meditation, pleine conscience et traitement cognitif des obsessions
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meditation, pleine conscience et traitement cognitif des obsessions
MEDITATION, PLEINE CONSCIENCE ET TRAITEMENT COGNITIF DES OBSESSIONS. L. Dantin Centre Hospitalier Ravenel, BP 199, 88507 Mirecourt cedex L’article envisage le recours à la méditation de pleine conscience dans le traitement comportemental et cognitif de certains sous types de troubles obsessionnels compulsifs (TOC). Le principal promoteur de la pleine conscience dans le champ de la souffrance psychologique en Occident est le Dr. J. Kabat-Zinn, qui la définit comme un état de conscience résultant d’une attention portée volontairement sur l’expérience vécue au moment présent, sans jugement. Au début des années 80, Kabat-Zinn élabora un programme de réduction du stress (MBSR) pour des patients hospitalisés cancéreux et /ou douloureux chroniques. Segal, Williams et Teasdale (2006) développaient un programme de prévention de la rechute dépressive ou thérapie cognitive basée sur la pleine conscience pour la dépression (MBCT). D’autres scientifiques (Marsha Lineman et Marlatt) incluaient des techniques de pleine conscience au sein de thérapies plus spécifiques (thérapie comportementale dialectique et prévention des rechutes des addictions). Contrairement aux thérapies comportementales et cognitives « classiques », la Mindfulness vise à accepter comme telles les cognitions dysfonctionnelles : les pensées ne sont pas le reflet de la réalité. LE PROCESSUS DE LA PLEINE CONSCIENCE Il s’agit d’hypothèses relatives aux mécanismes d’action vraisemblablement générés par une pratique régulière de la Mindfulness (Philippot, 2006). Le programme MBCT recommande aux participants de pratiquer la méditation de pleine conscience 45 minutes quotidiennement pendant 8 semaines : - Exposition prolongée avec prévention de la réponse d’évitement ou de fuite de l’expérience refusée - L’entrainement à la focalisation attentionnelle permet le désamorçage des boucles de rumination des pensées automatiques désagréables. - Relativisation, mise à distance du contenu des pensées et images - Acceptation active et équanime des pensées, émotions, sentiments et sensations. - Amélioration dans la connaissance des modes de réactions spontanés. - Relaxation, effet latéral et non systématique de la pleine conscience. LE MODELE THEORIQUE DES OBSESSIONS-COMPULSIONS DE DAVID CLARK Clark propose une théorie innovante centrée sur le contrôle cognitif des obsessions (2007). Selon lui, tout échec dans les processus actifs de refoulement et de suppression des pensées – notamment les pensées intrusives déplaisantes- serait considéré, dès lors, comme la manifestation, voire la faillite du système de contrôle cognitif. Il en résulterait une augmentation de nouvelles tentatives de contrôle ainsi qu’un accroissement dans la fréquence et la détresse liées aux obsessions. Ces dernières années ont vu l’émergence et le succès des techniques cognitives en complément de la méthode comportementale d’exposition à la pensée obsédante avec prévention de la réponse ritualisée. Il est apparu judicieux d’envisager certains mécanismes psychopathologiques impliqués dans les troubles obsessionnels à l’aune de la pleine conscience. Le phénomène de fusion penséeaction, bien que répandu parmi d’autres troubles anxieux, est également très actif chez les sujets qui souffrent de toc : l’idée de l’irruption d’une pensée déplaisante témoignerait de l’imminence de la réalisation de son contenu nocif. La relativisation des pensées induite par la Mindfulness pourrait amener à réduire ce processus. L’acceptation active via la pleine conscience des contenus psychiques, émotionnels et sensoriels constituerait un frein puissant aux réactions automatiques excessives de contrôle impliquées dans le renforcement des pensées obsédantes. Le recours à la pleine conscience apparait donc comme un allié objectif de la technique d’exposition avec prévention de la réponse ritualisée. Conclusion A première vue, méditation pleine conscience et troubles obsessionnels compulsifs ont peu de choses en commun. Or la méditation pleine conscience consiste en une attitude de non jugement et d’acceptation attentive des processus mentaux et sensoriels conscients, quelque soit le caractère de l’expérience vécue, sans discrimination. A ce titre, il ne parait pas infondé de concevoir le recours raisonné à des techniques de Mindfulness dans le traitement de certains sous types de troubles obsessionnels compulsifs, connaissant par ailleurs l’utilisation des mêmes techniques dans la prévention des rechutes dépressives et dans le traitement des phobies sociales. Le propos de cet article repose sur la singularité d’un cas clinique (celui d’une patiente présentant principalement des obsessions d’agressivité physique et sexuelles et motivée par la proposition de méditation pleine conscience). Il ne s’agit pas de présumer des conséquences du recours à la méditation pleine conscience à d’autres sous types de troubles obsessionnels compulsifs (obsessions idéatives pures, syndrome de lenteur obsessionnelle). En vue de prolonger la réflexion, des modalités d’application concernant les indications, les limites selon le type d’obsession, les formats et le déroulement des séances mériteraient d’être éprouvées. C’est à ce prix que la méditation pleine conscience, qui semble opportune au développement personnel de chacun dans sa vie quotidienne, se verra reconnue ou non par la communauté scientifique comme un authentique adjuvant à l’endroit des troubles obsessionnels compulsifs. Journal de thérapie comportementale et cognitive. 2007