La situation économique et financière de l`Islande au printemps 2015

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La situation économique et financière de l`Islande au printemps 2015
La situation économique et financière de
l’Islande au printemps 2015
Résumé
Après une crise économique et financière aigüe en 2008-2009, l’Islande a connu un net redressement de sa
situation économique et, selon les dernières prévisions, elle devrait afficher en 2015 une croissance forte, une
inflation modérée et une dette publique en baisse. L’avenir économique de l’Islande semble prendre forme
autour des secteurs du tourisme, de l’énergie (géothermie, électro-intensifs) et des nouvelles technologies,
alors que la pêche reste une source de revenus substantiels en devises.
La principale hypothèque sur le futur de l’Islande restait l’existence de créances étrangères importantes
héritées de la crise, essentiellement localisées dans les structures de défaisance des trois anciennes banques.
L’annonce le 8 juin 2015 par le gouvernement islandais, d’un projet de stratégie de levée des contrôles de
capitaux constitue une avancée indéniable vers la normalisation de la situation.
Les indicateurs macroéconomiques de l’Islande se sont
nettement améliorés depuis le choc de 2008
La crise financière de 2008 a déclenché un choc majeur pour l’économie islandaise. Dans les années
précédant la crise de 2008, l’Islande a connu une croissance économique rapide, soutenue par d’importants
investissements dans le secteur électro-intensif (aluminium) et dans le secteur de la construction, et un fort
développement à l’international des entreprises islandaises. Mais ce boom économique et financier s’est
accompagné de déséquilibres financiers importants, avec un déficit courant de l’ordre de 30 % PIB et un bilan
du système bancaire représentant jusqu’à 900 % PIB. La crise financière mondiale de 2007-2008 a provoqué
en Islande une crise bancaire, accompagnée d’une crise de change (dépréciation de la couronne de 50 % et
poussée de l’inflation jusqu’à +20 % en 2009) et d’une forte baisse de l’activité (baisse du PIB de -13 % entre
le pic de 2007 et le creux de 2010). Face à la violence du choc, les autorités ont nationalisé le système
bancaire, mis en place des contrôles des changes, et ont demandé à bénéficier de l’aide du FMI.
Six ans plus tard, les indicateurs macro-économiques islandais sont favorablement orientés. Après
une bonne année 2014 (+1,9 % de croissance du PIB), la croissance prévisionnelle pour 2015-2018 reste
forte, aux alentours de +3 % par an, et supérieure à celle des voisins nordiques. La croissance est, pour
l’essentiel, tirée par la demande interne : consommation des ménages (+3,7 % en 2014, avec notamment une
hausse de +30 % des véhicules immatriculés entre 2013 et 2014) mais également investissement (+13,7 %
en 2014 dont logements : +14,9 % et équipements productifs : +15,1 %). Malgré le dynamisme des
exportations (+3,1 %), notamment des services liés au tourisme, l’accélération de la demande interne a
tendance à réduire la balance commerciale, après le record de 2013 (8,3 % PIB).
L’Islande poursuit également la consolidation de ses finances publiques. Le ratio de dette publique
devrait se contracter de 90 % PIB en 2011 à 75 % PIB fin 2014, avec pour objectif 60 % fin 2018, sous l’effet
combiné de la hausse des recettes générée par la croissance et de la diminution des dépenses publiques.
L’île dégage un surplus primaire depuis 2013, et le Parlement devrait adopter prochainement une loi organique
fixant des règles de déficit (limité à -2,5 % PIB, avec un excédent dégagé sur toute période de 5 ans) et de
dette publiques (limitée à 45 % PIB). Le taux de chômage est passé sous la barre des 5 % en 2013, et devrait
se stabiliser à 4 % dans les années à venir selon le FMI. Elevée jusqu’en fin 2013, l’inflation a rapidement
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diminué en 2014 et se situait à +1,6 % en mars 2015 en glissement annuel, en deçà de la cible de la banque
centrale islandaise (+2,5 %).
Aujourd’hui, les principaux points de vigilance sont la surchauffe de l’économie et le redressement de
l’inflation. La croissance à deux chiffres de l’investissement et du secteur touristique s’accompagne de
pressions sur l’offre. Les négociations salariales sont le principal sujet d’incertitude, car les demandes de
revalorisation salariale, bien que soutenues par la hausse des prix des logements notamment, semblent aller
au-delà de ce que les entreprises sont prêtes à consentir. La Banque centrale s’inquiète aussi d’un risque de
redressement de l’inflation et a relevé ses taux directeurs début juin pour envoyer un signal de modération
aux partenaires sociaux. Parallèlement, le gouvernement a également proposé début juin des mesures
fiscales redistributives permettant aux salariés les plus modestes de gagner du pouvoir d’achat tout en
consentant à des revalorisations salariales limitées.
