Optimisation. La nouvelle frontière du gain de

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Optimisation. La nouvelle frontière du gain de
SYSTÈ MES D'INFORMATION
SAVOIR-FAIRE
Prévoir les dérives
de production
en temps réel
Optimisation. La nouvelle frontière du gain de productivité dans les ateliers ?
L'analyse statistique prédictive des données de production et leur restitution
en temps réel aux opérateurs. La technologie existe. Reste à l'intégrer.
es méthodes d'amélioration
continue des processus
atteignent leurs limites.
« Après dix ans de
méthode Six sigma, nous
avons
buté
sur
l'exploitation des données et nous
n'obtenions plus les gains de qualité
attendus », constate Patrick Burille,
responsable process chez Rhodia. Il
fallait trouver d'autres moyens pour
caractériser les paramètres critiques et
redescendre
l'information
aux
opérateurs.
Comme chez le chimiste, après la
vague de développement des ERP et
une préoccupation à répondre au
mieux à la demande des clients et à
améliorer la planification, les
industriels cherchent de nouveaux
leviers de productivité. Ils se penchent sur l'atelier en se concentrant
sur l'information de production. «La
tendance est au traitement en temps
réel des données et à leur restitution
aux opérateurs pour anticiper les
dérives», observe François-Xavier
Renard, consultant avant-vente MES
chez l'éditeur Aspentech. L’industrie
de process est là plus demandeuse
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L'USINE NOUVELLE
LES ENJEUX
INDUSTRIELS
> Optimiser les réglages.
> Détecter les anomalies.
> Limiter les arrêts
des machines.
> Accélérer
les processus.
> Diminuer le
taux de rebuts.
> Stabiliser la qualité
de production.
que les industries mécaniques, déjà
très automatisées. « Le facteur
temps y est crucial et la productivité étroitement liée à la qualité des
équipements. D'où la nécessité de
suivre en temps réel l'évolution des
systèmes », explique Xavier
Daubignard, ingénieur d'affaires
chez l'intégrateur Atos Origin.
Pour autant, les éditeurs n'ont
pas de solutions toutes prêtes pour
aider les entreprises à diminuer la
variabilité des process et à aug-
N'2934 / 7 OCTOBRE 2004
menter la qualité finale des
produits. Si les systèmes de MES
(Manufacturing Execution System)
apportent une vision en temps réel
du fonctionnement d'un procédé
(temps de cycle, taux de marche,
rendements...), ils ne fournissent
pas d'analyse prédictive. Les MSP
ou SPC (Statistical Process
Control) fournissent eux des
éléments d'aide à la décision, mais
restent souvent déconnectés des
installations. Un important travail
d'analyse et d'intégration est donc
nécessaire.
VALORISER
LES DONNÉES
DISPONIBLES
Première étape: collecter des informations en connectant automates et
capteurs à une base de données.
Mais mettre en place un MES ne résoud pas tout. Loin s'en faut. Ces
logiciels,
qui
extraient
et
enregistrent en temps réel les
paramètres de fonctionnement d'un
procédé sont très lourds à mettre en
place.
« Les grands projets qui
visent à mettre en oeuvre les
onze fonctions d'un MES en
même temps ont vécu. La
tendance est plus à se
focaliser sur une deux
fonctions
déterminantes
pour la production »,
constate Xavier Daubignard.
Encore faut-il définir sur
quel levier il est le plus
urgent d'agir. Dans ce
domaine,
de
nouveaux
logiciels permettent des
analyses
statistiques
et
probabilistes des paramètres
RHODIA PREVOIT VIRTUELLEMENT LA QUALITE DE CHAQUE BATCH
LE PROBLÈME
Sur le site de Ribécourt (Oise),
Rhodia produit en mode
discontinu du latex. Les réacteurs
sont gérés par des automates,
mais les données de production
étaient sousexploitées. Pour
vérifier la conformité
d'un lot, il était
nécessaire d'envoyer
un échantillon de
chaque batch au
laboratoire pour
analyse avant le
transfert de cuve.
