu'elle ne doit pas conduire à dénoncer tel ou tel type d'employeur, mais qu’elle doit associer les chefs d'entreprises à la démarche. De même, l'étude doit distinguer les discriminations liées aux lieux d'habitat et celles qui reposent sur des critères d’origine ethnique. VOLUME 1 - 2000 - 33 Le comité de pilotage de l'étude regroupe la communauté de communes, la sous-préfecture, la DDTEFP et l'ANPE, le FAS, la CAF, les délégués de l'État dans les quartiers (à la demande du sous-préfet), l'Éducation nationale, le MEDEF, la chambre de commerce, les syndicats salariés et ADECCO. Le financement est porté également par la communauté d'agglomération, le FAS et la préfecture pour un budget total de 300000 F. Les prestataires choisis sont Azerty Conseil et l'Institut social et coopératif de recherche appliquée (ISCRA). direct avec le problème de la discrimination, et notamment les opérateurs du marché du travail. Si les faits discriminatoires sont avérés sur le bassin d'emploi, un des enjeux sera d'aider les acteurs d'emploi à en parler et à formuler une réponse efficace. L'étude et les débats qui s'ensuivront entre les partenaires publics et économiques aideront les intermédiaires de l'emploi à changer de posture visà-vis des employeurs comme des demandeurs d'emploi. Il importe de ne pas nier les discriminations, sans les survaloriser pour autant, et de faciliter l'égalité d'accès aux offres d'emploi et de formation… Méthodologie Résultats et perspectives La discrimination résulte d'un système complexe de faits, d'opinions et de perceptions. Et ce, au niveau de toute la société. Seul l'engagement commun d'une grande variété d'acteurs dans la réflexion et l'action peut contribuer à endiguer ce phénomène. Telles sont les deux convictions principales des prestataires, mises en œuvre dans la démarche engagée. • Première étape : analyser le contexte local du pays de Montbéliard et recueillir des données quantitatives et qualitatives sur le phénomène. Cela passe par une analyse des données sociodémographiques et par des entretiens, notamment avec des employeurs. • Deuxième étape : observer les phénomènes de discrimination autour de parcours de jeunes, de l'école à l'entreprise. Cette étape s’appuie notamment sur la mise en place de dispositifs d’observation et de recueil d’informations avec les acteurs locaux au sein de lycées, du CFA, de l'ANPE, de la mission locale et d’organismes de formation ou d’insertion. L'étude tentera d'établir les parcours d'accès à l'éducation et à l'emploi des jeunes de manière longitudinale. Et elle s'efforcera d'identifier les éventuels mécanismes discriminatoires qui apparaîtraient dans ces parcours. • Troisième étape : mener une enquête par entretiens individuels et collectifs auprès des jeunes (via les structures d'accueil). L'objectif est d'analyser le point de vue des jeunes visà-vis de la discrimination et d'en appréhender les impacts. • Les étapes finales d'analyse transversale, de restitution et de recommandation doivent permettre de diagnostiquer les discriminations et de définir un plan d'action. Les résultats attendus devraient permettre de développer un soutien aux acteurs en contact 34 Dans l'attente des résultats définitifs de cette démarche (été 2000), trois questionnements se dégagent… • L'engagement politique commun des acteurs publics reste fragile, autour d'un projet avant tout impulsé par les techniciens et par l'État. Assez consensuels, les engagements politiques relatifs à l'intégration dans le contrat de ville sont explicites en termes d'actions concrètes. En effet, la négociation se construit autour d'un consensus par défaut. Elle est paralysée par le refus de tout conflit entre les partenaires. Le lancement d'une étudediagnostic cherchant à objectiver la question de la discrimination répond aux attentes des différentes sensibilités politiques en présence parmi les élus. Chacun aspire à y voir plus clair pour mieux se positionner. En période d'échéance électorale, c'est dans l'affirmation de priorités d'action claires que les clivages politiques vont sans doute se tendre, au risque de mettre la dimension opérationnelle au second plan. • Si elle reste modeste, l'implication des entreprises dans cette étude est possible. Pour l'instant, peu d'employeurs ont été touchés par une démarche qui se veut pourtant mobilisatrice, au-delà du seul diagnostic. Mais, dans un bassin d'emploi où la figure de Peugeot est si dominatrice dans les représentations, les prémices d'ouverture au débat entre "société civile" et entreprises sont importants. D'ailleurs, les partenaires publics sont les premiers surpris du bon accueil de la plupart des employeurs contactés. Les prises de rendez-vous et l'expression des interviewés semblent aisées sur un sujet réputé délicat. C'est l'indice que le travail sur les représentations de la discrimination doit sans doute aller de pair avec l'ouverture de LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL l'image de l'entreprise, pas aussi fermée qu'on peut l'imaginer. • L'étude ouvre des possibilités de débat entre les acteurs locaux. Dans la démarche globale telle que la conduisent les intervenants, les échanges sont nombreux entre partenaires. Cela augmentera la capacité collective du bassin d'emploi à se représenter la discrimination comme un phénomène social. De fait, la démarche de Montbéliard revient à susciter une prise de conscience quant aux impacts des discriminations. Mais elle ne saurait en mesurer l'ampleur précise ! L'étude doit permettre de comprendre de quels processus sous-jacents se nourrissent les discriminations, afin de faciliter un accord sur le diagnostic autant qu'un engagement global dans l'action concrète. Les engagements historiques des partenaires publics autour de la relation entre politique de la ville et intégration sont certainement parmi les éléments moteurs de la démarche. À l'instar du contrat local de sécurité, les contrats de ville successifs ont peu à peu identifié, au-delà de l'objectif général d'intégration, les obstacles et les leviers utilisables en matière de lutte contre les discriminations. Peu à peu, on est passé d'une analyse thématique à une analyse transversale (de la formation, l'orientation, le logement à la relation société-jeunes issus de l'immigration), et d'une démarche d'accompagnement à une démarche de transformation sociale en puissance (de l'appui aux populations dites “fragiles” à une analyse critique des mécanismes de discrimination de la société). Mais l'évolution du contexte économique et social du bassin de Montbéliard est également favorable à une telle ouverture. Émergence d'un tissu d'entreprises au-delà de la mono-industrie (même si cette émergence reste toute relative), expression d'attentes collectives autour du développement local et du développement durable, de la qualité du cadre de vie et du “vivre ensemble” dans le creuset montbéliardais… L'approche non stigmatisante choisie par les commanditaires contribue à accentuer l'intérêt des employeurs pour cette thématique. II. ENSEIGNEMENTS DE L’ACTION La démarche de diagnostic territorial sur les discriminations peut s'appliquer à de nombreux bassins d'emploi. Partout où la question de la discrimination n'a pas encore été débattue ! Les éléments déclencheurs d'une telle démarche sont à réunir au moyen d'un engagement politique conjoint de l'État et de la collectivité. Il importe aussi de réunir des connaissances admises par tous et le plus objectives possible sur le phénomène. Dès le départ, l'ouverture au dialogue devra être affichée entre les différents partenaires publics, économiques et associatifs. Un tel diagnostic peut ainsi éviter une certaine stigmatisation des opinions autour de prétendus "victimes" et "coupables", désignés ou niés par beaucoup sans réelle analyse de fond. Le diagnostic proposé par Azerty et l'ISCRA permet d'analyser plus finement comment se construit ce processus de désignation des phénomènes de discrimination, à travers la parole des acteurs et leur propre positionnement vis-à-vis du sujet. On peut espérer que la mobilisation des différents acteurs influents sur le marché local de l'emploi en sera alors accentuée. Certes, la lutte contre les discriminations est inscrite dans les orientations du futur contrat de ville. Mais l'articulation entre le plan de lutte contre les discriminations qui sera issu du diagnostic en cours et les dispositifs opérationnels du contrat de ville et des dispositifs voisins (contrat local de sécurité…) se révélera sans doute plus complexe, tant dans sa conception que dans sa réalisation. Il faudra passer d’une logique thématique à une réelle approche transversale de la lutte contre les discriminations. La réussite résidera dans la programmation et la mise en œuvre d'actions du contrat de ville dont le CLS constitue le volet "prévention de la délinquance". En effet, son contenu fait la part belle aux enjeux de la lutte contre les discriminations. Voir aussi : Contrat de ville du pays de Montbéliard Parmi les objectifs transversaux cités dans le document commun d'orientation : "l'intégration des populations issues de l'immigration, par l'emploi notamment". La conventioncadre précise que "les engagements des partenaires pour l'intégration des populations issues de l'immigration ont plusieurs objectifs : • Faciliter l'accès à l'emploi : il s'agira en particulier de repérer et d'accompagner les publics qui, ne maîtrisant pas ou peu la langue française, connaissent des difficultés d'accès aux dispositifs d'aide à l'emploi. VOLUME 1 - 2000 - 35 • Lutter contre les discriminations dues à l'origine réelle ou supposée des personnes. • Garantir l'égalité d'accès dans le droit à la ville, en particulier en termes d'accès au logement des populations issues de l'immigration. • Adapter les services pour en faciliter l'accès si nécessaire, former les acteurs de l'intégration notamment pour les activités éducatives. • Favoriser les échanges et les rencontres par la promotion des personnes et cultures en présence." Pour l'État, à Montbéliard, les résultats essentiels doivent conduire à réduire l'écart entre le taux de chômage des quartiers en politique de la ville et le taux moyen du bassin. Cela nécessitera sans doute de développer un outil contractuel plus précis entre les acteurs publics et les employeurs eux-mêmes, centré sur l'égalité d'accès à l'emploi et à la formation. D'autre part, les chefs de projets de maîtrise d'œuvre urbaine et sociale, implantés dans le pays de Montbéliard sur l'échelle communale, n'auront pas été impliqués dans la démarche qui se cantonne au niveau intercommunal. Une articulation territoriale plus efficace sera à trouver entre une problématique discriminatoire qui se manifeste à l'échelle du bassin d'emploi, et des programmes d'action qui sont beaucoup plus souvent conduits à l'échelle de chaque commune. Contacts Monsieur Jeanney, maire de Grand-Charmont et vice-président de la communauté de communes du pays de Montbéliard, en charge de l'intégration Mathieu Welcklen, directeur de la mission intégration à la communauté de communes du pays de Montbéliard 8, avenue des Alliés BP 98407 25208 Montbéliard cedex Tél. : 0381318888 Web : www.agglo-montbeliard.fr Fabrice Dhume, directeur d'études Azerty Conseil 15, rue des Juifs 67000 Strasbourg Tél. : 0388140851 Fax : 0388140900. e-mail : [email protected] Olivier Noël, chercheur, ISCRA 14, rue de la République 34000 Montpellier Tél./fax : 0467926294. e-mail : [email protected] Chaque commune aura son propre programme d'action. Mais il n'en existe pas moins un volet intercommunal de la programmation du contrat de ville où figurent l'intégration, l'insertion par l'économique, le logement d'insertion, la culture et la prévention de la délinquance. Certes, cela n'empêche pas les communes de mener leurs p ro p res actions dans ces domaines. Toutefois, la loi Chevènement sur l'intercommunalité alourdira le poids financier de la communauté d'agglomération. Une coordination opérationnelle plus étroite devra être ainsi développée sur le thème de la lutte contre les discriminations entre communes et communauté d'agglomération. 36 LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL Fiche 4 Comité de bassin d’emploi de Lille Soutien aux activités économiques des personnes issues de l’immigration Résumé : Le CBE de Lille a créé en son sein une mission de “Soutien aux activités économiques des personnes issues de l’immigration”. Celle-ci emploie un permanent à temps partiel. Objectif : mobiliser les personnes issues de l’immigration et engendrer des projets de création d’activité, en amont des structures classiques d’accompagnement à la création. En effet, le public visé profitait peu des dispositifs traditionnels. Encore en phase d’expérimentation, la mission cherche à ancrer l’appui à la création d’activité comme un véritable système sur le territoire. I. ANALYSE DE L’ACTION Le Comité de bassin d’emploi couvre un territoire comportant 101 communes situées autour de Lille et regroupant 750000 habitants. Le CBE existe depuis 1982; son action s’articule autour de 4 missions principales : - hébergement des relais techniques territoriaux du conseil régional (mise en œuvre d’une politique de formation professionnelle centrée sur les jeunes et les adultes demandeurs d’emplois) ; - mission d’appui aux PME-PMI dans leurs projets complexes impliquant les ressources humaines (dans le cadre d’un PIC-ADAPT) ; - développement d'activités pour l’emploi des jeunes (notamment programme “Nouveaux Services, Emplois Jeunes”) ; - mission “Soutien aux activités économiques des personnes issues de l’immigration”. Un comité de pilotage de cette dernière mission regroupe le FAS, l’équipe locale d’animation du dispositif NSEJ, le conseil régional et la Caisse des dépôts au sein du CBE. Origine de l’action Désigné par le préfet de région, le CBE “pilote” le programme “Nouveaux Services” sur son territoire depuis 1998. Une équipe technique déploie un programme d’actions qui permet de développer, professionnaliser et pérenniser les nouvelles activités. Au début du programme, les premiers projets émergeaient rapidement. Mais les responsables du CBE se sont aperçus que certains territoires - les quartiers défavorisés - et certaines populations - les jeunes issus de l’immigration - en étaient peu bénéficiaires. Au cours de la réflexion sur le projet, le Comité de bassin d’emploi est amené à faire les constats suivants : - les structures existantes d’accompagnement aux créateurs bénéficient très peu aux jeunes issus de l’immigration, parce qu'elles sont peu lisibles pour ce public ; - ayant connu beaucoup d’échecs, le public en question peine à se projeter sur ce genre de perspectives. Face à ces constats, une mission spécifique est mise en place pour appuyer la création d'activités par des jeunes des quartiers euxmêmes 1. Une action de mobilisation du public sur la création d’activité est lancée. La mise en place d’un processus d’accompagnement lié aux structures d’aide à la création apparaît comme une solution à explorer. La mission “Soutien aux activités économiques des personnes issues de l’immigration” naît de ces réflexions. Elle résulte de l’interaction entre une volonté politique forte des élus du CBE et l’expérience (associative et militante) du chargé de mission qui devait par la suite être recruté. Ce dernier a en effet largement contribué à l’élaboration du projet de la mission. Objectifs et publics visés À l’origine, le public visé est celui des personnes résidant dans les quartiers relevant de la politique de la Ville, dont une grande partie est issue de l’immigration. Les jeunes font l’objet d'une attention particulière (cf. origine de l’action), mais non exclusive. Quatre objectifs sont définis dès le départ : - créer et assurer un contact permanent avec La parution de la circulaire conjointe Ministère de la Ville/Ministère de l’Emploi et de la Solidarité la même année, insistant sur la nécessité de créer des emplois jeunes dans les quartiers sensibles a contribué à cette mobilisation. 1 VOLUME 1 - 2000 - 37 les jeunes issus de l’immigration dans les quartiers sensibles ; - mieux accompagner les candidats créateurs ; - faire émerger de nouveaux créateurs potentiels ; - favoriser l’accès des jeunes issus de l’immigration aux emplois jeunes. La mission se situe sur l’émergence de projets. Elle ne porte pas sur l’accompagnement à la création. Celui-ci relève des structures spécialisées. Le financement annuel se situe aux alentours de 300000 F. Il est prévu sur une durée de trois ans (jusqu’à mars 2002). Démarche et méthodologie L’action portée de la mission découle d’une démarche pragmatique et empirique. - La première intervention a consisté à entrer en contact avec les jeunes visés et à les mobiliser. Le CBE a privilégié un premier contact à partir des candidatures refusées à la mairie de Lille pour des emplois jeunes. En effet, 6 000 candidatures avaient été reçues par la Ville pour 400 postes effectifs. Le CBE a estimé que, si ces jeunes s’étaient positionnés sur des nouveaux services, certains seraient sans doute intéressés par la création d’une activité. Un courrier a été adressé par la mission locale de Lille à tous les jeunes issus des quartiers en difficulté ayant déposé une candidature refusée par la mairie (3860 jeunes). On leur proposait de reprendre contact avec le chargé de mission du CBE à l’occasion de permanences organisées dans chaque quartier. 461 avaient quitté la région ou n’habitaient pas à l’adresse indiquée. 780 ont répondu positivement au courrier et 161 se sont déplacés, ce qui correspond à résultat de 5 % sur les 3860 jeunes concernés. Le chargé de mission a conduit un entretien avec chacun d’eux. Cela a permis : - de vérifier s’ils étaient toujours disponibles (la relance ayant eu lieu plusieurs mois après le dépôt de leur candidature) ; - de mettre à jour et valoriser une base de données de candidats au sein de la mission locale ; - de les positionner sur de nouvelles offres de la mairie dans le cadre du programme “Nouveaux Services, Emplois Jeunes” ; - d’aborder avec eux la création d’activité. 