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Paris Ouest − Nanterre La Défense Licence Economie-Gestion 1 Année universitaire 2012-2013 Macroéconomie A Enseignants : Alain Ayong Le Kama, Michel Mouillart et Aurélien Saı̈di Travaux dirigés n◦ 4 : CORRECTION MARCHE DU TRAVAIL, EMPLOI ET CHÔMAGE 1 Le marché du travail néoclassique 1. Si dans le langage courant les entreprises offrent des emplois, les économistes considèrent qu’elles demandent le travail. La demande de travail émane de leurs décisions rationnelles visant à maximiser leur profit Π : Π = pF (K, L) − wL − RK, où K et L sont les facteurs de production (capital et travail) et w et R leur rémunération (salaire nominal et coût de capital respectivement). p est le prix du bien produit, en fonction de la technologie associée à la fonction de production F . L’une des conditions (de premier ordre) de maximisation du profit est telle que la dérivée de P i par rapport à L s’annule : ∂Π w =0 ⇒ FL′ (K, L) = . ∂L p Il faut donc que la productivité marginale du travail soit égale au salaire réel. L’intuition économique de ce résultat est la suivante : si PmL > salaire réel alors en embauchant un travailleur une heure supplémentaire (si L est exprimée en heure), cette dernière heure de travail rapporterait à l’entreprise l’équivalent en biens de la productivité marginale du travail (on suppose que les biens produits marginalement pourront être vendus). Or, elle coûte à l’entreprise le salaire réel (horaire). Comme PmL > w/p, l’heure supplémentaire rapporte plus qu’elle ne coûte : il est donc intéressant d’employer le travailleur une heure supplémentaire afin d’augmenter marginalement le profit. Au contraire, si PmL < w/p, la dernière heure coûte plus cher qu’elle ne rapporte : il vaut mieux employer le travailleur une heure de moins, ce qui permettra d’augmenter marginalement le profit. Au final, lorsque PmL = w/p, le profit est maximum. L’une des hypothèses du modèle néoclassique est que la productivité marginale du travail est décroissante. De fait, plus le salaire réel est élevé, plus la demande de travail sera faible (un grand nombre d’heures étant associée à des productivités marginales trop faibles). Inversement, moins le salaire réel est élevé, plus la demande de travail sera élevée (il est optimal pour l’entreprise de faire travailler plus longtemps ses ouvriers mais si leur productivité est faible car le salaire n’est pas très élevé). 2. Symétriquement, ce sont les ménages qui offre le travail (i.e. demandent des emplois). Pour déterminer leur offre de travail, ils arbitrent entre consommation et loisir, de manière à maximiser leur utilité sous contrainte de budget : wℓ + pC = wL̄. 1 On considère ainsi qu’ils sont dotés de L̄ heures de temps (e.g. 24 par jour, ou 16 si l’on déduit le temps de sommeil), qu’ils peuvent allouer à leur consommation (C) ou à leur loisir (ℓ). Les deux biens apportent de l’utilité. Ils vont donc faire en sorte que le dernier euro dépensé en loisir1 et le dernier euro dépensé en consommation leur apportent autant d’utilité (si ce n’était pas le cas, il vaudrait mieux dépenser un peu moins dans le bien qui apporte marginalement moins d’utilité que l’autre). Si Uℓ′ (C, ℓ) et UC′ (C, ℓ) représentent l’utilité marginale procurée par respectivement la dernière unité de loisir et la dernière de bien consommées, alors la condition de maximisation de l’utilité des ménages est : Uℓ′ (C, ℓ) U ′ (C, ℓ) = C . w p Comme l’utilité marginale du loisir (ℓ) est égale au signe près à la désutilité marginale du travail (L), soit Uℓ′ (C, ℓ) = −Uℓ′ (C, L̄ − L), alors la condition de maximisation peut être réécrite : − Uℓ′ (C, L̄ − L) U ′ (C, ℓ) = C , w p i.e. que la désutilité engendrée par le dernier euro gagné doit être compensée strictement par l’utilité apportée par la quantité de biens que permet de consommer ce dernier euro gagné. Plus l’individu va consommer de loisir (ℓ), moins il va offrir de travail (L = L̄ − ℓ). Il est