gonzALo gARcíA pELAyo
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gonzALo gARcíA pELAyo
Ciném a Gonzalo García Pelayo en trois questions Comment votre cinéma a-t-il été affecté par la Transition démocratique après le franquisme ? Gonzalo García Pelayo : Avec la fin de la censure, j’ai ressenti une liberté dont j’avais rêvé, en particulier par rapport au sexe. Un aspect très important de la Transition a été de se débarrasser de cette répression sexuelle. Sans oublier la liberté politique. Vous avez aussi été producteur de musique et animateur radio. Quel rôle joue la musique dans vos films ? Gonzalo García Pelayo : Celui de scénario. Souvent, ce n’est pas la musique qui accompagne le cinéma, mais le cinéma qui accompagne la musique. Dans tous mes films, certaines séquences ne sont là que pour illustrer la musique, qui fait parfois partie du scénario, à travers les paroles. Vous avez dit vouloir « laisser le témoignage d’une certaine Andalousie. » Est-ce un témoignage anthropologique ? Documentaire ? Gonzalo García Pelayo : J’espère qu’on pourra le considérer comme anthropologique, mais ce n’est pas réfléchi de ma part. Je filme des personnes et des situations que je connais et que j’ai envie de partager avec les spectateurs. (…) J’aime montrer de manière documentaire, en les intégrant avec légèreté à l’action du film, les gens et les choses que j’aime, mes enfants, les Andalous… Portrait de Gonzalo García Pelayo, 2013 Photo Fernando Fernándeze : Tucha Basto Propos recueillis par le Jeu de Paume en décembre 2013. photographie : Tucha Basto 5 Ciném a films présentés VIV(R)E LA VIE ! Symphonie underground Le cinéma de Gonzalo García Pelayo Manuela de Gonzalo García Pelayo Espagne, 1975, 35 mm, 105’ z Le premier film de Gonzalo García Pelayo, Manuela, est le seul qu’il a réalisé avec un système de production classique et des acteurs professionnels. Très librement adapté du roman homonyme de l’écrivain sévillan Manuel Halcón, le film peut être considéré comme une critique subtile et personnelle de la forme cinématographique traditionnelle. L’expérimentation avec le son et la musique et le désir de repousser les frontières d’une grammaire figée aboutissent à une œuvre inspirée et impressionniste tournée pendant les derniers jours de la dictature. Manuela (1975) La comédienne Charo López, éblouissante de séduction, incarne Manuela, fille du braconnier Jarapo, assassiné par un propriétaire terrien. Elle est la flamme à laquelle se brûlent des vies qui s’entrecroisent : la vie de celui qui deviendra son mari (Máximo Valverde), celle du propriétaire terrien Don Ramón (Fernando Rey), celle du mystérieux gardien du domaine El Moreno, et de quiconque croise sa route, son ardeur, sa beauté et son aplomb. Mais Manuela est également le symbole de la vie et de la fertilité des champs andalous. Luis Buñuel s’est inspiré de ce film pour sa dernière réalisation Cet obscur objet du désir (1977). z Vivir en Sevilla [Vivre à Séville] de Gonzalo García Pelayo Espagne, 1978, 35 mm, 108’ Vivir en Sevilla (1978) Vivir en Sevilla est l’œuvre totale de Gonzalo García Pelayo, son film le plus équilibré précisément parce qu’il s’agit d’un collage fait d’un mélange d’éléments très divers (cinéma de fiction, documentaire anthropologique, cinéma-vérité, agitation brechtienne…) raccordés de la façon la plus parfaite et spontanée. Tandis que l’histoire d’amour entre Miguel et Ana referme lentement le cercle de son épreuve du feu (naissance de l’amour, mise à l’épreuve de leur amour et renouvellement final des vœux), Pelayo et ses complices ouvrent des perspectives sur les multiples facettes des sentiments tout en composant la symphonie d’une ville et de ses habitants. Réalisé peu après la mort de Franco, Vivir en Sevilla brosse en même temps le portrait d’une société qui s’ouvre sur les nouveaux horizons offerts par la démocratie à l’issue de près de quatre décennies d’oppression et de censure sous la dictature. 6 Ciném a Frente al mar (1978) z Frente al mar [Face à la mer] de Gonzalo García Pelayo Espagne, 1978, 35 mm, 83’ Paulino Viota a comparé ce road movie libertin à La philosophie dans le boudoir du marquis de Sade, une dissertation philosophique autour de la sexualité qu’on aurait tort de consommer comme un vulgaire porno soft du destape (le « déshabillage ») post-franquiste. Trois couples voyagent de Séville à Chipiona (Cadix) afin de découvrir ce qui se cache derrière leurs conventions sociales, linguistiques et psychologiques à partir de pratiques échangistes civilisées qui déboucheront sur un échangisme sentimental inattendu. On retrouve dans ce film tourné la même année que Vivir en Sevilla la plupart des acteurs, corps et voix qui incarneront au