38 Ce repérage a été complété grâce aux relations tissées par le chargé de mission dans sa vie professionnelle antérieure. Actuellement, le chargé de mission travaille avec certains jeunes sur la base de rendezvous; avec d’autres, il travaille comme un animateur de rue, sur le lieu de vie des jeunes, sans relations formelles. Il aide les jeunes potentiellement porteurs de projet à réfléchir à leurs compétences, à faire émerger et à formaliser des idées et les accompagne dans leurs réflexions. Les jeunes en recherche d’emploi sont orientés vers la Mission Locale. - Le travail de mobilisation nécessaire présentait une ampleur impressionnante. Et il convenait d'élargir les efforts d’émergence en développant la présence de la mission auprès du public ciblé. Du coup, le CBE a suggéré à la Ville de Lille de créer trois postes supplémentaires. Trois “agents d’émergence et de développement de micro-activités” sont en cours de recrutement au sein de la mission locale de Lille sous contrats emplois jeunes. L’action des agents d’émergence, comme celle du chargé de mission, se situe dans les premières phases du parcours du créateur : la phase de mobilisation et l’accompagnement dans le passage de “l’idée” au “projet plus formalisé”. Leur mission consistera à la fois à susciter chez ce public l’envie de créer et à engager une démarche de développement d’activités sur les quartiers. Les phases suivantes nécessitent un véritable accompagnement dans la structuration du projet. Une articulation avec les structures d’appui existantes au niveau local est donc en voie d'élaboration. - Un comité d’accès est en cours de constitution. Il réunit les principaux partenaires : mission locale, CBE et structures d’accompagnement et de financement à la création d’entreprises. Il devra valider l’intérêt des projets qu’auront suscités les trois agents d’émergence et orienter les porteurs de projets vers les structures d’appui appropriées. - La mise en œuvre des projets de création fait l'objet d'une réflexion. En effet, les porteurs de projets actuellement suivis sont prêts à monter leur activité. Mais la plupart ne souhaitent pas devenir chefs d’entreprise ou responsables de leur association. Il est délicat d’inciter des jeunes sans expérience et parfois en difficulté à se lancer seuls dans une création. Le CBE étudie des systèmes LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL d’accompagnement et de portage collectif de l’activité : couveuse d’entreprise à l’essai, portage par le biais du programme emplois jeunes dans une association existante. La mission s’est construite dans le cadre d’un partenariat étroit avec la mission locale. Celle-ci a été associée à la réflexion. Elle fait partie des partenaires opérationnels. Le travail de ces deux partenaires devra compléter les efforts des acteurs de quartiers. Notamment, les commissions économiques, pour lesquelles la création d’entreprise n’est pas une piste de travail et de réflexion habituelle. cours, potentiel de 58 emplois. • Préfiguration d’un dispositif cordonné d’émergence et d’accompagnement des projets des personnes issues de l’immigration • Mise en place des trois agents d’émergence (en cours). • Lancement de l’appel d’offres pour les 40 RMistes, candidats à l’auto-emploi. Le CBE désire ancrer la création d’activités sur les territoires prioritaires de la politique de la Ville. Une modélisation devra permettre un transfert dans des quartiers d’autres communes du bassin d’emploi de Lille. II. ENSEIGNEMENTS DE L’ACTION En outre, un projet d’accompagnement spécifique pour les RMistes souhaitant créer leur activité est en phase de mise en place par le PLIE de Lille en partenariat avec le CCAS de la Ville de Lille et le Comité de bassin d’emploi. Un appel d’offres a été lancé pour accompagner en entrées et sorties permanentes 40 RMistes ayant des projets de création, repérés par le CCAS. Lien avec la politique de la ville Les chefs de projets “contrat de ville” et les animateurs des lieux ressources (antennes de quartier de la mission locale) sont impliqués dans le déroulement de la mission “Soutien aux activités économiques des jeunes issus de l’immigration”. Ils interviennent aussi dans la mise en place des trois agents d’émergence. Dès le départ, le chargé de mission les a associés à sa démarche. Il s'est intéressé à leur territoire d’intervention et aux projets de création de services qu’ils avaient pu relever. Pour le CBE, la mission doit pouvoir démultiplier son action. Et les dynamiques qu’elle génère doivent être saisies par les acteurs du territoire. Le travail en lien avec les opérateurs de la politique de la Ville vise aussi à pérenniser la mission. Dans certaines communes, le chargé de mission participe aux commissions économiques de la politique de la Ville (Loos, Ostricourt) afin de promouvoir la création d’activité. Le chargé de mission siège aussi au comité de pilotage des “Jeudis de la Ville”, aux côtés des opérateurs des contrats de ville à un niveau régional. Résultats et perspectives • Rencontre de 160 jeunes sur les quartiers de Lille, constitution d’une candidathèque et premier repérage de projets : 33 dossiers en La démarche est en phase d’expérimentation. Elle se caractérise par la reconnaissance d’un potentiel de créativité dans les quartiers et par la volonté du CBE d’apporter aux personnes issues de l’immigration résidant dans ces zones un accompagnement spécifique. Nombre de facteurs ont contribué au bon développement de l’action : une volonté politique forte, conjuguée à l’expérience de terrain, la connaissance du public, des associations d'aide à l'intégration des populations issues de l'immigration et des réseaux d’insertion… Aujourd’hui, la création d’activité ne constitue pas encore un moyen reconnu pour agir contre le chômage. Le développement d’initiatives issues des quartiers est une piste de travail et de réflexion encore difficile à faire prendre en compte par les acteurs. La mission du CBE cherche à inverser cette tendance. Elle parie sur la capacité de création des jeunes tout en reconnaissant que ce public exige un travail d’accompagnement dans la proximité et la durée avec des outils et des méthodes adaptés. Si le temps nécessaire pour convaincre et mettre en place un préprojet est souvent important, il reste que les jeunes sont reconnus comme étant des créateurs potentiels. Ils sont appelés à s’inscrire dans une démarche de porteur de projet, ce qui modifie totalement leur image. Le risque d’échec est réduit par le développement d’un accompagnement adapté et une approche collective mettant en jeu diverses catégories d’acteurs sur le territoire. À terme, ce dispositif pourra bénéficier à d’autres publics. En outre, on notera l'aspect novateur de la démarche initiale : récrire à des jeunes qui ont fait acte de candidature auprès d’une collectivité. Une action positive de la part VOLUME 1 - 2000 - 39 d’un jeune (faire acte de candidature) ouvre ainsi une porte, même en cas d’échec de la demande originale. Enfin, le fait d’aller à la rencontre des jeunes sur leurs lieux de vie permet d’éviter une éventuelle “sélection” du public et de travailler avec des personnes qui ont réellement besoin d’un accompagnement. Contacts Bouziane Delgrange, chargé de mission CBE de Lille Tél. : 0328380410 Annick Dubois, déléguée du CBE de Lille Tél. : 0328380410 Corinne Tignon et Nathalie Desmaret Mission locale de Lille Tél. : 03201485 50 Voir aussi : Contrat de ville de l’agglomération de Lille Métropole Le document commun d’orientation propose la mise en œuvre d’un plan concerté de lutte contre les pratiques de discriminations à l’embauche. L’intégration et les discriminations constituent un thème transversal, que le contrat de ville inscrira dans ses priorités et ses plans d’action. La réduction des facteurs de discrimination (en particulier liés à l’origine) sera recherchée dans la mise en œuvre du contrat de ville. 40 LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL Fiche 5. Maghreb ressources humaines Résumé : MRH est un cabinet de consultants en ressources humaines. Il a élaboré une méthodologie pour faciliter l’accès à l’emploi des jeunes diplômés issus de l’immigration. Le principe de base est la création de clubs. Les CJDIM (Clubs de jeunes diplômés issus de l’immigration) sont fondés sur le “coaching” et le marketing personnel. Ils associent des entreprises, des cabinets de recrutement ou des organismes de formation de branche. L'objectif est d'informer les jeunes et de les aider à élaborer leur projet professionnel. I. ANALYSE DE L’ACTION Maghreb ressources humaines (MRH) est un cabinet de consultants. Le siège social de cette SARL se situe à Dreux. Il est orienté sur la gestion des ressources humaines dans l’espace France-Maghreb. MRH édite le magazine MRH (revue d’information des professionnels de la gestion des ressources humaines au Maghreb et en Europe), créé en 1992 avec le soutien de l’ANDCP (Association des DRH de France) et des associations des professionnels de ressources humaines du Maroc, de l’Algérie et de la Tunisie. Actuellement, trois territoires sont concernés : - Dunkerque, où le CJDIM a été expérimenté fin 1999 et où une action a été reconduite en 2000 ; - Évreux, où une action a été entreprise à la demande des acteurs de la politique de la Ville et en particulier de la préfecture d’Eureet-Loir, qui a saisi l’occasion de la mise en place de l’action pour mobiliser les socioprofessionnels et les différents partenaires ; - Paris, où un club fonctionne en entréessorties permanentes. Origine de l’action MRH fonctionne comme un cabinet de consultants en ressources humaines. Au cours de différentes missions, ses fondateurs se sont rendu compte que des personnes d'origine étrangère à haut potentiel ne trouvaient pas de solution. Leur première analyse a consisté à étudier ce phénomène en liaison avec l’Association des DRH et des cabinets de recrutement, tout en ayant l’appui des pouvoirs publics. Cette phase a débouché 1 sur l’édition d’un guide juridique et pratique. Ce document s'adresse aux DRH1 Pour MRH, plusieurs phénomènes coexistent : - des stéréotypes défavorables du côté des entreprises et des jeunes diplômés issus de l’immigration (tendance des employeurs à ramener le jeune à une identité d’immigré, jointe, du côté du jeune, à une reproduction du complexe social de l’immigration) ; - une sous-estimation du potentiel de ces jeunes diplômés de la part des entreprises ; - un isolement de ces jeunes diplômés au niveau relationnel (absence de réseau) et une concentration sur des zones où peu d’emplois sont créés ; - une ignorance, de la part de ces jeunes, des techniques de recherche d’emploi et d’approche du monde du travail ; - une méconnaissance, par les structures de l’emploi, des problèmes des jeunes issus de l’immigration. À partir de cette analyse, MRH a élaboré un dispositif d’accompagnement spécifique pour les jeunes diplômés issus de l’immigration. Le cabinet a tenu compte de leurs difficultés particulières d’accès à l’emploi. Objectifs et publics visés Le public visé est celui des jeunes issus de l’immigration. À l’origine, MRH pensait aux bac + 2. Puis la démarche s'est étendue à ceux qui ont poursuivi leurs études après le bac, même sans acquisition d’un diplôme supérieur. Sur certains sites, la cible est bien plus large : tout jeune ayant validé un diplôme à partir du CAP. L’objectif des CJDIM est de promouvoir ces publics et de faciliter ainsi le placement des jeunes en entreprise, à des postes correspondant à leurs compétences et leur qualification. MRH prône la création de clubs pour les jeunes issus de l’immigration. Le cabinet dresse le constat suivant : • Les jeunes diplômés en question souffrent souvent de discriminations. Ils ne bénéficient pas d’appuis à la recherche d’emploi adaptés à leurs problématiques. • Ils ont besoin d’un accompagnement adapté à leurs problèmes spécifiques d’insertion professionnelle. “Comment prévenir les discriminations raciales à l’emploi”. VOLUME 1 - 2000 - 41 Démarche et méthodologie MRH incite les jeunes diplômés à mesurer la complexité des phénomènes de discriminations raciales. Cette prise de conscience se fait en regard de leur propre situation. La démarche souligne la nécessité de dépasser le complexe de la “victime” dans lequel s’enferment un certain nombre de jeunes diplômés, parfois avec la complicité - souvent inconsciente - de structures d’appui publiques et privées. Deux points doivent être distingués : - la méthodologie de travail avec les jeunes diplômés issus de l’immigration ; - la méthodologie de projet. Méthodologie du projet : • MRH intervient à partir du moment où un territoire est demandeur, et sollicite un partenariat local. À Dunkerque, sur d’autres sujets, MRH avait déjà collaboré avec Rencontre. Cette association militante s'efforce de favoriser le développement des partenariats économiques, sociaux et culturels euroméditerranéens. Le cabinet lui a proposé la démarche. C'est alors qu'a été expérimenté le premier CJDIM, qui est devenu permanent. Sollicitée par l’association, l’ALE de Dunkerque a tout de suite accepté de tenter l’expérience. L'agence propose désormais la prestation des CJDIM dans le cadre de ses prestations. Avant le lancement du club, les six ALE ont été réunies et informées. À Évreux, la préfecture a demandé à MRH de créer un club dans ce secteur. L’ensemble des partenaires a été directement informé par ce biais. • Une fois son partenaire local identifié, MRH procède avec lui à un travail commun. Ensuite, l’association s’approprie la démarche et se charge de la pérenniser. • L’action démarre par le repérage et l’information du public. Le but est d'informer un maximum de jeunes diplômés issus de l’immigration de la possibilité de s’inscrire dans la démarche du club. Pour effectuer ce repérage, les associations de jeunes issus de l’immigration, les missions locales, le réseau local associatif du partenaire opérationnel, les ALE sont sollicités. Ce travail de préparation est essentiel pour mobiliser et impliquer les acteurs! Depuis que les clubs sont implantés sur les différents 42 territoires, les jeunes diplômés eux-mêmes permettent de repérer d’autres jeunes. Méthodologie de travail avec les jeunes diplômés issus de l’immigration : Dans l’animation des CJDIM, MRH a adopté plusieurs partis pris : • Les jeunes diplômés ont besoin de découvrir ce qu’est l’entreprise et le monde du travail, mais aussi de mieux appréhender leur futur métier, sur lequel ils ont souvent peu d’informations concrètes malgré leur formation. • Les animateurs évitent tout discours inhibant par rapport aux entreprises ou aux professionnels du recrutement. L'accompagnement repose sur la valorisation de l’ensemble des compétences des jeunes diplômés. • La diversité culturelle doit être présentée comme un atout : “J’ai su m’adapter à une double culture, donc je peux m’adapter à des situations complexes en entreprise…” Mais MRH milite contre toute forme d'“ethnicisation” du marché du travail. • MRH refuse de se cantonner à la mise en relation avec les entreprises. Sa démarche n’est pas une démarche d’insertion. Le CJDIM doit apprendre au jeune diplômé à se débrouiller seul et à être plus efficace et précis dans sa recherche d’emploi. Démarche • Chaque candidat remplit un questionnaire de positionnement. Ce document l’engage vis-à-vis du club. • Un accompagnement d’une durée de 3 à 5 mois est mis en place, à la fois collectif et individuel. Il est complété par un suivi téléphonique ou épistolaire. Cet accompagnement s’appuie sur les méthodes du marketing appliquées à la personne et sur les principes du coaching. Il passe par la revalorisation de l’image sociale, l’élaboration d’un projet professionnel et d’une stratégie de recherche d’emploi. Il se traduit par la redynamisation des jeunes diplômés. La phase d’accompagnement fait intervenir des responsables d’entreprises et des cabinets de recrutement spécialisés dans différentes filières, sollicités pour présenter les métiers de leur filière. L’objectif est d’ouvrir des perspectives aux jeunes diplômés. En principe collectives, les interventions de ces partenaires extérieurs peuvent aussi avoir lieu en tête-à-tête avec un jeune intéressé par LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL un domaine d’activité et mieux le préparer à l’entretien d’embauche. À Dunkerque, l’accompagnement est réalisé en binôme par l’association Rencontre (d’origine militante) et MRH, spécialistes des ressources humaines. Cette double animation suscite la confiance des jeunes, les fait bénéficier de méthodes professionnelles et leur ouvre un réseau. À Évreux, le même schéma est en cours de réalisation, avec quelques adaptations. • MRH dispose d’un partenariat avec l’ANDCP, un certain nombre de cabinets de recrutement (le plus souvent spécialisés dans des secteurs d’activité) et des entreprises dirigées par des jeunes issus de l’immigration. Le partenariat local à Dunkerque s’est organisé avec l’ANPE puis avec l’intervention du FAS pour l’année 2000. Le pilotage est effectué par MRH et l’association Rencontre, avec l’ANPE, le FAS, le CBE, la communauté urbaine, la CCI et la chambre des métiers pour l’action menée en 2000. • Ce partenariat est plus large sur Évreux. Là, la sous-préfecture est associée au projet avec l’ensemble des structures d’accompagnement et la DDTEFP. L’ANPE d’Évreux assure le suivi du CJDIM. Et un comité de pilotage, sous la responsabilité de la préfecture, tient des réunions régulières de bilan et de programmation. Comment le projet s’est-il inscrit dans la politique de la Ville ? À Évreux, le préfet a demandé l’intervention de MRH. L’équipe dirigeante des CJDIM a présenté sa démarche à l’occasion de plusieurs réunions avec des socioprofessionnels, des maires, le conseil général, le service public de l’emploi, l’Éducation nationale, le FAS…). Ces réunions ont servi à la mise en place de la CODAC. Elles ont permis de mobiliser les acteurs de la politique de la Ville autour de la problématique de la discrimination à l’embauche en direction des jeunes issus de l’immigration. Résultats et perspectives Résultats quantitatifs • À Dunkerque, sur 14 jeunes diplômés suivis, 9 ont trouvé un CDD ou un CDI correspondant à leur projet, 2 ont changé de projet professionnel et sont entrés en formation. Pour les autres, l’accompagnement a été prolongé sur deux mois lorsqu’ils le souhaitaient. • À ce jour, près de 25 jeunes diplômés sont intégrés dans les CJDIM à Dunkerque, 15 à