clair (au vue de la condition de maximisation) que l’offre de travail (soit la demande de loisir) et la demande de biens de consommation dépend du salaire réel : − Uℓ′ (C, L̄ − L) w = . ′ UC (C, ℓ) p On peut distinguer deux effets de la variation du salaire réel (e.g. une augmentation) sur l’offre de travail : • Un effet revenu. Si le salaire réel augmente, l’individu est virtuellement plus riche (puisque sa dotation en heures L̄ reste équivalente mais elle est désormais valorisée à un prix w plus élevé par rapport à p qu’avant). L’individu peut donc consommer plus de biens de consommation et plus de loisir. Or, consommer plus de loisir revient à travailler moins. • Un effet substitution. Une augmentation du salaire réel signifie une modification des prix relatifs : le loisir est dorénavant relativement plus cher que le bien de consommation. En conséquence, l’individu va dans son panier de consommation substituer du bien de consommation au loisir. Il va donc consommer plus du bien de consommation et moins de loisir, i.e. offrir plus de travail. Au final, les deux effets se conjugent. L’effet global dépend des préférences de l’individu. Dans tous les cas, si w/p augmente, il consommera plus de biens de consommation. Par contre, les deux effets sont de sens contraire pour ce qui concerne le travail. Si l’effet substitution est supérieur à l’effet revenu, l’offre de travail augmente. Si l’effet revenu est supérieur à l’effet substitution, l’offre de travail diminue. 1 Le loisir a un coût : le salaire nominal. Il s’agit d’un coût d’opportunité : dire que l’individu achète une heure de loisir revient à dire qu’il ne travaille pas pendant une heure, il perd donc l’équivalent du salaire nominal horaire. 2 Sur le marché du travail, il apparaı̂t qu’au niveau agrégé, l’offre de travail est croissante pour de bas niveaux de salaire (effet substitution > effet revenu) puis décroissante pour de plus hauts niveaux de ssalaire (effet revenu > effet substitution). L’idée sous-jacente est qu’à partir d’un certain niveau de salaire, un individu peut, tout en travaillant moins, consommer autant sinon plus. Il va alors préférer jouir du loisir (qui lui procure plus d’utilité) plutôt que d’accroı̂tre de manière trop importante sa consommation de biens. 3. Les quantités de travail et le salaire réel d’équilibre, respectivement L∗ et (w/p)∗ , sont tels que l’offre égalise la demande sur le marché. Soit : w p Ls w∗ p b Ld L L∗ 4. Un chômeur volontaire est une personne qui au salaire réel en vigueur ne souhaite pas offrir de travail, parce que ce salaire réel n’est pas suffisant pour compenser la désutilité induite par le travail. Il n’est pas très standard de le représenter graphiquement dans le cadre du marché du travail. On pourrait cependant le représenter à condition de positionner au sein du graphique les quantités maximales de travail que les n agents sont susceptibles d’offrir, soit nL̄.2 w p Ls ŵ p b b Chômage volontaire L̂s 2 nL̄ L Notons néanmoins que pour obtenir des fonctions d’offre et de demande de travail continues, il faut une infinité d’agents, ce qui implique une quantité maximale de travail offert infinie. 3 Un chômeur involontaire est une personne qui au salaire réel en vigueur est prête à travail mais ne trouve pas à être employée du fait que sa productivité marginale (ce qu’elle rapporte à l’entreprise) n’est pas suffisante pour compenser le salaire réel (ce qu’elle coûte à l’entreprise). De manière très standard, le chômage involontaire se mesure de la différence entre l’offre de travail L̂s et la demande de travail L̂d (dès lors que cette différence est positive) : w p Ls Chômage involontaire ŵ p b b Ld L̂d L̂s L 5. Si l’on prolonge “à gauche” les courbes d’offre et de demande de travail, on s’aperçoit qu’elles sont une nouvelle fois sécantes. Cette situation d’équilibres multiples est très problématique pour les théoriciens car il n’est pas possible de déterminer rationnellement vers quel équilibre