plus près l’idée du cinéma de Gonzalo García Pelayo. Les deux œuvres témoignent de la découverte par le cinéaste d’un chemin pour transmettre, via l’image et le son, le bouleversement et la joie devant un monde qui apparaissait tout neuf. L’un des films préférés de Pedro Almodóvar. z Corridas de alegría de Gonzalo García Pelayo Espagne, 1982, 35 mm, 87’ Corridas de alegría (1982) Nouveau road movie rafraîchissant et drolatique du cinéaste, Corridas de alegría contient tous les ingrédients indispensables pour assurer la carrière commerciale dont rêvait son producteur : sexe et action dans une suite d’épisodes rythmés par les rencontres farfelues des deux héros sur les routes d’Andalousie. Miguel, prisonnier en cavale, cherche vengeance et sa petite amie Diana. Il croise sur son chemin Javier, bonneteur extraverti, qui met sa voiture au service de la folle équipée. García Pelayo détourne les genres (destape, film noir, mélodrame, comédie) pour composer sa vision du monde, hybride entre hédonisme libertaire et utopie régénératrice. La musique joue une nouvelle fois un rôle essentiel : Alameda, Medina Azahara, Ricardo Yunque ou encore Gualberto sont les compagnons de route du couple en cavale. z Roció y José [Rocío et José] de Gonzalo García Pelayo Espagne, 1983, 35 mm, 75’ Roció y José (1983) L’un des pèlerinages les plus anciens de l’Europe chrétienne est la romería du Rocío, où les pèlerins viennent vénérer la Vierge du Rocío (Notre-Dame de la Rosée), la Blanche Colombe. Gonzalo García Pelayo filme le pèlerinage de Triana à El Rocío avec le regard d’un anthropologue teinté par la mémoire cinéphile classique et recrée une espèce de temps mythique dans lequel passé, présent et futur semblent suspendus. La poussière, la lumière et la naissance de l’amour entre un couple d’enfants et un couple d’adolescents sont les personnages principaux de ce film d’une beauté époustouflante alliant mysticisme et récit anthropologique. La bande-son, composée majoritairement des traditionnelles sévillanes de la romería (sevillanas rocieras), est là encore d’une importance fondamentale : comme toujours chez le cinéaste, la musique est documentaire et fiction, témoignage d’une époque et pure affectivité. 7 Ciném a z Alegrías de Cádiz [Alegrías de Cadix] de Gonzalo García Pelayo Espagne, 2013, numérique, 119’ « Je n’ai jamais cessé d’aimer le cinéma, maintenant qu’il a l’air de m’aimer, j’ai décidé de revenir. » Gonzalo García Pelayo Alegrías de Cádiz (2013) Trente ans après la réalisation de son dernier film, Gonzalo García Pelayo revient au cinéma avec une nouvelle création. Alegrías de Cádiz (variante festive du chant flamenco caractéristique de la ville de Cadix) oscille entre témoignage documentaire et argument fictionnel à la manière de Vivir en Sevilla (1978), où une histoire d’amour s’entremêle avec le portrait d’une ville et de ses habitants. Des acteurs, professionnels et amateurs, originaires de Cadix jouent aux côtés des troupes du Carnaval avec leurs singulières interprétations pleines d’inventivité. Paulino Viota z Contactos [Contacts] de Paulino Viota Espagne, 1970, 16 mm, 64’ Contactos (1970) 1969, Paulino Viota arrive à Madrid pour tenter d’intégrer l’École officielle de cinéma. Après avoir échoué aux épreuves d’entrée, il décide de rester et de réaliser son premier long métrage totalement en marge de l’industrie cinématographique. C’est de ce projet que naît Contactos, film singulier dans le panorama espagnol de l’époque où s’entrecroisent la réflexion sur le langage cinématographique et le militantisme politique de gauche. Profondément inspiré par d’autres arts, notamment par les sculpteurs basques Chillida et Oteiza, Contactos explore la notion de vide et les temps morts pour parler de la dureté de la vie sous le franquisme et du quotidien d’une existence clandestine. C’est une provocation dirigée contre le spectateur et ses habitudes de réception d’un cinéma dont la grammaire est essentiellement fondée sur les raccourcis. Une jeune fille et deux amis se croisent dans une pension de famille madrilène, dans la rue, au travail. Les deux hommes se cachent et semblent vivre dans une sourde angoisse. On a l’impression que tout se passe dans le hors champ, sans que rien n’arrive réellement. Le spectateur devine leurs activités clandestines à travers leurs rituels quotidiens et machinaux. Contactos fut projeté un an après sa sortie à la Cinémathèque française à l’initiative d’Henri Langlois. Noël Burch y fait référence dans plusieurs de ses essais sur le cinéma et le considère comme l’un des films les plus importants des années 1970. 