Évreux Résultats qualitatifs : élaboration de projets professionnels Des perspectives de transfert de l’action s’ouvrent avec des “maisons de l’emploi” : 18 villes ont été repérées par MRH. • À Dunkerque, l’association Rencontre souhaite développer l’implication des entreprises de la région mais aussi travailler avec les agences d’intérim et les cabinets de recrutement locaux. Elle renouvelle l’action après l’expérimentation de fin 1999 avec une centaine de jeunes (trois groupes de 40 personnes) : ces derniers sont en cours de repérage. Pour l’association Rencontre, l’enjeu en 2000 est d’ancrer le club dans le réseau local et le territoire, notamment par rapport aux entreprises locales. • À Évreux, un CJDIM permanent est en perspective. II. ENSEIGNEMENTS DE L’ACTION Si les CJDIM semblent bien fonctionner, des difficultés opérationnelles subsistent. Ainsi, sur l’ensemble des sites, les jeunes sont convaincus qu’il n’existe pas de solution. Ce pessimisme les rend difficiles à mobiliser. On peut contourner cette difficulté en travaillant avec des structures en lesquelles ils ont confiance… En outre, le recours systématique au partenariat local permet à MRH d’être vite accepté par les autres intervenants et de travailler concrètement avec eux. De leur côté, les associations locales bénéficient de l’expertise de MRH ainsi que de son réseau national et international. En effet, MRH dispose de multiples connexions parmi les entreprises de différents secteurs d’activité, les cabinets de recrutements et l’ANDCP. Ce maillage facilite la mobilisation de personnes ressources dans le cadre des clubs. L’intervention de consultants et de chefs d’entreprises issus de l’immigration auprès de ces jeunes diplômés est un autre facteur de mobilisation du public. Celui-ci se sent proche de ces interlocuteurs. Il accepte bien leurs conseils et les démarches proposées. De surcroît, cela permet d'affiner le diagnostic des problèmes rencontrés par les jeunes et de leur proposer des démarches concrètes. MRH dispose un projet de transfert des Clubs de jeunes diplômés issus de l’immigration sur VOLUME 1 - 2000 - 43 d’autres territoires. Clairement identifiée, la méthodologie peut être mise en place ailleurs, même si le niveau du public visé n’est pas forcément harmonisé (CAP à Dunkerque, bac + 2 à Évreux). De fait, le CJDIM adapte ses démarches aux niveaux de formation des candidats et à leurs secteurs professionnels. L’action des CJDIM s’appuie sur un parti pris de lutte contre les discriminations raciales dans le recrutement. En effet, le dispositif s'adresse aux jeunes diplômés issus de l’immigration, et à eux seuls. Certes, la méthodologie s'inspire de la gestion des ressources humaines. Mais elle est modulée en fonction de leurs difficultés spécifiques. Le lien avec les entreprises est établi en les sollicitant en tant que personnes ressources. Leur engagement consiste à venir informer les jeunes, à les aider à se positionner. Il s’agit surtout de cabinets de recrutement. Notamment dans les secteurs qui ont du mal à trouver des salariés adaptés à leurs besoins : hôtellerie-restauration, bâtiment, centres d’appel… La plupart de ces entreprises font partie du réseau de MRH. Elles sont donc déjà sensibles aux difficultés de recrutement rencontrées par les jeunes d'origine étrangère : la difficulté est de solliciter des entreprises implantées localement, qui pourraient recruter et qui n’ont pas toujours la même ouverture d’esprit. Cela sera peutêtre plus aisé à Évreux, compte tenu de l’impulsion donnée par le sous-préfet au départ. 44 Contacts M. Mohamed El Ouahdoudi Tél. : 0607993392 Fax : 0237383145 e-mail : [email protected] M. Monique VAN Lancker, directrice de l’association Rencontre, CJDIM de Rencontre Voir aussi : Contrat de ville de l’agglomération d’Évreux Parmi les orientations stratégiques citées dans la convention cadre du contrat de Ville, le développement d’une politique active contre les processus de ségrégation sociale prévoit de favoriser l’intégration des personnes issues de l’immigration. Celles-ci sont identifiées parmi les populations ciblées sur le volet Exclusion. LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL Fiche 6. Ouverture d'une offre de stages pour les élèves du lycée professionnel "Les Canuts" à Vaulx-en-Velin et accord d'entreprise à France Télécom Résumé : Avec le soutien de la fondation FACE, un accompagnement a été développé pour des élèves du lycée professionnel "Les Canuts" à Vaulx-en-Velin, qui ne trouvaient pas de stages en entreprise. Participant à l'opération, France Télécom a inclus un volet centré sur l'insertion professionnelle des jeunes dans le cadre d'un accord d'entreprise national. La lutte contre les discriminations raciales à l'emploi ne représente pas un objectif propre au niveau de l'entreprise. Celle-ci inscrit son action dans le cadre de la lutte contre les exclusions et l'appui aux jeunes en difficulté. Cependant, cette action qui associe plusieurs grandes entreprises permet chaque année à une quarantaine de jeunes, majoritairement issus de l'immigration, de connaître une première expérience dans le monde économique, jusque-là fermé à leurs demandes de stages. I. ANALYSE DE L'ACTION Origine du projet Le lycée professionnel de Vaulx-en-Velin “Les Canuts” accueille 400 élèves pour des formations professionnelles dans le domaine industriel et dans le secteur tertiaire. D'après le proviseur, les élèves sont marqués par l'échec scolaire, la précarité économique des familles, l'absence d'écoute et de reconnaissance. 90 à 95 % d'entre eux sont d'origine étrangère. Les formations dispensées par le lycée exigent chacune une période de stage en entreprise. En 1995, les difficultés rencontrées par les jeunes, mais également par les équipes enseignantes, pour identifier des terrains de stages conduisaient le lycée à renoncer à l'accueil des élèves en entreprise et à envisager une organisation en interne de ces périodes d'apprentissage pratique. L'étendue des pratiques discriminatoires des entreprises était confirmée par les récits des élèves, les témoignages des enseignants et les constats émanant de l'équipe de direction. Face à ces difficultés, le contrat de ville et la commune de Vaulx-en-Velin ont sollicité la fondation FACE afin de mobiliser ses entreprises partenaires. Se sont associées au projet France Télécom en particulier, mais aussi EDF, la SNCF, la Société lyonnaise de transport en commun et quelques entreprises locales implantées à Vaulx-enVelin. Au niveau national, un accord cadre signé entre France Télécom et les syndicats CFDT, FO, CFTC, CGT définissait l'insertion professionnelle des jeunes comme un terrain d'action à privilégier au même titre que les questions de l'emploi et des conditions de travail. Il s'est traduit au niveau régional par la mise en œuvre de trois actions en partenariat avec FACE : offre de stages aux élèves du lycée professionnel “Les Canuts”; actions de parrainage; développement de la formation en alternance. Objectifs et publics visés Permettre aux élèves du lycée professionnel de surmonter les barrières discriminatoires et leur proposer une expérience qualifiante au sein d'entreprises reconnues : ces deux objectifs justifient l'action, telle qu'elle est présentée par FACE et par le lycée "Les Canuts". France Télécom inscrit davantage son action dans le cadre de la participation d'une entreprise citoyenne à la lutte contre les exclusions. Au-delà des objectifs généraux, l'entreprise cherche à mieux répondre aux difficultés d'exploitation de ces services, en intervenant plus particulièrement sur le secteur de l'Est lyonnais, marqué par un fort taux de dégradation des cabines téléphoniques et un nombre important de ruptures de lignes suite à des difficultés de paiement. Enfin, ont également concouru à cette mobilisation le souci d'asseoir la légitimité de l'entreprise sur des critères plus larges que la rentabilité économique, la volonté d'améliorer l'image de France Télécom, ainsi que la personnalité du directeur régional, très soucieux des questions sociales, et membre de la fondation FACE. Démarche et méthodologie Une convention a été signée entre la fondation FACE, les entreprises et le lycée en 1995 VOLUME 1 - 2000 - 45 en présence de Martine Aubry. Elle est tacitement reconduite d'année en année. Lors de chaque rentrée scolaire, une première réunion rassemble les différents partenaires. On y négocie le nombre de stagiaires que chaque entreprise s'engage à accueillir. De leur côté, les élèves sont invités à engager des démarches de recherche de stage de façon autonome, les propositions des entreprises partenaires ne leur étant communiquées qu'en dernier ressort. Les entreprises identifient les salariés prêts à s'engager dans un travail de tutorat. À France Télécom, une formation est organisée avec l'AFPA en direction de l'ensemble des tuteurs investis dans les actions d'accueil de stagiaires, de parrainage et de suivi des contrats en alternance. Une réunion rassemble ensuite l'ensemble des tuteurs pour leur présenter les formations dispensées par le lycée, les objectifs des stages et leurs modalités de fonctionnement. Enfin, les tuteurs se réunissent chaque année pour faire un bilan de l'action… Résultats et perspectives En général, l'accueil en entreprise se déroule sans accroc. Les jeunes réputés difficiles au sein du lycée semblent s'amender à l'occasion du stage. La mobilisation de l'entreprise, l'engagement des tuteurs sont interprétés comme autant d'éléments de reconnaissance du jeune et de son potentiel. La relation avec un adulte, centrée sur une expérience concrète, dans une communauté d'intérêt différente de celle du lycée ou de la famille, marque fortement le parcours des jeunes accueillis. La rencontre avec des jeunes en difficultés est également valorisée par les tuteurs. L'impact de ce type d'expérience sur les pratiques ou les représentations discriminatoires n'est pas évalué par France Télécom, qui considère que ce type de problème ne se pose pas au sein de l'entreprise. professionnel accueillant une forte majorité de jeunes d'origine étrangère, cette action menée par France Télécom participe à la lutte contre les discriminations, sans que l'objectif soit affiché par l'entreprise. Cette action favorise une réelle égalisation des chances d'accès à l'emploi en conjuguant un souci d'insertion professionnelle et une approche territoriale orientée de facto vers une population donnée. Il est parfois nécessaire de faire intervenir un médiateur entre les deux champs que sont le secteur économique et l'Éducation. La fondation FACE a ainsi joué un rôle clé face aux contraintes et aux exigences de ses deux partenaires. Du côté des entreprises, les exigences de productivité pèsent sur le temps de disponibilité des tuteurs et leur capacité à accueillir de nouveaux stagiaires. Parallèlement, la volonté du lycée de ne proposer les offres des entreprises partenaires qu'en dernier ressort réserve à cellesci les élèves les plus en difficulté dont l'accueil en entreprise se révèle parfois complexe. Un tiers est ainsi nécessaire pour favoriser les compromis entre des acteurs dont les logiques d'action diffèrent. Contacts M. Mario Viviani, chargé de mission développement local, direction régionale Rhône-Alpes de France Télécom. Tél. : 0478639157 Mme France DAVID, proviseur du lycée professionnel “Les Canuts”, Vaulx-en-Velin. Tél. : 0437452000 Fax : 0437452019 Mme Fernanda Simoes, responsable de FACE Lyonnais Tél. : 0472041632 Fax : 0472041661 Le lycée des Canuts désire élargir l'action aux sous-traitants des grandes entreprises partenaires, afin de développer l'offre de stages jugée aujourd'hui insuffisante. France Télécom souhaite poursuivre l'action en conservant le rythme d'intégration actuel. II. ENSEIGNEMENTS DE L'ACTION Au moyen d'un partenariat avec un lycée 46 LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL Fiche 7. Continent Marseille Continent Marseille : préférence locale à l'embauche et formation des cadres à la diversité culturelle Résumé : L’installation d’un hypermarché Continent dans les quartiers Nord de Marseille, dans une zone dite "sensible", relevait du pari, non seulement pour l’entreprise et la pérennité économique de son projet, mais aussi pour le quartier afin de transformer cette implantation en vecteur d’intégration et de dynamisation. Via un partenariat entre le service public de l'emploi, les opérateurs, les équipements de proximité et la FACE, une préférence locale à l'embauche a favorisé le recrutement d’habitants dont une forte part est d’origine étrangère. Le développement de programmes de formation des cadres à la diversité culturelle a permis une réelle intégration dans l'entreprise des personnes recrutées, en particulier des jeunes d’origine étrangère. I. ANALYSE DE L'ACTION Origine Les "quartiers Nord" sont situés dans les 15e et 16e arrondissements de Marseille. Ils présentent des facteurs multiples d'exclusions urbaines et sociales, principalement liées à un sous-emploi structurel. En 1995, le taux de chômage de ces deux arrondissements était de 33 % et atteignait des records de plus de 50 % dans certaines cités d'habitat social, selon l'agence locale pour l'emploi. La stigmatisation de ces quartiers crée une discrimination liée au lieu de résidence des demandeurs d'emploi. Elle renforce les phénomènes de discriminations raciales jugés significatifs par les acteurs locaux intervenant sur ces territoires (voir “Fiche n° 13.Leroy Merlin”). Le chantier de construction du centre commercial Grand Littoral débute en 1994 sur le site de la ZAC Saint-André, au cœur de ces quartiers. Très vite, des tensions opposent les entreprises sous-traitantes aux habitants de ces cités, qui ont le sentiment d'être laissés en marge de cet immense chantier et de ses opportunités d'emploi. À l'issue de plusieurs réunions organisées à l'initiative du souspréfet à la Ville, un accord est conclu entre les entreprises et les pouvoirs publics. Des moyens de régulation sont mis à la disposition du chantier en contrepartie de la centralisation des offres d'emploi par l'ANPE. Dans ce contexte, la direction de Continent (groupe Promodes) entame des démarches en direction des associations d'habitants, des équipements de proximité et des pouvoirs publics. Le PDG de Promodes s'est investi au sein de la fondation FACE. Son entreprise est soucieuse de réussir à s'implanter dans des quartiers dits "difficiles". Ces éléments vont conduire Continent à définir une politique de recrutement originale, élaborée avec ses partenaires et sous la pression des habitants. Objectifs et publics visés L'entreprise a renoncé à recourir aux mutations internes habituellement occasionnées par l'ouverture d'un magasin. A l'inverse, une procédure de préférence locale à l'embauche est mise en œuvre. Elle réserve en priorité les offres d'emploi, à compétences égales, aux habitants des 15e et 16e arrondissements. Cette "discrimination raisonnée" va être portée par un partenariat fort entre l'ANPE, la DDTEFP, le GPU, le PLIE et les opérateurs de l'emploi sur deux opérations distinctes : - 400 offres d'emploi sont confiées à la mission emploi de l'ANPE 1. - 60 offres sont réservées à un public très éloigné de l'emploi avec le soutien de la fondation FACE. Démarche et méthodologie A. La convention Continent-ANPE Une convention a été signée entre le magasin Continent et l'ANPE. Aux termes de cet accord, l'exclusivité du recrutement est réservée à l'agence, sur la base d'un principe de préférence locale à l'embauche. Cette disposition fera également l'objet d'une charte proposée par Tréma, l'aménageur et 1 La Mission Emploi mise en place dans le cadre du Grand Projet Urbain est composée d'agents statutaires de l'ANPE et de contractuels. Elle a pour vocation de constituer un vivier de candidatures de demandeurs d'emploi, de développer les contacts avec les entreprises et d'assurer le placement privilégié des demandeurs d'emploi résidant dans le périmètre du GPU à travers un suivi personnalisé. VOLUME 1 - 2000 - 47 le futur gestionnaire du centre commercial, à l'ensemble des entreprises participant au chantier, puis aux enseignes s'installant dans le périmètre du centre. Une première étude des fichiers de demandeurs d'emploi de l'ANPE a permis à Continent d'analyser le potentiel du territoire, afin de déterminer les conditions d'un recrutement qui concilie qualité et proximité. Parallèlement, les agents de la mission emploi ont élaboré des profils de postes à pourvoir à partir de séances d'observation et d'analyse du fonctionnement d'un magasin Continent situé à proximité de Marseille. À partir de ce diagnostic, les critères de recrutements ont été définis. Ils sont venus s'ajouter au critère de résidence initialement retenu. Contrairement aux procédés habituels, aucun diplôme n'était requis. Excepté pour certains postes spécifiques : bouchers, poissonniers… Les exigences de l'entreprise se sont concentrées sur la motivation des candidats et le vécu d'une première expérience de travail. L'annonce de l'ouverture d'un centre commercial avait suscité d'immenses espoirs parmi les populations et favorisé l'expression de multiples promesses quant aux embauches prochaines. Près de 6000 candidatures ont afflué. Toutes ont été examinées. La maîtrise de l'information a été un des enjeux principaux de l'opération. Une nouvelle communication a ainsi été organisée. Une première information a été conduite en direction des structures de proximité. Celles-ci ont reçu une description minutieuse des postes et de la procédure de recrutement. Puis des assemblées ont permis d'accueillir les candidats et de présenter l'entreprise, les postes de travail et leurs contraintes. Cette présentation (amplitude horaire, majorité de temps partiels…) a conduit à une première sélection. Les candidats retenus devaient alors remplir une fiche de candidature avant d'être reçus dans le cadre d'entretiens collectifs. Des entretiens de recrutement plus classiques ont ensuite été menés. Ils ont débouché sur le recrutement de 431 personnes, dont une partie importante a pu bénéficier d'un contrat initiative emploi (CIE). Durant cette phase de trois mois et demi, les agents de la mission emploi ont travaillé de concert avec le personnel de Continent. L'abaissement du niveau des prérequis pour les postes ainsi pourvus exigeait de Continent un effort de formation important 48 préalablement à l'ouverture du magasin. Afin de tenir compte du caractère exceptionnel de l'opération, le service public de l'emploi s'est engagé sur l'élaboration et le montage financier du plan de formation. Ainsi un financement du Fonds social européen est venu, exceptionnellement, abonder ce programme de formation interne. B. La convention FACE/Continent Par convention, Continent a confié à la fondation FACE la préparation du recrutement pour 60 postes, réservés à des demandeurs d'emploi très en difficulté sur le plan social et professionnel. Des niveaux de priorités concentriques ont été définis. En effet, les offres s'adressaient, en priorité, aux cités d'habitat social situées à proximité du chantier, puis aux habitants du 15e et du 16e arrondissement, et enfin à l'ensemble du bassin d'emploi marseillais. La méthodologie et la démarche du projet ont été formalisées en amont avec l'accord de Continent. Un comité de suivi, réunissant la mission locale, le PLIE, l'ANPE, la DDTEFP, Continent et FACE, a été mis en place afin de valider chaque phase du processus. Une première étude a défini les profils de postes, les critères de recrutement et recensé les structures en contact avec les personnes en difficulté. La démarche a permis d'élargir le recrutement aux personnes non inscrites à l'ANPE et de s'assurer que l'ensemble des candidats était suivi par un référent social. La FACE a joué un rôle de médiateur entre le secteur social, le PLIE, la mission locale, le service RMI, les équipements de proximité et l'entreprise. Les fiches de postes et les profils des candidats ont été communiqués à l'ensemble de ces structures auxquelles les candidats repérés devaient transmettre un CV et une lettre de motivation. Une présélection a été validée par le comité de suivi. 