va converger l’économie. w p b Ls b Ld L∗1 2 L∗2 L Le marché du travail néoclassique : application 1. La contrainte budgétaire est telle que le ménage ne puisse dépenser plus que son revenu en biens de consommation. Son revenu est double, il se compose de son revenu non-salarial R et de son revenu salarial wL (salaire horaire que multiplie le nombre d’heures travaillées). La dépense du ménage 4 s’élève à 1.C (soit le prix du bien de consommation que multiplie les quantités). La contrainte peut donc s’exprimer ainsi : R + wL ≥ C, ou encore : R + w(T − ℓ) ≥ C. On peut enfin exprimer cette contrainte à l’égalité en faisant réapparaı̂tre à gauche le revenu maximal potentiel (comme si toutes les heures de temps disponible étaient rémunérées au taux w) et à droite le coût de la dépense du ménage en biens de consommation (au prix de 1) et en loisir (dont le coût d’opportunité d’une heure s’élève à w) : R + wT = 1.C + wℓ. 2. Le taux marginal de substitution du loisir à la consommation représente (approximativement) le nombre d’unités supplémentaires de loisir qu’il est nécessaire de conférer au ménage afin de compenser en termes d’utilité la perte (marginale) d’une unité de consommation. Soit, pour un couple (C, ℓ) quelconque : T M Sℓ/C (C, ℓ) = (1/2)C 1/2 ℓ−1/2 C ∂U/∂L = = . −1/2 1/2 ∂U/∂C ℓ (1/2)C ℓ Au point (R, T ), le TMS prend la valeur : T M Sℓ/C (R, T ) = R ≡ wr . T 3. La condition de maximisation pour une solution intérieure est l’égalité du TMS au rapport des prix : C∗ w = ⇒ C ∗ = wℓ∗ , ∗ ℓ 1 alors que la contrainte budgétaire doit être respectée : R + wL = C ⇒ R + wL∗ = w(T − L∗ ) ⇔ L∗ = wT − R . 2w Pour w = wr , l’offre de travail est nul (ce qui est le principe même du salaire de réserve). Pour w < wr , l’offre de travail ne saurait être négative, elle est donc nulle. Pour w > wr , l’offre de travail est strictement positive. D’où : ( 0 pour w ≤ wr ∗ L = wT −R pour w > wr . 2w 4. Comme wr = R/T , si R augmente, l’offre de travail “se déplace” vers la gauche (toutes choses égales par ailleurs). Cela signifie qu’une même quantité de travail offerte requierra un salaire réel 5 plus important. On le constate ainsi avec le salaire de réserve qui augmente également : l’offre de travail sera donc nulle pour des valeurs plus élevées du salaire réel. Il s’agit-là d’un effet revenu standard. Lorsque le revenu augmente, le ménage demande plus de tous les biens normaux, soit plus de biens de consommation et plus de loisir (toutes choses égales par ailleurs, i.e. pour un même salaire réel notamment). Or, demande plus de loisir revient à offrir moins de travail. 5. Pour connaı̂tre l’effet d’une variation du salaire réel sur l’offre de travail, étudions la dérivée suivante : R ∂L∗ = > 0. ∂w 2w2 L’offre de travail augmente donc suite à l’augmentation du salaire réel. On en déduit que l’effet substitution domine l’effet revenu (cf. question 2 de l’exercice précédent). 3 Productivité et emploi 1. La productivité du travail correspond au rapport entre un indice de production (au niveau macroéconomique le PIB ou la VA brute) et une quantité de travail exprimée en effectif. On l’appelle apparente car la production est obtenue non seulement avec le facteur travail mais aussi avec du capital. Or, si le capital augmente (à travail constant), la production augmente, de même que la PAT. On peut donc augmenter artificiellement la productivité si l’on ne tient pas compte dans son calcul de l’ensemble des facteurs. P AT1949 = 221 510 Valeur ajoutée = = 11, 397 Emploi intérieur 19 435, 42 La PAT en 1949 s’élève à 11 397 unités de valeur ajoutée par travailleur. La productivité horaire du travail correspond au rapport entre un indice de production (au niveau macroéconomique le PIB ou la VA brute) et une quantité de travail exprimée en heures. P HAT1949 = Valeur ajoutée 221 510 = = 5, 29 Volume d’heures travaillées 41 834, 68 La PAT en 1949 s’élève à 5,29 unités de valeur ajoutée par heure travaillée. 