LA SOLUTION
TECHNIQUE
Depuis juillet 2003,
l'entreprise utilise un
système informatique
autoadaptatif,
développé par Miriad
Technologies, qui permet
d'anticiper la quantité d'adjuvant
qu'il est nécessaire de rajouter au
batch de latex pour obtenir la
qualité demandée par les clients
sans attendre le résultat du
laboratoire. Après apprentissage
des comportements du système,
sur la base de données
historiques et des règles jusquelà
appliquée empiriquement, le
capteur virtuel analyse en temps
réel les données de chaque cycle.
II avertit les opérateurs des
actions à mener. Un écran est
dédié à cette nouvelle application
en salle de contrôle.
LES BÉNÉFICES
Chez Rhodia,
des capteurs
virtuels
accélèrent la
production du
latex.
considérés dans leur contexte pour
déterminer les plus influents. «Le
MES nous permet de surveiller une
vingtaine de paramètres en temps
réel, dont trois ont été définis par
les algorithmes de l'éditeur Pertinence comme influents », raconte
Jean-Pierre
Bonnet,
directeur
industriel
de
MetalTemple,
fabricant français d'éléments de
boîtes de vitesse en acier, filiale du
L'application a été rentable en
moins de six mois. Elle permet de
supprimer l'attente des résultats
de tests en laboratoire (une
heure). Les coûts d'analyse ont
été diminués. La réorganisation
du groupe a freiné l'extension du
système sur d'autres sites.
groupe Teksid Aluminium (voir
«L'Usine Nouvelle » n°2920 du 3
juin 2004). Les autres données sont
utilisées pour ajuster les règles de
conduite des machines en fonction de
l'évolution du système, mais il
manque un traitement en temps réel
de ce calcul.
Une nouvelle approche consiste à
étudier les corrélations entre les
paramètres influents dans un système
complexe., puis à extraire un
indicateur global. Une méthode qui
commence à être déployée dans les
usines de Renault au niveau du
contrôle qualité des caisses. En bout
de chaîne, quatre robots de mesure
par vision surveillent individuellement 80 points. En étudiant ces
mesures, le logiciel d'analyse multidirectionnelle de l'éditeur GPC System permet d'établir plus rapidement
des relations entre les dérives des
différents points. « Ce système va
nous faire gagner du temps dans
l'analyse de la dérive lente de nos
processus et améliorer notre
réactivité », explique Thomas
Dalançon, responsable innovations
des systèmes de mesure et contrôle
du département assemblage et
géométrie au Technocentre de
Guyancourt du constructeur automobile. Le logiciel est en cours de
probation dans trois usines. Le module « Temps réel », (suite page 80)
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L'USINE NOUVELLE
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/// (suite de la page 79)
qui permettra d'indiquer aux opérateurs sur quel
point agir, sera déployé dans un
second temps.
" Il faut mettre l'opérateur
au centre de la problématique"
XAVIER DAUBIGNARD
Ingénieur d'affaires MES chez Atos Origin
S'APPUYER SUR
LES DONNÉES
DE L'HISTORIQUE
Faire parler les données peut aussi
signifier anticiper en temps réel
révolution d'un système en fonction
des paramètres de production sur la
base des enseignements tirés de
l'historique. L' éditeur Miriad
Technologies a ainsi créé un
indicateur
de
vieillissement
empirique pour des équipements de
transformation chimique. « Nous
avons pu développer un modèle qui
va fournir aux opérateurs une
assistance à la conduite pour éviter
un vieillissement prématuré des
catalyses à base de carbone utilisées
dans la fabrication d'acide acétique»,
raconte Lise Layellon, ingénieur
développement procédé chez Acetex
Chimie.
Si les logiciels sont de plus en plus
intelligents, il ne faut pas sousestimer le problème de la connexion
entre les équipements et le système
d'information. Ainsi, un industriel du
bâtiment, fabricant de mortier de
façade, souhaitait connecter un système statistique à ses installations de
pesage. Démarche innovante dans
cette industrie en pleine croissance et
toujours en quête d'optimisation de
ses
installations.
Le
système
développé permet d'anticiper les
dérives dans les dosages des matières
à mélanger avant que le produit ne
devienne non conforme. Il remplace
(observation directe a posteriori par
les opérateurs. Mais le logiciel
d'analyse n'était pas prévu pour être
connecté aux outils de supervision. Il
a fallu tout développer. En cours de
déploiement sur neuf sites, il est
accessible
via
l'intranet
de
l'entreprise.