150 personnes étaient retenues. À la suite d'une réunion collective, proposant une présentation de l'entreprise et des postes de travail, des entretiens individuels ont permis une deuxième sélection. Les 90 candidats restants ont alors été intégrés dans un programme de formation en alternance élaboré en partenariat avec le service public de l'emploi. Après une remise à niveau en mathématiques et en français, une première approche des métiers de la grande distribution était proposée. Quatre groupes de niveaux ont été formés, dont un LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL groupe destiné aux personnes très éloignées des prérequis tant en termes de savoir de base que de pratique professionnelle. Un stage pratique a également été organisé au sein d'un magasin Continent. Au cours de cette phase, la coordination des acteurs locaux mobilisés a permis d'apporter des réponses aux problèmes sociaux qui se posaient : transports, garde d'enfants… Après une dernière réunion de préparation avec la FACE, un entretien de recrutement final, mené par Continent, identifiait les 58 personnes définitivement retenues. Le chantier de construction de Continent avait pris 6 mois de retard. Il fallait donc tenir compte de ce contretemps et permettre aux personnes recrutées de conserver un niveau de ressources minimal. En accord avec la DDTEFP, un traitement différencié des personnes a été organisé afin de leur proposer, selon leurs profils, des formations ou des contrats de travail courts sous différents statuts. C. Préparation de l'intégration de ce personnel La question des discriminations raciales a été abordée dans le cadre plus large des discriminations spatiales. Cependant, à l'issu des entretiens, la forte représentation des personnes issues de l'immigration, parmi les employés recrutés, a amené la direction de Continent et ses partenaires à envisager plus précisément la question de leur intégration au sein de l'entreprise. En effet, les postes recrutés localement ne concernaient que des postes d'employés, l'encadrement étant assuré par du personnel de Continent ayant déjà une expérience dans l'entreprise. Majoritairement originaire du nord de la France, où Continent est traditionnellement implanté, ces cadres ne connaissaient pas Marseille, avaient peu l'habitude de travailler avec des personnes auparavant en grande difficulté socioprofessionnelle et principalement issues de l'immigration. Une formation a été organisée par FACE afin de préparer ces cadres et garantir une meilleure intégration des équipes. Après une intervention sur l'histoire et l'environnement de Marseille, le programme abordait la question de la diversité culturelle en analysant plus précisément les spécificités culturelles des populations d'origine maghrébine qui formaient la majorité des salariés recrutés. Une formation plus courte a permis un échange sur ce sujet avec les employés recrutés localement. Malgré le renouvellement des équipes, ces formations n'ont cependant pas été reconduites localement. Mais elles ont été démultipliées au niveau national dans le cadre d'un accord Continent-FACE. La question a également été évoquée dans le cadre du stage pratique suivi par les demandeurs d'emploi recrutés avec la collaboration de FACE. Majoritairement issus de l'immigration, les stagiaires étaient accueillis dans un magasin Continent dont la direction s'inquiétait des tensions possibles avec le personnel en place et des "réserves" éventuelles de la clientèle. Deux médiateurs ont alors été recrutés. Leur rôle consistait à informer les équipes du magasin des motivations et des objectifs des stagiaires et à travailler avec ceux-ci les questions de comportement, de tenue vestimentaire, de langage… À l'issue du stage, on pouvait dresser un bilan positif sur leur intégration au sein des équipes de ce magasin et sur les relations développées avec la clientèle. D'autre part, une action d'accompagnement à l'embauche a été mise en œuvre pour certains jeunes diplômés issus du quartier. Cinq d'entre eux ont eu accès à des contrats de qualification dans d'autres sites Continent de la région. L'un d'eux a été par la suite recruté en CDI dans l'hypermarché de Grand Littoral. Résultats et perspectives Ce dispositif a permis de recruter une forte majorité de personnes issues des quartiers nord (75 %), d'origine étrangère pour la plupart. Le dispositif de recrutement a ouvert des postes à des personnes en difficulté, non formées, parfois très éloignées du service public de l'emploi. La qualité de l'intégration du magasin et, plus largement, du centre commercial, dans les quartiers est aujourd'hui jugée positive. Le faible niveau des dégradations témoigne aussi de cette réussite. Au sein de l'entreprise, cette action a également conduit à des changements de représentations très importants concernant les publics en difficulté, dont une majorité était d'origine étrangère, mais aussi à une transformation forte des images liées au secteur VOLUME 1 - 2000 - 49 social et au rôle d'une entreprise privée dans ce domaine. II. ENSEIGNEMENTS DE L'ACTION La préférence locale à l'embauche a permis le recrutement d'une part importante de personnes d'origine étrangère à travers l'identification et la reconnaissance de compétences, en dehors de toute considération d'origine. La transparence et l'explicitation des modalités et des critères de recrutement sont apparus comme un préalable indispensable. Le dispositif s'est aussi appuyé sur des procédures d'information et de concertation avec les habitants et leurs associations. Cela a donné la possibilité de mieux faire connaître et partager les buts de l'opération et de lever les tensions initiales sur ses conditions de mise en œuvre. L'espace de négociation a été ouvert par le partenariat stratégique et opérationnel entre l'entreprise, le service public de l'emploi et l'ensemble des équipements de proximité. Contacts Mme Fontenelle, responsable de la mission politique de la Ville, préfecture des Bouches-du-Rhône Tél. : 0491156216 M. Chachuat, responsable régional des ressources humaines, Continent Tél. : 0491039516 Fax : 0491039525 M. Nedelec, délégué général de la Fondation agir contre l'exclusion Tél. : 0149237794 La démarche est originale. Elle a notamment permis un diagnostic des perceptions locales et une étude du potentiel de l'offre et de la demande d'emploi du territoire. Le constat partagé de difficultés spécifiques d'insertion professionnelle pour les populations des quartiers Nord a ainsi conduit à la mise en place d'un dispositif de recrutement dégagé des critères d'embauche habituels, généralement fondés sur l'expérience ou le diplôme… De nouvelles exigences ont été formulées, qui reposaient sur une observation en situation de travail de personnes occupant un poste similaire. Le principe de préférence locale à l'embauche a ainsi pu s'intégrer dans une démarche de rationalisation des pratiques de recrutement. 50 LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRA VAIL Fiche 8. Société de transport de l’agglomération stéphanoise (STAS) Formation du personnel à la diversité culturelle et recrutement d’agents d’accueil Résumé : Confrontée à des problèmes de sécurité sur ses réseaux, la STAS s’est interrogée sur ses pratiques et a posé le problème de la diversité culturelle et de l’ouverture aux quartiers défavorisés. Deux actions principales ont été mises en place : une formation du personnel à la diversité culturelle et le recrutement d’agents d’accueil dans les véhicules. Peu à peu, et même si des problèmes subsistent, cette politique amène un changement dans les pratiques de recrutement et les mentalités du personnel. I. ANALYSE DE L’ACTION Constituée sous forme de société anonyme, la STAS exploite les services de transports de l’agglomération stéphanoise pour le compte du SIOTAS (Syndicat intercommunal pour l’organisation des transports collectifs de l’agglomération stéphanoise). Elle emploie environ 700 personnes, en majorité sur des postes de conducteurs. Origine de l’action Entre 1996 et 1997, la STAS a connu une situation de crise sans précédent. Les rapports entre le personnel roulant et certains jeunes des quartiers en difficulté étaient conflictuels et atteignaient un stade alarmant. Des incidents graves (bagarres en centreville, incendie d’un bus…) s’étaient produits. Et un racisme ambiant se développait au sein de la société, avec notamment la tentative de création d’un syndicat Front national. Les organisations syndicales représentées dans l’entreprise étaient en difficulté. La direction a décidé de faire face à une situation devenue insoutenable. La dégradation des conditions de travail ainsi que l'image négative de l’entreprise nuisaient au fonctionnement du service. La STAS a décidé d’apaiser le climat social interne et externe, en intervenant sur les deux fronts. Dans un premier temps, la STAS a créé un service prévention et sécurité au cours du 1 deuxième trimestre 1997. La direction en a été confiée à un sociologue expérimenté en matière de prévention et de lutte contre l’insécurité. Objectifs et publics visés Le premier objectif opérationnel visé par la STAS était la réduction de l’insécurité sur le réseau. La direction a alors décidé de poursuivre deux démarches complémentaires : En interne : répondre aux besoins du personnel en matière de sécurité, apaiser le climat social et assainir le débat sur l'insécurité. En externe : modifier l'image de la STAS, pour la rendre plus ouverte sur les quartiers et, partant, diminuer la violence dont elle faisait l’objet. Démarche et méthodologie Pour la STAS, la multiplication des systèmes de protection ou une répression accrue ne pouvaient pas répondre au problème auquel elle était confrontée. Il importait de rassurer les agents, de montrer que certaines attitudes ne pouvaient être tolérées sans pour autant considérer l’insécurité comme un problème provoqué uniquement par l’extérieur. La STAS même avait peut-être des pratiques peu favorables à un climat de paix sociale. Ainsi, en comparant la base sociologique du personnel de la STAS et celle de sa clientèle, il apparaissait clairement un écart important : le personnel se situait plutôt autour d’une moyenne d’âge de 40 ans, avec une origine française1 et très souvent rurale dans la plupart des cas, tandis que la clientèle était plutôt jeune, avec une forte proportion de personnes issues de l’immigration, et essentiellement urbaine. Ainsi, la STAS a développé une politique globale de sécurité basée sur deux volets : 1) La sécurité : développement d’une collaboration avec la Police nationale, mise en place de systèmes de sécurité, prise en Origine présumée du fait du patronyme. VOLUME 1 - 2000 - 51 charge des victimes, système de communication directe sur les incidents… l’encadrement des entreprises sur l’ensemble des sites FACE. 2) La prévention, avec deux actions distinctes : Dans la Loire, le site FACE Saint-Étienne a proposé en 1999 deux sessions de formation (d’une durée de deux jours) à ses entreprises adhérentes. Au total, une dizaine d’entreprises ont été concernées. Les responsables “veille et intervention”, agents de maîtrise du service prévention et sécurité de la STAS, ont participé aux sessions. - réflexion puis formation en interne ; - recrutement d’agents d’accueil et de médiation sociale. Les deux actions développées dans le cadre du volet prévention ont conduit la STAS à aborder le problème du racisme et de la diversité culturelle. Action de réflexion et de formation à l’interne • Des “ateliers de régulation” (s’apparentant à des groupes d’analyse de la pratique) ont été mis en place en 1997 afin de permettre au personnel de s’exprimer sur les problèmes de sécurité. Le débat s’est vite orienté vers les problèmes liés aux jeunes issus des quartiers défavorisés et issus de l’immigration. Le groupe de travail a permis l’identification de blocages. Il a conduit à une première définition de besoins d’apports extérieurs et de formation de la part des agents. • À partir des réflexions de ce groupe et finalement à la demande de plusieurs participants, une formation à la diversité culturelle a été mise en place en 1998. Il s’agissait de favoriser l’ouverture mentale du personnel sur son environnement. La formation a été suivie par l’ensemble des vérificateurs, des chefs de groupe et des conducteurs des lignes desservant les quartiers, soit 70 personnes. Objectifs : relativiser les généralisations véhiculées au sein du personnel à propos des personnes d’origine étrangère ; rendre les agents capables de faire la part de choses entre un agresseur et la population d’un quartier. Réalisée par MOZAICAL et AFORE (Sauvegarde de l’enfance), la formation a apporté aux agents une connaissance sérieuse des personnes issues des quartiers difficiles, principalement d’origine maghrébine. En 1999, une autre action de formation proposée par la FACE (Fondation agir contre l’exclusion) a sensibilisé les agents de maîtrise du service prévention et sécurité au management interculturel. La formation s’est inscrite dans le cadre d’une action nationale de la FACE soutenue par la DPM et le FAS. La fondation avait confié à un prestataire (FORUM à Nevers), le soin de sensibiliser Origine présumée du fait du patronyme. 1 52 L’objectif de la formation était d’optimiser le management dans les entreprises confrontées à la diversité culturelle. Comment? En apportant des points de repère sur la culture, l’histoire et la religion des personnes d’origine étrangère afin de comprendre les positionnements et les attitudes de ces personnes, de mieux gérer cette diversité et de développer l’efficacité de l’entreprise. L'approche interactive s’adressait à tous les niveaux d’encadrement. Désormais, la FACE souhaite accroître la sensibilisation sur les discriminations raciales en touchant plus précisément les DRH et le personnel non encadrant, sans doute en lien avec ASPECT à Saint-Étienne. La formation a éveillé un vif intérêt chez les responsables “veille et intervention”. Ils expriment un besoin complémentaire sur la “relation avec les usagers issus de l’immigration”, qui n’a pas pu être apporté par ce type de formation. Actuellement, le service formation de la STAS veut intégrer la formation à la diversité culturelle de manière transversale dans le plan de formation de l’entreprise. La FACE SaintÉtienne participe à cette réflexion. Action de recrutement d’agents d’accueil Il s’agissait de recruter des agents d’accueil pour prévenir les débordements, la violence, le vandalisme et rétablir le dialogue avec la clientèle Au départ, le contraste entre la base sociologique des clients et celle du personnel de la STAS avait conduit la direction à appliquer une politique de discrimination positive en faveur des jeunes issus de l’immigration, tout en souhaitant garder une certaine mixité des origines. La direction s’est alors aperçue que les jeunes en question, mais aussi les parte- LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL naires de l’insertion et de l’accueil des jeunes, avaient tendance à considérer le travail d’agent d’accueil comme “réservé” aux jeunes issus de l’immigration et résidant dans les quartiers. La STAS s’est donc vue dans l’obligation de pratiquer une discrimination “inverse” pour que les postes d’agents d’accueil ne soient pas l'apanage des jeunes issus de l’immigration. Pour le directeur du service prévention et sécurité, l’objectif était de créer un mode d’organisation professionnel. Il importait d’éviter une “ethnicisation” de la fonction et d’échapper à un recrutement lié à l’origine. Les agents d’accueil en poste à la STAS sont donc pour moitié des jeunes d’origine française et des jeunes issus de l’immigration, et aussi pour moitié des jeunes hommes et des jeunes filles. Actuellement, 60 agents de médiation, encadrés par des responsables “veille et intervention”, sont en poste : ils circulent en binômes sur l’ensemble des lignes. La STAS n’a pas souhaité que ces agents ne circulent que sur les lignes des quartiers en difficulté. En effet, leur mission doit se situer dans la logique d’un nouveau service offert à l’ensemble des usagers. Il fallait éviter de stigmatiser la fonction d’agent d’accueil et le public des jeunes résidant dans les quartiers en difficulté. “veille et intervention” sur 6 ont suivi la formation proposée par la FACE en 1999. La démarche de formation devrait se poursuivre, ainsi que la politique d’ouverture vers les quartiers. • La STAS s’est rajeunie et son personnel ressemble plus au public transporté : auparavant, seul 2 % de son personnel était issu de l’immigration, actuellement, il s’agit d’environ 20 % de son personnel (8-10 % hors agent d’accueil). • Des résultats très satisfaisants et mesurables ont été obtenus sur le plan de la sécurité : baisse des dégradations, diminutions des incapacités temporaire de travail… Une évaluation très précise a été faite par la STAS sur les économies réalisées et les coûts évités par rapport à la situation antérieure. Le chiffre de 1,5 million de francs d’économies est avancé par le directeur du service sécurité et prévention. La STAS songe à pérenniser les postes d’agents d’accueil en valorisant le gain final. • Les organisations syndicales sont plus sereines et moins débordées par la base sur la question de l’insécurité, le climat social est assaini. II. ENSEIGNEMENTS DE L’ACTION Par-delà ces deux actions, la STAS mène en effet une politique globale de prévention qui rapproche l’entreprise et les quartiers. Par l’intermédiaire des responsables “veille et intervention”, elle est impliquée dans des actions menées dans les quartiers, parfois organisées par les chefs de projets du contrat de ville. Elle dispose aussi d’une ligne budgétaire pour accompagner des projets sportifs, culturels… Enfin, la STAS s’appuie sur les acteurs des quartiers et de la politique de la ville quand elle rencontre des difficultés sur son réseau. Résultats et perspectives : La démarche de prévention choisie par la STAS est efficace et bien acceptée par le personnel. En privilégiant une méthode en deux temps (un groupe de travail débouchant sur une formation), la STAS a permis la réussite et surtout l’acceptation par le personnel de la formation “diversité culturelle”. Si la société n’avait pas choisi cette stratégie et qu'elle ait simplement imposé la formation, des dysfonctionnements importants en auraient sans doute découlé. En outre, les agents ont bien accepté l’action de prévention, dans la mesure où, dans le même temps, la société se préoccupait de leur sécurité. Le directeur du service prévention et sécurité note que la plupart des conducteurs n’utilisent pas les cabines vitrées sécurisées des bus. Ils préfèrent garder le contact avec la clientèle. Cela correspond bien à la politique choisie par la STAS. • 70 membres du personnel ont suivi la formation à la diversité culturelle en 1998. Celle-ci a fait l’objet d’une évaluation qui a démontré une évolution très importante des mentalités des stagiaires (plus ouverts, plus optimistes qu’au début). 