2. Soit Y la valeur ajoutée et L le nombre de travailleurs employés (en équivalents temps plein). Alors : Y P AT = ⇒ ln P AT = ln Y − ln L L En dérivant cette expression, il vient :3 ˙ P AT Ẏ L̇ = − P AT Y L ⇒ 3 ˆ = Ŷ − L̂, P AT On rappelle que [ln u(t)]′ = u′ (t)/u(t). On note : u′ (t) = u̇(t) = ∂u/∂t, ce qui correspond à la variation de la variable u suite à une variation d’une unité du temps. 6 où û est le taux de croissance de la variable u. Le taux de croissance annuel moyen de la PAT pour la période 49-74 est 4,90% (= 5, 27 − 0, 36 à l’approximation près), 1,89% (= 2, 16 − 0, 27) pour la période 74-98 et 0,65% (= 1, 51 − 0, 85) pour la période 98-10. 3. De la même manière qu’à la question précédente : P HAT = Y H ˆ P HAT = Ŷ − Ĥ, ⇒ où H est le nombre d’heures travaillées. Or, H = L × D, avec D la durée annuelle effective du travail. On en déduit : P HAT = Y L×D ˆ P HAT = Ŷ − (L̂ + D̂). ⇒ 4. Sur la période 1949-2010, le taux de croissance annuel moyen de l’emploi intérieur est de 0,42% par an (= (25 081, 82/19 435, 42)1/61 − 1) et celui de la durée annuelle effective du travail est de -0,56% (= (1 530, 14/2 152, 50)1/61 − 1). On remarque qu’alors que la durée effective du travail a baissé de 0,56% par an, l’emploi n’a augmenté que de 0,42% par an. La hausse de l’emploi n’est donc pas proportionnelle. La différence s’explique mécaniquement par la baisse du volume d’heures travaillées (-0,14% par an). Cette diminution du volume d’heures est due à une forte augmentation de la productivité horaire (+3,44% par an) alors même que la production n’augmentait pas aussi fortement (+3,29% par an). 5. La période de 1949 à 1974, dite des Trente Glorieuses, est une période de forte croissante (les raisons avancées sont multiples : rattrapage d’après-guerre, mode de régulation − fordiste − efficace, etc.) : +5,27% par an. Mais il s’agit aussi d’une période durant laquelle les gains de productivité horaire ont été exceptionnellement élevées, plus élevés que le taux de croissance (+5,45% par an). Ces gains de productivité ont donc conduit à une diminution du volume total d’heures travaillées (-0,17% par an en moyenne). Mais ils ont aussi permis une réduction sensible du temps de travail (les gains de productivité dégagés ayant permis, dans le cadre du mode de régulation, de dégager des marges suffisantes pour augmenter les salaires, augmenter les profits et diminuer le temps de travail). La réduction du temps de travail, supérieure (en pourcentage) à la diminution du volume d’heures travaillées a engendré une croissance de l’emploi (+0,36% par an). La croissance de cette période a donc été riche en emplois. 6. La période de 1974 à 1998 est une période de croissante plus faible, avec un enrayement du mode de régulation fordiste, ainsi que deux chocs pétroliers et des choix en matière de politique économique contestables (notamment la politique de désinflation compétitive et la politique du Franc fort, très défavorable à l’emploi durant les années 90) : +2,16%. Le taux de croissance annuel moyen a été divisé par 2,44 (par rapport à la période 49-74). Cependant, le rythme de croissance de la productivité horaire a lui aussi fortement décéléré : il a été divisé par 2,19 (par rapport à la période 49-74), soit moins que le taux de croissance. Mécaniquement, le volume total des heures travaillées a donc diminué plus fortement qu’à la période précédente (-0,36% par an) alors que la baisse de la durée du travail est restée approximativement stable (-0,59%). De fait, l’emploi a donc augmenté moins fortement que sur la période 49-74. (+0,27 contre +0,36% auparavant). 