COMMUNIQUER
L'INFORMATION
AUX OPERATEURS
c Pour améliorer la productivité, il
est de plus en plus nécessaire de
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L'USINE NOUVELLE
“La nouvelle frontière du gain de productivité se trouve dans les
ateliers. Après avoir optimisé la planification, avec la mise en place
de progiciels de gestion intégrés et les outils de supply chain, les
entreprises cherchent aujourd'hui à améliorer l'analyse des données
de production. Mais pour être efficace, il est nécessaire d'impliquer
les opérateurs. II faut d'une part les rassurer. La mise en place d'un
nouveau système informatique, qui analyse en temps réel ce qui se
passe, engendre toujours une crainte d'être surveillé.
Il faut également les motiver. Par exemple, lorsque l'on veut
demander à des opérateurs de saisir des informations en temps réel,
sur les causes de l'arrêt d'une machine ou sur les actions menées
pour corriger une dérive, il faut en retour leur restituer une information
utile. Leur donner, par exemple, une vision globale de l'impact de leur
travail sur l'ensemble de la chaîne ou du processus. Et donner de la
visibilité est toujours rentable. Un industriel de l'agroalimentaire a
ainsi vu son taux de rendement synthétique (TRS) augmenter de 2%
rien qu'en installant un système
de traçabilité et de saisie des arrêts des machines, accessible à tous.
Dans ce cas, c'est l'émulation entre les équipes qui a joué. ”
sensibiliser les opérateurs car ils
peuvent réagir plus rapidement.
Mais il ne faut pas leur donner
qu'une vision tronquée limitée à
leur machine », explique Alain Le
Solliec, responsable de l'activité
intelligence industrielle chez l'édi-
N'2934 / 7 OCTOBRE 2004
teur Factory Systèmes. Les entreprises optent ainsi de plus en plus
pour une solution de portail qui
permette un accès personnalisé aux
données enrichies d'informations
extérieures. On peut, par exemple,
y publier un cahier de marche, pour
le passage des consignes entre
équipes. La présentation de l'information est également très importante pour l'adoption des systèmes. Rares sont pourtant encore
les entreprises, qui, comme L'Oréal, ont réalisé un vrai travail
d'ergonomie pour les interfaces
des logiciels de production. La
plupart se contentent d'utiliser des
codes couleur simples (rouge,
orange et vert) et des bandeaux
clignotants pour les alertes. A
Toulouse,
Siemens
VDO
Automotive a toutefois défini, il y
a déjà sept ans, une charte simple
pour ses interfaces. «Les écrans
sont toujours découpés en trois
zones et celle réservée au message
principal occupe un tiers de
l'espace », explique Ludovic
Berthier,
développeur
chez
l'intégrateur Altidev.
Techniquement,
l'interface
classique est constituée d'un PC.
«Nous avons dédié un écran au
suivi statistique en temps réel
d'une chaîne d'extrusion pour
visualiser les éléments qui
permettent de prendre rapidement
les bonnes décisions », explique
François Fasano, responsable
support
et
développement
informatique pour le site de
Sarralbe du chimiste BPS-PE (exSolvay). Quelquefois, comme
dans la pharmacie, il est doté d'un
écran tactile. « L'utilisation d'assistants personnels électroniques
(PDA) reste toutefois anecdotique
et réservée aux opérateurs très
mobiles », remarque Xavier
Daubignard, ingénieur d'affaires
MES chez ATOS Origin.
« Attention, l'implication des
opérateurs dans la maîtrise de leur
activité de production implique
une refonte du management»,
prévient Christian Guers, ancien
directeur d'usine chez Honeywell,
aujourd'hui
responsable
du
développement pour l'Europe chez
l'éditeur Axeda. Conscient du
problème, chez Rhodia, Patrick
Burille a délégué le volet
«conduite du changement au
management du site de Ribécourt.
« II ne faut pas que le système soit
imposé d'en haut. Il a d'abord fallu
obtenir
l'adhésion
du
management», explique-t-il. Et
changer les habitudes n'est jamais
simple.
AURÉLIE BARBAUX

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