4 responsables L’entreprise STAS a opté pour la prévention alors que les élus locaux qui présidaient le SIOTAS étaient partagés sur les solutions proposées. Non seulement elle a agi en direction des usagers en mettant en place les agents d’accueil, mais elle a aussi cherché à La STAS a aussi élargi les créneaux horaires pour la desserte des quartiers. Ainsi, en janvier 1999, la desserte en soirée de Montreynaud (un des quartiers les plus difficiles de l’agglomération) a été rétablie. VOLUME 1 - 2000 - 53 provoquer des changements internes en formant son personnel. Petit à petit, des évolutions se font jour au sein de l’entreprise, même si des problèmes subsistent. Chez les agents d’accueil, malgré un recrutement professionnel qui a permis leur bonne acceptation dans l’entreprise, la STAS n’est pas parvenue à développer un véritable savoirfaire et le turn-over reste important. En revanche, la brèche ouverte par leur recrutement a facilité l’embauche de personnes d'origine étrangère sur d’autres types de postes. Contacts M. Yves GRASSET, directeur du service prévention et sécurité à la STAS Tél. : 0472928200. Mme Pilar JACQUET, directrice de FACE Saint-Étienne Tél. : 0477490103 Voir aussi : L’intervention de la STAS s’est centrée sur sa propre organisation et ses propres pratiques. Mais elle a développé des partenariats avec des structures associatives pour modifier le comportement du public des quartiers. Le diagnostic initial a consisté à analyser la politique de sécurité antérieure et la composition sociologique du personnel, ainsi que son attitude face aux difficultés rencontrées dans le réseau. Cela a permis à la STAS de définir sa politique sur de bonnes bases. Aujourd’hui, la politique de la STAS est observée par de nombreux opérateurs. Et les élus de l’agglomération stéphanoise la soutiennent activement. 54 Contrat de ville 2000-2006 Ville de Saint-Étienne Au sein de l’orientation stratégique prioritaire “Soutenir les populations les plus démunies”, le contrat de ville de SaintÉtienne prévoit de lutter contre les pratiques discriminatoires en articulation avec les dispositifs d’insertion professionnelle et économique. Sur le volet thématique “Insertion économique” est inscrite la volonté de lutter contre les pratiques discriminatoires à l’embauche. LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL Fiche 9. Association dijonnaise pour l’emploi des jeunes (ADEJ) Lutte contre des discriminations raciales dans l’accès aux contrats d’apprentissage Résumé : En 1998 à Dijon, l’ADEJ a lancé une étude-action sur l’accès des jeunes d'origine étrangère aux contrats d’apprentissage. Il s’agissait de repérer les freins et les obstacles à l’entrée de ce public sur les contrats d’apprentissage, et aussi d’expérimenter des méthodes pour résorber cette situation sur le territoire de l’agglomération de Dijon. L’intérêt des actions mises en place réside dans la démarche de mobilisation de quatre types de partenaires, à savoir l’entreprise, les opérateurs du marché du travail et de la formation, les familles et les jeunes. I. ANALYSE DE L’ACTION Association intermédiaire, l’ADEJ s’adresse en priorité à un public jeune. Elle intervient sur la mise à disposition de personnels en entreprises et chez des particuliers. Elle existe depuis 1987 à Dijon. L’ADEJ a été sollicitée par le FAS pour porter une étude-action sur l’accès des jeunes d’origine étrangère à l’apprentissage en raison de ses relations nombreuses à la fois avec les entreprises et avec les jeunes. Un comité de pilotage large a été mis en place, associant les bailleurs de fonds, les partenaires opérationnels et institutionnels. Ce dernier n’a cependant pas apporté un soutien très actif au développement de l’étude-action : seuls le FAS régional et l’ADEJ se sont véritablement impliqués dans sa conception et son déroulement. L’étude-action est conduite par deux chargés de mission. Elle a une durée de 2 ans pour un budget global de 1,4 million de francs (comprenant un partenariat transnational). Origine de l’action La DARES a publié en 1995 une étude sur l’insertion professionnelle des étrangers. Le document faisait valoir que seuls 2,5 à 3,9 % (selon le type de contrat) des jeunes présents dans ces filières étaient étrangers, alors que ceux-ci représentaient 11,8 % des demandeurs d’emplois 1. Or ce type de formation est un excellent accès à l’entreprise et à l’emploi. 1 La situation tendait donc à démontrer qu’un premier blocage devait être levé : ouvrir, aux jeunes d’origine étrangère, des formations leur permettant d'intégrer l’entreprise. Face à ce constat, réalisé au niveau national, le FAS de la région Bourgogne a réfléchi aux raisons du blocage et aux éventuelles solutions, avec pour terrain d’expérimentation et de réflexion l’agglomération de Dijon. Celleci ne rencontre pas de problème particulier. Mais elle abrite des îlots de précarité : le quartier des Grésilles, où vit une très forte proportion de population marocaine, un autre quartier - les Fontaines d’Ouche - non classé zone urbaine sensible, mais où des problèmes se développent, et enfin le centreville, où une population d’origine étrangère vit en situation précaire dans des zones d’habitats dégradés. Objectifs et publics visés Un double objectif est visé : - connaître les raisons du faible accès des jeunes d’origine étrangère aux filières de l’apprentissage ; - proposer et expérimenter les bonnes pratiques et les solutions pour inverser cette tendance. Le public visé par l’étude-action est celui des jeunes étrangers, d’origine étrangère ou connaissant des problèmes de discrimination en raison de leur nom, de leur lieu de résidence ou de leur “faciès”. Démarche et méthodologie Deux phases distinctes peuvent être identifiées : 1) Une réflexion et une analyse sur les mécanismes qui conduisent les publics jeunes étrangers ou français de l’immigration à être faiblement représentés dans la filière apprentissage. Cette analyse a été réalisée par le biais de rencontres avec différents acteurs : les opérateurs du marché de l’emploi et de l’insertion (ANPE, missions locales, CFA, organismes de formation, services de l'emploi, organismes consulaires…), les acteurs du monde écono- Voir bibliographie, étude citée par Bayade, “L'Insertion professionnelle des étrangers”, DPM, 1997. VOLUME 1 - 2000 - 55 mique (organisations professionnelles, entreprises), les jeunes… Les jeunes ont été approchés dans deux types de situations : - d’une part, des jeunes issus de l’immigration en recherche de contrats d’apprentissage afin de repérer les obstacles et les difficultés qu’ils rencontrent ; - d’autre part, des jeunes en apprentissage, afin de connaître les sources d’information dont ils ont disposé, les filières proposées, les raisons de leur choix et la manière dont s’était déroulée la recherche de contrat. Le monde économique a été approché par le biais des organisations professionnelles, des syndicats de branches et des entreprises elles-mêmes (20 entreprises rencontrées). Cette analyse révèle un “racisme déguisé” de la part des entreprises et une méconnaissance des filières de l’apprentissage de la part des familles d'origine étrangère. De leur côté, les jeunes ont une image dévalorisante de ces métiers. Leurs parents y ont souvent connu des expériences négatives. 2) Face aux résultats de cette analyse, les deux promoteurs principaux de l’étude-action ont choisi de travailler dans plusieurs directions afin de répondre à l'ensemble de la problématique : - en direction des familles ; - en direction des jeunes ; - en direction des opérateurs du marché du travail ; - en direction des entreprises. Il s’agissait de toucher l’ensemble des acteurs susceptibles d’interférer à un moment ou à un autre sur le processus d’accès des jeunes d’origine étrangère aux contrats d’apprentissage, de les sensibiliser à ce problème et de monter avec eux des actions spécifiques pour faire évoluer la situation. Ces quatre directions ont donné lieu aux expérimentations suivantes : Action en direction des familles : Il s’agit d’informer ces familles sur les filières, les métiers de l’apprentissage et les entreprises susceptibles de recruter par ce biais. L’objectif poursuivi est de revaloriser auprès d’elles (et indirectement auprès de leurs enfants) l’image des métiers utilisateurs de l’apprentissage afin que les jeunes se positionnent plus facilement sur ces filières. L'action est mise en place dans le cadre d’un partenariat avec des centres sociaux ou des associations (tel le CESAME) qui dispensent des cours d’alphabétisation dans les quartiers. Ce parti pris permet de toucher un 56 public déjà constitué, qui se situe dans une démarche active d’intégration. L’action n'en est que plus efficace. Des sessions d’information sont développées à l’occasion des cours d’alphabétisation. Elles portent sur les dispositifs de formation professionnelle, les organismes locaux intervenant dans ce domaine, les métiers susceptibles d’être préparés en alternance, les enjeux d’une bonne orientation pour l’insertion professionnelle et sociale. Des visites d’entreprises et de centres de formation d'apprentis sont également organisées. Action en direction des jeunes : Il s’agit de faire découvrir aux jeunes d’origine étrangère les entreprises et les métiers qui peuvent être abordés par l’apprentissage. Une action intitulée “Dix films pour découvrir l’entreprise” a été mise en place. Objectif : aider les jeunes à connaître et à apprécier des métiers en réalisant des films de présentation, qui les amènent à rencontrer des chefs d’entreprises et des salariés. Ils deviennent ensuite des porte-parole de ces métiers auprès d’autres jeunes. Cette action est conduite avec un service de prévention spécialisée, un organisme de formation en charge de l’action préparatoire à l’insertion professionnelle sur l’agglomération dijonnaise et un centre multimédia pour la partie technique. Action en direction des opérateurs du marché du travail et de la formation : L’objectif est de faire évoluer la prise en compte d’un public jeune issu de l’immigration dans les systèmes de formation de droit commun. Elle se concrétise par la mise en place de deux types de formation : • “Marché de l’emploi et discrimination” pour les médiateurs du marché de l’emploi. Cette formation avait pour but d’aider les participants à identifier les situations de discriminations, à concevoir et à appliquer des stratégies contre les discriminations, à repérer les représentations des acteurs du milieu économique sur les populations immigrées, le travail et l’intégration. • “Gestion des diversités culturelles et sociales dans l’animation des groupes en formation”, à destination des formateurs et enseignants des CFA 2. La mise en place du travail avec les opérateurs du marché du travail n’a pas été aisée. En effet, le thème de la discrimination raciale n’est pas directement considéré comme une LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL problématique par les opérateurs (notamment par l’ANPE). Action en direction des entreprises et des branches professionnelles : L’objectif est de favoriser une évolution des représentations des chefs d’entreprises et de leur encadrement sur les jeunes étrangers ou d'origine étrangère. Un premier projet réfléchi avec l’organisme de formation continue dépendant du MEDEF départemental consistait à organiser une réunion large sur la question de la diversité culturelle (dans le cadre d’un cycle de petits déjeuners destinés aux chefs d’entreprise), cette réunion permettant d’effectuer un premier pas vers la mise en place de sessions de formation auprès de groupes d’entreprises. Des changements de personnes parmi les interlocuteurs de l’ADEJ ont conduit à l’abandon du projet au profit d’une opération beaucoup moins “visible”. Trois actions spécifiques sont en place : • Une formation sur la gestion de la diversité culturelle est menée dans une entreprise volontaire pour le premier semestre 2000. • L’ADEJ participe au groupe de réflexion “Cap sur l’Avenir”, initié au niveau national par le MEDEF. L’association tente de faire évoluer le débat sur les discriminations raciales. Une proposition a été formulée pour ajouter, aux modules de formation des tuteurs, la diversité culturelle dans l’entreprise. •Une action initiée en partenariat avec la CGPME et l’Union départementale des boulangers et boulangers-pâtissiers se développe également. Il s’agit d’organiser une bourse de stages en entreprise pour des collèges situés en zones sensibles et de faire intervenir des chefs d’entreprises dans ces mêmes collèges. L'action s’est mise en place sur proposition du président régional URPMI-CGPME formulée auprès de la CODAC Côte-d’Or. - 3 formations pour les médiateurs du marché du travail et une formation pour les formateurs sont organisées en 2000 ; - une formation à la gestion de la diversité culturelle est en cours dans une entreprise de l’agglomération ; - 3 films ont été réalisés par les jeunes sur différents métiers ; - 8 périodes de stage ont été organisées pour des collégiens des zones sensibles, mobilisant 24 entreprises variées. Cette action se poursuit : - un référentiel de formation à destination des familles sur l’apprentissage et ses métiers est en cours d’élaboration ; - une action de parrainage pour des jeunes issus de l’immigration ou résidant dans des quartiers en difficulté est envisagée. Les différentes actions mises en place constituent les principaux résultats de cette opération. Il convient d’y ajouter le processus de sensibilisation enclenché sur l’ensemble de l’agglomération, l’ouverture d’un débat sur la question des discriminations raciales dans l’accès à l’emploi et à la formation en entreprise. L’étude-action se termine en juillet 2000. Un bilan en sera alors tiré. Il conviendrait de trouver d’autres relais financiers pour poursuivre la mobilisation et les actions enclenchées pendant ces deux années. II. ENSEIGNEMENTS DE L’ACTION Un des intérêts de la démarche réside dans la conduite d’une action sur plusieurs volets. Ceux-ci correspondent à l’ensemble des points de blocage repérés en amont par l’ADEJ : les familles, les jeunes eux-mêmes, les entreprises, les organismes de formation et les opérateurs du marché du travail. Il est ainsi intéressant de relever la volonté d’apporter une réponse globale à ce problème sur l’agglomération. Résultats et perspectives Conçue dans un objectif de changements en profondeurs des mentalités, de sensibilisation des acteurs à ce problème afin de faire évoluer les pratiques, l’action n’avait pas d’objectifs en termes de placements. Quelques chiffres peuvent cependant être cités : - 50 personnes ont été informées et sensibilisées sur les filières d’apprentissage (action famille) ; 2 Le manque de soutien de la part de l’État ne facilite pas la mobilisation des acteurs sur l'opération. Et l’association redoute une interruption des actions initiées au moment de la fin de l’étude-action. De s u rc roît, l’ADEJ rencontre des difficultés de dialogue sur les discriminations raciales. Il est aussi délicat de monter des actions volontaristes affichant clairement cet objectif. Pour travailler dans ce sens avec les entreprises, elle a été amenée à effacer Ces deux formations font partie du catalogue du FAS. VOLUME 1 - 2000 - 57 cet objectif au profit d’une réponse à leurs besoins en compétences et en maind’œuvre. Les branches et syndicats professionnels ou patronaux ne sont pas fermés à la question. Mais ils craignent de l’afficher. Pour faire évoluer l’action, il s’est révélé important de “déculpabiliser” les entreprises sur cette question et de partir de leurs problèmes. Sur ce point, le partenariat avec les opérateurs du marché du travail a été également difficile à mettre en place. Actuellement, le travail avec les entreprises est dans une phase positive, le déficit de compétences sur le marché de l’emploi facilitant leur ouverture à une population plus diversifiée. 