7 Enfin sur les 15 dernières années, le taux de croissance s’est encore réduit, de même que les gains de productivité horaire, qui pour la première fois sont inférieurs à la croissance de l’économie. Du fait de la relative stabilité de la diminution de la durée du travail par rapport aux périodes précédentes (-0,57% par an), le taux de croissance de l’emploi s’est donc (paradoxalement ?) accru, à des niveaux plus élevés que sur les périodes précédentes. La croissance a ainsi sensiblement ralenti par rapport aux Trentes Glorieuses mais elle est plus riche en emplois. Une explication souvent avancée est la tertiarisation forte de notre économie : les services qui pesaient 56% du PIB en 1970 en représentent plus des trois quarts aujourd’hui. Or, les gains de productivité progressent plus lentement dans ce secteur (les services à la personne, par exemple, ne permettent pas des gains de productivité aussi fort que la chaı̂ne fordiste). 4 Le rôle des prix sur la demande et sur l’emploi 1. Le premier quadrant (en haut à droite) représente le marché du travail néoclassique avec les fonctions d’offre et de demande de travail (qui ont des formes relativement standard). Le deuxième quadrant (en haut à gauche) représente la relation mathématique entre le salaire réel et le prix lorsque le salaire nominal w̄ est fixe. Il s’agit donc du graphe de la fonction définie par f (p) = w̄/p. Le troisième quadrant représente le marché du bien de consommation avec les fonctions d’offre et de demande de biens. Une hypothèse peu usuelle dans le cadre néoclassique est que la demande de biens dépend du salaire nominal (et non du seul salaire réel). On peut considérer par exemple que le salaire nominal est directement relié aux anticipations des ménages : une diminution de leur salaire nominal rend les anticipations plus pessimistes (pour un même prix du bien, ils demandent donc moins de quantités). On remarque que dans la situation initiale w = w̄ > w∗ : au prix d’équilibre en vigueur p∗ (soit celui qui égalise l’offre et la demande de biens sur le marché du bien), le salaire nominal est supérieur au salaire nominal qui permettrait l’équilibre sur le marché du travail. Au salaire réel en vigueur, il y a donc du chômage involontaire. Si l’on suppose que des négociations salariales conduisent à une diminution du salaire nominal en vigueur, qui passe de w̄ à w̄′ , cela signifie-t-il pour autant que le chômage involontaire va diminuer ? Si l’on suit Monsieur C., à prix du bien constant, cette baisse du salaire devrait permettre de se rapprocher de la situation d’équilibre sur le marché du travail, associée à une absence de chômage involontaire. Pour autant, Monsieur C. raisonne toutes choses égales par ailleurs. Monsieur K. introduit une hypothèse alternative : une baisse du salaire nominal (généralisée) diminue la demande. Nous supposerons donc (il s’agit là d’une interprétation de l’exercice) que pour un même niveau de prix, la demande est désormais inférieure. La courbe de demande de biens se déplace donc vers la droite (sur le schéma) et l’équilibre sur le marché du bien s’établit à des niveaux de prix et de quantités inférieurs à ceux d’avant. Mathématiquement, la fonction f se déplace elle aussi. 8 w̄′ p w p Ls b b b b b b w̄ p Ld p L Y d (w̄′ ) Y d (w̄) b b Ys Y On le voit sur le graphique si une faible diminution de w (faible déplacement du graphe de la fonction f ) conduit à une forte baisse de la demande (du fait du fort déplacement de la demande de biens) alors le prix d’équilibre sur le marché du bien va beaucoup baisser. Dans notre contexte, il va même baisser plus fortement que la baisse initiale du salaire nominal, engendrant au final une augmentation du salaire réel. A ce salaire réel, la demande de travail est moindre et les quantités de travail employées inférieures à celles de la situation précédente : le chômage involontaire augmente. Dans le présent cas, les craintes de Monsieur K. sont donc confirmées. 2. Bien entendu, tout cela dépend de la diminution plus ou moins brutale de la demande de travail suite à la baisse initiale du salaire nominal. Dans un raisonnement ceteris paribus, la demande de biens n’est pas modifiée, si bien que le prix d’équilibre du bien reste inchangé. Il existe d’autres configurations compatibles avec le raisonnement de Monsieur C. : si la demande de biens est relativement peu impactée, le prix du bien va diminuer mais moins fortement que le salaire nominal. Le salaire réel va donc baisser et les quantités de travail demandées seront plus importantes : le chômage involontaire va être partiellement résorbé. Si dans le présent cas, les craintes de Monsieur K. sont donc confirmées mais il pourrait en aller autrement. 