8 Ciném a z Cuerpo a cuerpo [Corps à corps] de Paulino Viota Espagne, 1982, 35 mm, 82’ Cuerpo a cuerpo (1982) Cuerpo a cuerpo est le troisième et dernier long métrage de Paulino Viota. Douze années le séparent de son premier film, Contactos (1970) et quatre du deuxième, Con uñas y dientes (1978) [Bec et ongles]. Entretemps, il y a eu de nouvelles expériences et des lectures, le visionnage de nouveaux films, des projets avortés… rien d’étonnant à ce que l’on perçoive la distance qui les éloigne, même si l’on peut jeter des ponts entre les trois films, comme le lien qui relie les personnages interprétés par Guadalupe G. Güemes, ou encore une attitude persistante dans l’expérimentation avec le langage cinématographique. Ce qui est en jeu ici ce n’est pas tant la recherche d’une expressivité à travers la structure formelle que le travail avec les acteurs en partant d’une idée théâtrale : le scénario se construit autour des improvisations des acteurs avant le tournage du film, de sorte que le film devient, pour reprendre les paroles du cinéaste, un documentaire sur les acteurs ou, du moins, une espèce de documentaire sur les personnages. Film choral sur les relations de couple et l’apparente impossibilité de la rencontre, Cuerpo a cuerpo repose, comme le suggère le titre (« Corps à corps »), sur un jeu d’oppositions et de contrepoints : entre les lieux (Santander l’été / Madrid l’hiver), entre l’action des situations mises en scène ou entre les deux générations des personnages (les jeunes Pilar, Ana et Jorge / les adultes Mercedes, Eugenio et Miguel). Pour cette fresque sur les relations de couple, la trace du passage du temps et la perte de la jeunesse, le cinéaste récupère des fragments inédits de son court métrage Fin de un invierno (1968) [La fin d’un hiver] et ravive non seulement les images mais aussi certains des intérêts et préoccupations de ses premiers films amateurs. 9 Ciném a Calendrier Soirée d’ouverture « VIV(R)E LA VIE ! Symphonie underground. Le cinéma de Gonzalo García Pelayo »* Mardi 18 mars 19 h Manuela de Gonzalo García Pelayo (1975, 102’, vo st ang) Avant-première en France présentée par le cinéaste, Álvaro Arroba, critique de cinéma, et Marina Vinyes Albes, programmatrice du cycle Vendredi 21 mars 11 h 30 Rocío y José [Rocío et José] de Gonzalo García Pelayo (1983, 79’, vo st fr) Avant-première en France présentée par le cinéaste Week-end spécial « Flamenco » Avant-premières + table ronde + concert à l’occasion du cycle « VIV(R)E LA VIE ! Symphonie underground. Le cinéma de Gonzalo García Pelayo » Samedi 22 mars 15 h Vivir en Sevilla [Vivre à Séville] de Gonzalo García Pelayo (1978, 112’, vo st fr) Avant-première en France 17 h Table ronde “Bande son d’une époque : flamenco et musique underground, des années 1960 aux années 1980” avec le cinéaste, Jean-Marc Adolphe, journaliste et critique de danse, Chantal María Albertini, spécialiste du Flamenco, et Pedro G. Romero, artiste 19 h Concert à pleine voix de la cantaora Inés Bacán accompagnée à la guitare par son fils José Bacán Dimanche 23 mars 14 h 30 Frente al mar [Face à la mer] de Gonzalo García Pelayo (1978, 87’, vo st fr) Avant-première en France présentée par le cinéaste 16 h 30 Corridas de alegría de Gonzalo García Pelayo (1982, 74’, vo st fr) Avant-première en France présentée par le cinéaste et Pedro G. Romero, artiste *Réservation indispensable : [email protected] 10 Ciném a Mardi 25 mars 19 h Alegrías de Cádiz [Alegrías de Cadix] de Gonzalo García Pelayo (2013, 119’, vo st ang) Avant-première en France présentée par le cinéaste Vendredi 28 mars 11 h 30 Corridas de alegría de Gonzalo García Pelayo (1982, 74’, vo st fr) Samedi 29 mars 16 h 30 Frente al mar [Face à la mer] de Gonzalo García Pelayo (1978, 87’, vo st fr) Dimanche 30 mars 16 h 30 Rocío y José [Rocío et José] de Gonzalo García Pelayo (1983, vo st fr) Mardi 1er avril 19 h Vivir en Sevilla [Vivre à Séville] de Gonzalo García Pelayo (1978, 112’, vo st fr) Séance présentée par Alfonso Crespo, critique de cinéma Vendredi 4 avril 11 h 30 Alegrías de Cádiz [Alegrías de Cadix] de Gonzalo García Pelayo (2013, 119’, vo st ang) Week-end spécial « Paulino Viota – Gonzalo García Pelayo » Samedi 5 avril 14 h Manuela de Gonzalo García Pelayo (1975, 102’, vo st ang) Séance présentée par Paulino Viota, cinéaste et professeur de cinéma 16 h 30 Contactos [Contacts] de Paulino Viota (1970, 64’, vo st fr) Séance présentée par le cinéaste et Marina Vinyes Albes Dimanche 6 avril 14 h 30 Cuerpo a cuerpo [Corps à corps] de Paulino Viota (1982, 82’ vo st fr) Avant-première en France présentée par le cinéaste 16 h 30 Sélection de court-métrages de Paulino Viota Avant-première internationale présentée par le cinéaste suivie de la présentation de l’édition internationale du coffret Paulino Viota avec sa filmographie complète 11