58 Contacts Samuel Bresse, ADEJ, ou Véronique Jean-Baptiste Tél. : 0380596540. Voir aussi : Contrat de ville de l’agglomération dijonnaise L’intégration des populations immigrées et la lutte contre toute forme de discrimination constituent une orientation prioritaire pour les cinq objectifs définis dans la convention cadre. Sur l’objectif de “cohésion sociale” et le thème de “l’accès à l’emploi”, il convient de développer des groupes de travail thématique associant le FAS et le renforcement du lien entre les actions de formation linguistique et celles de droit commun. LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL Fiche 10. Association RIVES Loire (MEDEF) Aide au recrutement de personnes qualifiées d'origine étrangère L’association RIVES Loire a été constituée à l’initiative du MEDEF Loire avec l’appui de plusieurs administrations régionales ou départementales (préfecture de région, de département, DDTEFP, DDANPE, conseil régional, conseil général) : elle s’est donné pour objectif de “réussir l’insertion vers les entreprises”. L’association porte trois actions différentes : - “Mode d’emplois” : prospection et identification d’emplois pour des chômeurs de longue durée dans les entreprises; suivi des contrats initiative emploi : suivi et accompagnement en entreprise des personnes bénéficiant d’un CIE ; - l’opération “Médialogue”. Le pilotage de la dernière opération est assuré par la délégation départementale ANPE, Emploi Loire observatoire (observatoire de l’emploi sous forme associative, financé par différentes structures publiques départementales) et la DDTEFP. Le financement de l’action (310000 F) est entièrement apporté par la DDTEFP de la Loire. Loire a dressé le constat suivant : de nombreuses offres n’étaient pas satisfaites, dans la mécanique notamment, et des jeunes d’origine maghrébine souvent formés dans ces métiers ne trouvaient pas de travail. La conjugaison de ces deux phénomènes pouvait laisser à penser que les responsables d’entreprises ne souhaitaient pas embaucher de personnes d'origine étrangère. Du coup, le service public de l’emploi a souhaité mettre en place un projet de médiateur interculturel pour faciliter l’intégration des personnes d’origine étrangère dans les entreprises. Pour porter ce projet, la DDTEFP s’est adressée au MEDEF départemental, et plus particulièrement au Syndicat métallurgique patronal de la Loire (SMPL), en lui proposant de monter une association. Regroupant les services de prospection d’emplois pour l’insertion, cette structure aurait également pu porter le projet. Le MEDEF et le SMPL ont accepté. En effet, le travail d’insertion ne leur était pas inconnu (Mode d’emplois). En outre, la métallurgie souffrait d'une pénurie de main-d'œuvre compétente. Des centaines d’offres restaient non satisfaites sur le département, car l’employeur ne trouvait pas le profil recherché, dans un contexte où la pyramide des âges était élevée. La possibilité de recourir à une main-d’œuvre d’origine étrangère qualifiée, et notamment des jeunes, apparaissait dès lors comme une solution à encourager dans les entreprises. Le groupe de travail du service public de l’emploi avait ciblé un profil de chargé de mission très précis : une personne d'origine étrangère ayant vécu une expérience de responsable d’entreprise. Malgré la difficulté d’une telle recherche, un ancien directeur d’entreprise issu de l’immigration a pu être recruté. Origine de l’action Objectifs et publics visé La Loire est un département marqué par des difficultés économiques depuis de longues années. La sidérurgie, les mines - secteurs d’activité où abondait la main-d'œuvre d’origine étrangère - ont été l’objet de restructura tions et de fermetures de sites. Pour autant, certains secteurs restent dynamiques. En particulier la mécanique. En 1997, le service public de l’emploi de la Il s’agit de lever les préjugés et les incompréhensions susceptibles de gêner l'insertion professionnelle des personnes d’origine maghrébine. L'approche retenue repose sur les compétences et les aptitudes des postulants. Le secteur industriel et celui de la mécanique et donc les jeunes disposant d’une formation dans ces secteurs - étaient les premiers visés. Résumé : Portée par un syndicat patronal et soutenue par la DDTEFP de la Loire, l’opération Médialogue facilite le recrutement de personnes qualifiées d'origine étrangère dans les entreprises. Comment ? Par un travail de préparation auprès du public et des entreprises avant la mise en relation et en offrant un suivi. Une sensibilisation plus directe des entreprises pour un recrutement diversifié serait une perspective de développement de cette opération. I. ANALYSE DE L’ACTION VOLUME 1 - 2000 - 59 Mais l’opération devait s’adresser à tous les secteurs. Démarche et méthodologie Trois axes de travail ont été repérés : • Une sensibilisation des employeurs pour les inciter à ne pas négliger cette maind’œuvre potentielle. Ce travail devait aussi passer par une intervention auprès des employeurs ne faisant pas de distinction e n t re les origines ethniques de leurs employés afin de disposer d’un fichier d’actions d’entreprises locales à citer comme référence. • Un travail de sensibilisation et de mobilisation auprès du public afin de bien lui faire appréhender les règles du monde du travail. • Une médiation en cas de difficultés liées à la diversité culturelle dans une entreprise. Même si l’objectif est resté similaire, la démarche a dû évoluer. Ainsi, la sensibilisation en direction des entreprises ayant peu ou prou des attitudes discriminantes au recrutement n’a pas pu être effective. En effet, la plupart de ces e n t reprises refusent le dialogue. De surcroît, la DDTEFP et le SMPL n’ont pas souhaité que le chargé de mission tienne un discours “moralisateur”. Celui-ci s’est donc attaché à travailler avec des entreprises ayant des besoins de recrutement. Il leur a proposé les candidatures de personnes d'origine étrangère “préparées” à l’entretien, avec un contact préalable avec le responsable d’entreprise pour présenter la personne. En se présentant avec l’étiquette MEDEF-SMPL, le contact avec le chef d’entreprise est naturellement facilité ! Un suivi de candidature est aussi assuré. Dans les faits, les entreprises visées ne sont pas forcément repérées comme ayant des pratiques discriminatoires. Le chargé de mission part du principe que la discrimination est souvent inconsciente et diffuse. Ces entreprises sont identifiées avec les parten a i res qui recueillent des off res (par exemple, les missions locales) ou par le biais des jeunes qui viennent rencontrer le chargé de mission avec leurs offres d’emplois. Parallèlement, le médialogue a constaté chez le public une difficulté importante à appréhender le monde de l’entreprise et 60 ses règles. Un travail spécifique a donc été engagé. Un partenariat a été mis en place avec des assistantes sociales, des missions locales, des associations de quartier pour repérer ce public, le préparer à l’entrée en entreprise et faciliter son recrutement lorsqu’il dépose une candidature. Dans la mesure où ne sont présentées à l’entreprise que des personnes aptes à prendre le poste proposé, Il ne s’agit pas d’une démarche d’insertion. Le travail du chargé de mission repose sur le savoir-être des demandeurs d’emploi, qui souvent n’ont pas eu la possibilité de connaître l’entreprise auparavant (difficulté d’accès aux stages ou à l’alternance notamment). Enfin, le médialogue intervient également, en lien avec la CAPEB et le SMPL, pour sensibiliser des jeunes d'origine étrangère à des métiers où les besoins de maind’œuvre sont importants. Il les rencontre par le biais des maisons de quartier ou d’associations. Puis il leur présente les possibilités de formation. Il s’agit justement de secteurs au sein desquels les parents des jeunes ont travaillé à leur arrivée en France, souvent dans des conditions difficiles. Le médialogue leur présente les possibilités de carrière que les jeunes ignorent le plus souvent. Les éléments clés de cette méthodologie consistent : - à privilégier un discours axé sur les compétences et non sur la diversité culturelle (jugé stigmatisant) en direction des entreprises ; - à proposer aux publics issus de l’immigration une vision réaliste du monde du travail et de l’entreprise, en leur apportant des règles de comportements, en les rassurant (contact préalable avec le recruteur) et en les revalorisant. L’intervention en situation de travail, troisième axe de l’action, n’a pas pu être mise en place. Car la médiation ne semblait pas correspondre à un besoin véritable dans les entreprises. Celles-ci sont en effet rétives à toute intervention extérieure. La démarche a été élaborée dans l’action par le chargé de mission, avec validation du comité de pilotage. Résultats et perspectives • Aucun objectif quantitatif n’avait été fixé. LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL Mais l’action a permis le placement de plusieurs jeunes issus de l’immigration ou des entrées en formation sur des métiers demandés sur le marché du travail. • Un changement de mentalité des responsables d’entreprises est perceptible. • Le partenariat avec le SMPL s’est amplifié au fil de l’action. Le médialogue est intervenu devant le bureau du syndicat pour présenter non seulement son action, mais surtout les problèmes de l’immigration et de l’intégration. Un débat ouvert a eu lieu à cette occasion. En 2000, la DDTEFP a proposé un objectif quantitatif de 30 placements. II. ENSEIGNEMENTS DE L’ACTION L’opération Médialogue relève beaucoup de la personnalité et de l’énergie du chargé de mission, de son histoire personnelle et de son attitude par rapport à l’immigration. Bénéficiant aujourd’hui d’une bonne image et d’une reconnaissance locale, l’opération rencontre cependant quelques difficultés. Ainsi, bien que le MEDEF Loire ait accepté de porter l’opération Médialogue par l'intermédiaire d’une association, l'organisation patronale s’est assez peu impliquée au niveau opérationnel. Le chargé de mission a donc peu bénéficié de son réseau dans un premier temps. Cette situation serait en train d’évoluer grâce à la satisfaction des chefs d’entreprises partenaires. Le travail de sensibilisation auprès de groupes d’entreprises n’a pas pu débuter. En effet, le SMPL et les clubs d’entreprises rencontrés dans le département préfèrent voir se développer des contacts individuels liés aux problèmes des entreprises plutôt que des interventions sur la diversité culturelle ou les discriminations raciales. Ensuite, le partenariat avec la délégation départementale ANPE et ses agences n’a pas encore eu de manifestation concrète. Enfin, le travail d’intermédiaire entre l’entreprise et le public a évolué vers une action plus prononcée en direction du second. Le chargé de mission cherche à rapprocher le public de l’entreprise, qu'il imagine pal en train de faire le premier pas. d’un contexte économique propice. La reprise facilite la prise de conscience des entreprises quant à la nécessité de recruter du personnel nouveau et compétent sans discrimination. Le déficit de main-d’œuvre qui pénalise certains secteurs permet à l’opération de répondre aux besoins des entreprises, et donc de se développer dans un climat plus ouvert. L'action démontre également que les partenaires patronaux dans les conditions et les limites qu’ils se fixent - peuvent se mobiliser pour l’égalité des chances et ouvrir un débat. En mai 2000, cette mobilisation croissante s'est traduite par la signature d'un accord départemental entre patronat et syndicats sur les luttes contre les discriminations à l'emploi, impulsé par la démarc h e ASPECT 1. Au niveau de l’entreprise, la “lutte contre les discriminations raciales” s'estompe devant les arguments liés aux compétences des personnes. Le chargé de mission essaie d’élargir le débat avec certaines entreprises… Mais il préfère généralement c o n t o u rner la question plutôt que de l’aborder de front. L’intérêt de l’entreprise est donc mis en avant, sans que la diversité culturelle soit abordée en tant que telle. Les résultats de l’action peuvent être intéressants en termes de placement. Toutefois, elle risque d'avoir peu d’influence sur les comportements réels des entreprises. Une démarche de sensibilisation des entreprises ou de formation du personnel à la diversité culturelle pourrait être une voie d’évolution pour cette action. Malgré ces limites, l’opération bénéficie 1 Voir fiche n° 2. VOLUME 1 - 2000 - 61 Contacts Mohamed Chouieb, chargé de mission, opération Médialogue Monsieur Dugas, président de RIVES LOIRE Tél. : 0477937817 Fax : 0477937818 Alain Fouquet, DDTEFP adjoint de la Loire Tél. : 0477434180 Voir aussi : Contrat de ville 2000-2006 Ville de Saint-Étienne Au sein de l’orientation stratégique prioritaire “Soutenir les populations les plus démunies”, le contrat de ville de SaintÉtienne prévoit de lutter contre les pratiques discriminatoires en articulation avec les dispositifs d’insertion professionnelle et économique. Sur le volet thématique “Insertion économique” est inscrite la volonté de lutter contre les pratiques discriminatoires à l’embauche. 62 LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL Fiche 11. Formation “Marché du travail et discriminations” : l’exemple du PLIE de Louviers (Eure) Résumé : L'équipe et les partenaires du PLIE de Louviers ont suivi la formation "Marché du travail et discriminations" financée par le FAS et dispensée par l'organisme de formation IFCIL SA, avec l'appui de FORUM. La formation a donné aux acteurs locaux une meilleure compréhension des attitudes et représentations culturelles des demandeurs d'emploi issus de l'immigration. Ces acteurs locaux ont amélioré leur pratique quotidienne de l’accompagnement. Des outils méthodologiques et conceptuels ont enrichi leur réflexion et leur rôle de médiateur entre la demande et l'offre d'emploi sur la question des discriminations. Aucun projet collectif n'a cependant été mis en œuvre à l'issue de la formation par les acteurs locaux. Ceux-ci paraissent encore assez démunis face aux discours et aux pratiques discriminatoires de certains employeurs. I. ANALYSE DE L'ACTION Origine Le PLIE Seine-Eure fédère les efforts d'insertion des 15 communes de l'agglomération de Louviers, Val-de-Reuil et les communes voisines. Ces communes abritent des quartiers fortement paupérisés, mais aussi des parcs industriels importants. Le repérage de pratiques discriminatoires sur le territoire a été l'occasion de différents échanges informels entre les intermédiaires de l'emploi. Ainsi, les récits des jeunes et des adultes étaient croisés avec les discours recueillis auprès des employeurs, invoquant alternativement les réticences de leur personnel, celles de leurs sociétés clientes ou de leurs usagers pour justifier "une préférence nationale". Des traitements différenciés étaient également constatés dans l'évolution des carrières et le positionnement des personnes d'origine étrangère fréquemment affectées à des postes de faible niveau de qualification, quels que soient leur parcours et leur formation. Parallèlement, chacun se heurtait à une attitude fataliste des demandeurs d'emploi, jeunes en particulier, analysant le rejet de 1 leur candidature par l'affirmation systématique des motivations racistes de l'employeur. Grâce au catalogue de formation du FAS 1, l'équipe du plan local d'insertion pour l'emploi de la communauté de communes SeineEure a pris connaissance de la formation "Marché du travail et discriminations" financée par le FAS et dispensée par l'organisme IFCIL SA, avec l'appui de FORUM installé à Nevers. Le PLIE a ainsi proposé à l'ensemble de ses partenaires l'organisation de cette formation à Louviers. Objectifs et publics Les principaux partenaires du PLIE sollicités se sont inscrits à la formation : PLIE de SeineEure, PLIE d'Évreux, CRIF (organisme de formation), Emploi Conseil (accueil et accompagnement des demandeurs d'emploi adultes), GEIQ BTP départemental, mission locale. L'ANPE était représentée par la référente PLIE mise à disposition par l'agence. Les attentes des partenaires vis-à-vis de cette formation visaient autant le repérage et la lutte contre les discriminations raciales à l'emploi que la compréhension des comportements et des représentations culturelles des personnes issues de l'immigration. Comment comprendre certains freins à l'accès à l'emploi liés, de manière réelle ou supposée, à leur culture d'origine? Comment aborder ces questions avec les personnes concernées et les aider à surmonter ce qui représente parfois un handicap dans la poursuite de leur parcours? Comment identifier les comportements discriminatoires des employeurs et rendre leur perception plus objective ? Comment modifier les représentations des employeurs? Quelles réponses donner aux arguments avancés par les employeurs pour légitimer des critères de recrutement d'origine ethnique ? Démarche et méthodologie La formation se déroule sur deux séances de deux jours. Son contenu s'articule autour de trois grands axes : appréhender les diversités Voir fiche dispositif n°4.4. sur l'offre de formation du FAS. VOLUME 1 - 2000 - 63 culturelles et leurs représentations, analyser les discriminations fondées sur l'origine raciale, construire des outils pour repérer et lutter contre les discriminations. L'organisme de formation oriente également son intervention de manière à inciter les participants à former des groupes de travail pour développer des réponses collectives face à ces problèmes. Dans un premier temps, l'intervenant formateur invite les participants à la formation à s'interroger sur leurs pro p re s représentations : comment se construit notre propre image de l'étranger? La démarche permet de mettre à jour leurs perceptions spontanées, les différents registres mobilisés dans la relation à l'autre. L'objectif est de permettre à chacun de maîtriser ses propres représentations de façon à aborder sereinement les diversités culturelles. Des éléments de connaissance sur l'histoire de l'immigration en France, l'impact de l'histoire coloniale, les spécificités