Propos introductifs à l`initiation au 2e degré : Compagnon Franc

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Propos introductifs à l`initiation au 2e degré : Compagnon Franc
Propos introductifs à l'initiation au 2e degré : Compagnon Franc-Maçon
Je dédie ces propos à Claude Lévi-Strauss, maître du structuralisme, qui vient de partir, à
l'âge combien symbolique de cent ans, à la découverte du monde du souvenir et du mythe
que ses frères humains ont déjà commencé à lui construire.
Le structuralisme, n'est-ce pas une version moderne de la méthode analogique chère aux
initiés, et le mythe la mise en scène de la conciliation des contraires ? Le mythe, à la base
de tous les degrés du REAA !
Je dédie ces propos aussi à Marcel F., notre cher et éminent Frère, passé Président et
Président d'Honneur de ses multiples Ateliers, qui vient lui aussi de franchir les portes de
l'Orient éternel, Marcel qui a été pour nous un guide et un exemple de force, de conviction et
de fidélité.
Le 2e degré : Compagnon ! Passage de la pénombre de la première colonne du Temple, à la
pleine lumière de la seconde, accomplissement de l'initiation maçonnique traditionnelle. Car
le Maître, au 3e degré, n'est que le Compagnon qui se parfait en assumant la charge de
diriger les Travaux et d'assister les Frères sur leur chemin. Le Temple n'a bien que deux
colonnes et cette cérémonie est là pour nous conduire de la première à la seconde.
Bien sûr, ce chemin, c'est le chemin de toute une vie, et le REAA est là pour nous aider dans
ce cheminement, graduellement.
Notre VM m'a demandé de focaliser mon propos sur un point particulier du Rituel, mais j'ose
m'aventurer sur le chemin de traverse de la transgression, et je vais vous proposer non un
point mais un fil d'Ariane. Je vais vous proposer ce qui pour moi est l'un des deux messages
essentiels du deuxième degré : le passage de l'un au multiple, du soi au monde, le passage
de la perpendiculaire au niveau, de la rigueur de l'axe à la liberté du plan. C'est d'ailleurs la
mission qui nous est donnée à la clôture des travaux au 1er degré : poursuivre au dehors
l'œuvre commencée dans le Temple.
Voici donc quelques unes des nombreuses illustrations de ce passage de l'un au multiple,
que la cérémonie de ce soir va nous faire revivre.
Il est demandé au récipiendaire de découvrir le monde extérieur, de se réaliser et de
s'exprimer, à la fois matériau (Booz : en force) et constructeur (Jakin : j'établirai), de se
construire, SOI, comme colonne vivante et originale, en s'inspirant des MULTIPLES ordres
d'architecture et arts libéraux. Puis l'astronomie nous apprend que le soleil qui brille à la
droite de l'Orient, source UNIQUE de lumière et de chaleur pour la sphère terrestre, n'est
que l'un des MULTIPLES astres qui brillent sur la sphère céleste, à la gauche de l'Orient.
Le Compagnon découvre donc le MULTIPLE au-delà de l'UN mais les missions de l'Apprenti
ne sont pas caduques, elles restent impératives. L'Apprenti avait appris "Un le Tout". Le
travail du Compagnon est de découvrir à travers la DIVERSITÉ de sa propre nature et du
monde extérieur, l'HARMONIE de leur infrastructure, de découvrir l'ORDRE du monde
derrière son CHAOS apparent, aidé tout au long de sa quête, s'il le veut bien, du REAA.
Le passage de l'UN au MULTIPLE, c'est aussi le passage du delta rayonnant à l'étoile
flamboyante. Le delta, le triangle, c'est le trois me direz-vous, ce n'est pas l'Un. C'est quand
même l'unité du ternaire de l'Apprenti : thèse – antithèse – synthèse. Le REAA symbolise
cette unité du ternaire par le delta et le Grand Architecte de l'Univers, le UN, delta rayonnant
depuis son œil central, principe créateur, source de Vérité et de Connaissance.
L'étoile flamboyante, elle, c'est le MULTIPLE de ces cinq branches. Le G central, lui-même,
a maintenant PLUSIEURS interprétations : le GADLU, comme pour le delta, mais aussi celui
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qui a été élevé jusqu'au faîte du Temple, l'initié parfait que nous nous efforçons de devenir.
Ce centre mystérieux qui rayonnait dans le delta, flamboie maintenant dans l'étoile.
Revenons au début de la cérémonie, où il est dit que le Compagnon passe de la
perpendiculaire au niveau. Le UN, la perpendiculaire, c'est la connaissance de soi :
"Connais-toi toi-même". Le MULTIPLE, c'est la connaissance de l'univers et des autres, des
sept arts libéraux, des cinq grands initiés. Le précepte de Delphes est parfois prolongé par : "
… et tu connaîtras l'univers et les dieux", les dieux, c'est-à-dire la DIVERSITÉ des
représentations de l'UN, de l'in-fini que l'esprit humain a pu concevoir jusqu'ici : Dieu, le tout
Autre, le divin, l'absolu, la transcendance, l'immanence, le sur-moi etc.