3. L’élasticité de l’investissement au taux d’intérêt est la variation relative de l’investissement suite à une variation d’un point (de pourcentage) du taux d’intérêt : ε= ∆I/I < 0, ∆r/r où ∆I est la variation absolue de l’investissement suite à une variation ∆r du taux d’intérêt. Souvent, 9 on exprime les élasticités pour des variations infinitésimales (ici de r) : ε = lim ∆r→0 ∂I r ∆I/I = . ∆r/r ∂r I En période de récession ou de croissance ralentie, les anticipations de recettes futures (générées par l’investissement) des entrepreneurs sont à des niveaux planchers. L’efficacité marginale de la plupart des projets d’investissement est donc relativement faible, suffisamment pour qu’une baisse des taux d’intérêt ne permettent pas de les rendre rentables. L’élasticité est proche de zéro. Seuls les investissements incontournables (ou dont les débouchés sont relativement prévisibles et suffisamment élevés) sont mis en oeuvre. L’investissement ne devrait pas connaı̂tre de variation sensible suite à une variation du taux d’intérêt. Comme le dit le proverbe : on ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif (rien ne sert d’emprunter, même à bon marché, si l’on n’attend pas de débouchés suffisants). 4. La notion de trappe à liquidité n’a pas été vue en cours (et ne sera pas vue en-dehors du TD). Il faut donc expliquer aux étudiants (qui ont cependant vu les différents motifs de demande de monnaie) en quoi elle consiste. Il s’agit de leur faire comprendre les mécanismes sous-jacents à IS-LM dans une situation de trappe à liquidité mais sans leur exposer le modèle. On suppose à la suite de Keynes qu’il y a trois motifs de demande de monnaie : motifs de transaction et de précaution (fonctions croissantes du revenu, soit L1 (Y )) et motif de spéculation (fonction décroissante du taux d’intérêt L2 (r)). On rappelle que l’idée sous-jacente au motif de spéculation est que plus le taux d’intérêt est faible, plus il y a d’agents pour considérer qu’il se situe à un niveau anormalement bas et s’attendent à ce qu’il remonte. Or, une hausse anticipée du taux d’intérêt signifie une baisse du prix des titres.4 Les agents vont donc massivement vendre des titres et demander de la monnaie (en attendant la hausse effective du taux d’intérêt). Sur le marché de la monnaie, l’offre (qui émane des institutions monétaires) est supposée constante, égale à M̄ . A l’équilibre : M̄ = L1 (Y ) + L2 (r) Dans le cas standard, une augmentation de M̄ doit être compensée par une hausse de la demande de monnaie afin de maintenir l’équilibre. Pour que la demande de monnaie pour motif de spéculation augmente, il faut que r diminue. Mais si r diminue, l’investissement augmente, ainsi que la demande globale et donc Y (afin de maintenir l’équilibre sur le marché des biens et services). Si Y augmente, alors L1 va aussi croı̂tre. Il existe donc une baisse de r suite à l’augmentation initiale de M̄ qui va conduire à augmenter L1 et L2 et rétablir l’équilibre sur le marché de la monnaie. Cependant, pour Keynes, il existe un niveau du taux d’intérêt en-dessous duquel l’économie ne peut pas descendre, même si M̄ continue d’augmenter. A ce niveau de taux d’intérêt, tous les agents anticipent qu’il ne peut que remonter donc que le prix des titre ne peut que baisser. De fait, toute hausse de la masse monétaire (offre) sera captée par la demande de monnaie pour motif de spéculation sans modifier l’équilibre sur le marché des titres (donc le prix p = 1/(1 + r)). Le taux d’intérêt ne sert plus à rééquilibrer le marché de la monnaie. Il n’est plus modifié par une hausse de M̄ : comme il ne bouge pas, l’investissement donc Y et par suite L1 sont invariants. L’équilibre sur le marché de la monnaie est simplement assuré par le fait que la demande de monnaie pour motif 4 On rappelle qu’un titre qui confère un rendement d’un euro dans un an vaut aujourd’hui p = 1/(1 + r), où r est à la fois le taux d’intérêt et le taux d’actualisation. Il a donc une relation inverse entre p le prix du titre et r le taux d’intérêt. 