des aires culturelles du Maghreb et de l'Afrique noire sont également communiqués aux participants. Emanant des participants, des études de cas offrent ensuite un premier support de travail sur les discriminations. Une grille est proposée afin d'analyser ces pratiques. Des méthodes d'intervention sont ensuite avancées. La loi et les dispositions réglementaires sont rappelées. Les bonnes pratiques de lutte contre les discriminations, identifiées sur un plan national et international, sont présentées. Enfin, des outils et argumentaires sont élaborés avec le groupe en fonction des études de cas présentées. D'autres attentes semblent cependant être restées insatisfaites. Les participants ont le sentiment de manquer d'éléments pour comprendre les mécanismes de discriminations internes à l'entreprise et d'être davantage outillés pour dialoguer avec les demandeurs d'emploi que pour aborder les employeurs. Depuis l'organisation de cette formation, un an auparavant, aucun projet spécifique n'a vu le jour, aucune réunion n'a rassemblé les participants de la formation sur cette thématique des discriminations à l'emploi. Dans d'autres villes, comme à Dijon, des formations de nature assez voisines ont donné lieu en revanche à une mobilisation plus forte des partenaires dans l'action. II. ENSEIGNEMENTS DE L’ACTION La formation constitue un outil pertinent dans une perspective de lutte contre les discriminations. Ce type d'action favorise une verbalisation, une première analyse d'un phénomène souvent occulté. Et elle permet de rompre le processus de discrimination construit par "l'effet cumulatif et interactif des différentes idéologies et pratiques, à l'œuvre au niveau du marché du travail mais aussi du système local d'insertion" 1. Pour être pleinement efficace, cet outil doit pouvoir s'intégrer dans un plan d'ensemble élaboré avec les acteurs locaux ou être porté par un acteur prêt à s'engager sur le suivi et la mobilisation des participants. Au-delà de la sensibilisation, la mise en place d'un projet collectif à plus long terme paraît indispensable. La formation pourra alors jouer un rôle de levier, d'élément catalyseur. Résultats et perspectives Selon les participants, l'apport principal de la formation est d'attirer leur vigilance sur les spécificités culturelles des personnes d'origine étrangère et de conduire à une meilleure écoute des récits de vie, des parcours de ces personnes depuis leur pays d'origine. Dans leur pratique quotidienne, une meilleure compréhension des différences culturelles leur permet aussi de mieux décoder ce qui relève ou non du culturel et d'aborder, avec les personnes concernées, les attitudes et comportements qui compromettent l'accès à l'emploi. La formation a déjà été mise en œuvre dans plusieurs villes : Strasbourg, Dijon, Orléans, Hyères… En outre, la formation de représentants de l'entreprise offre un outil complémentaire dans la sensibilisation et la mobilisation des acteurs. C'est déjà le cas à Limoges et à Saint-ÉtIenne 2 avec l'appui de FORUM et des clubs d'entreprise de la Fondation agir contre l'exclusion. 1 Olivier Noël, “Jeunes issus de familles immigrées: accès à l'entreprise et processus de discrimination. Les représentations des intermédiaires sur le bassin d'emploi de Narbonne”, ISCRA, septembre 1999. 2 Voir fiche n° 8, STAS. 64 LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL Contacts Voir aussi : M. Christophe Gaeremynck, directeur du PLIE Seine-Eure PLIE Seine-Eure, maison Condorcet 26, boulevard Jules-Ferry 27400 Louviers Tél. : 0232095987 Fax : 0232095981 M. Hamdani, FORUM 10, rue François-Mitterrand 58000 Nevers Tél. : 0386239732 Fax : 0386239732 e-mail : [email protected] Contrat de ville de Louviers/Val-de-Reuil /Pont-de-l'Arche La convention cadre cite comme l'un des six enjeux majeurs "l'intégration des personnes issues de l'immigration et la lutte contre les exclusions". Elle fait état d'une "proportion importante de jeunes de moins de 25 ans (36 % de la population Lovérienne et 50 % de la population de Val-de-Reuil), dont une partie issue de l'immigration, parfois en quête de repères". Elle parle également d'une population de nationalité étrangère supérieure dans les deux communes à la moyenne départementale et deux fois plus touchée par le chômage". VOLUME 1 - 2000 - 65 Fiche 12. AFIJ Action pour les jeunes diplômés issus des quartiers défavorisés Résumé : Sur plusieurs sites en France et tout particulièrement ceux de la politique de la Ville, l’AFIJ a développé une démarche d’accompagnement spécifique en direction des jeunes diplômés issus de l’immigration. À un accompagnement classique proposé à l’ensemble du public jeune diplômé, l’AFIJ a ajouté un suivi individualisé et l’appui de réseaux d’experts. L'objectif est de pallier le handicap principal des jeunes issus de l’immigration : l’absence de réseau relationnel. I. ANALYSE DE L’ACTION L’“Association pour faciliter l’insertion professionnelle des jeunes diplômés” a été créée par l’ensemble des organisations étudiantes représentatives et mutuelles étudiantes en 1994. Depuis l'origine, elle travaille avec un public large de jeunes diplômés, de l’étudiant au salarié occupant un emploi “d’attente” après ses études, en passant par le jeune tout juste diplômé, à la recherche d’un premier emploi, à partir du niveau bac + 2. L’AFIJ compte aujourd’hui 25 sites en France. Elle est principalement financée par le ministère de l’Emploi et de la Solidarité, le ministère de l’Éducation nationale, les collectivités locales et les administrations déconcentrées. Sa méthode d’intervention a toujours été axée sur un travail en collectif, l’AFIJ partant du principe que le public jeune diplômé est autonome. Origine de l’action Trois raisons ont conduit l’AFIJ à lancer cette action : • L’association recevait des jeunes diplômés issus de l’immigration qui exprimaient le problème de la discrimination raciale à l’embauche et le considéraient comme la raison principale de leur difficulté à accéder à un emploi correspondant à leur qualification. • L’AFIJ s’est rendu compte qu’elle recevait proportionnellement peu de jeunes des quartiers en difficulté et d'origine étrangère alors que ceux-ci représentaient un nombre non négligeable de jeunes diplômés et qu'ils semblaient rencontrer des difficultés particulières pour accéder à l’emploi. À Lyon, la directrice régionale explique : “Les jeunes 66 diplômés inscrits étaient tous de Lyon intramuros. Nous n’avions pratiquement personne résidant de l’autre côté du périphérique ; lorsque cela était le cas, ils ne venaient jamais dans nos locaux.” • Des partenaires implantés dans les quartiers (missions locales, PAIO…) ont exprimé auprès de l’AFIJ leur difficulté à traiter les problèmes de cette population de jeunes diplômés, pour lesquels leurs outils n’étaient pas adaptés. Objectifs poursuivis et publics ciblés Au départ, l’action a été guidée par les préoccupations suivantes : - intervenir dans les quartiers de manière nouvelle pour toucher les jeunes diplômés issus de l’immigration en offrant un soutien individuel adapté ; - mobiliser les moyens d’actions collectifs offerts par l’AFIJ à tout le public jeune diplômé en faveur des jeunes diplômés des quartiers défavorisés Et, au cours de la première expérimentation : - faciliter l’accès des jeunes diplômés issus de l’immigration à l’ensemble du marché de l’emploi et donc développer leur réseau relationnel Dans un premier temps, l’AFIJ a ciblé les jeunes diplômés issus de l’immigration. Puis le projet a évolué en direction des jeunes diplômés des quartiers défavorisés. Les jeunes diplômés issus de l’immigration représentent en moyenne au moins 50 % du public accueilli. À Lyon, ils représentent de 55 à 60 % des jeunes diplômés issus des quartiers défavorisés accompagnés par l’association. Diagnostic Pendant la phase d’expérimentation, l’AFIJ a conduit un diagnostic avec le soutien du FAS sur l’insertion professionnelle des jeunes diplômés issus de l’immigration, avec une analyse comparative de l’insertion professionnelle de ce groupe par rapport à celle des jeunes diplômés résidant dans les quartiers relevant de la politique de la Ville et des autres jeunes diplômés. Ce diagnostic a permis d’infléchir la conduite de l’action et de valider certaines hypothèses. L'étude porte sur le public et non sur le comportement des employeurs. Elle révèle LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL plusieurs phénomènes : • Un processus de déqualification : les jeunes diplômés issus de l’immigration sont plus souvent amenés à accepter des emplois inférieurs à leur niveau de qualification. • La plus grande difficulté pour les jeunes issus des quartiers relevant de la politique de la Ville et plus particulièrement pour les jeunes issus de l’immigration à accéder au marché de l’emploi “caché”, alors qu’il est démontré que, au niveau national, les jeunes diplômés trouvent leur premier emploi majoritairement de cette manière : en d’autres termes, la faiblesse du réseau relationnel est une des principales causes des difficultés d’accès à l’emploi des jeunes issus de l’immigration. • Plus le diplôme est élevé, plus il est difficile pour un jeune diplômé issu de l’immigration de trouver un emploi : la discrimination jouerait plus pour des postes à responsabilités. • Une mauvaise orientation scolaire et donc un profil de diplôme particulièrement décalé par rapport au marché de l’emploi seraient également un important facteur de difficulté d’insertion professionnelle. • Des phénomènes d’autodiscrimination se conjuguent parfois à des phénomènes communautaires de repli et à une vision négative de l’entreprise. Le diagnostic a réorienté l’AFIJ • L'intérêt de mettre en place un accompagnement renforcé et d’aller à la rencontre des jeunes afin de répondre aux phénomènes d’autodiscrimination et de repli communautaire. • L'importance de poursuivre l’accompagnement des jeunes jusqu’à ce qu’ils accèdent à un emploi cor respondant à leur qualification afin de lutter contre le phénomène de déqualification. Très concrètement, il est apparu indispensable de poursuivre l’accompagnement pendant que le jeune occupait un emploi “alimentaire”. • La nécessité de développer le réseau relationnel de ces jeunes pour qu’ils aient plus de chances d’accéder à un emploi. • L'intérêt de travailler sur les représentations : celles des jeunes sur le travail, celles des employeurs sur les jeunes diplômés des quartiers défavorisés. L’AFIJ a souhaité rester dans son rôle d’accompagnement du public (les jeunes diplômés). Elle n’est pas entrée dans une action de sensibilisation des employeurs en tant que tels. Démarche et méthodologie Trois temps peuvent être repérés : • Entre 1997 et 1998, l’AFIJ expérimente sur trois sites en France (Marseille, Tours, La Seyne-sur-Mer) un accompagnement spécifique pour les jeunes diplômés résidant dans les quartiers défavorisés. Cette première expérimentation permet de confirmer l’hypothèse de départ concernant les difficultés particulières de ce public pour accéder à l’emploi et la nécessité d’aller au-devant des jeunes. • En 1999 : démultiplication des actions d’accompagnement sur plus de dix sites avec 1 000 jeunes touchés (Grenoble, Lyon, Bourges, Marseille, Nîmes, Paris, Montpellier, Mulhouse, Perpignan, Toulouse, Strasbourg, Tours, Avignon). Expérimentation d’un travail sur la mise en relation individuelle entre les jeunes et des professionnels (réseau d’experts) à partir de septembre 1999. • En 2000, accompagnement de 3000 jeunes diplômés prévus sur dix-huit sites, dont 1000 devraient bénéficier des réseaux d’experts. Éléments principaux de cette méthodologie • Le repérage et mobilisation des jeunes : l’AFIJ va au-devant du public, en travaillant avec les associations de quartiers, les structures de proximité (Missions Locales, PAIO, Mairie, CCAS) pour informer et mobiliser le maximum de jeunes. La convention signée avec la DIIJ en 1998 a facilité l’implication du réseau des Missions Locales. Ce premier élément de méthodologie consistant à avoir une démarche active d’information et de sensibilisation en direction des jeunes est essentiel dans la réussite de l’action. • À cette occasion, un premier entretien d’une heure environ a lieu avec le jeune. Il permet de lui présenter l’accompagnement, de l’aider à ajuster sa recherche d’emploi et de le sensibiliser à la nécessité de se remobiliser pour son insertion professionnelle. • Un suivi individuel est ensuite organisé dans les locaux de l’AFIJ, souvent situés au centre ville. Ce suivi individuel est une nouveauté pour l’AFIJ qui a toujours privilégié l’accompagnement collectif, partant du principe que les jeunes diplômés sont suffisamment autonomes pour assumer leur recherche d’emploi. Ce suivi individuel a été mis en place en raison des difficultés particulières du public en matière d’insertion professionnelle : celui-ci avait vraisemblablement VOLUME 1 - 2000 - 67 besoin d’être mieux armé, d’être remotivé, compte tenu des échecs successifs qu’il avait souvent subis et il devait maîtriser les éléments nécessaires pour mener à bien une recherche d’emploi qualifié. • Le suivi individuel est accompagné du suivi collectif classique proposé par l’AFIJ (modules de formation et rencontres collectives avec des professionnels) et de l’accès à l’ensemble des services existants (centre de documentation…). • Expérimentée auparavant sur le site de Lyon avec d’autres publics (les jeunes diplômés souhaitant travailler à l’international), la mobilisation de réseaux d’experts est devenue un élément clé du dispositif d’accompagnement des jeunes diplômés des quartiers en difficulté. Il s’agit de mettre en relation le jeune avec une personne ressource, un expert, travaillant dans le domaine d’activité et le métier sur lequel le jeune s’oriente afin de le remotiver sur son métier, de lui donner des informations concrètes afin de mieux se positionner, de modifier sa représentation du monde du travail et de lui apporter un “début de réseau professionnel”. Proche du parrainage, l’action s’en différencie en ce qu’elle propose une entrée par les compétences : le réseau d’experts doit être adapté au public, les experts sont identifiés en fonction de leur métier et de leurs compétences. Ces derniers s’engagent uniquement sur un entretien – l’AFIJ étant chargé de l’accompagnement du jeune dans la durée : les deux protagonistes décident ensuite s’ils continuent de se voir et si cela est effectivement nécessaire. La relation peut continuer mais un simple entretien semble déjà apporter une aide importante au jeune. L’association a pris le parti de “sélectionner” ses experts en fonction de leur capacité à donner des informations pertinentes au jeune dans leur domaine de compétence. Des modules d’information leur sont proposés offrant aux experts une meilleure connaissance du public, des formations et une approche des questions de discriminations. Les experts sont repérés parmi le réseau de l’AFIJ, par la cooptation (des experts en trouvent d’autres), par le biais de structures partenaires (CCI, jeune chambre économique, ANDCP, unions patronales locales…). Les arguments utilisés pour les convaincre sont les suivants : - les experts ne s’engagent qu’à un entretien ; - ils n’ont rien à préparer (c’est leur expérience, leur compétence qui est sollicitée) ; 68 - ils reçoivent un jeune de leur secteur d’activité. Le réseau d’experts sur sites est ensuite animé de manière régulière par les chargés de mission, les experts étant encouragés à travailler en réseau (remise d’un annuaire des experts, édition de “la lettre du réseau entreprises” en Rhône-Alpes : “JD et Entreprises”). L’AFIJ constitue et développe un réseau de personnes ressources. Mais elle cherche également à l’adapter en permanence aux besoins de son public. Pour l’AFIJ, il est indispensable que les jeunes aient été suivis et accompagnés avant la mise en relation avec un expert : la plupart ont besoin de faire un travail d’éclaircissement de leur projet et d’améliorer leur positionnement vis-à-vis de l’entreprise. L’action de l’AFIJ est encadrée depuis le 14 juin 1999 par une convention multipartite entre la DPM, la DIIJ et la DIV pour le développement des réseaux d’experts sur l’ensemble du réseau AFIJ. Les partenaires opérationnels sont les opérateurs du marché du travail, particulièrement pour le repérage des jeunes. Les missions locales sont très impliquées notamment à Marseille et à Lyon, ainsi que l’ANPE. Les partenaires financiers de l’action diffèrent selon les territoires, chaque site ayant élaboré son propre financement : le FAS, les collectivités, le parrainage, le DSU, la préfecture, le programme “Nouveaux Services, Emplois Jeunes” ont été sollicités. Coût par jeune : entre 2000 et 2500 F. Lien avec la politique de la Ville L’ensemble des territoires d’intervention relève de la politique de la Ville, dont les financements sont sollicités sur certains sites. Résultats et perspectives Actions 1997-98 : sur 6 mois, 40 % des jeunes ont accédé à l’emploi. En 1999, à Marseille, le taux d’insertion est de 61,5 % ; et 56 % des jeunes ayant accédé à l’emploi sont issus de l’immigration. 