La perpendiculaire : plongée vertigineuse du MULTIPLE des apparences à la recherche de
celui que je suis, de l'UN que je suis, mais aussi plongée de l'in-fini dans le monde, mythes
de l'incarnation divine et de l'assomption humaine.
La perpendiculaire définit UN axe vertical, le niveau génère une INFINITÉ de directions
horizontales, un plan. Le niveau : angoisse de l'errance sur ce plan qui ne s'orientera qu'avec
l'initiation, mythe de l'exil et du retour, marche du Compagnon.
Enfin, première illustration de l'Un / multiple au tout début de la cérémonie : le premier mot
prononcé par le futur Compagnon, shibolet. Merveilleux shibolet. Mot hébreu naturalisé
français, bien que rare ! Le petit Robert en donne la définition suivante : épreuve décisive qui
fait juger de la capacité d'une personne ! Le rituel ne fait qu'une allusion furtive à l'origine de
ce mot de passe. Je me permettrai donc de développer un peu plus. Ce mot fait allusion à
une anecdote du livre des Juges (Jg 12.5-6), un des livres les plus sanguinaires de la Bible.
Les tribus d'Israël sont entrées en Terre promise mais nomadisent encore par petits groupes
querelleurs, s'affrontant sans cesse entre eux et avec les villageois environnants. Nous
sommes dans la région de Galaad, au nord-est du Jourdain, dans les années -1100. Un de
ces petits groupes, dirigé par Jephté, est allé razzier tout seul les ammonites, au sud. Le
groupe frère d'Éphraïm, furieux de ne pas avoir été associé à cette razzia, traverse le
Jourdain et vient combattre Jephté. Mais celui-ci a le dessus, il se poste auprès des gués du
fleuve et pour reconnaître les fuyards leur demande de dire shibolet. Les éphraïmites ne
savent pas prononcer le shin, ils disent sibolet et sont alors fraternellement égorgés. Cette
anecdote, archaïque, reprend ainsi le mythe des frères ennemis et du fratricide, mythe que le
Compagnon Franc-Maçon revivra lui aussi, le moment venu … shibolet prémonitoire …
Shibolet : UN mot, DEUX sens : épi et torrent. Une racine commune : tourbillon. Un épi, c'est
une tige, UN axe vertical autour duquel rayonne, tourbillonne la MULTITUDE des grains. Le
torrent, c'est la MULTITUDE des tourbillons d'une eau toujours renouvelée, et pourtant c'est
toujours LUI, le torrent.
En Apprentis, épelons maintenant shibolet : shin-beth-lamed-tav.
Shin, lettre particulièrement sacrée de l'alephbeth, l'esprit de Dieu, l'UN, c'est aussi pour
l'initié, l'intuition de l'in-fini. Mais cette lettre se prononce de DEUX façons : shin et sin. Dans
shibolet, la prononciation correcte est shin.
Tav : dernière lettre de l'alephbeth, fin du cycle, qui conduit à l'aleph du cycle suivant. Tav,
c'est la racine T, aussi bien sémitique qu'indoeuropéenne, racine de la 2e personne du
singulier, tu, toi, mon Frère.
Shibolet : entre ce shin du tout-Autre et ce tav de l'autre, le beth et le lamed, première et
dernière lettre du pentateuque, la Loi sacrée, cœur des multiples mythes et légendes
pieusement recueillis et transmis, trace de cet impossible relation de l'homme à l'in-fini,
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sacralisée pour que la lettre s'efface derrière le symbole, et que le symbole inspire chacun,
personnellement, dans son élan quotidien de dépassement de lui-même.
Shibolet : le shin bien prononcé nous offre la liberté de passer, de franchir le fleuve de la vie,
mais le shin mal prononcé nous plonge dans le fleuve de la mort. Lorsqu'elle est pratiquée
éclairée par les trois grandes Lumières de la FM, notre quête initiatique nous accomplit ;
lorsqu'elle est pervertie par les passions ou l'ambition elle nous conduit à l'égarement de
l'esprit ou à l'enfermement fanatique.
Shibolet : le chemin du je au tu, de l'UN au MULTIPLE, passe par LA connaissance, c'est-àdire à la fois par le cœur, par l'intellect et par le souffle de l'inspiration spirituelle.
Je conclurai en m'inspirant de l'Étoile de la Rédemption, œuvre maitresse de Franz
Rosenzweig, la rédemption étant prise ici au sens de travail en vue du progrès moral, du
bien social. Et je proposerai de définir l'action du Compagnon Franc-Maçon par : "faire
flamboyer LE delta rayonnant de la connaissance et de l'amour du GADLU dans LES
branches de l'Étoile de la Rédemption".
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Michel D . .
Année2009
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