10 de spéculation augmente d’un montant équivalent à la hausse de l’offre de monnaie. Cette situation dans laquelle une variation de la monnaie n’impacte plus le taux d’intérêt s’appelle une situation de trappe à liquidité (toute offre supplémentaire de monnaie part dans la trappe sans affecter le taux d’intérêt). Puisque le taux d’intérêt ne diminue plus, l’investissement ne saurait être relancé. C’est la situation évoquée par Monsieur K. 5. L’effet d’encaisses réelles a été étudié en cours. Je retranscris ci-dessous le passage du cours relatif à cet effet. L’effet d’encaisses réelles, théorisé par A.C. Pigou, suppose que les agents souhaitent détenir une quantité constante de leur richesse sous forme d’encaisses monétaires réelles. Soit M une quantité de monnaie exprimée en termes norminaux et P le niveau général des prix, alors M/P est le montant des encaisses réelles possédées par l’individu. Pigou suppose que les ménages souhaitent maintenir M/P constant. Dès lors, si P augmente, M/P diminue. Il leur est alors nécessaire d’allouer une part plus importante de leur revenu à l’épargne (et plus particulièrement à la demande de monnaie M ) afin de reconstituer leur stock d’encaisses réelles. Une hausse des prix doit ainsi s’accompagner d’une baisse de la consommation. Inversement, une baisse des prix devrait, selon cet effet, s’accompagner d’une augmentation de la consommation, donc de la demande agrégée. 6. Une prophétie autoréalisatrice est un événement qui survient du seul fait qu’il a été anticipé. Lorsque la prophétie est anticipée par les agents, ils se comportent en conséquence et provoquent de ce fait l’événement qu’ils ont anticipé (qui ne serait jamais survenu sinon). Dans l’exemple cité par Monsieur K., les agents − pessimistes sur l’avenir − anticipent un manque de débouchés, donc une baisse des prix (à offre constante, une baisse de la demande devrait conduire à une diminution des prix). S’attendant à une baisse prochaine des prix, ils vont différer leurs achats, réduisant de ce fait les débouchés. A offre inchangée, la réduction de la demande conduit à une baisse des prix, qui valident les anticipations originelles. En l’absence de toute anticipation, les consommateurs n’auraient pas différé leurs achats, les débouchés n’auraient pas diminué et les prix n’auraient pas baissé. Le problème posé par de telles prophéties est que leur réalisation confortent les agents dans leur pessimisme, qui va perpétuer un peu plus les anticipations, engendrant un cercle vicieux dans la dépression, empêchant tout mécanisme autorégulateur de retour à l’équilibre de plein emploi. C’est là l’une des explications de la longévité de la dépression des années 30. 7. L’hypothèse sous-jacente au modèle de cycle de vie de Ando et Modigliani [1964] est que les individus lissent leur consommation tout au long de leur vie. Ils anticipent donc une baisse de leurs revenus futurs, passé l’âge de la retraite, et épargnent durant toute la période d’activité pour maintenir un haut niveau de consommation lors de leur retraite malgré une baisse de leur revenu. En conséquence de quoi, les actifs sont censés fortement épargner (pour se constituer le patrimoine qu’ils vont progressivement consommer durant leur retraite) alors que les retraités désépargnent (ils consomment leur patrimoine). La réponse de Monsieur K. est tout à fait compatible avec cette hypothèse : une déflation touchant avant tout les débiteurs (leur dette en termes réels s’alourdit), ce sont essentiellement les jeunes qui en seront impactés. 11