250 à 300 professionnels sont mobilisés dans les réseaux d’experts au niveau national, 36 à Lyon et 35 à Marseille. II. ENSEIGNEMENTS DE L’ACTION L’AFIJ n’a pas rencontré de difficultés pour LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL mobiliser les professionnels (les “experts”). Cela s’explique notamment par le fait que la plupart de ces professionnels connaissent au moins un jeune diplômé à la recherche d’un emploi, qu’ils ne peuvent pas aider parce que celui-ci ne se situe pas dans leur domaine de compétence et ne correspond pas à leur réseau. Par ailleurs, la démarche proposée est accessible pour eux car adaptée au service qu’ils peuvent effectivement rendre. L’intervention des experts se situe sur l’aide aux jeunes en difficulté : la thématique de la discrimination raciale est rarement abordée directement, même si des modules de formation proposent de débattre de la question. La sollicitation des employeurs est délimitée : elle peut avoir un impact sur les représentations des experts sollicités mais l’essentiel de l’action de l’AFIJ se situe sur le public. Avec les jeunes diplômés résidant dans les quartiers en difficulté, l’association expérimente un accompagnement individualisé couplé avec un accompagnement collectif. Ainsi, le public est intégré dans les modules d’accompagnement classiques : seul l’accompagnement individuel lui est particulièrement destiné, en raison de ses problèmes spécifiques de motivations (dû à des échecs répétés) et d’une tendance à l’autodévalorisation. Les jeunes diplômés ne sont pas munis d’outils spécifiques par rapport aux autres jeunes suivis par l’AFIJ. Mais ils sont épaulés dans leur démarche… L’AFIJ, identifiée comme une association nationale, a parfois rencontré des difficultés à se faire accepter sur le terrain, les acteurs locaux et notamment ceux de la politique de la Ville craignant l’imposition par le haut d’une méthode de travail sans prise en considération des spécificités locales. Cet obstacle a pu être contourné dans la mesure où l’AFIJ a choisi très vite de s’appuyer sur des structures locales et particulièrement les missions locales. Un autre frein à l’action a consisté à toucher les jeunes ciblés, ces derniers étant très méfiants par rapport aux structures d’aide à l’emploi. L’AFIJ a donc choisi d’aller à la rencontre des jeunes en décentralisant son intervention auprès de différents partenaires et en s’appuyant sur des structures déjà connues des jeunes. L’intérêt de la démarche de l’AFIJ réside bien dans cette attitude dynamique par rapport au public : sans elle, aucune action significative n’aurait pu se mettre en place. Contact Frédérique Lebel, directrice du développement, AFIJ Tél. : 0153638310 Fax : 0153638319 Voir aussi : Contrat de ville de Marseille L’intégration des personnes issues de l’immigration et la lutte contre les discriminations font partie des principes conducteurs du contrat de ville de Marseille. Ils se déclinent dans les différents programmes thématiques et les conventions territoriales. Sur la question de l’accès à l’emploi et en lien avec la CODAC, on développe des actions de parrainage pour les jeunes issus de l’immigration (y compris les jeunes diplômés), et on les informe sur les concours administratifs et leur préparation. VOLUME 1 - 2000 - 69 Fiche 13. ANPE et Leroy-Merlin Marseille Recrutement par la méthode des “habiletés” Résumé : La méthode dite des “habiletés” est utilisée par l’ANPE depuis quelques années pour recruter à des postes de premier niveau dans l’industrie, et depuis peu dans la grande distribution. Cela permet de repérer les habiletés des candidats sur un poste par le biais de simulations. Le recrutement devient ainsi le plus objectif possible. En ce sens, la méthode est un outil de lutte contre les discriminations. L’opération de recrutement menée par Leroy-Merlin et l’ANPE à Marseille a permis à des personnes des quartiers Nord et à des candidats d'origine étrangère d’intégrer l’entreprise. Leurs compétences avaient été reconnues, alors que leur passé professionnel et leur qualification ne correspondaient pas, a priori, aux postes. Un contact a été pris avec l’ALE de Bougainville, chargée de la grande distribution. Celle-ci a accepté de lancer l’opération avec l’appui d’un conseiller professionnel d’une ALE voisine (Sainte-Marthe) ayant déjà utilisé à plusieurs reprises cette méthode sur un autre département. I. ANALYSE DE L’ACTION Objectifs et publics visés Leroy-Merlin fait partie du groupe AUSSPAR. Spécialisé dans le bricolage, il emploie 15 000 salariés en France, dont 1 500 environ dans les régions PACA et LanguedocRoussillon, région dans laquelle se situe le magasin Leroy-Merlin Marseille-Grand Littoral. Pour le recrutement mené à Marseille à l’occasion de l’ouverture du magasin, la responsable du personnel et des ressources humaines du magasin a piloté l’opération en collaboration avec l’agence Locale pour l’emploi de Bougainville. Pour Leroy-Merlin, l’objectif était double : - recruter de manière plus pertinente ; - donner sa chance à toute personne motivée, en dehors des critères de diplômes et d’expérience professionnelle habituels. Origine de l’action Un magasin Leroy-Merlin devait être implanté à Marseille sur la zone commerciale Grand Littoral qui surplombe la Ville. La caractéristique du site de Grand Littoral est d’être entouré par les quartiers Nord de Marseille. Ces quartiers sont en réalité composés de plusieurs zones d’habitations assez espacées. Ils sont caractérisés par un chômage massif et une population jeune majoritairement issue de l’immigration 1. Cette spécificité avait alerté la direction du magasin 2 soucieuse de s’intégrer et de se faire accepter sur ce territoire, conditions 1 2 nécessaires pour que le magasin fonctionne bien et soit rentable. Pendant le chantier, de fortes pressions avaient été exercées par les comités de chômeurs des différents arrondissements. Selon eux, le magasin devait embaucher prioritairement des gens des quartiers Nord. En dehors des personnes résidant dans les quartiers, des élus locaux sont également intervenus auprès de LeroyMerlin pour que la société favorise leur recrutement. Leroy-Merlin ne souhaitait pas embaucher à tout prix des habitants des quartiers en difficulté. Le magasin voulait plutôt se donner les moyens de repérer les compétences de ces personnes et, ce faisant, de leur donner une véritable chance d’être recrutées. En effet, ce public est souvent mis en échec par le système classique de recrutement : - la présentation d’un CV où les périodes non travaillées sont parfois dominantes suscite la méfiance des employeurs ; - le passage d’un entretien, souvent stressant, nécessite de connaître des codes, de maîtriser une certaine forme de communication alors que cela n’est pas nécessaire dans la situation de travail ; - la référence à un diplôme exclut parfois d’office les candidatures de certains d’entre eux. Démarche et méthodologie La méthode des “habiletés” repose sur le principe suivant : au lieu de recruter un Voir fiche n°7, Continent. L’équipe de direction d’un magasin est composée six mois à un an avant l’ouverture. 70 LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL candidat en fonction d’un diplôme acquis (qui n’est généralement pas nécessaire pour le travail demandé) ou d’une expérience professionnelle dans un métier donné, il s’agit de : - définir les habiletés nécessaires pour tenir le poste ; - construire des simulations permettant de mettre en pratique ces habiletés ; - observer les candidats dans la réalisation des simulations. L’utilisation de la méthode suppose que l’entreprise soit prête à ne faire aucune discrimination à l’embauche : âge, sexe, origine, etc. Les seuls critères observés sont les habiletés définies au départ. Dans le cas de Leroy-Merlin, trois types de postes étaient concernés : conseillers de vente, employé logistique et hôtesse de caisse. L’ANPE a commencé par rencontrer les titulaires des postes et des responsables hiérarchiques n + 1 et n + 2 dans un autre magasin de l’enseigne. Cela a permis de définir les trois principales habiletés requises : initiativeautonomie, communication-travail en équipe et travail sous tension 1. L’identification des habiletés a ensuite été validée avec la responsable des ressources humaines régionale. Une fois les habiletés répertoriées, les simulations ont été élaborées par l’ANPE, puis présentées à la direction et testées par des titulaires de postes. Chaque simulation durait deux heures et demie. Elle permettait d’observer plusieurs candidats en même temps. Les agents de l’ANPE chargés disposaient d’une grille d’analyse et d'un barème de notation. Une simulation est composée en réalité de plusieurs événements consécutifs : pour LeroyMerlin, onze événements se succédaient. La succession, minutée, des événements fait partie intégrante de l’exercice : la personne est amenée à changer d’activité à plusieurs reprises. Elle doit faire le choix d’arrêter ou non la première si celle-ci n’est pas terminée, selon son importance. Les règles du jeu étaient présentées au départ : un agent ANPE présentait les profils recherchés par Leroy-Merlin, ses priorités, sa politique commerciale, une réunion plus complète d’information ayant été conduite en amont des simulations. À l’issue de la simulation, la notation globale était établie par l’ensemble des agents. L’annonce déposée à l’ANPE présentait succinctement le poste. Elle ne stipulait aucun autre prérequis. Sur les 640 candidatures déposées au départ, 500 personnes s’étaient rendues aux tests de présélection en communication 2, et 240 avaient été retenues. 210 personnes sur les 240 prévues se sont présentées et ont effectué des simulations. Cela a nécessité plus de 40 jours de travail pour l’ANPE sur le bassin. 72 personnes ont été retenues par le biais des simulations et présentées à l’entreprise. À ce stade, Leroy-Merlin n’avait toujours pas rencontré le moindre candidat ! La dernière phase de recrutement a été réalisée par la direction de Leroy-Merlin sur entretien, afin de retenir les 67 candidats nécessaires. Résultats et perspectives Selon l’ANPE, la méthode permet le recrutement de 20 à 30 % de profils “hors normes”. Cela s’est vérifié pour Leroy-Merlin. Dans un schéma classique de recrutement, une forte proportion de personnes n’auraient pas été embauchées. 67 personnes ont été recrutées, 35 en CDI et 32 en CDD. Leroy-Merlin a recruté plus de personnes que prévu par ce biais. Au départ, seuls 60 postes devaient être pourvus grâce à ce type de recrutement. Sur le total, 63 % des personnes recrutées résidaient dans les quartiers Nord. Ceux-ci représentaient également 50 % des personnes recrutées en CDI. Actuellement, un an après, les personnes recrutées sont toujours en poste. En outre, une quinzaine de personnes d'origine étrangère mais aussi de personnes plus âgées (3540 ans) font désormais partie du personnel. Cela représente une évolution par rapport aux recrutements habituellement pratiqués. L’équipe de direction et les cadres du magasin sont très satisfaits de l’équipe recrutée, la mesure de satisfaction de la clientèle est également excellente. Une grille, élaborée par l’ANPE, répertorie 14 habiletés et permet d’identifier celles que réclame un poste donné. Exercices permettant de repérer chez le candidat la maîtrise de l’expression orale et écrite - sans pour autant exiger une maîtrise parfaite de la grammaire et de l’orthographe, jugée inutile pour les postes proposés - et de notions de calcul. 1 2 VOLUME 1 - 2000 - 71 Pour l’ANPE, l’utilisation de cette méthode lui a permis de se positionner différemment par rapport à l’entreprise en lui offrant un service de recrutement adapté à ses besoins propres. En ce qui concerne les demandeurs d’emploi, le conseiller de l’ALE Sainte-Marthe estime que l’agence a joué véritablement son rôle d’insertion en permettant et facilitant l’accès à l’emploi de chômeurs de longue durée, tout en donnant satisfaction à l’entreprise. Le recrutement pas les habiletés a donné de très bons résultats. Du coup, la direction régionale Sud-Est de Leroy-Merlin y recourt plus fréquemment. À l’occasion d’une ouverture de magasin à Nîmes, la méthode a été également utilisée, à la demande du directeur. À Nîmes, le contexte était différent. La problématique des quartiers n’était pas présente dans la zone d’implantation du nouvel établissement. Mais on a souhaité réaliser un recrutement plus pertinent. À Marseille, l’utilisation de la méthode des habiletés n’a pas permis uniquement d’effectuer le recrutement : elle a également servi à repérer des potentiels, ce qui devrait permettre de faire évoluer les personnes. Compte tenu de l’évolution actuelle du marché de l’emploi (baisse du chômage et déficit de main d’œuvre dans certains secteurs), cette méthode de recrutement sera sans doute de plus en plus utilisée. Sur le sudest, il est prévu de constituer une plate-forme pour le recrutement par les habiletés dans le secteur de la grande distribution : cela permettrait de disposer d’un lieu fixe avec le matériel nécessaire. L’ANPE souhaiterait aussi développer un travail sur la filière sécurité, marquée par l’absence de véritables critères de recrutement. II. ENSEIGNEMENTS DE L’ACTION La méthode des habiletés présente de nombreux avantages pour les demandeurs d’emploi. Ils savent pour quel motif leur candidature a été rejetée. Et, lorsqu’ils ne sont pas retenus, ils ont moins tendance à considérer ce résultat comme un échec. En outre, le caractère ludique des simulations les décontracte. Ils manipulent des objets, interprètent des saynètes, etc. Les postulants se sentent moins stressés qu’en situation d’entre- tien. Ils se prennent au jeu, car ils en connaissent les règles. La notation est un élément important : elle part d’un nombre de points donné et non de zéro. Pour le recruteur, la méthode permet de repérer de façon mesurable des compétences transversales. Celles-là mêmes qui font souvent la diff é re n c e ! La transparence constitue un atout majeur. Face aux pressions des comités de chômeurs, la direction du magasin et la responsable régionale des ressources humaines ont été amenées à organiser une réunion avec l’ANPE en invitant les membres de ces comités. La méthode de recrutement a été présentée à cette occasion. Il a été précisé qu’aucun autre prérequis ne serait exigé. Malgré un débat houleux au départ, les personnes du comité de chômeurs ont été convaincues. Et, par la suite, LeroyMerlin n’a plus rencontré de problèmes. Dans le cas de Leroy-Merlin, certaines difficultés sont cependant apparues. La méthode étant nouvelle, les membres de l’équipe de direction, nommés entre-temps, ont eu la tentation de revenir sur un recrutement classique au moment des entretiens décisifs et de revenir sur des éléments que les simulations avaient déjà permis de valider. Ils souhaitaient aussi voir plus de candidats avant de prendre leur décision. En effet, le faible nombre de personnes proposées (environ 90 pour une soixantaine de postes) était très inhabituel pour eux. Enfin, l’utilisation de cette méthode inquiétait le futur directeur du magasin. Il était difficile pour lui de tester un nouveau mode de recrutement à l’occasion d’une ouverture, forcément stratégique. Par la suite et face aux résultats, il a été emballé ! La méthode peut permettre de lutter indirectement contre les discriminations raciales à l’embauche ou contre toute autre forme de discrimination. En effet, les prétextes utilisés habituellement par les employeurs sont difficiles à retenir 5 : l’habileté à tenir le poste est attestée par l’extérieur. On note ici que, à part dans la phase de démarrage (études des postes et simulations), Leroy-Merlin a laissé l’ANPE conduire le recrutement sans intervenir, jusqu’à la sélection finale. En revanche, la méthode ne peut pas être 5 En effet, comme le dit Olivier Noël, “la discrimination à l’embauche a un caractère latent et systémique “. On assiste le plus souvent à un “déplacement des critères justifiant le refus d’embauche: manque de compétences, profil inadapté, manque d’expérience…” (Olivier Noël, ISCRA, “Notes et Études” n° 2, septembre 1999. “Jeunes issus de familles immigrées; accès à l’entreprise et processus de discrimination. Les représentations et stratégies des intermédiaires sur le bassin d’emploi de Narbonne”.). 72 LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL utilisée avec une entreprise qui pratique une discrimination ouverte et refusera à coup sûr de s'y prêter. Elle s’adresse plutôt aux entreprises qui ne se pensent pas discriminantes, mais qui, dans les faits, recrutent très peu ou jamais de personnes d’origine étrangère. Celles-ci ne seront pas gênées par le postulat de départ : absence de discrimination. Ces entreprises pourront recruter des personnes d’origine étrangère parmi d’autres parce qu’elles auront été repérées comme compétentes. Pour les personnes issues de l’immigration, cette méthode peut combattre la tendance à l’ethnicisation des postes, dans la mesure où les habiletés nécessaires sont repérées en amont. Il reste que l’entreprise effectue le choix final et qu’une objectivité totale du recrutement est impossible à atteindre. La méthode peut réduire une subjectivité défavorable à une catégorie de personnes. Mais elle n’empêchera pas cette subjectivité de s’exercer, à un moment ou à un autre, au détriment d’un individu. La méthode connaît d’autres limites. Compte tenu des moyens et de l’ingénierie nécessaires, elle n’est, pour le moment, utilisée par l’ANPE que pour des recrutements numériquement importants. L’intérêt de cette action réside surtout dans le fait qu’une entreprise n’a pas cherché à adapter et à préparer des personnes “en insertion” à tenir des postes. Mais elle s’est donné les moyens de repérer les compétences nécessaires à son activité. Cela a permis de recruter des personnes qui avaient connu des difficultés. Celles-ci sont recrutées pour leurs compétences reconnues. Elles sont placées dans une situation égale à celle des autres salariés de l’enseigne. Contacts ANPE M. Acqueloque, ALE Sainte-Marthe, Marseille Tél. : 0491103040 Mme Fabienne Zennache, ALE Bougainville, Marseille Tél. : 0491082260 Direction régionale Sud-Est Leroy Merlin : Mme Jacquin Tél. : 0490037407 Mme MARQUEZ Tél. : 0490037400 Voir aussi : Contrat de ville de Marseille L’intégration des personnes issues de l’immigration et la lutte contre les discriminations font partie des principes conducteurs du contrat de ville de Marseille. Elles se déclinent dans les différents programmes thématiques et les conventions territoriales. Sur la question de l’accès à l’emploi et en lien avec la CODAC, on développe des actions de parrainage pour les jeunes issus de l’immigration, y compris les jeunes diplômés. Et on les informe sur les concours administratifs et leur préparation… VOLUME 1 - 2000 - 73 Délégation interministérielle à la Ville (DIV) 194, av. du Président Wilson - 93217 Saint-Denis-La Plaine Direction de la population et des migrations (DPM) 10-16, rue Brancion - 75015 Paris Fonds d’action sociale pour les travailleurs immigrés et leurs familles (FAS) Tour Paris-Lyon - 209, rue de Bercy - 75585 Paris Cedex 12 Direction générale à l’emploi et la formation professionnelle (DGEFP) 7, square Max-Hymans - 75015 Paris MINISTÈRE DE L’EMPLOI ET DE LASOLIDARITÉ MINISTÈRE DÉLÉGUÉ A LAVILLE Réalisation : INSTINCTGRAFIC Imprimé en France : Atelier du Cadratin Septembre 2000 ISBN 2-11-091743-1