L’Islande mise aujourd’hui sur un nouveau modèle de
croissance basé sur le tourisme, l’énergie et l’innovation
Depuis la sortie de crise, l’Islande développe un nouveau modèle de croissance tourné vers le tourisme,
la pêche (qui bénéficie de la hausse des prix internationaux) et l’énergie.
a. Le développement du secteur touristique s’impose comme la grande réussite économique de l’île
de ces dernières années et le tourisme est devenu en 2013 le premier secteur à l’exportation, avec
près de 26 % du PIB (32 % PIB en considérant les secteurs tourisme-transport). Après une période
de stagnation du nombre de touristes pendant la crise (500 000 touristes par an environ entre 2007 et
2010), l’activité a connu un fort rebond, soutenu par une croissance annuelle à deux chiffres, et plus
d’un million de visiteurs pour 2014. Les touristes français représentent le quatrième contingent, ex
aequo avec la Norvège (6 % des touristes), derrière le Royaume-Uni (19 % des touristes), les EtatsUnis (16 % des touristes) et l’Allemagne (9 % des touristes).
b. La pêche contribue également, de façon plus classique, à la bonne santé économique de l’île. La
hausse de la demande mondiale tire les prix vers le haut ; la valeur totale des prises représentait
environ 8 % du PIB, pour 25 % des exportations de l’île en 2013. L’entrée en vigueur, depuis le 1 er
juillet 2014, de l’Accord de Libre Echange entre l’Islande et la Chine, pourrait contribuer à soutenir la
demande à l’exportation dans ce domaine.
c. Enfin, l’île prévoit de mettre davantage en valeur ses avantages comparatifs dans le domaine de
l’énergie, lui permettant de produire l’électricité verte la moins chère de toute l’Europe, et d’accroître
tant sa capacité de production domestique que la demande en électricité. S’agissant de l’offre,
l’Islande pourrait accroître ses capacités de production électrique (18 TWh environ aujourd’hui,
d’origine entièrement renouvelable : 13 TWh hydroélectricité et 5 TWh géothermie).
S’agissant
de la demande, l’Islande compte, en priorité, développer l’implantation d’électro-intensifs sur l’île
(alumineries, traitement du ferrosilicium, data centers…) : de nouveaux projets relatifs à l’industrie du
silicium pourraient se matérialiser en 2015-2016. Par ailleurs, l’Islande étudie toujours la faisabilité
d’un câble sous-marin lui permettant de vendre son électricité au Royaume-Uni : KPMG estime le coût
du projet de câble, intitulé Icelink et qui figure dans son classement « Infrastructure 100 » pour 2014,
à 5 Mds USD.
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L’agenda pour une levée des contrôles des changes reste
incertain mais l’annonce d’un projet de stratégie par le
gouvernement marque une avancée importante
La crise bancaire de 2008 a laissé des contentieux encore non réglés avec les créanciers des
anciennes banques islandaises, mis en sursis par des contrôles des changes. A l’automne 2008, les trois
principales banques islandaises (Kaupthing, Glitnir et Landsbanki) se trouvaient dans l’impossibilité de
refinancer leurs créances étrangères. Le gouvernement de l’époque a décidé de séparer leurs activités
domestiques, regroupées dans de nouvelles banques nationalisées, de leurs activités étrangères qui ont été
mises sous la gestion de structures de défaisance. En outre, dans un contexte de fuite des capitaux, le
gouvernement avait instauré des contrôles des changes qui sont toujours en place et qui retiennent
aujourd’hui, selon le gouvernement islandais, trois types de capitaux : 1/ des actifs islandais très liquides (cash,
dépôts, pour 15 % PIB environ selon le gouvernement islandais) directement détenus par des non-résidents ;
2/ les actifs à l’actif des structures de défaisance des anciennes banques qui sont elles-mêmes majoritairement
détenues par des créanciers étrangers (environ 45 % PIB selon le gouvernement islandais, dont 25 % PIB
libellés en devises étrangères et 20 % PIB en devise locale) et 3/ des actifs détenus par des résidents (fonds
de pension notamment), qui cherchent à diversifier leur patrimoine (30-40 % PIB selon le FMI).
La question des contrôles est inscrite à l’agenda politique depuis leur mise en place. Une stratégie en
vue de leur levée avait été formulée en 2011 par le précédent gouvernement, et le gouvernement au pouvoir
depuis 2013 a pris plusieurs initiatives concrètes en la matière, avec la réalisation de travaux techniques
pilotés par le Ministère des Finances, assisté de nombreux experts internationaux, rapportant régulièrement
sur la situation vis-à-vis des contrôles de capitaux, et le lancement d’un travail législatif au parlement islandais.
Conformément aux annonces faites en début d’année, le gouvernement islandais a annoncé le 8 juin 2015
un plan de levée progressive des contrôles de capitaux, qui devrait être prochainement approuvé par le
Parlement. A l’issue d’un travail d’analyse préparatoire qui a bénéficié de l’aide d’experts nationaux et
internationaux, le gouvernement a identifié deux poches de risques : les actifs des structures de liquidation
des trois anciennes banques Glitnir, Kaupthing et Landsbanki (500 Mds ISK en monnaie islandaise et 400
Mds ISK en devises), et les actifs liquides en monnaie islandaise détenus par des résidents étrangers (« ISK
offshores », 300 Mds ISK). Les créanciers des anciennes banques auraient deux options pour sortir leurs
capitaux d’Islande : le paiement d’une « taxe de stabilité » de l’ordre de 39 % sur le total des actifs ou
l’élaboration de plan de sortie respectant plusieurs conditions garantissant un impact maitrisable sur la balance
des paiements ; c’est vers cette seconde solution que les trois anciennes banques semblent s’orienter, avec
la présentation de propositions incluant des « contributions à la stabilité ». La sortie des « ISK offshore » serait
gérée par des mécanismes d’enchères garantissant l’équilibre sur le marché des changes. Les premières
échéances inscrites dans le communiqué, qui n’indique pas de calendrier contraignant, portent sur la fin 2015
pour l’évaluation des actifs des anciennes banques.
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